Rapport de Phase I - Le monde des Pyrénées

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De plus, la présence de chiens peut entraver le travail de conduite, en modifiant les biais et les rythmes de pâturage (Ernoult et al 63 , 2003, MEEDDAT et MAP, 2008). Elle accroît également le travail d’intendance (repas, ravitaillements, etc.). Enfin, le MEEDDAT et le MAP (2008) pointent des difficultés dans la gestion globale du problème : l’absence d’organisation globale de la filière et de schéma de sélection ne permet pas d’identifier et de sélectionner les meilleurs chiens de protection. Sur ce point, un programme national Chiens de protection piloté par l’Institut de l’élevage avec le concours de la Société Centrale Canine (SCC), et soutenu financièrement par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche et l’Office de l’Elevage, a toutefois débuté fin 2006. Ce programme a permis de fournir des outils opérationnels tels qu’une base de données des chiens qu’il a recensés et un test de comportement permettant d’évaluer l’aptitude du chien à la protection et son agressivité potentielle vis-à-vis de l’homme. 2.3.2.3 …sur l’organisation du système d’élevage Face au risque de prédation, les éleveurs et les bergers adoptent différentes stratégies dans l’intégration des mesures de protection à leur pratique d’élevage. Ces stratégies se définissent notamment en fonction de la connaissance qu’ils ont des bonnes pratiques pastorales mais également du risque qu’ils consentent à faire prendre au troupeau ou à des lots d’animaux (Garde et al., 2007). Ces professionnels innovent en combinant les mesures de protection d’une manière particulière : lorsqu’ils se sont assurés de l’efficacité de leur chien de protection, certains adoptent de nouveau la couchade libre (Moret, 2007) ; la mise en place de parc d’après-midi est testée pour limiter les effets négatifs du regroupement nocturne (Garde, 2007) ; des pistes sont proposées pour mieux sécuriser les parcs de pâturage (Garde, 2007) 64 . Les stratégies des professionnels sont variables et tentent de répondre aux valeurs qui fondent le sens de leur métier. Trois points fondamentaux ont été identifiés par J. Lasseur, L. Garde et A. L. Gouty (2007) 65 à partir d’entretiens menés auprès des éleveurs ovins. Ces trois pôles, dessinant un triptyque dans lequel s’inscrivent les bonnes pratiques pastorales, peuvent être exprimés de la sorte : « il faut tirer le meilleur parti possible de l’herbe au pâturage » ; « il faut produire de bons agneaux broutards » ; « il faut faire pâturer la montagne, tout en assurant la pérennité de la ressource ». Face aux exigences de protection des troupeaux, ces professionnels adoptent des postures différentes, définies d’une part par leur rapport au risque et d’autre part par le temps consacré aux activités de l’éleveur. Ainsi, chacun juge différemment des bonnes pratiques à adopter face au risque de prédation : à l’acceptation d’un niveau de risque de prédation par certains s’oppose la volonté d’une protection maximale du troupeau pour les autres ; à une présence permanente au troupeau s’oppose l’idée qu’il faut concilier le travail à la vie familiale et aux autres activités. 63 Ernoult C., Perret E., Labonne S., Dobremez L., Véron F., Nouvel P., Valence C., 2003, Adaptation des systèmes d’exploitation à des enjeux environnementaux : les systèmes ovins utilisateurs d’espaces pastoraux dans le massif alpin, Cemagref, Grenoble. 64 Garde L., 2007, « Sécuriser les parcs de pâturage, les associer au gardiennage : un projet d’action face aux limites du schéma de protection actuel », Actes du séminaire technique des 15 et 16 juin 2006 Loup Elevage S’ouvrir à la complexité, Aix en Provence, pp. 220-227 65 Lasseur J., Garde L., Gouty A. L., 2007, « La réorganisation des activités d’élevage en Vésubie-Roya », Actes du séminaire technique des 15 et 16 juin 2006 Loup Elevage S’ouvrir à la complexité, Aix en Provence, pp. 192 – 201. ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 100

