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les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

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Un journaliste <strong>de</strong> La Vie <strong>de</strong> l’Auto, rencontré au cours d’une bourse d’échanges,<br />

lança, dans <strong>les</strong> colonnes <strong>de</strong> son journal, un appel à ses lecteurs afin qu’ils me fassent parvenir<br />

leur témoignage sur <strong>les</strong> origines <strong>de</strong> leur passion. L’un d’eux m’envoya, pour toute explication,<br />

un étrange cliché : photographié en plan très rapproché, le coffre arrière d’une voiture<br />

ancienne dans lequel se reflète l’image du photographe, également propriétaire <strong>de</strong> l’engin. Jeu<br />

<strong>de</strong> miroir dans lequel la carrosserie renvoie l’image <strong>de</strong> l’homme alors même que celui-ci s’en<br />

saisit, par la médiation <strong>de</strong> la chambre noire. Surimposition <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la voiture. Cette<br />

photographie est une véritable métaphore <strong>de</strong> cette passion.<br />

En effet, peu d’amateurs affirment avoir acheté un engin <strong>de</strong> hasard, essayé ou<br />

simplement admiré au cours d’une exposition. Toujours, un lien est posé entre eux et l’objet<br />

<strong>de</strong> leur désir, véritable “ boîte à souvenirs ”. “ Ma passion pour l’automobile c’est déclaré dès<br />

mon plus jeune âge avec la complicité <strong>de</strong> mon gd-père. Vers la fin <strong>de</strong>s années 50 <strong>les</strong> voitures<br />

étaient encore rares et <strong>les</strong> délais trop longs. Celui-ci avait un cabriolet Amilcar et mes parents<br />

une 201. Puis milieu <strong>de</strong>s années 50 ils achètent <strong>de</strong>s ‘Traction Avant’ (11BL et 11B coupé).<br />

Qu’il était beau le coupé, aussi j’étais chouchouté et chaque fois qu’il m’était possible <strong>de</strong><br />

quitter mes parents pour rejoindre et rouler dans la voiture du gd père, j’y allais. Avantages –<br />

à côté du conducteur et <strong>de</strong> plus la radio ! et <strong>les</strong> bonbons avec la gd mère. Complicité et<br />

admiration <strong>de</strong> voir mon gd père démonter ou remonter <strong>de</strong>s pièces, plus <strong>les</strong> conseils. (Arrivant<br />

aujourd’hui à la cinquantaine et ma situation <strong>de</strong> chef d’entreprise j’ai toujours la Nostalgie <strong>de</strong><br />

ce modèle). Donc je possè<strong>de</strong> entre autre 1 coupé 11AL1935 et un cab 15 du musée <strong>de</strong> Reims<br />

(carte grise cabriolet) (…) Etant a ce jour encore un gd enfant, j’aime entendre le bruit<br />

caractéristique <strong>de</strong> la traction qui recule le ronflement du pot d’échappement quand on monte<br />

<strong>les</strong> vitesses, le levier unique, le gd volant, le défilement du trajet dans <strong>les</strong> phares chromes,<br />

l’ouverture du pare-brise, le claquement <strong>de</strong>s portières et toutes <strong>les</strong> caractéristiques <strong>de</strong> ces<br />

voitures <strong>de</strong>s années 50 (niveau d’huile, eau, manivelle, pompe à essence à amorcer, avance<br />

manuelle, etc. etc. joie et plaisir que je ne peux définir, o<strong>de</strong>ur du cuir. (…) Pour le choix ce<br />

n’est pas un hasard car cette voiture représente mon enfance ma jeunesse ‘Quand je serai<br />

grand’ Enfin voiture <strong>de</strong> la guerre hélas, <strong>de</strong>s truands, <strong>de</strong> la police (RG. PJ) <strong>de</strong>s hommes d’Etat<br />

Coty, <strong>de</strong> Gaulle et enfin si elle n’est pas la voiture du siècle elle fut révolutionnaire. ” (Lettre<br />

<strong>de</strong> Alain F. sd) 1 On ne compte plus <strong>les</strong> amateurs conduits vers cette passion pour possé<strong>de</strong>r<br />

enfin la voiture qui roule encore dans leurs souvenirs émerveillés, parfois celle du mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong><br />

famille, du laitier qui passait tous <strong>les</strong> jours, du notaire du village, mais plus encore celle d’un<br />

parent, proche ou plus lointain, père mais aussi grand-père ou grand-oncle.<br />

En effet, c’est bien souvent le souvenir d’un proche, heureux propriétaire <strong>de</strong>s années<br />

auparavant d’un <strong>de</strong> ces engins, le désir <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> retrouver un engin qu’un aïeul a lui<br />

aussi possédé, qui conduit à la collection,. A la différence d’Alain F., qui affirme que sa<br />

“ passion c’est déclaré dès (son) plus jeune âge avec la complicité <strong>de</strong> (son) gd-père ”, Jean-<br />

Louis n’avait jamais ressenti le moindre intérêt pour la mécanique en général, et pour <strong>les</strong><br />

moteurs industriels anciens en particulier. Son enfance ne semblait pas particulièrement<br />

marquée du sceau <strong>de</strong> la mécanique. Jusqu’au jour où la vue d’un moteur industriel raviva<br />

l’image <strong>de</strong> son père. Et c’est moins le goût <strong>de</strong> la mécanique que cette image soudain réactivée<br />

qui motiva l’achat <strong>de</strong> l’épave et le poussa à la restauration. “ C’était chez un type. Bon, j’y<br />

étais allé pour tout autre chose. Je vous dis, j’avais jamais pensé à me lancer là-<strong>de</strong>dans.<br />

Jamais ! On discute et puis… dans un coin, un moteur. Le même moteur que mon père se<br />

servait pour dépiquer. Je le connaissais, ce moteur. Je l’avais vu tourner chez moi. Alors je<br />

l’ai acheté et petit à petit, je l’ai restauré pour pas qu’il se déglingue plus. Et puis, un autre. Et<br />

puis un autre. Et voilà. Mais au début, c’était pas… prémédité. C’était parce que c’était le<br />

moteur <strong>de</strong> mon père alors ça me faisait quelque chose, <strong>de</strong> le voir comme ça… Je pouvais pas<br />

le laisser là. Je sais, c’est idiot comme réaction mais… c’est comme ça. C’était un peu…<br />

1 Dans <strong>les</strong> extraits <strong>de</strong> lettres, l’orthographe et la ponctuation sont cel<strong>les</strong> du scripteur.<br />

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