le mix marketing revisite - World Association of Newspapers

LE MIX MARKETING REVISITE :
COMMENT GAGNER GRACE
AUX 4 "P"

Ce rapport est publié dans le cadre du projet R.E.A.D.Y.
(Prêts pour l’an 2000), généreusement sponsorisé par
Cepiprint, association représentant les secteurs du papier
journal et des papiers magazine au sein de la Confédération
des industries papetières européennes, et par PubliGroupe,
groupe international de publicité
et de promotion basé en Suisse.

TABLE DES MATIERES
DECLINAISON DU PRODUIT ET DEVELOPPEMENT DU MARCHE :
L’EXEMPLE DE THE EXAMINER, A CORK, EN IRLANDE 1
A UN PRODUIT UNIQUE POUR DES LECTEURS DIFFERENTS :
L’EXEMPLE DU GUARDIAN, EN GRANDE-BRETAGNE 3
MODERNISER LA DISTRIBUTION :
LE CAS DES DNA, STRASBOURG, FRANCE 5
LA POLITIQUE DE PRIX : QUELS SONT LES ISSUES POSSIBLES 7
LES ENSEIGNEMENTS A TIRER DE LA GUERRE DES PRIX EN GRANDE-BRETAGNE 10
LES MEDIAS LATINO AMERICAINS :
AUSSI VARIES QUE LEUR CONTINENT D’ORIGINE 12
VENTE AGRESSIVE OU LA PROMOTION DISCRETE
LE MEILLEUR MARKETING-MIX POUR VENDRE LES JOURNAUX 14
LA PROMOTION SUR LE LIEU DE VENTE PEUT FAVORISER
LE REPOSITIONNEMENT :LE CAS DE LA PQR EN FRANCE 16
LES MODELES DE DISTRIBUTION EN EUROPE:
UNE GRANDE VARIETE, DES PRINCIPES SIMILAIRES 18
Ce rapport résume les exposés de la Conférence 1997 de l’AMJ sur le Marketing & les Ventes,
organisée à Cannes, en avril.

LE MIX MARKETING REVISITE - 1
DECLINAISON DU PRODUIT ET
DEVELOPPEMENT DU MARCHE :
L’EXEMPLE DE THE EXAMINER, A
CORK, EN IRLANDE
Le Cork Examiner est un acteur central de la
ville de Cork depuis 1841. Cinq générations
de Crosbies lui ont fait traversé la guerre et
la famine, la paix et la prospérité. Et c’est
encore un Crosbie qui l’a conduit dans sa
dernière transformation : ce journal local
profondément enraciné dans sa communité
est devenu, sous le nom de The Examiner,
une alternative régionale à la presse de
Dublin.
Qu’est-ce qui a conduit à cette
transformation
En 1994, le Cork Examiner et sa société
mère, Examiner Publications, ressentaient
les effets conjugués de quatre ans de baisse
de la diffusion et des recettes publicitaires,
d’une mauvaise gestion, d’un syndicat
puissant, et d’une dépendance trop grande
vis-à-vis d’une petite région d'Irlande : le
comté de Cork. La société s'est donc lancée
dans un processus de repositionnement, qui
a englobé non seulement tous ses domaines
opérationnels, mais son orientation générale
également.
Une des composantes de ce changement a été
de remplacer le processus de production par
un système de mise en page
éditorial/publicitaire intégré (EPM), avec le
plein accord du syndicat. "Nous avons
proposé un plan social au syndicat et au
personnel. Il nous fallait 40 départs
volontaires pour pouvoir garantir les
emplois restants," dit Alan Crosbie, le
dernier Crosbie du nom à la tête du journal.
"Nous garantissions également les salaires
des employés, et ceux des chefs d’équipe ou
des directeurs qui perdaient leur statut avec
le nouveau système. "En outre, suite à des
études de personnalités approfondies, tous
les employés restants ont pu être affectés
dans le domaine de leur choix.
"Le système EPM a rendu aux rédacteurs en
chef le pouvoir qui leur est normalement
dévolu," dit M. Crosbie. Il a également
permis au journal du soir du groupe,
l’Echo, de gagner une heure sur le bouclage,
un gain très important.
Parallèlement à cet effort, Examiner
Publications a modifié son personnel.
"Nous avons redynamisé notre équipe de
direction et placé le client au centre de nos
efforts," dit M. Crosbie. Cela impliquait de
nommer une personne-clé au poste de
directeur des ressources humaines et de
recruter un nouveau directeur des ventes
publicitaires et de nouveaux rédacteurs en
chef pour les deux titres du groupe. "Quand
on modifie radicalement un journal, le
choix d’un rédacteur en chef peut être
déterminant dans son succès ou son échec.
"En effet, ajoute-t-il, les bons rédacteurs en
chef "doivent être des experts du
marketing avant d'être des directeurs de la
rédaction."
Dépasser ses limites géographiques
Toutefois, l’aspect le plus visible de ce
remaniement a été le changement
d’orientation du groupe. Le nombre de ses
lecteurs réguliers dans le comté ne
progressait pas. Sans un changement, le
journal ne pouvait donc que péricliter. Il
était toujours possible de lancer une édition
du dimanche, mais l’entreprise était
risquée. "Nous avons donc décidé de jouer
l’offensive, d’exploiter la rivalité existant
traditionnellement entre Dublin et le reste
du pays, et de nous positionner comme un
journal de remplacement à la presse de
Dublin," dit M. Crosbie.
Des études de marché ont révélé "que notre
titre, en terme de contenu, serait bien reçu
parmi les gens situés hors de notre marchécible,"
dit-il. Toutefois, les identités
régionales étant fortement enracinées dans
les comtés, il fallait changer le nom du
journal : celui de Cork Examiner n’était
visiblement pas approprié pour cibler les
lecteurs des autres comtés. C'est pourquoi,
au bout de 155 ans, le Cork Examiner a été
renommé The Examiner.
Ce repositionnement nécessitait
naturellement des investissements
considérables. Une campagne de marketing
a donc été lancée. Non seulement une
distribution au plan national augmentaitelle
les coûts, mais elle impliquait
également de boucler le journal deux heures
plus tôt. The Examiner nécessitait également
trois éditions géographiques différentes,
notamment pour les sports et les colonnes
de brèves publiées en première page. (Ces
deux changements ont été rendus possibles

LE MIX MARKETING REVISITE - 2
grâce au nouveau système EPM.)
Ce remaniement a été payant. "Depuis mars
1996, date de lancement de la nouvelle
formule, le tirage a progressé tous les mois
et continue d’augmenter," dit M. Crosbie.
Irlande
Tél: 353 21 802 186
Fax: 353 21 802 206
Tout n’a pas été rose, pourtant
Les choses ont toutefois dérapé à un
moment donné. Lors du lancement de The
Examiner, M. Crosbie et son équipe avaient
décidé de ne pas modifier le contenu des
annonces classées. "Notre approche serait
probablement différente aujourd’hui," ditil.
En effet, malgré un contenu
d’informations régionales renforcé, entre 90
à 95% des petites annonces classées
provenaient toujours du comté de Cork,
donnant une fausse impression aux lecteurs.
"Il est plus difficile de redresser la barre
aujourd’hui que ça ne l’aurait été au
départ."
La distribution est un autre domaine où les
résultats n’ont pas été à la mesure des
espérances nourries par le journal. "Nous
avons assuré notre propre distribution sur
notre marché cible, mais nous avons fait
appel à des distributeurs professionnels
pour les autres," explique M. Crosbie. Ces
distributeurs géraient également des
journaux beaucoup plus importants, qui
contrôlaient l’heure de départ des véhicules.
"Ils ne nous attendaient pas quand nous
avions du retard," se souvient-il. Un autre
problème concernait les commissions
versées aux dépositaires, bien que cette
question ait été résolue depuis. "Nous avons
appris que le moindre détail d’un accord
devait être négocié."
Depuis le lancement de The Examiner, la
société a également créé une nouvelle édition
pour son journal du soir, le Evening Echo,
distribuée dans la ville de Limerick. "Nous
avons donc ici l’exemple d’un journal local
devenant encore plus “local”, et d’un titre
régional dépassant le cadre de sa région."
Où la société en est-elle au plan financier
"Nous avons budgétisé le recouvrement
complet de nos investissements grâce à nos
ventes," dit M. Crosbie. "Toute recette
publicitaire supplémentaire serait une
cerise sur le gâteau."
Alan Crosbie,
Directeur exécutif
Examiner Publications

