11.11.2012 Views

SOIGNER, QUESTION D'ESPRITS - Espace Infirmier.com

SOIGNER, QUESTION D'ESPRITS - Espace Infirmier.com

SOIGNER, QUESTION D'ESPRITS - Espace Infirmier.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

N° 294<br />

1 ER FÉVRIER 2012<br />

www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />

ENQUÊTE<br />

PLUS DE 600 OFFRES D’EMPLOI<br />

MÉDECINE MAYA<br />

<strong>SOIGNER</strong>,<br />

<strong>QUESTION</strong><br />

D’ESPRITS<br />

UNE CARRIÈRE<br />

DANS L’HUMANITAIRE<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

DOSSIER<br />

LA BPCO<br />

SIGNES D’ALERTE, DIAGNOSTIC,<br />

TRAITEMENTS ET ÉDUCATION<br />

THÉRAPEUTIQUE


COMITÉ DE DE RÉDACTION<br />

ÉDITORIAL G. EXER<br />

HÉLÈNE TRAPPO<br />

RÉDACTRICE EN CHEF<br />

Ordre et désordres<br />

II ne vous a sans doute pas échappé que le feuilleton kafkaïen dont l’Oni est le principal<br />

personnage nourrit avec régularité nos colonnes et nos pages Internet ces derniers temps.<br />

Certains diront peut-être: beaucoup de bruit pour rien! Mais <strong>com</strong>ment passer sous silence<br />

l’histoire d’une instance si mal partie, censée représenter l’ensemble de la profession et investie<br />

de missions d’importance. Ne doit-elle pas bientôt contrôler le respect de l’obligation de formation<br />

continue de tous les infirmiers? Au cœur de cette tempête, gardons la distance nécessaire<br />

pour répondre à vos interrogations. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous vous proposons de<br />

faire le point avec une juriste sur l’inscription à l’Ordre et le paiement de la<br />

cotisation (voir p. 9). Vous êtes nombreuses, en effet, à nous questionner à ce<br />

sujet, ne sachant quelle conduite adopter face aux injonctions de payer Vous êtes nombreuses<br />

émanant de l’Oni. Il y a au moins une réalité objective: nul ne peut se sous- à ne pas savoir<br />

traire à la loi. Or, la loi oblige bien les infirmières à s’inscrire à l’Ordre sous quelle conduite adopter<br />

peine d’être accusées d’exercice illégal. Reste que le législateur s’est arrêté à<br />

mi- chemin en ne publiant pas les décrets censés préciser ses modalités<br />

d’application, ce qui n’encourage guère à asseoir l’autorité de l’institution et entretient le flou sur<br />

les règles de fonctionnement. Ajoutez à cela le discrédit qui s’abat aujourd’hui sur l’Oni, venant<br />

de tous côtés, y <strong>com</strong>pris de la part de ceux qui souhaitaient sa création, et vous <strong>com</strong>prendrez<br />

que certaines infirmières prennent, après tout, le risque de se soustraire à la loi. Elles ne sont<br />

d’ailleurs pas les seules en mal de repères vis-à-vis d’un ordre professionnel. Les kinés pourraient<br />

leur en dire deux mots... *<br />

* Christine Bonnici, infirmière de semaine au<br />

service * de chirurgie générale de la clinique Juge,<br />

Marseille (13) Emmanuelle Bordes, infirmière<br />

spécialisée en * éducation thérapeutique, Corevih<br />

Île-de-France Sud Guy Chatap, praticien<br />

hospitalier, gériatre, hôpital * René-Muret-Bigottini,<br />

Sevran (93) Aude de Calan, coordinatrice<br />

Atelier santé ville * de Nanterre (92) Christine<br />

Delpeyroux, puéricultrice, chargée * de mission<br />

Petite enfance pour la Mutualité française 64<br />

Frédéric Launay, cadre formateur à l’Ifsi du CHU *<br />

de Tours (37) Gilles Ménagé, cadre de santé en<br />

pédopsychiatrie * au CH Sainte-Anne, Paris (75)<br />

Didier Morisot, infirmier psychiatrique à l’hôpital *<br />

de Mâcon (71) Anne Perraut Soliveres, cadre<br />

supérieur de santé, * chercheur en sciences de<br />

l’éducation Aymeric Reyre, psychiatre à<br />

l’hôpital Avicenne, * Bobigny (93) Franck Tirel,<br />

infirmier libéral, Antrain (35) Josette * Vuidepot,<br />

cadre supérieur de bloc opératoire, * clinique<br />

Pasteur, Toulouse (31).<br />

Emmanuelle Bordes, infirmière spécialisée<br />

en éducation thérapeutique, Corevih Îlede-France<br />

Sud Guy Chatap, praticien<br />

hospitalier, gériatre, * hôpital René-Muret-<br />

Bigottini, Sevran (93) Aude de Calan,<br />

coordinatrice Atelier santé * ville de Nanterre<br />

(92) Christine Delpeyroux, puéricultrice,<br />

chargée * de mission Petite enfance pour la<br />

Mutualité française 64 Frédéric Launay,<br />

cadre de santé en MPR au * CHU de Tours (37)<br />

* Gilles Ménagé, cadre de santé en pédo -<br />

psychiatrie au CH Sainte-Anne, Paris (75)<br />

Didier Morisot, infirmier psychiatrique * à<br />

l’hôpital de Mâcon (71) Anne Perraut<br />

Soliveres, cadre supérieur * de santé,<br />

chercheur en sciences de l’éducation<br />

Franck Tirel, infirmier libéral, Antrain (35) *<br />

Josette Vuidepot, cadre supérieur de santé, *<br />

formatrice indépendante.<br />

Fondatrice Annick Jouan Éditeur Wolters Kluwer France, SAS au capital de 300 000 000 €. Siège social : 1, rue Eugène-et-<br />

Armand-Peugeot, Fondatrice Annick 92856 Jouan Rueil-Malmaison Éditeur Wolters cedex Kluwer RCS France, Nanterre SAS 480 au capital 081 306 de Directeur 300 000 de 000 la publication €. Siège social Michael : 1, Koch, rue Eugène-et- présidentdirecteur<br />

Armand-Peugeot, général de 92856 Wolters Rueil-Malmaison Kluwer France cedex Numéro RCS Nanterre de <strong>com</strong>mission 480 081 paritaire 306 Directeur 0212 T de 81208. la publication ISSN 0981-0560 Michael Koch, Associé président- unique<br />

Holding directeur Wolters général Kluwer de Wolters France Kluwer Directeur France du pôle Numéro Santé de Rémi <strong>com</strong>mission Bilbault Directeur paritaire 0212 de l’infocentre T 81208. ISSN Santé 0981-0560 humaiNe Associé Thierry Lavigne unique<br />

Directrice Holding Wolters Adjointe Kluwer Anne France Boulanger. Directeur Pour du joindre pôle directement Santé Rémi Bilbault votre correspondant, Directeur de l’infocentre il suffit de <strong>com</strong>poser Santé humaine le 01 76 Thierry 73 ... suivi Lavigne des<br />

Directrice quatre chiffres adjointe qui figurent Anne Boulanger. à la suite Pour de son joindre nom directement RÉDACTION votre Directrice correspondant, des rédactions il suffit de Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s <strong>com</strong>poser le 01 76 Sylvie 73... suivi Gervaise des<br />

Rédactrice quatre chiffres en chef qui figurent Hélène Trappo à la suite (42 de 24), son htrappo@wolters-kluwer.fr nom RÉDACTION im@wolters-kluwer.fr Rédactrice en Directrice chef adjointe des Carole rédactions Ivaldi, Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s<br />

civaldi@wolters-<br />

Sylvie kluwer.fr Gervaise Directrice Rédactrice scientifique en chef Florence Hélène Bontemps Trappo (42 Assistante 24), htrappo@wolters-kluwer.fr Élisabeth Darry (41 Rédactrice 74) Rédacteur en chef Nicolas adjointe Cochard Carole (35 Ivaldi 41)<br />

Secrétaire (36 52) Directrice de rédaction scientifique Michèle Florence Nonclercq Bontemps (41 05) Assistante MaquetteÉlisabeth Laure Cartigny Darry (41 ; 74) Sandrine Rédactrice Schipper Emmanuelle Illustrateur-infographiste<br />

Debelleix (35 41)<br />

Franck Secrétaire L’Hermitte de rédaction (38 14) Michèle Conception Nonclercq maquette (41 05) Véronique Maquette Puvilland Laure Cartigny et Élisabeth ; Sandrine Speno Schipper Illustration Illustrateur-infographiste<br />

de couverture C. Pavie<br />

Ont Franck collaboré L’Hermitte à ce (38 numéro 14) Conception C. Almendros, maquette C. Angot, Véronique G. Cairns, Puvilland P. Chagon, et Élisabeth J.-M. Delage, Speno Illustration M. Hautemulle, de couverture M. Montagnon-Oziol, Stéphane<br />

C. Moiroux Moors, Ont C. Pavie, collaboré O. Quarante, à ce numéro T. Pennable, D. Balicki, C. V. Béraud, Sokoloff, M. Fuks, F. Vlaemÿnck L. Gruel, G. PHOTOGRAVURE Langlois, F. Launay, Atelier J. Maraschin, prépresse S. Mignot, Wolters S. Moiroux, kluwer<br />

France D. Richard, Imprimerie Schvartz, Senefelder S. Serrepuy, Misset, V. Sokoloff, Mercuriusstraat F. Vlaemÿnck 35, 7000 PHOTOGRAVURE AB Doetinchem, Atelier Pays-Bas prépresse INTERNET Wolters www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />

kluwer France Imprimerie<br />

Rédacteur Senefelder Misset, Nicolas Mercuriusstraat Cochard (35 41) 35, PUBLICITÉ 7000 AB Doetinchem, SecrétariatPays-Bas Tél. : 01 INTERNET 76 73 41 26 www.espaceinfirmier.<strong>com</strong> - Fax : 01 76 73 48 60 Rédactrice Directeur <strong>com</strong>mercial<br />

E. Debelleix<br />

Jean-Christophe (35 41) PUBLICITÉ Goulemot Secrétariat Directrice Tél. : 01 <strong>com</strong>merciale 76 73 41 26 - adjointe Fax : 01 Presse 76 73 48 Corinne 60 Directeur Voltz-Rosenthal <strong>com</strong>mercial (42 82) Jean-Christophe Directrice de Goulemot publicité<br />

Directrice Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s <strong>com</strong>merciale Marie-Laure adjointe Soucramanien Presse Corinne (41 Voltz-Rosenthal 76) Directrice de (42 clientèle 82) Directrice Astrid Borras de publicité (31 48) Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s Assistante Souad Marie-Laure<br />

Aschendorf<br />

(41 Soucramanien 26) PETITES (41 ANNONCES 76) Directrice Fax de : 01 clientèle 76 73 Astrid 48 56 Borras Directrice (31 48) <strong>com</strong>merciale Assistanterégie Souad PAAschendorf Christine Gautier (41 26) (35 PETITES 32) Directrice ANNONCES PA<br />

Chantal Fax : 01 76 Chiquet 73 48 (32 56 48) Directrice Chef de <strong>com</strong>merciale publicité PArégie Nadia PAGuendouzi Christine Gautier (33 75) (35 Assistante 32) Directrice PA Muriel PA Chantal Falla (34 Chiquet 68) Maquette (32 48) PA Chef Jean de<br />

de publicité Dietrich PADIFFUSION Christelle Moularé Directeur (33 <strong>com</strong>mercial 75), Assistante marketing PA Muriel du Falla pôle (34 Santé 68) Jasques-Edouard Maquette PA Jean Gros de Dietrich Directrice DIFFUSION marketing Directeur adjointe<br />

Vanessa <strong>com</strong>mercial Mire marketing POUR S’ABONNER du pôle Santé Tél. : 0 Jasques-Édouard 825 08 08 00 (15 centimes/minute). Gros Directrice marketing Fax : 01 76 73 adjointe 48 57 Internet Vanessa : www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />

Mire POUR S’ABONNER<br />

Tarifs Tél. : 0 abonnement 825 08 08 00 (France), (15 centimes/minute) 10 numéros Professionnels - Fax : 01 76 73 : 81 48 € ; 57 institutions - Internet : : 117 espaceinfirmier.<strong>com</strong> € ; entrée en vie active Tarifs : 50 abonnement € ; étudiants (France) : 31 € ;<br />

étranger 20 numéros, voie Professionnels de surface : 81 107 € ; € institutions ; étranger : 117 voie € ; entrée aérienne en vie : 127 active €. Prix : 50 € au ; étudiants numéro : 12 31 € €. ; L’accès étranger à voie la de base surface de données : 107 €;<br />

documentaires étranger voie aérienne (permettant : 127 €. de Prix consulter au numéro les archives 6,25 €. L’accès de l’Infirmière à la base Magazine) de données est documentaires inclus dans l’abonnement (consultation des PRODUCTION<br />

archives de<br />

Direction L’Infirmière Jean-Marc Magazine) Eucheloup est inclus dans (34 l’abonnement 62). PRODUCTION Direction Jean-Marc Eucheloup (34 62).<br />

« Conformément à la loi du 6 juillet 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications aux données personnelles vous concernant ». Par notre<br />

intermédiaire, vous pouvez être amenué à recevoir des propositions d’autres sociétés. Si vous ne le souhaitez pas, il vous suffit de nous écrire (L’Infirmière<br />

(L’Infirmière<br />

mmagazine, service diffusion, a 1, rue Eugène-et-Armand-Peugeot, g a 92856 Rueil-Malmaison z cedex) en i nous indiquant vos n nom, prénom et e adresse. »<br />

,<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 3


SOMMAIRE<br />

N° 294 * 1 ER FÉVRIER 2012<br />

6<br />

ACTUALITÉ<br />

Sécurité sanitaire : un<br />

projet ambitieux, mais<br />

une loi décevante<br />

10<br />

ACTUALITÉ<br />

Dans des Ehpad de Lyon,<br />

la voix des émotions<br />

26<br />

RÉFLEXION<br />

Françoise Acker, sociologue, exhorte<br />

les infirmières à s’exprimer<br />

ACTUALITÉ<br />

SÉCURITÉ SANITAIRE<br />

Les espoirs déçus face<br />

à la loi médicaments . . . . . . . . 6<br />

FORMATION<br />

Simulation : techniques<br />

et bonnes pratiques . . . . . . . . . 8<br />

AGENDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8<br />

INSCRIPTION À L’ORDRE<br />

Que dit la loi ? . . . . . . . . . . . . . . . 9<br />

CHRONIQUE<br />

Simplement ouvrir les yeux . 9<br />

DU CÔTÉ DES ÉTABLISSEMENTS<br />

EHPAD<br />

Les voix d’une radio pour<br />

apaiser le quotidien . . . . . . . . 10<br />

DU CÔTÉ DES COLLOQUES<br />

UCC<br />

Des unités dédiées pour<br />

les malades Alzheimer . . . . . . 11<br />

CULTURE<br />

BANDE DESSINÉE<br />

Une épopée débridée<br />

sur le thème de l’IVG . . . . . . . 13<br />

REPORTAGE<br />

CHEZ LES MAYAS<br />

L’art de la médecine par le divin . . . . . . . . . . . . . 14<br />

SUR LE TERRAIN<br />

L’ENQUÊTE<br />

HUMANITAIRE<br />

Une autre carrière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20<br />

RENCONTRE AVEC<br />

FRANÇOISE MOUROT, CHARGÉE DE CONDUITE DE PROJETS<br />

Itinéraire d’une bûcheuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24<br />

RÉFLEXION<br />

PROFESSION<br />

Françoise Acker : « Quel rôle les infirmières<br />

veulent-elles jouer ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26<br />

JURIDIQUE<br />

<strong>QUESTION</strong>S DE LECTEURS<br />

Les réponses de Véronique Sokoloff . . . . . . . . 29<br />

14<br />

REPORTAGE<br />

Soigner, une question d’âme pour les Mayas<br />

20<br />

ENQUÊTE<br />

L’humanitaire, un métier à part entière<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

DOSSIER<br />

LA BPCO : BRONCHOPNEUMOPATHIE<br />

CHRONIQUE OBSTRUCTIVE<br />

> L’essentiel . . . . . . . . . . . . . . . . 31<br />

> La prise en charge :<br />

Traitement<br />

symptomatique . . . . . . . . . 34<br />

Oxygénothérapie . . . . . . . 37<br />

Éducation<br />

thérapeutique . . . . . . . . . . . 38<br />

> Savoir plus . . . . . . . . . . . . . . 39<br />

> Quiz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40<br />

ANNONCES CLASSÉES ......... 43<br />

DANS LE N° 295 ................. 51<br />

Avec ce numéro : un encart broché abonnement.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 5


