SOIGNER, QUESTION D'ESPRITS - Espace Infirmier.com
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N° 294<br />
1 ER FÉVRIER 2012<br />
www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />
ENQUÊTE<br />
PLUS DE 600 OFFRES D’EMPLOI<br />
MÉDECINE MAYA<br />
<strong>SOIGNER</strong>,<br />
<strong>QUESTION</strong><br />
D’ESPRITS<br />
UNE CARRIÈRE<br />
DANS L’HUMANITAIRE<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
DOSSIER<br />
LA BPCO<br />
SIGNES D’ALERTE, DIAGNOSTIC,<br />
TRAITEMENTS ET ÉDUCATION<br />
THÉRAPEUTIQUE
COMITÉ DE DE RÉDACTION<br />
ÉDITORIAL G. EXER<br />
HÉLÈNE TRAPPO<br />
RÉDACTRICE EN CHEF<br />
Ordre et désordres<br />
II ne vous a sans doute pas échappé que le feuilleton kafkaïen dont l’Oni est le principal<br />
personnage nourrit avec régularité nos colonnes et nos pages Internet ces derniers temps.<br />
Certains diront peut-être: beaucoup de bruit pour rien! Mais <strong>com</strong>ment passer sous silence<br />
l’histoire d’une instance si mal partie, censée représenter l’ensemble de la profession et investie<br />
de missions d’importance. Ne doit-elle pas bientôt contrôler le respect de l’obligation de formation<br />
continue de tous les infirmiers? Au cœur de cette tempête, gardons la distance nécessaire<br />
pour répondre à vos interrogations. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous vous proposons de<br />
faire le point avec une juriste sur l’inscription à l’Ordre et le paiement de la<br />
cotisation (voir p. 9). Vous êtes nombreuses, en effet, à nous questionner à ce<br />
sujet, ne sachant quelle conduite adopter face aux injonctions de payer Vous êtes nombreuses<br />
émanant de l’Oni. Il y a au moins une réalité objective: nul ne peut se sous- à ne pas savoir<br />
traire à la loi. Or, la loi oblige bien les infirmières à s’inscrire à l’Ordre sous quelle conduite adopter<br />
peine d’être accusées d’exercice illégal. Reste que le législateur s’est arrêté à<br />
mi- chemin en ne publiant pas les décrets censés préciser ses modalités<br />
d’application, ce qui n’encourage guère à asseoir l’autorité de l’institution et entretient le flou sur<br />
les règles de fonctionnement. Ajoutez à cela le discrédit qui s’abat aujourd’hui sur l’Oni, venant<br />
de tous côtés, y <strong>com</strong>pris de la part de ceux qui souhaitaient sa création, et vous <strong>com</strong>prendrez<br />
que certaines infirmières prennent, après tout, le risque de se soustraire à la loi. Elles ne sont<br />
d’ailleurs pas les seules en mal de repères vis-à-vis d’un ordre professionnel. Les kinés pourraient<br />
leur en dire deux mots... *<br />
* Christine Bonnici, infirmière de semaine au<br />
service * de chirurgie générale de la clinique Juge,<br />
Marseille (13) Emmanuelle Bordes, infirmière<br />
spécialisée en * éducation thérapeutique, Corevih<br />
Île-de-France Sud Guy Chatap, praticien<br />
hospitalier, gériatre, hôpital * René-Muret-Bigottini,<br />
Sevran (93) Aude de Calan, coordinatrice<br />
Atelier santé ville * de Nanterre (92) Christine<br />
Delpeyroux, puéricultrice, chargée * de mission<br />
Petite enfance pour la Mutualité française 64<br />
Frédéric Launay, cadre formateur à l’Ifsi du CHU *<br />
de Tours (37) Gilles Ménagé, cadre de santé en<br />
pédopsychiatrie * au CH Sainte-Anne, Paris (75)<br />
Didier Morisot, infirmier psychiatrique à l’hôpital *<br />
de Mâcon (71) Anne Perraut Soliveres, cadre<br />
