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Revue : Témoigner entre histoire et mémoire - n° 119 (décembre 2014) : Dossier : Il y a 70 ans, Auschwitz. Retour sur Primo Levi

27 janvier 1945. Il y a 70 ans les premiers soldats de l’Armée rouge pénétraient dans le camp d’Auschwitz marquant définitivement ce que l’on pourrait appeler sa « libération », bien qu’Auschwitz n’ait été, pas plus qu’aucun autre camp nazi, un objectif prioritaire pour aucune des forces alliées. Primo Levi faisait partie des quelques rescapés qui, échappant aux évacuations forcées, étaient restés cachés à Auschwitz. Juif, déporté, chimiste, témoin, écrivain, retour sur cette personnalité complexe, sur son ascension vers ce qu’il a appelé le « rescapé professionnel », sur son œuvre. Sur ce que les mots « résistance », « engagement » ont signifié pour lui.


27 janvier 1945. Il y a 70 ans les premiers soldats de l’Armée rouge pénétraient dans le camp d’Auschwitz marquant définitivement ce que l’on pourrait appeler sa « libération », bien qu’Auschwitz n’ait été, pas plus qu’aucun autre camp nazi, un objectif prioritaire pour aucune des forces alliées. Primo Levi faisait partie des quelques rescapés qui, échappant aux évacuations forcées, étaient restés cachés à Auschwitz. Juif, déporté, chimiste, témoin, écrivain, retour sur cette personnalité complexe, sur son ascension vers ce qu’il a appelé le « rescapé professionnel », sur son œuvre. Sur ce que les mots « résistance », « engagement » ont signifié pour lui.

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INTERVIEW<br />

JANINE<br />

ALTOUNIAN<br />

« J’ai senti physiquement<br />

ce que c’était que d’appartenir<br />

à une minorité discriminée »<br />

PORTFOLIO<br />

“PERPETRATORS”<br />

Après <strong>70</strong> <strong>ans</strong> de « Plus<br />

jamais ça », c’était bien<br />

la moindre des choses<br />

<strong>119</strong><br />

3 / <strong>2014</strong><br />

<strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong><br />

Testimony b<strong>et</strong>ween history and memory<br />

revue internationale de la fondation auschwitz / auschwitz foundation international quarterly<br />

DOSSIER<br />

IL Y A <strong>70</strong> ANS, AUSCHWITZ<br />

RETOUR SUR<br />

PRIMO LEVI<br />

18 EUROS


ENFIN LIBÉRÉS!<br />

LES BELGES DANS LES<br />

CAMPS ALLEMANDS<br />

À partir du 2 avril 2015<br />

à la Kazerne Dossin<br />

<strong>et</strong> au Fort de Breendonk<br />

LIBERATION! BELGIAN<br />

PRISONERS IN THE<br />

GERMAN CAMPS<br />

Opening on 2 April 2015<br />

in Kazerne Dossin and<br />

Fort Breendonk.<br />

Kazerne Dossin<br />

Goswin de Stassartstraat 153<br />

B-2800 Mechelen – Belgique<br />

Téléphone lun-ven :<br />

+ 32 (0) 15 29 06 60<br />

(info <strong>et</strong> reservations)<br />

Téléphone sam-dim :<br />

+ 32 (0) 15 28 86 40<br />

(numéro d’urgence)<br />

Kazerne Dossin<br />

Goswin de Stassartstraat 153<br />

B-2800 Mechelen – Belgium<br />

Tel. number Mon-Fri:<br />

+ 32 (0) 15 29 06 60<br />

(info and reservations)<br />

Tel. number Sat-Sun:<br />

+ 32 (0) 15 28 86 40<br />

(only for emergencies)<br />

Le musée est ouvert :<br />

Tous les jours de 10h00 à<br />

17h00. Fermé le mercredi.<br />

Le musée est fermé :<br />

Le mercredi, le jour de Noël,<br />

le Nouvel An <strong>et</strong> les jours<br />

de fêtes juives (Rosh Hashana<br />

<strong>et</strong> Yom Kippour).<br />

The Museum is open:<br />

All week from 10 AM - 5 PM<br />

except on Wednesdays.<br />

The Museum is closed:<br />

On Wednesdays, on Christmas<br />

and New Year’s Day,<br />

and on Jewish holidays<br />

(Rosh Hashana, Yom Kippur).<br />

www.kazernedossin.eu<br />

4 ÉDITORIAL<br />

7 AGENDA<br />

Sommaire<br />

N° <strong>119</strong> – DÉCEMBRE <strong>2014</strong><br />

10 CHRONIQUES<br />

10 Daniel Hernández-Salazar<br />

Revealing the image, revealing truth<br />

18 Generation War<br />

22 Les sorties de l’année<br />

26 Pour une mise à NU : Passages<br />

de Catherine Dajczman<br />

28 Anne Frank <strong>sur</strong> scène : le succès<br />

d’un symbole<br />

32 « Nouvelles <strong>histoire</strong>s de fantômes » :<br />

de l’image comme <strong>sur</strong>vivance mémorielle<br />

34 L’opéra inachevé<br />

35 Babi Yar, témoignage extraordinaire<br />

par Kondrachine<br />

37 Korngold à Musiques interdites<br />

41 PORTFOLIO<br />

PERPETRATORS<br />

50 L’ENTRETIEN<br />

Janine Altounian<br />

« J’AI SENTI PHYSIQUEMENT<br />

CE QUE C’ÉTAIT QUE D’APPARTENIR<br />

À UNE MINORITÉ DISCRIMINÉE »<br />

60 DOSSIER<br />

136 VARIA<br />

136 Le temps est-il sorti de ses gonds <br />

Ascension <strong>et</strong> déclin du régime temporel<br />

de la Modernité<br />

Clotilde Coueille<br />

142 Topoï<br />

Aurélie Barjon<strong>et</strong><br />

147 Témoignage direct <strong>et</strong> témoignage<br />

des traces<br />

Désirée Schyns<br />

60<br />

DOSSIER<br />

IL Y A <strong>70</strong> ANS, AUSCHWITZ<br />

RETOUR SUR<br />

PRIMO LEVI<br />

62 Présentation<br />

66 <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> <strong>et</strong> la Résistance<br />

Frediano Sessi<br />

77 Entre témoignage <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong>, quelle place<br />

pour <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> <br />

Philippe Mesnard<br />

91 Le Système périodique : cryptages<br />

<strong>et</strong> décryptages<br />

Luba Jurgenson<br />

108 <strong>Levi</strong>, Calvino <strong>et</strong> la zone grise<br />

Carlo Ginzburg<br />

115 Mes deux rencontres avec <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong><br />

Daniela Amsallem<br />

124 R<strong>et</strong>our à <strong>Auschwitz</strong><br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong><br />

133 Biographie<br />

134 Bibliographie sélective<br />

156 Rwanda 1994-<strong>2014</strong> : le génocide<br />

à l’épreuve de la fiction<br />

François-Xavier Destors<br />

172 DICTIONNAIRE TESTIMONIAL<br />

ET MÉMORIEL<br />

l Archeology of the Holocaut<br />

l Les Frontoviki l Geoffrey Hartman<br />

l Bartolomé de Las Casas l Memory and<br />

the anthropocene l Multidirectional<br />

memory l September 11, 2001 l Tourism<br />

and memory l Tr<strong>ans</strong>cultural memory<br />

l Site mémoriel : Dixmude<br />

184 LABORATOIRE MÉMORIEL<br />

192 LIBRAIRIE<br />

208 À LIRE / À VOIR / À SUIVRE<br />

Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong> 3


Éditorial<br />

CE QU’IL<br />

NOUS REVIENT<br />

D’AFFRONTER<br />

A Par Philippe Mesnard,<br />

Directeur de la rédaction<br />

Nous entrons d<strong>ans</strong> le calendrier commémoratif<br />

des <strong>70</strong> <strong>ans</strong> de la fin de la Seconde Guerre<br />

mondiale <strong>et</strong> de ladite « libération » d’<strong>Auschwitz</strong>. J’ai<br />

toujours été frappé par c<strong>et</strong>te facilité à pouvoir utiliser,<br />

pour des questions aussi graves, des termes si<br />

inadéquats ou maladroits, passant pour des vérités<br />

élémentaires. En eff<strong>et</strong>, même si aux yeux des déportés,<br />

les soldats soviétiques ont représenté des libérateurs,<br />

l’on sait que le camp avait été abandonné par les SS<br />

avant leur arrivée. Je ne voudrais pas reprendre une<br />

fois encore l’antienne des camps qui n’ont jamais été un<br />

objectif stratégique. Mais revenir <strong>sur</strong> l’utilisation de ces<br />