ACTUALITÉ<br />

PARTICIPEZ AU<br />

DE L’INFIRMIÈRE<br />

MAGAZINE<br />

EN BREF<br />

SOINS SOUS CONTRAINTE<br />

Les syndicats de psychiatres<br />

hospitaliers dénoncent la « visée<br />

sécuritaire » du projet de décret<br />

sur les soins sous contrainte<br />

en ambulatoire, et l’atteinte<br />

au secret professionnel<br />

via la « diffusion obligatoire,<br />

sous contrôle des autorités<br />

administratives, d’éléments du<br />

suivi médical des patients ». (APM)<br />

VIH ET SOINS FUNÉRAIRES<br />

La Direction générale de la<br />

santé a annoncé, le 10 janvier,<br />

la constitution d’un groupe<br />

de travail pour statuer sur la<br />

question des soins funéraires<br />

aux personnes infectées par<br />

le VIH ou une hépatite virale,<br />

aujourd’hui interdits. Un<br />

premier pas, qui laisse, cela dit,<br />

les associations de lutte contre<br />

le sida insatisfaites, elles qui<br />

dénoncent depuis des mois<br />

l’absurdité de cet interdit. (APM)<br />

ELLE L’A DIT<br />

N°300<br />

À l’occasion de ce numéro<br />

anniversaire, la rédaction<br />

recueille vos témoignages :<br />

• Vous êtes lectrice de<br />

la première heure ou plus<br />

récente, faites-nous part<br />

de votre expérience.<br />

• Donnez votre avis<br />

sur la question suivante :<br />

« Comment voyez-vous<br />

la santé demain ? ».<br />

Envoyez vos réponses par mail à L'Infirmière<br />

Magazine im@wolters-kluwer.fr, via<br />

espaceinfirmier.<strong>com</strong>, ou par courrier postal<br />

« En période de crise, où des<br />

choix risquent de s’avérer<br />

nécessaires, la santé doit rester<br />

un domaine préservé, et son<br />

budget sanctuarisé. »<br />

ESTIME LA CONFÉRENCE NATIONALE<br />

DE SANTE, DANS UN AVIS RELATIF<br />

AUX ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION POUR<br />

UNE POLITIQUE DE SANTÉ 2011-2025, ET<br />

MIS EN LIGNE SUR SON SITE INTERNET<br />

www.sante.gouv.fr/les-avis-2011-2014.html<br />

6 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

SÉCURITÉ SANITAIRE<br />

Les espoirs déçus de<br />

la loi médicaments<br />

Après une année de travaux, la loi « relative au renforcement<br />

de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de<br />

santé » est parue au Journal officiel, le 30 décembre dernier.<br />

L’enthousiasme<br />

était de mise<br />

pour une<br />

réforme en<br />

profondeur<br />

du circuit<br />

Il y aura un avant et un après-<br />

Mediator. » Le ministre de la<br />

Santé, Xavier Bertrand, n’a eu de<br />

cesse de répéter ces mots, au fil de<br />

l’année qui vient de s’écouler. Une<br />

année riche en débats, rapports et<br />

autres analyses. Fin 2010, alors que<br />

le livre de la pneumologue Irène<br />

Frachon, Mediator 150 mg. Combien<br />

de morts ?, défraye la chronique<br />

depuis plusieurs mois et que les<br />

langues se délient, Xavier Bertrand<br />

annonce la mise en place des assises<br />

du médicament. Les acteurs du système<br />

de santé s’y rendent sans se<br />

faire prier. Médecins, représentants<br />

des agences sanitaires, parlementaires…<br />

affirment en chœur vouloir<br />

réformer en profondeur le circuit<br />

du médicament. L’enthousiasme et<br />

l’espoir sont de mise. Pendant plusieurs<br />

mois, les différents groupes<br />

de travail, créés dans le cadre de ces<br />

assises, planchent et produisent des<br />

ébauches de réforme.<br />

Déposé au beau milieu de l’été 2011,<br />

un texte de loi est discuté dans les<br />

deux assemblées tout l’automne.<br />

Adoptée définitivement le 20 dé -<br />

cembre à l’Assemblée nationale, la<br />

loi « relative au renforcement de la<br />

sécurité sanitaire du médicament et<br />

des produits de santé » est publiée<br />

au Journal officiel, le 30 décembre<br />

dernier. Constituée de 48 articles,<br />

elle entend apporter plus de clarté<br />

et de transparence dans un circuit<br />

du médicament à la française<br />

accusé de manque de neutralité, et<br />

où les experts des différentes<br />

agences sanitaires sont soupçonnés<br />

de conflits d’intérêt. Mais, sans<br />

remettre en cause l’intention réformatrice<br />

de départ, le résultat final<br />

déçoit. C’est d’ailleurs la raison pour<br />

laquelle le Sénat, majoritairement<br />

à gauche, n’a pas souhaité voter le<br />

texte. Ainsi, Bernard Cazeau (PS,<br />

Dordogne) a-t-il considéré, qu’aussi<br />

« vigoureux et unanimement ac -<br />

cueillis » qu’aient été les propos du<br />

ministre de la Santé sur le sujet, ils<br />

ont, au fil du temps, perdu « de leur<br />

fermeté et de leur originalité ». Et de<br />

regretter qu’aient été écartées du<br />

texte final les mesures que les sénateurs<br />

avaient introduites autour du<br />

renforcement des droits des victimes<br />

(présomption de responsa -<br />

bilité, actions de groupe…). De<br />

même, d’aucuns déplorent que la<br />

loi ne prévoit rien qui favorise la<br />

recherche indépendante.<br />

Liens d’intérêt<br />

À tout le moins, si cette loi se révèle<br />

moins ambitieuse qu’attendu, elle<br />

s’attaque aux liens d’intérêt entre,<br />

d’une part, les agences sanitaires et<br />

leurs experts, et, d’autre part, les<br />

industries du médicament. Ainsi,<br />

l’ensemble des experts intervenant<br />

auprès des différentes agences<br />

devront-ils satisfaire une obligation<br />

de déclaration de leurs liens d’intérêt,<br />

avec un historique de cinq ans.<br />

Les laboratoires pharmaceutiques<br />

devront également rendre publics<br />

les avantages et autres rémunérations<br />

qu’ils accordent aux professionnels<br />

de la santé.<br />

Les agences devront, quant à elles,<br />

enregistrer chaque séance et publier<br />

chaque <strong>com</strong>pte-rendu. Largement


montrée du doigt dans le cadre de<br />

l’affaire du Mediator, l’Afssaps disparaît,<br />

et devient l’Agence nationale<br />

de sécurité du médicament et des<br />

produits de santé (ANSM), une<br />

agence aux pouvoirs étendus. Ainsi<br />

pourra-t-elle demander à l’industrie<br />

pharmaceutique des études <strong>com</strong>paratives<br />

afin de prouver l’intérêt<br />

supérieur d’un médicament par<br />

rapport aux stratégies thérapeutiques<br />

de référence.<br />

Ne seront donc, a priori, admis au<br />

remboursement que les produits<br />

qui auront fait la preuve de leur<br />

intérêt. Le texte dispose, par ailleurs,<br />

qu’un professionnel de santé<br />

qui alerterait les autorités sur la<br />

possible nocivité d’un médicament<br />

sera protégé de toute sanction ou<br />

discrimination, en particulier de la<br />

part de son employeur (art. 43).<br />

Implants mammaires<br />

La loi médicaments prévoit, en<br />

outre, un meilleur suivi des mé -<br />

dicaments au fil du temps, et,<br />

notamment, un suivi post-AMM<br />

(autorisation de mise sur le marché)<br />

plus sérieux. Celui-ci se traduira,<br />

entre autres, par une révision quinquennale<br />

des AMM par l’ANSM. En<br />

outre, désormais, la loi interdit les<br />

prescriptions hors AMM, sauf re -<br />

<strong>com</strong>mandation temporaire d’utilisation<br />

émise par l’ANSM, ou à la<br />

demande expresse d’un prescrip-<br />

teur pour un patient donné. La<br />

mention « prescription lots AMM »<br />

devra, par ailleurs, être mentionnée<br />

sur les ordonnances. Un groupement<br />

d’intérêt public, le GIP Études<br />

de santé, aura à réaliser des études<br />

de vigilance et d’épidémiologie.<br />

Xavier Bertrand s’est engagé à poursuivre<br />

le travail, de manière à ce que<br />

les décrets d’application puissent<br />

être rapidement pris, condition sine<br />

qua non pour une mise en musique<br />

diligente de cette réforme, laquelle<br />

dépendra aussi de la détermination<br />

des membres de l’Agence du médicament,<br />

et de la célérité des professionnels<br />

de santé à s’approprier cette<br />

nouvelle philosophie. Rapidement<br />

aussi, le ministre de la Santé aura<br />

à se prononcer sur le circuit des<br />

dispositifs médicaux.<br />

L’affaire des implants mammaires<br />

défectueux de la société Poly<br />

Implant Prothèse (PIP) pose, en<br />

effet, de nouvelles questions en<br />

matière de sécurité sanitaire. Car,<br />

à la différence des médicaments,<br />

soumis à une autorisation de mise<br />

sur le marché, il n’existe pas à ce<br />

jour d’AMM pour les dispositifs<br />

médicaux. Le 6 janvier dernier,<br />

Xavier Bertrand a annoncé vouloir<br />

y remédier, préconisant une ré -<br />

forme de la réglementation européenne<br />

régissant les dispositifs<br />

médicaux. * SANDRA SERREPUY<br />

Xavier Bertrand<br />

devra aussi<br />

se prononcer<br />

sur le circuit<br />

des dispositifs<br />

médicaux<br />

EN BREF<br />

ACTUALITÉ<br />

DONNÉES DE SANTÉ<br />

Selon un sondage réalisé en<br />

ligne auprès de 1 500 patients<br />

français pour la société<br />

Fairwarning, près de 55 % des<br />

patients indiquent avoir déjà tu<br />

des informations personnelles<br />

aux soignants par crainte<br />

d’une atteinte à la vie privée.<br />

CONVERGENCE TARIFAIRE<br />

Selon une étude menée par la<br />

FHF et le syndicat national de<br />

gérontologie clinique (CNGC),<br />

la convergence tarifaire entre<br />

Ehpad et USLD pourrait<br />

conduire à une réduction de<br />

crédits de 211 millions d’euros,<br />

soit 6 000 postes soignants<br />

à supprimer d’ici à 2016. FHF<br />

et CNGC demandent donc<br />

une suppression des tarifs<br />

de convergence et un travail<br />

de fond sur la question.<br />

ANXIOLITIQUES<br />

Chaque année, un Français<br />

sur cinq consomme, au moins,<br />

une benzodiazépine ou une<br />

molécule apparentée, selon<br />

un rapport publié par l’Afssaps.<br />

AUTISME<br />

Suite à son rapport d’évaluation<br />

du Plan autisme 2008-2010,<br />

la sénatrice Valérie Létard<br />

préconise un renforcement<br />

du diagnostic précoce, et un<br />

meilleur ac<strong>com</strong>pagnement<br />

des adultes autistes, « domaine<br />

encore largement oublié ». (APM)<br />

55%<br />

LE CHIFFRE DU MOIS<br />

des retraités agricoles<br />

sont atteints d’une<br />

affection de longue<br />

durée, selon une étude<br />

du groupe Agrica.<br />

Pour 35 % d’entre eux,<br />

il s’agit de maladies<br />

cardio-vasculaires.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 7


ACTUALITÉ<br />

Du 16 au 17 mars 2012<br />

Paris<br />

ANESTHÉSIE<br />

AGENDA<br />

* Tout un pan des Journées<br />

d’enseignement postuniversitaire<br />

d’anesthésie-réanimation sera<br />

consacré aux infirmiers.<br />

Au programme, le monitorage<br />

en anesthésie, les infections,<br />

et le transfert de <strong>com</strong>pétences.<br />

Des ateliers pratiques reviendront<br />

sur l’intubation difficile et<br />

le remplissage vasculaire.<br />

www.jepu.net<br />

Le 17 mars<br />

Paris<br />

ONCOLOGIE<br />

* Les 15es Rencontres infirmières<br />

en oncologie, organisées par<br />

l’Association française des<br />

infirmières de cancérologie (Afic),<br />

seront l’occasion, pour les<br />

participants, d’approfondir leurs<br />

connaissances sur des sujets variés :<br />

«Papillomavirus et cancer» ; «Laser<br />

et mucite» ; «Du diagnostic au profil<br />

moléculaire» ; «Alternatives théra -<br />

peutiques au service de la qualité<br />

de vie» ; ou «Hypnose et soins<br />

infirmiers ». Inscription gratuite,<br />

à solliciter avant le 10 février.<br />

www.assoafic.org<br />

Du 24 au 26 mai<br />

Bruxelles (Belgique)<br />

ETP ET ÉTHIQUE<br />

* Le 4e Congrès de la Sete tournera<br />

autour du thème « Éducation<br />

thérapeutique du patient : l’éthique<br />

dans la pratique et la recherche ».<br />

Les 1 er et 3 e jours seront re?serve?s<br />

aux membres de la Sete, et<br />

le 2 e ouvert a?un large public de<br />

professionnels et de repre?sentants<br />

des associations de patients.<br />

htpp://SETE2012.advenirs.org/<br />

04-ACTU-<br />

Du 5 au Relance-VERT 8 juin<br />

Clermont-Ferrand (63)<br />

SANTÉ AU TRAVAIL<br />

* Dix-huit thèmes d’atelier de<br />

formation seront proposés dans<br />

le cadre du 32e Congrès national<br />

de médecine et santé au travail.<br />

Les choix ont été guidés par<br />

la fréquence des pathologies<br />

rencontrées en médecine du travail.<br />

Suivront des conférences sur<br />

l’information relative aux dangers<br />

en milieu professionnel et<br />

les risques émergents.<br />

www.medecine-sante-travail.<strong>com</strong><br />

8 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

LA SANTÉ EN DANGER AU PAKISTAN<br />

Des centaines de médecins et de professonnels soignants des hôpitaux publics<br />

pakistanais étaient en grève le 17 janvier dernier. Rassemblés devant le Parlement,<br />

ils protestaient contre la nouvelle organisation hospitalière, qu’ils assimilent à une<br />

privatisation de l’hôpital, et réclamaient des augmentations de salaires. (AFP)<br />

FORMATION<br />

SIMULER, C’EST APPRENDRE<br />

Désirant développer la simulation <strong>com</strong>me outil de formation, la HAS s’est<br />

engagée à définir des bonnes pratiques en la matière.<br />

Apprendre à faire une injection<br />

sur un bras artificiel.<br />

Recréer l’environnement<br />

d’un bloc opératoire, où toute<br />

l’équipe joue son rôle autour d’un<br />

mannequin piloté par ordinateur.<br />

Ou simuler une consultation d’annonce<br />

d’un cancer… La simulation<br />

en santé consiste à « reproduire ex -<br />

périmentalement des situations ou<br />

des environnements de soins » pour<br />

permettre aux professionnels de<br />

s’entraîner. Afin de promouvoir ces<br />

techniques, atouts de sécurité des<br />

soins, la HAS a <strong>com</strong>mandé un rapport<br />

sur le sujet au P r Granry et au<br />

D r Moll (CHU d’Angers).<br />

Politique nationale<br />

Les deux auteurs, qui ont rendu<br />

leurs conclusions le 10 janvier dernier,<br />

soulignent qu’en dépit d’un<br />

intérêt croissant, la simulation en<br />

santé relève encore « d’un niveau<br />

artisanal » en France. L’un des obs-<br />

tacles à son développement, relèvent-ils,<br />

reste le coût des équipements,<br />

souvent sophistiqués. Les<br />

médecins ont dénombré 174 établissements<br />

et 101 écoles mettant<br />

en œuvre des techniques de simulation,<br />

et re<strong>com</strong>mandé que ces<br />

méthodes soient intégrées « dans<br />

tous les programmes d’enseignement<br />

des professionnels de santé, en formation<br />

initiale <strong>com</strong>me en formation<br />

continue ».<br />

Il faudrait, insistent-ils, définir une<br />

politique nationale permettant de<br />

valoriser ces techniques. Dans cette<br />

optique, la HAS a mis en place un<br />

groupe de travail chargé de définir,<br />

d’ici à la fin de l’année, des bonnes<br />

pratiques en la matière, ainsi que<br />

les critères de formation des formateurs.<br />

L’objectif est de favoriser son<br />

déploiement, notamment dans le<br />

champ du développement professionnel<br />

continu (DPC). *<br />

EMMANUELLE DEBELLEIX<br />

FAROOQ NAEEM/AFP


ORDRE INFIRMIER<br />

QUELLES DISPOSITIONS LÉGALES ?<br />

La fronde contre l’Ordre gronde, et les infirmières s’interrogent : que dit la loi concernant<br />

l’inscription à l’instance ? Réponse de V. Sokoloff, juriste spécialisée en droit de la santé.<br />

espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />

Retrouvez<br />

la version<br />

intégrale<br />

de cet article<br />

sur notre site<br />

en date du<br />

30.01.12.<br />

CHRONIQUE<br />

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Que<br />

dit la loi concernant l’inscription<br />

des professionnelles à l’Ordre ?<br />

VÉRONIQUE SOKOLOFF : Légale -<br />

ment (article L. 4311-15 du Code<br />

de la santé publique), l’inscription<br />

à l’ordre infirmier est obligatoire<br />

pour exercer. Les décrets d’application<br />

relatifs à la loi, et censés structurer<br />

ses modalités d’application,<br />

ne sont, certes, toujours pas parus,<br />

mais la loi a été publiée, et peut s’appliquer.<br />

C’est pourquoi les ARS<br />

demandent aux infirmières entrant<br />

dans la profession, et à celles changeant<br />

de lieu ou de champ d’exercice,<br />

d’être inscrites à l’Ordre.<br />

I. M. : Est-ce pour cela que<br />

les directeurs d’établissement<br />

demandent aux nouvelles<br />

infirmières d’y être inscrites ?<br />

V. S. : Oui. S’y ajoutent, qui plus est,<br />

SIMPLEMENT OUVRIR LES YEUX<br />

Un illustre chirurgien cardiaque<br />

français (1) et un célèbre écrivain (2) , prix<br />

Nobel de la paix en 1986, ont publié,<br />

à l’automne dernier, le récit de leurs<br />

réflexions à l’occasion d’une<br />

intervention de pontage cardiaque,<br />

subie, pour chacun d’eux, quelques mois<br />

plus tôt. Au-delà de leurs destins<br />

exceptionnels, tous deux reviennent sur<br />

leur longue carrière, si différentes l’une<br />

de l’autre, en s’interrogeant pourtant<br />

de la même façon sur le sens de leur<br />

engagement. Pour le chirurgien<br />

<strong>com</strong>me pour l’écrivain, la brutalité<br />

du diagnostic, le sentiment angoissant<br />

d’être impuissant, la conscience d’être<br />

en sursis, le risque de ne pas revoir<br />

ses proches ont eu le même effet. Suis-je<br />

réellement sauvé? Suis-je toujours<br />

des impératifs en termes d’assurance.<br />

Tout professionnel, pour<br />

exercer, doit s’engager à respecter<br />

les conditions d’exercice de son<br />

métier. Le risque qui existe, concernant<br />

la non-inscription à l’Ordre,<br />

est qu’un jour, un assureur désireux<br />

de ne pas couvrir les conséquences<br />

d’un acte infirmier, cherche la petite<br />

bête... et prenne prétexte de la noninscription<br />

de la professionnelle<br />

concernée pour se dédouaner. Les<br />

directeurs d’établissement ne veulent<br />

pas prendre un tel risque.<br />

I. M. : Quid des infirmières<br />

déjà en poste ? Les directeurs<br />

exigent rarement le justificatif<br />

de leur inscription…<br />

V. S. : Effectivement. Ils laissent<br />

couler... Mais la loi s’applique à tous.<br />

Le risque vis-à-vis de l’assurance<br />

existe donc aussi les concernant.<br />

le même? Qu’ai-je fait de ma vie?,<br />

se demandent-ils après l’intervention<br />

chirurgicale. Ces récits offrent aux<br />

soignants plusieurs lectures possibles,<br />

mais ce qui frappe surtout, c’est<br />

l’humilité avec laquelle ces deux<br />

personnes remarquables acceptent de<br />

livrer leurs erreurs et leurs doutes. Alain<br />

Deloche reconnaît avoir été favorable<br />

à la T2A, mais admet aujourd’hui avec<br />

amertume que « couper une jambe<br />

rapporte plus [à l’hôpital] que d’essayer<br />

de la sauver ». Elie Wiesel, pour sa part,<br />

était convaincu qu’après Auschwitz, « il<br />

n’y aurait plus de guerre, plus de racisme,<br />

plus de haine, plus d’antisémitisme »…<br />

Peut-on faire preuve, ainsi, d’une telle<br />

introspection et d’une si grande<br />

clairvoyance sans renoncer pour autant<br />

FRÉDÉRIC LAUNAY<br />

CADRE DE SANTÉ EN MPR,<br />

CHU DE TOURS (37)<br />

I. M. :Qu’en est-il, par ailleurs,<br />

de l’obligation de cotisation ?<br />

V. S. : Cette obligation est inscrite<br />

dans le Code de la santé publique<br />

(article L. 4312-7). Le problème est<br />

que le paiement de la cotisation n’est<br />

pas exigé lors de l’inscription mais<br />

appelé ultérieurement... Résultat,<br />

certaines infirmières s’arrogent le<br />

droit de ne pas la payer, pensant<br />

que, l’inscription faite, elles sont en<br />

règle. Or, ce paiement étant obligatoire,<br />

les conseils départementaux<br />

de l’Ordre peuvent en exiger le paiement<br />

devant le tribunal d’instance,<br />

et rayer du tableau d’inscription<br />

celles qui n’ont pas cotisé, les plaçant,<br />

si elles poursuivent leur activité,<br />

en situation d’exercice illégal<br />

de leur profession. *<br />

PROPOS RECUEILLIS<br />

PAR EMMANUELLE DEBELLEIX<br />

à ses idéaux, et sans perdre courage ?<br />

Voilà une question cruciale que nous<br />

devrions tous nous poser, sans attendre<br />

que l’annonce d’un diagnostic<br />

inquiétant nous incite à le faire. Nul<br />

besoin de craindre pour notre vie pour<br />

nous interroger sur le sens de ce que<br />

nous faisons. Voilà sans doute la leçon<br />

de ces deux ouvrages. Alain Deloche<br />

nous invite à résister et à « maintenir<br />

la lumière en haut du phare », et Elie<br />

Wiesel affirme : « Quelle que soit la<br />

question, l’indifférence et la résignation<br />

ne constituent pas la réponse. »<br />

Renaître, c’est parfois simplement<br />

ouvrir les yeux. *<br />

1– Dites-moi la vérité, Alain Deloche, Éd. Robert<br />

Laffont, 19 euros.<br />

2– À cœur ouvert, Elie Wiesel, Éd. Flammarion,<br />

10 euros.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 9


ACTUALITÉ<br />

DU CÔTÉ DES...<br />

ÉTABLISSEMENTS<br />

PERSONNES ÂGÉES<br />

UNE «VOIX D’OR»<br />

POUR RÉVEILLER LES SOUVENIRS<br />

Des programmes radio distraient et réconfortent les patients vivant en Ehpad.<br />

« Il n’y a<br />

que du son,<br />

car l’image tue<br />

l’imaginaire »<br />

1- Voix d’or est<br />

actuellement en<br />

cours d’évaluation<br />

par le Centre<br />

mémoire de<br />

ressources et de<br />

recherche de Lyon,<br />

basé à l’hôpital des<br />

Charpennes. Les<br />

premiers résultats<br />

de l’évaluation<br />

en cours, ainsi<br />

que les modalités<br />

d’abonnement<br />

et des extraits<br />

de programmes<br />

sont disponibles<br />

sur le site :<br />

www.voixdor.fr<br />

Le cri d’un coq, le bruit des<br />

vagues, un poème sur la<br />

nature. Ou encore une chronique<br />

sur la naissance de la télévision,<br />

une chanson d’antan… Tels<br />

sont quelques-uns des programmes<br />

de « Voix d’or » (1) , un outil radiophonique<br />

thérapeutique destiné aux<br />

équipes ac<strong>com</strong>pagnant des personnes<br />

âgées, notamment celles<br />

atteintes de la maladie d’Alzheimer.<br />

« À partir de l’écoute d’un jeu sonore,<br />

d’une chanson, le patient est invité à<br />

poursuivre l’histoire. Il n’y a que du<br />

son, car l’image tue l’imaginaire,<br />

surtout quand on a déjà du mal à<br />

s’exprimer… » Lina Braunschweig,<br />

psychothérapeute installée à Lyon,<br />

et directrice de l’association « Haut<br />

Parleur », a créé Voix d’or pour<br />

« aider les personnes âgées à mieux<br />

vivre l’instant présent ». Car « que<br />

serait une vie sans souvenirs ?, interroge-t-elle.<br />

La tragédie d’Alzhei mer,<br />

c’est la création d’un vide intérieur.<br />

Le malade perd son moi, son identité.<br />

Il faut donc réveiller sa mémoire<br />

émotionnelle, qui demeure ancrée<br />

plus longtemps. Une fois touchés,<br />

même les patients qui ont perdu les<br />

mots s’expriment parfois, par le re -<br />

gard, un sourire, voire une moquerie<br />

ou une larme. »<br />

Tous les mois, l’équipe de l’association<br />

conçoit donc six à sept heures<br />

de programme, mis à la disposition<br />

des établissements abonnés. Trentecinq<br />

Ehpad ont, à ce jour, souscrit<br />

à cette approche non médicamenteuse<br />

innovante. Parmi eux, les<br />

quatre Ehpad de la ville de Lyon,<br />

pour lesquels le coût de l’abonnement<br />

et la formation des équipes à<br />

10 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

Mémoire et émotion<br />

Les soignants choisissent<br />

des rubriques radio<br />

qui donnent du rythme à<br />

la journée des résidents.<br />

l’outil Voix d’Or ont été offerts par<br />

la municipalité. Au vu des moyens<br />

financiers limités des maisons de<br />

retraite, le coût de ces programmes<br />

peut, en effet, être un obstacle,<br />

reconnaît Lina Braunschweig. Il<br />

faut <strong>com</strong>pter 85 euros par mois,<br />

plus une demi-journée à une journée<br />

de formation pour le personnel<br />

(tarif pour 12 à 15 personnes sur<br />

une journée: 1 200 euros). Mais,<br />

tempère la créatrice de Voix d’or,<br />

l’association Haut Parleur étant<br />

agréée organisme de formation, ce<br />

coût peut, en partie, être pris en<br />

charge dans le cadre de la formation<br />

continue.<br />

Toute l’équipe<br />

« L’objectif est que Voix d’or soit utilisée<br />

par l’ensemble du personnel,<br />

poursuit Lina Braunschweig. Le programme<br />

devient une réussite quand<br />

un directeur d’Ehpad l’inclut dans<br />

son projet d’établissement, dans le<br />

planning de la journée. À chacun de<br />

s’approprier cet outil, à sa manière.<br />

L’écoute d’une actualité peut <strong>com</strong>bler<br />

un temps d’attente avant l’installation<br />

à table. Des thèmes autour de l’école,<br />

du lien à la terre, du premier amour,<br />

ou des congés payés créent des sujets<br />

d’échange. On peut distraire ou<br />

décrisper lors d’une toilette avec des<br />

bruits issus de la nature. Je sais que<br />

des équipes de nuit s’en servent aussi<br />

pour apaiser les an goisses, limiter les<br />

déambulations. » Une version téléchargeable<br />

devrait aussi être disponible<br />

dès cette année pour les<br />

personnes âgées vivant à domicile<br />

et leurs aidants. *CHANTAL BÉRAUD<br />

TÉMOIGNAGES<br />

« AVEC LES<br />

ÉPHÉMÉRIDES, on travaille<br />

sur les repères, spatiaux et<br />

temporels, puis on stimule la<br />

mémoire émotionnelle, via une<br />

démarche interactive, créatrice<br />

d’un climat familial. Il faut<br />

donner l’impulsion, pour lutter<br />

contre l’apathie. J’inclus<br />

des aides-soignantes et des<br />

AMP pour qu’elles voient<br />

les résidents sous un autre<br />

jour. Dans les cantous pour<br />

Alzheimer de l’Ehpad<br />

l’Argentière (Vienne, Isère),<br />

elles rythment ensuite<br />

leur journée par autre chose<br />

que du nursing, grâce<br />

aux rubriques de relaxation,<br />

de gymnastique douce<br />

et de musique. »<br />

ÉRIC DEMALINE, PSYCHOLOGUE,<br />

UTILISE VOIX D’OR LORS D’ATELIERS<br />

DE RÉMINISCENCE.<br />

JEMEÏ AIME ANIMER<br />

DES SÉANCES où, à l’aide<br />

du livret de fiches pratiques,<br />

elle a appris « à chercher le<br />

regard, à poser des questions…<br />

J’aide les patients à sortir de<br />

leur monotonie. Les chroniques<br />

sont joyeuses, elles les incitent<br />

à <strong>com</strong>muniquer. Il y a même<br />

parfois de la <strong>com</strong>plicité qui<br />

se crée entre eux. Ces séances<br />

enrichissent mon métier, et<br />

même, me valorisent. »<br />

JEMEÏ KENZA, AMP À L’EHPAD<br />

LE CERCLE DE LA CARETTE,<br />

À CALUIRE-ET-CUIRE (RHÔNE).<br />

CH. BÉRAUD


ACTUALITÉ<br />

DU CÔTÉ DES...<br />

COLLOQUES<br />

MALADIE D’ALZHEIMER<br />

BILAN MITIGÉ<br />

POUR LES UCC<br />

De petites unités prennent en charge les malades<br />

agités, avec pour objectif essentiel le retour au lieu<br />

de vie initial, en institution ou au domicile.<br />

Réunis mi-décembre à Paris<br />

pour leur congrès national,<br />

les acteurs des unités de<br />

soins, d’évaluation et de prise en<br />

charge Alzheimer ont estimé nécessaire<br />

de clarifier les missions des<br />

unités cognitivo-<strong>com</strong>portementales<br />

(UCC) créées en 2010. Souhaitant<br />

dresser un état des lieux de ce dispositif<br />

encore expérimental, la<br />

DGOS et la Société française de<br />

gériatrie et gérontologie ont interrogé<br />

une quarantaine d’UCC.<br />

Dédiées aux patients Alzheimer,<br />

elles ont été mises en place dans les<br />

hôpitaux suite aux mesures du troisième<br />

plan national Alzheimer.<br />

En première intention<br />

Maillon de la filière soins consacrée<br />

à la prise en charge de cette maladie,<br />

ces petites unités de dix à douze<br />

lits accueillent, pour quelques<br />

semaines, des personnes en période<br />

de crise, avec apparition ou exacerbation<br />

de troubles du <strong>com</strong>portement<br />

(agitation, déambulation<br />

ex cessive, agressivité, troubles du<br />

sommeil). Dans ses dernières re -<br />

<strong>com</strong>mandations de bonnes pratiques<br />

pour la prise en charge de la<br />

maladie, la Haute Autorité de santé<br />

(HAS) préconise, d’ailleurs, une<br />

hospitalisation en première intention<br />

en UCC. Plus adapté qu’un<br />

séjour en service de soins aigus,<br />

le séjour en UCC doit permettre<br />

d’éviter la « dépendance iatrogène ».<br />

Une hospitalisation constitue, en<br />

effet, une période à haut risque de<br />

déclin fonctionnel pour la personne<br />

âgée en raison du stress qu’elle gé -<br />

nère. Et les patients souffrant de<br />

démence sont tout particulièrement<br />

exposés à cette dépendance.<br />

Les UCC, installées au sein de<br />

structures de SSR (soins de suite et<br />

de réadaptation) polyvalentes ou<br />

gériatriques, doivent élaborer un<br />

projet de soins spécifique afin de<br />

limiter l’expression des troubles du<br />

<strong>com</strong>portement et de diminuer le<br />

recours aux psychotropes sédatifs<br />

ou à la contention. Les neuroleptiques<br />

sont, en effet, encore souvent<br />

utilisés en cas de troubles du<br />

<strong>com</strong>portement dits perturbateurs,<br />

alors qu’ils peuvent avoir des effets<br />

secondaires gravissimes chez les<br />

patients (décès, AVC, troubles de la<br />

marche…). Les thérapies non mé -<br />

di camenteuses, <strong>com</strong>me la stimu -<br />

lation cognitive et sensorielle ou des<br />

programmes d’activité motrice, sont<br />

donc au cœur du projet de soins des<br />

UCC. Parallèlement, les objectifs<br />

de la prise en charge SSR sont<br />

maintenus: amélioration de l’autonomie,<br />

éducation thérapeutique du<br />

patient et de sa famille, ac<strong>com</strong>pagnement<br />

à la réinsertion sociale et<br />

familiale… Le but est de permettre<br />

le retour au lieu de vie initial, que<br />

ce soit le domicile ou l’Ehpad. « Le<br />

cahier des charges des UCC est très<br />

large, de nombreuses questions se<br />

posent donc sur les modalités d’accueil<br />

des patients, la formation des<br />

soignants ou encore le choix des thérapeutiques<br />

non médicamenteuses »,<br />

a souligné Marie Noblet-Dick, responsable<br />

de l’UCC du CHU de<br />

Strasbourg.<br />

Quelles missions ?<br />

Cette enquête a permis de questionner<br />

les acteurs mêmes des UCC sur<br />

les missions qui leur sont dévolues.<br />

Pour les soignants, les UCC visent,<br />

dans l’ordre: l’amélioration du <strong>com</strong>-<br />

Des programmes<br />

d’activité motrice<br />

destinés aux patients<br />

atteints de la maladie<br />

d’Alzheimer sont au<br />

cœur du projet des<br />

UCC : quelques pas<br />

pour limiter le déclin<br />

fonctionnel engendré<br />

par une hospitalisation<br />

ordinaire.<br />

L’objectif<br />

des unités est<br />

de permettre<br />

le retour au lieu<br />

de vie d’origine<br />

portement (pour 70 % des répondants);<br />

la gestion d’une situation de<br />

risque (56 %); le répit pour les<br />

aidants (37 %); l’indication de l’entrée<br />

en institution (33 %); l’attente<br />

d’une place en institution (23 %) et<br />

la prise en charge d’une pathologie<br />

aiguë (11 %).<br />

Échange de pratiques<br />

Les alternatives non médicamenteuses<br />

sont prioritaires dans les projets<br />

thérapeutiques, et 85 % des<br />

UCC interrogées disent y avoir<br />

formé leurs personnels soignants.<br />

La durée moyenne de séjour est de<br />

36 jours. Mais, pour plus d’un tiers<br />

des patients, l’hospitalisation en<br />

UCC précède l’entrée en institution<br />

alors que l’objectif des unités est de<br />

permettre le retour au lieu de vie<br />

d’origine des patients. « Un échange<br />

autour des pratiques et des projets<br />

paraît aujourd’hui primordial, afin<br />

d’améliorer la qualité de la prise en<br />

charge des patients et de leurs ai -<br />

dants », a estimé Marie Noblet-Dick.<br />

Depuis 2009, 55 UCC ont été ou -<br />

vertes, et d’autres sont en cours de<br />

création. Reste à savoir si le maillage<br />

territorial sera suffisant pour assurer<br />

des besoins de plus en plus<br />

criants. Moins de la moitié des<br />

120 unités prévues à l’horizon 2012<br />

ont, à ce jour, ouvert leurs portes. *<br />

JOËLLE MARASCHIN<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 11<br />

BURGER/PHANIE


ACTUALITÉ<br />

CULTURE<br />

ESSAI<br />

Autisme<br />

Les enfants autistes restent encore trop souvent<br />

négligés. Ce livre vient donner des clés pour mieux<br />

les <strong>com</strong>prendre et <strong>com</strong>muniquer avec eux. Paradoxe<br />