supérieur de santé, * chercheur en sciences de<br />
l’éducation Aymeric Reyre, psychiatre à<br />
l’hôpital Avicenne, * Bobigny (93) Franck Tirel,<br />
infirmier libéral, Antrain (35) Josette * Vuidepot,<br />
cadre supérieur de bloc opératoire, * clinique<br />
Pasteur, Toulouse (31).<br />
Emmanuelle Bordes, infirmière spécialisée<br />
en éducation thérapeutique, Corevih Îlede-France<br />
Sud Guy Chatap, praticien<br />
hospitalier, gériatre, * hôpital René-Muret-<br />
Bigottini, Sevran (93) Aude de Calan,<br />
coordinatrice Atelier santé * ville de Nanterre<br />
(92) Christine Delpeyroux, puéricultrice,<br />
chargée * de mission Petite enfance pour la<br />
Mutualité française 64 Frédéric Launay,<br />
cadre de santé en MPR au * CHU de Tours (37)<br />
* Gilles Ménagé, cadre de santé en pédo -<br />
psychiatrie au CH Sainte-Anne, Paris (75)<br />
Didier Morisot, infirmier psychiatrique * à<br />
l’hôpital de Mâcon (71) Anne Perraut<br />
Soliveres, cadre supérieur * de santé,<br />
chercheur en sciences de l’éducation<br />
Franck Tirel, infirmier libéral, Antrain (35) *<br />
Josette Vuidepot, cadre supérieur de santé, *<br />
formatrice indépendante.<br />
Fondatrice Annick Jouan Éditeur Wolters Kluwer France, SAS au capital de 300 000 000 €. Siège social : 1, rue Eugène-et-<br />
Armand-Peugeot, Fondatrice Annick 92856 Jouan Rueil-Malmaison Éditeur Wolters cedex Kluwer RCS France, Nanterre SAS 480 au capital 081 306 de Directeur 300 000 de 000 la publication €. Siège social Michael : 1, Koch, rue Eugène-et- présidentdirecteur<br />
Armand-Peugeot, général de 92856 Wolters Rueil-Malmaison Kluwer France cedex Numéro RCS Nanterre de <strong>com</strong>mission 480 081 paritaire 306 Directeur 0212 T de 81208. la publication ISSN 0981-0560 Michael Koch, Associé président- unique<br />
Holding directeur Wolters général Kluwer de Wolters France Kluwer Directeur France du pôle Numéro Santé de Rémi <strong>com</strong>mission Bilbault Directeur paritaire 0212 de l’infocentre T 81208. ISSN Santé 0981-0560 humaiNe Associé Thierry Lavigne unique<br />
Directrice Holding Wolters Adjointe Kluwer Anne France Boulanger. Directeur Pour du joindre pôle directement Santé Rémi Bilbault votre correspondant, Directeur de l’infocentre il suffit de <strong>com</strong>poser Santé humaine le 01 76 Thierry 73 ... suivi Lavigne des<br />
Directrice quatre chiffres adjointe qui figurent Anne Boulanger. à la suite Pour de son joindre nom directement RÉDACTION votre Directrice correspondant, des rédactions il suffit de Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s <strong>com</strong>poser le 01 76 Sylvie 73... suivi Gervaise des<br />
Rédactrice quatre chiffres en chef qui figurent Hélène Trappo à la suite (42 de 24), son htrappo@wolters-kluwer.fr nom RÉDACTION im@wolters-kluwer.fr Rédactrice en Directrice chef adjointe des Carole rédactions Ivaldi, Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s<br />
civaldi@wolters-<br />
Sylvie kluwer.fr Gervaise Directrice Rédactrice scientifique en chef Florence Hélène Bontemps Trappo (42 Assistante 24), htrappo@wolters-kluwer.fr Élisabeth Darry (41 Rédactrice 74) Rédacteur en chef Nicolas adjointe Cochard Carole (35 Ivaldi 41)<br />
Secrétaire (36 52) Directrice de rédaction scientifique Michèle Florence Nonclercq Bontemps (41 05) Assistante MaquetteÉlisabeth Laure Cartigny Darry (41 ; 74) Sandrine Rédactrice Schipper Emmanuelle Illustrateur-infographiste<br />
Debelleix (35 41)<br />
