Extrait du live « Cambodge du Silence » de Pierre Max ... - Ame Khmer

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En 1959, au sortir de la prison de Sihanouk, je me suis consacré au commerce pour ramasser quelque argent. Notre mouvement de résistance n’a eu aucun rapport avec Dap Chhuon. Franchement je ne savais pas grande chose sur les affaires dites Dap Chhuon. De toute ma vie, même dans le maquis, j’ai évité autant que possible de faire couler du sang. Toutefois, je pense que l’éclatement d’une bombe dans les appartements du Palais Royal en Avril 1959 était un avertissement significatif aux gens assoiffés du pouvoir absolu. En 1962, j’étais toujours dans le commerce. Je ne suis pas individualiste ; mais franchement je n’ai aucun rapport avec quelque groupe politique que ce soit. - Que pensez-vous du Général de Gaulle - Le Général de Gaulle reste toujours pour moi comme pour la plupart des Khmers, un grand soldat et un grand patriote. - Qui a provoqué la répression de Samlaut 14 - Vous me demandez si c’est un gouvernement de droite ou un [Fin p 90] gouvernement de gauche qui a procédé à la répression de Samlaut et à celle contre les Khmers rouges en général. Eh bien ! C’est surtout la gauche, et beaucoup moins Lon Nol, qui préférait la modération. En fait, le grand coupable est le chef, c’est-à-dire Sihanouk. En Janvier 1968, le gouvernement Penn Nouth a procédé à une répression sauvage des Khmers rouges - ce même Penn Nouth qui est maintenant à Pékin, Premier Ministre du GRUNK de Sihanouk. Hélas ! Il faut se demander si ces victimes ont bien été des éléments dits rouges - Avez-vous pris part à la préparation de la destitution de Sihanouk - Je ne vous cache pas que j’ai pris une part active à la préparation de la chute de Sihanouk qui devenait trop complaisant avec le Vietcong et qui, du même coup, déviait le pays de sa juste voie de neutralité. J’ai été rappelé sous le drapeau par le Haut Commandement pour former une brigade aussitôt après les évènements du 18 mars 1910. Cependant, le Cambodge, par ailleurs ayant peu de ressources, fut assez négligé et souffrit assez peu du colonialisme, beaucoup moins en tous cas que son voisin vietnamien. On a dit avec raison que la France, en écrasant le Tonkin et en opprimant les Tonkinois, avait forgé elle-même les armes qui se sont retournées contre elles - c’est en 1930 que Ho Chi Minh fonde le Parti Communiste Indochinois, et dans les années 30, les répressions alternent avec les famines 15 . II 14 Voir 108 15 Le « crime colonial », c’est d’avoir vendu le riz de Cochinchine à l’étranger au lieu de l’avoir envoyé au Tonkin les années de famine - 1 million de morts en certaines années, et sous-alimentation permanente ; il n’est pas étonnant que la révolution indochinoise soit née au Tonkin. 10 @Amekhmer – All rights reserved