incontournable de leur <strong>com</strong>portement : c’est pour<br />

se protéger d’une hypersensibilité au monde qu’ils se<br />

sont renfermés sur eux-mêmes. Comment expliquer<br />

la non-cession de la voix chez l’enfant autiste ?<br />

Existe-t-il un, ou des autismes ? L’autisme est-il une<br />

impossibilité d’être ou une possibilité de n’être pas ?<br />

Les regards de différents psychanalystes viennent<br />

éclairer toutes ces questions. C. I.<br />

Les paradoxes de l’autisme, sous la direction<br />

de Jean-Daniel Causse et Henri Rey-Flaud,<br />

Éditions Érès, 10 €. 񡑁񡑁񡑁<br />

LIVRE JEUNESSE<br />

Si j’étais…<br />

Pour que les enfants n’aient plus peur d’aller<br />

chez le médecin ou à l’hôpital, un livre ludique<br />

et pédagogique leur fait endosser une mini-blouse<br />

blanche. Les voilà médecins pour une heure,<br />

responsables de faire l’examen de leurs peluches,<br />

d’établir le diagnostic et le traitement. Des cartes,<br />

fiches et accessoires en carton permettent<br />

de se familiariser avec la santé. C. I.<br />

Si j’étais… docteur, Éditions Larousse, 15,90 €. 񡑁񡑁񡑁<br />

ROMAN POLICIER<br />

Trouble jeu<br />

Sarah, l’héroïne de ce roman noir à l’écriture alerte,<br />

est infirmière…, <strong>com</strong>me l’auteur. Qui, naturellement,<br />

connaît l’hôpital et ses rouages <strong>com</strong>me sa poche.<br />

Elle y a situé son intrigue, véritable ballet à trois dans<br />

un service psychiatrique où les danseurs évoluent<br />

toujours sur un fil. Sarah, tour à tour maligne<br />

ou manipulée, battante ou abattue, frise la paranoïa<br />

dans une réalité qui lui apparaît distordue… Qui sont<br />

vraiment Yann et Daniel, l’un sociopathe, l’autre<br />

psychiatre ? Ce sera au lecteur d’en décider.<br />

Car, jusqu’à la dernière page, cette partie d’échecs<br />

grandeur nature ne livre pas toutes ses feintes. M. N.<br />

Trouble Miroir, Anita Banos-Dudouit,<br />

Éditions du Bout de la rue, 15 €. 񡑁񡑁񡑁<br />

RÉFLEXION<br />

Autour du nouveau-né<br />

À l’heure où l’on projette de réduire à 48 heures<br />

les séjours en maternité, cet ouvrage nous rappelle<br />

l’importance d’ac<strong>com</strong>pagner les jeunes parents dans<br />

leur accès parfois difficile à la parentalité. Dans<br />

ce repérage des difficultés parents-enfants, dès les<br />

premièrs instants de la vie, l’échelle de Brazelton<br />

se révèle un outil particulièrement adapté. L’auteur<br />

dresse un bilan passionnant de l’apport de ce modèle<br />

d’observation élaboré par le pédiatre américain<br />

et témoigne de sa propre expérience. H. T.<br />

Ce que nous apprennent les bébés, Drina 񡑁񡑁񡑁<br />

Candilis-Huisman, Érès, 13 €.<br />

񡑀񡑀񡑀<br />

ZOOM<br />

L’IVG en BD<br />

Une épopée débridée<br />

sur la thémathique de<br />

l’avortement avant 1974.<br />

France, 1973… Derniers jours<br />

de l’avortement clandestin<br />

dans l’Hexagone. Dans Des<br />

salopes et des anges, le romancier<br />

Tonino Benacquista et l’illustratrice<br />

Florence Cestac suivent l’épopée<br />

de trois femmes en route pour<br />

Londres, où l’intervention est possible,<br />

dans un bus affrété par le<br />

Mlac (le Mouvement pour la liberté<br />

de l’avortement et de la contraception).<br />

L’une est une bourgeoise de<br />

Neuilly enceinte de son amant et<br />

dont le mari, médecin, reste totalement<br />

opposé à l’IVG. Deuxième<br />

personnage: une bénévole du Mlac,<br />

qui se re trouve à la place des<br />

femmes qu’elle conseille et ac<strong>com</strong>pagne<br />

d’habitude à l’étranger. La<br />

troisième héroïne est une jeune<br />

femme de 22 ans, dont le <strong>com</strong>pagnon<br />

se refuse à devenir père tant<br />

qu’il n’a pas « fait carrière ». Culpa -<br />

bilité, colère, honte, tristesse, mais<br />

aussi <strong>com</strong>plicité et solidarité féminines,<br />

tous ces sentiments sont évoqués,<br />

avec humour et délicatesse.<br />

Sérieusement documenté, l’ouvrage<br />

tombe à pic pour rappeler aux plus<br />

jeunes, ou à ceux qui l’auraient<br />

oublié, le <strong>com</strong>bat pour accéder à<br />

l’avortement et le vécu des femmes<br />

obligées de vivre cette épreuve dans<br />

la clandestinité. La BD revient également<br />

sur l’histoire de l’avortement<br />

à travers les âges, et retrace la lutte<br />

pour l’émergence du droit à l’IVG<br />

en France. Elle raconte avec émotion<br />

les trois jours et deux nuits de<br />

débats à l’Assemblée na tionale, qui<br />

abou tirent, in extremis, à la dépé -<br />

na li sation de l’avortement grâce à la<br />

loi Veil. Un album à re <strong>com</strong>mander,<br />

à toutes et à tous! *SANDRA MIGNOT<br />

Des salopes et des anges, Tonino<br />

Benacquista et Florence Cestac,<br />

Éd. Dargaud, 13,95 €.<br />

PAGE RÉALISÉE PAR CAROLE IVALDI,<br />

SANDRA MIGNOT, MICHÈLE<br />

NONCLERCQ ET HÉLÈNE TRAPPO<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 13


REPORTAGE<br />

MÉDECINE MAYA<br />

Guérir, question<br />

d’équilibre<br />

Au Guatemala, les Mayas ont conservé de leur grandeur passée une lecture du monde<br />

particulière. Leur perception de la santé et des soins l’est également. Un ajq’ij<br />

– chaman – depuis une vingtaine d’années, nous fait partager sa journée de soignant.<br />

14 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

TEXTE : LAURE GRUEL - PHOTOS : STÉPHANE MOIROUX


« Il y a des mois<br />

que j’ai mal<br />

au crâne. Je<br />

ne pensais pas<br />

consulter, mais<br />

deux de mes<br />

vaches sont<br />

mortes<br />

récemment. »<br />

Don Marcelo,<br />

ajq’ij,<br />

diagnostique<br />

un q’ijalxik chez<br />

son patient.<br />

« On en souffre<br />

quand on ne<br />

réalise pas sa<br />

destinée, celle<br />

indiquée par<br />

son jour de<br />

naissance.»<br />

Don Marcelo<br />

<strong>com</strong>mence le<br />

dé<strong>com</strong>pte des<br />

t’zité. « Je les<br />

utilise pour<br />

mesurer le<br />

temps. Il faut<br />

partir du jour de<br />

naissance du<br />

patient. Je peux<br />

ainsi découvrir<br />

ses problèmes<br />

et ceux de ses<br />

ancêtres. »<br />

Tout a <strong>com</strong>mencé par un accident de foot.<br />

Un ballon reçu sur la tête, une perte de<br />

connaissance. Depuis, Pedro souffre continuellement.<br />

Une peur intense et permanente<br />

l’habite, il ressent des frissons dans<br />

le dos, a perdu l’appétit et toute sensation de plaisir.<br />

Inquiet, son père est venu consulter Don Alberto (1) ,<br />

l’ajq’ij (2) , « le médecin-prêtre » ou guérisseur. Celui-ci<br />

diagnostique un susto, qui signifie « peur » en espagnol.<br />

Au cœur de la nature<br />

Les raisons de consulter un ajq’ij sont multiples: mal<br />

de tête, échec dans les affaires, détermination d’une<br />

date pour un mariage, souffrance psychologique, mort<br />

des bêtes dans une ferme... Alors qu’en Occident, l’approche<br />

de la maladie est exclusivement biomédicale,<br />

ici, la perception du processus santé-maladie est tout<br />

autre. L’homme maya vit au cœur de la nature, en interaction<br />

permanente avec elle. Il se doit de chercher un<br />

équilibre avec chaque être, humain, animal, végétal et<br />

minéral, tout en se respectant lui-même. La médecine<br />

maya ne sépare pas le biologique du psychique, du<br />

social, de l’environnemental, ni du cosmique, la santé<br />

00-CREDITPHOTO<br />

REPORTAGE<br />

MÉDECINE MAYA<br />

étant la résultante de cette attention à ce qui entoure<br />

l’homme, à ce qu’il est, le point d’équilibre parfait. La<br />

maladie vient signifier la rupture de cette harmonie,<br />

un déséquilibre. Elle ne se limite pas aux désordres biologiques.<br />

Ainsi, être triste, ne pas avoir d’énergie pour<br />

travailler ou ne pas avoir de terrain à cultiver sont perçus<br />

<strong>com</strong>me des problèmes de santé. « La maladie porte<br />

un sens qui se déchiffre. C’est un enseignement », <strong>com</strong>mente<br />

Don Alberto.<br />

Treize mois et neuf lunes<br />

Mais seuls ceux qui y sont destinés ont le pouvoir de<br />

lire les maux et de révéler leur signification. En effet,<br />

pour prétendre devenir ajq’ij, il faut être né un jour<br />

particulier du calendrier maya. Celui-ci est <strong>com</strong>posé<br />

de treize mois de vingt jours, « le temps de neuf lunes,<br />

la durée d’une grossesse », souligne Don Alberto. Il<br />

explique: chaque jour a un sens individuel, une énergie<br />

propre, modulée par le nombre (entre un et treize) qui<br />

lui est associé. Le jour de notre naissance, notre nawal<br />

(âme) détermine nos traits psychologiques innés et<br />

notre vocation professionnelle. Il définit notre identité.<br />

On ne peut s’y soustraire. Ainsi, si Don Alberto a tou- 񡑀<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 15


REPORTAGE<br />

MÉDECINE MAYA<br />

Don Alberto<br />

explique: « Le<br />

frère de mes<br />

patientes souffre<br />

d’un moxrik,<br />

ce que vous<br />

appelleriez<br />

“folie” en<br />

Occident.<br />

Son équilibre<br />

ne peut être<br />

restauré sans<br />

améliorer<br />

l’équilibre<br />

familial. »<br />

« Nous sommes<br />

venues consulter<br />

pour notre frère.<br />

Il a peur. Il reste<br />

enfermé avec un<br />

fusil dans sa<br />

maison. Il est<br />

devenu bizarre<br />

et ne veut pas<br />

entendre parler<br />

de consultation.<br />

Il dit qu’il va<br />

bien »,<br />

<strong>com</strong>mentent les<br />

trois femmes.<br />

񡑀<br />

16 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

Pour remercier<br />

l’Ajaw, « qui a<br />

créé tout ce qui<br />

se trouve<br />

sur Terre », les<br />

ajq’ijab utilisent<br />

des fleurs, des<br />

bougies et de<br />

la résine de pin.<br />

jours su qu’il deviendrait ajq’ij, ce n’est pas le cas de sa<br />

consœur, Celina. Celle-ci a découvert sa vocation suite<br />

à une pénible maladie: « J’ai été malade pendant trois<br />

ans. Je souffrais de vertiges, de tremblements et d’une<br />

infection de la peau. Les médicaments n’avaient aucun<br />

effet. Alors, je suis allée voir un ajq’ij. Il m’a révélé mon<br />

jour de naissance et ma vocation. Il m’a appris que je<br />

devais moi aussi exercer la médecine de nos ancêtres.<br />

Cela m’a guérie. Les médecins modernes sont incapables<br />

de soigner ce genre de maladie. »<br />

Après cette révélation, Celina<br />

est partie se former auprès des<br />

anciens et a métissé cet apprentissage<br />

de sa propre expérience.<br />

La médecine maya est essentiellement<br />

empirique.<br />

Désormais, tout <strong>com</strong>me les autres ajq’ijab’, elle connaît<br />

et manipule le calendrier maya avec aisance. À l’aide<br />

d’une figure d’étoile, elle calcule le jour de naissance,<br />

évalue la destinée, mesure les risques de maladie, chiffre<br />

l’espérance de vie. « Pour la science occidentale, l’humain<br />

est <strong>com</strong>posé de milliards de cellules; pour nous, il est<br />

formé de milliards de chiffres », décrit-elle.<br />

Pour les Mayas, l’être<br />

humain est formé<br />

de milliards de chiffres<br />

De précieux outils diagnostics<br />

Don Alberto utilise également la science calendaire et<br />

l’arithmétique. Ce sont de précieux outils diagnostics<br />

et étiologiques. Il est justement en train de chercher<br />

les raisons du trouble de Pedro. Pour cela, il l’interroge<br />

longuement, détermine son jour de naissance et son<br />

influence énergétique, et aligne des tz’ité (haricots secs).<br />

Cette manipulation l’aide à découvrir les causes<br />

enfouies, voire déniées par le patient. Il s’agit souvent<br />

de fautes, de haines, de rancœurs ou de peurs occultées.<br />

Parfois, il arrive que le malade ne soit pas lui-même à<br />

l’origine d’une faute ou qu’il n’ait pas lui-même vécu<br />

une situation terrifiante, mais que cela soit arrivé à l’un<br />

de ses grands-parents ou arrière-grands-parents.<br />

L’énergie néfaste de cet épisode s’est alors transmise<br />

par l’intermédiaire d’une pathologie que le malade ne<br />

peut <strong>com</strong>prendre. Dans de tels cas, Don Alberto interroge<br />

directement les ancêtres décédés en lisant les mou-


L’ajq’ij<br />

agenouillé prie<br />

l’Ajaw, le dieu<br />

créateur et<br />

formateur<br />

(ci-contre).<br />

Des bougies<br />

de six couleurs<br />

différentes ont<br />

été disposées<br />

pour la<br />

cérémonie<br />

(ci-dessous).<br />

Les lieux de<br />

recueillement<br />

sont choisis<br />

pour leurs<br />

propriétés<br />

spirituelles, ici,<br />

le pied d’un<br />

grand arbre<br />

(à droite).<br />

« Pour soigner<br />

un moxrik,<br />

je cueille<br />

cinq feuilles<br />

d’oranger, cinq<br />

de citronnier<br />

et une petite<br />

branche de<br />

basilic. Ensuite,<br />

le patient doit<br />

demander<br />

sa guérison<br />

au nord, au sud,<br />

à l’est et<br />

à l’ouest »,<br />

détaille<br />

Don Marcelo.<br />

REPORTAGE<br />

MÉDECINE MAYA<br />

vements d’un feu lors d’une cérémonie. « C’est parfois<br />

difficile de trouver les racines d’un problème, surtout<br />

lorsqu’il remonte aux ancêtres. Il faut alors plusieurs<br />

consultations pour les découvrir. On ne sait pas toujours<br />

par où <strong>com</strong>mencer, il y a une montagne de problèmes,<br />

cela donne mal à la tête. Je conseille alors à mes patients<br />

de revenir quatre ou cinq jours plus tard et d’être attentifs<br />

à leurs rêves. Les interpréter m’aide beaucoup », confie<br />

l’ajq’ij. Une consultation diagnostique peut durer plus<br />

de trois heures. Le patient y vient rarement seul. Son<br />

conjoint, ses parents, enfants, frères, sœurs, oncles,<br />

tantes l’ac<strong>com</strong>pagnent souvent. Dans une perspective<br />

holistique, les guérisseurs n’isolent jamais leurs patients<br />

de leur environnement psychosocial.<br />

La perte du jaleb’<br />

Don Alberto a diagnostiqué pour Pedro un xib’rikil,<br />

traduction maya de susto. L’adolescent, lors de son<br />

match de football, a perdu son jaleb’, l’une des deux<br />

âmes que chacun possède, selon les croyances mayas.<br />

Situé dans le plexus solaire, le jaleb’ est le centre des<br />

émotions telles que l’amour, la haine, ou même, tout<br />

simplement, le plaisir ressenti à l’ombre d’un arbre<br />

lorsqu’il fait chaud. Ce qui explique que Pedro n’éprouve<br />

plus aucun émoi, à part la peur.<br />

Selon le DSM (Manuel diagnostique et statistique des<br />

troubles mentaux), le susto est un « syndrome lié à la<br />

culture », c’est-à-dire qu’il se rencontre exclusivement<br />

dans une aire géographique précise, en l’occurrence le<br />

Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.<br />

Cette maladie suscite des controverses chez les psychiatres<br />

occidentaux. Ne se développe-t-elle que dans<br />

certaines cultures, ou présente-t-elle une expression<br />

différente d’un trouble identifié en Occident mais<br />

dénommé autrement? Pour le DSM, « différentes présentations<br />

du susto peuvent s’apparenter au trouble<br />

dépressif majeur, à l’état de stress post-traumatique et<br />

aux troubles somatoformes ». Don Alberto ne partage<br />

pas ce point de vue. Il n’utilise pas les mêmes critères<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 17<br />

񡑀


REPORTAGE<br />

MÉDECINE MAYA<br />

Si l’origine de<br />

la maladie est<br />

attribuée au jour<br />

de naissance, il<br />

est nécessaire<br />

de rééquilibrer<br />

les charges<br />

énergétiques de<br />

celui-ci. L’ajq’ij<br />

allume un feu<br />

et brûle de<br />

l’encens pour<br />

convoquer les<br />

dieux reliés au<br />

jour concerné.<br />

Chacun des vingt jours du calendrier maya a une signification particulière<br />

et est symbolisé par un glyphe. Ainsi, si Bat’z est le jour de la sagesse,<br />

Tzi’kin sera celui du <strong>com</strong>merce, Ajm’aq celui des ancêtres...<br />

񡑀<br />

diagnostiques et étiologiques. Pour lui, trois types de<br />

facteurs peuvent être responsables de ce trouble: les<br />

catastrophes naturelles, la rencontre avec un esprit malveillant–il<br />

n’est pas rare, ici, affirme-t-il, d’en croiser<br />

certains, <strong>com</strong>me le Gardien de la forêt ou la Maîtresse<br />

de l’eau– et les épisodes de violence. « Pendant la guerre<br />

civile (1960-1996), nous sommes nombreux à avoir vécu<br />

ou assisté à des viols, des tortures et des meurtres.<br />

Malheureusement, ce type d’agression est encore très cou-<br />

18 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

rant aujourd’hui », <strong>com</strong>mente le guérisseur. Le xib’rikil<br />

peut aussi avoir sa source dans des circonstances où la<br />

violence paraît plus insignifiante, <strong>com</strong>me lorsqu’il s’agit<br />

de ragots, d’injustices ou de réveils brusques. En fait,<br />

cette pathologie trouve toujours son origine dans un<br />

situation vécue <strong>com</strong>me inattendue, menaçante, terrifiante.<br />

« Après un accident, les gens vont à l’hôpital, ils<br />

sont soignés, mais ils gardent un sentiment de peur. Ils<br />

ont perdu leur jaleb’. S’il est possible de vivre longtemps<br />

sans son jaleb’, les états de panique restent très fréquents<br />

», ajoute Don Alberto. Surviennent alors souvent:<br />

troubles du sommeil, paralysies faciales, coliques<br />

hépatiques, repli social. Une situation invalidante qui<br />

peut entraîner la mort du sujet, « ou la folie », précise<br />

encore l’ajq’ij.<br />

Le susto est l’une des six maladies identifiées par les<br />

ajq’ijab’ <strong>com</strong>me affectant la dimension mentale.<br />

Chacune conjugue des signes physiques, psychologiques<br />

et émotionnels qui ne peuvent s’entendre<br />

uniquement dans leur dimension individuelle. Ces<br />

six pathologies constituent des maladies évolutives.<br />

Chacune requiert un traitement spécifique, culturellement<br />

pertinent. Aussi, pour le guérir, Don Alberto<br />

préconise à Pedro la cérémonie du yikb’al. Demain,<br />

ils se rendront ensemble sur le lieu de son traumatisme.<br />

Don Alberto y appellera le jaleb’ de son patient<br />

avant qu’il ne disparaisse. « Le yikb’al n’est pas toujours<br />

possible, explique t-il, il ne faut pas attendre pour faire<br />

cette cérémonie, car le jaleb’ ne reste pas longtemps sur<br />

les lieux de l’accident. Il peut s’en aller, voire s’accrocher<br />

à un animal qui passerait par là, <strong>com</strong>me un chat ou un<br />

chien. »


