les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie
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adiateur, dans <strong>les</strong> ronces, à la même place <strong>de</strong>puis quarante-cinq ans, gelant et dégelant au<br />
rythme <strong>de</strong>s saisons... Un cri : je venais <strong>de</strong> voir <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux roues arrière, <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la<br />
marre (sic) bouchant avec du fil <strong>de</strong> fer un trou <strong>de</strong> la clôture <strong>de</strong>s pou<strong>les</strong> ; déjà, je pataugeais<br />
pour <strong>les</strong> attraper...<br />
Le pauvre homme ne savait que dire ; il nous suivait <strong>les</strong> bras ballants, regardait sa<br />
femme, puis la DS, et le tas <strong>de</strong> pièces rouillées qui commençait à grossir, sur l'herbe...<br />
Bientôt, il prit le parti <strong>de</strong> sourire et <strong>de</strong> nous ai<strong>de</strong>r. En <strong>de</strong>ux heures, dans le soir qui<br />
venait, nous remuâmes bien une tonne <strong>de</strong> ferraille diverse et sans valeur. Mais <strong>de</strong> temps en<br />
temps... '-Tiens, ça, c'est <strong>de</strong> la voiture... Qu'est-ce que c'est ... Je ne sais pas, la boîte sans<br />
doute ... Tiens, le volant moteur, avec la poulie ! ... ' Et l'infortuné propriétaire <strong>de</strong>s lieux ne<br />
comprendra jamais comment nous, qui n'avions jamais vu l'auto, nous pouvions à coup sûr,<br />
entre cent morceaux <strong>de</strong> fer rouillés, et quelquefois à dix mètres <strong>de</strong> distance, nous précipiter<br />
sur une pièce, perdue au milieu du reste, la ramasser, et l'ajouter à notre butin, à l'exclusion <strong>de</strong><br />
toute autre. Alors, il l'examinait et disait : 'Ah, bé oui, c'était un <strong>de</strong>s arbres <strong>de</strong> roues... J'ai<br />
l'autre, mais il est sur la meule.... Ca Ah ça, non, c'est pas son cylindre... Le sien, le voilà, ça<br />
c'est du Quintin industriel. Tiens, voilà sa bielle ! ... ' (...) Alors, nous entrâmes dans la maison<br />
car il avait, paraît-il, conservé '<strong>de</strong>s choses' dans le grenier.<br />
(...) Il (en) <strong>de</strong>scendit bientôt, précédé, dans l'escalier, par le porte-parapluies en osier<br />
<strong>de</strong> l'auto, qui lui avait échappé. Il tenait fièrement à la main, un phare, tout cabossé, et une<br />
bielle <strong>de</strong> direction, entièrement chromée, ainsi que <strong>les</strong> morceaux d'un <strong>de</strong> ses sièges arrière, en<br />
forme <strong>de</strong> bi<strong>de</strong>t. (...) Il revint un instant après, avec un splendi<strong>de</strong> réservoir d'essence <strong>de</strong> tablier,<br />
complet, poli, sans un coup.<br />
-'C'est le réservoir <strong>de</strong> la voiture...'<br />
-'Ah bon, eh bien, on le prend ! '<br />
-'Ah non ! Pensez-vous ! Ca je ne le vends pas, il me rend trop service pour aller<br />
chercher <strong>de</strong> l'essence si je tombe en panne avec la voiture ! Vous comprenez, je le mets<br />
facilement avec un Sandow, sur le porte-bagages <strong>de</strong> la mobylette... Il fait juste dix litres, c'est<br />
tout plat, ça ferme bien..'<br />
-'Bon, mais alors je vous l'échange contre un jerrican neuf, pour nous c'est important,<br />
le réservoir...'<br />
-'Un jerrican Mais vous n'y pensez pas, c'est énorme, vingt litres ! Comment voulezvous<br />
que je le porte sur la mobylette '<br />
-'Mais vous n'êtes pas obligé <strong>de</strong> le remplir ; et puis il y en a <strong>de</strong> 10 litres.'<br />
-'Non, le réservoir, je le gar<strong>de</strong>.'<br />
Il n'y eut rien à faire. "(Dalmier 139-142)<br />
Cet extrait <strong>de</strong>s Roues <strong>de</strong> fortune, <strong>les</strong> roues <strong>de</strong> misère, autobiographie d'un<br />
collectionneur toulousain, Yves Dalmier, valait d'être noté. S'arrêtant par hasard à une pompe<br />
à essence, par habitu<strong>de</strong>, il questionne le pompiste qui lui indique une ferme où il pourrait,<br />
peut-être, trouver son bonheur mécanique. En effet, c'est un spécimen rare qu'il découvre,<br />
désarticulé certes, en pièces plus que détachées, dévoré par la rouille et reconverti à divers<br />
usages, mais entier... ou presque, une Georges Richard Paris-Berlin, éclatée entre mare et<br />
poulailler, tas <strong>de</strong> ronces et clôture. Plaisamment contée, l'aventure n'a pourtant rien<br />
d'exceptionnel.<br />
Tous <strong>les</strong> amateurs affirment l'avoir vécue. Comme Gilbert F. qui récupéra in extremis<br />
un spécimen rare au moment <strong>de</strong> son <strong>de</strong>rnier voyage : il allait être fondu pour recycler <strong>les</strong><br />
matériaux ! "J'habitais route <strong>de</strong> Fumel et Raphaël Leygues 1 habitait <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la rue.<br />
Un jour, je vois un camion sortir <strong>de</strong> chez lui et je vois sur le camion une bagnole. Une épave.<br />
(...) Il y avait cinquante-cinq ans qu'elle était dans le jardin, <strong>de</strong>hors. Je sais pas si vous vous<br />
1 Maire <strong>de</strong> Villeneuve sur Lot dans <strong>les</strong> années cinquante.<br />
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