les mecaniciens de l'inutile - Mission Ethnologie
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coopérative au domicile de notre hôte pour le déjeuner, puis à nouveau à la cave coopérative puis à nouveau au domicile de notre hôte pour le dîner, domicile que nous avons quitté fort tard. Comment penser cette journée Quel intérêt présentait-elle pour un ethnologue Qu'étions-nous allés faire Nous devions présenter des automobiles anciennes mais, finalement, peu de monde semble s'y être intéressé. Officiels et habitants du village, très accaparés par la cérémonie du jumelage, n'y ont jeté qu'un regard distrait. Quant à mes collectionneurs eux-mêmes, s'ils ont gardé un excellent souvenir du repas, ils gardent aussi de l'exhibition le souvenir de quelques heures d'ennui. "C'est souvent comme ça", affirment-ils avec le sourire. Je soupçonne donc les organisateurs de ne pas avoir préparé le moins du monde cette journée, qui me semble avoir été placée sous le signe de la pagaille... et des agapes. J'espère donc beaucoup des rallyes et exhibitions suivants. Autre manifestation, les Vitinéraires de Bordeaux. Journée de découvertes des crus bordelais. Au volant des véhicules anciens, nous allons de cave en cave, attendus à chaque fois pour une visite-dégustation. Scénario invariable : le cortège arrive, le bruit a alerté les propriétaires et les employés qui nous attendent sur le seuil de la cave ou du chai, nous regardent manœuvrer, parfois, péniblement, de façon à nous ranger en ordre impeccable, devant la porte. On rentre, on s’attarde un peu sur les œuvres exposées dans le hall, on visite le chai, on écoute les commentaires du maître des chais sur la vinification, on boit, on fait honneur au buffet… et on remonte en voiture pour une nouvelle cave. 13 heures. Déjeuner dans une bastide célèbre. On gare les véhicules, sagement, autour de la place centrale. Elles ne manquent pas d’admirateurs : nos coups de klaxons, nos saluts et nos “ bonjour ” lancés à la cantonade n’ont pas manqué d’arrêter les passants, ont attiré les habitants sur le seuil de leurs portes. Au menu, anguille, spécialité des lieux. J’apprends que nous sommes tout près de Sauveterre de Guyenne, village dans lequel vécut Guitet qui y réalisa un jardin singulier. L’occasion est trop belle : j’obtiens que l’on se déroute pour que je puisse faire quelques clichés. Je devrais me dépêcher car manifestement mes confrères s’impatientent, ne jettent qu’un œil distrait aux statues de ciment. “ Il faut qu’on reparte. On nous attend. ” Nouveau périple, de cave en cave, au milieu des vignes, que nous avons tout loisir d’admirer car nous ne roulons pas très vite. Heureusement d’ailleurs car nous prenons quelques libertés avec le code la route, deux véhicules roulant côte à côté parfois ou zigzagant de façon étrange pour le plus grand bonheur des autres conducteurs. Le cortège joyeux se sépare à 18 heures. Mais ne pouvait-on pas expliquer l’apparente légèreté de ces sorties par le contexte ou le prétexte, un jumelage, une dégustation Je place tous les espoirs dans la Journée du Patrimoine. La Fédération Française des Véhicules d'Époque ayant appelé ses membres à y participer, je n'ai que l'embarras du choix : plusieurs clubs exhibent leurs véhicules. Je choisis de suivre les Tacots Tonneinquais: elles vont exposer leurs engins d'affection au château de S., en Gironde, un "Monument Historique". Jean-Pierre M. me précise que la “ Reine Margot ” y résida plusieurs années et que son actuel propriétaire, descendant direct de cette reine, rendue populaire ces dernières années par un film, est également membre des Tacots Tonneinquais. Comme d'habitude, rassemblement sur la place de Tonneins, sous l'oeil toujours aussi étonné des badauds qui, pourtant, devraient être habitués à ces rassemblements, me semble-t-il. Puis départ pour le château en cortège. Notre arrivée est placée sous le signe de la