mots que, comme des évidences, l’on emploie s<strong>ans</strong> distance<br />

critique. Ne suffirait-il pourtant pas d’entendre<br />

qu’un terme est repris de bouche en bouche à l’excès,<br />

pour qu’aussitôt un clignotant signale à notre attention<br />

qu’il faudrait s’intéresser non tant à la pertinence de<br />

ce à quoi il renvoie, qu’à ce que son caractère répétitif<br />

pourrait bien rendre opaque Or, c’est généralement<br />

tout le contraire. Plus on l’entend, plus on le répète<br />

jusqu’à ce qu’il se construise toute une doxa autour de<br />

lui. <strong>Il</strong> en est ainsi de l’expression la « disparition des<br />

témoins ». Allons-y voir de plus près.<br />

La force sémantique de c<strong>et</strong>te expression doit<br />

en partie venir du thème théologique des derniers<br />

témoins, mais pas seulement. IL Y A UNE QUIN-<br />

ZAINE D’ANNÉES, ON PARLAIT DÉJÀ DE LA<br />

DISPARITION DES TÉMOINS, <strong>et</strong> je m’étais dit que<br />

c’était bien maladroit de signifier à ces personnes ce<br />

qu’elles savaient déjà, ce que l’on sait tous : la finitude<br />

de la vie. Et si, pour certains, la vie est prolongée par<br />

« l’herbe drue des œuvres fécondes » (Proust), c<strong>et</strong>te<br />

relève n’a guère d’incidence <strong>sur</strong> la durée biologique de<br />

nos existences ordinaires. POURQUOI S’ENTÊTER<br />

ALORS, AU RISQUE DE BLESSER, À RABÂCHER<br />

CE CONSTAT, a fortiori, en direction d’individus qui<br />

ont vécu une expérience chargée de violence <strong>et</strong> de mort,<br />

<strong>et</strong> qui en sont devenus comme les représentants aux<br />

yeux du monde <strong>Il</strong> y a certes de l’angoisse derrière cela,<br />

mais pas seulement. Car on n’en a pas manifesté autant<br />

pour d’autres événements, les soldats de 1914-1918, par<br />

exemple, <strong>et</strong> cela ne s’est pas tourné en un tel lieu commun,<br />

adopté aussi unanimement.<br />

Les grandes campagnes d’enregistrement vidéo<br />

des années 1990 <strong>et</strong> 2000 ont pourtant tenté d’anticiper<br />

c<strong>et</strong>te absence. Initiées par le proj<strong>et</strong> Fortunoff à<br />

Yale, puis globalement relayées à travers le monde par<br />

la Fondation Spielberg, elles ont permis de récolter<br />

les multiples récits d’expérience de la terreur nazie<br />

venant de ceux dont on entend aujourd’hui qu’ils nous<br />

quittent. Mais l’accumulation de ces dizaines de milliers<br />

d’heures maintenant en phase de numérisation,<br />

pour ainsi dire, la promesse d’une éternité digitale ne<br />

pallie pas plus la disparition des témoins, qu’elle ne tempère<br />

la ré<strong>sur</strong>gence obsessive de c<strong>et</strong>te expression. Je me<br />

dis alors que c<strong>et</strong> usage peut signaler le désarroi de ne<br />

pas avoir trouvé de modèle pérenne pour la tr<strong>ans</strong>mission<br />

d’une expérience collective dont la radicalité <strong>et</strong> la<br />

diversité de la violence ont durablement dépassé les<br />

me<strong>sur</strong>es qu’adm<strong>et</strong>tait le temps durant lequel elles ont<br />

été perpétrées, <strong>et</strong> dépassent encore aujourd’hui notre<br />

temps. Lié à la « disparition des témoins », CE DÉSAR-<br />

ROI EST PROBABLEMENT COMPENSÉ PAR LA<br />

FERVEUR PÉDAGOGIQUE À VOULOIR INTER-<br />

PELLER À TOUT PRIX LES PUBLICS JEUNES,<br />

du secondaire, parfois même du primaire, pour leur<br />

divulguer un enseignement <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te période historique.<br />

Mais là aussi, pour nécessaires que soient ces<br />

initiatives, on a l’impression que le bateau continue de<br />

prendre l’eau, l’antisémitisme ne décroît pas, il avance<br />

maintenant masqué de différentes façons <strong>et</strong> les partis<br />

extrémistes ont enregistré une <strong>sur</strong>prenante progression<br />

en Europe, de son cœur (la Hongrie) jusqu’à ses<br />

bords occidentaux <strong>et</strong> orientaux.<br />

Je rappelle que d<strong>ans</strong> son dernier livre, Les Naufragés<br />

<strong>et</strong> les rescapés (1985) <strong>et</strong> plus particulièrement d<strong>ans</strong><br />

le chapitre <strong>sur</strong> la « zone grise », <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> a remis en<br />

question les modèles de tr<strong>ans</strong>mission testimoniale.<br />

<strong>Il</strong> a reproché aussi bien aux déportés — se m<strong>et</strong>tant<br />

lui-même en première ligne —, qu’aux jeunes de s’être<br />

mutuellement entendus <strong>sur</strong> des versions stéréotypées<br />

qui non seulement limitaient l’appréhension des événements,<br />

mais perdaient de leur pertinence d<strong>ans</strong> le<br />

monde contemporain, ne devenant plus que de l’ « <strong>histoire</strong><br />

». Après avoir passé vingt <strong>ans</strong> à témoigner d<strong>ans</strong><br />

les écoles, il a proféré le terrible constat — non de la<br />

Errata<br />

Editorial<br />

disparition des témoins, lui qui allait le 11 avril 1987<br />

se j<strong>et</strong>er du troisième étage au bas de l’escalier de son<br />

immeuble —, mais de la faillite de la tr<strong>ans</strong>mission telle<br />

qu’elle était instituée. Là, se tient le véritable problème<br />

de notre âge pour lequel il ne s’agit pas de trouver forcément<br />

les réponses, mais les questions justes qui nous<br />

concernent, se rangeant parmi celles qu’Imre Kertész<br />

appelle les « grandes questions éthiques ».<br />

D<strong>ans</strong> sa conférence « L’Holocauste comme<br />

culture » (1992), Kertész prolonge à sa manière la<br />

réflexion de <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>. CE N’EST PAS AVEC LES<br />

« CONDOLÉANCES », DIT-IL, NI LE « REGRET »<br />

QUE LE GÉNOCIDE DES JUIFS ACQUERRA UNE<br />

PLACE DANS LA CULTURE tout en échappant à la<br />

fétichisation, à la sacralisation, ou encore à la réduction<br />

par un discours explicatif. C<strong>et</strong>te place, dit-il toujours,<br />

pour qu’elle devienne une partie « indispensable » de<br />

notre conscience doit être fondée <strong>sur</strong> un « jugement<br />

de valeur » qui ne se laisse pas circonscrire d<strong>ans</strong> une<br />

leçon de morale. Kertész, dont la pensée s’est considérablement<br />

universalisée depuis 1989, acceptera certainement<br />

que l’on prolonge ses propos en considérant<br />

qu’un questionnement <strong>sur</strong> les fondements du monde<br />

que nous voulons, résolument ancré <strong>sur</strong> les droits de<br />

l’homme, doit passer par <strong>Auschwitz</strong>, tout autant que<br />

par la critique de modèles dont on s’est trop confortablement<br />

accommodé. Voilà maintenant, alors que les<br />

témoins disparaissent réellement, le problème qu’il<br />

nous revient d’affronter <strong>70</strong> <strong>ans</strong> après la « libération »<br />

d’<strong>Auschwitz</strong>. ❚<br />

D<strong>ans</strong> le <strong>n°</strong> 118 de la revue, l’article de la rubrique Grand angle, Au-delà des légendes. Entr<strong>et</strong>ien avec Sophie De Schaepdrijver (p. 47-53) a<br />

été traduit du néerlandais par Jean Raoul Mengarduque – L’article de la rubrique Varia, It happened seventy years ago, in Hungary du Prof.<br />

Dr. Szabolcs Szita (p. 146-154) a été traduit du hongrois par Robert Istvan Bodi <strong>et</strong> révisé par Janos Frühling <strong>et</strong> Anneleen Spiessens.<br />

