Rapport de Phase I - Le monde des Pyrénées
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2.3.3 Le loup et l’élevage dans la société Une question plus générale se dessine en filigrane de l’inventaire de ces impacts du loup : celle de la place de l’élevage dans la société. La prédation et la protection des troupeaux ont certes des conséquences techniques et économiques mais elles revêtent également un aspect social, indissociable des deux précédents. Et, pour mieux comprendre le dépit et la virulence des acteurs du monde de l’élevage face à la présence du prédateur, il apparaît fondamental d’associer à la mesure des impacts techniques et économiques l’exploration des aspects sociaux de ce problème. Si cela a été partiellement développé au cours des deux précédents chapitres, il est nécessaire de revenir sur cet aspect social et d’en approfondir la compréhension, par la mise en lumière des logiques, des principes et des valeurs qui sous-tendent les postures des professionnels dans cette problématique. 2.3.3.1 Conflits et recompositions des relations L’arrivée du loup dans les Alpes françaises s’est accompagnée de conflits, recomposant les liens sociaux entre les acteurs impliqués dans les territoires ruraux. Structurés par l’opposition de deux camps, ces conflits confrontent les partisans du loup, principalement des acteurs du monde de la protection de la nature aux détracteurs du carnivore, généralement des acteurs des mondes agricole et cynégétique (Mauz, 2005) 71 . Il faut préciser que ces camps constituent les pôles extrêmes des postures des différents protagonistes du conflit. Il existe bien évidemment des nuances de positionnement chez les acteurs reflétant à la fois leurs positions personnelles et les situations locales dans lesquelles ils sont pris. Trois grandes phases dans la crise provoquée par le loup ont été identifiées par I. Mauz (2005). La première, celle de l’évitement de la confrontation : les partisans du prédateur passent sous silence ses indices de présence et les détracteurs n’accordent pas de crédibilité à ce retour annoncé. La seconde est celle de la polémique, où les camps se confrontent et échangent des arguments polémiques. La troisième étape est celle de l’avancement vers une cogestion du loup et du mouton où les acteurs tentent de trouver des compromis et des techniques nouvelles susceptibles de résoudre le problème. Ce dernier stade concerne généralement les acteurs confrontés aux loups depuis plusieurs années, voire décennies. Mais bien que le conflit laisse place ici à une phase plus constructive, les controverses ouvertes lors de la confrontation (que nous aborderons dans le paragraphe « controverses et légitimité de l’élevage ») restent actives et sont entretenues par les acteurs. Première conséquence sociale de son arrivée, le loup a donc recomposé les liens sociaux et impulsé de nouvelles relations entre les acteurs des territoires ruraux (Mounet, 2007). Il a tout d’abord créé une scission entre des acteurs qui se côtoyaient sans conflit. Cette scission ne constitue en aucun cas une rupture de relation, mais bien une relation nouvelle, axée sur l’opposition à propos du loup. Dans un premier temps, cette confrontation prend la forme de nombreuses incompréhensions (Ernoult et al., 2003), se basant sur des valeurs opposées. Mais, à long terme et pour les acteurs s’étant 71 I. Mauz a décrit l’argumentaire et le comportement de chacun des acteurs à l’arrivée du loup dans la Vanoise (Mauz I., 2005, Gens, Cornes et Crocs, Ed. Quae, Paris) ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 112
ouverts à la troisième étape de la crise, cette confrontation a également permis un co-apprentissage des uns et des autres, de leur métier, de leurs valeurs ou encore de leur réalité et de leur vécu quotidiens. Le conflit a également renforcé certains liens. Ainsi, un grand nombre d’acteurs de l’élevage se sont retrouvés unis autour d’une même cause, l’opposition à la présence du loup en France et ont relayé le même type d’arguments visant à prouver l’impossibilité d’une cohabitation entre les loups et l’élevage. L. Garde et al. (2007) retranscrivent dans leurs travaux ce sentiment d’unité chez les éleveurs. De même, les partisans du loup se sont retrouvés autour d’une même volonté du maintien de la présence du loup. Mais cette unité n’est pas permanente et les scissions au sein de chaque camp apparaissent progressivement. Des clivages sont relevés chez les éleveurs, entre pluriactifs et monoactifs ; transhumants locaux et étrangers ou encore selon la taille de l’exploitation (Mauz, 2005 ; Mounet, 2007). De plus, M. Mallen (2002) et S. Egger (2006) mettent en évidence les conséquences de la présence des loups pour les bergers. Si les prédateurs ont compliqué leur tâche, ils ont également permis aux bergers de réaffirmer leur identité. C. Ernoult et al., 2003 relaient les propos de certains bergers qui estiment que le retour du loup a engendré une modification de l’image de leur métier, avec une prise de conscience de la part du grand public des difficultés inhérentes au métier et du rôle environnemental des troupeaux ovins. C’est donc tout un réseau de relations nouvelles entre les acteurs des territoires ruraux qui s’est progressivement construit autour de la question du loup. A chaque étape de la crise, ces relations se sont modifiées et remodelées. Mais quelles sont donc ces argumentations au pouvoir initialement unificateur Et en quoi nous permettent-elles de déceler des logiques divergentes entre partisans et détracteurs du loup 2.3.3.2 Controverses et légitimité de l’élevage La plupart des acteurs concernés par le loup depuis plusieurs années se sont tournés vers le pragmatisme et la recherche de solutions concrètes, estimant qu’il faut « faire avec ». Mais s’ils se trouvent dans la troisième étape de la crise décrite par I. Mauz, ils n’en oublient pas pour autant leur posture partisane ou détractrice du loup. Les controverses et les arguments opposés sont régulièrement rappelés par les acteurs, comme une affirmation de leur appartenance à l’un des deux camps. Ainsi, l’opposition se structure de la même manière, quel que soit le territoire concerné : elle s’organise autour d’arguments génériques caractéristiques de chaque camp et alimentant des controverses. 