désorganisation la plus totale. Je m'aperçois que la plupart ignore totalement ce qu'ils doivent faire de leur véhicule, pourquoi ils sont venus. On finit par retrouver un certain ordre. Les véhicules sont alignés sagement au pied des murs du château, tandis que quelques "Ancêtres", triées sur le volet, sont installées dans la cour d'honneur. Et l'on ne se souciera plus d'eux de la journée. Après un solide petit-déjeuner, offert par le propriétaire des lieux, les courageux peuvent s'adonner à l'habituelle descente du Ciron en canoë. Je préfère m'abstenir, rester dans les environs du château et des voitures, pour observer... Hélas, rien ! Des groupes se promènent dans le parc, d'autres jouent à la belote ou discutent. J'erre comme une âme en 104
peine, me demandant ce qu'on est venu faire là, avec les voitures. 14 heures, retour des sportifs et déjeuner : le propriétaire des lieux nous régale d'un porcelet rôti ! Agapes donc ! Et le patrimoine On passera le reste de la journée allongé à l'ombre des arbres, digérant le porcelet et le vin de bordeaux. Trois équipes d'amateurs de motocyclettes anciennes, participant elles aussi à la journée du patrimoine, remonteront l'allée qui mène au château, chevauchant leur pétaradant engin. Les pilotes nous saluent de coups de klaxons, nous leur répondons d'un geste de la main chaleureux, parfois armé d'un verre. Je me demande ce qu'eux aussi viennent faire puisque, à peine arrivés et descendus de leur engin, les voilà qui repartent ! Finalement, en fin de journée, pour ceux qui le souhaitent, une visite du château nous est offerte. Certains déclinent l'invitation. "Ca fait vingt fois qu'on le visite". Puis on se quitte, chacun reprend son engin et "A Bientôt ! ". Je n'ai pas très bien compris ce que nous étions allés faire, au volant des engins, dans le parc du château Pourtant, la participation aux Journées du Patrimoine est, si ce n’est une obligation, du moins une évidence. “ C’est quand même du patrimoine. Alors si on participe pas… ” Elles ne sont pas pour autant l’occasion de manifestations spéciales. Ce qui justifie le désintérêt de certains. Comme Armand. “ Les Journées du Patrimoine, personnellement, je n’y participe pas. Le club oui mais pas moi. C’est du pipeau pour moi. Ca a pas d’intérêt. Qu’est-ce qu’on fait On s’arrête, on repart, on va ici, on va là, il faut contenter tout le monde. Non, moi, j’y vais pas. Mais oui, il y en a qui le font. Ca mange pas de pain. ” Il faut bien reconnaître que rien, même pas la date 3 , ne différencie une Journée du Patrimoine d’une bien ordinaire balade. Autre machine. Un dimanche matin d’été, de fort bonne heure, en gare de Toulouse- Matabiau. Dans un nuage de fumée impressionnant, la 141 R 1126, locomotive classée Monument Historique, attend ses passagers : nous partons en excursion, à Ouradour-sur- Glane. Nous nous arrêterons dans différentes gares, et cela même s’il est prévenu que la locomotive n’y prenne pas de voyageurs 4 . Quelques heureux parmi les heureux pourront faire le voyage entre deux gares, dans la locomotive elle-même. Mais ce beau programme sera réduit à néant par une panne. En effet, le premier arrêt de la machine, en gare de Montauban, sera aussi le dernier pour la locomotive : une pièce récemment changée ayant “ fondu ”, elle ne pourra pas repartir. Blessée elle n’en est que plus belle : les badauds font cercle ; les cheminots, en foulard rouge pour certains, expliquent, d’un air navré, l’ordinaire et l’exceptionnel : les mensurations étonnantes de la bête et les raisons de la panne. Puis, une motrice arrive spécialement de Toulouse pour remorquer la vénérable victime, tandis que nous continuons notre périple, dans nos wagons tractés désormais par une bien ordinaire machine. L’arrivée en gare de Limoges passe inaperçue : nous sommes un groupe de touristes comme les autres. Départ pour Ouradour, repas, visite du village et du mémorial au pas