L’exemple du parc de nuit illustre les choix des éleveurs et des bergers dans la situation de contradiction apparente entre les objectifs de production et de protection. Trois types de stratégies ont été mis en lumière par J. Lasseur, L. Garde et A. L. Gouty (2007). Garder des pratiques pastorales s’inscrivant dans le triptyque des « bonnes pratiques » mais prendre plus de risques en pratiquant le lâché-dirigé vers des couchades moins risquées. Garder de « bonnes pratiques » en limitant les risques : rester avec les brebis le temps qu’il faut et n’avoir recours au parc de nuit que si besoin. Le travail de gardiennage est alors considérablement accru, aux dépens de la vie familiale. Abandonner les « bonnes pratiques » en adoptant les mesures préconisées, sans modifier le temps de travail habituel : regroupement en fin de journée, en dépit du besoin de pâturage. Mais protéger les animaux du risque de prédation se traduit pour certains éleveurs par une modification radicale de leur système d’élevage, avec une réorganisation des périodes de lutte et de mise-bas. Les travaux de L. Garde et al. (2007) portant sur 16 exploitations ovines des Hautes Alpes, des Alpes de Haute Provence et des Alpes Maritimes mettent évidence les types de stratégies et de réorganisation. Alors que l’organisation habituelle se base sur un agnelage de printemps et une lutte en fin d’alpage (septembre-octobre), plusieurs stratégies modifiant tout ou partie de cette organisation ont été mises à jour par les auteurs. L’abandon de la mise en alpage des agneaux de printemps et donc de la production de tardons, par le report des agnelages à l’automne ou l’élevage des agneaux de printemps en bergerie. Ce renoncement à la production de tardons et ses conséquences en termes d’organisation constituent une véritable révolution des pratiques chez les éleveurs. Cette modification est adoptée par des éleveurs de montagne des départements des Hautes Alpes et des Alpes de Haute Provence. Le maintien en bergerie de ces agneaux induit alors des surcoûts et des réorganisations du système : o coût de l’affouragement ; o vente d’agneaux moins lourds, o mode de production plus intensif et donc moins naturel (nous verrons plus loin, cela peut avoir une incidence sur leur vision de leur métier), o agnelage de printemps plus précoce pour vendre agneaux finis en bergerie avant l’été ou report de la totalité de l’agnelage à l’automne, o augmentation du travail à l’exploitation. Mais lorsqu’ils ne peuvent mettre en œuvre de telles réorganisations (du fait de surfaces fourragères insuffisantes et filière de commercialisation d’agneaux de bergerie non organisée), les éleveurs ne modifient leur fonctionnement qu’à la marge et maintiennent l’agnelage de printemps. Le peu de marges de manœuvre concerne principalement les exploitations des Alpes Maritimes que les auteurs ont étudiées. L’exposition au risque des lots d’animaux sensibles (agneaux au printemps et brebis en lutte) augmente la probabilité de pertes directes et indirectes liées aux prédations. Les seules adaptations possibles sont celles d’une sortie plus tardive de la bergerie des brebis non gestantes pour éviter la présence d’un seul lot au pâturage et l’abandon ou la baisse de la pratique de fauche au profit du gardiennage. Ces deux adaptations ont des conséquences en termes de surcoût, avec un besoin accru de foin dans les deux cas et un impact paysager pour la dernière. ACTeon – Cemagref – Evaluation de l’impact socio économique du loup sur les systèmes pastoraux dans les Alpes Françaises Rapport Phase I - Dec 2009 101

L’exemple du parc <strong>de</strong> nuit illustre les choix <strong>de</strong>s éleveurs et <strong>de</strong>s bergers dans la situation <strong>de</strong><br />

contradiction apparente entre les objectifs <strong>de</strong> production et <strong>de</strong> protection. Trois types <strong>de</strong> stratégies ont<br />

été mis en lumière par J. Lasseur, L. Gar<strong>de</strong> et A. L. Gouty (2007).<br />

Gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s pratiques pastorales s’inscrivant dans le triptyque <strong>de</strong>s « bonnes pratiques » mais<br />

prendre plus <strong>de</strong> risques en pratiquant le lâché-dirigé vers <strong>de</strong>s coucha<strong>de</strong>s moins risquées.<br />

Gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> « bonnes pratiques » en limitant les risques : rester avec les brebis le temps qu’il<br />

faut et n’avoir recours au parc <strong>de</strong> nuit que si besoin. <strong>Le</strong> travail <strong>de</strong> gardiennage est alors<br />

considérablement accru, aux dépens <strong>de</strong> la vie familiale.<br />

Abandonner les « bonnes pratiques » en adoptant les mesures préconisées, sans modifier le<br />

temps <strong>de</strong> travail habituel : regroupement en fin <strong>de</strong> journée, en dépit du besoin <strong>de</strong> pâturage.<br />

