11.01.2015 Views

les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

instruments aratoires ! Que pouvait-on trouver d'"admirable", <strong>de</strong> "beau" dans ces engins qui<br />

n'ont jamais eu, a priori, pour vocation première l'esthétique mais l'efficacité <br />

C'est donc par <strong>les</strong> collections, selon moi insolites, que j'ai débuté cette<br />

recherche avant <strong>de</strong> m'intéresser plus spécialement aux plus "classiques" collections <strong>de</strong><br />

voitures et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux-roues qui ont occupé l’essentiel <strong>de</strong> cette recherche. Ce détour ne fut pas<br />

inutile : <strong>les</strong> collections <strong>de</strong> viel<strong>les</strong> automobi<strong>les</strong> sont, au moins autant que <strong>les</strong> collections <strong>de</strong><br />

tracteurs ou <strong>de</strong> sécateurs, "bonnes à penser".<br />

Choisir le terrain<br />

Il a d’abord fallu choisir un terrain, parmi <strong>les</strong> nombreuses possibilités que m’offrait le<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mécanique <strong>de</strong> collection.<br />

J’ai tout <strong>de</strong> suite exclus <strong>les</strong> éco-musées même si, sur certains, plane l’ombre <strong>de</strong>s<br />

“ mécaniciens <strong>de</strong> l’inutile ”. Je songe plus spécialement au Musée du liège, à Mézin, dans le<br />

Lot-et-Garonne. Le village connut une certaine notoriété du fait <strong>de</strong> sa production <strong>de</strong> bouchons<br />

<strong>de</strong> liège qui occupa, jusqu’aux années soixante, tous ses habitants. Mais sévèrement<br />

concurrencé par le plastique, l’usage du bouchon <strong>de</strong> liège <strong>de</strong>vint plus rare ; <strong>les</strong> entreprises <strong>de</strong><br />

Mézin fermèrent et <strong>les</strong> ouvriers tentèrent <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s emplois ailleurs. La retraite venue, un<br />

petit nombre d’entre eux fouillèrent caves, greniers et décharges, à la recherche <strong>de</strong>s machines<br />

abandonnées qu’ils restaurèrent et installèrent dans leur “ Musée du Bouchon ” 3 .<br />

Il y avait également <strong>les</strong> musées spécialement consacrés aux automobi<strong>les</strong>, aux<br />

motocyclettes ou aux tracteurs, musées publics ou privés, personnels ou associatifs. On me<br />

conseilla souvent le musée Henri Lamartre, créé en 1959 et acheté par la ville <strong>de</strong> Lyon en<br />

1972, et surtout le Musée <strong>de</strong> l’Automobile <strong>de</strong> Mulhouse, également appelé collection<br />

Schlumpf, du nom <strong>de</strong> son créateur. Mais il suffit <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r la télévision 4 ou <strong>de</strong> consulter <strong>les</strong><br />

sites internet pour constater qu’ils sont nombreux : l’Expo-moto, à Saint-Caprais dans l’Allier<br />

créé en Mai 1995 par huit copains fous <strong>de</strong> motos, le musée Maurice Dufresne à Azay-le-<br />

Ri<strong>de</strong>au qui eut <strong>les</strong> honneurs d’un journal <strong>de</strong> Treize heures sur TF1,, le musée automobile <strong>de</strong><br />

Sarlat, en Dordogne, créé par un petit groupe <strong>de</strong> passionnés, celui <strong>de</strong> La Réole en Giron<strong>de</strong>,<br />

auquel certains <strong>de</strong> mes interlocuteurs ont prêté leurs automobi<strong>les</strong>. La presse spécialisée ouvre<br />

régulièrement ses pages à ces collections privées. La Vie <strong>de</strong> l’Auto lui consacre même une<br />

rubrique, <strong>de</strong> temps en temps, intitulée “ Musée ”.<br />

Les premiers interlocuteurs rencontrés me conseillaient souvent <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong><br />

3Il y a quelques années, le Conseil Général <strong>de</strong> Lot-et-Garonne s’intéressa à ce musée, décida<br />

<strong>de</strong> le “ mo<strong>de</strong>rniser ” et <strong>de</strong> le “ professionnaliser ”. On repensa la scénographie jugée<br />

“ vieillotte ” ; on chercha à donner une image plus positive du liège, présentée non comme<br />

une industrie “ morte ” comme l’avaient fait <strong>les</strong> anciens bouchonniers mais comme une<br />

industrie très mo<strong>de</strong>rne, puisque <strong>de</strong>s pièces en liège seraient présentes dans la fusée Ariane,<br />

dit-on. On recruta un “ emploi-jeune ” pour s’occuper du musée, qui remplaça <strong>les</strong><br />

“ bénévo<strong>les</strong> ”, qui jusque-là servaient à la fois <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> conservateurs, désormais<br />

inuti<strong>les</strong> et dont on ne souhaitait plus la présence dans le musée. L’enquête ethnologique qui a<br />

accompagné cette transformation a montré d’une part combien l’activité <strong>de</strong>s anciens<br />

bouchonniers s’apparente à celle <strong>de</strong>s “ mécaniciens <strong>de</strong> l’inutile ”, analysée ici et d’autre part,<br />

leur refus, silencieux mais douloureusement vécu, <strong>de</strong> cette restructuration, considérant<br />

“ qu’on détruisait leur musée pour en faire un autre, celui du Conseil Général ”.<br />

4 Le journal <strong>de</strong> Treize Heures, sur TF1, a à plusieurs reprises consacré <strong>de</strong>s séries <strong>de</strong><br />

reportages à ces collections. Parfois il s’agissait <strong>de</strong> présenter <strong>les</strong> “ voitures qui ont marqué le<br />

XX° siècle ” ; parfois il s’agissait <strong>de</strong> mettre en avant le travail d’un restaurateur et surtout son<br />

“ musée personnel ”.<br />

7

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!