Rapport de Phase I - Le monde des Pyrénées

Rapport de Phase I - Le monde des Pyrénées Rapport de Phase I - Le monde des Pyrénées

pyrenees.pireneus.com
from pyrenees.pireneus.com More from this publisher
14.01.2015 Views

productivité de 0,016 point (20/1200). Malgré cette revalorisation, il semble donc que les résultats des calculs soient toujours en deçà des pertes provoquées par des attaques violentes (ou au dessus, lors d’attaques calmes). Notons que dans le cas d’un troupeau non protégé, l’indemnisation couvre 240€, soit l’équivalent d’un manque à produire de 8 agneaux. 2.3.1.2.2 La mortalité non reconnue Le second type de pertes indirectes correspond aux bêtes dont la mortalité n’est pas reconnue, c'està-dire les bêtes disparues ou les bêtes blessées et achevées. Tout d’abord, S. Bacha et al. citent une étude norvégienne qui évalue le nombre d’animaux disparus lors d’attaques de loups à 40% du total des animaux victimes de prédation (Seim, 2001 47 ). Des bilans et une enquête ont été menés par ailleurs par les DDAF des départements concernés par les loups et par L. Garde et S. Bacha en 2005. Dans le premier cas, le bilan s’appuie sur des déclarations non obligatoires des éleveurs ; dans le second, l’enquête est menée auprès de 21 éleveurs qui dressent l’état des pertes en fin de saison de pâturage, à partir de comptages effectués après chaque attaque. Quels enseignements tirer des résultats Tout d’abord, ces enquêtes permettent de mettre en évidence l’existence de ces pertes et la pertinence de leur intégration dans la procédure d’indemnisation. Ensuite, dans les deux cas, une variabilité importante d’une exploitation à l’autre et d’une année sur l’autre est visible, le pourcentage de bêtes disparues par rapport au total prédaté variant de 13,6% à 97,9%. Sur les 73 attaques étudiées par L. Garde et S. Bacha, la moyenne des animaux disparus s’élève à 36% des animaux victimes de prédation. Mais l’absence de représentativité de ces évaluations, liée à une grande variabilité des pertes et des conditions d’attaques, ne permet pas de les généraliser. S. Bacha et al. (2007) concluent donc que, de même que pour les pertes liées au stress, la définition d’un forfait standard tel que le prévoit le barème d’indemnisation (15% du montant de l’indemnisation des animaux tués en 2006 ; 15 à 20% en 2009) ne peut répondre à une telle hétérogénéité des situations. Ces conclusions rejoignent celles de S. Bacha (2002) qui dresse un bilan des pertes animales (stress et mortalité non reconnue) recensées dans cinq exploitations subissant des attaques de loup : selon l’intensité de l’attaque, les indemnisations perçues peuvent ou non compenser les pertes induites. Le principe d’indemnisation forfaitaire pénalise ainsi les éleveurs ayant subi de fortes attaques. 2.3.1.3 Impacts indirects de la prédation sur l’éleveur et le berger Si, de premier abord, elles concernent les troupeaux, les attaques de loup touchent également les éleveurs et bergers. Elles engendrent tout d’abord un accroissement de la charge de travail pour le gardien du troupeau : nous prendrons ce terme pour désigner la personne qui garde le troupeau durant l’estive, quel que soit son statut (éleveur, berger, entrepreneur de garde). De nouvelles tâches viennent en effet compléter les tâches habituelles du gardien de troupeau que sont : la conduite du troupeau, la gestion des ressources pastorales, la gestion de l’environnement humain, 47 Seim V., 2001, « Elevage ovin et grands carnivores en Norvège », Rencontre européenne des éleveurs victimes des prédateurs, Nice, 8 septembre 2001, p. 21- 25 (cité par S. bacha et al., 2007, p.155) ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 90