4 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

5


Chroniques<br />

Logbook<br />

REVEALING THE IMAGE,<br />

REVEALING TRUTH<br />

Daniel Hernández-Salazar’s visual memory<br />

of the genocide in Guatemala<br />

EXHIBITION From the modernity of the<br />

Angels. After Klee’s painting, which is now<br />

b<strong>et</strong>ter known through Walter Benjamin’s<br />

commentary than by itself, and after Wim<br />

Wender’s Wings of desire, we now have<br />

to make way for this Angel which comes<br />

from Guatemala to point out the violence<br />

endured by the Maya people.<br />

AInterview by Anneleen Spiessens & Janiv Stamberger<br />

During Guatemala’s 36-year Civil War (1960-<br />

1996), the military government engaged<br />

in a brutal “counterin<strong>sur</strong>gency” campaign<br />

against all forms of opposition. The rural<br />

Mayan population especially was singled out as the<br />

government accused them of siding with revolutionary<br />

armed groups. In the 1980s, the army and its paramilitary<br />

groups applied a “scorched earth” policy, resulting<br />

not only in the systematic assassination and relocation<br />

of indigenous communities, but also in the destruction<br />

of entire villages and sacred places. Guatemala’s<br />

Truth Commission (Comisión para el Esclarecimiento<br />

Histórico) reported in 1999 that 83% of the 200,000<br />

victims of the war were Mayan and concluded that the<br />

State violence against the Ixil Maya people amounted<br />

to “acts of genocide”. A peace accord was signed in<br />

1996, but this has not resulted in the construction of<br />

a collective and inclusive memory of the genocide in<br />

Guatemala, nor has it succeeded in providing justice for<br />

the victims. In May 2013 human rights organizations<br />

hailed the “historical” conviction of Efraín Ríos Montt,<br />

Chief of State at the height of the military campaign<br />

(1982-1983), for genocide and crimes against humanity.<br />

A few days later, however, the sentence was revoked<br />

by the Constitutional Court on procedural grounds.<br />

© Anneleen Spiessens<br />

With his pictures of the exhumations and protests,<br />

photographer and human rights activist Daniel<br />

Hernández-Salazar brings the plight of the <strong>sur</strong>vivors<br />

and the victims’ families into the public eye, endorsing<br />

their call for recognition and social justice. His picture<br />

depicting a mestizo angel with wings made from the<br />

scapulae bones of one of the nameless victims of the<br />

genocide has become an iconic image in Guatemala.<br />

The artist’s work is currently on display at Kazerne<br />

Dossin.<br />

Daniel Hernández-Salazar, can you tell us about your<br />

professional background and how you came to be a photographer<br />

Daniel Hernández-Salazar: Taking photographs has<br />

always been a passion for me. I started taking pictures<br />

from a very young age. Nevertheless, I decided to study<br />

BIOGRAPHY<br />

i<br />

1956 / born<br />

1974 / starts studying Architecture<br />

1978 / starts his career in Fine Art<br />

Photography<br />

1980s / works for several international news<br />

agencies (Reuters, AFP, Associated Press)<br />

and starts documenting the Civil War in<br />

Guatemala<br />

1993 / receives a replica of the Nobel Peace<br />

Prize Medal from Rigoberta Menchú Tum<br />

1998 / his polyptych Esclarecimiento/<br />

Clarification appears on the cover of<br />

Guatemala: Never Again, the final report of<br />

Bishop Juan José Gerardi’s “Recovery of<br />

Historical Memory” project (REMHI)<br />

1998 / is awarded the Jonathan Mann<br />

Humanitas Award for his artistic work on<br />

human rights issues<br />

2004 / publishes his first anthology,<br />

Guatamala, Memoria de un Ángel (Kage<br />

Shobo)<br />

2005 / is decorated and made Knight of the<br />

Order of Arts and L<strong>et</strong>ters by the Ministry of<br />

Culture and Communications of France<br />

2007 / publishes Para que todos lo sepan/<br />

So That All Shall Know (University of Texas<br />

Press)<br />

<strong>2014</strong> / presents two exhibitions in Belgium.<br />

architecture, which actually influenced the way I think<br />

and perceive things – and the way I make photographs.<br />

There I learned about composition, light and colour.<br />

When a major earthquake shook Guatemala in 1976,<br />

I began working on the reconstruction of the cathedral<br />

of Guatemala City. I was hired as a draftsman to<br />

outline the reconstruction process but also began to<br />

take pictures of the project. That was the beginning of<br />

my career as a professional photographer. I continued<br />

studying architecture for several years while working<br />

as a photographer but eventually decided not to<br />

continue my studies and to focus on my photography<br />

instead.<br />

At what point in time did you make the tr<strong>ans</strong>ition from<br />

being an architectural photographer to a chronicler of<br />

Mayan culture and especially of the darker chapters of<br />

Guatemalan history, namely the genocide and its effect<br />

on Guatemalan soci<strong>et</strong>y<br />

Daniel Hernández-Salazar: I have always been very sensitive<br />

and aware of the power of communication and<br />

of the role and influence media have on soci<strong>et</strong>y. That<br />

became more clear when I started working as a photojournalist<br />

for newspapers in Guatemala, and later as<br />

a correspondent for press agencies. The period when<br />

I worked for Associated Press coincided with the last<br />

years of the war. Being a journalist at that time helped<br />

me to decide which direction I wanted to take with<br />

my work. I have always been attuned to social issues,<br />

but working with the press helped me focus the way<br />

I wanted to commit myself – and understand how to<br />

use photography as an instrument, as a tool to convey<br />

a certain message to make people aware of important<br />

events taking place. I understood the importance of<br />

leaving traces, graphic documents of what happened.<br />

The exhibition in Kazerne Dossin seems to be very<br />

different from the one in Galerie Verbeeck-Van Dyck in<br />

Antwerp when it comes to “documenting” the genocide.<br />

Daniel Hernández-Salazar: Indeed, the exhibition in<br />

Kazerne Dossin focuses more on the photojournalistic<br />

documentary work I have done and continue to<br />

do. It reveals my interest in preserving what I would<br />

call a “visual memory” of the genocide. The exhibition<br />

in Antwerp shows another side of my work. I used a<br />

different m<strong>et</strong>hod to create the pieces I presented at<br />

Galerie Verbeeck-Van Dyck to convey emotions and<br />

make them more personal. I cut the photos in pieces<br />

and afterwards reconstruct them with nails or scotch<br />

tape to represent rupture and pain. Another layer is<br />

added to the truth-value of the pictures, a more m<strong>et</strong>aphorical<br />

and subjective one that refers to universal<br />

human themes like life, death or love, and tr<strong>ans</strong>mits my<br />

artistic intention. During my career as a photographer,<br />

I have tried to combine both the need of communicating<br />

a message to the outside world and the need of<br />

expressing myself through my work. That is still true<br />

today, but I am more conscious of it now. I believe both<br />

approaches work, for me and for the public.<br />

How do you conceive of the role of art – of your art – in<br />

soci<strong>et</strong>y Should all art “work”<br />

Daniel Hernández-Salazar: Well, I believe art has a specific<br />

function in soci<strong>et</strong>y. Some people think art is just for<br />

fun or to decorate a house: “the painting or photograph<br />

should match the rug or the curtains”. I do not agree<br />

l l l<br />

10 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

11


Portfolio<br />

© Ph. M.<br />

PERPETRATORS<br />

© DR<br />

. Poznań (Pologne).<br />

Annonce du film<br />

[burlesque] de<br />

Dani Levy (2007) :<br />

Mon Führer : La Vraie<br />

Véritable Histoire<br />

d’Adolf Hitler.<br />

Perp<strong>et</strong>rators. Terme désignant en anglais l’auteur d’un crime ; ce que, par abus<br />

de sens, l’on appelle en français un « bourreau ». Perpétration n. f. — 1532, repris 1829 ;<br />

lat. chrét. Perp<strong>et</strong>ratio DR. OU LITTER. Accomplissement (d’un crime, d’un forfait).<br />

La perpétration d’un délit.<br />

0 Salle du tribunal où a eu lieu le<br />

procès d’Adolf Eichmann, en 1961.<br />

À l’origine, il s’agissait de la salle de<br />

spectacle du Beit Ha’am (Maison<br />

du Peuple) de Jérusalem.<br />

© Ph. M.<br />

Les victimes seraient-elles <strong>sur</strong>exposées Trop<br />

voyantes La multitude des discours qui portent<br />

leur reconnaissance, leurs revendications, leurs<br />

espoirs viendrait-elle saturer la <strong>mémoire</strong> collective<br />

L’encombrer La polluer Peut-être occupentelles<br />

aujourd’hui une grande place — d’aucuns diraient<br />

trop grande — d<strong>ans</strong> les discours <strong>et</strong> les représentations,<br />

peut-être. Mais que penser alors de la visibilité dont,<br />

traditionnellement, jouissent les grands criminels d<strong>ans</strong><br />

notre culture Elle n’est pas moindre que celle des<br />

victimes, mais paradoxalement on la critique moins.<br />

Elle nous serait comme naturelle ! Leur portrait, leur<br />

sourire, leur réplique, leur présence, leur actualité<br />

peuplent l’imagination depuis la nuit des temps, <strong>et</strong><br />

l’on semble bien s’accommoder de ces ténèbres. Des<br />

best-sellers leur sont consacrés, de temps en temps en<br />

émerge un, génial. Des blockbusters ne manquent pas,<br />

régulièrement, de les m<strong>et</strong>tre en scène. Finalement la<br />

culture aurait du mal à s’en passer.<br />

Évidemment, les aligner les uns à côté des autres,<br />

sorte d’album de famille, pourra m<strong>et</strong>tre certains lecteurs<br />

mal à l’aise. Surtout si l’album en question les<br />

rassemble d<strong>ans</strong> différentes situations (postures) plus<br />

ou moins avantageuses, plus ou moins arrogantes. Surtout<br />

si ce qui reste d’eux n’est même plus leur portrait,<br />

mais leurs attributs : SS, Svastika, p<strong>et</strong>ite moustache<br />

— soulignant par là combien la référence au nazisme<br />

est omniprésente d<strong>ans</strong> nos sociétés. Des attributs<br />

qui, par métonymie, <strong>entre</strong>tiennent la présence de ces<br />

hommes infâmes en les faisant circuler d’une affiche à<br />

l’autre. Après <strong>70</strong> <strong>ans</strong> de « plus jamais ça », c’était bien<br />

la moindre des choses que de leur consacrer un portfolio.<br />

❚<br />

Philippe Mesnard<br />

. Poznan (Pologne).<br />

Élections parlementaires<br />

de 2007. Graffiti <strong>sur</strong><br />

les deux candidats de<br />

la Plateforme civique<br />

(parti toujours au<br />

pouvoir <strong>et</strong> qui a la<br />

majorité au parlement).<br />

41 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

44


L'<strong>entre</strong>tien<br />

Interview<br />

Si en janvier 2015 on commémore l’ouverture du camp d’<strong>Auschwitz</strong>, en avril suivant, les<br />

regards se porteront <strong>sur</strong> le centenaire non d’une libération mais du premier génocide<br />

du siècle qui a frappé l’ensemble de la communauté arménienne de Turquie en 1915.<br />