LE MIX MARKETING REVISITE - 3
UN PRODUIT UNIQUE POUR
DIFFERENTS TYPES DE LECTEURS:
L’EXEMPLE DU GUARDIAN, EN
GRANDE-BRETAGNE
Le Guardian, publié par le groupe
Guardian Media, est un des plus vieux
journaux indépendants du monde. Fondé en
1821, il appartient au Scott Trust, qui
continue à ce jour de protéger
l’indépendance éditoriale et financière du
journal.
"Le Guardian est la preuve vivante que l’on
peut faire d’un journal régional un titre
national florissant," dit Steven Palmer, son
directeur marketing. Le Guardian est en
effet un des plus grands journaux
britanniques de qualité, avec une diffusion
se situant autour de 400 000 exemplaires ces
quatre dernières années. Cette stabilité est
d’autant plus remarquable que le titre a
maintenu un prix de couverture dépassant
quatre fois et demi celui de son principal
concurrent - le Times - pendant la guerre des
prix que se sont livrés les journaux en
Grande-Bretagne.
Y a-t-il une recette miracle
"Nous nous sommes toujours appuyés sur
notre image de marque," dit M. Palmer.
"C’est un processus qui prend du temps,
mais qui est nécessaire. Nous ne
fonctionnons pas dans le vide." En effet,
même si les journaux apparaissent comme
des produits spéciaux aux gens qui
n’appartiennent pas à la profession, ils ne
sont qu’un produit comme un autre."
Les consommateurs ont aujourd’hui une
très grande variété de choix, qui affecte
pratiquement tous leurs achats, des huiles
d’olive à la source même de leurs
informations. Selon M. Palmer, il y a dix
ans, ils n'avaient le choix qu'entre quatre
chaînes de télévision, quatre stations de
radio nationales, 49 stations commerciales,
une industrie du cinéma en plein déclin, et
une industrie du magazine quasiment
inexistante. On trouve aujourd'hui cinq
chaînes de télévision hertziennes, 38 chaînes
satellite, huit stations de radio nationales,
146 stations commerciales, des salles de
cinéma qui ont doublé, et une industrie du
magazine en plein essor.
La fidélité des lecteurs s’érode
"Les lecteurs actuels ne se demandent pas
‘Quel journal devrais-je lire', mais plutôt
‘Pourquoi m’ennuyer à lire le journal ’,"
dit M. Palmer. "C’est un problème auquel
les rédacteurs en chef devraient penser
chaque jour, du fait notamment que les
lecteurs réguliers de journaux de qualité,
sur lesquels on pouvait compter jusqu'ici,
ont de moins en moins le temps de lire un
quotidien." En 1996, 30% des cols blancs
travaillaient plus de 40 heures par semaine,
soit 16% en plus qu’en 1976. Une étude
révèle que 57% environ des hommes disent
n’avoir pas suffisamment de temps pour
faire ce qu’ils souhaitent, ce chiffre étant de
86% pour les femmes. "Le temps de
transport pour se rendre au travail a
également augmenté. 66% des
déplacements liés au travail s'effectuent à
présent en voiture, ce qui nuit aux
journaux," dit M. Palmer.
La concurrence entre les différents titres
reste naturellement très vive. "Nous avons
bien évidemment des lecteurs fidèles, mais
les prix, le développement du produit, et les
promotions mettent constamment à mal
cette fidélité," dit-il. Heureusement "les
scoops restent vendeurs", et les articles
exclusifs du journal sur la corruption au
Parlement ont fait augmenter son tirage de
40 000 exemplaires.
"Toutefois, une stratégie marketing ne peut
pas s’appuyer uniquement sur
l’information : c’est un facteur trop
aléatoire," dit M. Palmer. C’est pourquoi le
Guardian a lancé en 1990 un second cahier
tenu en haute estime, baptisé G2.
Un second supplément pour varier la forme et
le contenu
Le second cahier du journal, lancé en fait en
1988, était destiné à promouvoir ses
annonces d’emploi - un secteur dans lequel
sa part de marché n'était que de 40%.
Toutefois, les études ont montré que le fait
de baser le titre sur les offres de recrutement
"donnait à nos lecteurs la possibilité
d’acheter le journal uniquement ce jour-là",
dit M. Palmer. L’objectif du cahier G2 était
plutôt de dire au lecteur "malgré votre
intérêt spécifique pour les annonces
classées, notre journal contient également
quelque chose qui pourra vous intéresser."

LE MIX MARKETING REVISITE - 4
Le supplément tabloïd G2 a permis au
Guardian de préserver son succès éditorial
et commercial dans le secteur des petites
annonces, tout en offrant un "plus" à ses
lecteurs habituels. Il lui a également permis
de s’attaquer aux défis ambiants : faciliter
l’accès du produit aux jeunes et aux femmes
("on peut le faire à travers le contenu, mais
aussi à travers la forme"), offrir un
supplément couleur quotidien pouvant
rivaliser avec les tout-puissants magazines,
et donner au design des actualités et des
articles de fond un aspect plus décontracté
et plus attrayant. Grâce au supplément du
Mardi sur l’Education, le Guardian a pu
offrir une couverture plus spécialisée dans
ce domaine, permettant en même temps aux
annonceurs d’accéder aux professionnels du
secteur. Les lecteurs, quant à eux, ont eu le
sentiment d’en avoir pour leur argent.
intégrées au processus décisionnaire." Car
en fin de compte, "valeur ajoutée ne veut
pas dire volume supplémentaire. Il s’agit
plutôt de rehausser la marque de manière
globale."
Steven Palmer,
Directeur Marketing,
The Guardian
Grande-Bretagne
Tél: 44 171 239 97 73
Fax: 44 171 871 12 67
"Il s’agit d’une tactique que nous avons
appliquée aux autres jours de la semaine,"
dit M. Palmer, qui cite Jobs and Money,
Online, Society, Media et Friday Review
parmi les autres suppléments. En outre,
chaque jour propose à présent un cahier
séparé d’offres d’emploi, à l’exception du
Vendredi, qui n’a pas de marché de PA bien
établi. "A un certain moment de la journée,
le Vendredi cesse de faire partie de la
semaine pour commencer le week-end," dit
M. Palmer. "Il y a peu de chance que nos
jeunes lecteurs rentrent spécialement chez
eux pour lire leur journal : nous devons
donc leur donner de bonnes raisons de
l’acheter." La réponse du Guardian à ce
problème a été de lancer The Friday Review,
qui couvre l’actualité cinématographique,
musicale, théâtrale et autre, et Sports 97,
semblable à Friday Review mais consacré
aux sports.
Faites des études et vous connaîtrez vos
lecteurs
Naturellement, dit M. Palmer, cette stratégie
présente certains dangers. "Vous êtes tenu
par un programme de développement et
vous devez connaître vos lecteurs habituels
et potentiels." La clef du succès "Des
études, des études, toujours des études," ditil.
"La recherche doit être un processus
constant, et non ponctuel. C’est une activité
que nous pratiquons quotidiennement,
auprès de groupes cibles, de panels de
lecteurs, etc. Nous devons ensuite nous
assurer que ces informations sont bien