la gestion de l’environnement naturel et l’intendance nécessaire à la vie en alpage. Ainsi, avec la gestion de la protection des troupeaux (nous l’aborderons plus loin), celle des attaques constitue une des tâches nouvelles induites par la présence du loup (Jallet et Fabre, 2007) 48 et recouvre : le signalement de l’attaque et des pertes auprès des personnes chargées d’établir les constats (lorsque les zones d’alpage ne sont pas couvertes par les réseaux de téléphonie mobile ou que les gardiens ne bénéficient pas de systèmes de radios 49 , cela peut être long, avec parfois la nécessité de se rendre à pied pour accéder au premier téléphone, se situant à 2h de marche) ; l’accompagnement de l’agent dans la rédaction du constat ; la recherche des bêtes tuées et perdues (la recherche représente parfois une perte de temps conséquente lorsque les brebis sont éparpillées sur l’ensemble de l’alpage et que les conditions météorologiques ne sont pas favorables) ; le rassemblement du troupeau en cas de dispersion et son comptage ; les soins aux animaux blessés. De manière générale, les opérations de comptage sont multipliées pour vérifier régulièrement l’occurrence d’une attaque ou non. Or, le temps nécessaire à chaque comptage est estimé à 4 à 8 heures de travail (Bacha et al., 2007). La gestion des attaques et de la protection des troupeaux constitue un accroissement considérable de la charge de travail qui a été estimée à 6 à 8 heures supplémentaires par jour (Jallet et Fabre, 2007), avec une moyenne de 0,35h par brebis et par an (Silhol et al., 2007). Nous reviendrons sur l’évaluation de ce temps supplémentaire de travail, de son coût et de sa prise en charge financière par le gouvernement dans le paragraphe 2.3.2., intitulé « impacts de la protection des troupeaux ». Par ailleurs, des bêtes en état de stress sont plus difficiles à gérer et compliquent le travail de conduite du troupeau pour son gardien. Enfin, la menace et la réalisation d’une attaque ont des conséquences morales et émotionnelles très importantes chez le gardien du troupeau. Celui-ci vit la période de l’estive dans un état de tension permanent où le stress, la fatigue, l’énervement et parfois le découragement peuvent conduire à de véritables dépressions (Estrosi et Spagnou, 2003). 2.3.1.4 Estimation économique des impacts directs et indirects Les incidences de la prédation du loup, sur les systèmes pastoraux ovins notamment, s’établissent donc sous deux formes : les impacts directs qui représentent les animaux blessés, tués ou disparus et les impacts indirects dues au manque à gagner des exploitations (agnelles qui n’ont pu être commercialisées pour assurer le renouvellement, cessation de production de tardons…). La question posée précédemment visant à estimer la différence observée entre les pertes directes et indirectes subies et le niveau de dédommagements des éleveurs a été analysé par Bacha dans son 48 Jallet M. et Fabre P., 2007, « Organisation du travail face à la prédation : redéfinition des métiers de l’alpage », Actes du séminaire technique des 15 et 16 juin 2006 Loup Elevage S’ouvrir à la complexité, Aix en Provence, pp. 108-117 49 Comme cela existe dans les parcs naturels régionaux du Vercors et du Queyras (Estrosi C. et Spagnou D., 2003) ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 91

productivité <strong>de</strong> 0,016 point (20/1200). Malgré cette revalorisation, il semble donc que les résultats <strong>de</strong>s<br />

calculs soient toujours en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong>s pertes provoquées par <strong>de</strong>s attaques violentes (ou au <strong>de</strong>ssus, lors<br />

d’attaques calmes). Notons que dans le cas d’un troupeau non protégé, l’in<strong>de</strong>mnisation couvre 240€,<br />

soit l’équivalent d’un manque à produire <strong>de</strong> 8 agneaux.<br />

2.3.1.2.2 La mortalité non reconnue<br />

<strong>Le</strong> second type <strong>de</strong> pertes indirectes correspond aux bêtes dont la mortalité n’est pas reconnue, c'està-dire<br />

les bêtes disparues ou les bêtes blessées et achevées.<br />

Tout d’abord, S. Bacha et al. citent une étu<strong>de</strong> norvégienne qui évalue le nombre d’animaux disparus<br />

lors d’attaques <strong>de</strong> loups à 40% du total <strong>de</strong>s animaux victimes <strong>de</strong> prédation (Seim, 2001 47 ).<br />