n’en est pas de même au Cambodge, mais l’Administration coloniale française s’appuie sur le mandarinat féodal qui accable le peuple d’impôts. Il n’est donc pas étonnant que, sous l’influence des Vietnamiens, des Cambodgiens découvrent la démocratie. Ainsi, l’un des premiers, Son Ngoc Thanh, un Khmer Krom de Cochinchine, vient à Phnom Penh, commence à faire de la propagande et crée un journal en 1937 « Nagaravatta » - notre cité ; le principal foyer est l’Institut bouddhique, où les bonzes manifestent. Un professeur de l’Institut, Hem Hieu, est arrêté par la police française et envoyée au bagne de Poulo Condore, île au large de la Cochinchine, où les Français envoyaient les agitateurs vietnamiens, et symbole de la répression coloniale. Son Ngoc Thanh s’enfuit au Japon en 1943 où il fut reçu à l’Ecole de la Grande Asie Orientale qui formait les « futurs dirigeants des pays libérés par la conquête japonaise ». En 1941 se pose le problème de la succession au trône khmer - la monarchie étant élective - à l’échelon des grands féodaux... La famille royale était divisée en deux branches : les Norodom et les Sisowath. Les Norodom étaient jusqu’alors considérés comme les moins dociles - ainsi, le roi Norodom 1er avait résisté comme il avait pu aux pressions coloniales, soutenant même secrètement la révolte de 1884-1886. A sa mort en 1904, les Français s’arrangèrent donc pour faire accéder au trône la famille Sisowath. Mais le « dauphin » Sisowath, le Prince Monireth, avait des idées libérales et modernes. C’est lui qui aurait dû être élu, mais les Français imposèrent un jeune homme de 19 ans, jugé « influençable et noceur », le prince Norodom Sihanouk. Décidément l’Amiral Decoux, gouverneur général de l’Indochine, qui avait fait le choix « n’en ratait pas une ». C’est lui qui - dans un esprit louable, pour lutter contre les Japonais - avait donné au mouvement de Ho Chi Minh les premiers fonds qui allaient lui permettre de devenir le fer de lance de la Révolution Vietnamienne 16 . La droite française a toujours distribué les armes qui se sont retournées contre la France... Le malheureux évincé, le Prince Monireth, dut également à la France sa fin tragique. Lors de ‘a chute de Phnom Penh, il demanda [Fin p 104] asile à l’Ambassade de France, ce qui lui fut refusé: il ne put même pas y pénétrer. La France lui devait pourtant cette réparation. Rejeté vers la mort, le vieillard qu’il était devenu en 1975 dut méditer sur la Puissance dite « protectrice » qui l’avait auparavant écarté du trône. Et il ne faut pas avoir une grande imagination pour affirmer qu’il a dû être exécuté par les Khmers rouges. Quant à Norodom Sihanouk, il prouvera qu’il n’est pas l’instrument docile de l’administration coloniale française. Contrairement à tout ce qui a été dit, il n’a jamais été un ami de la France, sauf dans la courte périodede Gaulle a été président de la République 17 . Son premier grief, c’est d’avoir dû faire ses études au Lycée Chasseloup Lanbat de Saigon - au Vietnam, suprême humiliation pour un roi khmer 18 - comme si la France n’avait pas pu faire l’effort d’implanter à Phnom Penh un Lycée allant jusqu’au Baccalauréat: ce sont ces « petites choses » qui décident de l’adhésion ou de la haine du peuple colonisé, de même que la façon de lever les impôts ou de répartir les terres 19 . Sihanouk a attendu son heure, ou plutôt ses heures, la première se situant au moment du coup de force japonais le 9 mars 1945. La « Puissance » française s’écroule. Sihanouk assure alors la vacance du pouvoir, dénonce les traités signés avec la France, proclame l’indépendance, et choisit Son Ngoc Thanh comme Premier Ministre. Mais les Japonais capitulent et en octobre 1945 le général Leclerc « reconquiert l’Indochine ». Son Ngoc Thanh est arrêté et 16 c’est l’administrateur COUSSEAU qui fut chargé des contacts et de l’opération financière, il devait par la suite financer Bao Dai. 17 Voir page 18 « Les Vietnamiens sont nos ennemis héréditaires » - voir p. 114 19 c’est surtout au Viêt-Nam que les Français spolièrent le paysan, en encourageant, au besoin par la force armée, l’expropriation au profit des grands propriétaires fonciers et des sociétés coloniales. 11 @Amekhmer – All rights reserved

n’en est pas <strong>de</strong> même au <strong>Cambodge</strong>, mais l’Administration coloniale française s’appuie sur le<br />

mandarinat féodal qui accable le peuple d’impôts.<br />

Il n’est donc pas étonnant que, sous l’influence <strong>de</strong>s Vietnamiens, <strong>de</strong>s Cambodgiens découvrent la<br />

démocratie. Ainsi, l’un <strong>de</strong>s premiers, Son Ngoc Thanh, un <strong>Khmer</strong> Krom <strong>de</strong> Cochinchine, vient à<br />

Phnom Penh, commence à faire <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> et crée un journal en 1937 « Nagaravatta » -<br />

notre cité ; le principal foyer est l’Institut bouddhique, où les bonzes manifestent. Un professeur <strong>de</strong><br />

l’Institut, Hem Hieu, est arrêté par la police française et envoyée au bagne <strong>de</strong> Poulo Condore, île<br />

au large <strong>de</strong> la Cochinchine, où les Français envoyaient les agitateurs vietnamiens, et symbole <strong>de</strong><br />

la répression coloniale. Son Ngoc Thanh s’enfuit au Japon en 1943 où il fut reçu à l’Ecole <strong>de</strong> la<br />

Gran<strong>de</strong> Asie Orientale qui formait les « futurs dirigeants <strong>de</strong>s pays libérés par la conquête<br />

japonaise ».<br />

En 1941 se pose le problème <strong>de</strong> la succession au trône khmer - la monarchie étant élective - à<br />

l’échelon <strong>de</strong>s grands féodaux... La famille royale était divisée en <strong>de</strong>ux branches : les Norodom et<br />

les Sisowath. Les Norodom étaient jusqu’alors considérés comme les moins dociles - ainsi, le roi<br />