LE MIX MARKETING REVISITE - 5
COMMENT VEHICULER PLUS
FACILEMENT LES INFORMATIONS :
LE DESIGN AIDE A MIEUX TRAITER
UN SUJET
"Un bon design est un excellent outil pour
transmettre l’information," estime Warren
Watson, directeur éditorial du groupe
Central Maine Newspapers. "Il permet
d’amener plus rapidement et plus
efficacement l’information vers le lecteur -
un élément qui peut être critique, compte
tenu de la concurrence."
Tandis qu’un mauvais design est comme un
effet de friture à la radio, une bonne
présentation constitue un alliance réussie
du style et du contenu. "Un bon design
nécessite la pratique du journalisme global,
dans lequel les mots, les illustrations et les
photos sont considérés comme un tout et
traités comme tels," dit-il. Le journalisme
global inclus les manchettes, les photos,
l’article proprement dit, un encadré, et une
carte ou des infographies.
"Les bons infographistes comprennent le
pouvoir de chaque forme d’impression et
savent les employer à bon escient," dit M.
Watson. Les grands journaux peuvent en
effet prendre le risque d’innover dans leur
utilisation du journalisme global. "Les
lecteurs s’adaptent facilement aux différents
procédés utilisés pour traiter un sujet."
L’innovation implique toutefois d'instaurer
un véritable sentiment de confiance avec les
lecteurs. "Un journal qui bat de l’aile ne
sera pas forcément gagnant chaque fois
qu’il essayera d’innover. Par contre, un titre
bien établi pourra prendre davantage de
risques," estime-t-il.
Expliquer un sujet sans recourir au texte
M. Watson dispose de plusieurs exemples
pour illustrer son propos. La communauté
desservie par son propre titre a vécu un
débat très passionné sur la politique des
Eaux et Forêts. "Nous avons publié un
supplément spécial pour aider les lecteurs à
se forger leur propre opinion. Ils avaient
besoin qu’on les aide à s'y retrouver dans
les méandres de la politique
gouvernementale. Nous leur avons donc
expliqué les choses par le biais du design,"
dit-il. Ce supplément a largement fait
appel aux
infographies, aux tableaux, aux photos, aux
légendes et aux encadrés, au lieu d’utiliser
seulement du texte.
Un exemple similaire est la présentation
faite par le Seattle Times du nouveau Boeing
777. Ce journal a publié une double page
de présentation graphique du nouvel avion,
expliquant entièrement le sujet à travers des
graphiques, des illustrations et des
légendes.
"On peut faire un article sans écrire une
seule ligne," soutient M. Watson. "Dans
une récente Une, nous avons ainsi utilisé
uniquement six photos et six légendes.
C’était un excellent travail artistique,
absolument fascinant."
Fascinant un mot qui revient souvent dans
la bouche de M. Watson. "Les lecteurs
consacrent 22 minutes en moyenne à la
lecture d’un quotidien. Nous pourrions
augmenter ce temps de lecture si nous leur
offrions des mots et des photos
suffisamment fascinants, si nous leur
proposions un journal qu’ils auraient du
mal à refermer. Toutes les informations ne
doivent pas nécessairement être brèves et
faciles à digérer."
Le design n’est pas un outil autonome
Par ailleurs, le design ne constitue qu’un
des éléments du journalisme global. Selon
M. Watson, les journaux ne peuvent plus
s’appuyer uniquement sur de vieux
principes. "Il faut y ajouter cinq nouvelles
règles." Informer, en apportant du sens et
de la profondeur à l’information ; éclairer
le lecteur ; pousser à l’action ; intégrer
l’information ; et participer à la vie
communautaire.
Il est plus facile d’adopter une telle
approche si, comme Stephen Covey, auteur
du best-seller "The Seven Habits of Highly
Effective People", les rédacteurs en chef et
leur équipe ont à l'esprit dès le départ
l’objectif final à atteindre. "Vous devez
comprendre clairement où vous allez," dit
M. Watson. "Vous pouvez ainsi planifier
l’ensemble des opérations sans risquer de
vous noyer dans un brouillard d’activités."
Selon M. Watson, il est également utile de
disposer d'un barème de la qualité - une
série de principes selon lesquels on peut
juger le journal. "Nous essayons
d’améliorer quotidiennement le titre en

LE MIX MARKETING REVISITE - 6
fonction de notre propre barème." Celui-ci
comprend les éléments suivants : le journal
doit être facile à lire et à comprendre, être
digne et faire autorité, être une source
d’information fiable, et traiter les
informations de façon hiérarchique, en
abordant les sujets en fonction de leur
intérêt et de leur importance.
"Forts de ces critères et de notre barème de
la qualité, nous pouvons nous focaliser sur
ce qui importe vraiment, déterminer dans
quels secteurs investir nos ressources, et
entreprendre des actions qui répondent à
notre objectif-clé," dit M. Watson. "Il nous
est également plus facile de planifier notre
couverture de l’information et de
comprendre nos lecteurs et notre
communauté."
M. Watson conclut son exposé en citant dix
leçons tirées d’un récent concours de design,
organisé par la Society for Newspaper
Design - une association qui regroupe 239
journaux membres dans 23 pays. Ces leçons
sont les suivantes : mieux vaut en faire peu
que trop ; replacez les choses dans leur
contexte (en fournissant une carte de la
pollution dans la ville de Mexico, par
exemple) ; concentrez vous sur le métier ;
utilisez des photos et des graphiques comme
contenu ; faites un usage modéré de la
couleur ; réduisez les dépenses
technologiques (si elles doivent amputer
gravement vos ressources) ; concevez les
articles en fonction d'un espace éditorial de
plus en plus limité ; faites en sorte que le
design soit transparent ; cherchez des idées
; et ayez de la considération pour vos
lecteurs.
Warren Watson,
Directeur exécutif de la rédaction
Central Maine Newspapers
Etats-Unis
Tél: 1 207 621 56 30
Fax: 1 207 623 22 20

LE MIX MARKETING REVISITE - 7
MODERNISER LA DISTRIBUTION: LE
CAS DES DNA, STRASBOURG, FRANCE
Placé au dixième rang des quotidiens
régionaux français, le journal Les Dernières
Nouvelles d'Alsace (DNA) a une structure de
lectorat très proche des caractéristiques de
la population qu’il dessert. Et cela n’est pas
étonnant : avec un tirage de 220 000
exemplaires en moyenne et un lectorat de
630 000 personnes, le journal touche 65%
des adultes dans sa zone de diffusion et
75% des lecteurs de son marché cible.
La caractéristique dominante de DNA est la
proximité qu’il entretient avec ses lecteurs.
"Nous publions 27 éditions locales," dit
François Hirn, directeur marketing de
DNA. Jusqu’alors, elles étaient basées sur
des divisions administratives. "Mais les
choses ont évolué et nous les avons
redécoupées par zones de vie."
Selon M. Hirn, DNA a étudié un certain
nombre d’indicateurs pour délimiter ces
zones : démographie, axes du trafic,
emplacement des magasins et des services,
utilisation des services de santé,
fréquentation scolaire, habitudes de loisirs,
etc. En conséquence, le contenu éditorial de
DNA coïncide à présent étroitement avec les
intérêts de ses lecteurs.
Le portage pour une meilleure proximité avec
les lecteurs
Un deuxième aspect de cette proximité avec
les lecteurs est le système de portage à
domicile utilisé par DNA. "Aujourd’hui,
87% de nos lecteurs sont abonnés au
journal, et 85% d’entre eux profitent du
portage à domicile grâce à notre réseau de 1
800 porteurs et porteuses," dit M. Hirn. Ce
système permet au journal de bien contrôler
sa diffusion géographique. En outre, DNA
peut identifier les caractéristiques sociodémographiques
et les comportements des
consommateurs sur chacune de ses 1 750
zones de portage. Cela lui permet d’offrir à
ses annonceurs des informations de plus
précises et plus nuancées sur ses lecteurs.
Associé au découpage fin de ses éditions, ce
système de distribution constitue un outil
marketing fort intéressant. "D’autant plus
que nous avons la possibilité d’encarter
jusqu’à 4 produits dans
chaque journal," explique M. Hirn.
Ces produits constituent en effet une source
de revenus très attrayante pour DNA. L’an
dernier, le journal a effectué 800 opérations
d’encartage pour 215 clients extérieurs : un
tiers de celles-ci étaient accompagnées d’une
distribution complémentaire aux nonabonnés
- la distribution des encarts aux
non-abonnés s’effectue parfois avec la
distribution du journal lui-même, mais
plus généralement après : "Ils ne sont
distribués en même temps que très
rarement," dit M. Hirn. Naturellement, cela
est clairement précisé à l’annonceur avant
la distribution. Au total, cette activité aura
généré un chiffre d’affaires de 14,5 millions
de FF, soit 5% des recettes publicitaires de
l’année.
Une filiale indépendante pour le portage à
domicile
Avoir fait du réseau de distribution une
filiale indépendante du journal a
visiblement contribué à stimuler cette
activité, en ce sens où cela a forcé DNA à
chercher de nouveaux marchés. En 1996, la
société de distribution de DNA a distribué
62 millions de journaux pour son propre
compte, 50 millions d’encarts, 50 millions
de prospectus commerciaux, et 18 millions
d’exemplaires d’autres publications, comme
le Mass (le journal gratuit du groupe), Le
Monde, le Financial Times, et l'Offenburger
Tageblatt.
Cette filiale emploie 1 650 employés
environ, bien qu’elle utilise souvent des
renforts saisonniers. Chaque livreur livre
en moyenne 110 journaux par jour. "Ils
sont rémunérés à la pièce, même en zone
rurale, et nous tenons compte des difficultés
du terrain qui peuvent donner lieu à des
primes exceptionnelles en fin d’année," dit
M. Hirn.
Cette équipe nécessite un encadrement de 30
personnes. M. Hirn estime que le portage à
domicile coûte à DNA entre 1,50 et 2 FF par
journal (il dessert 190 000 clients chaque
jour). "Le coût de distribution du portage,
tout en intégrant le coût additionnel du
transport, est légèrement inférieur à celui de
la Poste. Il est également meilleur marché
que la diffusion par le réseau des
dépositaires" dit-il. Le budget de la filiale
s’est élevé à 80 millions de FF en 1996, dont
85% de salaires et de charges sociales.