Ainsi, le premier pas vers la guérison est la <strong>com</strong>préhension<br />

des fondements du trouble. « Chaque maladie<br />

a sa racine, il faut la chercher », assène le guérisseur.<br />

C’est elle qui détermine le traitement à suivre. Les soins<br />

débutent habituellement par une purification corporelle.<br />

L’ajq’ij réalise un « lavement spirituel » en balayant<br />

le corps du patient avec des branchages de plantes spécifiques<br />

(citron, tabac...). Il s’agit de retirer de l’organisme<br />

les énergies négatives de la maladie. Ingestion<br />

de plantes, massage, forme de psychothérapie, cérémonie<br />

d’offrandes appartiennent également à l’arsenal<br />

thérapeutique des guérisseurs. Dans tous les schémas<br />

de traitement, la spiritualité est privilégiée <strong>com</strong>me principe<br />

régulateur de l’équilibre. La guérison, <strong>com</strong>me la<br />

maladie, est un processus qui peut s’avérer long.<br />

Un jour pour la sagesse<br />

Il est temps pour Don Alberto de prendre congé de son<br />

patient. Aujourd’hui, nous sommes le 9 Bat’z et il est<br />

attendu à une cérémonie. En chemin vers la forêt voisine,<br />

il explique: « Chaque année, nous nous retrouvons<br />

entre ajq’ijab’ pour célébrer ce jour du 9 Bat’z. Bat’z représente<br />

la sagesse. On invoque son énergie, elle nous aide<br />

à avoir de la force et du discernement pour soigner nos<br />

patients. » Sous les pins, des femmes disposent les fleurs<br />

disposées en cercle: arums, roses, marguerites. Au centre,<br />

le maître de cérémonie trace le symbole de<br />

Bat’z – un cercle divisé en trois– avec du sucre. Dans<br />

le calendrier maya, chaque jour est personnifié tel un<br />

dieu. Bat’z est le principe cocréateur de la vie supérieure.<br />

On le représente sous la forme d’un fil ou d’une<br />

corde, qui illustre le déroulement de la vie de l’être<br />

humain, mais aussi celui du temps et de l’histoire.<br />

Sur le glyphe, s’ajoutent maintenant bougies, résine et<br />

miel. Des offrandes, pour remercier, mais aussi pour<br />

demander. La cire des chandelles et le miel concentrent<br />

l’essence d’une multitude de fleurs. Quoi de plus beau<br />

à offrir que ce panaché de nature à celui qui l’a créée?<br />

Les ajq’ijab’ se coiffent d’un tissu rouge et allument les<br />

La région<br />

du Quiché est<br />

peuplée à 88 %<br />

par les Mayas.<br />

Si leur culture<br />

est toujours<br />

admirée,<br />

ils sont, aussi,<br />

socialement<br />

discriminés.<br />

Celina participe à la cérémonie de l’une de ses consœurs. Les ajq’ijab<br />

échangent souvent sur leurs pratiques et s’entraident.<br />

Le feu est un élément central du soin des praticiens mayas. En lisant<br />

ses soubresauts, l’ajq’ij peut découvrir l’origine du trouble du patient.<br />

bougies. Au siècle dernier, les guérisseurs auraient<br />

porté des plumes d’oiseau, peut-être de quetzal, signe<br />

d’élévation de l’esprit, de <strong>com</strong>munication avec le créateur.<br />

Les plumes furent interdites, le symbole est resté.<br />

Don Alberto entonne de longues mélopées. Les ajq’ijab’<br />

s’agenouillent et prient. Les flammes montent haut,<br />

c’est bon signe.<br />

Longtemps, ces pratiques de soin ont été bannies.<br />

Aujourd’hui, elles sont mises à mal par les bouleversements<br />

culturels qui s’opèrent dans les campagnes du<br />

Guatemala. Les valeurs occidentales et les nombreux<br />

mouvements religieux naissants malmènent les traditions.<br />

Pourtant, la région souffre d’un cruel manque<br />

de ressources sanitaires. On ne dénombre qu’un médecin<br />

et une infirmière pour 11 500 habitants, et aucune<br />

stratégie de santé n’a été culturellement définie (méconnaissance<br />

de la langue maya locale, différences d’interprétation<br />

des symptômes, prix des traitements). Don<br />

Alberto s’inquiète de cette situation. Alors, avec d’autres<br />

ajq’ijab’, il a décidé de réagir. Regroupés en association,<br />

ils s’organisent pour sauvegarder leurs connaissances,<br />

faire reconnaître leurs pratiques et transmettre au plus<br />

grand nombre cette médecine traditionnelle héritée<br />

de leurs ancêtres. *<br />

1- Don Alberto est membre de l’ONG Medicos Descalzos. Elle a pour<br />

mission de revaloriser la médecine traditionnelle maya et de favoriser<br />

l’accès des populations rurales du Guatemala à des soins de santé<br />

primaire.<br />

2- Ajq’ij (pluriel : ajq’ijab’) se prononce « arkir ».<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 19


SUR LE TERRAIN<br />

ENQUÊTE<br />

INFIRMIÈRE DANS L’HUMANITAIRE<br />

Une autre<br />

carrière<br />

20 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

À la suite de l’épidémie de<br />

rougeole qui s’est déclarée<br />

en février 2011 au Malawi,<br />

MSF a lancé une campagne<br />

de vaccination de masse<br />

et d’urgence sur plusieurs<br />

districts du pays.<br />

L’environnement humanitaire évolue, le rôle qu’y joue l’infirmière également. Si les<br />

responsabilités ont toujours été au rendez-vous, on recherche de plus en plus de profils<br />

spécialisés. Et les possibilités de faire carrière sont toujours présentes, à condition<br />

d’accepter de quitter le soin. SANDRA MIGNOT


MÉDECINS SANS FRONTIÈRES<br />

Le milieu humanitaire a beaucoup évolué<br />

depuis les années 1980, résume à grands traits<br />

Amélie Courcaud, adjointe chargée des programmes<br />

santé à la direction des relations et<br />

des opérations internationales de la Croix-<br />

Rouge française et IDE. Au début, les gens qui partaient<br />

à l’international donnaient de leur temps, parfois sur<br />

leurs vacances. Ils n’étaient pas forcément rémunérés. Ils<br />

faisaient juste leur métier dans un contexte différent. »<br />

Au fil du temps, les fonctions se sont professionnalisées<br />

– même si l’expression plaît peu dans le secteur sanitaire.<br />

« Cela pourrait signifier qu’on faisait un peu n’importe<br />

quoi avant, <strong>com</strong>mente Isabelle Bioh-Johnson,<br />

infirmière de par sa formation initiale et désormais<br />

adjointe au directeur des opérations internationales<br />

chez Médecins du monde. Ce qui n’était pas le cas. Mais<br />

pour ma première mission, en 1994, je n’avais pas de profil<br />

de poste, par exemple », se souvient-elle.<br />

Progressivement, un statut du travailleur humanitaire–<br />

créé en 1995 puis précisé en 2005, via le volontariat en<br />

service international (VSI)– a d’abord défini un cadre<br />

d’emploi plus précis (lire encadré p. 22). Les infirmières<br />

sont passées du statut de bénévole à celui de volontaire,<br />

avec une rémunération, modeste certes, mais garantissant<br />

néanmoins un minimum et l’accès à une protection<br />

sociale. « Ensuite, à la fin des années 1990, se<br />

sont développées les formations (DU, masters…), et les<br />

infirmières ont de plus en plus endossé des rôles de<br />

coordination », poursuit Amélie Courcaud.<br />

Fonctions d’encadrement<br />

L’évolution de l’environnement humanitaire serait également<br />

à mettre sur le <strong>com</strong>pte d’une structuration plus<br />

importante des organisations imposée par les bailleurs<br />

de fonds, selon Isabelle Bioh-Johnson. « En développant<br />

le financement de l’aide humanitaire, ils nous ont imposé<br />

des charges administratives et de gestion plus lourdes,<br />

explique-t-elle. Si les fonctions de coordination médicale<br />

existaient il y a quinze ans, elles nous permettaient de<br />

rester davantage auprès des équipes sur le terrain que<br />

dans notre bureau devant un ordinateur. »<br />

Aujourd’hui, à l’expatriation, on retrouve des IDE aux<br />

postes de coordinateur médical, coordinateur de projet,<br />

voire chef de mission. Certaines se sont tout simplement<br />

formées sur le terrain. « Nous travaillons beaucoup<br />

sur le développement des parcours professionnels,<br />

explique Laurent Sabard, responsable de programmes<br />

chez Médecins sans frontières et Iade. Par le choix des<br />

missions que nous leur confions progressivement, nous<br />

Depuis 2001, MSF mène un<br />

programme de prise en charge<br />

des malades du sida au Malawi.<br />

Dans les centres de santé, la<br />

prévention de la transmission<br />

du VIH de la mère à l’enfant<br />

est un thème essentiel.<br />

Prévention<br />

poussons les infirmier(e)s à évoluer vers les fonctions<br />

d’encadrement. » C’est ce qui est arrivé à Tania Carrasco,<br />

engagée dans l’humanitaire depuis 2006, devenue coordinatrice<br />

de projet dès 2007 et actuellement adjointe<br />

au chef de mission en Haïti. Il faut dire que les fonctions<br />

d’IDE pures deviennent de plus en plus rares sur le terrain,<br />

sauf dans les missions d’extrême urgence, dont la<br />

durée est, par nature, courte. Chez MSF, on explique<br />

cette évolution par le fait que l’ONG s’investit de plus<br />

en plus dans de gros programmes hospitaliers: « Cela<br />

représente plus de 50 % de nos programmes », note Otto<br />

Ziwsa, responsable service gestion de pool chez MSF.<br />

Or, sur ce type de programmes, il existe généralement<br />

déjà un staff local. Du coup, pour 560 expatriés, seuls<br />

60 occupent des postes d’IDE. Chez Médecins du<br />

monde, qui s’investit davantage dans le développement<br />

que dans l’action d’urgence, le mot d’ordre est la<br />

formation du personnel national.<br />

« Nous avons développé de plus en<br />

plus ce principe qu’il ne faut pas faire<br />

à la place de, et que notre spécificité,<br />

c’est de renforcer les <strong>com</strong>pétences et<br />

d’apporter des moyens techniques »,<br />

résume Isabelle Bioh-Johnson. Conséquence: « Actuel -<br />

lement, sur 180 expatriés, nous avons neuf infirmier(e)s<br />

sur le terrain (une sur un poste d’IDE, une sur un poste<br />

d’Ibode, sept sur des postes d’encadrement). »<br />

Même si l’expérience de terrain est capitale dans l’évolution<br />

de carrière, beaucoup d’infirmiers ressentent<br />

aussi le besoin de confirmer leur <strong>com</strong>pétence par un<br />

diplôme supplémentaire. « Plus on évolue dans la coordination,<br />

plus on a besoin de connaissances en matière<br />

administrative, logistique, financière, ressources hu -<br />

maines », justifie Tania, qui a suivi le master I en coordination<br />

de projet à l’Ifaid de Bordeaux après deux ans<br />

chez MSF, ainsi qu’un diplôme de médecine tropicale<br />

à Anvers. Isabelle BIoh-Johnson avait, elle, préféré<br />

acquérir d’abord un DU de médecine tropicale et suivre<br />

une formation en gestion des soins à l’institut Bioforce<br />

avant de s’investir dans sa toute première mission.<br />

Des profils experts<br />

DU ou masters sont cependant loin d’être une exigence<br />

dans toutes les ONG. À l’exception de la Croix-Rouge,<br />

où les infirmiers sont recrutés au niveau master II pour<br />

des postes de coordination. « L’humanitaire est devenu<br />

un métier, avec une expertise particulière », explique<br />

Amélie Courcaud. Ailleurs, c’est l’évolution des profils<br />

des candidats qui dicte le changement. « Par la force<br />

SUR LE TERRAIN<br />

ENQUÊTE<br />

« Notre spécificité,<br />

c’est de renforcer les<br />

<strong>com</strong>pétences locales »<br />

񡑀<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 21<br />

MÉDECINS SANS FRONTIÈRES


SUR LE TERRAIN<br />

ENQUÊTE<br />

SE FORMER<br />

> Un diplôme de<br />

coordonnateur de<br />

projet de solidarité<br />

internationale et locale<br />

(niveau Master I),<br />

proposé, à Bordeaux,<br />

par l’Institut de<br />

formation et d’appui<br />

aux initiatives de<br />

développement (Ifaid).<br />

www.ifaid.org<br />

> Un master européen<br />

de santé tropicale-santé<br />

internationale,<br />

ouvert à Bordeaux-2.<br />

www.troped.org<br />

> Les masters en santé<br />

publique de l’Institut<br />

de médecine tropicale<br />

d’Anvers.<br />

www.itg.be<br />

> Un diplôme<br />

de coordinateur de<br />

projet de solidarité<br />

internationale (niveau<br />

master II), proposé<br />

par Bioforce, à Lyon.<br />

www.bioforce.asso.fr<br />

> Les DU de médecine<br />

tropicale : Bordeaux-2,<br />

Marseille, Montpellier-1,<br />

Paris-7, Rennes-1…<br />

񡑀<br />

Dans la plupart des ONG,<br />

les premières missions sont<br />

effectuées sous le statut<br />

de volontaire de solidarité<br />

internationale (régi par une<br />

loi de février 2005), qui<br />

permet une rémunération<br />

sous la forme d’une<br />

indemnité, non imposable<br />

et non soumise aux<br />

cotisations sociales. Sa<br />

rétribution s’échelonne, en<br />

fonction des organisations<br />

et des responsabilités<br />

assumées, entre 487 €<br />

(Croix-Rouge française)<br />

et 915 € (Médecins du<br />

monde). La protection<br />

des choses, de plus en plus d’infirmières postulent avec<br />

un DU en médecine tropicale, voire un master en santé<br />

publique. Alors, on privilégie ces profils », explique<br />

Hortense Bayaert, chargée des ressources humaines<br />

chez Médecins du monde.<br />

Une autre évolution, con<strong>com</strong>ittante à celle de l’action<br />

humanitaire en général, est celle de la multiplication<br />

des postes spécialisés. « Les moyens techniques disponibles<br />

sur le terrain ont beaucoup progressé », résume<br />

Florence Fermon, IDE et référent vaccination chez<br />

MSF. « Par exemple, autrefois, pour une fracture du<br />

fémur, on posait une broche, et ensuite, le patient restait<br />

six mois en traction, immobilisé, se souvient Laurent<br />

Sabard. Aujourd’hui, on pose un clou centro-médullaire.<br />

22 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

MÉDECINS SANS FRONTIÈRES<br />

EXPATRIÉS<br />

Statuts et conditions d’emploi<br />

sociale est prise en charge<br />

par l’employeur. Après<br />

plusieurs mois d’expérience<br />

sur le terrain (par exemple,<br />

12 chez MSF, 24 chez<br />

Action contre la faim),<br />

les professionnels peuvent<br />

accéder à un poste salarié.<br />

Un « CDD d’usage » sera<br />

généralement d’abord<br />

proposé, contrat de travail<br />

dont le terme peut être<br />

facilement reconduit et<br />

pour lequel la loi n’exige<br />

pas de délai de carence :<br />

il est ainsi possible<br />

d’enchaîner deux CDD sur<br />

deux missions différentes<br />

Dans les pays où<br />

elle intervient, MSF<br />

s’est investie dans<br />

la formation des<br />

soignants locaux.<br />

Ici, au Cambodge,<br />

une infirmière<br />

autochtone se rend<br />

régulièrement<br />

chez les patients<br />

des villages de<br />

sa région. Elle<br />

leur apporte leurs<br />

médicaments et<br />

les aide à suivre<br />

leur traitement.<br />

En anesthésie, on a maintenant des respirateurs tropicalisés,<br />

on dispose de davantage de molécules… Quant<br />

à la stérilisation, les autoclaves se sont généralisés. » Les<br />

personnels formés à l’utilisation de ces techniques ont<br />

désormais leur place en mission: Ibode, Iade, puéricultrices,<br />

sages-femmes, infirmières hygiénistes sont,<br />

désormais, également recherchées par les ONG. « En<br />

terme de qualité des soins, c’est plus intéressant », ajoute<br />

Laurent Sabard.<br />

Professionnels locaux<br />

L’inconvénient, pour une ONG <strong>com</strong>me MSF, où cette<br />

tendance se fait plus particulièrement sentir, c’est que<br />

les profils d’infirmiers spécialisés évoluent rarement<br />

vers des postes de coordination. « Ce sont davantage<br />

des gens qui vont faire une, ou deux expériences professionnelles.<br />

Or, chez nous, ce sont plutôt les profils généraux<br />

qui évoluent vers les postes<br />

sans que cela crée<br />

une obligation légale<br />

d’embauche définitive.<br />

Sur le terrain, les salaires<br />

peuvent s’échelonner<br />

de 1 300 à 3 100 € bruts.<br />

À l’indemnité du volontaire<br />

<strong>com</strong>me au salaire de<br />

l’expatrié s’ajoutent un<br />

per diem ou une allocation<br />

pour les dépenses du<br />

quotidien. La Croix-Rouge<br />

ne recourt pratiquement<br />

pas au statut de volontaire<br />

et signe un CDD pour<br />

chaque « délégué ».<br />

Pour en savoir plus :<br />

www.clong-volontariat.org<br />

L’action de la<br />

Croix-Rouge<br />

française en Haïti,<br />

après le séisme de<br />

2010, est sa<br />

mission la plus<br />

importante<br />

à ce jour à<br />

l’international,<br />

avec 35 expatriés<br />

et 350 salariés<br />

nationaux sur<br />

le terrain.<br />

d’encadrement, et nous en avons de<br />

moins en moins. » Environ 30 % des<br />

infirmiers engagés par MSF ne partent<br />

pas plus de deux fois en mission<br />

sur toute leur carrière. Ils sont<br />

le même nombre à effectuer plus de<br />

cinq missions. Or, il faut au moins<br />

douze mois de terrain pour devenir<br />

coordinateur de projet… Du coup,<br />

l’ONG tourne désormais son regard<br />

vers les professionnels de santé des<br />

pays du Sud. « À chaque fois que<br />

c’est possible, nous recrutons des professionnels<br />

de santé locaux qui,<br />

ensuite, peuvent devenir des ex -<br />

patriés sur d’autres missions en<br />

tant que coordinateurs », résume<br />

Laurent Sabard. Les <strong>com</strong>pétences


en soins infirmiers ne sont pas présentes dans tous les<br />

pays. « Et, localement, des situations peuvent se dégrader<br />

très vite, souligne Isabelle Bioh-Jonhson. À l’occasion<br />

d’une catastrophe naturelle ou de migrations, les professionnels<br />

de santé peuvent disparaître très rapidement. »<br />

Dans des situations de conflit, la formation peut être<br />

stoppée pendant plusieurs années et engendrer une<br />

perte importante en personnel qualifié. « Ainsi, en<br />

Centre-Afrique ou au Malawi, nous avons globalement<br />

du mal à recruter du personnel paramédical », note<br />

Florence Fermon. En revanche, Médecins sans frontières<br />

a pu recruter d’excellents infirmiers en Côte<br />

d’Ivoire. Il faut préciser que l’ONG, bien que spécialisée<br />

dans l’urgence, s’investit de plus en plus dans de gros<br />

projets hospitaliers. « D’ailleurs, cela crée une autre évolution<br />

dans notre recrutement: le besoin en cadres de<br />

soins, pour superviser toutes les équipes infirmières et<br />

aides-soignantes, précise Otto Siwsa.<br />

Engagement et vie familiale<br />

Enfin, <strong>com</strong>me le montrent les cursus professionnels<br />

des personnes que nous avons rencontrées dans cette<br />

enquête, les évolutions au siège des organisations sont<br />

largement ouvertes aux infirmières désireuses de s’engager.<br />

Isabelle Bioh-Johnson avait effectué sa première<br />

mission dans un poste d’infirmière en 1994 en Bosnie,<br />

elle est aujourd’hui adjointe à la direction chez MDM,<br />

après avoir travaillé dans d’autres ONG à des postes de<br />

coordinatrice médicale, voltigeuse médicale puis responsable<br />

de desk. Au fil de l’évolution, certains postes<br />

permettent même de <strong>com</strong>biner engagement professionnel<br />

et vie familiale, et il reste possible de partir sur<br />

le terrain, mais moins souvent. « Je pars encore une à<br />

deux fois par mois, note Isabelle, qui est maman d’une<br />

petite fille. Mais cela n’a rien à voir avec le poste de voltigeuse<br />

médicale où il fallait partir en urgence–parfois<br />

CROIX-ROUGE FRANÇAISE<br />

SUR LE TERRAIN<br />

Fonctions d’encadrement<br />

Chef de mission<br />

Il est le responsable<br />

final de la mission.<br />

Il chapeaute tous<br />

les projets installés<br />

dans un même pays.<br />

Il s’agit d’un poste<br />

de gestion (budget,<br />

RH, finances,<br />

administration…),<br />

avec une forte<br />

dimension de<br />

représentation<br />

politique auprès<br />

des autorités et des<br />

partenaires locaux.<br />

Il peut avoir une<br />

formation de<br />

base médicale,<br />

paramédicale<br />

ou non médicale,<br />

selon les activités<br />

développées par<br />

l’ONG dans le pays.<br />

Chez MSF, un tiers<br />

des chefs de mission<br />

sont de formation<br />

paramédicale.<br />

Coordinateur<br />

de projet<br />

Sous l’autorité du<br />

chef de mission,<br />

il se consacre à la<br />

supervision d’un des<br />

projets de terrain<br />

de l’organisation.<br />

Il veille au bon<br />

fonction nement<br />

des activités,<br />

à l’utilisation<br />

correcte des<br />

ressources et à<br />

la progression vers<br />

les objectifs fixés.<br />

Il s’assure également<br />

du respect des<br />

principes, de<br />

l’éthique et des<br />

règles de sécurité.<br />

Chez MSF, 57 %<br />

d’entre eux sont de<br />

formation infirmière.<br />

Coordinateur<br />

médical<br />

Il a nécessairement<br />

dans les douze heures–pour évaluer les besoins sur des<br />

situations de conflit ou de catastrophe naturelle. Je passais<br />

60 % de mon temps sur le terrain, je n’aurais pas pu le<br />

faire plus de deux ans. »<br />

Le parcours de Laurent Sabard n’est pas moins intéressant.<br />

Parti pour une première mission après dix années<br />

d’expérience hospitalière et une spécialisation en anesthésie,<br />

il a ensuite alterné les missions exclusivement<br />

pour MSF (grâce à des employeurs particulièrement<br />

enclins à lui accorder des mises en disponibilité) avant<br />

de démissionner définitivement de l’hôpital, en 2010.<br />

Après quelques missions courtes <strong>com</strong>me infirmier, il<br />

est passé coordinateur de projet, chef de mission, puis<br />

a enchaîné différentes missions de<br />

desk: coordinateur d’urgence, responsable<br />

des ressources humaines<br />

(avec l’acquisition d’une licence en<br />

RH au passage), puis responsable<br />

de programme… Il a évidemment<br />

expérimenté tous les types de statut:<br />

volontaire, CDD, CDI. Avec, à la clé, un parcours<br />

qui amène à quitter réellement la profession d’infirmier.<br />

« Je ne me suis plus sentie infirmière à partir du moment<br />

où je suis devenue responsable de desk, résume Isabelle<br />

Bioh-Johnson. Mais je trouve que mon parcours est co -<br />

hérent, j’ai appris beaucoup dans chacun de mes postes,<br />

et je reste totalement en accord avec la philosophie et<br />

l’engagement de l’ONG pour laquelle je travaille. » *<br />

SUR LE TERRAIN<br />

ENQUÊTE<br />

une formation<br />

de médecin<br />

ou d’infirmier. Il<br />

développe tout<br />

l’encadrement<br />

médical des<br />

projets : mise<br />

en place des<br />

protocoles, recueil<br />

des données<br />

statistiques<br />

et de l’information<br />

médicale,<br />

évaluation de la<br />

qualité, rapport<br />

d’activités…<br />

Il assure<br />

l'encadrement,<br />

la supervision<br />

et la formation des<br />

équipes médicales<br />

et évalue le<br />

personnel sous<br />

sa responsabilité.<br />

Chez MSF, 17 %<br />

d’entre eux ont<br />

une formation<br />

paramédicale.<br />

Certains parcours<br />

amènent à quitter<br />

réellement la profession<br />

d’infirmier(e)<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 23


SUR LE TERRAIN<br />

RENCONTRE AVEC<br />

Son caractère volontaire et des rencontres<br />

décisives l’ont amenée au métier d’infirmière.<br />

Aujourd’hui, après un master en organisation,<br />

Françoise Mourot est chargée de la conduite<br />

de projets dans un hôpital francilien.<br />

Itinéraire d’une bû<br />

Le franc parler, le regard direct et la volubilité<br />

de Françoise Mourot témoignent d’une force<br />

de caractère particulière. Il en faut pour suivre<br />

son parcours. Sur le mur de son bureau, la<br />

Déclaration des droits de l’homme de 1789.<br />

« Je suis très attachée à l’éthique républicaine, à la liberté<br />

de parole aussi. » Et à la liberté tout court. Il lui en a fallu<br />

une bonne dose et pas mal de courage ou d’inconscience<br />

pour décider, à 16 ans, de quitter l’école. La mé -<br />

canique générale, vraiment, ce n’était pas pour elle. « Les<br />

joies de l’orientation, <strong>com</strong>mente-t-elle aujourd’hui. On<br />

avait peut-être remarqué mon esprit technique, mon sens<br />

de l’organisation... » Seule fille au milieu de 40 garçons,<br />

elle décide d’arrêter. Première bifurcation, radicale.<br />

Kiné ou infirmière ?<br />

Malgré l’inquiétude de sa mère et de sa grand-mère,<br />

elle choisit d’entrer en apprentissage chez un photographe<br />

de quartier. Là où elle a grandi, « dans le 9-3, à<br />

l’époque, ça ne s’appelait pas encore <strong>com</strong>me ça ». Dans<br />

l’obscurité du laboratoire, elle développe en noir et<br />

blanc, puis en couleur. « Au-delà de<br />

la photographie, dans cette entreprise<br />

familiale, j’ai appris très vite une<br />

chose dont on parlait peu à l’époque<br />

et beaucoup aujourd’hui: la qualité,<br />

observe Françoise. Le client doit être<br />

livré dans les temps, le travail doit<br />

être bien fait et du premier coup,<br />

sinon, ça coûte. » La prise de vue lui fait de l’œil mais<br />

ses clichés ne l’emballent pas. Et au bout de cinq ans,<br />

sans avoir pu passer le CAP de photographe, « je me<br />

suis rendu <strong>com</strong>pte que la vie que je souhaitais avoir, je<br />

ne l’aurais jamais avec ce travail-là. Il me fallait d’abord<br />

le baccalauréat ». Une rencontre lui fait découvrir le<br />

« J’ai <strong>com</strong>pris que je<br />

n’aurais jamais la vie<br />

que je voulais avec<br />

ce travail-là »<br />

24 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

Françoise<br />

Mourot<br />

« Je reste au service<br />

des soignants, pour<br />

le patient. Je suis<br />

toujours soignante. »<br />

D. BALICKI<br />

Centre national d’enseignement à distance (Cned).<br />

Deuxième bifurcation.<br />

Tout en développant des photos, elle prépare, seule, un<br />

bac scientifique. Son projet: devenir kiné, parce qu’elle<br />

a « une bonne image de ce métier ». Le bac lui échappe<br />

cependant et ce projet avec. Lorsqu’elle tente de se<br />

replier sur le métier d’aide-soignante, une directrice<br />

d’école lui conseille celui d’infirmière. Troisième bifurcation?<br />

« Il y avait deux filières au concours, se souvient<br />

Françoise. Une partie était ouverte aux candidates non<br />

bachelières. En réussissant un premier concours, elles<br />

pouvaient tenter le concours d’entrée, <strong>com</strong>me les bachelières.<br />