Norodom 1er avait résisté comme il avait pu aux pressions coloniales, soutenant même<br />

secrètement la révolte <strong>de</strong> 1884-1886. A sa mort en 1904, les Français s’arrangèrent donc pour<br />

faire accé<strong>de</strong>r au trône la famille Sisowath. Mais le « dauphin » Sisowath, le Prince Monireth, avait<br />

<strong>de</strong>s idées libérales et mo<strong>de</strong>rnes. C’est lui qui aurait dû être élu, mais les Français imposèrent un<br />

jeune homme <strong>de</strong> 19 ans, jugé « influençable et noceur », le prince Norodom Sihanouk.<br />

Décidément l’Amiral Decoux, gouverneur général <strong>de</strong> l’Indochine, qui avait fait le choix « n’en ratait<br />

pas une ». C’est lui qui - dans un esprit louable, pour lutter contre les Japonais - avait donné au<br />

mouvement <strong>de</strong> Ho Chi Minh les premiers fonds qui allaient lui permettre <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le fer <strong>de</strong> lance<br />

<strong>de</strong> la Révolution Vietnamienne 16 . La droite française a toujours distribué les armes qui se sont<br />

retournées contre la France...<br />

Le malheureux évincé, le Prince Monireth, <strong>du</strong>t également à la France sa fin tragique. Lors <strong>de</strong> ‘a<br />

chute <strong>de</strong> Phnom Penh, il <strong>de</strong>manda [Fin p 104] asile à l’Ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> France, ce qui lui fut refusé:<br />

il ne put même pas y pénétrer. La France lui <strong>de</strong>vait pourtant cette réparation. Rejeté vers la mort,<br />

le vieillard qu’il était <strong>de</strong>venu en 1975 <strong>du</strong>t méditer sur la Puissance dite « protectrice » qui l’avait<br />

auparavant écarté <strong>du</strong> trône. Et il ne faut pas avoir une gran<strong>de</strong> imagination pour affirmer qu’il a dû<br />

être exécuté par les <strong>Khmer</strong>s rouges.<br />

Quant à Norodom Sihanouk, il prouvera qu’il n’est pas l’instrument docile <strong>de</strong> l’administration<br />

coloniale française. Contrairement à tout ce qui a été dit, il n’a jamais été un ami <strong>de</strong> la France,<br />

sauf dans la courte pério<strong>de</strong> où <strong>de</strong> Gaulle a été prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République 17 . Son premier grief,<br />

c’est d’avoir dû faire ses étu<strong>de</strong>s au Lycée Chasseloup Lanbat <strong>de</strong> Saigon - au Vietnam, suprême<br />

humiliation pour un roi khmer 18 - comme si la France n’avait pas pu faire l’effort d’implanter à<br />

Phnom Penh un Lycée allant jusqu’au Baccalauréat: ce sont ces « petites choses » qui déci<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> l’adhésion ou <strong>de</strong> la haine <strong>du</strong> peuple colonisé, <strong>de</strong> même que la façon <strong>de</strong> lever les impôts ou <strong>de</strong><br />

répartir les terres 19 . Sihanouk a atten<strong>du</strong> son heure, ou plutôt ses heures, la première se situant au<br />

moment <strong>du</strong> coup <strong>de</strong> force japonais le 9 mars 1945. La « Puissance » française s’écroule.<br />

Sihanouk assure alors la vacance <strong>du</strong> pouvoir, dénonce les traités signés avec la France, proclame<br />

l’indépendance, et choisit Son Ngoc Thanh comme Premier Ministre. Mais les Japonais capitulent<br />

et en octobre 1945 le général Leclerc « reconquiert l’Indochine ». Son Ngoc Thanh est arrêté et<br />

16 c’est l’administrateur COUSSEAU qui fut chargé <strong>de</strong>s contacts et <strong>de</strong> l’opération financière, il <strong>de</strong>vait par la suite financer Bao<br />

Dai.<br />

17 Voir page<br />

18 « Les Vietnamiens sont nos ennemis héréditaires » - voir p. 114<br />

19 c’est surtout au Viêt-Nam que les Français spolièrent le paysan, en encourageant, au besoin par la force armée, l’expropriation<br />

au profit <strong>de</strong>s grands propriétaires fonciers et <strong>de</strong>s sociétés coloniales.<br />

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