LE MIX MARKETING REVISITE - 8
Contraintes et risques du portage à domicile
Il existe naturellement des contraintes
d’ordre technique. "L’encartage dans
chaque édition rend le processus de
production beaucoup plus complexe et
engendre un certain nombre de risques," dit
M. Hirn, particulièrement en ce qui
concerne ses effets sur la ponctualité. Avant
tout, DNA s’est engagé à distribuer le
journal à ses abonnés avant sept heures du
matin - quoiqu’il arrive. "Nous sommes
disposés à offrir un meilleur service à nos
annonceurs, mais pas au détriment de nos
lecteurs." Les annonceurs eux-mêmes sont
concernés : ils sont également très sensibles
à la précision matinale de DNA parmi ses
lecteurs.
Des efforts particuliers ont été entrepris visà-vis
des 10 000 nouveaux abonnés recrutés
chaque année par DNA. Ils ne s'agit pas,
toutefois, de lourds efforts de promotion.
"Notre taux de réduction pour un an
d'abonnement est de 10 à 12%. Nous ne
nous permettrons pas d'aller au-delà. Cela
ne serait pas loyal à l'égard de nos lecteurs
fidèles et nous devons respecter le produit,"
conclut M. Hirn.
François Hirn,
Directeur Marketing,
Les Dernières Nouvelles d'Alsace
France
Tel: 33 3 88 21 55 00
Fax: 33 3 88 21 55 15
Les autres risques comprennent des retards
de production ou de livraison, des
journaux manquants, des erreurs ou des
oublis de portage, la maladie, l'absentéisme,
etc. En conséquence, le portage à domicile
nécessite un système très rigoureux de
contrôle de la qualité du portage, surtout en
raison du fait que les clients ont des
exigences de plus en plus fortes. "Ils
n'hésitent pas à agiter la menace du
désabonnement s'ils sont mécontents du
service, même s'ils ne paient pas le
portage," dit M. Hirn. Le journal enregistre
entre 50 et 100 réclamations par jour, soit
un taux de l'ordre de 0,1 à 0,2%, dans la
communauté urbaine de Strasbourg (56 000
abonnés).
DNA entreprend des recherches et des
études marketing pour s'assurer que la
satisfaction de ses clients reste élevée. 1 000
abonnés environ sont sondés chaque
trimestre sur la qualité du portage. D'autres
recherches analysent les motifs de
désabonnement et le degré de satisfaction
des nouveaux abonnés. L'ensemble de ces
résultats fournissent au journal de
véritables baromètres de la qualité.
La fidélisation est l'objectif prioritaire
La fidélisation des lecteurs est aujourd'hui
l'objectif prioritaire du journal, surtout
depuis que le dernier lien direct existant
entre le lecteur et celui-ci - le paiement de
l'abonnement au porteur - a disparu.
Plusieurs actions ont donc été prises pour
satisfaire le fonds de commerce du journal
que constitue le lectorat.

LE MIX MARKETING REVISITE - 9
LA POLITIQUE DE PRIX : QUELS SONT
LES ENJEUX
Le cas de la France
156 personnes sur 1 000 lisent un quotidien
en France - un taux de pénétration
relativement peu élevé. En outre, ce chiffre
recule régulièrement : les Français sont
aujourd’hui sept pour cent de moins à lire
les journaux qu’il y a dix ans. La presse
régionale s’en sort un peu mieux, avec une
diminution de 5% seulement sur la même
période.
Comment cela s'explique-t-il Alix Imbert,
directeur marketing du Parisien, désigne
trois coupables : la distribution des
journaux français est insuffisante; les titres
français se sont mal adaptés à l’évolution
des autres médias ; et dernière raison (et
non des moindres), la presse quotidienne
coûte trop cher.
"Le journal fait partie des produits de tous
les jours, un peu comme le pain, les tickets
de métro, les cigarettes, les timbres, le vin,"
dit Mme Imbert. "Depuis 1970, le prix du
quotidien a été multiplié par 11. Comparez
cette augmentation avec celles des autres
produits de consommation courante : le
prix du vin a été multiplié par 8, celui du
ticket de métro par 5, celui de la baguette
par 6, celui des cigarettes par 6 et celui des
timbres par 8."
En outre, la presse est plus chère en France
que dans les autres pays développés. Aux
Etats-Unis et en Grande-Bretagne, les
journaux coûtent environ la moitié moins
cher qu’en France. "Le quotidien est à
présent beaucoup plus coûteux que la
plupart des médias d’information générale.
Même le prix d’un abonnement à des
systèmes sophistiqués, comme la télévision
par satellite ou par câble, est inférieur à
celui d’un quotidien à l’année," poursuitelle.
Un journal français coûte à présent 6,50 F
en moyenne, un prix qui a augmenté
sensiblement entre 1990 et 1992. L’évolution
du prix de la presse régionale a été plus
progressive, son coût moyen se situant aux
alentours de 4,80 F.
Pourquoi un prix aussi élevé
Ce tarif élevé s’explique largement par le
fait que l’économie des journaux français
dépend pour moitié des ventes, ce qui est
très différent des Etats-Unis, par exemple,
où 86% des revenus proviennent de la
publicité (ce chiffre est de 79% en Grande-
Bretagne, et de 64% en Espagne).
Le Parisien, qui possède huit éditions dans
la région de Paris, ainsi qu’Aujourd'hui, son
titre équivalent pour la distribution
régionale, s’est engagé à bloquer son prix.
En effet, le prix du Parisien n’a pas bougé
entre 1986 et 1994. La situation a toutefois
changé avec l’augmentation du prix du
papier. "Notre prix s’aligne aujourd’hui
sur la moyenne régionale (4,80 FF)," dit
Mme Imbert. "Nous pensons que cette
politique de prix a été un élément-clé de
notre progression." Le tirage du Parisien a
en effet augmenté sensiblement ces dernières
années.
Le prix est important, mais ce n’est pas le seul
facteur
Un prix bas n’est pas suffisant en soi.
"Aujourd'hui a été lancé pour contrer
Infomatin qui, à 3,50 F, était le quotidien le
moins cher de France. Mais il a disparu au
bout de deux ans," explique Mme Imbert.
La principale difficulté pour Le Parisien est
de continuer à s’engager à appliquer un
prix stable et peu élevé. "Il est difficile de
résister à la tentation annuelle," dit-elle.
"Augmenter le prix de 10 centimes
augmenterait le résultat financier de la
société de 10 milliards de francs."
La grande question qui se pose aujourd’hui
est de maintenir ce prix sur un marché
publicitaire en baisse. "Compte tenu de la
relative stabilité des coûts de distribution,
la solution est d’améliorer la productivité
du processus de production et d’investir
dans l’équipe éditoriale," dit-elle.
Alix Imbert,
Directeur Marketing,
Le Parisien
France
Tél: 33 1 40 10 30 08
Fax: 33 1 40 10 35 46

