les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

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11.01.2015 Views

ancienne ” et présente en couverture une Renault 4CV, une Peugeot 404 et une Citroën Visa, consacre un dossier à La Duc, une voiture unique ! Son propriétaire, Yvon Leduc, pose fièrement accoudé à son engin. Un bolide à la peinture métallisée brillant de mille feux, les chromes rutilants, un bolide digne des voitures de très grand luxe des années trente, un très long capot pour un habitacle deux places, une calandre digne des Bugatti, un bouchon de radiateur arborant une chouette qui évoque inévitablement la Silver Lady des Rolls Royce, des pneus énormes. Un monstre à n’en pas douter. Un monstre effectivement ou plus exactement un hybride. Unique, La Duc l’est autant que la Franck Baudet et pour les mêmes raisons : son propriétaire est aussi son créateur. “ C’est (…) en 1955, l’année de ses seize ans, que Yvon Leduc a décidé qu’un jour, il fabriquerait une automobile. Mais pas une voiture ‘ordinaire’, une automobile comme les belles d’autrefois, qui faisait se retourner les gens sur son passage. Et finalement ce n’est que 22 ans plus tard, que son projet allait prendre forme, car c’est en 1977, que Yvon Leduc a véritablement commencé à se pencher sur sa table à dessin. Il consacrera huit ans à l’étude de la fabrication de sa voiture. Huit ans à penser, dessiner, planifier, quel genre d’auto ça serait . (…) La Duc, de Yvon Leduc a été construite à partir de plusieurs marques de voitures, principalement Volvo, Mazda et MG. Le ‘squelette’ de la voiture provient d’une camionnette Mazda, le châssis, le pont arrière, l’essieu avant et la direction. (…) L’habitacle est celui d’une MG et le moteur est Volvo. (…) Le tableau de bord provient aussi d’une MG, tandis que les phares, sont des phares d’une Desoto 1939 ! Le volant d’une Cadillac Lasalle, il y a des pièces d’une Buick 1939, notamment les côtés du capot. Sans oublier les clignotants avants, fabriqués avec… des cendriers ! ” (Retro mania : Février 2001 : 30-31) Toujours dans Retromania, on découvre le portrait de Frédéric Cebrunska, un “ restaurateur de haut niveau ! ”, affirme la revue. On n’a guère de peine à croire le journaliste lorsqu’on lit qu’ “ à 16 ans, il s’est offert non pas une ‘mobe’ (chose que font la plupart des jeunes de cet âge-là) mais une Traction… en piteux état ! C’est ainsi que tout a commencé, le soir après sa journée de travail champêtre et bien sûr, le week-end, notre Frédéric se payait une tranche des fameux jambons de la traction, 2 ans après la 11 légère avait totalement changé de look. ” La voiture restaurée et vendue, il récidive, cette fois-ci avec une Peugeot 190 S de 1929. Plus récemment, il s’est attaqué à une Corvette. Mais le vendeur, spécialiste de la marque, lui propose un spécimen “ invendable : le moteur est excellent, la caisse est superbe, l’intérieur magnifique… oui mais ! … le châssis est prêt au moindre sursaut à se casser en deux (et même plus ) tant il est rongé par la corrosion. ” Et le vendeur ne se contente pas de proposer un modèle qu’il reconnaît invendable ; il assortit la vente de l’engin d’une clause singulière : il “ accepte éventuellement de vendre pour la somme de 80.000F ce modèle (qui côte à l’époque 200.000F) à la seule et unique condition que (Frédéric) s’engage à effectuer les réparations dans les règles de l’art, l’accord provisoire étant signé de la manière suivante : Frédéric paye l’auto, il l’emmène sur un plateau, il la restaure, le travail exécuté, il revient au Mans présenter l’auto sur un plateau, on procède aux vérifications et si tout est en règle, c’est seulement à ce moment-là qu’on lui remettra sa carte grise ”. Frédéric relève ce qui apparaît comme un défi. Un an plus tard, de retour au Mans avec son engin restauré, il aura le plaisir d’entendre son vendeur accepter de la faire immatriculer, preuve que l’engin est “ conforme ”. Un brillant restaurateur à n’en pas douter. Mais aussi un savant “ bricoleur ”. C’est qu’entre la Peugeot et la Corvette, Frédéric a consacré son temps et son savoir à une étrange activité, qui ne manque d’étonner pour un restaurateur aussi consciencieux. En 1989, il achète à nouveau une Traction, en parfaite état de conservation, détail qui est d’une importance cruciale. Il va lui permettre de “ s’offrir le luxe de transformer une berline… en cabriolet. ” Un projet que le hasard va grandement aidé. “ Le point de départ de l’aventure commence par une rencontre fortuite, celle d’un carrossier de la belle époque qui va sans le vouloir, déclencher le processus, car, tenez-vous bien, ce 86

