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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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ien en expédiant des marchandises dont l’exportation est permise 150 . Tant mieux, ditesvous<br />

; ces marchandises auront fait gagner nos fabricants. Oui ; mais la valeur de ces<br />

marchandises exportées est, pour le pays, une perte de capital, puisqu’elle n’entraîne point<br />

de retours. Elle féconde l’industrie étrangère au lieu de la vôtre. Voilà un vrai sujet de<br />

crainte. Les capitaux cherchent les lieux où ils trouvent de la sûreté et des emplois lucratifs,<br />

et abandonnent peu à peu les lieux où l’on ne sait pas leur offrir de tels avantages ; mais,<br />

pour déserter, ils n’ont nul besoin de se transformer en numéraire.<br />

Si l’exportation du numéraire ne fait rien perdre aux capitaux de la nation, pourvu<br />

qu’elle amène des retours, son importation ne leur fait rien gagner. En effet, on ne peut faire<br />

entrer du numéraire sans l’avoir acheté par une valeur équivalente, et il a fallu exporter<br />

celle-ci pour importer l’autre.<br />

On dit à ce sujet que si l’on envoie à l’étranger des marchandises au lieu de numéraire,<br />

on procure par là à ces marchandises un débouché qui fait gagner à leurs producteurs les<br />

profits de cette production. Je réponds que lorsqu’on envoie du numéraire à l’étranger, c’est<br />

précisément comme si l’on y envoyait des produits de notre industrie ; car les métaux<br />

précieux dont nous faisons commerce, ne nous sont pas donnés gratuitement et sont<br />

toujours acquis en échange de nos produits, soit d’avance, soit après coup. En général, une<br />

nation ne peut payer une autre nation qu’avec ses produits, par une raison bien claire ; c’est<br />

qu’elle n’a pas d’autre chose à donner.<br />

Il vaut mieux, dit-on encore, envoyer à l’étranger des denrées qui se consomment,<br />

comme des produits manufacturés, et garder les produits qui ne se consomment pas, ou qui<br />

se consomment lentement, comme le numéraire. Mais les produits qui se consomment vite,<br />

s’ils sont les plus recherchés, sont plus profitables que les produits qui se consomment<br />

lentement. Forcer un producteur à remplacer une portion de son capital soumise à une<br />

consommation rapide, par une autre valeur d’une consommation plus lente, serait lui rendre<br />

souvent un fort mauvais service. Si un maître de forges avait fait un marché pour qu’on lui<br />

livrât à une époque déterminée des charbons, et que, le terme étant arrivé, et dans<br />

l’impossibilité de les lui livrer, on lui en donnât la valeur en argent, on serait fort mal venu à<br />

lui prouver qu’on lui a rendu service, en ce que l’argent qu’on lui offre est d’une<br />

consommation plus lente que le charbon.<br />

Si un teinturier avait donné dans l’étranger une commission pour de la cochenille, on lui<br />

ferait un tort réel de lui envoyer de l’or, sous prétexte qu’à égalité de valeur c’est une<br />

marchandise plus durable. Il a besoin, non d’une marchandise durable, mais de celle qui,<br />

périssant dans sa cuve, doit bientôt reparaître dans la teinture de ses étoffes 151 .<br />

S’il ne fallait importer que la portion la plus durable des capitaux productifs, d’autres<br />

objets très durables, le fer, les pierres, devraient partager cette faveur avec l’argent et l’or.<br />

Ce qu’il importe de voir durer, ce n’est aucune matière en particulier : c’est la valeur du<br />

capital. Or, la valeur du capital se perpétue, malgré le fréquent changement des formes<br />

matérielles dans lesquelles réside cette valeur. Il ne peut même rapporter un profit, un<br />

150 Quand on fait sortit des capitaux en prenant des lettres de change sur l’étranger, cela revient exactement au<br />

même : on ne fait que se substituer à la place de celui qui y a fait des expéditions de marchandises. Il vous donne<br />

le droit d’en recevoir la valeur, et cette valeur reste à l’étranger.<br />

151 On peut voir, au livre III, où il est traité des consommations, que, dans les consommations improductives,<br />

les plus lentes sont en général mieux entendues que les plus rapides ; mais ceci n’est pas vrai des consommations<br />

reproductives. Ici, les plus rapides sont les meilleures, parce que plus tôt le capital est reproduit, et moins on perd<br />

d’intérêts, plus on recommence souvent la production avec le même capital. La rapidité des consommations,<br />

d’ailleurs, ne regarde pas particulièrement les marchandises d’importation ; car, sous ce rapport, l’avantage ou<br />

l’inconvénient des consommations rapides est le même, soit que les produits viennent du dedans ou qu’ils<br />

viennent du dehors.

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