ARTICLES and NOTES - Notarius International
ARTICLES and NOTES - Notarius International
ARTICLES and NOTES - Notarius International
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
106 E. Deckers/A. A. v. Velten, Le Notariat et le Marché juridique <strong>Notarius</strong> <strong>International</strong> 3-4/2002<br />
Le Notariat et le Marché juridique:<br />
Monodisciplinarité ou Multidisciplinarité<br />
Introduction<br />
1. Le présent document n’est pas à proprement parler<br />
un rapport. Il a été conçu pour la réflexion et la discussion.<br />
Quel est le poids et l’impact du notariat dans la société<br />
d’aujourd’hui Comment le renforcer Le notariat<br />
fonctionne dans un contexte de mondialisation et de globalisation<br />
en évolution rapide. S’il veut s’y maintenir et<br />
s’y développer, il ne peut demeurer statique; il devra au<br />
contraire évoluer sans perdre son âme. Évoluer dans<br />
son organisation, ses structures et les modalités de l’exercice<br />
de la profession. Demeurer fidèle cependant à son<br />
essence qui est d’assurer la justice préventive par l’authentification<br />
et par le conseil.<br />
En rédigeant ce document, nous nous sommes en principe<br />
limités à la situation du notariat de nos deux pays,<br />
les Pays-Bas et la Belgique, parce que la multidisciplinarité<br />
a cours dans le premier et que les deux notariats ont<br />
réfléchi à la question en suscitant des débats parfois vifs.<br />
La proximité de l’Angleterre de nos deux pays et la tradition<br />
march<strong>and</strong>e des Pays-Bas font qu’ils subiasent de<br />
plus en plus l’influence de la Common Law et que les cabinets<br />
anglo-saxons, les law firms, les utilisent de façon<br />
croissante comme marchepied – stepping stone – pour<br />
leurs ambitions d’extension sur le continent européen.<br />
Les law firms des États-Unis ont rejoint le mouvement. 1<br />
Les défis<br />
2. Le temps où le notariat fut, dans les pays de la Civil<br />
Law, une institution dont l’évidence ne se discutait pas,<br />
est définitivement révolu. La profession fut critiquée parce<br />
que trop statique et trop confortablement installée dans<br />
ses privilèges. Tous les notariats de vieille tradition ont<br />
connu cette critique et ont dû secouer beaucoup de poussière<br />
pour regagner la confiance des autorités et du public.<br />
Il y a plus aujourd’hui: le notariat est confronté à un<br />
système juridique fort différend du sien, le système de la<br />
Common Law. La Common Law est en cours de pénétrer<br />
rapidement et profondément la culture juridique des pays<br />
de Civil Law. Or, la Common Law ne connaît pas le notariat.<br />
Elle ne connaît pas l’authentification, se contentant<br />
de la certification. Elle ne croit pas à l’impartialité des<br />
praticiens du droit, ceux-ci défendant les intérêts de leurs<br />
clients. Elle ne croit pas à la prévention, mettant tout le<br />
poids sur l’activité curative du juge. Le système de la<br />
Common Law, ancien car datant du XIIe siècle mais toujours<br />
extrêmement dynamique, pose au notariat le plus<br />
gr<strong>and</strong> des défis car le système de la Common Law semble<br />
prouver qu’une société peut parfaitement se passer<br />
de l’institution du notariat.<br />
Et puis, il y a les autres professions. Les avocats et les<br />
experts comptables ont résolument évolué, pour sauvegarder<br />
ou pour prendre des parts de marché. Les experts<br />
comptables ont débordé de la comptabilité des entreprises<br />
pour s’intéresser au droit des entreprises et même au<br />
droit civil: transmission des entreprises, planning successoral,<br />
etc. Les avocats ont débordé de la procédure et pratiquent<br />
le conseil dans tous les domaines du droit. Un objectif<br />
commun: assurer le full service. Il est donc naturel<br />
que ces deux professions cherchent à s’associer pour assurer<br />
dans la complémentarité des disciplines un full service<br />
aussi performant que possible. Le notariat doit-il rester<br />
isolé<br />
3. On le voit: la sauvegarde et le développement de son<br />
rôle économique et social force le notariat à se questionner<br />
sur sa manière d’être et d’agir. Il est évident que la<br />
profession devra, au niveau des idées, savoir se définir:<br />
dire ce qu’est l’institution notariale dans son essence; répondre<br />
à la question: pourquoi une justice préventive<br />
Mais au niveau de l’action, cette justice préventive devra<br />
prouver son efficacité; il devra être clair que l’action des<br />
notaires apporte un plus pour les communautés humaines<br />
où ils opèrent. Il est probable que cela forcera les notaires<br />
à revoir des idées toutes faites auxquelles ils s’agrippent<br />
parce qu’elles sont avant tout sécurisantes. Ainsi une<br />
conception trop rigide de la fonction publique mais surtout<br />
une approche trop prudente et frileuse du conseil.<br />
Blocages: peur du conseil – obsession de l’impartialité<br />
4. Toutes les législations qui organisent un notariat national<br />
précisent dans une diversité de formules que le notaire<br />
est un officier public chargé d’authentifier des actes<br />
et des conventions. A l’origine, le notaire authentifiait;<br />
rien d’autre apparemment! Mais les travaux préparatoires<br />
de ces lois, la doctrine et la jurisprudence ont développé<br />
l’importance du conseil: le notaire doit informer et conseiller<br />
avant d’authentifier, les parties ne pouvant s’engager<br />
qu’en pleine connaissance de cause.<br />
Le conseil était longtemps en quelque sorte un accessoire<br />
de l’authentification. Il faut dire que si l’authentification<br />
reste essentielle aujourd’hui, elle ne suffit plus pour<br />
justifier l’institution notariale. Dans les lois récentes, le<br />
législateur a imposé le recours au notaire, pas tant<br />
pour les vertus de l’acte authentique que pour le conseil<br />
que le notaire doit fournir. 2 Dans une société qui devient<br />
de plus en plus complexe, l’État a besoin d’interprètes<br />
fiables pour traduire fidèlement la loi aux citoyens et<br />
la tranquillité publique comm<strong>and</strong>e que les parties au contrat<br />
bénéficient d’assistance et de conseil de la part de<br />
quelqu’un qui y est tenu et qui en est responsable. Il semblerait<br />
donc absurde que le notariat ne s’engage pas résolument<br />
dans la voie du conseil s’il s’avère que tant le législateur<br />
que le public s’attendent à ce qu’il s’y engage!<br />
5. Il est dit et redit que le notaire doit être impartial.<br />
Nous n’allons pas dire ici le contraire. Mais il faut observer<br />
d’autre part qu’il y a une dem<strong>and</strong>e très forte, venant<br />
du public et soutenue par le pouvoir politique, qui veut<br />
que chaque partie bénéficie d’assistance et de conseil. Le<br />
1 A.A. van Velten, The Anglo-Saxon advance on the European continent,<br />
Not. Int’l 2000, p. 98 (Vol. 5 No.3).<br />
2 J-F. Taymans, Officier public Profession libérale Dans: Le service<br />
notarial – Colloque en hommage à Michel Grégoire, Bruylant, Bruxelles,<br />
2000, n° 8, pp. 215-216.