<strong>Témoigner</strong> consacrera son prochain dossier non aux faits, mais à la construction de sa<br />

<strong>mémoire</strong> <strong>et</strong> à son actualité internationale. Ce sera donc pour le <strong>n°</strong> 120 sortant en avril<br />

2015. Avant cela nous avons voulu rencontrer Janine Altounian.<br />

AEntr<strong>et</strong>ien mené par Luba Jurgenson <strong>et</strong> Philippe Mesnard<br />

Janine Altounian<br />

❝<br />

J’AI SENTI PHYSIQUEMENT<br />

CE QUE C’ÉTAIT QUE<br />

D’APPARTENIR À UNE<br />

MINORITÉ DISCRIMINÉE❞<br />

Janine Altounian est une des grandes figures<br />

du milieu intellectuel francophone qui portent,<br />

depuis plusieurs décades, la conscience<br />

du génocide arménien. Elle est de toutes les<br />

manifestations d’envergure, elle a publié de<br />

nombreux ouvrages <strong>sur</strong> le génocide <strong>et</strong> de nombreux<br />

articles également <strong>sur</strong> la langue de Freud, dont elle<br />

est une des traductrices, ainsi que <strong>sur</strong> la tr<strong>ans</strong>mission<br />

traumatique. Surtout, <strong>sur</strong>tout, elle a su rester modeste<br />

<strong>et</strong> accessible, extrêmement modeste face à l’ampleur<br />

de la tache qu’elle s’est mise à assumer, alors que trop<br />

souvent — tantôt par défense, tantôt en cédant tout<br />

simplement au miroitement du moi — l’on voit des<br />

acteurs mémoriels augmenter déme<strong>sur</strong>ément de taille.<br />

Nous sommes allés l’interviewer chez elle en compagnie<br />

d’Anouche Kunth qui, en tant qu’historienne, travaille<br />

<strong>sur</strong> l’exil <strong>et</strong>, plus particulièrement, la diaspora<br />

arménienne.<br />

Alors qu’elle n’a jamais connu la terre de ses parents<br />

ni de ses ancêtres, son père <strong>et</strong> sa mère ayant, avant de se<br />

rencontrer en France, échappé au génocide perpétré en<br />

Turquie <strong>sur</strong> les populations arméniennes, Janine Altounian<br />

se rend à deux reprises, <strong>entre</strong> 2013 <strong>et</strong> <strong>2014</strong>, <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre. Elle n’en avait jusqu’alors de connaissance que par<br />

l’imagination, c’est-à-dire les quelques récits que lui avait<br />

faits sa grand-mère maternelle <strong>et</strong> la terreur émanant de<br />

ces événements alors s<strong>ans</strong> qualification juridique précise 1 .<br />

Était-ce un proj<strong>et</strong> longuement mûri <br />

Janine Altounian : Ce désir d’aller voir le pays des<br />

parents <strong>sur</strong>vient évidemment à un certain moment<br />

d<strong>ans</strong> la vie des Arméniens de la diaspora. J’avais depuis<br />

longtemps l’intention d’aller en Turquie, mais je ne<br />

voulais pas y aller en touriste, j’attendais une circonstance,<br />

disons, institutionnelle. Par ailleurs, je devais<br />

d’abord régler l’héritage des biens matériels laissés<br />

par mes parents. C’est, en fait, quand les <strong>sur</strong>vivants<br />

meurent que la <strong>mémoire</strong> des descendants prend un<br />

nouveau tournant. <strong>Il</strong> faut que ceux-ci aient disparu<br />

pour que, à ce moment-là, on les prenne totalement<br />

en charge. Le dernier parent, c’est-à-dire ma mère,<br />

était morte en 2005 <strong>et</strong> on sait comment ça se passe l l l<br />

(1) C’est en 1944 que le terme de génocide est créé par Raphael Lemkin.<br />

© Ph. M.<br />

50 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

51


DOSSIER<br />

A Sous la direction de<br />

Philippe Mesnard<br />

IL Y A <strong>70</strong> ANS, AUSCHWITZ<br />

RETOUR SUR<br />

PRIMO LEVI<br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> est une figure majeure du témoignage <strong>sur</strong> le système<br />

<strong>et</strong> l’expérience concentrationnaires. Sa volonté de donner au savoir <strong>sur</strong> les<br />

camps une portée universelle caractérise son action <strong>et</strong> son engagement.<br />

Mais ne voir en lui qu’un témoin, fût-il exemplaire, serait limiter son<br />

importance parmi nous. En eff<strong>et</strong>, il est d’autres dimensions qui, bien qu’elles<br />

ne soient pas inconnues, demeurent peu reconnues : <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> est un<br />

véritable intellectuel qui a su s’engager <strong>sur</strong> des questions politiques <strong>et</strong><br />

littéraires. De même, c’est un écrivain, un poète, un romancier, un nouvelliste,<br />

un dramaturge, un essayiste, qui nous a laissé une œuvre que la seule<br />

catégorie du témoignage ne suffit pas à circonscrire.<br />

© DR<br />

Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong> 61


DOSSIER<br />

IL Y A <strong>70</strong> ANS, AUSCHWITZ. RETOUR SUR PRIMO LEVI<br />

PRÉSENTATION<br />

<strong>Il</strong> y a <strong>70</strong> <strong>ans</strong>, en janvier 1945,<br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> ne savait pas. <strong>Il</strong> ne savait pas<br />

qu’il deviendrait un des témoins exemplaires<br />

de l’univers concentrationnaire<br />

nazie, même pas qu’il <strong>sur</strong>vivrait au<br />

camp une fois la liberté recouvrée, tant<br />

maladies, malnutrition <strong>et</strong> la rudesse de<br />

l’hiver décimaient ceux qui étaient parvenus<br />

à <strong>sur</strong>vivre à la terreur SS.<br />

Puis, de r<strong>et</strong>our, il y a eu pour lui<br />

l’expérience multiple de l’écriture qui,<br />

de la poésie au roman, du théâtre à<br />

l’essai, a succédé aux expériences de<br />

la déportation, de l’extermination <strong>et</strong><br />

de l’internement. En emportant ces<br />

expériences avec elle, son écriture les<br />

a gardées en leur donnant place d<strong>ans</strong><br />

une œuvre qui ne peut pourtant pas être<br />

réduite à sa dimension testimoniale.<br />

De 1946 jusqu’aux années 1960, la vie<br />

amoureuse, familiale, professionnelle<br />

a repris, comme on le dit, ses droits ; un<br />

r<strong>et</strong>our à la vie qui traînait ses fantômes<br />

aussi, ses cauchemars, ses remords. Par<br />

un enchaînement de circonstances :<br />

facilités de réseau <strong>et</strong> dates commémoratives,<br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> a été appelé à un destin<br />

de témoin qui est devenu son destin —<br />

avec les certitudes que contient le mot,<br />

mais aussi avec la charge, la pesanteur <strong>et</strong><br />

la fatigue qu’il recèle. Or, plus il rodait le<br />

discours testimonial que l’on attendait<br />

de lui <strong>et</strong> qu’il apprit vite à proférer avec<br />

le ton juste, plus il s’éloignait de l’expérience<br />

même dont on espérait pourtant<br />

qu’il témoigne, non pour la cause trop<br />

évidente du temps qui passe, mais<br />

parce que la <strong>mémoire</strong>, en s’édifiant, a<br />

la fâcheuse habitude d’ôter au passé<br />

ses aléas <strong>et</strong> ses ambivalences pour en<br />

délivrer une image simplifiée, uniment<br />

sombre <strong>et</strong> pathétique. <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> apprit<br />

que la société privilégie la <strong>mémoire</strong> que<br />

l’on attend, plutôt que celle qui vient<br />

des confins du passé. S<strong>ans</strong> pour autant<br />

rem<strong>et</strong>tre en question les commémorations,<br />

il était perturbé par ces nouvelles<br />

tournures mémorielles dont les<br />

dimensions normatives déclenchaient<br />

des réactions qui le heurtaient, quand<br />

elles ne le blessaient pas. Ainsi, plus les<br />

jeunes le regardaient comme un animal<br />

préhistorique, le mot est de lui, plus il<br />

portait <strong>sur</strong> son engagement un regard<br />

désenchanté. Plus il devenait le témoin<br />

tel que nous le reconnaissons, au point<br />

de l’appeler « <strong>Levi</strong> », comme s’il n’y en<br />

avait qu’un, plus il se sentait à l’étroit<br />

d<strong>ans</strong> ce costume dont il n’appréciait plus<br />

l’étoffe, bien qu’il acceptât de le porter<br />

jusqu’à la période la plus dépressive de<br />

son existence, précédant son suicide.<br />

Comme toutes les grandes figures<br />

intellectuelles, l’image de <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong><br />

s’est élaborée au miroir de ceux avec<br />

qui <strong>et</strong> par qui il est devenu celui qu’il<br />

a été. « Durant quarante années, j’ai<br />

construit une sorte de légende autour<br />

de lui [Si c’est un homme], en racontant<br />

que je l’avais écrit s<strong>ans</strong> plan, d’un<br />

j<strong>et</strong>, s<strong>ans</strong> préméditation. Les gens à qui<br />

j’en ai parlé ont accepté la légende 1 ».<br />

(1) <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>, Conversations <strong>et</strong> <strong>entre</strong>tiens 1963-<br />