Franck Secrétaire L’Hermitte de rédaction (38 14) Michèle Conception Nonclercq maquette (41 05) Véronique Maquette Puvilland Laure Cartigny et Élisabeth ; Sandrine Speno Schipper Illustration Illustrateur-infographiste<br />
de couverture C. Pavie<br />
Ont Franck collaboré L’Hermitte à ce (38 numéro 14) Conception C. Almendros, maquette C. Angot, Véronique G. Cairns, Puvilland P. Chagon, et Élisabeth J.-M. Delage, Speno Illustration M. Hautemulle, de couverture M. Montagnon-Oziol, Stéphane<br />
C. Moiroux Moors, Ont C. Pavie, collaboré O. Quarante, à ce numéro T. Pennable, D. Balicki, C. V. Béraud, Sokoloff, M. Fuks, F. Vlaemÿnck L. Gruel, G. PHOTOGRAVURE Langlois, F. Launay, Atelier J. Maraschin, prépresse S. Mignot, Wolters S. Moiroux, kluwer<br />
France D. Richard, Imprimerie Schvartz, Senefelder S. Serrepuy, Misset, V. Sokoloff, Mercuriusstraat F. Vlaemÿnck 35, 7000 PHOTOGRAVURE AB Doetinchem, Atelier Pays-Bas prépresse INTERNET Wolters www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />
kluwer France Imprimerie<br />
Rédacteur Senefelder Misset, Nicolas Mercuriusstraat Cochard (35 41) 35, PUBLICITÉ 7000 AB Doetinchem, SecrétariatPays-Bas Tél. : 01 INTERNET 76 73 41 26 www.espaceinfirmier.<strong>com</strong> - Fax : 01 76 73 48 60 Rédactrice Directeur <strong>com</strong>mercial<br />
E. Debelleix<br />
Jean-Christophe (35 41) PUBLICITÉ Goulemot Secrétariat Directrice Tél. : 01 <strong>com</strong>merciale 76 73 41 26 - adjointe Fax : 01 Presse 76 73 48 Corinne 60 Directeur Voltz-Rosenthal <strong>com</strong>mercial (42 82) Jean-Christophe Directrice de Goulemot publicité<br />
Directrice Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s <strong>com</strong>merciale Marie-Laure adjointe Soucramanien Presse Corinne (41 Voltz-Rosenthal 76) Directrice de (42 clientèle 82) Directrice Astrid Borras de publicité (31 48) Hôpital-<strong>Infirmier</strong>s Assistante Souad Marie-Laure<br />
Aschendorf<br />
(41 Soucramanien 26) PETITES (41 ANNONCES 76) Directrice Fax de : 01 clientèle 76 73 Astrid 48 56 Borras Directrice (31 48) <strong>com</strong>merciale Assistanterégie Souad PAAschendorf Christine Gautier (41 26) (35 PETITES 32) Directrice ANNONCES PA<br />
Chantal Fax : 01 76 Chiquet 73 48 (32 56 48) Directrice Chef de <strong>com</strong>merciale publicité PArégie Nadia PAGuendouzi Christine Gautier (33 75) (35 Assistante 32) Directrice PA Muriel PA Chantal Falla (34 Chiquet 68) Maquette (32 48) PA Chef Jean de<br />
de publicité Dietrich PADIFFUSION Christelle Moularé Directeur (33 <strong>com</strong>mercial 75), Assistante marketing PA Muriel du Falla pôle (34 Santé 68) Jasques-Edouard Maquette PA Jean Gros de Dietrich Directrice DIFFUSION marketing Directeur adjointe<br />
Vanessa <strong>com</strong>mercial Mire marketing POUR S’ABONNER du pôle Santé Tél. : 0 Jasques-Édouard 825 08 08 00 (15 centimes/minute). Gros Directrice marketing Fax : 01 76 73 adjointe 48 57 Internet Vanessa : www.espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />
Mire POUR S’ABONNER<br />
Tarifs Tél. : 0 abonnement 825 08 08 00 (France), (15 centimes/minute) 10 numéros Professionnels - Fax : 01 76 73 : 81 48 € ; 57 institutions - Internet : : 117 espaceinfirmier.<strong>com</strong> € ; entrée en vie active Tarifs : 50 abonnement € ; étudiants (France) : 31 € ;<br />
étranger 20 numéros, voie Professionnels de surface : 81 107 € ; € institutions ; étranger : 117 voie € ; entrée aérienne en vie : 127 active €. Prix : 50 € au ; étudiants numéro : 12 31 € €. ; L’accès étranger à voie la de base surface de données : 107 €;<br />
