Quand la planification stratégique est synonyme de qualité de vie et ...

REPORTAGE À LA FERME
FERME PINARDEAU
Quand la planification
stratégique est
synonyme de qualité
de vie et de rentabilité
En participant à un exercice de planification stratégique, Mélanie Pinard
et son conjoint Francis Aucoin se sont épargné la construction d’une
nouvelle étable et de silos couloirs, ont amélioré leur production par
vache et ont contribué à accroître leur rentabilité et leur qualité de vie.
Anaël, Mélanie,
Léa, Francis et
William.
Par YVON GENDREAU, journaliste, FPLQ

En janvier 2009, Mélanie et Francis
deviennent les nouveaux propriétaires
de la Ferme Pinardeau, à Roquemaure,
en Abitibi. En effet, ils viennent de
finaliser le transfert avec les parents
de Mélanie. Ils ont accès à un montant
d’environ 100 000 $, en prêt et en subvention,
disponible pour les aider à
apporter des changements à l’entreprise.
Ils sont conscients que la centaine
de vaches déjà sur place peinent
à produire les 85 kilogrammes de quota
qu’ils possèdent, qu’il manque de place
pour loger tous les animaux et qu’il
faut améliorer la qualité des fourrages
récoltés ainsi que l’espace d’entreposage.
« Il nous fallait beaucoup de
vaches pour produire notre quota,
explique le couple. Les animaux de
remplacement et les vaches taries ne
pouvaient plus être logés dans l’étable.
Il fallait les garder à l’extérieur, même
l’hiver. Quant à notre moyenne de production
par vache, elle était très inférieure
(7 827) à la moyenne provinciale.
Il fallait trouver des solutions! »
Chacun de leur côté, Francis et
Mélanie font alors leurs propres listes
des améliorations ou des changements
qu’ils souhaiteraient apporter. En les
comparant, ils découvrent que sur la
quinzaine de points notés par chacun,
les trois quarts sont identiques. Parmi
ceux qui semblent être des incontournables,
on retrouve l’agrandissement
de l’étable et la construction de silos
couloirs. « On ne voyait pas comment
on pouvait s’en sortir autrement. »
Toutefois, un seul de ces deux projets
risque d’accaparer l’ensemble des
sommes disponibles.
UNE FORMATION
QUI TOMBE À POINT
Entre-temps, Véronique Marseille du
réseau Agriconseils les contacte pour
leur offrir de participer à une session de
formation sur la planification stratégique,
offerte par l’Université Laval dans
leur région. La conseillère leur explique
que cette session a pour but d’aider les
producteurs à faire des choix éclairés
quant à leurs projets d’avenir, en fonction
de leurs besoins et de leurs objectifs
d’entreprise. La proposition tombe
à point et le couple, friand de formation,
accepte d’y participer.
Comme eux, une dizaine d’entreprises
de la région participent aux deux
journées de formation théorique. Par la
Alors que la construction d’une rallonge à l’étable semblait un incontournable, la planification
stratégique a permis de trouver d’autres alternatives moins coûteuses.
suite, on invite les participants, chacun
de leur côté, à réfléchir, à déterminer
un ou des objectifs d’entreprise et à
établir une liste de projets qui permettront
d’atteindre ces mêmes objectifs.
Au terme de leur réflexion, environ
un mois plus tard, chaque entreprise
rencontre le formateur en privé pour
passer en revue les points mis sur papier
et en discuter. Mélanie et Francis lui
indiquent qu’ils ont inscrit la construction
de la rallonge de l’étable et celle
des silos couloirs parmi les priorités de
l’entreprise. Celui-ci leur signale alors :
« Savez-vous que ce choix vous obligera
à acheter du quota supplémentaire d’ici
cinq ans pour rentabiliser ces
dépenses » Un propos qui a fait réagir
les deux producteurs et qui les a amenés
à se poser de nouvelles questions. « En
effet, tous les choix qu’on voulait faire
nous auraient amenés à acheter du
quota dans cinq ans, précisent Mélanie
et Francis. En agrandissait et en améliorant
notre production par vache, il
fallait effectivement acheter du quota
à moyen terme pour rentabiliser ces
nouvelles constructions. Il fallait aussi
prévoir plus d’aliments et plus d’espace
de stockage pour nourrir les animaux
supplémentaires. Plus de vaches et une
augmentation de la production signifiaient
aussi plus de travail et l’embauche
de main-d’œuvre supplémentaire.