miraculeux homme est en possession non seulement de l’intégralité des plans originaux du cabriolet réalisé par Citroën, mais il peut fournir avec, les ébauches spécifiques des différentes pièces de carrosserie et, cerise supplémentaire sur le gâteau : les gabarits qui vont avec ! En fait, Frédéric dispose par le biais de ce Monsieur de tous les éléments originaux du constructeur, lui permettant de fabriquer un faux… Vrai cabriolet Citroën ! ” “ Vrai faux ”, c’est bien l’impression que l’on ressent à la lecture des lignes qui suivent, tant la référence à “ l’original ” étonne puisqu’il s’agit d’une transformation. “ Entre la berline traction, et le cabriolet, les différences (surtout sur la partie arrière) sont nombreuses, les portes, les bas de caisse, les ailes, la malle, etc…, n’ont en commun aucunes côtes identiques. Frédéric va tout reconstruire en respectant avec rigueur les côtes d’origine, et la mise en œuvre employée par Citroën, cette reconstitution totale, particulièrement osée nécessitera de longues heures de travail, avec en permanence une seule idée, respecter et recréer le plan original, tous les différents renforts seront judicieusement construits aux côtes réalisées par la marque du Quai de Javel, ils se retrouveront ensuite soudés au millimètre près, là où le constructeur les avait positionnées. ” Tout à fait transformée, la berline mais conforme au cabriolet qu’elle est devenue… à une différence près. “ Le travail terminé seule une tôle située sous la banquette arrière présente une petite différence par rapport au modèle original. ” Evidemment une telle transformation pourrait déplaire aux puristes. Enfin terminée, l’auto reçut l’adoubement. “ Notre fabuleux restaurateur obtiendra pour la reconstitution de cette sorte de petit chef d’œuvre, un prix ‘Hors Concours’ aux 48 heures Automobiles de Troyes à l’occasion de cette manifestation, bon nombres de Citroënistes avertis, se pencheront dans le détail sur cette reconstruction et tous seront unanimes pour applaudir l’extraordinaire beauté de ce faux… vrai cabriolet. ” Que font ces véhicules “ uniques ” au milieu des voitures anciennes, également exposés à l’admiration Leur présence est un révélateur, l’exemple le plus abouti de ce que cachent, plus ou moins, les autres véhicules, légèrement modifiés. La restauration ferait donc bon ménage avec un certain degré d’invention technique, discrète ou très évidente. Mais que penser alors de ceux qui préfèrent une restauration “ dans son jus ”, de ceux qui précisément affirment ne pas vouloir intervenir par souci d’origine Il suffit de jeter un œil sur leur restauration pour voir qu’elles aussi sont signées, modifiées de façon manifeste. Faire du vieux… avec du neuf Revenons chez Pierre M., l’homme des chasses Griffon. S’il aime “ adapter ” les pièces, il déploie parfois des torrents d'ingéniosité pour utiliser des pièces d’origine. Ce qui n’est pas toujours possible. Il est souvent conduit à refaire les pièces, en s'inspirant de ce qui a "miraculeusement" survécu, aidé de documentation ou des souvenirs de son beau-père. Son garage témoigne de cette activité de recréation. On y trouve tous les engins nécessaires : tour, fraiseuse, étau-limeur, etc., tous achetés d'occasion auprès d'entreprises de création et de maintenance de machines industrielles. Il dispose bien du matériel et du savoir adéquats, pour créer une "neuve" avec pour seul modèle une pièce rouillée. Un Moteur Bernard en fort mauvais état lui a ainsi causé de graves soucis. Il manquait pratiquement toutes les pièces ; il a donc dû les refaire, une à une, suivant le modèle d'origine. "Il y avait pas de carburateur, il y avait pas de système de pompe à essence, ça y était pas. Bon, les cuves n'y étaient plus. Il y avait pas de pompe à eau parce que, sur celui-là, normalement, il y avait une pompe à eau. Il y avait plus de magnéto. Il restait le serpentin que j'ai refait parce que tant que j'y étais... ! Bon, j'ai eu la chance de trouver cette pièce et aussi la pipe du carburateur. Après j'ai refait le gicleur, puis j'ai refait le carburateur aussi. Sans ça, ça aurait pas marché. Enfin, si mais pour le remettre d'origine, non. On pouvait le faire tourner avec un carburateur de voiture mais 87

miraculeux homme est en possession non seulement <strong>de</strong> l’intégralité <strong>de</strong>s plans originaux du<br />

cabriolet réalisé par Citroën, mais il peut fournir avec, <strong>les</strong> ébauches spécifiques <strong>de</strong>s différentes<br />

pièces <strong>de</strong> carrosserie et, cerise supplémentaire sur le gâteau : <strong>les</strong> gabarits qui vont avec ! En<br />

fait, Frédéric dispose par le biais <strong>de</strong> ce Monsieur <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> éléments originaux du<br />

constructeur, lui permettant <strong>de</strong> fabriquer un faux… Vrai cabriolet Citroën ! ” “ Vrai faux ”,<br />

c’est bien l’impression que l’on ressent à la lecture <strong>de</strong>s lignes qui suivent, tant la référence à<br />