documentaires étranger voie aérienne (permettant : 127 €. de Prix consulter au numéro les archives 6,25 €. L’accès de l’Infirmière à la base Magazine) de données est documentaires inclus dans l’abonnement (consultation des PRODUCTION<br />
archives de<br />
Direction L’Infirmière Jean-Marc Magazine) Eucheloup est inclus dans (34 l’abonnement 62). PRODUCTION Direction Jean-Marc Eucheloup (34 62).<br />
« Conformément à la loi du 6 juillet 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications aux données personnelles vous concernant ». Par notre<br />
intermédiaire, vous pouvez être amenué à recevoir des propositions d’autres sociétés. Si vous ne le souhaitez pas, il vous suffit de nous écrire (L’Infirmière<br />
(L’Infirmière<br />
mmagazine, service diffusion, a 1, rue Eugène-et-Armand-Peugeot, g a 92856 Rueil-Malmaison z cedex) en i nous indiquant vos n nom, prénom et e adresse. »<br />
,<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 3
SOMMAIRE<br />
N° 294 * 1 ER FÉVRIER 2012<br />
6<br />
ACTUALITÉ<br />
Sécurité sanitaire : un<br />
projet ambitieux, mais<br />
une loi décevante<br />
10<br />
ACTUALITÉ<br />
Dans des Ehpad de Lyon,<br />
la voix des émotions<br />
26<br />
RÉFLEXION<br />
Françoise Acker, sociologue, exhorte<br />
les infirmières à s’exprimer<br />
ACTUALITÉ<br />
SÉCURITÉ SANITAIRE<br />
Les espoirs déçus face<br />
à la loi médicaments . . . . . . . . 6<br />
FORMATION<br />
Simulation : techniques<br />
et bonnes pratiques . . . . . . . . . 8<br />
AGENDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8<br />
INSCRIPTION À L’ORDRE<br />
Que dit la loi ? . . . . . . . . . . . . . . . 9<br />
CHRONIQUE<br />
Simplement ouvrir les yeux . 9<br />
DU CÔTÉ DES ÉTABLISSEMENTS<br />
EHPAD<br />
Les voix d’une radio pour<br />
apaiser le quotidien . . . . . . . . 10<br />
DU CÔTÉ DES COLLOQUES<br />
UCC<br />
Des unités dédiées pour<br />
les malades Alzheimer . . . . . . 11<br />
CULTURE<br />
BANDE DESSINÉE<br />
Une épopée débridée<br />
sur le thème de l’IVG . . . . . . . 13<br />
REPORTAGE<br />
CHEZ LES MAYAS<br />
L’art de la médecine par le divin . . . . . . . . . . . . . 14<br />
SUR LE TERRAIN<br />
L’ENQUÊTE<br />
HUMANITAIRE<br />
Une autre carrière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20<br />
RENCONTRE AVEC<br />
FRANÇOISE MOUROT, CHARGÉE DE CONDUITE DE PROJETS<br />
Itinéraire d’une bûcheuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24<br />
RÉFLEXION<br />
PROFESSION<br />
Françoise Acker : « Quel rôle les infirmières<br />
veulent-elles jouer ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26<br />
JURIDIQUE<br />
<strong>QUESTION</strong>S DE LECTEURS<br />
Les réponses de Véronique Sokoloff . . . . . . . . 29<br />
14<br />
REPORTAGE<br />
Soigner, une question d’âme pour les Mayas<br />
20<br />
ENQUÊTE<br />
L’humanitaire, un métier à part entière<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
DOSSIER<br />
LA BPCO : BRONCHOPNEUMOPATHIE<br />
CHRONIQUE OBSTRUCTIVE<br />
> L’essentiel . . . . . . . . . . . . . . . . 31<br />
> La prise en charge :<br />
Traitement<br />
symptomatique . . . . . . . . . 34<br />
Oxygénothérapie . . . . . . . 37<br />
Éducation<br />
thérapeutique . . . . . . . . . . . 38<br />
> Savoir plus . . . . . . . . . . . . . . 39<br />
> Quiz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40<br />