Mais protéger les animaux du risque <strong>de</strong> prédation se traduit pour certains éleveurs par une<br />

modification radicale <strong>de</strong> leur système d’élevage, avec une réorganisation <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lutte et<br />

<strong>de</strong> mise-bas. <strong>Le</strong>s travaux <strong>de</strong> L. Gar<strong>de</strong> et al. (2007) portant sur 16 exploitations ovines <strong>de</strong>s Hautes<br />

Alpes, <strong>de</strong>s Alpes <strong>de</strong> Haute Provence et <strong>de</strong>s Alpes Maritimes mettent évi<strong>de</strong>nce les types <strong>de</strong> stratégies<br />

et <strong>de</strong> réorganisation. Alors que l’organisation habituelle se base sur un agnelage <strong>de</strong> printemps et une<br />

lutte en fin d’alpage (septembre-octobre), plusieurs stratégies modifiant tout ou partie <strong>de</strong> cette<br />

organisation ont été mises à jour par les auteurs.<br />

L’abandon <strong>de</strong> la mise en alpage <strong>de</strong>s agneaux <strong>de</strong> printemps et donc <strong>de</strong> la production <strong>de</strong><br />

tardons, par le report <strong>de</strong>s agnelages à l’automne ou l’élevage <strong>de</strong>s agneaux <strong>de</strong> printemps en<br />

bergerie. Ce renoncement à la production <strong>de</strong> tardons et ses conséquences en termes<br />

d’organisation constituent une véritable révolution <strong>de</strong>s pratiques chez les éleveurs. Cette<br />

modification est adoptée par <strong>de</strong>s éleveurs <strong>de</strong> montagne <strong>de</strong>s départements <strong>de</strong>s Hautes Alpes<br />

et <strong>de</strong>s Alpes <strong>de</strong> Haute Provence. <strong>Le</strong> maintien en bergerie <strong>de</strong> ces agneaux induit alors <strong>de</strong>s<br />

surcoûts et <strong>de</strong>s réorganisations du système :<br />

o coût <strong>de</strong> l’affouragement ;<br />

o vente d’agneaux moins lourds,<br />

o mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production plus intensif et donc moins naturel (nous verrons plus loin, cela<br />

peut avoir une inci<strong>de</strong>nce sur leur vision <strong>de</strong> leur métier),<br />

o agnelage <strong>de</strong> printemps plus précoce pour vendre agneaux finis en bergerie avant l’été<br />

ou report <strong>de</strong> la totalité <strong>de</strong> l’agnelage à l’automne,<br />

o augmentation du travail à l’exploitation.<br />

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Mais lorsqu’ils ne peuvent mettre en œuvre <strong>de</strong> telles réorganisations (du fait <strong>de</strong> surfaces<br />

fourragères insuffisantes et filière <strong>de</strong> commercialisation d’agneaux <strong>de</strong> bergerie non<br />

organisée), les éleveurs ne modifient leur fonctionnement qu’à la marge et maintiennent<br />

l’agnelage <strong>de</strong> printemps. <strong>Le</strong> peu <strong>de</strong> marges <strong>de</strong> manœuvre concerne principalement les<br />

exploitations <strong>de</strong>s Alpes Maritimes que les auteurs ont étudiées. L’exposition au risque <strong>de</strong>s lots<br />

d’animaux sensibles (agneaux au printemps et brebis en lutte) augmente la probabilité <strong>de</strong><br />

pertes directes et indirectes liées aux prédations. <strong>Le</strong>s seules adaptations possibles sont celles<br />

d’une sortie plus tardive <strong>de</strong> la bergerie <strong>de</strong>s brebis non gestantes pour éviter la présence<br />

d’un seul lot au pâturage et l’abandon ou la baisse <strong>de</strong> la pratique <strong>de</strong> fauche au profit du<br />

gardiennage. Ces <strong>de</strong>ux adaptations ont <strong>de</strong>s conséquences en termes <strong>de</strong> surcoût, avec un<br />

besoin accru <strong>de</strong> foin dans les <strong>de</strong>ux cas et un impact paysager pour la <strong>de</strong>rnière.<br />

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