Cela n’existe plus aujourd’hui, et c’est dommage<br />

parce qu’on n’a pas vraiment besoin du bac pour être<br />

infirmière, lance-t-elle, consciente d’être un peu iconoclaste.<br />

Quand j’ai passé mon certificat d’études, je<br />

savais faire des règles de trois, des pourcentages, des calculs<br />

de vitesse. Je vois beaucoup d’aide-soignantes qui<br />

n’ont pas le bac mais qui possèdent une vraie vocation<br />

soignante. »<br />

Un vrai métier<br />

16 février 1981. Françoise connaît la date par cœur:<br />

c’est celle de son entrée à l’école d’infirmières. Elle a<br />

gardé la lettre qui lui annonce son admission: « Je savais<br />

que c’était la chance de ma vie. » Trois ans plus tard, elle<br />

a appris un métier qui va vraiment changer le cours de<br />

son existence. Et lui permettre de quitter son HLM.<br />

Les années suivantes, aux urgences et en réa à l’hôpital<br />

Saint-Louis (Paris), lui ont laissé un « super souvenir.<br />

J’ai beaucoup aimé la réa parce que c’était très riche dans<br />

le soin et la réflexion. Mais je ne pensais pas y rester toute<br />

ma carrière. Et puis j’ai toujours eu l’idée de devenir<br />

infirmière anesthésiste ». Elle enchaîne avec les études<br />

ad hoc. Quatrième bifurcation!


cheuse<br />

LE MASTER<br />

D’ORGANISATION<br />

ET DE CONDUITE<br />

DU CHANGEMENT<br />

AU CNAM<br />

> Accessible<br />

à bac+3 (ou<br />

équivalent), il<br />

<strong>com</strong>prend des<br />

enseignements<br />

théoriques,<br />

un stage tutoré<br />

de quatre<br />

à six mois,<br />

la soutenance<br />

d’un rapport<br />

de mission et<br />

d’une note de<br />

<strong>com</strong>mentaires<br />

et d’approfon -<br />

dissement.<br />

> Plus<br />

d’informations<br />

sur le site<br />

du Cnam :<br />

http://petitlien.<br />

fr/5qyi<br />

Françoise exerce dix ans à Lariboisière (Paris), « dont<br />

au moins huit sans jamais m’ennuyer, précise-t-elle.<br />

J’arrivais en chantant le matin, j’avais des collègues formidables...<br />

Peut-être parce que dans un CHU, il y a une<br />

émulation. Le drame de l’AP-HP, c’est qu’elle a le plus<br />

beau potentiel intellectuel et humain mais que ça ne<br />

marche pas... » L’ennui qui s’installe peu à peu, ce n’est<br />

pas son style. Elle prend une disponibilité, <strong>com</strong>mence<br />

à travailler en intérim. « Je voulais trouver un établissement<br />

où j’aimerais travailler en le connaissant de l’intérieur.<br />

Alors, j’ai bossé dans toute l’Ile-de-France, dans<br />

le public, le privé et le PSPH. Ça a été très enrichissant,<br />

au propre <strong>com</strong>me au figuré! J’ai découvert de nombreuses<br />

façons de travailler, des organisations et des gens différents.<br />

Comme j’étais débarrassée des contraintes techniques,<br />

car je maîtrisais mon métier, je me suis demandé<br />

ce que j’avais envie de faire pendant les quinze années<br />

d’activité qu’il me restait. » Toute seule, elle réalise une<br />

sorte de bilan de <strong>com</strong>pétences. Des qualités émergent:<br />

son goût pour les questions d’organisation, pour l’analyse...<br />

Une rencontre avec un « ingénieur en organisation<br />

», lors d’un audit bloc, la fait cogiter. C’est un<br />

professionnel de santé formé au Conservatoire national<br />

des arts et métiers (Cnam). Mais « ce n’est pas ouvert à<br />

tout le monde », lui lance-t-il en la prenant de haut.<br />

Françoise remballe prestement ses souhaits de nouvelles<br />

perspectives. Mais pas pour longtemps. Elle se rend<br />

quand même au Cnam et y découvre les formations.<br />

Un diplôme d’études supérieures (Desto, bac+4) et un<br />

master de techniques de l’organisation. Elle sera candidate<br />

au premier car il est ouvert aux non-bacheliers.<br />

Un poste de faisant fonction de cadre au bloc d’un établissement<br />

francilien va lui permettre non pas de devenir<br />

cadre–elle ne le souhaite pas–, mais d’étudier en<br />

alternance. Encore une bifurcation!<br />

MOMENTS CLÉS<br />

1972 Quitte le lycée<br />

professionnel pour un<br />

apprentissage en photographie.<br />

1981 Entre à l’Ifsi.<br />

1984 Obtient le DE d’infirmière.<br />

1990 Obtient le certificat<br />

d’aptitude aux fonctions<br />

d’infirmière spécialisée<br />

en anesthésie et réanimation<br />

(diplôme d’Iade d’aujourd’hui).<br />

2008 Décroche un Master<br />

en organisation.<br />

2008 Reçoit le Trophée de la<br />

Formation continue L’Express,<br />

L’Étudiant, Les Échos.<br />

SUR LE TERRAIN<br />

RENCONTRE AVEC<br />

Une nouvelle identité<br />

« Je tremblais quand j’ai ouvert l’enveloppe des résultats.<br />

J’avais misé gros, rappelle-t-elle. J’ai été reçue au Desto.<br />

Et là, un coup de chance énorme intervient. Avec la mise<br />

en place du système LMD, le diplôme a basculé en master<br />

! » Pendant deux ans, Françoise suit les cours au<br />

Cnam une semaine par mois. Au programme: sociologie,<br />

analyse de la valeur, systèmes d’organisation,<br />

conduite de changement... Un vrai marathon, qui met<br />

sa vie personnelle entre parenthèses. Elle en sort avec<br />

une « nouvelle identité ». Françoise s’occupe désormais<br />

de la conduite de projets dans les services de soins, un<br />

poste rattaché à la DRH. « L’organisation, c’est un métier<br />

difficile, car il n’est pas toujours bien <strong>com</strong>pris, expliquet-elle.<br />

Il est souvent perçu <strong>com</strong>me une remise en question.<br />

» Elle travaille par exemple à l’organisation du<br />

plan blanc et de ses annexes (risques NRBC (1) et canicule,<br />

notamment), à des audits internes, ac<strong>com</strong>pagne<br />

les utilisateurs d’un nouveau logiciel dans les services<br />

de soins. Elle côtoie des médecins, des soignants, des<br />

professionnels de la formation, de la logistique, de la<br />

qualité ou des ressources humaines. Un certificat de<br />

contrôle de gestion et de financement des systèmes de<br />

santé <strong>com</strong>plète sa formation: « On ne peut pas travailler<br />

sur l’organisation sans réfléchir aux coûts. »<br />

Or-ga-ni-sa-tion<br />

Sur le terrain ou dans son bureau, Françoise « reste au<br />

service des soignants, pour le patient », aime-t-elle répéter.<br />

Le contact avec les patients ne lui manque pas: « Je<br />

suis toujours soignante. J’ai vraiment du respect pour les<br />

infirmières, Ce n’est pas un métier facile, et elles le font<br />

avec beaucoup de professionnalisme. Mais le soin, ce n’est<br />

pas seulement poser une perfusion, appliquer un pansement.<br />

C’est le “care”. » Il constitue un de ses leitmotive.<br />

Comme son attachement au service public. Elle est<br />

fière de son parcours et d’avoir pu (et su) dévier de sa<br />

voie initiale pour choisir la sienne. *<br />

GÉRALDINE LANGLOIS<br />

1- Nucléaire, radiologique, biologique, chimique.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 25


À LIRE<br />

RÉFLEXION<br />

PROFESSION<br />

«Quel rôle voulezvous<br />

jouer ? »<br />

La sociologue Françoise Acker estime que les<br />

infirmières doivent se faire entendre pour obtenir<br />

les conditions de travail qui permettent des soins<br />

de qualité tels qu’elles les conçoivent.<br />

Pratiques,<br />

les cahiers de<br />

la médecine<br />

utopique, n° 54,<br />

2011.<br />

« Les enjeux<br />

d’une<br />

réforme ».<br />

Entretien entre<br />

Françoise<br />

Acker et Anne<br />

Perraut-<br />

Soliveres<br />

(membre<br />

du <strong>com</strong>ité<br />

de rédaction<br />

de la revue et<br />

de L’Infirmière<br />

Magazine).<br />

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Vous observez<br />

la profession infirmière depuis plus de vingt ans.<br />

Quelle lecture avez-vous de son évolution ?<br />

FRANÇOISE ACKER : On pourrait parler d’un mouvement<br />

continu de recherche d’une autonomisation<br />

par rapport à la profession médicale. L’évolution<br />

concerne à la fois la place et la fonction de l’infirmière<br />

dans la médecine et le système de santé, les modifications<br />

du cadre de travail, et les modalités de mise en<br />

œuvre du travail lui-même. Entre les années 1960 et<br />

1980, un certain nombre de leaders infirmiers ont cherché<br />

à mettre en avant une fonction sociale de l’infirmière<br />

qui ne se limite pas à la seule mise en œuvre de<br />

soins prescrits par un médecin (1) . Ces démarches se<br />

sont ac<strong>com</strong>pagnées d’une réflexion sur les soins, leur<br />

nature, leur spécificité, leur domaine de <strong>com</strong>pétence.<br />

L’I. M. : De quelle façon s’est concrétisée cette pensée<br />

infirmière ?<br />

F.A.:Pour partie, dans le développement d’outils pour<br />

nommer, conduire, rendre <strong>com</strong>pte du travail ac<strong>com</strong>pli<br />

au quotidien : dossier de soins, diagnostics infirmiers,<br />

protocoles…, et avec l’élaboration, par des infirmiers,<br />

d’un dictionnaire des soins infirmiers qui a fixé une<br />

terminologie professionnelle. Puis, le programme de<br />

formation professionnelle initiale a été modifié, en 1979,<br />

et la formation professionnelle continue s’est développée<br />

à l’hôpital, permettant de diffuser à l’ensemble des infirmières<br />

hospitalières des approches et des réflexions<br />

sur les soins développées par quelques auteurs et<br />

« écoles » de pensée, française et internationales.<br />

L’I. M. : Les années 1960, 1970 et 1980 sont déjà loin…<br />

F.A.: En effet, et j’ai l’impression que les infirmières<br />

vivent, pour ce qui concerne la réflexion sur les soins,<br />

en partie sur les acquis de cette période. Les années<br />

1990 et les suivantes se caractérisent par une rationalisation<br />

accrue de l’offre de soins, dont la carte se re<strong>com</strong>pose<br />

sur le territoire. Les réformes se succèdent à un<br />

26 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

rythme accéléré, les établissements de santé se re -<br />

structurent et sont en chantier quasi permanent.<br />

L’organisation du travail est repensée pour accroître<br />

l’intégration des différents services et l’efficience d’ensemble.<br />

Une nouvelle articulation entre ville et hôpital<br />

se développe, avec les réseaux, mais aussi avec une<br />

reconfiguration des prises en charge des maladies chroniques<br />

et la progression du travail d’information thérapeutique<br />

et de prévention.<br />

L’I. M. : Toutes ces réformes sont d’ordre structurel…<br />

F.A.:Le travail et les conditions de sa réalisation restent<br />

effectivement peu abordés, sauf à penser que le développement<br />

des protocoles et des procédures règlent la<br />

question du travail, du sens que les professionnels lui<br />

donnent, de l’intelligence qu’ils mobilisent pour mener<br />

à bien le travail attendu. En fait, le raccourcissement<br />

des durées de séjour et le développement des prises en<br />

charge ambulatoires ont conduit les infirmières à proposer<br />

de nouveaux modes de suivi: consultation infirmière,<br />

suivi téléphonique à domicile pour assurer une<br />

gestion fluide des flux de patients. Initiés par les infirmières<br />

des services en fonction des problèmes rencontrés<br />

localement, ces aménagements sont repris par<br />

les politiques de santé–tels le plan cancer, les agences<br />

régionales de santé–, puis par les directions d’établissement<br />

pour les transformer en modèles de prise en<br />

charge à implanter de façon généralisée, dans une<br />

logique administrative et technocratique.<br />

L’I. M. : Quel en est le retentissement ?<br />

F. A. : Tout cela pèse sur la façon dont les infirmières–et<br />

les autres soignants, d’ailleurs–peuvent effectuer un<br />

travail « bien fait », selon les critères professionnels<br />

intégrés lors de la formation et de la transmission d’une<br />

culture professionnelle mais aussi tout au long de l’expérience<br />

de travail. La question du temps est devenue<br />

centrale lorsque la durée de séjour–très restreinte–est<br />

définie pour effectuer un travail conçu en fonction de<br />

seuls critères médicaux, techniques et économiques.<br />

Quand les séjours des patients sont plus longs, la question<br />

du temps cristallise aussi les difficultés à prendre<br />

en charge un nombre important de patients avec très<br />

peu de personnels. Dans tous les cas, les soignants ont<br />

le sentiment de ne pas pouvoir effectuer l’ensemble du<br />

travail que demanderait le patient, évalué en fonction


FR. VLAEMINCK<br />

de leur expertise soignante. Il leur est difficile de donner<br />

une attention suffisante à chacun, non seulement en<br />

fonction des problèmes attendus (listés) mais aussi en<br />

fonction des demandes qui s’expriment au cours des<br />

soins. Comment rester attentif aux problèmes particuliers<br />

d’un patient singulier et non pas seulement à<br />

ceux du patient de manière générale?<br />

L’I. M. : L’engagement soignant est-il encore possible<br />

au sein des établissements dans ces conditions ?<br />

F. A. : Dans l’absolu, bien sûr. Cependant, il me semble<br />

qu’il y a actuellement un déficit de temps alloué–dans<br />

le cadre du travail et sur le temps de travail–à une<br />

réflexion sur les soins, leur nature, le rôle que les soignants<br />

peuvent avoir quant aux modes de prise en<br />

charge des patients. Quels soins leur offrir, ainsi qu’à<br />

leur entourage, pour quelle santé, pour quelle société?<br />

L’I. M. : Les infirmières souffrent-elles, selon vous,<br />

d’un manque de visibilité et de porte-voix ?<br />

F. A. : Les associations professionnelles et les syndicats<br />

sont nombreux mais divisés. De fait, ils ne sont pas très<br />

visibles, et les messages des infirmières ne sont ni lisibles<br />

ni audibles pour les citoyens. Que veulent-elles?<br />

Quel rôle veulent-elles jouer? Ce sont des questions<br />

de fond, car leur quotidien dépend de leurs projets.<br />

Les infirmières sont pourtant une force incroyable:<br />

peu de secteurs regroupent quelque 500 000 personnes!<br />

Et si toutes ne partagent pas les mêmes valeurs, elles<br />

devraient pouvoir se mettre d’accord sur un socle <strong>com</strong>mun<br />

pour faire avancer leur conception des soins.<br />

L’I. M. : Elles seraient donc en partie responsables<br />

de leur situation ?<br />

F. A. : En partie oui, car elles ne disent pas grand-chose,<br />

ou très peu. Et quand ça ne va pas, certaines ont recours<br />

à la mobilité. À leur décharge, on sait bien qu’il est difficile<br />

de faire bouger les choses isolément. Je discute<br />

régulièrement avec des infirmières qui ont de très<br />

bonnes idées pour améliorer l’organisation des soins<br />

ou la prise en charge de certains types de malades, voire<br />

le système de santé, mais elles ne les expriment pas.<br />

1- Au travers<br />

du « rôle propre »,<br />

la loi du 31 mai 1978<br />

reconnaît<br />

aux infirmières<br />

un domaine<br />

de <strong>com</strong>pétence<br />

spécifique et une<br />

autonomie relative.<br />

FRANÇOISE ACKER<br />

SOCIOLOGUE<br />

> Elle est ingénieur d’études<br />

EHESS au Centre de recherche médecine,<br />

sciences, santé et société (Cermes -<br />

UMR 8211 - U988).<br />

> Ses recherches portent sur le travail<br />

infirmier et sa représentation, l’évolution<br />

de la profession infirmière, l’emploi et<br />

la formation des professions de santé.<br />

> Auteur, notamment, de «Configurations<br />

et reconfigurations du travail infirmier<br />

à l'hôpital» dans la Revue française des<br />

affaires sociales, elle a publié de nombreux<br />

articles relatifs au travail infirmier.<br />

> Actuellement, elle mène une étude<br />

sur le travail infirmier en chirurgie<br />

ambulatoire.<br />

RÉFLEXION<br />

L’I. M. : À votre avis, c’est la question de l’approche<br />

et de la réflexion collectives qui se pose ?<br />

F. A. : Oui, et dans ce contexte, je crois que le rôle des<br />

cadres de proximité est à interroger. Elles ne sont plus<br />

beaucoup dans les services. La pause-café était un<br />

moment d’échanges entre cadres et infirmiers pendant<br />

lequel les premiers revenaient sur tel ou tel cas avec<br />

une vraie liberté de ton et où les infirmières « pouvaient<br />

dire » leurs difficultés. C’est plus rare aujourd’hui.<br />

Certes, les cadres sont davantage occupées par la gestion,<br />

mais faire vivre une équipe de professionnelles<br />

est aussi une tâche importante. L’une d’elles m’a déclaré:<br />

« Après tout, elles sont autonomes ! » Mais on n’a pas la<br />

même autonomie lorsqu’on a un an d’expérience derrière<br />

soi ou quinze ans de métier, quand on a rencontré<br />

peu d’événements à partir desquels on a pu réfléchir et<br />

se repositionner. Comment s’interroger sur les règles<br />

du métier, <strong>com</strong>ment pouvoir se dire que ce n’est pas<br />

<strong>com</strong>me ça qu’on voudrait soigner. Comment soutenir<br />

le développement de l’autonomie de chacun et du<br />

groupe? Pas en laissant les professionnelles relativement<br />

livrées à elles-mêmes.<br />

L’I. M. : Peuvent-elles inverser la tendance ?<br />

F. A. : Il faut qu’elles se battent pour obtenir les conditions<br />

de travail qui permettent des soins de qualité<br />

tels qu’elles les conçoivent en tant que professionnelles<br />

de santé. Je crois qu’elles doivent défendre leur conception<br />

du soin et la façon dont elles veulent le prodiguer.<br />

Cent cinquante ans après l’ouverture des premières<br />

écoles d’infirmières, que signifie être infirmière<br />

aujourd’hui ? C’est une question qui pourrait guider<br />

leur réflexion. Je pense qu’elles peuvent trouver des<br />

appuis auprès d’autres professionnels de santé ainsi<br />

que du côté des associations de patients, mais, pour<br />

cela, il est nécessaire qu’elles créent des alliances. Je<br />

suis plutôt confiante dans leurs capacités à se mobiliser.<br />

Lorsque j’assiste à des colloques, je vois des infirmières<br />

qui, malgré les difficultés, réfléchissent,<br />

échangent, débattent. Bref, qui se passionnent pour<br />

leur profession. *<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE VLAEMŸNCK<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 27