LE MIX MARKETING REVISITE - 10
LES ENSEIGNEMENTS DE LA GUERRE
DES PRIX EN GRANDE-BRETAGNE
Les journaux doivent-il réduire leur prix de
vente pour prendre un avantage sur leurs
concurrents Peut-être bien, si l'on en croit
Jim Chisholm, consultant britannique
auprès des médias. Toutefois, prévient-il, le
prix comme stratégie unique ne suffit pas.
M. Chisholm est arrivé à ces conclusions en
étudiant les effets de la guerre des prix en
Grande-Bretagne, aussi bien chaque titre
que sur l’ensemble du marché. Il a
découvert que "son impact global était
plutôt minime pour une opération aussi
coûteuse." (Le Times a dépensé à lui seul 20
millions de livres environ dans la bataille,
Today a fait faillite, et d’autres titres,
comme l'Independent, le Mirror, et l'Express,
ont souffert et perdu des sommes
considérables). M. Chisholm a en effet
constaté que même si une politique de prix
agressive permettait à certains journaux
d'augmenter leur part de marché, elle ne
suffisait pas à elle seule à créer de nouveaux
marchés. "Cette stratégie ne permet pas
d'attirer de nouveaux lecteurs," dit-il". Il
cite à cet égard l’instigateur de la guerre des
prix (le Times de Rupert Murdoch) pour
illustrer son propos. "Le Times a renforcé
son tirage de 60%, alors son lectorat n’a
progressé que de 20%," dit-il. Il ajoute que
cette hausse des ventes s'explique par le
report de certains lecteurs sur le titre et par
l'augmentation de la fréquence de lecture.
La part de marché du journal est passée de
15% à 30%.
Le prix permet d'augmenter la fréquence de
lecture
Renforcer la fréquence de lecture constitue
naturellement un des objectif majeurs des
journaux britanniques, comme de leurs
homologues étrangers. Une réduction du
prix peut y contribuer, mais on peut
parvenir au même résultat avec d’autres
outils, comme les promotions. L'utilisation
du prix pour attirer les lecteurs est efficace
uniquement "s'il s'agit d'une réduction à
court terme, qui débouche sur une
fidélisation à long terme à travers un
abonnement," dit M. Chisholm.
En outre, les journaux doivent s'interroger
sur ce qu'ils feront pour soutenir
l'augmentation des ventes une fois que le
prix initial sera rétabli. "A moins de
prendre d'autres mesures, les ventes
chuteront à ce moment-là," estime M.
Chisholm. Il a également noté que les
"lauréats" de la guerre des prix n'étaient
pas nécessairement les éditeurs qui
réduisaient leurs tarifs, mais plutôt ceux
qui savaient innover dans le produit. Après
tout, dit M. Chisholm, "les lecteurs veulent
en avoir pour leur temps, et pas uniquement
pour leur argent."
Le Guardian a donc maintenu son prix, tout
en investissant parallèlement lourdement
dans le produit et dans la marque, en
lançant un second cahier, et en développant
son offre du Samedi. Ces mesures se sont
traduites par une stabilité de sa diffusion,
une optimisation de ses revenus et une
consolidation de sa marque. Le Times luimême,
qui est à l’origine de cette guerre et
dont le prix est tombé, à 10 pence, à son
niveau le plus bas (contre 45 pence
initialement) a fortement investi en matière
de produit et de promotion, en doublant
l'espace consacré au sport dans son édition
du Samedi.
Une politique de prix agressive permet
également d'écraser un concurrent. Tel était,
selon M. Chisholm, l'objectif recherché par
Rupert Murdoch. "Il dominait le marché
des tabloïds avec le Sun, s'apprêtait à
renoncer au marché intermédiaire, et a
réalisé que la bataille se situait au niveau
des journaux de qualité," dit-il.
Toutefois, si tel est l’objectif recherché, les
journaux doivent se demander s’ils
pourront soutenir leurs baisses de prix
jusqu’à ce qu'ils aient forcé leur concurrent
à fermer boutique. En outre, ils doivent être
sûrs de disposer des informations
nécessaires pour prendre cette décision :
ont-ils en main toutes les données du
problème
Il faut repenser les modèles de pertes et profits
"On nous propose généralement un modèle
où les revenus (l'ensemble des revenus,
déduction faite des coûts), conduisent à des
profits," explique-t-il. "Toutefois, les
managers doivent avoir une meilleure
approche des chiffres." M. Chisholm
propose de déduire trois éléments des
revenus pour calculer les bénéfices réels : les
coûts variables ("il faut les définir
clairement et connaître leur impact sur

LE MIX MARKETING REVISITE - 11
l’entreprise"), les coûts fixes directs, et les
coûts indirects. Un des facteurs qui a
certainement accentué la brutalité de la
guerre des prix en Grande-Bretagne a été la
forte augmentation du prix du papier, au
moment même où les réductions de prix
battaient leur plein.
Enfin, une baisse de prix ne conduit pas
nécessairement à de nouveaux revenus
publicitaires, estime M. Chisholm. "Le
Times a encore du mal aujourd'hui à
convaincre ses annonceurs d’investir dans
ses nouveaux lecteurs," dit-il, même si, au
bout de trois ans, sa part de marché
publicitaire a augmenté. Car les lecteurs
attirés par des baisses de prix suscitent
toujours une certaine méfiance chez les
annonceurs.
Le jeu en vaut-il réellement la chandelle
Le Times a pu résister un an environ sans
toucher pratiquement aucun revenu (il a
même vendu à perte), dans le but de
doubler son tirage et d'affaiblir ses
concurrents. Par ailleurs, il a réussi à
maintenir son augmentation de tirage après
avoir avoir rétabli son tarif initial. Les
lecteurs ont également été gagnants dans
cette affaire, car ils ont bénéficié de produits
moins chers et de meilleure qualité.
Globalement toutefois, il sagissait d'un jeu
dangereux et d'un pari risqué.
Jim Chisholm,
The Chisholm Business,
Grande-Bretagne
Tél: 44 191 284 61 83
Fax: 44 191 285 76 60

LE MIX MARKETING REVISITE - 12
LES MEDIAS LATINO AMERICAINS :
AUSSI VARIES QUE LEUR CONTINENT
D’ORIGINE
L’Amérique latine est un continent trop
vaste et trop varié pour être abordé
globalement. Il en va de même pour ses
médias. Ils ont néanmoins quelques
éléments en commun, selon Leo Bogart, un
partenaire d'Interactive Media Consulting,
qui a visité 32 des 1 200 quotidiens de la
région pour dresser un portrait de la santé
et des perspective d’avenir du continent.
Le premier point commun est que l’on peut
dire, de manière générale, que les grands
journaux sont de véritables institutions
nationales dans leur pays. "La presse est
une force importante en Amérique latine,"
dit M. Bogart. "Plusieurs éditeurs ont
occupé des fonctions ministérielles, des
écrivains connus ont fait également carrière
dans le journalisme, et les lecteurs de
journaux constituent une minorité
influente. Les journaux sont critiques visà-vis
du pouvoir, défendent haut et fort les
valeurs morales, et ont souvent payé
chèrement leurs prises de position,
notamment par l’emprisonnement et la
torture."
Comme partout ailleurs, la presse
quotidienne est affectée par la situation
économique du pays. Malgré la croissance
non négligeable de la région - 4,6% en
moyenne en 1994 -, la récession a réduit le
pouvoir d’achat et entraîné une réduction
des dépenses publicitaires. Les
augmentations du prix du papier ont
également sévèrement grevé le budget des
journaux.
Cette érosion des revenus survient dans un
contexte où, à de rares exceptions près, la
télévision recueille déjà la plus grande part
du marché publicitaire, avec des pics allant
jusqu’à 84% au Venezuela. Cela est dû
notamment au fait que certains piliers
publicitaires des quotidiens occidentaux -
comme les magasins de détail - sont
largement absents des pages des journaux
latino-américains. "Ici, le commerce de
détail n’a pas de caractère commercial," dit
M. Bogart. "Les biens de consommation
sont vendus principalement par les petits
magasins et les marchands ambulants."
standards communs pour mesurer la portée
des médias (comme les caractéristiques
socio-démographiques ABC en Grande-
Bretagne, par exemple). "Les affirmations
des uns et des autres en matière de diffusion
sont souvent contestées," dit M. Bogart,
même si cela s'applique également aux
autres médias. Une autre source de
problème est le fait que le lectorat est
souvent limité à la capitale du pays. Il existe
également des problèmes de distribution.
"Les sociétés qui possèdent des kiosques
font la pluie et le beau temps. Il est ainsi
impossible de publier des journaux le jour
où les vendeurs prennent des congés,"
explique-t-il. Toutefois, les ventes au
numéro constituent l'essentiel du tirage,
avec des variations en fonction des jours de
la semaine. Il existe malgré tout un système
de portage à domicile, mais il ne touche
qu’une faible partie du lectorat.
Rendre les journaux plus attractifs pour les
annonceurs
Des efforts ont été faits pour renforcer la
présence des journaux auprès des
annonceurs. Grupo de Diaros America vend
ainsi des annonces groupées dans plusieurs
pays. En Colombie et au Brésil, les
journaux se présentent comme un support
publicitaire collectif. L’utilisation des
agences s’est généralisée et les quotidiens
travaillent étroitement avec elles, leur
offrant des conseils gratuits et les aidant à
concevoir des campagnes marketing et des
plans médias créatifs pour leurs clients. Les
journaux proposent également un
découpage de leurs éditions (couvrant la
totalité du marché), ainsi que des
suppléments ciblés (bien que les
possibilités d’encartage soient encore
limitées).
"Les entreprises d’Etat sont encore des
investisseurs importants dans la presse,"
dit M. Bogart, et ils ont tendance à manier
leurs dollars publicitaires comme la carotte
et le bâton. Enfin, bien que les journaux
latino-américains recueillent encore peu de
publicité commerciale, ils constituent
néanmoins un emplacement populaire pour
les petites annonces, ainsi que pour les
annonces nécrologiques ou
commémoratives.
Comment atteindre les lecteurs
Une autre raison à ce recul est l’absence de

