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les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie

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trente ans soit enfin mis à exécution. Ce n'est donc pas le restaurateur mais ses proches,<br />

épouse, enfants, amis, qui posent le jugement qui transforme radicalement la valeur <strong>de</strong> la<br />

voiture.<br />

Et si <strong>les</strong> épouses affirment aimer el<strong>les</strong> aussi <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong> mécaniques, c'est souvent à ce<br />

moment <strong>de</strong> la conversion qu'el<strong>les</strong> sont particulièrement présentes, jouant un rôle important en<br />

incitant leur époux à s'intéresser à une épave délaissée. C'est sous leur égi<strong>de</strong> que se renouent<br />

<strong>les</strong> liens ou plus exactement que se nouent d'autres liens, <strong>de</strong>s liens d'une autre nature, entre<br />

l'engin et l'homme. Celle-ci me confie qu'elle a hâte <strong>de</strong> voir rouler la Rosalie que restaure son<br />

mari. "Il me tar<strong>de</strong> ! C'est moi qui l'ai voulue, cette voiture. Parce que mon mari n'y tenait pas.<br />

Il voulait une quadrilette ! 'Non, je voudrais une Rosalie, comme celle <strong>de</strong> ton père. La<br />

quadrilette, tu la feras après.' Parce que son père, à une époque, a eu une Rosalie. Je l'ai jamais<br />

vue rouler mais ma belle-mère m'a montré <strong>de</strong>s photos. Et je sais pas, je l'ai toujours trouvée<br />

jolie, marrante." Lorsque je lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> cette préférence, elle ne m'offre que<br />

<strong>de</strong>s propos évasifs. "Elle est jolie, je l'ai toujours trouvée jolie. Je sais pas pourquoi je vous<br />

dis. Peut-être parce que justement je ne l'ai jamais vue rouler ! Qui sait " Elle n'a jamais<br />

rouler <strong>de</strong> Quadrilette non plus.<br />

Ayant péniblement extirpé la voiture ou la motocyclette d’un poulailler, l’ayant<br />

ramenée “ en bon état ” au cœur d’une “ torna<strong>de</strong> ”, le collectionneur n’en a pas fini pour<br />

autant avec <strong>les</strong> difficultés : il lui faut maintenant trouver <strong>les</strong> pièces nécessaires à sa<br />

“ restauration ”. Mais il ne suffit pas pour cela <strong>de</strong> se rendre chez le marchand <strong>de</strong> pièces<br />

détachées, références en main.<br />

Le prix <strong>de</strong>s choses.<br />

"Quand on aime, on ne compte pas", affirme l'adage populaire. Ce ne semble pas être<br />

le cas <strong>de</strong> ces amateurs. Tous affirment que restaurer un véhicule est un investissement<br />

financier relativement important. Et c’est souvent pour <strong>de</strong>s raisons financières que certains<br />

spécimens sont encore en souffrance. “ J’attends d’avoir récupéré quelques ronds pour m’y<br />

mettre ”, affirme-ton. Pourtant, ce n'est généralement pas l'achat <strong>de</strong> la voiture qui <strong>les</strong> ruine.<br />

Souvenons-nous <strong>de</strong> Gilbert F. Lorsque le propriétaire <strong>de</strong> la décharge voulut la lui cé<strong>de</strong>r aux<br />

prix du kilogramme <strong>de</strong>s divers métaux, il refusa, trouvant le prix exagéré. On peut d’ailleurs<br />

s’interroger sur le sens <strong>de</strong> cette séparation <strong>de</strong>s métaux <strong>de</strong> la voiture et <strong>de</strong> leur vente au<br />

kilogramme. Est-ce le sta<strong>de</strong> ultime <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction Ou le premier sta<strong>de</strong> d’un usage<br />

nouveau "Vous l'avez débarrassé. On vous l'a donnée sans doute. Dites-moi combien vous<br />

en voulez, on décharge pas le camion." Il n'accepta <strong>de</strong> l'acheter qu'au prix que le ferrailleur<br />

l'avait lui-même achetée, au prix <strong>de</strong> l'épave à "débarrasser". C’est au prix <strong>de</strong> l’épave c’est-àdire<br />

du déchet qu’il consent à l’acheter et non au prix <strong>de</strong>s différents kilogrammes <strong>de</strong> métal.<br />

Le but est donc d’acheter l’engin à restaurer au prix le plus bas possible. Faut-il y voir<br />

<strong>de</strong> simp<strong>les</strong> raisons financières, le souci <strong>de</strong> se livrer à sa passion malgré <strong>de</strong>s revenus faib<strong>les</strong> <br />

Si l’on ne peut totalement balayer cette explication, force est <strong>de</strong> reconnaître qu’elle est<br />

insuffisante. En effet, alors même qu’ils affirment “ chercher à tirer <strong>les</strong> prix ” sur l’achat <strong>de</strong><br />

certaines pièces, on <strong>les</strong> surprend parfois à réaliser <strong>de</strong>s dépenses importantes : celui-ci fait<br />

construire un garage spécialement réservé à ses moteurs, son “ musée ” ; cet autre a acheté<br />

une grange près <strong>de</strong> sa maison afin d’y loger toutes ses voitures ; et c’est pour cette même<br />

raison qu’un <strong>de</strong>rnier a refusé d’acheter un pavillon en banlieue, préférant une ancienne et<br />

beaucoup plus chère petite ferme car elle disposait <strong>de</strong> bâtiments pour installer tout son atelier.<br />

Il ne faut pas oublier aussi <strong>de</strong>s investissements moins importants mais qui ne servent que dans<br />

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