Des bilans et une enquête ont été menés par ailleurs par les DDAF <strong>de</strong>s départements concernés par<br />

les loups et par L. Gar<strong>de</strong> et S. Bacha en 2005. Dans le premier cas, le bilan s’appuie sur <strong>de</strong>s<br />

déclarations non obligatoires <strong>de</strong>s éleveurs ; dans le second, l’enquête est menée auprès <strong>de</strong> 21<br />

éleveurs qui dressent l’état <strong>de</strong>s pertes en fin <strong>de</strong> saison <strong>de</strong> pâturage, à partir <strong>de</strong> comptages effectués<br />

après chaque attaque. Quels enseignements tirer <strong>de</strong>s résultats <br />

Tout d’abord, ces enquêtes permettent <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce l’existence <strong>de</strong> ces pertes et la<br />

pertinence <strong>de</strong> leur intégration dans la procédure d’in<strong>de</strong>mnisation.<br />

Ensuite, dans les <strong>de</strong>ux cas, une variabilité importante d’une exploitation à l’autre et d’une année sur<br />

l’autre est visible, le pourcentage <strong>de</strong> bêtes disparues par rapport au total prédaté variant <strong>de</strong> 13,6% à<br />

97,9%. Sur les 73 attaques étudiées par L. Gar<strong>de</strong> et S. Bacha, la moyenne <strong>de</strong>s animaux disparus<br />

s’élève à 36% <strong>de</strong>s animaux victimes <strong>de</strong> prédation. Mais l’absence <strong>de</strong> représentativité <strong>de</strong> ces<br />

évaluations, liée à une gran<strong>de</strong> variabilité <strong>de</strong>s pertes et <strong>de</strong>s conditions d’attaques, ne permet pas <strong>de</strong><br />

les généraliser.<br />

S. Bacha et al. (2007) concluent donc que, <strong>de</strong> même que pour les pertes liées au stress, la définition<br />

d’un forfait standard tel que le prévoit le barème d’in<strong>de</strong>mnisation (15% du montant <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>mnisation<br />

<strong>de</strong>s animaux tués en 2006 ; 15 à 20% en 2009) ne peut répondre à une telle hétérogénéité <strong>de</strong>s<br />

situations.<br />

Ces conclusions rejoignent celles <strong>de</strong> S. Bacha (2002) qui dresse un bilan <strong>de</strong>s pertes animales<br />

(stress et mortalité non reconnue) recensées dans cinq exploitations subissant <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong><br />

loup : selon l’intensité <strong>de</strong> l’attaque, les in<strong>de</strong>mnisations perçues peuvent ou non compenser les<br />

pertes induites. <strong>Le</strong> principe d’in<strong>de</strong>mnisation forfaitaire pénalise ainsi les éleveurs ayant subi <strong>de</strong> fortes<br />

attaques.<br />

2.3.1.3 Impacts indirects <strong>de</strong> la prédation sur l’éleveur et le berger<br />

Si, <strong>de</strong> premier abord, elles concernent les troupeaux, les attaques <strong>de</strong> loup touchent également les<br />

éleveurs et bergers.<br />

Elles engendrent tout d’abord un accroissement <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail pour le gardien du<br />

troupeau : nous prendrons ce terme pour désigner la personne qui gar<strong>de</strong> le troupeau durant l’estive,<br />

quel que soit son statut (éleveur, berger, entrepreneur <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>). De nouvelles tâches viennent en<br />

effet compléter les tâches habituelles du gardien <strong>de</strong> troupeau que sont :<br />

la conduite du troupeau,<br />

la gestion <strong>de</strong>s ressources pastorales,<br />

la gestion <strong>de</strong> l’environnement humain,<br />

47 Seim V., 2001, « Elevage ovin et grands carnivores en Norvège », Rencontre européenne <strong>de</strong>s éleveurs victimes <strong>de</strong>s<br />

prédateurs, Nice, 8 septembre 2001, p. 21- 25 (cité par S. bacha et al., 2007, p.155)<br />

ACTeon – Cemagref – Evaluation <strong>de</strong> l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes<br />

Françaises<br />

<strong>Rapport</strong> <strong>Phase</strong> I - Dec 2009<br />

90

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!