les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie
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Que penser de ce Le Zèbre “ pommadé ”, moteur “ gonflé ”, dont on a gommé les bruits disgracieux et les contre-performances, amélioré le freinage, l’éclairage, la tenue de route Au fil de cette description, une conclusion s’impose : Le Zèbre de Christian D. n’a plus grand-chose à voir avec l’engin que créa l’ingénieur Salomon. Certes, leur allure extérieure est la même mais sous le capot, les différences sont légion, la restauration étant nettement plus performante que l’original. Ce que les admirateurs éclairés ne peuvent ignorer. Mais n’est-ce pas précisément ce qui vaut à Christian l’admiration dont il est l’objet L'art de la restauration comme art de la nécessaire "bidouille", nécessaire pour que le collectionneur et son engin accèdent, ensemble, au rang de l'admirable C'est bien ce que confirme la lecture de la presse spécialisée. Fiches techniques On sourit lorsqu'on lit, sous la plume d'un journaliste de La vie de l'Auto que "modifier une voiture ancienne n'est jamais bien vu des collectionneurs." (LVA 7 décembre 2000 : 8) Serait-ce à des fins pédagogiques, pour lutter contre les mauvaises habitudes des amateurs qu'elle se montre si prodigue de commentaires et de conseils techniques judicieux Dans chaque numéro, immédiatement après le courrier des lecteurs, la rubrique "Technique". Deux pages sont consacrées à des aspects très précis : une saga de la "Boîte de vitesse de la 2CV" (LVA 26 avril 2001 : 8-9 et 3 mai 2001 : 6-7), la meilleure façon de "Peindre le polyester armé (LVA 9 novembre 2001 : 6-7), comment "fileter à la filière" (LVA 21 juin 2001 : 8-9), "usiner un filetage dans un alésage à l'aide d'un taraud (soit) tarauder" (LVA 14 juin 2001 : 8-9) ou encore "tomber" et "désaccoupler" une boîte à vitesse (LVA 31 mai 2001 : 8-9). La Vie de La Moto propose une véritable saga, en trois parties, de la “ carburation ”, “ l’une des (..) bêtes noires ” de ses lecteurs (LVM 15 juin 2001 : 4_5 ; 1 er juillet 2001 : 4-5 ; 1 er août 2001 : 4-5), explique comment “ Refaire le haut moteur ” (LVM 1 er février 2001) : 4-5). Les dessins techniques et photographies en gros plan ne laissent aucune place à la fantaisie mécanique. Pourtant, on découvre parfois de curieux conseils. Dans Gazoline, concernant les connexions électriques d'une Dauphine en cours de restauration, on conseille d'"attaque(r) par le faisceau AR droit. Connecter le thermocontact de ventilateur électrique. (Deux fils). Connecter l'alimentation du moto-ventilateur électrique. Ces deux opérations ne sont à réaliser que si, comme nous, vous avez opté pour un ventilateur autre que celui d'origine, accouplé à un moto-ventilateur électrique." Malgré le jargon, la "supercherie" est évidente : le ventilateur n'est pas d'origine ! La presse spécialisée donne l’exemple. Mais le bon ou le mauvais exemple Les donneurs, pour la Dauphine, sont peu à peu identifiés : les "Filtre à air et échappement (sont) empruntés à une R16 TX." Quant aux fauteuils, "nous avons décidé de monter des sièges baquets en provenance d'une Simca Rallye 2. Il nous reste à les fixer dans la voiture. Pour ce faire, nous avons réalisé un bâti en tubes carrés de 20X20, soudés et boulonnés à la caisse." (Gazoline Mars 2001 : 20-27) La restauration d’une Alfa Roméo 175O, dans le même Gazoline, est plus exemplaire cette transformation était possible. "C'est absolument impossible. Tu peux pas. De deux choses l'une : ou tu te plantes dans ton explication ou le type s'est foutu de toi. Je crois plutôt que c'est la seconde." Quant à moi, j'opterais plutôt pour la première, la conversation s'adressant aux membres du club. 80
encore. Quelques photos proposent aux lecteurs de suivre pas à pas la restauration, chacune étant accompagnée d’un commentaire. S’agit-il encore d’une restauration Ou est-on déjà dans “ l’invention ” A chaque vignette, à chaque pas, son entorse à l’origine. “ Encore une entorse à l‘origine : la partie AV en skaï noir, comme sur les Giulia Super. Elle se marie bien avec les pare-soleils et l’effet obtenu est assez sympa, non ” Le “ montage des joints de portes ” est aussi l’occasion d’une entorse : “ ils sont bordés de feutrine beige, ce qui est finalement plus élégant que la feutrine noire d’origine. ” “ Le remontage, provisoire, des feux AR neufs et de l’entourage de plaque également neuf. Le monogramme ‘1750’ (neuf, hé ! hé !) correspond à celui monté sur les séries 1. Et bing, encore une entorse à l’origine. ” “ Pose de l’enjoliveur de montant de pare-brise, pas d’origine. En fait, il est identique à ceux montés sur les Giulia Super. Les berlines 1750 et 2000 n’avaient droit qu’à