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les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

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c'était pas d'origine. Alors je l'ai refait."<br />

Souvenons-nous également <strong>de</strong> Gilbert F., s’affairant autour <strong>de</strong> son châssis <strong>de</strong> Boli<strong>de</strong>,<br />

tout ce qu’il reste à l’heure actuelle d’un engin dont il assure qu’il “ roulera un jour ”. Mais il<br />

est serein ; il dispose <strong>de</strong> tout l’attirail nécessaire à la restauration. Il fera pour celle-là comme<br />

pour <strong>les</strong> précé<strong>de</strong>ntes : il fera du “ neuf ”. “ Voyez toutes ces pièces. El<strong>les</strong> sont rouillées, c’est<br />

sûr, mais c’est précieux, ça vaut <strong>de</strong> l’or. Parce qu’avec ça, je sais comment c’était et il me<br />

reste plus qu’à le refaire. C’est enfantin. Tenez, regar<strong>de</strong>z cet embrayage, c’est la pièce qui se<br />

trouve entre là et là. Bon, je me pose pas <strong>de</strong> question. Je vais pouvoir la refaire à neuf. Par<br />

exemple, voilà un ventilateur <strong>de</strong> Renault que j’ai trouvé dans <strong>les</strong> ronces. Mais c’est <strong>de</strong> l’or, ça<br />

parce qu’avec ça, je sais comment il était à l’état neuf. Je l’ai refait à neuf. Tenez, cette aile, là<br />

toute rouillée, pareil . Elle m’a servi à en refaire une neuve. Et voilà. ” Refaire tant <strong>de</strong> pièces,<br />

est-ce encore restaurer N'est-ce pas une façon <strong>de</strong> créer un moteur neuf, personnel Lorsque<br />

<strong>les</strong> ai<strong>les</strong>, l’embrayage, le ventilateur <strong>de</strong> la voiture ont été “ refaits ”, lorsque le carburateur, <strong>les</strong><br />

pompes à eau et à essence, la “ magnéto ”, le gicleur, le carburateur sont “ neufs ”, peut-on<br />

encore parler <strong>de</strong> “ vieil<strong>les</strong> ” machines <br />

Plus largement, il faut interroger cette habitu<strong>de</strong> qu'ont <strong>les</strong> collectionneurs <strong>de</strong> "refaire"<br />

une ou plusieurs pièces, en somme d'ajouter sur un engin ancien, usé, du "neuf" N'est-ce pas<br />

la première, la plus discrète <strong>de</strong>s transformations Discrète mais efficace car, affirmant qu'il a<br />

"refait" une pièce, l'amateur tient un discours ambigu. Certes, il met en avant la conformité à<br />

l'origine mais il affirme en même temps qu'il y a apposé sa "patte". Ainsi, sous couvert d'une<br />

authenticité parfaite, l'amateur singularise irréversiblement son engin. C’est sans doute <strong>de</strong><br />

cette façon que <strong>les</strong> partisans d’une “ restauration dans son jus ” signent leur engin. En me<br />

penchant sur le moteur <strong>de</strong> la Motobécane, je remarque une pièce flambant neuve au milieu<br />

d’un ensemble mécanique très vieux. “ Elle est neuve, cette pièce –Ah oui, parce que, quand<br />

j’ai démonté le moteur pour vérifier que tout allait bien, elle était tellement pourrie qu’elle<br />

m’est restée entre <strong>les</strong> mains. Elle s’est pété en trois morceaux. Elle avait dû geler et dégeler et<br />

regeler. Bon, c’est pas étonnant, elle est restée trente ans dans une grange. En fait je crois<br />

qu’ils ont arrêté <strong>de</strong> s’en servir justement le jour où elle a plus marché parce que le bloc avait<br />

gelé. Bon, bref, il fallait la remplacer. Alors en acheter une, … Et j’ai un copain qui travaille à<br />

l’usine qui m’a dit : ‘Mais je t’en refais une moi. Avec <strong>les</strong> trois morceaux, ça va me prendre<br />

rien <strong>de</strong> temps.’ Et je lui ai fait faire. Alors évi<strong>de</strong>mment, elle est neuve. Mais si je veux rouler,<br />

je suis bien obligé d’avoir toutes <strong>les</strong> pièces dans le moteur, vous croyez pas ” Leur<br />

intervention sur l’engin se veut et se doit d’être à la fois discrète et évi<strong>de</strong>nte. Difficile pari que<br />

celui-là. La seule issue est alors <strong>de</strong> “ faire du vieux avec du neuf ”. Eux qui refusent <strong>de</strong> mettre<br />

en scène une fausse authenticité en peignant leur engin ou en remplaçant <strong>les</strong> clignotants, n’en<br />

sont pas moins obligés <strong>de</strong> “ faire refaire ” une pièce parfois ou d’en acheter une, fut-elle issue<br />

d’un “ stock d’époque ”.<br />

Parfois, ce n'est pas une voiture en piteux état que l'on achète mais en parfait état <strong>de</strong><br />

marche, déjà restaurée, parfois achetée à un musée. Il n'est alors plus question d'y toucher, <strong>de</strong><br />

la gratifier <strong>de</strong> quelques "bidouil<strong>les</strong>" ou “ adaptations ” personnel<strong>les</strong>. Pourtant, <strong>les</strong> mécaniciens<br />

interviennent malgré tout sur l'engin, le "restaurent", <strong>de</strong> façon symbolique et efficace.<br />

Restauration symbolique<br />

Pour le couple Calbert, ce fut “ le coup <strong>de</strong> foudre ”. Par hasard, <strong>les</strong> époux apprennent<br />

qu'un musée va fermer, que <strong>les</strong> automobi<strong>les</strong> vont être vendues. "On savait même pas ce qu'il y<br />

avait à vendre. Mais, bon, 'Allez, on y va ! ' Et c'est là qu'on l'a vue. Et tout <strong>de</strong> suite, on a dit :<br />

'On l'achète. On s'en fout du prix, on la prend.' Ca a été le coup <strong>de</strong> foudre si vous voulez."<br />

Coup <strong>de</strong> foudre certes mais l'auto, une Peugeot 146 type 1913, est en parfait état <strong>de</strong><br />

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