1987, traduit de l’italien <strong>et</strong> de l’anglais par T. Lag<strong>et</strong>,<br />

Paris, Robert Laffont, 1998, p. 82.<br />

© DR, Coll. Ian Thomson<br />

Le problème résulte que, aujourd’hui,<br />

c’est à c<strong>et</strong>te construction qu’on l’identifie<br />

pleinement, en l’y assignant, en le<br />

rivant, en le figeant d<strong>ans</strong> une série trop<br />

souvent de clichés ; en somme, en le<br />

mémorialisant, en le culturalisant — la<br />

<strong>mémoire</strong> étant devenue culturelle <strong>et</strong> la<br />

culture, mémorielle. Voilà, l’on n’en sait<br />

désormais pas plus que ce que la culture<br />

a bien voulu en r<strong>et</strong>enir.<br />

Pour tenter de rétablir ce<br />

déséquilibre, quelques iconoclastes<br />

impénitents, fins fidèles <strong>et</strong> scrupuleux<br />

lecteurs de <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> se sont rejoints<br />

pour constituer ce dossier 2 . Frediano<br />

Sessi r<strong>et</strong>race l’épisode de <strong>Primo</strong><br />

<strong>Levi</strong> au contact de résistants d<strong>ans</strong> ces<br />

montagnes chaotiques qui, à partir de<br />

septembre 1943, ont vu se croiser les<br />

déserteurs de l’armée régulière italienne<br />

refusant d’intégrer les rangs de<br />

la République sociale italienne placée<br />

sous le commandement de Mussolini,<br />

des partis<strong>ans</strong> antifascistes, certains<br />

groupes d’obédience communiste, d’autres<br />

rattachés au Parti d’action de Giustizia<br />

e Libertà, d’orientation libérale ; se<br />

croisaient aussi des espions fascistes,<br />

des soldats perdus <strong>et</strong> des civils qui ne<br />

l l l<br />

_ Photographie de classe,<br />

vers 1930.<br />

Par un enchaînement de circonstances :<br />

facilités de réseau <strong>et</strong> dates<br />

commémoratives, <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> a été appelé<br />

à un destin de témoin qui est devenu son<br />

destin — avec les certitudes que contient le<br />

mot, mais aussi avec la charge, la pesanteur<br />

<strong>et</strong> la fatigue qu’il recèle.<br />

(2) À l’origine de ce dossier, il<br />

y a eu la journée d’étude organisée<br />

par Philippe Mesnard au<br />

Mémorial de la Shoah à Paris, en<br />

partenariat avec celui-ci <strong>et</strong> la Fondation<br />

<strong>Auschwitz</strong>, le 11 avril 2012,<br />

pour commémorer les vingt-cinq<br />

<strong>ans</strong> de la disparition<br />

de <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>.<br />

62 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

63


DOSSIER<br />

IL Y A <strong>70</strong> ANS, AUSCHWITZ. RETOUR SUR PRIMO LEVI<br />

PRÉSENTATION<br />

l l l<br />

Après les précisions<br />

nécessaires <strong>sur</strong> la<br />

question de la<br />

résistance, ce dossier<br />

insiste à m<strong>et</strong>tre en avant<br />

la valeur <strong>et</strong> la dimension<br />

intentionnellement<br />

littéraires de l’œuvre de<br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>.<br />

l’étaient pas moins, ainsi que des Juifs<br />

qui tentaient de fuir les persécutions<br />

<strong>et</strong> les assassinats que perpétraient les<br />

troupes allemandes d’occupation ou<br />

les escouades du Duce. C’est là que<br />

<strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> se r<strong>et</strong>rouve, en attente<br />

d’une fuite ou d’un engagement <strong>et</strong> c’est<br />

là, bien sûr, qu’il se fait arrêter pour<br />

être déporté, via Fossoli, à <strong>Auschwitz</strong>.<br />

Les détails de l’épisode de ce séjour au<br />

Val d’Aoste restent peu connus même<br />

s’il bénéficie aujourd’hui de documents<br />

jusqu’alors inédits apportant de nouveaux<br />

éclairages parmi lesquels nous<br />

avons privilégié celui de Frediano Sessi.<br />

Comment l’écriture de Si c’est un<br />

homme se réalise-t-elle à travers plusieurs<br />

textes, débordant eux-mêmes<br />

de <strong>et</strong> en plusieurs livres qui se répondent<br />

<strong>et</strong> dialoguent à travers leur propre<br />

genre Comment, aussi étonnant que<br />

cela puisse paraître à ceux qui assignent<br />

autoritairement le témoignage à<br />

la vérité, l’écriture de fiction <strong>et</strong> même de<br />

science-fiction perm<strong>et</strong>-elle à <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong><br />

de venir à bout d’un proj<strong>et</strong> dont il ne se<br />

doutait pas qu’en 1946 — lorsqu’il commence<br />

à écrire la première version de Si<br />

c’est un homme — il deviendrait le témoignage<br />

exemplaire <strong>sur</strong> <strong>Auschwitz</strong>, au programme<br />

de l’enseignement secondaire<br />

en France, d<strong>ans</strong> certaines régions de Belgique,<br />

<strong>et</strong> en Italie Ce sont là les questions<br />

que développe Philippe Mesnard.<br />

Luba Jurgenson, quant à elle, revisite<br />

entièrement Le Système périodique qui<br />

appartient au versant littéraire de l’œuvre<br />

; ce versant trop souvent négligé au<br />

profit des questions de témoignage <strong>et</strong><br />

de <strong>mémoire</strong>. À l’encontre d’une lecture<br />

trop fréquente, ce recueil de vingt <strong>et</strong> une<br />

nouvelles, jouant avec le pacte autobiographique<br />

que serait tenté de nouer le<br />

lecteur, n’apparaît pas déterminé par un<br />

mode de pensée issu de la chimie, mais<br />

constitue, écrit l’auteur, « une stratégie<br />

d’insertion au sein du processus littéraire<br />

contemporain ». On l’aura compris,<br />

après les précisions nécessaires <strong>sur</strong><br />

la question de la résistance, ce dossier<br />

insiste à m<strong>et</strong>tre en avant la valeur <strong>et</strong><br />

la dimension intentionnellement littéraires<br />

de l’œuvre de <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>. Carlo<br />

Ginzburg livre, à travers un dialogue<br />

qu’il tisse <strong>entre</strong> Italo Calvino <strong>et</strong> <strong>Primo</strong><br />

<strong>Levi</strong> <strong>et</strong> convoquant Manzoni, une réflexion<br />

<strong>sur</strong> la question de la zone grise, s<strong>ans</strong><br />

rien céder au lieu commun dont <strong>Primo</strong><br />

<strong>Levi</strong> a été capable d’affronter les pièges.<br />

C’est d’ailleurs lorsque <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> travaille<br />

<strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te notion dont il n’épuisera<br />

pas les ambiguïtés que Daniela Amsallem<br />

vient le rencontrer. Elle nous livre<br />

ainsi les moments de leur <strong>entre</strong>tien.<br />

Alors que l’on commémore les <strong>70</strong><br />

<strong>ans</strong> de l’arrivée de l’Armée rouge à <strong>Auschwitz</strong>,<br />

marquant la définitive libération<br />

du camp, <strong>et</strong> en mai 2015 la fin de<br />

la Seconde Guerre mondiale, il nous a<br />

semblé important de republier 3 l’<strong>entre</strong>tien<br />

réalisé avec <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong> par Daniel<br />