la simple baguette que l’on retrouve sur les Giulia 1300 de base ”. Après les améliorations esthétiques, empruntées pour l’essentiel à la Giulia, les améliorations techniques et mécaniques. Le pont d'origine est remplacé par un "pont autobloquant de berline 2000 ”. “ Allez, quelques entorses supplémentaires à l’origine. (…)Ca va améliorer la tenue de route", commente en grosses lettres le journaliste. “ Certains soufflets de rotules étaient percés, notamment ceux des bras supérieurs. Je les ai remplacés par des soufflets de rotules de J9, après les avoir regraissés avec de la graisse à… robinet Grâco. ” Les amortisseurs d’origine disparaissent aussi, au profit de Koni flambant neufs, “ toujours pour améliorer la tenue de route ”. Quant à la planche de bord, ce n'est pas celle d'origine qui est utilisée mais celle d'une Giulia Nuova, quelque peu transformée. Le restaurateur s’explique, coupant court à tout commentaire irrévérencieux. “ Bon, je sais, il y en a qui vont hurler, mais c’est MA voiture et je suis bien décidé à m’offrir quelques petits plaisirs. Le tableau de bord sera donc celui d’une Giulia Nuova Super. Mais il me faut entreprendre la rénovation de celui que j’ai récupéré. ” "Résultat comme à l'origine", commente le journaliste. (Gazoline juin 2001 : 28-31 ; août-septembre 2001 : 28-31) En Janvier 2001, le même Gazoline avait déjà restauré une Dauphine Gordini. Elle aussi avait été l’objet de multiples “ améliorations ”. Celle-ci par exemple. “ Voilà notre beau cater ; pour le réaliser, nous sommes partis du carter d’origine dans lequel deux ouvertures ont été pratiquées pour pouvoir souder deux capacités supplémentaires d’environ 1 litre chacune. Opération délicate (pas question qu’il y ait la moindre fuite) confier à de vrais spécialistes. Avantage de cette augmentation du volume de l’huile : un meilleur refroidissement. Quand on prend des tours, c’est indispensable si on ne veut pas casser tout de suite. ” (Gazoline janvier 2001 : 21) Les transformations de la dauphine sont telles qu’un lecteur, lui aussi restaurant une Dauphine, propose sa voiture comme contre-exemple. Faux échange épistolaire entre deux dauphine mais vraies critiques adressées au journal. “ Chère Gordie, je t’envoie ce courrier pour te dire que je suis avec beaucoup d’intérêt tes aventures dans Gazoline. Que de chemin parcouru ! Pour ma part, je suis un modèle Export de 1964, mais je n’en suis pas encore là, et la démarche de mon maître est un peu différente. Il me restaure également avec beaucoup de minutie, mais en se rapprochant le plus possible de l’origine, avec toutefois une passion supplémentaire pour les accessoires d’époque. ” (Gazoline Mai 2001 : 4) Feuilletant, on découvre ainsi une sorte de règle implicite : restaurer, c’est respecter “ l’origine ” tout en prenant avec celle-ci quelques libertés pleines de sens. Voire indispensables. Existe-t-il, parmi les véhicules que j'ai "admirés", dans les expositions comme dans la presse spécialisée, un seul qui soit conforme à l'origine L'ethnologue est-il apte à porter un jugement Mais, peu à peu, une évidence a surgi : tous les collectionneurs "bidouillent", “ adaptent ”, interviennent sur leur engin de façon toute personnelle, apposent leur signature, plus ou moins discrètement. C’est un moyen de s’approprier la voiture, de la singulariser, d’imprimer sa marque. Au point que l'on peut penser que ces transformations sont la raison d'être de l'action de restaurer. Une "belle" voiture est une voiture conforme à l'origine... sauf 81
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encore. Quelques photos proposent aux lecteurs <strong>de</strong> suivre pas à pas la restauration, chacune<br />
étant accompagnée d’un commentaire. S’agit-il encore d’une restauration Ou est-on déjà<br />
dans “ l’invention ” A chaque vignette, à chaque pas, son entorse à l’origine. “ Encore une<br />
entorse à l‘origine : la partie AV en skaï noir, comme sur <strong>les</strong> Giulia Super. Elle se marie bien<br />
avec <strong>les</strong> pare-soleils et l’effet obtenu est assez sympa, non ” Le “ montage <strong>de</strong>s joints <strong>de</strong><br />
portes ” est aussi l’occasion d’une entorse : “ ils sont bordés <strong>de</strong> feutrine beige, ce qui est<br />
finalement plus élégant que la feutrine noire d’origine. ” “ Le remontage, provisoire, <strong>de</strong>s feux<br />
AR neufs et <strong>de</strong> l’entourage <strong>de</strong> plaque également neuf. Le monogramme ‘1750’ (neuf, hé !<br />
hé !) correspond à celui monté sur <strong>les</strong> séries 1. Et bing, encore une entorse à l’origine. ”<br />