ANNONCES CLASSÉES ......... 43<br />
DANS LE N° 295 ................. 51<br />
Avec ce numéro : un encart broché abonnement.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 5
ACTUALITÉ<br />
PARTICIPEZ AU<br />
DE L’INFIRMIÈRE<br />
MAGAZINE<br />
EN BREF<br />
SOINS SOUS CONTRAINTE<br />
Les syndicats de psychiatres<br />
hospitaliers dénoncent la « visée<br />
sécuritaire » du projet de décret<br />
sur les soins sous contrainte<br />
en ambulatoire, et l’atteinte<br />
au secret professionnel<br />
via la « diffusion obligatoire,<br />
sous contrôle des autorités<br />
administratives, d’éléments du<br />
suivi médical des patients ». (APM)<br />
VIH ET SOINS FUNÉRAIRES<br />
La Direction générale de la<br />
santé a annoncé, le 10 janvier,<br />
la constitution d’un groupe<br />
de travail pour statuer sur la<br />
question des soins funéraires<br />
aux personnes infectées par<br />
le VIH ou une hépatite virale,<br />
aujourd’hui interdits. Un<br />
premier pas, qui laisse, cela dit,<br />
les associations de lutte contre<br />
le sida insatisfaites, elles qui<br />
dénoncent depuis des mois<br />
l’absurdité de cet interdit. (APM)<br />
ELLE L’A DIT<br />
N°300<br />
À l’occasion de ce numéro<br />
anniversaire, la rédaction<br />
recueille vos témoignages :<br />
• Vous êtes lectrice de<br />
la première heure ou plus<br />
récente, faites-nous part<br />
de votre expérience.<br />
• Donnez votre avis<br />
sur la question suivante :<br />
« Comment voyez-vous<br />
la santé demain ? ».<br />
Envoyez vos réponses par mail à L'Infirmière<br />
Magazine im@wolters-kluwer.fr, via<br />
espaceinfirmier.<strong>com</strong>, ou par courrier postal<br />
« En période de crise, où des<br />
choix risquent de s’avérer<br />
nécessaires, la santé doit rester<br />
un domaine préservé, et son<br />
budget sanctuarisé. »<br />
ESTIME LA CONFÉRENCE NATIONALE<br />
DE SANTE, DANS UN AVIS RELATIF<br />
AUX ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION POUR<br />
UNE POLITIQUE DE SANTÉ 2011-2025, ET<br />
MIS EN LIGNE SUR SON SITE INTERNET<br />
www.sante.gouv.fr/les-avis-2011-2014.html<br />
6 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
SÉCURITÉ SANITAIRE<br />
Les espoirs déçus de<br />
la loi médicaments<br />
Après une année de travaux, la loi « relative au renforcement<br />
de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de<br />
santé » est parue au Journal officiel, le 30 décembre dernier.<br />
L’enthousiasme<br />
était de mise<br />
pour une<br />
réforme en<br />
profondeur<br />
du circuit<br />
Il y aura un avant et un après-<br />
Mediator. » Le ministre de la<br />
Santé, Xavier Bertrand, n’a eu de<br />
cesse de répéter ces mots, au fil de<br />
l’année qui vient de s’écouler. Une<br />
année riche en débats, rapports et<br />
autres analyses. Fin 2010, alors que<br />
le livre de la pneumologue Irène<br />
Frachon, Mediator 150 mg. Combien<br />
de morts ?, défraye la chronique<br />
depuis plusieurs mois et que les<br />
langues se délient, Xavier Bertrand<br />
annonce la mise en place des assises<br />
du médicament. Les acteurs du système<br />
de santé s’y rendent sans se<br />
faire prier. Médecins, représentants<br />
des agences sanitaires, parlementaires…<br />
affirment en chœur vouloir<br />
réformer en profondeur le circuit<br />
du médicament. L’enthousiasme et<br />
l’espoir sont de mise. Pendant plusieurs<br />
mois, les différents groupes<br />