de charge car il faut très vite repartir, horaires obligent. A peine a-t-on passé deux maigres heures sur le site. Impossible de s’intéresser sérieusement à l’exposition, de visionner le film, de parcourir le fond bibliographique qu’il faut déjà remonter dans l’autobus qui nous ramène à la gare. Mais personne n’a l’air déconfit ou déçu. L’essentiel de la journée a donc été consacré au voyage. Si la locomotive à vapeur n’avait pas eu de défaillance, nous aurions donc passé des heures dans des wagons inconfortables, pour une visite plus “ éclair ” d’un endroit que, semble-t-il, beaucoup connaissaient déjà. Mais les questions se posent : pourquoi avoir 3 En 2001, le petit village de V. avait organisé, le 21 septembre, une exposition de véhicules anciens. L’annulation des Journées du patrimoine n’entraîna pas l’annulation de la manifestation. “ C’était pas spécialement pour ça qu’on le faisait, non. C’était juste un hasard que ça tombe ce jour-là . Enfin, pas vraiment, disons que ça faisait de la publicité. On a profité de l’occasion.” En 2002, la même manifestation fut reconduite : mêmes exposants, même voitures, mêmes mise en scène, même lieu. Seule la date avait changé : elle a eu lieu le 15 Septembre, week-end précédent les Journées du patrimoine. 4 Le départ avait lieu, pour tous les voyageurs, en gare de Toulouse uniquement. 105
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coopérative au domicile <strong>de</strong> notre hôte pour le déjeuner, puis à nouveau à la cave coopérative<br />
puis à nouveau au domicile <strong>de</strong> notre hôte pour le dîner, domicile que nous avons quitté fort<br />
tard. Comment penser cette journée Quel intérêt présentait-elle pour un ethnologue <br />
Qu'étions-nous allés faire Nous <strong>de</strong>vions présenter <strong>de</strong>s automobi<strong>les</strong> anciennes mais,<br />
finalement, peu <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> semble s'y être intéressé. Officiels et habitants du village, très<br />
accaparés par la cérémonie du jumelage, n'y ont jeté qu'un regard distrait. Quant à mes<br />
collectionneurs eux-mêmes, s'ils ont gardé un excellent souvenir du repas, ils gar<strong>de</strong>nt aussi <strong>de</strong><br />
l'exhibition le souvenir <strong>de</strong> quelques heures d'ennui. "C'est souvent comme ça", affirment-ils<br />
avec le sourire. Je soupçonne donc <strong>les</strong> organisateurs <strong>de</strong> ne pas avoir préparé le moins du<br />
mon<strong>de</strong> cette journée, qui me semble avoir été placée sous le signe <strong>de</strong> la pagaille... et <strong>de</strong>s<br />
agapes. J'espère donc beaucoup <strong>de</strong>s rallyes et exhibitions suivants.<br />
Autre manifestation, <strong>les</strong> Vitinéraires <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Journée <strong>de</strong> découvertes <strong>de</strong>s crus<br />
bor<strong>de</strong>lais. Au volant <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> anciens, nous allons <strong>de</strong> cave en cave, attendus à chaque<br />
fois pour une visite-dégustation. Scénario invariable : le cortège arrive, le bruit a alerté <strong>les</strong><br />
propriétaires et <strong>les</strong> employés qui nous atten<strong>de</strong>nt sur le seuil <strong>de</strong> la cave ou du chai, nous<br />
regar<strong>de</strong>nt manœuvrer, parfois, péniblement, <strong>de</strong> façon à nous ranger en ordre impeccable,<br />
<strong>de</strong>vant la porte. On rentre, on s’attar<strong>de</strong> un peu sur <strong>les</strong> œuvres exposées dans le hall, on visite<br />
le chai, on écoute <strong>les</strong> commentaires du maître <strong>de</strong>s chais sur la vinification, on boit, on fait<br />
honneur au buffet… et on remonte en voiture pour une nouvelle cave. 13 heures. Déjeuner<br />