LE MIX MARKETING REVISITE - 13
A l'instar des journaux du monde entier, les
quotidiens latino-américains étudient les
moyens d’augmenter la participation de
leurs lecteurs, à travers notamment des
études de marché, des études de lectorat, des
réunions éditoriales et des tests sur des
panels. Le football est à la base de
nombreuses promotions destinées à
stimuler les achats de quotidiens. A Bogota,
les sept campagnes de ce type organisées
durant les deux dernières années ont
conduit à une hausse moyenne de la
diffusion de 49% le Dimanche, et de 42% le
Mardi, pour le principal quotidien de la
capitale. Une fois la promotion terminée le
journal a réussi à maintenir l'augmentation
globale de ses ventes à respectivement 22%
et 12%.
Un autre outil promotionnel auquel on a
largement recours est la création de
matériaux pédagogiques destinés aux jeunes
: les cartes, les suppléments mensuels sur
l’histoire mondiale, les manuels expliquant
comment lancer un journal scolaire, etc.
"Nous avons également une superbe
tradition culturelle. Les journaux
parrainent des concerts, des oeuvres d’arts,
des débats publics et des conférences faites
par des écrivains," souligne M. Bogart.
Bien que la presse latino-américaine soit
manifestement aussi dynamique et
innovatrice que partout ailleurs dans le
monde, elle a encore, selon M. Bogart,
beaucoup de progrès à réaliser.
"La direction a encore tendance à s’appuyer
sur les besoins à court terme," dit-il. "Les
journaux doivent faire davantage appel à la
planification stratégique." En outre, les
quotidiens latino-américains doivent avoir
une "approche beaucoup plus sophistiquée
du marketing et des études de lectorat. Nous
souffrons aujourd’hui d’un manque de
mesures fiables de la diffusion," conclut-il.
Leo Bogart,
Interactive Media Consultants,
Etats-Unis
Tél: 1 212 724 00 06

LE MIX MARKETING REVISITE - 14
PROMOTION AGRESSIVE OU
DISCRETE LA MEILLEURE
FORMULE MARKETING POUR
VENDRE DES JOURNAUX
"Les journaux américains se trouvent face à
un dilemme très contemporain : le recul de
la diffusion implique de vendre davantage -
et cela n’a jamais été aussi difficile," dit
Elizabeth Brenner, vice-présidente de la
Fédération de la publicité commerciale,
nouvellement créée par l’Association
américaine des Journaux (NAA). Mme
Brenner est également éditeur du Sun,
publié à Bremerton, dans l’Etat de
Washington.
"C’est comme un étau, avec une pression
qui s'exerce des deux côtés," dit-elle. D’une
part, le coût des journaux augmente
sensiblement : le prix du papier a ainsi fait
un bond de 50% durant la période 94-96, et
absorbe aujourd’hui près de la moitié du
budget des grands quotidiens. "La
communauté des annonceurs, qui représente
75% des recettes des journaux, ne peut
supporter à elle seule le poids de cette
augmentation. En conséquence, les revenus
provenant des ventes doivent augmenter,"
dit-elle.
"A l'autre bout de l’étau, le journal subit la
pression exercée par un nouveau type de
lecteur," poursuit-elle. Les lecteurs
américains sont en effet aujourd’hui plus
âgés, plus éduqués, plus exigeants et plus
pressés qu’avant. Ils craignent de perdre
leur emploi, sont soumis à davantage de
stress et ont moins le temps de lire. En
outre, dans le peu de temps libre qui leur
reste, ils ont le choix entre une multitude
d’activités.
Les journaux ont réagi à cette situation en
utilisant deux stratégies offensives : la
vente agressive et la promotion discrète.
Achetez maintenant pour économiser de
l’argent
"Le message sous-jacent à la vente agressive
est 'Achetez maintenant'," explique Mme
Brenner. Cette méthode est axée sur le
produit (achetez, car vous trouverez toutes
sortes de bonnes choses à l'intérieur de nos
pages), et sur la concurrence (nous sommes
bons et même meilleurs que les
autres). La vente agressive est fortement
basée sur les promotions et elle offre un bon
rapport qualité-prix. "Toutefois, les
consommateurs doivent comprendre
l'intérêt d'un prix peu élevé," poursuit-elle.
"Il existe un danger à considérer le journal
comme un produit de consommation comme
un autre." En outre, la vente agressive
positionne le journal comme un partenaire
promotionnel, avec les jeux qui fidélisent
les lecteurs et soutiennent la diffusion.
"C’est une approche qui a fait ses preuves
et il est difficile d'y renoncer," dit Mme
Brenner. La vente agressive sert
généralement à renforcer les ventes parmi
les lecteurs existants.
Offrir un meilleur style de vie
La promotion discrète, en revanche,
s'appuie sur l’image. Largement utilisée
dans l’industrie du parfum, du luxe et les
marchés financiers, elle invite le
consommateur à acheter pour le sentiment
de gratification que l'achat procure. "Ce
type de promotion promet une amélioration
du style de vie. Elle aide à avoir une vie
plus agréable, sans partir du principe que
le client connaît déjà le produit - un facteur
important quand on essaie d’attirer des
personnes mobiles, fraîchement débarquées
dans la communauté," remarque Mme
Brenner. Il s'agit, selon elle, de "l’approche
marketing du futur, car elle est ciblée sur
des gens qui ne connaissent pas vos
produits. Quel est l’intérêt de promouvoir
vos grands éditorialistes si le public ne les
connaît pas "
Le choix d'une marque est essentielle au
succès de la promotion discrète. "Il faut
créer un ensemble d'éléments et
d’avantages facilement identifiables,"
poursuit-elle. "Coca Cola, Disney et
McDonalds sont toutes des grandes
marques pour lesquelles les consommateurs
sont prêts à payer plus, car ils sont
conscients de ce qu’elles représentent."
Comment les 4 P s’appliquent-ils à chacune
de ces deux approches marketing En ce
qui concerne le Produit, la vente agressive
s’appuie sur ses caractéristiques et la
promotion discrète sur ses avantages. Le
Prix La vente agressive vante la faiblesse
des tarifs et les économies liées aux
abonnements, tandis que la promotion

LE MIX MARKETING REVISITE - 15
discrète essaie plutôt de promouvoir la
valeur du produit. La Place La vente
agressive vise à pousser le client vers le
produit, la promotion discrète à l’attirer à
lui. Enfin, concernant la Promotion, la
vente agressive promet au client de lui faire
économiser de l’argent, et la promotion
discrète d’améliorer sa vie.
Intégrer ces approches à Denver
Editeur,
The Sun (Bremington)
ETATS-UNIS
Tél: 1 360 377 37 11
Fax: 1 360 377 92 37
Vice-Président,
Fédération de la Publicité Commerciale
NAA
ETATS-UNIS
Mme Brenner a eu l’occasion de vérifier ces
théories lors de son dernier emploi au Rocky
Mountain News, où elle dirigeait une
campagne marketing pour rajeunir les
ventes du titre, basé à Denver. Avec son
équipe, elle a dû relever un certain nombre
de défis - notamment un format tabloïd qui
donnait au produit un connotation “bas de
gamme” ne correspondant pas du tout à son
contenu et à son lectorat réels.
"Nous avons décidé de nous concentrer sur
le marché local et de supprimer les éditions
situées à l’extérieur de cette zone (40 000),"
dit-elle. Par ailleurs, "nous avons maintenu
nos tarifs publicitaires et passé sept mois à
dire à nos annonceurs que seul comptait
leur marché cible, et non pas les lecteurs
situés à 150 kilomètres de là. Ce type de
lecteurs ne fréquentaient pas leurs
magasins." Cet accent mis sur les marchésclés
a permis de réduire les frais de
distribution également.
En outre, le Rocky Mountain News a fait
appel à un savant dosage de vente agressive
et de promotion discrète pour
commercialiser la nouvelle formule du
journal, en utilisant comme slogan "Denver
: si vous y vivez, vous l'aurez". (Selon Mme
Brenner, la plupart des journaux qui
réussissent intègrent en effet ces deux
approches.) La campagne s’est largement
appuyée sur la télévision qui, selon elle, est
probablement la meilleure méthode pour
atteindre les non-lecteurs. La radio a
également été utilisée pour promouvoir les
annonces classées (dans le secteur de
l’emploi et de l’automobile notamment),
ainsi que l’affichage et le mailing direct.
"La diffusion est aujourd’hui en hausse de
13% dans la ville de Denver, selon le
premier audit effectué après le
repositionnement du titre, et le second
contrôle de la diffusion montre également
une nouvelle hausse de 10%," dit-elle.
Elizabeth Brenner,