Dans un contexte où la
main-d’œuvre est de plus en plus difficile
à trouver et à gérer, ce n’était pas
ce qu’on voulait et l’on ne désirait sur-
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REPORTAGE À LA FERME
Pour Mélanie et
Francis, la planification
stratégique est une
façon de se
questionner sur
ses réels besoins
et priorités.
tout pas prendre de l’expansion. La taille
de notre quota était déjà très suffisante.
On voyait trop à court terme et l’on ne
plaçait pas nos priorités dans le bon
ordre. On ne voyait pas à moyen et long
termes les impacts de nos décisions. »
POURQUOI
À la lumière du commentaire et des
conseils de leur formateur, ils seront
incités à mieux formuler leurs questions…
et les objectifs à atteindre.
Francis et Mélanie se questionnent
Plutôt que de
recourir à des
silos couloirs,
à la Ferme
Pinardeau, on
conserve les
fourrages en
meules
sur une
plateforme
de béton.
donc de nouveau en révisant la liste
des modifications qu'ils veulent
apporter et en gardant en tête les véritables
objectifs qu’ils veulent poursuivre.
Ils doivent se demander POUR-
QUOI ils veulent apporter tel ou tel
changement et voir si les modifications
qu’ils souhaitent répondent aux
objectifs poursuivis.
En se posant les bonnes questions,
les priorités changent alors. Ils doivent
plutôt travailler à améliorer les aspects
qui contribuent à améliorer leur pro -
duction par vache ainsi que… leur rentabilité
et qualité de vie. C’est à ces
objectifs que les changements envisagés
doivent répondre. En améliorant
la production par vache à moyen terme,
ils n’ont plus besoin de prendre de l’expansion,
ils peuvent trouver une alternative
aux silos couloirs et éviter
d’ajouter des heures de travail additionnelles.
Bref, ils améliorent du même
coup leur rentabilité et leur qualité de
vie.
En ayant maintenant comme objectifs
la rentabilité et la qualité de vie,
plusieurs des alternatives envisagées
s’éliminent d’elles-mêmes. La
construction d’une nouvelle étable (ou
d’une rallonge) et de silos couloirs
devient superflue. Il faut d’abord miser
sur le quota actuel et trouver des
façons d’améliorer la production par
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vache. À partir de là, ils cherchent
plutôt à produire leur quota plus efficacement,
en favorisant les petits
détails qui peuvent contribuer à l’amélioration
de la production.
Pour améliorer la production par
vache, les propriétaires de la Ferme
Pinardeau s’attardent désormais à l’efficacité
de la ventilation, au confort
des vaches et à l’éclairage intérieur de
l’étable. Au lieu des silos couloirs, ils
optent pour une alternative beaucoup
moins coûteuse, c’est-à-dire une plateforme
de béton qui sert à entreposer
en meules les fourrages. Bref, de l’ensemble
des éléments inscrits sur la
première liste de départ constituée par
le couple, presque tous ont été réalisés.
« L’objectif d’augmenter notre
production par vache sur cinq ans est
déjà presque atteint. La moyenne a
tellement augmenté rapidement (elle
est maintenant de 9 110) qu’après un
an, toutes nos vaches logeaient dans
l’étable. »
En ce qui concerne la qualité de vie,
les propriétaires de la ferme ont changé
certaines de leurs façons de faire pour
gagner du temps. Par exemple, on ne
manipule plus de petites balles de
paille. On récolte cette dernière avec
la fourragère et on l’entrepose en
La production par vache est passée de 7 827 à
9 110 en moins d’un an, seulement avec des
petites améliorations comme à l'éclairage et
à la ventilation.