(3) <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>, Rapport <strong>sur</strong> <strong>Auschwitz</strong>, traduit de<br />

l’italien par Catherine P<strong>et</strong>itjean, présentation <strong>et</strong><br />

appareil critique Philippe Mesnard, Paris, Kimé, 2005,<br />

p. 97-110.<br />

© DR, Coll. Ian Thomson<br />

Toaff <strong>et</strong> Emmanuele Ascarelli, en juin<br />

1982, alors qu’il effectuait son second<br />

voyage à <strong>Auschwitz</strong> (le premier, très<br />

officiel, datait de 1965). <strong>Il</strong> y découvre<br />

une Pologne qui ne ressemble pas à celle<br />

qu’il a connue quarante, puis dix-sept<br />

<strong>ans</strong> auparavant. Ce n’est plus la même<br />

atmosphère, la langue même est différente,<br />

l’on est au seuil de la période<br />

hautement mémorielle d<strong>ans</strong> laquelle,<br />

aujourd’hui, il semble que nous sommes<br />

totalement immergés. Car il faut<br />

aussi considérer que <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong>, qui se<br />

suicide le 11 avril 1987, disparaît alors<br />

que, mondialement, de grands proj<strong>et</strong>s<br />

artistiques, institutionnels <strong>et</strong> politiques<br />

posent les bases des structures de l’actuelle<br />

culture mémorielle, à commencer<br />

par la campagne d’enregistrement<br />

vidéo de tous les <strong>sur</strong>vivants de la Shoah<br />

à travers le monde, d’abord menée par<br />

Fortunoff à Yale, dont la Fondation<br />

<strong>Auschwitz</strong> a été le partenaire pour la<br />

Belgique, <strong>et</strong> relayée par la Fondation<br />

Spielberg. Qu’aurait pensé <strong>Primo</strong> <strong>Levi</strong><br />

de c<strong>et</strong> archivage généralisé ❚<br />

_ 1936. Lycée d’Azeglio.<br />

Photographie de classe.<br />

64 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

65


Dictionary<br />

Dictionnaire<br />

testimonial <strong>et</strong> mémoriel<br />

MOTS DU TÉMOIGNAGE<br />

ET DE LA MÉMOIRE<br />

. Parce que les chercheurs, les<br />

enseignants <strong>et</strong> les professionnels<br />

des arts, de la culture <strong>et</strong> de<br />

l’information sont de plus en<br />

plus amenés à utiliser des mots<br />

appartenant au champ du<br />

témoignage <strong>et</strong> de la <strong>mémoire</strong>,<br />

<strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>mémoire</strong> s’est donné pour mission<br />