JURIDIQUE<br />

TEXTES PARUS<br />

CONTRACEPTIFS ORAUX<br />

Les modalités pratiques<br />

de renouvellement<br />

des contraceptifs oraux<br />

par les infirmiers diplômés<br />

d’État font l’objet<br />

d’un récent décret.<br />

Ce renouvellement devra<br />

être effectué sur<br />

l’ordonnance médicale<br />

originale, où l’infirmier<br />

devra apposer son cachet,<br />

la mention « renouvellement<br />

infirmier », la durée de<br />

celui-ci et la date à laquelle<br />

il est effectué. Pour rappel,<br />

la loi HPST dispose que<br />

les IDE peuvent renouveler<br />

les prescriptions datant<br />

de moins d’un an de<br />

contraceptifs oraux, pour<br />

une durée maximale de<br />

six mois, non renouvelable.<br />

Décret n° 2012-35 du 10 janvier 2012,<br />

JO n° 0010 du 12 janvier 2012, texte n° 26 .<br />

VIVRE EN EHPAD<br />

L’Agence nationale<br />

d’évaluation de la qualité<br />

des établissements et<br />

services sociaux et médicosociaux<br />

(Anesm) publie une<br />

re<strong>com</strong>mandation de bonnes<br />

pratiques sur la vie sociale<br />

des résidents en Ehpad<br />

relative aux possiblités de<br />

« maintenir ou de renouer<br />

leurs liens sociaux extérieurs<br />

et d’en créer d’autres tant<br />

au sein de l’établissement<br />

qu’à l’extérieur ». L’Anesm<br />

propose, entre autres, de<br />

faciliter les rencontres lors<br />

des temps intermédiaires<br />

entre les soins, les repas,<br />

de favoriser la participation<br />

des résidents à « la vie<br />

de la cité » en organisant<br />

des débats sur des sujets<br />

d’actualité. L’agence incite<br />

à valider régulièrement avec<br />

le résident la désignation<br />

du référent familial faite<br />

à l’entrée en Ehpad, et celle<br />

de la personne de confiance<br />

éventuelle. (APM)<br />

Questions de lecteurs<br />

Chaque mois, nos juristes se mettent à votre disposition<br />

et répondent à vos questions juridiques les plus diverses.<br />

N’hésitez pas à nous faire parvenir vos demandes,<br />

à l’adresse suivante : im@wolters-kluwer.fr.<br />

VÉRONIQUE SOKOLOFF<br />

JURISTE SPÉCIALISÉE EN DROIT DE LA SANTÉ<br />

WWW.FORMATIONSANTEDROIT.ORG<br />

Prise en charge du suivi post-ALD<br />

Les soins d’une patiente qui n’est plus en ALD, mais qui doit être<br />

surveillée régulièrement pour dépister une éventuelle rechute,<br />

continuent-ils à être pris en charge à 100 % ?<br />

Conformément à l’article L. 322-3-10 du Code<br />

de la Sécurité sociale, un nouveau type d’exonération<br />

du ticket modérateur a été reconnu<br />

pour les patients précédemment en ALD 30<br />

pour une pathologie chronique, dont la maladie<br />

est en phase de rémission. Cependant, ce dispo -<br />

sitif, appelé « suivi post-ALD », permet une<br />

prise en charge à 100 % des seuls actes et examens<br />

mé dicaux ou biologiques nécessaires à<br />

Dépôt de biens de valeur<br />

la surveillance de l’ancienne pathologie. Ainsi,<br />

les produits de santé et les frais de transport<br />

sont exclus de son champ d’application. Le<br />

médecin traitant adresse la de mande d’entrée<br />

dans la procédure au médecin-conseil. Après<br />

accord du service médical, les praticiens feront<br />

figurer la mention « post-ALD » sur leurs<br />

ordonnances et feuilles de soins, et les patients<br />

bénéficieront de la prise en charge intégrale. *<br />

Une patiente a déposé de l’argent dans le coffre de l’établissement<br />

de santé. Au moment de son départ, elle a souhaité le retirer.<br />

Or, l’enveloppe avait disparu. La responsabilité de la structure<br />

est-elle engagée ?<br />

Aux termes de l’article L. 1113-1 du Code de<br />

la santé publique, les établissements de santé<br />

sont, qu’ils soient publics ou privés, responsables<br />

de plein droit du vol, de la perte ou de la<br />

détérioration des objets déposés–et, notamment,<br />

les sommes d’argent–entre les mains des<br />

préposés <strong>com</strong>mis à cet effet ou d’un <strong>com</strong>ptable<br />

public par les personnes qui y sont admises ou<br />

hébergées. Les établissements ont l’obligation<br />

Communication du dossier médical<br />

de proposer aux patients un service de dépôt<br />

des biens de valeur, après les avoir informés,<br />

par écrit et par oral, des différents principes de<br />

responsabilité, selon que les biens ont été ou<br />

non déposés. En effet, il faut savoir que, sauf<br />

en cas de faute imputable à l’établissement, les<br />

sommes d’argent conservées par le patient pendant<br />

son hospitalisation sont placées sous sa<br />

seule responsabilité. *<br />

L’hôpital public où je travaille <strong>com</strong>me infirmière tout en y étant<br />

suivie <strong>com</strong>me patiente refuse de me <strong>com</strong>muniquer mon dossier<br />

médical, arguant que seul mon médecin traitant peut me donner<br />

ces informations. Est-ce exact, et quels sont mes recours ?<br />

En tout premier lieu, sachez que, <strong>com</strong>me tout<br />

patient, vous avez droit, conformément à la loi<br />

du 4 mars 2002, à la <strong>com</strong>munication directe de<br />

votre dossier médical. Le fait que vous soyez<br />

salariée de l’établissement ne réduit en aucune<br />

façon ce droit d’accès, et le passage par un<br />

médecin n’est pas obligatoire. Vous pouvez réitérer<br />

votre demande par courrier en re<strong>com</strong>mandé<br />

avec accusé de réception, mettant en<br />

demeure l’hôpital d’y accéder. S’il persiste dans<br />

son refus, vous pouvez saisir la <strong>com</strong>mission<br />

d’accès aux documents administratifs (dans un<br />

délai d’un mois à <strong>com</strong>pter du refus de <strong>com</strong>mu-<br />

nication, ou de deux mois en cas de nonréponse).<br />

Vous pouvez également saisir la juridiction<br />

administrative. Dans une affaire récente<br />

(cour administrative d’appel du 20 octobre 2011<br />

- N° 10NT00271), les juges ont considéré qu’un<br />

établissement hospitalier, en refusant à maintes<br />

reprises, sans raison juridique valable, les<br />

demandes de <strong>com</strong>munication du dossier médical<br />

de son père décédé à sa fille, a <strong>com</strong>mis une<br />

faute de nature à engager sa responsabilité à<br />

son égard. Ils ont estimé que la requérante avait<br />

subi un préjudice moral et ont condamné l’hôpital<br />

à lui verser la somme de 1 000 euros. *<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 29


FORMATION<br />

CONTINUE<br />

DOSSIER<br />

LA BPCO<br />

OU BRONCHOPNEUMOPATHIE<br />

CHRONIQUE OBSTRUCTIVE<br />

32<br />

L’ESSENTIEL<br />

Signes d’alerte<br />

et diagnostic<br />

34<br />

PRISE EN CHARGE<br />

Traitements<br />

médicamenteux,<br />

oxygénothérapie<br />

et éducation<br />

thérapeutique<br />

39<br />

SAVOIR PLUS<br />

40<br />

QUIZ<br />

Enjeu majeur de santé publique, la BPCO<br />

constitue l’une des causes principales<br />

de morbidité et de mortalité dans le monde.<br />

Si des médicaments, en réduisant sa sévérité,<br />

contribuent à améliorer la qualité de vie des patients,<br />

la démarche la plus efficace reste la suppression<br />

du tabagisme. Les traitements médicamenteux<br />

– prescription de bronchodilatateurs, de corticoïdes,<br />

et oxygénothérapie – peuvent être <strong>com</strong>plétés<br />

par la réhabilitation respiratoire dès le stade modéré<br />

de la maladie, en particulier dans le cadre de l’éducation<br />

thérapeutique. La prise en charge débute par un<br />

diagnostic éducatif personnalisé, qui permet aux patients<br />

de prendre en main la gestion de leur maladie.<br />

Le rôle des équipes soignantes, où l’infirmière apporte<br />

conseil et soutien, est, ensuite, de les ac<strong>com</strong>pagner,<br />

généralement lors d’ateliers collectifs. Grâce aux<br />

échanges d’expérience, la stratégie thérapeutique<br />

de chacun sera optimisée.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 31


DOSSIER<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

L’ESSENTIEL<br />

32 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

1. DESCRIPTION<br />

La bronchopneumopathie chronique obstructive<br />

(BPCO) est une maladie respiratoire définie par une<br />

obstruction permanente et progressive des voies<br />

aériennes pouvant avoir un retentissement systémique.<br />

Première des causes d’insuffisance respiratoire<br />

chronique, elle est à l’origine d’une morbidité (handicap,<br />

exacerbations, <strong>com</strong>plications, <strong>com</strong>orbidités<br />

incluant un isolement social progressif du patient) et<br />

d’une mortalité importantes (voir Chiffres p. 37). Le<br />

tabac est le principal facteur expliquant la survenue<br />

d’une BPCO mais n’est pas le seul polluant atmosphérique<br />

impliqué (ozone, dioxyde d’azote ou de soufre,<br />

polluants domestiques, travail dans les mines, le bâtiment,<br />

la sidérurgie, le textile…). Autres facteurs de<br />

risque: la prématurité; le tabagisme passif durant la<br />

grossesse; des facteurs génétiques; des infections bronchiques<br />

virales infantiles (virus syncytial) favoriseraient<br />

la survenue ultérieure d’une BPCO.<br />

Fibrose et lésions<br />

Le trouble ventilatoire obstructif a pour origine l’altération<br />

morphologique des bronchioles, dont la<br />

lumière se rétrécit. L’épithélium, très inflammé<br />

(notamment dans la phase précoce de la maladie) est<br />

peu à peu envahi par un tissu fibreux inélastique;<br />

parallèlement, les fibres lisses péribronchiques s’épaississent.<br />

Cette fibrose, une fois constituée, est irréversible–contrairement<br />

à l’inflammation. S’y ajoutent<br />

des lésions emphysémateuses, avec distension des<br />

espaces aériens et destruction des cloisons interalvéolaires,<br />

participant à la réduction de la capacité<br />

ventilatoire car elles limitent les capacités de rétractation<br />

élastique du poumon.<br />

L’augmentation des résistances aux flux gazeux induit<br />

un accroissement de la charge mécanique respiratoire<br />

passive mais aussi de la charge active du fait des difficultés<br />

à l’expiration. L’air inspiré est inégalement<br />

réparti dans les poumons et la destruction alvéolaire<br />

réduit les échanges gazeux. Ces anomalies structurales<br />

pulmonaires sont à l’origine d’une hypoxémie qu’ac<strong>com</strong>pagne<br />

tardivement une hypercapnie.<br />

Évolution<br />

La diminution progressive des débits expiratoires,<br />

inéluctable en l’absence de traitement et de suppression<br />

du tabagisme, est <strong>com</strong>prise entre 30 et 80 mL/an.<br />

Des exacerbations aiguës de plus en plus sévères<br />

émaillent l’évolution de l’affection: elles sont le plus<br />

souvent induites par des infections virales ou bactériennes<br />

(Streptococcus pneumoniae, Haemophilus<br />

influenzae). La survenue d’un cancer bronchique est<br />

plus fréquente chez les sujets souffrant de BPCO que<br />

dans la population générale.<br />

2. SIGNES D’ALERTE<br />

Triade symptomatique<br />

La BPCO peut s’ac<strong>com</strong>pagner de toux/ expectorations/dyspnée.<br />

> La toux : elle est volontiers matinale, à prédominance<br />

hivernale. Elle finit souvent par devenir permanente.<br />

C’est un signe d’alerte généralement négligé<br />

par les patients. Pourtant, il faut suspecter l’existence<br />

d’une BPCO devant l’observation quotidienne d’une<br />

toux et d’expectorations chroniques, pendant au<br />

moins trois mois chaque année deux années successives<br />

: quelque 20 % des sujets présentant une semblable<br />

bronchite chronique développent, à terme, une<br />

dyspnée.<br />

> Les expectorations : la toux est souvent productive<br />

(les fluidifiants bronchiques n’ont cependant pas d’intérêt<br />

dans ce cas).<br />

> La dyspnée : signe d’alerte d’apparition insidieuse<br />

et tardive, finissant par pousser le patient à consulter,<br />

elle s’observe d’abord uniquement lors d’efforts physiques<br />

(sport, montée d’un escalier, port d’une charge<br />

lourde…). S’aggravant avec le temps, elle finit par<br />

s’observer même au repos, et est majorée par les épisodes<br />

infectieux. L’importance de la difficulté respiratoire<br />

est corrélée à la sévérité du trouble ventilatoire<br />

obstructif apprécié par la spirométrie (VEMS souvent<br />

<strong>com</strong>pris entre 1 000 et 1 500 mL). Lorsque la dyspnée<br />

est le seul signe de BPCO, la maladie est souvent associée<br />

à des lésions emphysémateuses. Des épisodes de<br />

« wheezing » (sifflement expiratoire) suggèrent une<br />

réversibilité de l’obstruction bronchique.<br />

Signes divers<br />

On ne doit pas considérer la BPCO <strong>com</strong>me une simple<br />

affection respiratoire. C’est, en effet, une véritable<br />

maladie sys témique, retentissant sur tout l’organisme.<br />

Ainsi:<br />

> Des troubles thymiques (dépression) et des troubles<br />

mnésiques sont fréquents dès que la PaO 2 est inférieure<br />

à 65 mmHg. Des troubles du sommeil (somnolence<br />

diurne, ronflements, céphalées matinales)<br />

traduisent une hypoxémie nocturne avec ou sans<br />

apnée du sommeil.<br />

> L’hypoxie peut induire une cyanose des extrémités.<br />

Plus grave: elle induit une amyotrophie progressive<br />

qu’entretient le handicap respiratoire. De ce fait, l’activité<br />

physique du patient est peu à peu réduite, ce<br />

qui accentue encore la fonte musculaire. Il est, à ce


STADES SPIROMÉTRIQUES ET CLINIQUES DE LA BPCO ET TRAITEMENT<br />

CARACTÉRISTIQUES<br />

TRAITEMENT<br />

STADE I (LÉGER) STADE II (MODÉRÉ) STADE III (SÉVÈRE) STADE IV (TRÈS SÉVÈRE)<br />

VEMS 80 % de la valeur prédite 50 % VEMS 80 % de la valeur<br />

prédite<br />

Symptômes chroniques inconstants<br />

Absence de dyspnée<br />

Symptômes chroniques fréquents<br />

Dyspnée d’effort<br />

titre, indispensable de suivre l’évolution de l’indice<br />

de masse corporelle (IMC) du patient.<br />

> L’insuffisance ventriculaire droite peut être à l’origine<br />

d’un œdème des membres inférieurs.<br />

Des douleurs thoraciques, possibles mais très inhabituelles<br />

dans la BPCO, inviteront à rechercher une<br />

embolie pulmonaire, un pneumothorax, une œsophagite<br />

ou un reflux gastro-œsophagien. Une hémoptysie<br />

(crachats sanguinolents) doit faire rechercher un cancer<br />

bronchique ou une insuffisance cardiaque gauche.<br />

Parmi de nombreuses échelles, le score <strong>com</strong>posite<br />

« BODE » (Body mass index, Obstruction, Dyspnea,<br />

Exercice capacity) (2004) semble le meilleur facteur<br />

prédictif de la survie ; il prédit mieux la mortalité que<br />

chacun de ces <strong>com</strong>posants considéré isolément.<br />

3. ÉTAPES DU DIAGNOSTIC<br />

La recherche d’une BPCO devrait être proposée systématiquement<br />

aux patients à risque, en premier lieu<br />

aux fumeurs de plus de 40 ans. Le diagnostic mérite<br />

d’être porté avec grand soin car les symptômes peuvent<br />

être en rapport avec une autre pathologie pulmonaire<br />

et, notamment, avec une <strong>com</strong>plication du<br />

tabagisme (cancer bronchique) ou avec une maladie<br />

associée (cardiopathie, par exemple). La démarche<br />

diagnostique est réalisée en plusieurs étapes : observation<br />

clinique, dépistage d’une éventuelle anomalie<br />

du souffle à l’aide d’un débitmètre de pointe (« peakflow<br />

») ou d’un spiromètre, d’une radiographie… Ce<br />

diagnostic implique donc des explorations fonctionnelles<br />

respiratoires (EFR) de repos.<br />

> La spirométrie constitue l’étalon pour classifier la<br />

sévérité de la BPCO en quatre stades (voir tableau).<br />

Cet examen simple (mini-spiromètre électronique<br />

mis en œuvre par le médecin de famille) mesure la<br />

capacité vitale (CV) et le VEMS au cours d’une épreuve<br />

d’expiration forcée. Une diminution du coefficient de<br />

Tiffeneau (rapport VEMS/CV) en dessous de 70 %<br />

confirme la réalité du trouble ventilatoire. Une BPCO<br />

VEMS/CV < 70 %<br />

30 % VEMS 50 % de la valeur<br />

prédite<br />

Réduction des facteurs de risque : vaccination antigrippale ; bronchodilatateur de courte durée d’action (si besoin)<br />

Un ou plusieurs bronchodilatateur(s) de longue durée d’action. Réhabilitation<br />

Source : adapté, d’après la Société de pneumologie de langue française (SPLF 2009), Rev. Mal. Resp. (2010), 27, pp.573-576.<br />

VEMS 30 % de la valeur prédite, ou<br />

VEMS 50 % de la valeur prédite avec insuffisance<br />

respiratoire chronique<br />

Symptômes chroniques quasi constants<br />

Dyspnée au moindre effort ou dyspnée de repos<br />

Glucocorticoïdes inhalés sous forme d’association fixe si exacerbations répétées<br />

(les glucocorticoïdes inhalés seuls n’ont pas d’indication en France)<br />

Oxygénothérapie de longue durée si insuffisance<br />

respiratoire chronique. Traitements chirurgicaux<br />

reste d’intensité peu sévère si le VEMS est ≥ 80 % ; elle<br />

est très sévère lorsqu’il chute à < 30 %.<br />

> La pléthysmographie permet d’apprécier la résistance<br />

des voies aériennes ou la capacité résiduelle<br />

fonctionnelle.<br />

> Les tests dits de « réversibilité » : pratiqués en<br />

ob servant la réponse à l’administration d’un médicament<br />

bronchodilatateur (bêta-2-mimé tique), ces<br />

tests permettent d’éliminer un diagnostic d’asthme<br />

ou d’hyperréactivité bronchique car le VEMS n’est<br />

pas modifié en cas de BPCO. Une amélioration de<br />

plus de 10 % du VEMS par rapport à la valeur théorique<br />

constitue un critère de réversibilité et de bon<br />

pronostic à long terme (bien qu’une amélioration des<br />

signes fonctionnels puisse être observée lors d’un traitement<br />

au long cours, même en l’absence d’impact<br />

d’une administration ponctuelle). L’ineffi cacité des<br />

bronchodilatateurs fait proposer un test aux corticoïdes<br />

sur deux semaines.<br />

> La radiographie pulmonaire ne permet pas de<br />

poser un diagnostic de BPCO mais de repérer ses<br />

<strong>com</strong>plications: distension pulmo naire (emphysème),<br />

infection pulmonaire, pneumo thorax, hypertension<br />

artérielle pulmonaire…, ou de découvrir une tumeur.<br />

Le scanner thoracique, de meil leure sensibilité, facilite<br />

le diagnostic d’emphysème pulmonaire, dont il révèle<br />

la topographie.<br />

> La fibroscopie bronchique, réalisée, notamment,<br />

chez un sujet tabagique ou ancien nement tabagique<br />

ou en cas d’évolution bru tale de l’affection, vise à éliminer<br />

un diagnostic de cancer.<br />

>L’électrocardiogramme, indiqué chez tous les<br />

patients, recherche des signes d’hypertrophie ventriculaire<br />

droite ou des <strong>com</strong>plications cardiaques liées<br />

au tabagisme.<br />

> Une BPCO sévère justifie la recherche d’une éventuelle<br />

hypoxémie (gazométrie artérielle, numération<br />

formule sanguine à la recherche d’une polyglobulie). *<br />

DENIS RICHARD, PRATICIEN HOSPITALIER,<br />

CH HENRI-LABORIT, POITIERS.<br />

LA BPCO<br />

GLOSSAIRE<br />

> Emphysème :<br />

destruction des<br />

espaces aériens<br />

pulmonaires,<br />

au-delà<br />

des bronchioles<br />

terminales,<br />

source<br />

d’augmentation<br />

du volume<br />

résiduel.<br />

> Gazométrie<br />

artérielle :<br />

dosage des gaz<br />

dissous dans<br />

le sang artériel<br />

et détermi -<br />

nation du pH<br />

du sang.<br />

> Hypercapnie :<br />

surcharge du<br />

sang artériel<br />

en CO 2.<br />

> Hypoxémie :<br />

diminution<br />

de la pression<br />

partielle en<br />

oxygène dans<br />

le sang artériel.<br />

> Pléthysmo<br />

graphie :<br />

technique<br />

permettant<br />

d’évaluer<br />

les variations<br />

de pression<br />

ou de volume<br />

du thorax<br />

et de mesurer<br />

la capacité<br />

pulmonaire<br />

totale et la<br />

résistance des<br />

voies aériennes.<br />

> Spirométrie :<br />

évaluation des<br />

débits<br />

respiratoires.<br />

> VEMS (volume<br />

expiratoire<br />

maximal en<br />

une seconde) :<br />

volume d’air<br />

expiré pendant<br />

la première<br />

seconde<br />

d’une expiration<br />

dite « forcée »,<br />

suite à<br />

une inspiration<br />

profonde.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 33


DOSSIER<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

PRISE EN CHARGE<br />

Du traitement symptomatique<br />

à l’éducation du patient<br />

34 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

1. LE TRAITEMENT DE FOND<br />

La stratégie thérapeutique<br />

Le traitement de fond de la BPCO, symptomatique<br />

et le plus souvent administré en continu de façon<br />

indéfinie, repose sur la prescription d’un ou de deux<br />

bronchodilatateurs ou d’un bronchodilatateur associé<br />

à un corticoïde. Les formes évoluées peuvent justifier<br />

une oxygénothérapie plus ou moins régulière. Ce traitement<br />

a pour objet de lever la bronchoconstriction<br />

et, de façon plus ou moins récurrente, il contribue à<br />

limiter les phases d’exacerbation. Les objectifs définis<br />

dans les re<strong>com</strong>mandations sont de plusieurs ordres:<br />

- contrôler et prévenir les symptômes d’insuffisance<br />

respiratoire;<br />

-améliorer la fonction respiratoire et ralentir son<br />

déclin;<br />

- réduire la dyspnée;<br />

- augmenter la tolérance à l’exercice;<br />

- améliorer la qualité de vie;<br />

- prévenir les <strong>com</strong>plications (exacerbations, handicap,<br />

insuffisance respiratoire) et réduire la mortalité.<br />

Un dispositif d’inhalation adapté<br />

> L’inhalation d’une poudre sèche est parfois à l’origine d’une<br />

irritation de la gorge, d’une toux, d’un enrouement : cette gêne est<br />

prévenue par un rinçage de la gorge après l’administration<br />

du médicament.<br />

> L’usage de solutions en nébuliseur sous pression requiert une<br />

coordination mains-poumons que ne peuvent réaliser tous les<br />

patients : le recours à un dispositif d’inhalation sans coordination<br />

(poudre sèche type Ventilastin Novolizer®) peut être, dès lors, préféré.<br />

Toutefois, même l’utilisation de ce dispositif nécessite une formation<br />

préalable et des contrôles réguliers de la technique d’utilisation.<br />

La projection intraoculaire d’un anticholinergique expose à un risque<br />

de douleur ou de gêne oculaire, de vision floue transitoire avec halo<br />

visuel coloré associé à une rougeur et à un œdème cornéoconjonctival.<br />

> L’usage d’un nébuliseur pneumatique ou à ultrasons<br />

ou d’une chambre d’inhalation n’est justifié que dans les situations<br />

d’exacerbation avec bronchoconstriction sévère.<br />

Sevrage tabagique et vaccination<br />

Le traitement de la BPCO n’a de sens que s’il s’ac<strong>com</strong>pagne<br />

