le mix marketing revisite - World Association of Newspapers

LE MIX MARKETING REVISITE - 10
LES ENSEIGNEMENTS DE LA GUERRE
DES PRIX EN GRANDE-BRETAGNE
Les journaux doivent-il réduire leur prix de
vente pour prendre un avantage sur leurs
concurrents Peut-être bien, si l'on en croit
Jim Chisholm, consultant britannique
auprès des médias. Toutefois, prévient-il, le
prix comme stratégie unique ne suffit pas.
M. Chisholm est arrivé à ces conclusions en
étudiant les effets de la guerre des prix en
Grande-Bretagne, aussi bien chaque titre
que sur l’ensemble du marché. Il a
découvert que "son impact global était
plutôt minime pour une opération aussi
coûteuse." (Le Times a dépensé à lui seul 20
millions de livres environ dans la bataille,
Today a fait faillite, et d’autres titres,
comme l'Independent, le Mirror, et l'Express,
ont souffert et perdu des sommes
considérables). M. Chisholm a en effet
constaté que même si une politique de prix
agressive permettait à certains journaux
d'augmenter leur part de marché, elle ne
suffisait pas à elle seule à créer de nouveaux
marchés. "Cette stratégie ne permet pas
d'attirer de nouveaux lecteurs," dit-il". Il
cite à cet égard l’instigateur de la guerre des
prix (le Times de Rupert Murdoch) pour
illustrer son propos. "Le Times a renforcé
son tirage de 60%, alors son lectorat n’a
progressé que de 20%," dit-il. Il ajoute que
cette hausse des ventes s'explique par le
report de certains lecteurs sur le titre et par
l'augmentation de la fréquence de lecture.
La part de marché du journal est passée de
15% à 30%.
Le prix permet d'augmenter la fréquence de
lecture
Renforcer la fréquence de lecture constitue
naturellement un des objectif majeurs des
journaux britanniques, comme de leurs
homologues étrangers. Une réduction du
prix peut y contribuer, mais on peut
parvenir au même résultat avec d’autres
outils, comme les promotions. L'utilisation
du prix pour attirer les lecteurs est efficace
uniquement "s'il s'agit d'une réduction à
court terme, qui débouche sur une
fidélisation à long terme à travers un
abonnement," dit M. Chisholm.
En outre, les journaux doivent s'interroger
sur ce qu'ils feront pour soutenir
l'augmentation des ventes une fois que le
prix initial sera rétabli. "A moins de
prendre d'autres mesures, les ventes
chuteront à ce moment-là," estime M.
Chisholm. Il a également noté que les
"lauréats" de la guerre des prix n'étaient
pas nécessairement les éditeurs qui
réduisaient leurs tarifs, mais plutôt ceux
qui savaient innover dans le produit. Après
tout, dit M. Chisholm, "les lecteurs veulent
en avoir pour leur temps, et pas uniquement
pour leur argent."
Le Guardian a donc maintenu son prix, tout
en investissant parallèlement lourdement
dans le produit et dans la marque, en
lançant un second cahier, et en développant
son offre du Samedi. Ces mesures se sont
traduites par une stabilité de sa diffusion,
une optimisation de ses revenus et une
consolidation de sa marque. Le Times luimême,
qui est à l’origine de cette guerre et
dont le prix est tombé, à 10 pence, à son
niveau le plus bas (contre 45 pence
initialement) a fortement investi en matière
de produit et de promotion, en doublant
l'espace consacré au sport dans son édition
du Samedi.
Une politique de prix agressive permet
également d'écraser un concurrent. Tel était,
selon M. Chisholm, l'objectif recherché par
Rupert Murdoch. "Il dominait le marché
des tabloïds avec le Sun, s'apprêtait à
renoncer au marché intermédiaire, et a
réalisé que la bataille se situait au niveau
des journaux de qualité," dit-il.
Toutefois, si tel est l’objectif recherché, les
journaux doivent se demander s’ils
pourront soutenir leurs baisses de prix
jusqu’à ce qu'ils aient forcé leur concurrent
à fermer boutique. En outre, ils doivent être
sûrs de disposer des informations
nécessaires pour prendre cette décision :
ont-ils en main toutes les données du
problème
Il faut repenser les modèles de pertes et profits
"On nous propose généralement un modèle
où les revenus (l'ensemble des revenus,
déduction faite des coûts), conduisent à des
profits," explique-t-il. "Toutefois, les
managers doivent avoir une meilleure
approche des chiffres." M. Chisholm
propose de déduire trois éléments des
revenus pour calculer les bénéfices réels : les
coûts variables ("il faut les définir
clairement et connaître leur impact sur