les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie
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voiture <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> et <strong>de</strong> vacances pendant dix ans, puis me l’a offerte en 1971 pour aller :<br />
à la faculté à Paris ! (…) Suite logique, elle appartient désormais à mon fils <strong>de</strong> 26 ans (…) : à<br />
noter que l’immatriculation est toujours d’origine ”. (LVA, 3 janvier 2002 : 2) Un passioné <strong>de</strong><br />
moto envoie lui aussi son témoignage, en forme d’appel. "La première (photographie)<br />
représente mon père Gaston Marguet, récemment disparu à l'âge <strong>de</strong> soixante ans, au guidon <strong>de</strong><br />
sa Starlett (Monet-Goyon ou Koeler-Escofier ) Cette photo a été prise en juillet 1959 et je ne<br />
sais malheureusement ce qu'est <strong>de</strong>venu l'engin. (...) La secon<strong>de</strong> photo représente mon grandpère,<br />
Ju<strong>les</strong> Foubert, au guidon <strong>de</strong> sa Terrot 100 MTV mise en circulation en octobre 1956. Je<br />
suis maintenant le fier propriétaire <strong>de</strong> cette moto et je détiens également la précieuse carte<br />
grise <strong>de</strong> collection. J'ai commencé sa restauration il y a quelques mois, malgré le fait que je<br />
sois novice en la matière, et je regrette tous <strong>les</strong> jours d'avoir démonté à l'âge <strong>de</strong> 17 ans <strong>de</strong>s<br />
pièces <strong>de</strong> cette moto pour m'amuser". (LVM 1 er mai 2001 : 40)<br />
Remarquons que <strong>les</strong> journalistes se montrent relativement indulgents lorsque <strong>les</strong><br />
lecteurs se trompent dans l’i<strong>de</strong>ntification ou la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> l’engin et se contentent <strong>de</strong><br />
rectifier, parfois avec une bonne dose d’humour. Cela fait finalement partie <strong>de</strong> ce dialogue qui<br />
s’établit entre “ spécialistes ” et “ néophytes ”. Il n’en va pas <strong>de</strong> même lorsque manquent <strong>les</strong><br />
précisions biographiques. Ainsi, un lecteur envoya-t-il six magnifiques photographies,<br />
présentant <strong>de</strong> non moins magnifiques voitures mais n’apporta pas le moindre commentaire sur<br />
l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s personnes. Absence que le journaliste ne manqua pas <strong>de</strong> déplorer. “ D’excellente<br />
qualité, ces documents ne s’accompagnent malheureusement pas <strong>de</strong>s commentaires qui<br />
auraient permis <strong>de</strong> situer <strong>les</strong> scènes et d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> personnages… Dommage ! ” (LVA<br />
Janvier 2002 : 30) Et <strong>de</strong> continuer en commentant longuement et avec une extrême précision<br />
ces engins. Force est <strong>de</strong> reconnaître que l’anonymat <strong>de</strong>s personnes ne greva en rien<br />
l’appréciation technique. Ne peut-on admirer un véhicule tout en ignorant qui en était<br />
propriétaire En quoi cette absence est-elle alors dommage La dimension autobiographique<br />
<strong>de</strong> ces véhicu<strong>les</strong> constituerait-elle un critère majeur d’appréciation Car on le sent, ce n’est<br />
pas l’anonymat en tant que tel <strong>de</strong>s personnages mais le lien <strong>de</strong> parenté qu’il déplore.<br />
Ainsi, <strong>les</strong> lecteurs sont invités à expliquer leur passion. On peut véritablement parler<br />
d’injonction autobiographique. Mais en même temps, le journal offre aussi <strong>de</strong>s modè<strong>les</strong>, <strong>de</strong>s<br />
types <strong>de</strong> récit dans <strong>les</strong>quels le lecteur peut –ou doit- se reconnaître. Et n’est-ce pas,<br />
paradoxalement, la raison d’être ou du moins la raison du succès <strong>de</strong> cette presse Tous <strong>les</strong><br />
amateurs que j’ai rencontrés sont abonnés à l’un au moins <strong>de</strong> ces magazines, ne sont pas peu<br />
fiers d’affirmer qu’ils reçoivent le magazine la veille <strong>de</strong> sa parution en kiosque. Précieux<br />
opuscule que l’on conserve et constitue en collection. Mais dont l’utilité laisse l’observateur<br />
quelque peu songeur : rares sont ceux qui reconnaissent avoir mis à profit <strong>les</strong> conseils<br />
techniques <strong>de</strong> cette presse. Au mieux, “ ça ai<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s fois. Ca donne une idée. ” Max, que l’on<br />
a déjà croisé, s’est même abonné à la Vie <strong>de</strong> la Moto lorsque son triporteur fut totalement<br />
restauré ! Et il n’est pas le seul. Mais Max et <strong>les</strong> autres ferrailleurs-restaurateurs partent sans<br />
doute en quête d’autre chose que <strong>de</strong> technique au fil <strong>de</strong> ces pages. Ce que le journal leur<br />
apporte, ce sont précisément ces modè<strong>les</strong> <strong>de</strong> récit <strong>de</strong> soi, la certitu<strong>de</strong> que l’héritage, la<br />
continuité familiale sont bien au principe <strong>de</strong> cette valorisation. En somme, il <strong>les</strong> établit plus<br />
soli<strong>de</strong>ment encore à la tête <strong>de</strong> leur “ héritage ”. Mais <strong>les</strong> passionnés que j’ai rencontrés vont<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette injonction biographique.<br />
Mémoires d’homme<br />
Comme la presse <strong>les</strong> y invite, <strong>les</strong> mécaniciens s’entourent <strong>de</strong> photographies, constituant<br />
<strong>de</strong> véritab<strong>les</strong> albums, qu’ils soumettent rapi<strong>de</strong>ment à la curiosité <strong>de</strong> l’ethnologue. Albums<br />
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