2.3.3.2.1 Des visions divergentes de l’environnement et de la faune sauvage L’opposition des partisans et des détracteurs du loup prend son origine dans une vision divergente de l’environnement et de la faune sauvage. Deux manières de percevoir la faune sauvage ont été mises en évidence par I. Mauz : La première se base sur une grille de lecture dont l’axe principal est celui de la sauvagerie : la faune sauvage est jugée par ses caractéristiques se rapprochant d’un animal sauvage ou d’un animal domestique. Les critères de distinction entre ces deux pôles sont notamment le caractère farouche et la rareté de l’animal sauvage. ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 113
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2.3.3 <strong>Le</strong> loup et l’élevage dans la société<br />
Une question plus générale se <strong>de</strong>ssine en filigrane <strong>de</strong> l’inventaire <strong>de</strong> ces impacts du loup : celle <strong>de</strong> la<br />
place <strong>de</strong> l’élevage dans la société. La prédation et la protection <strong>de</strong>s troupeaux ont certes <strong>de</strong>s<br />
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mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’élevage face à la présence du prédateur, il apparaît fondamental d’associer à la mesure<br />
<strong>de</strong>s impacts techniques et économiques l’exploration <strong>de</strong>s aspects sociaux <strong>de</strong> ce problème.<br />
Si cela a été partiellement développé au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>nts chapitres, il est nécessaire <strong>de</strong><br />
revenir sur cet aspect social et d’en approfondir la compréhension, par la mise en lumière <strong>de</strong>s<br />
logiques, <strong>de</strong>s principes et <strong>de</strong>s valeurs qui sous-ten<strong>de</strong>nt les postures <strong>de</strong>s professionnels dans cette<br />
problématique.<br />
2.3.3.1 Conflits et recompositions <strong>de</strong>s relations<br />
L’arrivée du loup dans les Alpes françaises s’est accompagnée <strong>de</strong> conflits, recomposant les liens<br />
sociaux entre les acteurs impliqués dans les territoires ruraux. Structurés par l’opposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
camps, ces conflits confrontent les partisans du loup, principalement <strong>de</strong>s acteurs du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
protection <strong>de</strong> la nature aux détracteurs du carnivore, généralement <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s agricole<br />
et cynégétique (Mauz, 2005) 71 . Il faut préciser que ces camps constituent les pôles extrêmes <strong>de</strong>s<br />
postures <strong>de</strong>s différents protagonistes du conflit. Il existe bien évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>s nuances <strong>de</strong><br />
positionnement chez les acteurs reflétant à la fois leurs positions personnelles et les situations locales<br />
dans lesquelles ils sont pris.<br />
Trois gran<strong>de</strong>s phases dans la crise provoquée par le loup ont été i<strong>de</strong>ntifiées par I. Mauz (2005). La<br />
première, celle <strong>de</strong> l’évitement <strong>de</strong> la confrontation : les partisans du prédateur passent sous silence<br />
ses indices <strong>de</strong> présence et les détracteurs n’accor<strong>de</strong>nt pas <strong>de</strong> crédibilité à ce retour annoncé. La<br />
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polémiques. La troisième étape est celle <strong>de</strong> l’avancement vers une cogestion du loup et du<br />
mouton où les acteurs tentent <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s compromis et <strong>de</strong>s techniques nouvelles susceptibles <strong>de</strong><br />
résoudre le problème. Ce <strong>de</strong>rnier sta<strong>de</strong> concerne généralement les acteurs confrontés aux loups<br />
<strong>de</strong>puis plusieurs années, voire décennies. Mais bien que le conflit laisse place ici à une phase plus<br />
constructive, les controverses ouvertes lors <strong>de</strong> la confrontation (que nous abor<strong>de</strong>rons dans le<br />
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Première conséquence sociale <strong>de</strong> son arrivée, le loup a donc recomposé les liens sociaux et impulsé<br />
<strong>de</strong> nouvelles relations entre les acteurs <strong>de</strong>s territoires ruraux (Mounet, 2007). Il a tout d’abord créé<br />
une scission entre <strong>de</strong>s acteurs qui se côtoyaient sans conflit. Cette scission ne constitue en aucun<br />
cas une rupture <strong>de</strong> relation, mais bien une relation nouvelle, axée sur l’opposition à propos du loup.<br />
Dans un premier temps, cette confrontation prend la forme <strong>de</strong> nombreuses incompréhensions (Ernoult<br />
et al., 2003), se basant sur <strong>de</strong>s valeurs opposées. Mais, à long terme et pour les acteurs s’étant<br />
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I. Mauz a décrit l’argumentaire et le comportement <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s acteurs à l’arrivée du loup dans la Vanoise (Mauz I., 2005,<br />
Gens, Cornes et Crocs, Ed. Quae, Paris)<br />
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