ARTICLES and NOTES - Notarius International
ARTICLES and NOTES - Notarius International
ARTICLES and NOTES - Notarius International
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>Notarius</strong> <strong>International</strong> 3-4/2002 B. Reynis, Civil Law Notaires des U.S.A. 113<br />
juridique et le nôtre. Mais, surtout, les échanges économiques<br />
internationaux nécessitent une adaptation permanente<br />
des systèmes juridiques territoriaux. Le crédit et les<br />
garanties qui l’accompagnent obligent les débiteurs à<br />
adapter leur droit aux exigences de leurs créanciers. Le<br />
droit est aussi un moyen de conquête économique.<br />
1.1. Un instrument de conquête économique<br />
Il ne saurait exister de société organisée, de civilisation,<br />
sans un statut commun à tous ses membres, sans un système<br />
juridique organisant le droit des personnes et de leurs<br />
biens, largement dépendant des moeurs de ceux dont il régit<br />
les rapports de droit. L’Histoire démontre que tout conquérant,<br />
tout colonisateur éprouve le besoin d’unifier ses<br />
conquêtes, en leur imposant son système de droit. C’est<br />
ainsi que les légions romaines ont étendu l’influence du<br />
droit romain jusqu’aux limites extrêmes de l’Empire. Imposer<br />
son Droit, c’est le moyen de fédérer les habitants de<br />
territoires disparates, l’assurance d’établir un ordre nouveau<br />
en effaçant l’ordre ancien. Mais, le droit est un être<br />
vivant: l’arrivée de nouveaux immigrants ou conquérants,<br />
les changements des moeurs vont influencer son évolution.<br />
Lorsque les barbares s’installent en Gaule au Ve siècle,<br />
leurs moeurs et leurs anciennes coutumes résisteront<br />
un temps à l’influence persistante du Droit Romain, plus<br />
élaboré. Chacun vivra d’abord avec son système de droit:<br />
les gallo-romains conserveront le Code Théodosien de<br />
438, et les barbares leurs coutumes. Chaque individu sera<br />
régi par le droit du groupe auquel il appartient (système de<br />
la personnalité des lois). D’autres incursions, du nord<br />
(Norm<strong>and</strong>s) ou du sud (Arabes), imposeront vite la fusion<br />
des systèmes juridiques et l’unification du droit applicable<br />
aux habitants d’un même territoire. La résistance d’un<br />
système de droit aux influences extérieures est aussi un<br />
moyen de défense contre les conquérants !<br />
1.2. Au moment où la Chine …<br />
En ces années 2003 et 2004 où nous allons successivement<br />
fêter le bicentenaire de la loi du 16 mars 1803, plus<br />
connue dans le notariat sous le nom de loi de Ventôse, et<br />
le Code Civil, au moment où la Chine semble vouloir<br />
basculer dans la sphère du droit écrit en édictant pour son<br />
milliard trois cent soixante millions d’habitants un code<br />
civil et dont le notariat doit être admis au sein de l’Union<br />
<strong>International</strong>e du Notariat latin, il est nécessaire de rappeler<br />
les différences fondamentales qui séparent common<br />
law et droit romano-germanique pour mesurer les chances<br />
de succès de l’institution aux USA d’une nouvelle catégorie<br />
de lawyers dénommés civil law notaries.<br />
Un rappel historique n’est jamais inutile.<br />
2. La common law ou plutôt, devrait-on dire, les<br />
common laws<br />
Curieusement la domination romaine, pendant quatre<br />
siècles, sur l’Angleterre, n’a pas laissé les mêmes traces<br />
qu’en Europe continentale. Il n’y a pas en Angleterre,<br />
avant la conquête norm<strong>and</strong>e, de droit unifié, mais une<br />
multiplicité de droits locaux. Guillaume le Conquérant<br />
substitue au règne des tribus celui d’un pouvoir fort et<br />
centralisé, une féodalité différente de la nôtre qui proscrit<br />
toute inféodation. L’un des moyens de renforcer l’autorité<br />
royale consiste à substituer, peu à peu, aux coutumes<br />
locales un droit commun à toute l’Angleterre: la Common<br />
Law ou Law French qui s’exprime à l’oral en français<br />
(langue de la Cour jusqu’à la fin du XVe siècle) et à<br />
l’écrit en latin, jusqu’en 1731!<br />
2.1. L’Angleterre<br />
Alors que les cours de justice locales appliquent la coutume<br />
locale, les cours royales vont mettre en oeuvre la<br />
common law. Celle-ci étant un droit de création judiciaire<br />
est d’abord un droit procédural: elle privilégie la forme<br />
par rapport au fond. Le fonctionnement aléatoire<br />
d’une telle justice conduisait les plaideurs insatisfaits à<br />
s’en remettre, de plus en plus souvent, au Roi qui seul<br />
pouvait empêcher les abus de droit au nom de la conscience<br />
et de l’équité. L’accroissement de telles pétitions<br />
eut pour conséquence l’apparition – qu<strong>and</strong> la common<br />
law se révélait incompétente – de règles d’équité (rules<br />
of equity) émanant directement de l’autorité royale. Ainsi,<br />
le système juridique anglais présente une structure<br />
dualiste, dont l’une des composantes, l’equity se teinte de<br />
l’arbitraire royal.<br />
Au XIXe siècle, l’évolution du droit anglais connaît<br />
une rupture avec les siècles précédents: une nouvelle<br />
source de droit est reconnue: le statute law. Le législateur<br />
– dont la légitimité s’est accrue avec la représentation<br />
au Parlement, à partir de 1832, des classes populaires<br />
– ne se contente plus de réglementer des points de détail,<br />
mais pose désormais par la loi des principes juridiques<br />
nouveaux que les tribunaux vont devoir respecter.<br />
Au XXe siècle, l’influence du législateur, sans être encore<br />
prépondérante dans l’élaboration du droit, ne fait<br />
que s’accroître. Mais, surtout, l’entrée de la Gr<strong>and</strong>e-Bretagne<br />
dans la CEE, avec l’obligation corrélative d’incorporer<br />
le droit communautaire au droit anglais va révolutionner<br />
le droit anglais. “L’évolution du droit est désormais,<br />
en de multiples et importants secteurs, comm<strong>and</strong>ée<br />
par la législation” observe Mme Camille Jauffret-Spinosi<br />
2 qui ajoute “Ce phénomène toutefois, relativement récent<br />
en Angleterre, n’apparaît pas aux Etats-Unis comme<br />
une nouveauté”.<br />
2.2. Les colonies anglaises<br />
Les colons anglais, lorsqu’ils s’établissent sur de nouveaux<br />
territoires, y apportent leur common law, et les colonies<br />
d’Amérique ne dérogent pas à cette règle. Mais,<br />
une restriction essentielle est posée: la common law n’y<br />
est recevable que dans la mesure où elle est compatible<br />
avec les conditions de vie régnant dans ces colonies. Or,<br />
cette restriction va devenir prépondérante. Comment, en<br />
effet, pourrait- on adapter le droit d’une société féodale à<br />
un pays qui ne l’est pas Les colons d’Amérique voient<br />
dans la Loi (celle de la Bible, au premier chef) le recours<br />
contre l’arbitraire, là où les anglais y voient le spectre de<br />
la tyrannie. Des codifications sommaires font leur appa-<br />
2 R. David & C. Jauffret-Spinosi, Les gr<strong>and</strong>s systêmes de droit contemporains,<br />
Precis Dalloz, 10ème édition.