LE MIX MARKETING REVISITE - 16
LA PROMOTION SUR LE POINT DE
VENTE PEUT FAVORISER LE
REPOSITIONNEMENT : LE CAS DE LA
PQR EN FRANCE
Depuis 1991, la presse régionale française a
vu ses ventes diminuer de 70 000
exemplaires environ, soit une baisse de
1,2% en 4 ans. Cette lente érosion s'est
accompagnée d’un phénomène parallèle :
aujourd’hui, jusqu’à 58% des lecteurs de
journaux régionaux sont des lecteurs
occasionnels : c'est-à-dire qu'ils lisent le
journal trois fois par semaine ou moins.
"La vente au numéro représentant le
premier mode de diffusion, il était
important de réagir," dit Jean-Dominique
Prétet, président de Midi Libre et viceprésident
du SPQR (Syndicat de la Presse
Quotidienne Régionale). 49% des journaux
régionaux français sont en effet vendus en
kiosques.
Une vaste étude sur le comportement des
consommateurs, s'appuyant sur 1 500
entretiens, a révélé que les promotions sur le
lieu de vente (PLV) avaient un impact
décisif sur le comportement des acheteurs
irréguliers. Pourtant, alors que les journaux
régionaux représentaient 25% des recettes
presse des diffuseurs et génèraient 40% du
trafic dans le lieu de vente, ils occupaient
une place insuffisante dans les 35 000
points de vente professionnels du pays.
"Notre présence était également insuffisante
par rapport à la concurrence. Les loteries,
les magazines, les courses hippiques étaient
tous très visibles sur ces points de vente,"
explique M. Prétet. La presse nationale ellemême,
à travers le NMPP, avait modernisé
son réseau et mis en œuvre des concepts
presse sur le lieu de vente. "Il était donc
vital pour la presse régionale française de
reconquérir un espace conforme à son
importance économique."
A la recherche du lecteur occasionnel
"Grâce à la PLV, on peut pratiquement
doubler le taux d'achat impulsif et le faire
passer de 8 à 15%, en fonction du nombre
d'outils promotionnels utilisés, explique M.
Prétet.
Il y a deux ans, le SPQR a donc décidé de
mettre en place une stratégie de trade
marketing pour pouvoir optimiser son
contrôle sur les cinq critères suivants : la
logistique, la maîtrise de la gestion des flux,
l'application du merchandising, la mise en
place de la promotion sur le lieu de vente, et
la mise en place de l'information sur le lieu
de vente.
"Du fait que la PQR en France a toujours
pris en charge sa propre distribution, elle
maîtrise déjà les deux premiers de ces
éléments. Mais nous manquions du savoirfaire
pour appliquer les trois derniers," dit
M. Prétet. "Nous avons pris conscience que
nous étions très peu nombreux à avoir su
créer une "zone d'attraction" extérieure ou
intérieure. "Notre action merchandising se
résumait pour l'essentiel à des batailles de
stickers sur les points de vente."
L'objectif-clé des efforts de trade marketing
du SPQR a donc été de capter le regard du
consommateur grâce au concept "Espace
PQR". Ce concept devait être modulaire
pour pouvoir s'adapter à une grande variété
de points de vente, innovant pour
moderniser l'image de la PQR, et fédérateur
pour réunir tous les journaux régionaux
autour du même thème.
Espace PQR combine à la fois des signaux
extérieurs et intérieurs pour interpeller le
consommateur, notamment : une couleur
dominante (le jaune), une forme et un logo
aisément reconnaissables (une forme ovoïde
véhiculant une image de modernité et un
logo représentant schématiquement un
chien), et de l'espace pour accueillir les
logos individuels de trois journaux.
"Réunis, ces éléments confèrent aux
journaux régionaux un signe commun de
reconnaissance, tout en respectant l'identité
propre de chaque titre," dit M. Prétet.
Des signaux extérieurs et intérieurs pour
Espace PQR
Le SPQR a commencé par suivre l'exemple
de la croix verte lumineuse utilisée par les
pharmacies françaises. Il a créé une
enseigne extérieure placée
perpendiculairement à la façade des
magasins, pour une meilleure visibilité
lointaine. Deuxièmement, il a amélioré sa
visibilité frontale par des décors vitrines, et
troisièmement, il a conçu un stop trottoir ou
un cadre vitrine donnant aux
consommateurs des informations plus

LE MIX MARKETING REVISITE - 17
précises sur le produit (ex : l'article à la
Une du jour).
Pour la zone d'attraction intérieure, le
SPQR a tenu compte de trois facteurs : "Le
consommateur ordinaire passe 43 secondes
sur le lieu de vente, ce qui indique
clairement que les gens entrent dans un
point de vente de proximité dans un but
précis," dit-il. Deuxièmement, la caisse est
un point essentiel du magasin, et enfin, la
circulation du regard est sélective.
Jean-Dominique Prétet,
Président du Midi Libre
Vice-Président du SPQR
France
Tél: 33 4 67 07 67 07
Fax: 33 4 67 07 68 13
En conséquence, le SPQR a conçu un
présentoir jaune pouvant accueillir jusqu'à
trois logos de journaux. Une affichette a
également été prévue pour promouvoir
l'actualité forte du jour, et un exemplaire du
produit est proposé. Les logos des titres sont
placés en fonction de leur volume de ventes
chez le dépositaire.
Bilan du projet
Outre ce présentoir, 21 000 décors vitrines
ont été installées pour les 36 titres
régionaux, un chiffre qui passera à 27 000
d'ici la fin 1997. Pour leur part, des
enseignes lumineuses, des stops trottoirs et
des présentoirs ont été installés pour 18
titres dans huit régions représentant 2 200
points de vente. "Nous pouvons
raisonnablement espérer équiper entre 8 000
et 12 000 points de vente d'ici la fin de
l'année," dit M. Prétet.
Les premiers résultats sont encourageants,
même s'ils ne sont pas totalement
concluants. En outre, le concept Espace
PQR a "favorisé nos relations avec les
diffuseurs de presse, quelque peu mises à
mal par le portage à domicile," dit M.
Prétet. En fait, "nous avons rejoint l'Union
Nationale des Diffuseurs de Presse. L'UNDP
a reconnu l'importance des points de vente,
tant pour ses revenus que comme moyen de
générer du trafic." Espace PQR s'est
également révélé un puissant soutien pour
l'équipe de vente.
Jusqu'ici, le SPQR a dépensé un peu plus
de deux millions de francs français en
études et dans la préparation du concept
trade marketing "Espace PQR". Les décors
vitrines sont payées par les journaux euxmêmes,
alors que tous les autres matériaux
promotionnels sont vendus au réseau de
distribution.