d’une abstinence totale de tabac (y <strong>com</strong>pris en<br />

cas de tabagisme passif). C’est la première et la plus<br />

importante des mesures thérapeutiques: elle peut<br />

interrompre la progression de l’obstruction bronchique.<br />

Les substituts nicotiniques et autres médicaments<br />

d’aide au sevrage (bupropion, varénicline)<br />

peuvent être prescrits ou conseillés sans problème.<br />

N’oublions pas la vaccination antigrippale annuelle,<br />

qui réduit de 50 % la morbidité et la mortalité<br />

induites par la BPCO. La vaccination contre le pneumocoque<br />

est également re<strong>com</strong>mandée tous les cinq<br />

ans : elle réduit à tout âge l’incidence des pneumopathies<br />

bactériémiques.<br />

Réhabilitation respiratoire<br />

À côté du traitement médicamenteux et dès le stade<br />

modéré de la maladie, la réhabilitation respiratoire<br />

améliore la qualité de vie et diminue la consommation<br />

globale de soins, mais elle nécessite une coopération<br />

du patient (voir Éducation thérapeutique p. 38). Au<br />

programme: ré-entraînement à l’exercice physique,<br />

réadaptation à l’effort, kinésithérapie respiratoire, prise<br />

en charge nutritionnelle et psychosociale.<br />

Traitements médicamenteux<br />

Bronchodilatateurs<br />

Ces médicaments constituent l’essentiel du traitement<br />

de fond de la BPCO, avec une préférence pour les<br />

formes inhalées. Administrés « à la demande » pour<br />

amender des phases d’aggravation intermittentes, et<br />

en continu pour prévenir ou réduire les symptômes<br />

persistants, ils appartiennent à trois familles pharmacologiques<br />

distinctes:<br />

> Les bêta-2-mimétiques. Exerçant une action stimulante<br />

sur les récepteurs bêta-2-adrénergiques des<br />

fibres lisses bronchiques, leur sélectivité explique<br />

qu’ils n’induisent que peu de risques cardio-vasculaires<br />

(tachycardie, troubles du rythme…), et l’usage<br />

par inhalation réduit les effets iatrogènes systémiques<br />

(surtout observés chez les sujets âgés: tremblement


des extrémités, crampes, céphalées, hypokaliémie).<br />

Une réversibilité très partielle de l’obstruction bronchique<br />

peut être observée sous bêta-2-mimétiques.<br />

Les molécules d’action courte (salbutamol, terbutaline,<br />

non LP = Bricanyl) se distinguent de celles à<br />

action prolongée (formotérol = Asmelor, Foradil,<br />

Formoair; salmétérol = Serevent, Seretide, actifs environ<br />

12 heures; indacatérol = Onbrez, actif 24 heures).<br />

Récem ment <strong>com</strong>mercialisé, l’indacatérol (Onbrez,<br />

Oslif) a une action bronchodilatatrice puissante maintenue<br />

sur 24 heures et agit 5 minutes après inhalation:<br />

il associe donc l’intérêt d’une action prolongée à celui<br />

d’une action locale.<br />

Le bambutérol (Oxéol) agit 24 heures après administration<br />

orale. Mais l’administration d’un bêta-2mimétique<br />

par inhalation doit rester privilégiée car<br />

l’index thérapeutique est meilleur: la forme orale n’est<br />

justifiée que chez les patients incapables d’utiliser les<br />

formes inhalées.<br />

> Les anticholinergiques. Antagonistes des récepteurs<br />

muscariniques des fibres lisses bronchiques, ils<br />

inhibent les effets cholinergiques (bronchoconstriction)<br />

induits par l’acétylcholine libérée à partir des<br />

fibres nerveuses parasympathiques. Les deux anticholinergiques<br />

indiqués en pneumologie se distinguent<br />

par leur durée d’action:<br />

- l’ipratropium (Atrovent) a une durée d’action courte ;<br />

-le tiotropium (Spiriva) a une durée d’action supérieure<br />

à 24 heures, ce qui entraîne un effet sur le débit<br />

expiratoire mesuré sur le nycthémère supérieur à ceux<br />

d’un anticholinergique de courte durée d’action ou<br />

d’un bêta-2-mimétique de longue durée d’action.<br />

L’administration des anticholinergiques par inhalation<br />

réduit l’incidence de leurs effets indésirables. Ils doivent<br />

être prescrits avec prudence en cas de glau<strong>com</strong>e<br />

à angle fermé, d’hypertrophie de la prostate ou de<br />

rétrécissement du col de la vessie. Ils exposent à un<br />

risque de sécheresse buccale, ce qui favorise la survenue<br />

de caries dentaires. Cette xérostomie, apparaissant<br />

trois à cinq semaines après le début du<br />

traitement, régresse au bout de plusieurs mois<br />

L’association d’un bêta-2-mimétique à un anticholinergique<br />

(Bronchodual) améliore l’observance<br />

et est additive sur les débits expiratoires, sans améliorer<br />

la symptomatologie par rapport à chacun des<br />

produits administré séparément.<br />

> Les méthylxanthines. Théophylline (Dilatrane,<br />

Euphylline, Théostat LP) et bamifylline (Trentadil)<br />

sont efficaces en association aux bêta-2-mimétiques,<br />

mais leur index thérapeutique étroit non négligeable<br />

(signes digestifs annonciateurs d’un surdosage avec<br />

nausées et vomissements, céphalées, insomnie, arythmies,<br />

état de mal épileptique même en l’absence d’anté -<br />

cédents neurologiques) <strong>com</strong>me le risque d’inter actions<br />

médicamenteuses expliquent que leur administration<br />

ne soit re<strong>com</strong>mandée qu’en cas de difficultés d’utili-<br />

À ne pas confondre...<br />

LA BPCO<br />

Il est facile de confondre la BPCO avec d’autres affections<br />

respiratoires voisines parce qu’elles se traduisent également<br />

par une dyspnée et des expectorations :<br />

> L’asthme est une maladie avant tout inflammatoire dont les<br />

premiers symptômes s’observent dès l’enfance. Évoluant par crises<br />

successives, il induit une toux sèche et des difficultés respiratoires,<br />

y <strong>com</strong>pris au repos. L’asthme est réversible sous traitement,<br />

contrairement à la BPCO.<br />

> La bronchectasie est une dilatation permanente et irréversible des<br />

bronches, d’origine généralement acquise (infection, intoxication,<br />

maladie immunitaire…) entraînant une réduction rapide du VEMS<br />

(50 mL/an en moyenne). Son pronostic est sévère.<br />

Un traitement<br />

de forme<br />

inhalée est<br />

à privilégier<br />

par rapport<br />

aux formes<br />

orales<br />

sation des bronchodilatateurs inhalés ou d’amélioration<br />

insuffisante de la dyspnée. La posologie usuelle<br />

est de 7 à 12 mg/kg/j en deux prises sans dépasser<br />

800 mg/j.<br />

> Le choix entre ces trois familles et les associations<br />

entre ces médicaments dépendent de la réponse individuelle<br />

du patient.<br />

Un traitement par un bronchodilatateur d’action prolongée,<br />

plus efficace sur les débits expiratoires, est<br />

souvent plus adapté qu’un traitement avec une forme<br />

d’action courte, mais il n’apporte pas d’avantages sur<br />

la réduction de la dyspnée ou sur l’amélioration de la<br />

tolérance à l’effort. Il est re<strong>com</strong>mandé chez les patients<br />

utilisant des bronchodilatateurs plusieurs fois par<br />

jour. Si la réponse à l’une des deux classes principales<br />

de bronchodilatateurs n’est pas satisfaisante, il est<br />

logique d’opter pour l’autre.<br />

Les bronchodilatateurs de longue durée d’action, quels<br />

qu’ils soient, sont des traitements de fond, mais n’ont<br />

pas d’indication dans le traitement des épisodes<br />

paroxystiques de BPCO.<br />

Glucocorticoïdes<br />

Le mécanisme physiopathologique de l’inflammation<br />

des voies aériennes diffère dans l’asthme et la BPCO,<br />

d’où des profils de réponse thérapeutique aux glucocorticoïdes<br />

distincts.<br />

> Corticothérapie inhalée. Tous les corticoïdes semblent<br />

avoir une efficacité similaire. L’administration<br />

n’est indiquée que chez les patients de stades III-IV<br />

présentant des exacerbations répétées malgré une<br />

prise en charge correcte et une observance satisfaisante<br />

: dans ces situations, elle réduit les signes cliniques,<br />

le nombre d’exacerbations et, globalement,<br />

améliore la qualité de vie. L’association d’un corticoïde<br />

à un bêta-2-mimétique de longue durée d’action<br />

(Innovair, Seretide, Symbicort) améliore l’observance<br />

du traitement et peut augmenter le VEMS (volume<br />

expiratoire maximal en une seconde) par rapport à<br />

l’impact de chacun de ces deux traitements administré<br />

isolément.<br />

En France, aucun corticoïde n’a d’AMM pour une<br />

administration isolée dans la BPCO. Ce traitement<br />

expose à une iatrogénie à ne pas négliger: pneumonies,<br />

raucité de la voix (se rincer la gorge après chaque 񡑀<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 35


DOSSIER<br />

TÉMOIGNAGE<br />

La<br />

corticothérapie<br />

orale<br />

expose à des<br />

effets<br />

indésirables<br />

potentiels<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

񡑀<br />

36 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

ALAIN MUREZ<br />

PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION<br />

FRANÇAISE DES ASSOCIATIONS<br />

ET MALADES INSUFFISANTS<br />

RESPIRATOIRES (FFAAIR). ATTEINT<br />

DE BPCO DÉCLARÉE DEPUIS 2005.<br />

Des résultats probants<br />

« J’étais confronté à un surpoids<br />

important, ce qui est doublement<br />

handicapant car l’obésité à un<br />

effet négatif sur la capacité<br />

respiratoire et favorise<br />

la sédentarité. À l’opposé, les<br />

patients dénutris ne vont pas<br />

mieux car ils sont beaucoup plus<br />

exposés aux <strong>com</strong>plications, ce qui<br />

constitue un facteur péjoratif<br />

quant au pronostic vital. Dans les<br />

deux cas, l’éducation nutritionnelle<br />

doit faire partie intégrante de la<br />

prise en charge de manière à<br />

ramener les patients dénutris à un<br />

statut pondéral et musculaire<br />

correct et les patients en surpoids<br />

à un équilibre alimentaire plus sain<br />

et à une masse musculaire plus<br />

tonique. Entretenir sa musculature<br />

par l’exercice physique est<br />

le deuxième temps fort de<br />

la réhabilitation respiratoire.<br />

Les résultats sont probants car,<br />

en l’espace de 6 semaines,<br />

l’amélioration du test à la marche<br />

de 6 minutes est <strong>com</strong>prise entre<br />

20 et 30 %. Il faut alors consolider<br />

ces bénéfices en conjuguant<br />

observance du traitement,<br />

alimentation équilibrée et exercice<br />

physique. Les patients peuvent<br />

s’appuyer au quotidien sur les<br />

associations, les réseaux, les<br />

centres ambulatoires et<br />

l’entourage. À plusieurs, on est<br />

plus forts, et la qualité de vie<br />

gagnée l’est pour tous. » M. FUKS<br />

inhalation), dysphonie, candidose buccale, troubles<br />

ophtalmologiques (cataracte cortisonique, glau<strong>com</strong>e).<br />

> Corticothérapie systémique. La corticothérapie<br />

orale au long cours expose à de nombreux effets indésirables<br />

potentiels, et qui peuvent être sévères (ex.:<br />

myopathie cortisonique), ce qui explique qu’elle ne<br />

soit pas pertinente ici. Une corticothérapie orale brève<br />

est parfois prescrite sur deux à trois semaines en test<br />

(pour réaliser un diagnostic différentiel avec l’asthme<br />

ou pour démasquer une <strong>com</strong>posante corticoréversible<br />

de l’obstruction bronchique). Une réponse spirométrique<br />

est obtenue dans 10 % des cas.<br />

Autres anti-inflammatoires<br />

Indiqué dans le traitement continu de la BPCO sévère<br />

(stade III), en <strong>com</strong>plément d’un traitement bronchodilatateur,<br />

le roflumilast (Daxas) est un antiinflammatoire<br />

non stéroïdien (AINS) spécifiquement<br />

indiqué en pneumologie, dont l’emploi impose une<br />

surveillance particulière.<br />

Oxygénothérapie<br />

L’oxygénothérapie (voir article ci-contre) est le seul<br />

médicament dont l’efficacité sur la survie des patients<br />

atteints de BPCO est démontrée. Son administration<br />

au long cours (>15 h/j) a un impact bénéfique sur la<br />

pression artérielle pulmonaire, la polycythémie<br />

(hématocrite > 55 %), la capacité à l’exercice, la mécanique<br />

pulmonaire, la fréquence des hospitalisations,<br />

l’augmentation du poids et l’amélioration de l’état psychique<br />

du patient. Elle vise à porter le taux d'oxygène<br />

à 60 mm Hg et/ou à obtenir une saturation en oxy-<br />

gène d'au moins 90 %. Lorsque l’oxygénothérapie ne<br />

donne pas les résultats es<strong>com</strong>ptés, une assistance respiratoire<br />

à domicile peut être mise en œuvre, notamment<br />

face à de nombreuses dé<strong>com</strong>pensations<br />

successives, en cas d’hypercapnie.<br />

2. ÉPISODES AIGUS<br />

Les épisodes aigus de BPCO ont généralement pour<br />

origine une infection de l’arbre trachéobronchique<br />

ou l’exposition à un polluant atmosphérique. Dans<br />

quelque 35 % des cas, ils n’ont pas d’origine identifiée.<br />

Souvent prises en charge en ambulatoire, ces exacerbations<br />

n’imposent l’hospitalisation que si le pronostic<br />

vital est engagé ou si le traitement ambulatoire reste<br />

insuffisamment efficace.<br />

> Les bronchodilatateurs. Le traitement des épisodes<br />

aigus repose sur l’administration par inhalation de<br />

bronchodilatateurs de durée d’action courte. Les bêta-<br />

2 sympathomimétiques sont généralement privilégiés<br />

dans cette situation, à des doses élevées, avec, si<br />

besoin, administration par nébulisation ou grâce à<br />

une chambre d’inhalation. Le recours à un anticholinergique<br />

d’action brève (ipratropium = Atrovent)<br />

est également possible.<br />

> Une corticothérapie peut être prescrite en première<br />

intention en cas de <strong>com</strong>posante inflammatoire, et en<br />

deuxième intention en l’absence d’amélioration après<br />

24 heures de traitement bronchodilatateur (30 à 40 mg<br />

de prednisone ou équivalent, par voie orale, pendant<br />

une semaine maximum). Cette corticothérapie permet<br />

d’évaluer la réversibilité du syndrome obstructif.<br />

> L’usage des antitussifs et des sédatifs est contreindiqué<br />

dans la BPCO. L’intérêt des mucolytiques<br />

n’étant pas démontré, leur usage n’est pas re<strong>com</strong>mandé.<br />

En revanche, les patients doivent maintenir<br />

un état d’hydratation suffisant pour lutter contre<br />

l’épaississement des sécrétions (ex.: inhalation de<br />

vapeur d’eau tiède au-dessus du lavabo).<br />

> Les antibiotiques ne sont utiles que dans le traitement<br />

des exacerbations infectieuses. La purulence<br />

des crachats fait re<strong>com</strong>mander une antibiothérapie<br />

probabiliste (azithromycine, télithromycine, pristinamycine,<br />

amoxicilline 3 g/j, doxycycline). Des signes<br />

de gravité ou une résistance au traitement de première<br />

intention font privilégier une association amoxicilline/acide<br />

clavulanique (Augmentin…), une fluoroquinolone<br />

(type lévofloxacine ou moxifloxacine), une<br />

céphalosporine de deuxième génération orale ou de<br />

troisième génération. Une infection par le bacille pyocyanique<br />

(Pseudomonas aeruginosa) impose une prise<br />

en charge dans un service de pneumologie.<br />

> Des exacerbations très sévères peuvent justifier la<br />

prescription d’une héparine de bas poids moléculaire<br />

pour prévenir le risque embolique. *<br />

DENIS RICHARD, PRATICIEN HOSPITALIER


L’oxygénothérapie<br />

Plusieurs dispositifs d’apport d’oxygène existent à destination des patients.<br />

L’<br />

oxygénothérapie consiste à faire inhaler de<br />

l’oxygène (O 2) au patient sur une période d’au<br />

moins 15 heures par jour afin d’amener la PaO 2<br />

à une valeur ≥ à 60 mm Hg au repos et/ou la SaO 2 à<br />

une valeur ≥ à 90 %, et de supprimer ainsi les effets<br />

délétères de l’hypoxie artérielle chronique.<br />

Indication<br />

L’oxygénothérapie (OT) est indiquée dans les IRC restrictives<br />

parenchymateuses quand la pression partielle<br />

en oxygène dans le sang artériel ou PaO 2 est inférieure<br />

à 60 mm Hg. Elle est également indiquée lorsqu’à distance<br />

d’un épisode aigu chez les sujets ayant une<br />

BPCO, et sous réserve d’une prise en charge thérapeu -<br />

tique optimale (arrêt du tabac + bronchodilatateurs<br />

+ kinésithérapie), la mesure des gaz du sang artériel<br />

en air ambiant, réalisée à deux reprises, a montré:<br />

- soit une PaO 2 ≤ à 55 mm Hg;<br />

- soit une PaO² <strong>com</strong>prise entre 56 et 59 mm Hg, associée<br />

à un ou plusieurs éléments <strong>com</strong>me une polyglobulie<br />

(hématocrite supérieur à 55 %), des signes<br />

cliniques de cœur pulmonaire chronique, une HTA<br />

pulmonaire supérieure ou égale à 20 mm Hg, ou<br />

encore, une désaturation artérielle nocturne non<br />

apnéique quel que soit le niveau de la PaO 2.<br />

Sources d’oxygène<br />

> Oxygène par concentrateur (extracteur) d’oxygène<br />

: à partir de l’air ambiant, l’O 2 préalablement<br />

séparé de l’azote est <strong>com</strong>primé et transmis à la personne<br />

selon un débit continu pouvant aller, selon les<br />

appareils et les besoins, de 1 à 9 l/min. À la sortie de<br />

l’appareil, la teneur en oxygène est supérieure à 94 %<br />

pour des débits allant jusqu’a 5 l/min. Ce dispositif<br />

branché sur le courant électrique est moins en<strong>com</strong>brant<br />

que les bouteilles d’O 2 et dispense le patient à<br />

domicile des contraintes de livraison des bouteilles et<br />

de leur stockage. Il est facilement transportable, ce qui<br />

facilite l’autonomie des patients.<br />

> Cuve à oxygène liquide : l’O 2 liquide à -183 °C<br />

permet de stocker de très grandes quantités d’oxygène<br />

COMPARATIF<br />

AVANTAGES INCONVÉNIENTS<br />

Bouteille<br />

Silencieux Coûteux - Recharge fréquente - En<strong>com</strong>brant<br />

Extracteur<br />

Peu cher - Source inépuisable Bruit - Peu mobile<br />

Oxygène liquide<br />

Silencieux - Réserve importante - Mobilité Coûteux - Recharge nécessaire<br />

avec un faible volume (1 l de liquide libère 850 l de<br />

gaz) par le biais d’un réservoir fixe contenant 20 à 40 l<br />

d’oxygène liquide, qui permet de remplir et recharger<br />

un réservoir portable de 0,5 à 2 l et donne beaucoup<br />

plus d’autonomie que les petites bouteilles d’O 2.<br />

> « Bouteilles » d’oxygène gazeux : l’obus d’O 2 est le<br />

plus ancien des moyens de conservation de l’O 2<br />

<strong>com</strong>primé à une pression de 200 bars et stocké sous<br />

forme gazeuse. Il existe différentes tailles de bouteille :<br />

3 000 l ou 3 m 3 (15 l en contenance d’eau) ; 1 000 l ou<br />

1m 3 , (= 5 l d’eau), 400 l (= 2 l d’eau).<br />

Ce système en<strong>com</strong>brant a relativement peu d’autonomie.<br />

Il est aujourd’hui de plus en plus utilisé en<br />

système d’appoint ou de secours.<br />

Matériel de raccordement<br />

L’oxygène peut être apporté par des lunettes nasales<br />

faciles d’emploi, une sonde nasale ou un cathéter<br />

trans-trachéal réservé, en principe, aux malades<br />

nécessitant de forts débits d’oxygène.<br />

Rôle technique infirmier<br />

> Concernant les lunettes, il convient de veiller à ce<br />

que le tuyau qui véhicule l’O 2 ne fasse pas de coudes,<br />

que le patient respire bien pas le nez et non par la<br />

bouche et que les extrémités positionnées dans le nez<br />

restent propres.<br />

> L’infirmier doit s’assurer que le patient respecte<br />

rigoureusement la prescription concernant le débit<br />

d’O 2 car un patient sur deux n’observe pas la durée<br />

minimale prescrite de 15 heures, et certains sont tentés<br />

d’augmenter le débit pour réduire d’autant la durée.<br />

Or, le bénéfice de l’OT est directement corrélé à sa<br />

durée. Chez les patients dont l’observance est douteuse,<br />

l’infirmier peut vérifier le temps de branchement<br />

du concentrateur d’O 2 ou la fréquence de<br />

livraison des bouteilles d’O 2 liquide ou gazeux.<br />

Toutefois, ce paramètre doit être nuancé en fonction<br />

de la saison car la consommation d’O 2 est plus importante<br />

l’hiver que l’été. Le froid, le vent et l’humidité<br />

en hiver ont un impact important sur le souffle et<br />

engendrent une surconsommation d’O 2 par rapport<br />

à l’été.<br />

> L’infirmier peut également apporter des conseils<br />

d’utilisation des appareils et de sécurité quant à leur<br />

usage: ne pas changer d’appareil sans avis médical ;<br />

changer les lunettes régulièrement pour ne pas blesser<br />

le nez et pour éviter l’utilisation de crèmes nasales<br />

susceptibles de s’enflammer au contact de l’O 2.<br />

MARIE FUKS<br />

LA BPCO<br />

En chiffres<br />

> Au niveau<br />

mondial, la<br />

BPCO touche<br />

plus de<br />

210 millions de<br />

personnes (OMS<br />

2010). D’ici<br />

à 2020, elle<br />

deviendra<br />

la 5<br />

񡑀<br />

e cause de<br />

morbidité ; en<br />

2030, elle sera<br />

la 3e cause de<br />

mortalité.<br />

> En France, la<br />

BPCO concerne<br />

3,5 millions de<br />

personnes et<br />

occasionne<br />

environ 16 000<br />

décès/an.<br />

200 000<br />

adultes âgés de<br />

25 ans ou plus<br />

sont pris en<br />

charge au titre<br />

de l’ALD pour<br />

insuffisance<br />

respiratoire<br />

chronique grave<br />

ou BPCO<br />

sévère, et<br />

93 000 adultes<br />

bénéficient<br />

d’une<br />

oxygénothérapie<br />

de longue<br />

durée.<br />

> La BPCO<br />

atteint les<br />

adultes de plus<br />

de 45 ans. Les<br />

sujets de plus<br />

de 65 ans<br />

constituent<br />

la population la<br />

plus concernée.<br />

> Les hommes<br />

sont plus<br />

atteints que les<br />

femmes (sexe<br />

ratio 0,6), mais<br />

la proportion<br />

de femmes<br />

augmente dans<br />

les pays<br />

industrialisés.<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 37


DOSSIER<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

Éducation thérapeutique<br />

La gestion de sa maladie par le patient sera optimisée par l’ac<strong>com</strong>pagnement<br />

des soignants selon un diagnostic déterminant la démarche éducative.<br />

1- Voir première<br />

source utile p. 39.<br />

2- Voir Sources<br />

utiles p. 39.<br />

3- Centre<br />

d’éducation<br />

thérapeutique<br />

Bordeaux Aquitaine,<br />

Cetb33@orange.fr,<br />

05 56 47 47 33.<br />

4- éduSanté,<br />

à Vanves, tél. :<br />

01 41 46 08 44.<br />

38 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

Quand j’ai été diagnostiqué, il me restait 24 % de<br />

capacité respiratoire et on ne m’avait jamais<br />

expliqué dans les hôpitaux ce qu’était réellement<br />

ma maladie »… Lorsqu’on connaît les retentissements<br />

sur la vie des patients atteints de BPCO (voir<br />

encadré p. 36), ce constat du président de la Fédération<br />

française des associations et amicales d’insuffisants et<br />

handicapés respiratoires (FFAAIR) en dit long sur<br />

l’utilité d’inscrire précocement l’ac<strong>com</strong>pagnement<br />

éducatif dans la prise en charge globale des patients<br />

atteints de cette maladie. À l’origine du programme<br />

quinquennal (2005-2010) d’action mis en place par la<br />

Direction générale de la santé (DGS), ce constat a<br />

donné lieu aux re<strong>com</strong>mandations de la Société de<br />

pneumologie de langue française (SPLF) visant à faire<br />

POLITIQUE SANTÉ<br />

Dépistage et prévention<br />

La Société de pneumologie de langue française (SPLF) ne statue pas<br />

sur la question du dépistage dans ses re<strong>com</strong>mandations <strong>com</strong>pte<br />

tenu du faible niveau de preuve de son utilité. Malgré ces<br />

incertitudes, le programme d’action gouvernemental 2005/2010<br />

« Connaître, prévenir, et mieux prendre en charge la BPCO » s’était<br />

fixé d’améliorer le diagnostic précoce parmi la population cible, et<br />

l’Association BPCO s’est investie pour développer le dépistage par<br />

la mesure du souffle. Cela dit, <strong>com</strong>me le souligne le D r Boisvert, en<br />

charge de l’ET des patients atteints de BPCO au CET de Bordeaux<br />

Aquitaine (Cetba), « le dépistage impose que les patients concernés<br />

consultent et que les médecins traitants et du travail pensent<br />

à mesurer le débit expiratoire de pointe de manière systématique. En<br />

outre, il n’a de sens que s’il existe une offre de soins et des structures<br />

de prise en charge adaptées aux besoins spécifiques des patients ».<br />

Or, sur ce point, Alain Murez, président de la FFAAIR, indique que<br />

« sur les 3,5 millions de patients estimés en France, 30 % seulement<br />

sont diagnostiqués, dont une minorité bénéficient d’une prise en<br />

charge adaptée faute de structures suffisantes ». Autant dire que<br />

l’utilité du dépistage est étroitement liée à l’existence d’un dispositif<br />

de proximité capable de prendre en charge les patients. À défaut,<br />

il convient d’intensifier la prévention.<br />

Tabagisme<br />

Incurable, la BPCO mérite que l’on redouble d’efforts en prévention<br />

primaire. Cela passe par le repérage des personnes exposées à des<br />

risques professionnels et, surtout, au tabagisme. Le simple conseil<br />

dispensé par les médecins double le taux d’arrêt du tabac dans leur<br />

clientèle, et les substituts nicotiniques doublent le taux de succès<br />

des tentatives d’arrêt en consultation spécialisée. La prévention<br />

secondaire s’appuie également sur l’éducation thérapeutique<br />

pour amener le patient à maîtriser tous les paramètres susceptibles<br />

d’éviter l’aggravation de sa maladie.<br />

de l’éducation thérapeutique (ET) un outil à part<br />

entière de la réhabilitation du malade et à proposer la<br />

réalisation d’un diagnostic éducatif préalable pour<br />

cibler les domaines à travailler (1) .<br />

Le diagnostic éducatif<br />

Il a pour but de révéler la problématique du malade<br />

chronique dans la gestion de sa maladie et de son traitement<br />

au quotidien. Il doit être réalisé selon une<br />

méthodologie précise (re<strong>com</strong>mandations HAS) (2)<br />

prenant en <strong>com</strong>pte les facteurs déterminants pour<br />

l’apprentissage (difficultés de <strong>com</strong>préhension, entourage<br />

peu aidant, anxiété, voire dépression…) de façon<br />

à aboutir à un programme d’éducation personnalisé.<br />

Schématiquement, le diagnostic doit répondre aux<br />

questions suivantes: que sait le patient de sa maladie<br />

et de ses traitements? A-t-il des aidants? Fume-t-il?<br />

A-t-il fait des tentatives de sevrage? Quels sont ses<br />

projets personnels, professionnels? Quels sont les<br />

leviers et les freins au changement? Autant de questions<br />

qui permettent d’établir un programme éducatif<br />

dont les principaux thèmes concernent la connaissance<br />

de la maladie utile pour le patient, les traitements<br />

de fond et de la crise, les signes annonciateurs<br />

de dé<strong>com</strong>pensation, le <strong>com</strong>portement tabagique et<br />

les aides au sevrage, l’activité physique, l’alimentation<br />

et la sexualité. Le diagnostic doit également prendre<br />

en <strong>com</strong>pte les données biomédicales issues du test à<br />

la marche de 6 minutes, de l’évaluation de la dyspnée<br />

et de l’exploration fonctionnelle à l’exercice (mesure<br />

de la ventilation minute, de la VO 2, VCO 2, SpO 2, gaz<br />

du sang, ECG d’effort). Si l’épreuve d’exercice <strong>com</strong>plète<br />

n’a pas été possible, les données biomédicales peuvent<br />

se limiter à l’ECG d’effort avec mesure de la saturation<br />

et de la dyspnée. Ces informations sont importantes<br />

car elles permettent aux éducateurs d’avoir une image<br />

précise de la sévérité de la BPCO et d’identifier les<br />

lacunes à <strong>com</strong>bler entre ce que savent les patients et<br />

ce qu’ils devraient savoir <strong>com</strong>pte tenu de leur état. Ils<br />

peuvent ainsi apprécier l’importance du travail d’éducation<br />

à réaliser pour que les personnes atteintes<br />

gèrent au mieux leur maladie au quotidien et puissent<br />

bénéficier d’une meilleure qualité de vie. À l’issue de<br />

ce diagnostic, les besoins éducatifs spécifiques à<br />

chaque patient sont identifiés. Celui-ci se fixe des<br />

objectifs (reconnaître les signes d’alerte de l’exacerbation,<br />

avoir une activité physique régulière, par<br />

exemple) qui donnent lieu à la mise en œuvre du programme<br />

éducatif.