PORTRAIT
DE LA FERME
Le 1 er janvier 2009, Mélanie
et son conjoint Francis
devenaient les propriétaires à
part entière de la Ferme
Pinardeau. En achetant la
ferme de ses parents, Léo et
Monique, Mélanie représente
la quatrième génération de
Pinard à s’établir sur les terres
défrichées par ses arrièregrands-parents
: Octave Pinard
et Adélia Doucet. Mélanie et
Francis ont trois enfants, avec
qui passer du temps en famille
est primordial : Léa, 6 ans,
William, 4 ans, et Anaël, 2 ans.
Le troupeau pur sang Holstein
de la Ferme Pinardeau compte
164 têtes, dont 84 vaches en
lactation. La ferme s’étend sur
273 hectares et on loue 62 ha
de terre. Du total, 245 ha sont
destinés principalement à la
culture de foin et de céréales
(orge). En dehors de Mélanie
et Francis, l’entreprise procure
aussi du travail à un employé à
plein temps. D’avril à octobre,
on embauche également deux
employés saisonniers, ainsi
qu’un étudiant durant l’été.
Selon les propriétaires de
l’entreprise, ce dernier
employé constitue « un bonus
qui nous aide à prendre des
vacances en famille et à nous
reposer entre les coupes. »
meules. Celles-ci sont ensuite acheminées
dans un petit entrepôt annexé à
l’étable. Plus besoin de les hacher, le
travail est fait au moment de la récolte.
Ils ont d’ailleurs appliqué la même
recette à la récolte de foin sec, à leur
grande satisfaction.
Quant à la qualité de vie, Mélanie
et Francis essaient le plus possible de
faire leur travail lorsque les enfants
sont occupés (par l’école, les devoirs,
etc.) ou qu’ils dorment. « C’est important
pour nous de passer du temps
avec nos enfants et de prendre des
moments de détente ou de loisir en
famille. »
UN GUIDE
Selon Mélanie et Francis, le cours
sur la planification stratégique ne
donne pas de conseils sur ce qu’il faut
changer, améliorer ou modifier. Il aide
davantage à établir les priorités et à
comprendre les impacts des changements
que l’on envisage chez soi. « Les
solutions sont différentes pour chaque
entreprise, soulignent-ils. On nous
montre plutôt comment se poser des
questions pour faire les bons choix.
L’exercice nous permet également de
voir la différence entre un objectif et
les moyens à mettre en œuvre pour
l’atteindre. On a réalisé que notre
objectif n’était pas de construire une
nouvelle étable, mais de rentabiliser
notre production par vache. Ça nous a
aidés à nous poser les bonnes questions,
pour avancer dans nos projets. »
Selon Mélanie et Francis, la planification
stratégique pousse à la réflexion.
« C’est une façon de se poser des questions
au quotidien sur nos réels
besoins, mais aussi sur nos priorités.
Il faut la voir comme une méthode
d’analyse. Si j’achète telle chose, estce
qu’elle représente une bonne
dépense Répond-elle vraiment à mes
besoins ou m’en crée-t-elle de nouveaux
La planification stratégique
nous a aidés à fixer nos priorités. »
LA STABILITÉ POUR L’INSTANT!
Francis et Mélanie n’ont pas véritablement
de projets pour le futur. Ils
désirent plutôt maintenir, au cours des
prochaines années, une certaine stabilité.
« On souhaite récolter les fruits
des quelques petites améliorations
apportées au cours des derniers mois,
précisent-ils. Pour l’instant, on cherche
à réaliser nos priorités au quotidien et
à continuer à améliorer notre production
par vache. Est-ce qu’on garde cette
vache ou non, et pourquoi C’est plutôt
ce genre de priorités quotidiennes que
l’on veut régler pour le moment. Bien
sûr, nous avons toujours de nouvelles
idées au fur et à mesure que le temps
avance, mais elles doivent sans
contredit répondre à nos objectifs de
rentabilité et de qualité de vie, pour
prendre forme éventuellement. » ■
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