“ Pose <strong>de</strong> l’enjoliveur <strong>de</strong> montant <strong>de</strong> pare-brise, pas d’origine. En fait, il est i<strong>de</strong>ntique à ceux<br />
montés sur <strong>les</strong> Giulia Super. Les berlines 1750 et 2000 n’avaient droit qu’à la simple baguette<br />
que l’on retrouve sur <strong>les</strong> Giulia 1300 <strong>de</strong> base ”.<br />
Après <strong>les</strong> améliorations esthétiques, empruntées pour l’essentiel à la Giulia, <strong>les</strong><br />
améliorations techniques et mécaniques. Le pont d'origine est remplacé par un "pont<br />
autobloquant <strong>de</strong> berline 2000 ”. “ Allez, quelques entorses supplémentaires à l’origine. (…)Ca<br />
va améliorer la tenue <strong>de</strong> route", commente en grosses lettres le journaliste. “ Certains soufflets<br />
<strong>de</strong> rotu<strong>les</strong> étaient percés, notamment ceux <strong>de</strong>s bras supérieurs. Je <strong>les</strong> ai remplacés par <strong>de</strong>s<br />
soufflets <strong>de</strong> rotu<strong>les</strong> <strong>de</strong> J9, après <strong>les</strong> avoir regraissés avec <strong>de</strong> la graisse à… robinet Grâco. ” Les<br />
amortisseurs d’origine disparaissent aussi, au profit <strong>de</strong> Koni flambant neufs, “ toujours pour<br />
améliorer la tenue <strong>de</strong> route ”. Quant à la planche <strong>de</strong> bord, ce n'est pas celle d'origine qui est<br />
utilisée mais celle d'une Giulia Nuova, quelque peu transformée. Le restaurateur s’explique,<br />
coupant court à tout commentaire irrévérencieux. “ Bon, je sais, il y en a qui vont hurler, mais<br />
c’est MA voiture et je suis bien décidé à m’offrir quelques petits plaisirs. Le tableau <strong>de</strong> bord<br />
sera donc celui d’une Giulia Nuova Super. Mais il me faut entreprendre la rénovation <strong>de</strong> celui<br />
que j’ai récupéré. ” "Résultat comme à l'origine", commente le journaliste. (Gazoline juin<br />
2001 : 28-31 ; août-septembre 2001 : 28-31)<br />
En Janvier 2001, le même Gazoline avait déjà restauré une Dauphine Gordini. Elle<br />
aussi avait été l’objet <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> “ améliorations ”. Celle-ci par exemple. “ Voilà notre beau<br />
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Opération délicate (pas question qu’il y ait la moindre fuite) confier à <strong>de</strong> vrais spécialistes.<br />
Avantage <strong>de</strong> cette augmentation du volume <strong>de</strong> l’huile : un meilleur refroidissement. Quand on<br />
prend <strong>de</strong>s tours, c’est indispensable si on ne veut pas casser tout <strong>de</strong> suite. ” (Gazoline janvier<br />
2001 : 21) Les transformations <strong>de</strong> la dauphine sont tel<strong>les</strong> qu’un lecteur, lui aussi restaurant<br />
une Dauphine, propose sa voiture comme contre-exemple. Faux échange épistolaire entre<br />
<strong>de</strong>ux dauphine mais vraies critiques adressées au journal. “ Chère Gordie, je t’envoie ce<br />
courrier pour te dire que je suis avec beaucoup d’intérêt tes aventures dans Gazoline. Que <strong>de</strong><br />
chemin parcouru ! Pour ma part, je suis un modèle Export <strong>de</strong> 1964, mais je n’en suis pas<br />
encore là, et la démarche <strong>de</strong> mon maître est un peu différente. Il me restaure également avec<br />
beaucoup <strong>de</strong> minutie, mais en se rapprochant le plus possible <strong>de</strong> l’origine, avec toutefois une<br />
passion supplémentaire pour <strong>les</strong> accessoires d’époque. ” (Gazoline Mai 2001 : 4) Feuilletant,<br />
on découvre ainsi une sorte <strong>de</strong> règle implicite : restaurer, c’est respecter “ l’origine ” tout en<br />
prenant avec celle-ci quelques libertés pleines <strong>de</strong> sens. Voire indispensab<strong>les</strong>.<br />
Existe-t-il, parmi <strong>les</strong> véhicu<strong>les</strong> que j'ai "admirés", dans <strong>les</strong> expositions comme dans la<br />
presse spécialisée, un seul qui soit conforme à l'origine L'ethnologue est-il apte à porter un<br />
jugement Mais, peu à peu, une évi<strong>de</strong>nce a surgi : tous <strong>les</strong> collectionneurs "bidouillent",<br />
“ adaptent ”, interviennent sur leur engin <strong>de</strong> façon toute personnelle, apposent leur signature,<br />
plus ou moins discrètement. C’est un moyen <strong>de</strong> s’approprier la voiture, <strong>de</strong> la singulariser,<br />
d’imprimer sa marque. Au point que l'on peut penser que ces transformations sont la raison<br />
d'être <strong>de</strong> l'action <strong>de</strong> restaurer. Une "belle" voiture est une voiture conforme à l'origine... sauf<br />
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