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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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taux naturel, et que les consommateurs de l’intérieur, ne pouvant l’acheter que d’eux, sont<br />

obligés de la payer plus cher 154 .<br />

Quand, au lieu d’une prohibition absolue, on oblige seulement l’importateur à payer un<br />

droit, alors on donne au producteur de l’intérieur le privilège d’élever les prix des produits<br />

analogues, de tout le montant du droit, et l’on fait payer cette prime par le consommateur.<br />

Ainsi, quand, à l’introduction d’une douzaine d’assiettes de faïence qui vaut trois francs, on<br />

fait payer à la douane un franc, le négociant qui les fait venir, quelle que soit sa nation, est<br />

forcé d’exiger quatre francs du consommateur ; ce qui permet au fabricant de l’intérieur de<br />

faire payer les assiettes de même qualité jusqu’à quatre francs la douzaine. Il ne le pourrait<br />

pas s’il n’y avait point de droits, puisque le consommateur en trouverait de pareilles pour<br />

trois francs : on donne donc au fabricant une prime au droit, et cette prime est payée par le<br />

consommateur.<br />

Dira-t-on qu’il est bon que la nation supporte l’inconvénient de payer plus cher la plupart<br />

des denrées, pour jouir de l’avantage de les produire ; que du moins alors nos ouvriers, nos<br />

capitaux sont employés à ces productions, et que nos concitoyens en retirent les profits <br />

Je répondrai que les produits étrangers que nous aurions achetés n’auraient pu l’être<br />

gratuitement ; nous les aurions payés avec des valeurs de notre propre création, qui auraient<br />

employé de même nos ouvriers et nos capitaux ; il ne faut pas perdre de vue qu’en résultat<br />

nous achetons toujours des produits avec des produits. Ce qui nous convient le plus, c’est<br />

d’employer nos producteurs, non aux productions où l’étranger réussit mieux que nous,<br />

mais à celles où nous réussissons mieux que lui, et avec celles-ci d’acheter les autres. C’est<br />

ici le cas du particulier qui voudrait faire lui-même ses souliers et ses habits. Que dirait-on<br />

si, à la porte de chaque maison, on établissait un droit d’entrée sur les souliers et sur les<br />

habits, pour mettre le propriétaire dans l’heureuse nécessité de les fabriquer lui-même Ne<br />

serait-il pas fondé à dire : laissez-moi faire mon commerce, et acheter ce qui m’est<br />

nécessaire avec mes produits, ou, ce qui revient au même, avec l’argent de mes produits <br />

Ce serait exactement le même système, mais seulement poussé plus loin.<br />

On s’étonnera que chaque nation soit si empressée à solliciter des prohibitions, s’il est<br />

vrai qu’elle n’en recueille point de profit ; et, se fondant sur ce que le propriétaire d’une<br />

maison n’a garde de solliciter pour sa maison une pareille faveur, on en voudra conclure<br />

peut-être que les deux cas ne sont pas parfaitement semblables.<br />

La seule différence vient de ce que le propriétaire est un être unique, qui ne saurait avoir<br />

deux volonté, et qui est encore plus intéressé, comme consommateur de ses habits, à les<br />

acheter à bon marché hors de chez lui, qu’à jouir, en sa qualité de producteur, d’un<br />

monopole qui ne pèserait que sur lui.<br />

154 David Ricardo, dans un livre qu’il a publié en 1817, sous le titre de Principes de l’Économie <strong>politique</strong> de<br />

l’impôt, observe avec raison, à l’occasion de ce passage, que le gouvernement ne saurait, par une prohibition,<br />

élever un produit au-dessus de son taux naturel ; car alors les producteurs de l’intérieur, en se livrant à ce genre<br />

de production, en ramèneraient bientôt, par leur concurrence, les profits au niveau de tous les autres. Je dois<br />

donc, pour expliquer ma pensée, dire que je regarde le taux naturel d’une marchandise comme étant le prix le<br />

plus bas auquel on peut se la procurer, sois par la voie du commerce ou par toute autre industrie. Si l’industrie<br />

commerciale peut la donner à meilleur marché que les manufactures, et si le gouvernement force à la produire<br />

par les manufactures, il force dès lors à préférer une manière plus dispendieuse. C’est un tort qu’il fait à ceux qui<br />

la consomment, sans qu’il résulte pour le fabricant indigène un profit équivalent à ce que le consommateur paie<br />

de plus ; car la concurrence intérieure force le fabricant à réduire ses profits au taux général des profits qu’on<br />

peut faire sur ce genre de manufactures. Il ne jouit d’aucun monopole. C’est sous ce point de vue que la critique<br />

de Ricardo est fondée ; mais la mesure que je combats n’en est que plus mauvaise. Elle augmente, au détriment<br />

des consommateurs, la difficulté naturelle qui s’oppose à la satisfaction de nos besoins, et c’est sans profit pour<br />

personne.

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