de les rassembler sous la forme<br />

d’un dictionnaire en ouvrant ainsi<br />

c<strong>et</strong> espace expérimental.<br />

. La réalisation de ce proj<strong>et</strong><br />

se fait en deux temps. Chaque<br />

terme d’un index in progress<br />

est présenté en deux fois : sous<br />

la forme de notices courtes,<br />

d’abord d<strong>ans</strong> chaque numéro de<br />

la revue, invitant ensuite à des<br />

développements <strong>et</strong> à une mise en<br />

débats critique, à plusieurs voix,<br />

<strong>sur</strong> un site qui fonctionnera à<br />

partir de début 2015.<br />

À leur version courte <strong>et</strong>, donc,<br />

volontairement partielle, nous<br />

associons quelques titres<br />

d’ouvrages ne prétendant pas à<br />

l’exhaustivité.<br />

ARCHAEOLOGY<br />

OF THE HOLOCAUST<br />

The archaeology of the Holocaust<br />

is the study of the<br />

material remains – sites<br />

and artifacts – that were associated<br />

with the persecution and<br />

mass murder of five to six million<br />

Jews by the Nazis during the<br />

Second World War. In fact, the<br />

locales of each of the hundreds of<br />

the Gh<strong>et</strong>tos are potential targ<strong>et</strong>s<br />

for archaeological investigations,<br />

but the greatest attention is paid<br />

to the Nazi extermination centers<br />

in Poland where the archaeological<br />

research is most intensive.<br />

The extermination centers<br />

of Chełmno, Bełżec, Sobibór and<br />

Treblinka have been, and are, subjected<br />

to archaeological research<br />

more than other sites. One of the<br />

significant results of the archaeological<br />

research is that although<br />

the Nazis levelled these sites,<br />

mostly in late 1943, remains of<br />

structures were found immediately<br />

below <strong>sur</strong>face, accompanied<br />

by a profusion of artifacts from<br />

the <strong>sur</strong>face and sub-<strong>sur</strong>face. Mass<br />

graves have been identified in all<br />

the above sites; the exact locations<br />

of the Bełżec, Sobibór and<br />

Treblinka gas chambers have not<br />

been discovered y<strong>et</strong>. In general<br />

terms, excavations of Holocaust<br />

sites started relatively recently and<br />

the volume of the research carried<br />

out up to now remains limited, the<br />

© I. Gilead<br />

trate it with the physical evidence<br />

that was preserved and can be<br />

revealed by archaeological m<strong>et</strong>hods.<br />

Archaeology is important in<br />

illuminating the topography of the<br />

concentration and extermination<br />

centers, as well as in revealing the<br />

artifacts of both the victims and the<br />

perp<strong>et</strong>rators, which are essential<br />

for the teaching of the Holocaust<br />

and creating museum collections<br />

that help preserve its memory. ❚<br />

Isaac Gilead<br />

Ben-Gurion University of the Negev,<br />

Beer Sheva, Israel<br />

LES FRONTOVIKI :<br />

ÉCRIVAINS COMBATTANTS<br />

SOVIÉTIQUES<br />

Ce mot désigne ceux qui ont<br />

une expérience du front,<br />

plus spécifiquement des<br />

fronts de la « Grande Guerre patriotique<br />

» (nom soviétique, puis russe<br />

de la Seconde Guerre mondiale),<br />

qu’ils aient pris part aux combats<br />

ou accompagné l’armée en tant que<br />

correspondants. D<strong>ans</strong> l’immense<br />

flot des textes qui ont pour suj<strong>et</strong> la<br />

guerre, on distingue ainsi ceux qui,<br />

indépendamment de leur forme<br />

(reportage, fiction, poésie), sont<br />

légitimés par le vécu personnel <strong>et</strong><br />

dont les auteurs se sont exposés au<br />

danger de mort. Dès le début de la<br />

guerre, les écrivains sont mobilisés<br />

pour produire un discours fédérateur<br />

appelé à consolider l’alliance<br />

du peuple soviétique <strong>et</strong> du gouvernement<br />

face à la menace de destruction<br />

radicale. C<strong>et</strong>te alliance<br />

se fait sous le signe d’une identité<br />

russe orthodoxe ainsi qu’en<br />

témoigne le célèbre discours de<br />

Staline du 3 juill<strong>et</strong> 1941, où il ressuscite<br />

la formule « Chers frères<br />

<strong>et</strong> sœurs » s’adressant aux citoyens<br />

publications are rare, the results<br />

preliminary and the conclusions<br />

tentative.<br />

One of the premises formulated<br />

by archaeologists and supported by<br />

the media is that archaeology can<br />

assert by excavations the truth of<br />

the Holocaust. However, the reality<br />

of the extermination has already<br />

been established by the historical<br />

research and local and international<br />

courts. The above premise,<br />

coupled with the pres<strong>sur</strong>e of the<br />

media to produce instant results<br />

in front of the cameras while in the<br />

field, is a threat to the integrity and<br />

credibility of Holocaust archaeology.<br />

More than once were archaeologists<br />

tempted to declare in the<br />

field that they stand in front of the<br />

remains of gas chambers, while the<br />

evidence they uncovered did not<br />

support such claims.<br />

Archaeology cannot establish,<br />

or refute, the truth of the Holocaust;<br />

it can support it and illussoviétiques<br />

comme un prêtre à ses<br />

paroissiens. La nouvelle identité<br />

vaut pour l’ensemble de l’Union<br />

conçue d<strong>ans</strong> sa dimension impériale<br />

: elle forme le contexte des<br />

déportations <strong>et</strong>hniques qui s’accomplissent<br />

au même moment <strong>et</strong><br />

annonce déjà la campagne antisémite<br />

de l’après-guerre.<br />

La littérature aura pour tâche à<br />

la fois d’expliquer <strong>et</strong> de justifier la<br />

débâcle de la première année de la<br />

guerre, de montrer l’héroïsme des<br />

Soviétiques (inspiré par le Parti <strong>et</strong><br />

la figure de Staline) <strong>et</strong> d’appeler à<br />

la vengeance contre les Allemands<br />

(Simonov, Ehrenbourg). Un certain<br />

nombre de tabous tenaces<br />

s’imposent, notamment <strong>sur</strong> la<br />

collaboration massive de la population<br />

des territoires occidentaux<br />

récemment annexés à l’URSS. Toutefois,<br />

le « pas en arrière » accompli<br />

par l’idéologie est perçu comme<br />

une certaine libéralisation, ce qui<br />

crée un bref espoir en une réconciliation<br />

<strong>entre</strong> le pouvoir <strong>et</strong> le peuple<br />

<strong>et</strong> en la fin des répressions. <strong>Il</strong><br />

souffle ainsi un léger vent de liberté<br />

d<strong>ans</strong> les tranchées, favorisé aussi<br />

par la violence totale à laquelle les<br />

frontoviki doivent faire face. Cela<br />

explique l’audace (relative) que<br />

se perm<strong>et</strong>tront certains écrivains<br />

comme Tvardovski avec son épopée<br />

Vassili Tiorkine, où le nom de<br />

Staline n’est pas mentionné, ou<br />

Nekrassov dont D<strong>ans</strong> les tranchées<br />

de Stalingrad s’écarte de la ligne<br />

officielle.<br />

Le label de frontovik apparaît<br />

d<strong>ans</strong> l’espace littéraire soviétique<br />

comme garant d’une vérité factuelle<br />

<strong>et</strong> psychologique, attestée<br />

par la condition de témoin oculaire<br />

<strong>et</strong> contrôlée en haut lieu. La<br />

littérature de la guerre sera ainsi<br />

l’occasion de perfectionner le<br />

canon imposé au témoignage écrit,<br />

envisagé d’emblée comme une<br />

construction (<strong>et</strong> toujours supervisé<br />

par un écrivain de métier), jamais<br />

comme l’expression spontanée<br />

d’une subjectivité aux prises avec<br />

le vécu. Cependant, si la plupart<br />

du temps, la « vraie guerre » est<br />

tue ou consignée d<strong>ans</strong> les journaux<br />

intimes, l’épreuve de la vérité<br />

conduira certains de ces écrivains<br />

à la contestation (Tvardovski), à<br />

la dissidence (Nekrassov), voire à<br />

l’affrontement direct avec le parti<br />

(Grossman). ❚<br />

Luba Jurgenson<br />

EUR’ORBEM<br />

. Vassili Grossman, Années de guerre,<br />

Éditions en langues étrangères,<br />

Moscou, 1946 ; Vie <strong>et</strong> Destin in<br />

Œuvres, Paris, Laffont, 2006 ; Carn<strong>et</strong>s<br />

de Guerre, Paris, Calmann-Lévy, 2005.<br />

. Viktor Nekrassov, D<strong>ans</strong> les<br />

tranchées de Stalingrad, Paris, Presses<br />

de la Cité, 1963.<br />

. Alexandre Tvardovski, Vassili<br />

Tiorkine d<strong>ans</strong> l’autre monde, Lausanne,<br />

l’Age d’Homme, 1990.<br />

. Constantin Simonov, Les Jours <strong>et</strong><br />

les nuits de Stalingrad – récit d’un<br />

témoin, Paris, éd. Colbert, 1945.<br />

GEOFFREY HARTMAN<br />

Geoffrey Hartman (1929- ) is<br />

a Jewish American literary<br />

critic and theorist, who has<br />

since the beginning of the 1980s<br />

made important contributions in<br />

the domains of Holocaust studies,<br />

cultural memory studies, trauma<br />

theory, as well as Jewish studies.<br />

Hartman was centrally involved<br />

in establishing what is now the<br />

Fortunoff Video Archive at Yale<br />

University in the early 1980s, and<br />

in developing it into an important<br />

initiative for the visual recording of<br />

Holocaust testimony. Much of his<br />

172 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

173


Laboratoire<br />

mémoriel<br />

Rwanda<br />

EPISODE 3<br />

Belgique<br />

EPISODE 1<br />

. Par Rémi Korman,<br />

EHESS (École des<br />

Hautes Études en<br />

Sciences Sociales).<br />

<strong>Il</strong> effectue des<br />

recherches universitaires<br />

<strong>sur</strong> la <strong>mémoire</strong> du<br />

génocide des Tutsi<br />

au Rwanda où il se<br />

rend régulièrement.<br />

<strong>Il</strong> développe en<br />

parallèle des proj<strong>et</strong>s de<br />

tr<strong>ans</strong>mission publique<br />

de c<strong>et</strong>te <strong>mémoire</strong> avec<br />

l’association Ibuka à<br />

Lyon.<br />

. C<strong>et</strong>te chronique<br />

régulière vise à<br />

présenter la façon dont<br />

se construit le souvenir<br />

du génocide des Tutsi<br />

au Rwanda depuis<br />

1994. Elle prendra en<br />

compte les spécificités<br />

du modèle mémoriel<br />

rwandais, mais aussi<br />

les nombreux liens<br />

tissés avec des<br />

institutions travaillant<br />

<strong>sur</strong> la <strong>mémoire</strong> de la<br />

Shoah, <strong>sur</strong> le génocide<br />

des Arméniens ou<br />

encore le génocide<br />

cambodgien.<br />

LES ARTS<br />

ET LA REPRÉSENTATION<br />

DU GÉNOCIDE DES TUTSI<br />

Comment représenter un<br />

génocide C<strong>et</strong>te question, posée principalement<br />

à propos de la Shoah, a fait<br />

l’obj<strong>et</strong> de nombreux débats <strong>entre</strong> les<br />

partis<strong>ans</strong> de « l’irreprésentabilité » <strong>et</strong><br />

ceux considérant qu’il faut des Images<br />

malgré tout 1 . C<strong>et</strong>te réflexion d’ordre<br />

philosophique <strong>et</strong> esthétique existe aussi<br />

au Rwanda après 1994, mais en d’autres<br />

termes.<br />

Tout d’abord, les modalités du crime<br />

rendent très différentes les représentations<br />

du génocide. Après la Shoah<br />

se pose la question de la disparition<br />

des corps des victimes, mais aussi de<br />

l’éloignement des sites de massacre<br />

par rapport aux lieux de résidence, en<br />

particulier pour les Juifs d’Europe de<br />

l’Ouest. Le cas rwandais est marqué au<br />

contraire par une extrême matérialité<br />

des massacres, le pays étant jonché de<br />

corps après le génocide. Et la question<br />

n’est pas au Rwanda de se représenter<br />

ce qu’a été le génocide, mais quel avenir<br />

est possible d<strong>ans</strong> un pays où l’extrême<br />

majorité des enfants a vu ou subi les<br />

massacres, ou y a participé 2 .<br />

Ensuite, il faut noter qu’il y a au<br />

Rwanda un important décalage <strong>entre</strong><br />

« les arts visuels » quasiment absents<br />

<strong>et</strong> « une littérature orale d’une richesse<br />

exceptionnelle 3 . » De fait, c’est principalement<br />

à travers le chant qu’est exprimée<br />

la <strong>mémoire</strong> du génocide depuis<br />

1994 4 . On trouve cependant quelques<br />

artistes plasticiens rwandais ayant<br />

essayé de représenter visuellement,<br />

malgré tout, le génocide. Les œuvres de<br />

ces artistes oscillent alors <strong>entre</strong> hyperréalisme<br />

<strong>et</strong> tentative de symbolisation<br />

des massacres.<br />

UN ART TRAUMATIQUE<br />

OU LA DIFFICULTÉ DE SYMBOLISER<br />

LE GÉNOCIDE<br />

En 1995, l’État rwandais organise en<br />

collaboration avec l’Unicef un concours<br />

artistique à travers le pays afin de trouver<br />

un symbole national pour représenter<br />

le génocide. Près de soixante dessins<br />

Voici donc la première chronique de ce laboratoire<br />

mémoriel Belgique-België. Notre<br />

volonté est de rendre compte du foisonnement<br />

actuel des recherches menées <strong>sur</strong> des<br />

questions mémorielles en lien avec la Belgique <strong>et</strong>/ou<br />

par des chercheurs qui travaillent d<strong>ans</strong> des institutions<br />

scientifiques belges. Le périmètre d’investigation est<br />

donc plus large qu’une stricte réflexion portant <strong>sur</strong> les<br />

<strong>mémoire</strong>s collectives relatives à la Belgique <strong>et</strong> à son<br />

<strong>histoire</strong> même si cela restera le point d’analyse <strong>et</strong> de<br />

réflexion majeur.<br />

C<strong>et</strong>te première chronique est consacrée à la<br />

manière dont l’Allemagne contribue aux commémorations<br />

de la Grande Guerre en Belgique <strong>et</strong> à l’écho<br />

que les médias belges donnent à la participation des<br />

anciens belligérants aux manifestations officielles.<br />

Ce choix s’inscrit logiquement d<strong>ans</strong> la prolifération<br />

mémorielle actuelle autour de la Grande Guerre. Nous<br />

souhaitons m<strong>et</strong>tre en évidence que, malgré la (<strong>sur</strong>)<br />

abondance actuelle de manifestations mémorielles,<br />

certaines questions pourtant centrales semblent passer<br />

inaperçues. Ainsi ce laboratoire mémoriel se veut<br />

être un lieu où ces questions peuvent émerger.<br />

Nous poursuivrons le questionnement autour<br />

de la Grande Guerre d<strong>ans</strong> la chronique suivante<br />

qui sera consacrée au succès d’œuvres littéraires<br />

contemporaines en néerlandais <strong>et</strong> en français<br />

se rapportant à 14-18. La fascination pour c<strong>et</strong>te<br />

guerre, déjà observable en France depuis quelques<br />

années (notamment avec le livre 14 de Jean Echenoz<br />

ou plus récemment Au revoir là-haut de Pierre<br />

Lemaître), se manifeste également d<strong>ans</strong> la littérature<br />

flamande actuelle non seulement avec l’énorme<br />

succès de Oorlog en terpentijn de Stefan Hertm<strong>ans</strong>,<br />

mais également De dood van een soldaat de Johanna<br />

Spaey, Godenslaap d’Erwin Mortier ou Post voor<br />

mevrouw Bromley de Stefan Brijs. Le propos portera<br />

<strong>sur</strong> les liens <strong>entre</strong> littérature <strong>et</strong> réalité, authenticité <strong>et</strong><br />

imitation, souvenir <strong>et</strong> oubli.<br />

En 2015, on commémorera le centième anniversaire<br />

du génocide arménien. À c<strong>et</strong>te occasion, nous nous intéresserons<br />