LE MIX MARKETING REVISITE - 18
LA DISTRIBUTION EN EUROPE : UNE
GRANDE DIVERSITE, MAIS DES
PRINCIPES SIMILAIRES
Il existe dix principes 1 communément admis
pour
la distribution internationale de la presse,
la totalité d’entre eux étant généralement la
règle dans les pays européens, selon
Christophe Hadzopoulos, Président de
Distripress - l’association internationale
chargée de promouvoir la distribution de la
presse dans le monde entier.
Néanmoins, les tendances et les modèles de
distribution de la presse varient
considérablement selon les pays de l’Union
européenne. Le rôle et le poids de chaque
acteur - distributeur, grossiste, détaillant,
éditeur - diffèrent sensiblement d’un pays à
l’autre. Ils suivent tous cependant plus ou
moins les modèles utilisés dans les pays où
ces différences sont les plus manifestes : la
France, la Belgique l’Espagne, l’Italie, la
Grande-Bretagne et la Grèce. M.
Hadzopoulos souligne également la
situation aux Etats-Unis, compte tenu de
l'importance de ce marché et de l’ampleur
des changements mis en œuvre dans ce pays
récemment. Voici un résumé de ses
commentaires sur chacun de ces marchés :
La France est un des rares pays européens
où la distribution fait l'objet d'une
législation : la loi Bichet, qui a célébré son
cinquantième anniversaire cette année. 75%
des journaux sont distribués par le biais
des dépositaires (56% pour la presse
régionale), et de neuf coopératives. Celles-ci
sont affiliées à un des deux grands
distributeurs (le NMPP et Transport
Presse), qui gèrent la distribution des 2 500
publications nationales et des 600
publications locales. Les journaux
représentent 20% de ces titres. On compte
actuellement 420 grossistes (indépendants
ou affiliés aux distributeurs), et 36 000
1 Il s'agit de : l'exclusivité territoriale, le
droit de renvoyer les invendus, la tarification
verticale, l'observation de la date de mise en
vente, le maintien d'un réseau de détaillants
suffisant, la promotion des ventes, le lancement
ou la fermeture d'un titre en fonction de son
succès commercial, le traitement approprié des
invendus, et le transfert des données sur les
ventes et les invendus.
points de vente professionnels qui réalisent
en moyenne 35% du chiffre d’affaires. Les
diffuseurs de presse examinent aujourd'hui
les moyens de réduire les coûts des éditeurs,
pour pouvoir s’adapter à un futur marché
encore plus concurrentiel.
La Belgique se distingue dans le sens où il
s'agit d'un marché sur lequel la presse
importée est plus importante que la presse
locale. Le pays a deux distributeurs de
journaux nationaux, huit grossistes
nationaux et 6 900 points de vente. Le
pourcentage respectif des ventes par
abonnement et au numéro est semblable au
modèle français, même si 65% des journaux
sont vendus en librairie et 10% seulement
en kiosque.
La Grande-Bretagne diffère sensiblement
du modèle français. Dix distributeurs
nationaux gèrent exclusivement les
magazines, les journaux assurant leur
propre distribution. On trouve 12
grossistes, dont quatre détiennent près de
90% du marché. Ces derniers - y compris le
plus grand, WH Smith - gèrent également
les points de vente au détail. Les journaux
sont distribués dans 34 000 points de vente
“CTN” (confiserie, tabac, nouvelles), 1300
supermarchés, 4 000 magasins
d’alimentation et 1200 stations d'essence.
En fait, les supermarchés renforcent
progressivement leur position comme lieu
de vente, alors que celle des point de vente
traditionnels s’affaiblit.
Une des caractéristiques spécifiques du
marché britannique est que les grossistes
peuvent refuser de prendre en charge
certains titres : WH Smith impose ainsi des
conditions très strictes dans ce domaine. En
conséquence, le portage à domicile
représente jusqu'à 50% des ventes de
journaux, alors que 5% des ventes
seulement s'effectuent par voie postale. Le
portage à domicile est essentiellement
assuré par des jeunes gens - une question
qui a été portée devant le département des
affaires sociales de la Commission
européenne, il y a cinq ans. On s’inquiétait
alors pour la sécurité des enfants arpentant
seuls les rues désertes de bon matin. Le
système a été maintenu, mais fait toujours
l'objet d'une enquête.
Le système allemand est à l’opposé du
système britannique. Le pays compte cinq
distributeurs nationaux, qui détiennent une
très faible part du marché, 100 grossistes

LE MIX MARKETING REVISITE - 19
directement
approvisionnés par les éditeurs, et 110 000
points de vente au détail. Les relations entre
les différentes parties sont réglées par
l’accord KVM, qui fixe les droits et les
obligations de chacun. Les grossistes ont un
droit d’exclusivité territoriale, mais ne
peuvent pas choisir les journaux qu’ils
distribuent, sauf s’ils peuvent apporter la
preuve qu’un titre se vend mal (la même
chose s’applique aux détaillants). Les
heures d’ouverture des kiosques font
également l’objet d’une réglementation, si
bien que 60% des ventes de quotidiens
reposent sur le portage à domicile. Il existe
toute une gamme de points de vente au
détail : 20 000 dépositaires de journaux, 32
000 magasins de dépannage, 16 000
supermarchés, 13 000 magasins ambulants
(kiosques compris), 10 000 stations
d'essence, et 16 000 points de vente divers.
30% des détaillants génèrent à eux seuls
70% du chiffres d’affaires total.
Une des caractéristiques du marché
allemand est les commissions plus élevées
versées aux kiosques qui opèrant dans les
gares, en raison de leurs frais de
fonctionnement et de leurs loyers élevés. Le
système allemand ISPC est probablement le
plus rapide pour ce qui concerne la gestion
des flux.
L'Espagne possède cinq distributeurs
nationaux et 200 grossistes, dont 34 sont
rattachés à des distributeurs nationaux. La
concurrence y est rude parmi les grossistes,
car ils ne sont que deux par région. Le pays
compte 27 000 points de vente : 97% des
revenus proviennent des détaillants
indépendants, et 3% seulement des chaînes
de distribution. Il existe une grande
diversité de points de vente, et les
distributeurs nationaux proposent des
campagnes gratuites.
L’Italie compte dix distributeurs nationaux,
250 grossistes et 37 000 détaillants. Les
points de vente ne sont homologués que s’ils
remplissent certains critères : densité de
population, garanties financières,
emplacement situé au moins à 400 mètres
d’un point de vente existant, et acceptation
de tous les types de publications. Les
éditeurs conviennent tacitement des prix de
vente. La distribution des abonnements, le
portage à domicile et les envois aériens sont
assurés directement par les éditeurs. Le
transport
jusqu’au lieu de vente est payé par
l’éditeur.
La Grèce comprend deux distributeurs
nationaux pour la presse locale, 900
grossistes et 10 000 points de vente. Un
grand nombre de grossistes sont également
détaillants. Des points de vente sauvages en
plein air concurrencent directement les
kiosques qui, pour la plupart, sont
exploités par des invalides de guerre. Ces
kiosques offrent un grand diversité de
marchandises : jouets, confiseries, yaourts,
journaux. On trouve également beaucoup de
kiosques desservant spécialement les
automobilistes. Les commissions versées à
la presse locale sont peu élevées - de 6 à 7%.
La presse internationale utilise un autre
système de distribution et un système de
vente au détail légèrement différent. Les
commissions sont plus élevées (20%), ce
qui explique que la distribution est mieux
assurée. Le portage à domicile est bien
développé et placé sous la responsabilité des
détaillants.
Il est difficile d’approvisionner les
nombreux points de vente car la presse
internationale, qui n’arrive qu’à midi, doit
être distribuée pendant les heures où le
trafic est le plus dense. En outre, le
transport ne peut pas être sous-traité, si
bien que les distributeurs doivent acheter
des véhicules et louer des chauffeurs. Le
caractère insulaire de la Grèce complique
également la chose, car les îles sont capitales
pour la presse internationale. Les journaux
internationaux sont expédiés par avion vers
17 destinations quotidiennes, mais il
manque souvent de place à bord des avions.
Les bateaux sont également utilisés. Les
points de vente saisonniers sont également
fréquents, compte tenu de la forte
concentration de touristes.
Aux Etats-Unis, Safeway et Walmart, les
principales chaînes de distribution du pays,
ont réduit leur nombre de fournisseurs de
journaux. On ne compte plus aujourd’hui
que trois grossistes, contre 300 auparavant.
L’année 1996 a vu 80 fusions et 75 faillites.
La part de marché des dix plus grands
grossistes est passé de 44% à 60%. Les
conséquences de ce processus à long terme
pourraient être une baisse du nombre de
titres. Les éditeurs américains versent
également une remise aux détaillants qui
acceptent de

LE MIX MARKETING REVISITE - 20
promouvoir leurs produits, et doivent
s'accommoder d’un pourcentage d’invendus
très élevé (jusqu’à 40% pour certains
magazines).
Christophe Hadzopoulos
Président
Distripress
Suisse
Tél: 41 1 202 41 21
Fax: 41 1 202 10 25