Du savoir au savoir-être<br />

La démarche éducative repose sur trois grands<br />

modules concernant le « savoir » le « savoir-faire » et<br />

le « savoir-être ». La partie « savoir » s’attache à <strong>com</strong>bler<br />

les lacunes sur la maladie et ses conséquences.<br />

Elle s’applique notamment à expliquer le lien entre<br />

la maladie et le tabac mais aussi à faire <strong>com</strong>prendre<br />

qu’il existe une relation entre la BPCO, l’alimentation<br />

et l’exercice physique. Cela n’a pas pour but d’améliorer<br />

la fonction respiratoire mais de se remettre en<br />

condition physique pour en retarder la dégradation<br />

et de remuscler le patient pour qu’il puisse utiliser au<br />

maximum ses capacités pour travailler, se déplacer<br />

et améliorer sa qualité de vie. Le « savoir-faire » est<br />

plus orienté sur la réalisation des soins, l’utilisation<br />

des techniques d’oxygénothérapie et de ventilation,<br />

l’entretien des appareils, les précautions à prendre<br />

avec l’oxygène (ne jamais huiler ou graisser la sortie<br />

d’O 2 car les corps gras s’enflamment au contact de<br />

l’O 2…), l’emploi des matériels d’aérosolthérapie et le<br />

bon usage des médicaments. L’ET doit amener le<br />

patient à savoir mettre en place de façon autonome<br />

la stratégie thérapeutique (plan d’action écrit et validé<br />

par le médecin) adaptée à son état. Enfin, le « savoirêtre<br />

» prend en <strong>com</strong>pte toutes les situations susceptibles<br />

de le mettre en difficulté et de l’empêcher de<br />

vivre normalement. Dans cette phase, le groupe a une<br />

fonction essentielle car les patients prennent<br />

conscience qu’ils partagent tous les mêmes questions<br />

et ne sont pas isolés. En outre, il émerge souvent une<br />

solution cohérente de la part du groupe.<br />

Éducateurs avant tout<br />

Les séances d’ET se déroulent sous forme d’ateliers<br />

collectifs <strong>com</strong>prenant six à huit patients, généralement<br />

animés par deux soignants éducateurs. Au Cetba (4) , les<br />

soignants veillent à ne pas s’identifier <strong>com</strong>me médecin,<br />

infirmière, psychologue ou kinésithérapeute mais<br />

<strong>com</strong>me éducateur, afin de rester dans une relation<br />

strictement éducative. Ils utilisent des outils d’éducation<br />

thérapeutique conçus par des spécialistes (4) et<br />

adaptés aux différents modules (planches se rapportant<br />

au savoir, cartes symptômes, photolangage, études<br />

de cas…). « Ces outils facilitent les échanges d’expérience<br />

et permettent d’analyser les réactions des patients<br />

dans différentes situations afin de voir s’ils sont capables<br />

ou non d’élaborer une stratégie et de se fixer des objectifs<br />

pour y faire face », explique un éducateur. Ainsi faiton<br />

émerger des besoins (préserver son autonomie)<br />

et des craintes (peur d’être hospitalisé) par rapport<br />

auxquels le patient peut définir des objectifs à atteindre<br />

ainsi que les moyens d’y parvenir. Ces séances<br />

collectives peuvent être, le cas échéant, <strong>com</strong>plétées<br />

par des séances individuelles lorsqu’elles font émerger<br />

des difficultés ou des besoins particuliers. *<br />

MARIE FUKS<br />

SAVOIR +<br />

LA BPCO<br />

SUR LE WEB<br />

Regroupement d’associations<br />

Régulièrement en campagne contre la BPCO, la Fédération<br />

française des associations et amicales de malades,<br />

insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR) rassemble<br />

pas moins de 40 associations locorégionales. Son site<br />

permet de s’informer sur la maladie, de partager des<br />

témoignages, de poser des questions et de suivre l’actualité.<br />

http://bpco.ffaair.org<br />

Partager « trucs et astuces »<br />

Témoignages, courrier des lecteurs permettent aux malades<br />

de partager leurs « trucs et astuces » via le site de<br />

l’association d’aide aux personnes atteintes de BPCO. Créée<br />

en 2003, cette dernière s’efforce de sensibiliser le grand<br />

public et d’informer au mieux les malades sur les causes<br />

et les conséquences de la BPCO. Elle est, à ce titre, partie<br />

prenante dans de nombreuses opérations, et à l’origine<br />

des 1 ers États généraux de la BPCO.<br />

www.bpco-asso.<strong>com</strong>/<br />

SOURCES UTILES<br />

Re<strong>com</strong>mandations, guides<br />

> « Re<strong>com</strong>mandations pour<br />

la pratique clinique : prise<br />

en charge de la BPCO ».<br />

Société de pneumologie<br />

de langue française (SPLF).<br />

Revue des maladies<br />

respiratoires, 2010.<br />

> « Re<strong>com</strong>mandations<br />

pour la prise en charge de<br />

la BPCO ». Rev Mal Respir,<br />

2003, 20 : 294-9., SPLF.<br />

> « Insuffisance<br />

respiratoire chronique grave<br />

de l’adulte secondaire à<br />

une bronchopneumopathie<br />

obstructive », HAS, juillet<br />

1986 (en cours de révision).<br />

> ALD n° 14 -« Liste des<br />

actes et prestations sur la<br />

BPCO », HAS. Actualisation<br />

mars 2011.<br />

> ALD n°14 - Guide patient :<br />

« Vivre avec une bronchopneumopathie<br />

chronique<br />

obstructive (BPCO),<br />

mars 2007.<br />

> « Structuration d’un<br />

programme d’éducation<br />

thérapeutique du patient<br />

dans le champ des<br />

maladies chroniques » –<br />

Guide méthodologique<br />

HAS, juin 2007.<br />

> « Global initiative for<br />

chronic obstructive lung<br />

disease (GOLD) », rapport 2011.<br />

> « Global strategy for the<br />

diagnosis, management<br />

and prevention of chronic<br />

obstructive pulmonary disease<br />

(COPD) ». www.goldcopd.org<br />

> Guide de l’oxygénothérapie,<br />

2010. Destiné au patient, ce<br />

guide réalisé par l’Association<br />

Antadir traite de la mise en<br />

pratique de l’oxygénothérapie<br />

et de la vie courante sous<br />

oxygène (voyages,<br />

déplacements, diététique…).<br />

La version papier est<br />

téléchargeable sur le site<br />

www.antadir.<strong>com</strong><br />

Livres<br />

> Similowski Th., Roche N.<br />

(2006).<br />

Prise en<br />

charge<br />

pratique<br />

des<br />

patients<br />

atteints<br />

de BPCO.<br />

John Libbey Eurotext,<br />

87 pages.<br />

> Similowski<br />

Th. (2011).<br />

BPCO : un<br />

enjeu pour<br />

la médecine<br />

générale.<br />

Elsevier<br />

Masson .<br />

> Vivodtzev I.<br />

(2010).<br />

Faiblesse<br />

musculaire<br />

et ré-entraÎ<br />

nement à<br />

l’effort dans<br />

la BPCO.<br />

Éditions universitaires<br />

européennes, 412 pages.<br />

Sites Internet<br />

> www.capitalsouffle.fr :<br />

le site du collectif « Capital<br />

souffle » d’associations de<br />

professionnels de santé et de<br />

malades pour la promotion du<br />

programme de sensibilisation<br />

et d’information sur les<br />

maladies respiratoires<br />

chroniques.<br />

> www.splf.org : le site de<br />

la Société de pneumologie<br />

de langue française, qui<br />

rassemble les professionnels<br />

de santé spécialisés<br />

en pneumologie.<br />

TOUS NOS REMERCIEMENTS AU D R GILLES JEBRAK,<br />

PNEUMOLOGUE À L'HÔPITAL BICHAT - CLAUDE-BERNARD<br />

POUR SA RELECTURE AVISÉE DE CE DOSSIER<br />

N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 39


DOSSIER<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

QUIZ<br />

1. La BPCO affecte, à l’échelle<br />

de la planète, environ :<br />

񡑀 A. 2 millions de personnes<br />

񡑀 B. 20 millions de personnes<br />

񡑀 C. 200 millions de personnes<br />

2. En France, la BPCO concerne :<br />

񡑀 A. 2 millions de personnes<br />

񡑀 B. 3,5 millions de personnes<br />

񡑀 C. 4 millions de personnes<br />

3. Outre le tabac, principal<br />

facteur de survenue de la BPCO,<br />

les autres facteurs pouvant<br />

la favoriser sont :<br />

񡑀 A. Des polluants atmosphériques :<br />

ozone, dioxyde d’azote ou de soufre,<br />

polluants domestiques, dans<br />

les mines, le bâtiment, la sidérurgie,<br />

le textile…<br />

񡑀 B. Le tabagisme passif<br />

durant la grossesse<br />

񡑀 C. Des facteurs génétiques<br />

񡑀 D. Des infections bronchiques<br />

virales infantiles (virus syncytial)<br />

񡑀 E. Une insuffisance cardiaque<br />

4. La BPCO peut s’ac<strong>com</strong>pagner<br />

de signes d’alerte <strong>com</strong>me :<br />

񡑀 A. La toux<br />

񡑀 B. Des expectorations<br />

񡑀 C. Une dyspnée<br />

񡑀 D. Des maux de tête fréquents<br />

5. L’examen de base permettant<br />

de diagnostiquer une BPCO est :<br />

񡑀 A. La pléthysmographie<br />

񡑀 B. La spirométrie<br />

񡑀 C. La radiographie<br />

6. Une BPCO évoluée se traduit<br />

souvent par :<br />

񡑀 A. Une fibrose pulmonaire<br />

񡑀 B. De l’emphysème<br />

񡑀 C. Des hémorragies pulmonaires<br />

7. La dyspnée est présente<br />

dès le stade 1 de la maladie :<br />

񡑀 A. Vrai<br />

񡑀 B. Faux<br />

40 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />

8. La diminution progressive des<br />

débits expiratoires, inéluctable<br />

en l’absence de traitement et de<br />

sevrage tabagique, est <strong>com</strong>prise :<br />

񡑀 A. Entre 30 et 60 mL/an<br />

񡑀 B. Entre 30 et 80 mL/an<br />

񡑀 C. Entre 40 et 70 mL/an<br />

9. L’indacatérol est un<br />

bêta-sympathomimétique<br />

bronchodilatateur :<br />

񡑀 A. Administré par voie orale<br />

񡑀 B. Agissant dans les premières<br />

minutes suivant son inhalation<br />

񡑀 C. Actif sur le nycthémère<br />

après une prise unique<br />

10. Les anticholinergiques,<br />

largement utilisés dans<br />

le traitement de la BPCO, sont :<br />

񡑀 A. Au maximum actifs sur une<br />

période de deux à trois heures<br />

񡑀 B. Tous indiqués dans<br />

le traitement des exacerbations<br />

de cette affection<br />

񡑀 C. Prescrits avec prudence<br />

en cas d’hypertension artérielle<br />

񡑀 D. Prescrits avec prudence en cas<br />

de glau<strong>com</strong>e à angle fermé,<br />

d'hypertrophie de la prostate ou de<br />

rétrécissement du col de la vessie<br />

11. La projection intra-oculaire<br />

d’un anticholinergique expose à :<br />

񡑀 A. Une douleur<br />

񡑀 B. L’apparition d’un halo visuel<br />

coloré<br />

񡑀 C. La survenue d’un glau<strong>com</strong>e<br />

12. Il est re<strong>com</strong>mandé de<br />

prescrire, en cas d’exacerbation<br />

d’une BPCO :<br />

񡑀 A. Un antitussif<br />

񡑀 B. Un mucolytique<br />

񡑀 C. Un bronchodilatateur<br />

d’action courte<br />

13. L’usage de théophylline<br />

peut exposer à une toxicité<br />

aiguë qu’annonce(nt) :<br />

񡑀 A. Des nausées et vomissements<br />

񡑀 B. Une somnolence<br />

񡑀 C. Une accélération du rythme<br />

cardiaque<br />

14. Les anticholinergiques<br />

inhalés doivent être prescrits<br />

avec prudence en cas :<br />

񡑀 A. D’hypertrophie bénigne<br />

de la prostate<br />

񡑀 B. De diarrhées<br />

񡑀 C. De caries dentaires<br />

15. La vaccination anti-grippale est :<br />

񡑀 A. Re<strong>com</strong>mandée<br />

񡑀 B. Contre-indiquée<br />

񡑀 C. Réservée aux sujets<br />

de plus de 65 ans<br />

16. L'oxygénothérapie est le seul<br />

médicament dont l’efficacité sur la<br />

survie des patients est démontrée :<br />

񡑀 A. Vrai<br />

񡑀 B. Faux<br />

17. Un patient sur deux<br />

ne respecte pas la prescription<br />

concernant le débit<br />

d’O 2 en oxygénothérapie :<br />

񡑀 A. Vrai<br />

񡑀 B. Faux<br />

18. La réhabilitation respiratoire<br />

associe :<br />

񡑀 A. Un réentraînement à l’exercice<br />

񡑀 B. Une kinésithérapie respiratoire<br />

񡑀 C. Une éducation thérapeutique<br />

񡑀 D. Une aide au sevrage tabagique<br />

personnalisée<br />

񡑀 E. Une prise en charge nutritionnelle<br />

et psychosociale<br />

RÉPONSES<br />

13 A-C<br />

14 A<br />

15 A<br />

16 A<br />

17 A<br />

18 A-B-C-D- E<br />

* Une dyspnée d’effort apparaît au stade 2<br />

de la maladie.<br />

7 B*<br />

8 B<br />

9 B-C<br />

10 D<br />

11 A-B<br />

12 C<br />

1 C<br />

2 B<br />

3 A-B-C-D<br />

4 A-B-C<br />

5 B<br />

6 A-B


DANS LE PROCHAIN NUMÉRO<br />

SORTIE LE 15 FÉVRIER 2012<br />

񡑀<br />

RÉFLEXION<br />

La prise en charge<br />

des patients Alzheimer<br />

Le savoir de proximité des équipes<br />

soignantes, la connaissance du<br />

fonctionnement des différents types<br />

de mémoire, et l’adaptation de<br />

l’environnement, sont les principes<br />

incontournables d’une prise en charge<br />

optimale des patients Alzheimer.<br />

P. DEWAVRIN<br />

INITIATIVE<br />

Du temps pour les aidants<br />

En Auvergne, l'association Aide<br />

et Répit permet aux familles<br />

de personnes atteintes de la maladie<br />

d'Alzheimer ou d'une maladie<br />

apparentée de souffler. L'originalité?<br />

Des relayeuses prennent en charge<br />

le patient à son domicile durant<br />

plusieurs jours. Un répit salutaire.<br />

񡑀<br />

BULLETIN D’ABONNEMENT<br />

Tarif particulier : 81 € au lieu de 125 €*.<br />

Je bénéficie ainsi de 35 % de réduction immédiate.<br />

Tarif Institution : 121 € au lieu de 125€*<br />

Tarif étudiant* : 32 €*au lieu de 125€*<br />

FORMATION<br />

CONTINUE<br />

POINT SUR<br />

L’arthrose<br />

<strong>QUESTION</strong>S SUR<br />

Le bébé secoué<br />

IATROGÉNIE<br />

Un cas de surdosage<br />

en vitamine D<br />

FICHE<br />

Le dégagement<br />

d’urgence<br />

DOSSIER<br />

La gouvernance hospitalière<br />

à l’épreuve du terrain<br />

Découpage en pôles, contractualisation...<br />

constituent le nouveau décor managérial<br />

hospitalier. Sur le terrain, la mise en œuvre<br />

de ces dispositifs est inégale, voire très peu<br />

développée. Du côté des infirmières,<br />

la nouvelle gouvernance reste éloignée<br />

de leur quotidien. Un changement<br />

des mots et des esprits s’impose.<br />

Retournez ce bulletin par courrier à : L’Infirmière Magazine<br />

Service abonnements santé - 1 rue Eugène et Armand Peugeot<br />

Case postale 815 - 92856 Rueil-Malmaison cedex ou par fax au<br />

01 76 73 48 57 ou par téléphone au<br />

0825 080 800<br />

OUI, je m’abonne à L’Infirmière Magazine en choisissant l’abonnement à durée libre :<br />

8,10 € au lieu de 12,50€. par prélèvement automatique chaque mois de parution. J’ai l’accès<br />

illimité aux archives et aux annonces classées du magazine sur www.espaceinfirmier.<strong>com</strong>.<br />

Je bénéficie ainsi de 32 % de réduction et je reçois en cadeau une parure de stylo seringue***.<br />

J’autorise l’établissement teneur de mon <strong>com</strong>pte à effectuer sur ce dernier le prélèvement ordonné par Wolters Kluwer France SAS<br />

pour mon abonnement à L’Infirmière Magazine. En cas de litige sur le prélèvement, je pourrai en faire suspendre l’exécution par<br />

simple demande à l’établissement teneur de mon <strong>com</strong>pte et par simple lettre adressée à Wolters Kluwer France SAS. Les tarifs indiqués<br />

sont garantis pendant un an, et, à l’issue de cette période, je conserve la liberté de poursuivre l’abonnement par tacite<br />

reconduction aux conditions des prélèvements proposés par L’Infirmière Magazine ou de l’interrompre, sans frais, par simple lettre.<br />

1<br />

Nom : Prénom :<br />

Adresse :<br />

Code postal : Ville :<br />

2<br />

Je m’abonne à L’Infirmière Magazine pour 20 numéros. J’ai l’accès<br />

illimité aux archives et aux annonces classées du magazine sur<br />

www.espaceinfirmier.<strong>com</strong>. Et je reçois en cadeau une parure de stylo seringue.<br />

J’ai bien noté que mon abonnement sera<br />

reconduit automatiquement d’une année sur<br />

l’autre, sauf avis contraire de ma part signifié<br />

deux moisavant la date d’échéance.<br />

Je reconnais avoir pris connaissance des<br />

Conditions Générales de Vente en ligne<br />

sur le site www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />

Date et signature obligatoires :<br />

MES COORDONNÉES : Mme Mlle M<br />

Nom : Prénom :<br />

CI-JOINT MON RÈGLEMENT PAR :<br />

Chèque à l’ordre de L’Infirmière Magazine<br />

Carte bancaire n°<br />

Expire fin :<br />

Adresse de réception de l’abonnement : professionnelle personnelle<br />

Code Postal : Ville :<br />

MA FONCTION :<br />

AUTORISATION DE PRÉLÈVEMENT (à <strong>com</strong>pléter)<br />

TITULAIRE DU COMPTE À DÉBITER<br />

NOM ET ADRESSE DE L’ÉTABLISSEMENT (Teneur du <strong>com</strong>pte à débiter)<br />

Établissement Adresse :<br />

Code postal : Ville :<br />

3<br />

C. FAYE<br />

DÉSIGNATION DU COMPTE À DÉBITER 4<br />

établissement guichet N° de <strong>com</strong>pte clé rib<br />

Tél. : professionnel personnel<br />

Date et signature<br />

obligatoires<br />

IMPORTANT : JE JOINS IMPÉRATIVEMENT UN RIB OU UN RIP<br />

J’inscris les 3 derniers chiffres figurant au dos de ma carte :<br />

Date et signature obligatoires<br />

E-mail : professionnel personnel @<br />

(pour recevoir la newsletter espaceinfirmier.<strong>com</strong>)<br />

ORGANISME CRÉANCIER<br />

SERVICE ABONNEMENTS SANTÉ<br />

1, RUE EUGÈNE ET ARMAND PEUGEOT<br />

92500 RUEIL-MALMAISON<br />

N° NATIONAL D’ÉMETTEUR<br />

525 875<br />

IMCP1101<br />

Je règle par mandat administratif à réception<br />

de facture. Je joins un bon de <strong>com</strong>mande.<br />

Je souhaite recevoir une facture acquittée.<br />

N° XXX * XX mois 201X * Prix de vente total au numéro. ** Sur justificatif établi par l’IFSI. *** Montre blanche ou bleue selon les stocks disponibles. Offre<br />

uniquement valable pour les nouveaux abonnés. Date limite de validité : 30/07/12.Conformément à la loi informatique et libertés du 6<br />

janvier 1978 modifiée par la loi du 6 août 2004, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données personnelles vous concernant.<br />

Par notre intermédiaire, vous pouvez être amené à recevoir des propositions d’autres sociétés. Si vous ne le souhaitez pas, il suffit<br />

de nous écrire (L’Infirmière Magazine – Service Abonnements santé - 1 rue Eugène et * L’INFIRMIÈRE Armand Peugeot MAGAZINE – Case postale 51 815 – 92856<br />

Rueil-Malmaison cedex) en nous indiquant vos nom, prénom et adresse. TVA incluse : 2,10 %. L’Infirmière<br />

magazine est une marque de Wolters Kluwer France SAS. SA au capital de 300 000 000 € - RCS Nanterre 480<br />

081 306 – N° de TVA FR 55 480 081 306 – NAF 221 E.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!