“ l’original ” étonne puisqu’il s’agit d’une transformation. “ Entre la berline traction, et le<br />

cabriolet, <strong>les</strong> différences (surtout sur la partie arrière) sont nombreuses, <strong>les</strong> portes, <strong>les</strong> bas <strong>de</strong><br />

caisse, <strong>les</strong> ai<strong>les</strong>, la malle, etc…, n’ont en commun aucunes côtes i<strong>de</strong>ntiques. Frédéric va tout<br />

reconstruire en respectant avec rigueur <strong>les</strong> côtes d’origine, et la mise en œuvre employée par<br />

Citroën, cette reconstitution totale, particulièrement osée nécessitera <strong>de</strong> longues heures <strong>de</strong><br />

travail, avec en permanence une seule idée, respecter et recréer le plan original, tous <strong>les</strong><br />

différents renforts seront judicieusement construits aux côtes réalisées par la marque du Quai<br />

<strong>de</strong> Javel, ils se retrouveront ensuite soudés au millimètre près, là où le constructeur <strong>les</strong> avait<br />

positionnées. ” Tout à fait transformée, la berline mais conforme au cabriolet qu’elle est<br />

<strong>de</strong>venue… à une différence près. “ Le travail terminé seule une tôle située sous la banquette<br />

arrière présente une petite différence par rapport au modèle original. ” Evi<strong>de</strong>mment une telle<br />

transformation pourrait déplaire aux puristes. Enfin terminée, l’auto reçut l’adoubement.<br />

“ Notre fabuleux restaurateur obtiendra pour la reconstitution <strong>de</strong> cette sorte <strong>de</strong> petit chef<br />

d’œuvre, un prix ‘Hors Concours’ aux 48 heures Automobi<strong>les</strong> <strong>de</strong> Troyes à l’occasion <strong>de</strong> cette<br />

manifestation, bon nombres <strong>de</strong> Citroënistes avertis, se pencheront dans le détail sur cette<br />

reconstruction et tous seront unanimes pour applaudir l’extraordinaire beauté <strong>de</strong> ce faux…<br />

vrai cabriolet. ”<br />

Que font ces véhicu<strong>les</strong> “ uniques ” au milieu <strong>de</strong>s voitures anciennes, également<br />

exposés à l’admiration Leur présence est un révélateur, l’exemple le plus abouti <strong>de</strong> ce que<br />

cachent, plus ou moins, <strong>les</strong> autres véhicu<strong>les</strong>, légèrement modifiés. La restauration ferait donc<br />

bon ménage avec un certain <strong>de</strong>gré d’invention technique, discrète ou très évi<strong>de</strong>nte. Mais que<br />

penser alors <strong>de</strong> ceux qui préfèrent une restauration “ dans son jus ”, <strong>de</strong> ceux qui précisément<br />

affirment ne pas vouloir intervenir par souci d’origine Il suffit <strong>de</strong> jeter un œil sur leur<br />

restauration pour voir qu’el<strong>les</strong> aussi sont signées, modifiées <strong>de</strong> façon manifeste.<br />

Faire du vieux… avec du neuf<br />

Revenons chez Pierre M., l’homme <strong>de</strong>s chasses Griffon. S’il aime “ adapter ” <strong>les</strong><br />

pièces, il déploie parfois <strong>de</strong>s torrents d'ingéniosité pour utiliser <strong>de</strong>s pièces d’origine. Ce qui<br />

n’est pas toujours possible. Il est souvent conduit à refaire <strong>les</strong> pièces, en s'inspirant <strong>de</strong> ce qui a<br />

"miraculeusement" survécu, aidé <strong>de</strong> documentation ou <strong>de</strong>s souvenirs <strong>de</strong> son beau-père. Son<br />

garage témoigne <strong>de</strong> cette activité <strong>de</strong> recréation. On y trouve tous <strong>les</strong> engins nécessaires : tour,<br />

fraiseuse, étau-limeur, etc., tous achetés d'occasion auprès d'entreprises <strong>de</strong> création et <strong>de</strong><br />

maintenance <strong>de</strong> machines industriel<strong>les</strong>. Il dispose bien du matériel et du savoir adéquats, pour<br />

créer une "neuve" avec pour seul modèle une pièce rouillée. Un Moteur Bernard en fort<br />

mauvais état lui a ainsi causé <strong>de</strong> graves soucis. Il manquait pratiquement toutes <strong>les</strong> pièces ; il<br />

a donc dû <strong>les</strong> refaire, une à une, suivant le modèle d'origine. "Il y avait pas <strong>de</strong> carburateur, il y<br />

avait pas <strong>de</strong> système <strong>de</strong> pompe à essence, ça y était pas. Bon, <strong>les</strong> cuves n'y étaient plus. Il y<br />

avait pas <strong>de</strong> pompe à eau parce que, sur celui-là, normalement, il y avait une pompe à eau. Il y<br />

avait plus <strong>de</strong> magnéto. Il restait le serpentin que j'ai refait parce que tant que j'y étais... ! Bon,<br />

j'ai eu la chance <strong>de</strong> trouver cette pièce et aussi la pipe du carburateur. Après j'ai refait le<br />

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