à la manière dont c<strong>et</strong> anniversaire est célébré<br />

en Belgique d<strong>ans</strong> le contexte notamment des liens<br />

avec la communauté turque. 200 e anniversaire oblige,<br />

la bataille de Waterloo sera également chroniquée. Nos<br />

thématiques suivantes porteront <strong>sur</strong> une comparaison<br />

des nombreuses expositions commémoratives liées à la<br />

Première Guerre mondiale. On analysera les différences<br />

<strong>entre</strong> les grandes expositions (notamment musée de<br />

l’Armée à Bruxelles, gare des Guillemins à Liège) d<strong>ans</strong><br />

lesquelles la focalisation de l’attention s’avère très différente<br />

de l’ensemble des initiatives locales qui ornent les<br />

villes <strong>et</strong> villages de Flandre, de Wallonie <strong>et</strong> de Bruxelles.<br />

Ces dernières m<strong>et</strong>tant en évidence la ré<strong>sur</strong>gence de<br />

<strong>mémoire</strong>s familiales.<br />

En lien avec la dialectique <strong>entre</strong> souvenirs pertinents<br />

au niveau personnel <strong>et</strong> souvenirs d’événements<br />

nationaux, nous reprendrons les premiers résultats<br />

d’un proj<strong>et</strong> de recherche en cours <strong>sur</strong> les souvenirs<br />

intergénérationnels en relation avec la Seconde Guerre<br />

mondiale en Belgique. On ne peut qu’être frappé à la<br />

lecture des premiers résultats par le faible niveau de<br />

tr<strong>ans</strong>mission des souvenirs personnels, particulièrement<br />

pour la troisième génération. Ce qui interroge la<br />

manière dont les grands événements historiques sont<br />

tr<strong>ans</strong>mis en Belgique. ❚<br />

Olivier Lumin<strong>et</strong><br />

184 <strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong> – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / Décembre <strong>2014</strong> Testimony B<strong>et</strong>ween History and Memory – <strong>n°</strong><strong>119</strong> / December <strong>2014</strong><br />

187


DANS LE PROCHAIN NUMÉRO<br />

N° 120 – AVRIL 2015<br />

<strong>Témoigner</strong> <strong>entre</strong> <strong>histoire</strong> <strong>et</strong> <strong>mémoire</strong>.<br />

<strong>Revue</strong> pluridisciplinaire de la Fondation <strong>Auschwitz</strong>.<br />

Éditée par le C<strong>entre</strong> d’études <strong>et</strong> de documentation,<br />

Mémoire d’<strong>Auschwitz</strong> asbl <strong>et</strong> Éditions Kimé<br />

Directeur de la publication : Henri Goldberg.<br />

Directeur de la rédaction : Philippe Mesnard.<br />

Secrétaires de rédaction : Nathalie Pe<strong>et</strong>ers,<br />

Anneleen Spiessens.<br />

Contact : contact.testimonyquarterly@gmail.com<br />

Comité de rédaction : Daniel Acke (Belgique),<br />

Frédéric Crahay (Belgique), Janos Frühling (Belgique),<br />

Luba Jurgenson (France), Silvain Keuleers (Belgique),<br />

Isabelle Galichon (France), Herman Van Go<strong>et</strong>hem<br />

(Belgique), Meïr Waintrater (France).<br />

Comité scientifique : Marnix Beyen (Belgique),<br />

Sonia Combe (France), Bernard Dan (Belgique),<br />

Emmanuelle Danblon (Belgique), Wim De Vos (Belgique),<br />

Carola Hähnel (Allemagne), Fr<strong>ans</strong>iska Louwagie (Belgique),<br />

Carlo Sal<strong>et</strong>ti (Italie), Frediano Sessi (Italie),<br />

Régine Waintrater (France).<br />

Conception & réalisation graphique :<br />

Yann Collin/www.wakeupdesign.fr<br />

Impression : Nouvelle Imprimerie Laballery –<br />

58502 Clamecy – N° d’imprimeur 403094<br />

Les articles publiés n’engagent que la responsabilité des<br />

auteurs. Les textes de la revue sont publiés en français,<br />

néerlandais <strong>et</strong> anglais.<br />

Couverture © DR – Ph. M.<br />

Éditeur : Kimé, 2, impasse des Peintres, 75002 Paris<br />

www.editionskime.fr<br />

© Éditions Kimé, Paris, <strong>2014</strong> – ISBN 978-2-84174-688-0<br />

Mémoire d’<strong>Auschwitz</strong> asbl<br />

C<strong>entre</strong> d’études <strong>et</strong> de documentation<br />

65, rue des Tanneurs, 1000 Bruxelles – Belgique<br />

00 32 [0]2.512.79.98<br />

www.auschwitz.be<br />

Les activités de notre C<strong>entre</strong> sont soutenues par :<br />

La Loterie Nationale, La Ville de Bruxelles,<br />

La Fédération Wallonie-Bruxelles, Le SPF – Service des<br />

Victimes de la Guerre, La Commission communautaire<br />

française (COCOF), La Banque Nationale de Belgique,<br />

Ethias, Les Provinces, Les Communes, ainsi que par nos<br />

amis <strong>et</strong> membres. Nous les en remercions vivement.<br />

© Ph. M.<br />

_ 2013. Entrée du Musée du patrimoine arménien de Valence.<br />

QUEL AVENIR POUR LA MÉMOIRE<br />

DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN <br />

Le génocide des Arméniens de Turquie (1915-1916) suscite toujours de<br />

nombreux débats. D’une part, l’obstination des gouvernements turcs à nier<br />

c<strong>et</strong>te qualification est en opposition frontale avec sa reconnaissance par la<br />

plupart des gouvernements. D’autre part, les communautés arméniennes<br />

militent pour c<strong>et</strong>te reconnaissance en construisant une <strong>mémoire</strong> publique<br />

de ce génocide.<br />

Aujourd’hui, y a-t-il une <strong>mémoire</strong> arménienne en Turquie Quels modèles<br />

se sont tr<strong>ans</strong>mis d’une génération à l’autre Une réconciliation est-elle<br />

possible Peut-il y avoir coexistence s<strong>ans</strong> réconciliation Quelles sont les<br />

spécificités de la construction mémorielle du génocide arménien C<strong>et</strong>te<br />

construction s’est-elle exprimée dès les années 1920 Quelle place y<br />

tiennent les notions de victime <strong>et</strong> de victimisation Poursuit-elle des buts<br />

précis hormis la reconnaissance par les autorités turques des crimes commis<br />

par les Jeunes Turcs <strong>et</strong> leurs complices <br />

Abonnement<br />

Service Abonnements<br />

Mémoire d’<strong>Auschwitz</strong> asbl<br />

65, rue des Tanneurs<br />

1000 Bruxelles<br />

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À verser au compte 310-0780517-44 au nom<br />

de “Mémoire d’<strong>Auschwitz</strong> asbl” – 1000 Bruxelles<br />

IBAN : BE55 3100 7805 1744<br />

BIC : BBRUBEBB<br />

3-10 août 2015<br />

PLUS DE RENSEIGNEMENTS<br />

www.auschwitz.be/index.php/fr/voyage-d-<strong>et</strong>udes<strong>sur</strong>-les-traces-de-la-shoah-en-pologne<br />

Contrairement aux camps de concentration, les « c<strong>entre</strong>s de<br />

mise à mort » n’avaient qu’un seul but, celui d’exterminer !<br />

Partant des gh<strong>et</strong>tos, principaux points de départ, vers les différents<br />

c<strong>entre</strong>s d’extermination, ce nouveau voyage nous fera découvrir,<br />

suivant un ordre chronologique, les lieux clés d’une des époques<br />

les plus noires de notre <strong>histoire</strong>.<br />

Le voyage débutera par la visite du gh<strong>et</strong>to de Varsovie, suivi de celui<br />

à Łódź, d’où ses habitants étaient envoyés à Chełmno Nad Nerem<br />

où fonctionnait le c<strong>entre</strong> d’extermination Kulmhof. En passant par<br />

Radom, le voyage passera par Lublin, où se trouve non seulement<br />

le camp de concentration / extermination de Majdanek, mais<br />

où demeurent encore les traces de l’ « Aktion Reinhardt ». Après<br />

Zamość, l’on continuera par le c<strong>entre</strong> de mise à mort immédiate de<br />

Bełżec. Puis, nous irons de Włodawa à Sobibór <strong>et</strong> en passant par<br />

Siedlce, vers le camp d’extermination de Treblinka.<br />

Sur intern<strong>et</strong> : www.auschwitz.be rubrique Publications / Abonnement <strong>et</strong> Commande<br />

Avec notre partenaire<br />

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Exonération fiscale : Nous informons nos membres que tout don d’au moins 40 € donne lieu à une<br />

attestation fiscale, à condition que soient expressément indiqués <strong>sur</strong> le virement « don + attest ».

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