dans une basti<strong>de</strong> célèbre. On gare <strong>les</strong> véhicu<strong>les</strong>, sagement, autour <strong>de</strong> la place centrale. El<strong>les</strong> ne<br />
manquent pas d’admirateurs : nos coups <strong>de</strong> klaxons, nos saluts et nos “ bonjour ” lancés à la<br />
cantona<strong>de</strong> n’ont pas manqué d’arrêter <strong>les</strong> passants, ont attiré <strong>les</strong> habitants sur le seuil <strong>de</strong> leurs<br />
portes. Au menu, anguille, spécialité <strong>de</strong>s lieux. J’apprends que nous sommes tout près <strong>de</strong><br />
Sauveterre <strong>de</strong> Guyenne, village dans lequel vécut Guitet qui y réalisa un jardin singulier.<br />
L’occasion est trop belle : j’obtiens que l’on se déroute pour que je puisse faire quelques<br />
clichés. Je <strong>de</strong>vrais me dépêcher car manifestement mes confrères s’impatientent, ne jettent<br />
qu’un œil distrait aux statues <strong>de</strong> ciment. “ Il faut qu’on reparte. On nous attend. ” Nouveau<br />
périple, <strong>de</strong> cave en cave, au milieu <strong>de</strong>s vignes, que nous avons tout loisir d’admirer car nous<br />
ne roulons pas très vite. Heureusement d’ailleurs car nous prenons quelques libertés avec le<br />
co<strong>de</strong> la route, <strong>de</strong>ux véhicu<strong>les</strong> roulant côte à côté parfois ou zigzagant <strong>de</strong> façon étrange pour le<br />
plus grand bonheur <strong>de</strong>s autres conducteurs. Le cortège joyeux se sépare à 18 heures.<br />
Mais ne pouvait-on pas expliquer l’apparente légèreté <strong>de</strong> ces sorties par le contexte ou<br />
le prétexte, un jumelage, une dégustation Je place tous <strong>les</strong> espoirs dans la Journée du<br />
Patrimoine. La Fédération Française <strong>de</strong>s Véhicu<strong>les</strong> d'Époque ayant appelé ses membres à y<br />
participer, je n'ai que l'embarras du choix : plusieurs clubs exhibent leurs véhicu<strong>les</strong>. Je choisis<br />
<strong>de</strong> suivre <strong>les</strong> Tacots Tonneinquais: el<strong>les</strong> vont exposer leurs engins d'affection au château <strong>de</strong><br />
S., en Giron<strong>de</strong>, un "Monument Historique". Jean-Pierre M. me précise que la “ Reine<br />
Margot ” y résida plusieurs années et que son actuel propriétaire, <strong>de</strong>scendant direct <strong>de</strong> cette<br />
reine, rendue populaire ces <strong>de</strong>rnières années par un film, est également membre <strong>de</strong>s Tacots<br />
Tonneinquais. Comme d'habitu<strong>de</strong>, rassemblement sur la place <strong>de</strong> Tonneins, sous l'oeil<br />
toujours aussi étonné <strong>de</strong>s badauds qui, pourtant, <strong>de</strong>vraient être habitués à ces rassemblements,<br />
me semble-t-il. Puis départ pour le château en cortège. Notre arrivée est placée sous le signe<br />
<strong>de</strong> la désorganisation la plus totale. Je m'aperçois que la plupart ignore totalement ce qu'ils<br />
doivent faire <strong>de</strong> leur véhicule, pourquoi ils sont venus. On finit par retrouver un certain ordre.<br />
Les véhicu<strong>les</strong> sont alignés sagement au pied <strong>de</strong>s murs du château, tandis que quelques<br />
"Ancêtres", triées sur le volet, sont installées dans la cour d'honneur. Et l'on ne se souciera<br />
plus d'eux <strong>de</strong> la journée. Après un soli<strong>de</strong> petit-déjeuner, offert par le propriétaire <strong>de</strong>s lieux, <strong>les</strong><br />
courageux peuvent s'adonner à l'habituelle <strong>de</strong>scente du Ciron en canoë. Je préfère m'abstenir,<br />
rester dans <strong>les</strong> environs du château et <strong>de</strong>s voitures, pour observer... Hélas, rien ! Des groupes<br />
se promènent dans le parc, d'autres jouent à la belote ou discutent. J'erre comme une âme en<br />
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