de travail, créés dans le cadre de ces<br />
assises, planchent et produisent des<br />
ébauches de réforme.<br />
Déposé au beau milieu de l’été 2011,<br />
un texte de loi est discuté dans les<br />
deux assemblées tout l’automne.<br />
Adoptée définitivement le 20 dé -<br />
cembre à l’Assemblée nationale, la<br />
loi « relative au renforcement de la<br />
sécurité sanitaire du médicament et<br />
des produits de santé » est publiée<br />
au Journal officiel, le 30 décembre<br />
dernier. Constituée de 48 articles,<br />
elle entend apporter plus de clarté<br />
et de transparence dans un circuit<br />
du médicament à la française<br />
accusé de manque de neutralité, et<br />
où les experts des différentes<br />
agences sanitaires sont soupçonnés<br />
de conflits d’intérêt. Mais, sans<br />
remettre en cause l’intention réformatrice<br />
de départ, le résultat final<br />
déçoit. C’est d’ailleurs la raison pour<br />
laquelle le Sénat, majoritairement<br />
à gauche, n’a pas souhaité voter le<br />
texte. Ainsi, Bernard Cazeau (PS,<br />
Dordogne) a-t-il considéré, qu’aussi<br />
« vigoureux et unanimement ac -<br />
cueillis » qu’aient été les propos du<br />
ministre de la Santé sur le sujet, ils<br />
ont, au fil du temps, perdu « de leur<br />
fermeté et de leur originalité ». Et de<br />
regretter qu’aient été écartées du<br />
texte final les mesures que les sénateurs<br />
avaient introduites autour du<br />
renforcement des droits des victimes<br />
(présomption de responsa -<br />
bilité, actions de groupe…). De<br />
même, d’aucuns déplorent que la<br />
loi ne prévoit rien qui favorise la<br />
recherche indépendante.<br />
Liens d’intérêt<br />
À tout le moins, si cette loi se révèle<br />
moins ambitieuse qu’attendu, elle<br />
s’attaque aux liens d’intérêt entre,<br />
d’une part, les agences sanitaires et<br />
leurs experts, et, d’autre part, les<br />
industries du médicament. Ainsi,<br />
l’ensemble des experts intervenant<br />
auprès des différentes agences<br />
devront-ils satisfaire une obligation<br />
de déclaration de leurs liens d’intérêt,<br />
avec un historique de cinq ans.<br />
Les laboratoires pharmaceutiques<br />
devront également rendre publics<br />
les avantages et autres rémunérations<br />
qu’ils accordent aux professionnels<br />
de la santé.<br />
Les agences devront, quant à elles,<br />
enregistrer chaque séance et publier<br />
chaque <strong>com</strong>pte-rendu. Largement
montrée du doigt dans le cadre de<br />
l’affaire du Mediator, l’Afssaps disparaît,<br />
et devient l’Agence nationale<br />
de sécurité du médicament et des<br />
produits de santé (ANSM), une<br />
agence aux pouvoirs étendus. Ainsi<br />
pourra-t-elle demander à l’industrie<br />
pharmaceutique des études <strong>com</strong>paratives<br />
afin de prouver l’intérêt<br />
supérieur d’un médicament par<br />
rapport aux stratégies thérapeutiques<br />
de référence.<br />
Ne seront donc, a priori, admis au<br />
remboursement que les produits<br />
qui auront fait la preuve de leur<br />
intérêt. Le texte dispose, par ailleurs,<br />
qu’un professionnel de santé<br />
qui alerterait les autorités sur la<br />
possible nocivité d’un médicament<br />
sera protégé de toute sanction ou<br />
discrimination, en particulier de la<br />
part de son employeur (art. 43).<br />
Implants mammaires<br />
La loi médicaments prévoit, en<br />
outre, un meilleur suivi des mé -<br />
dicaments au fil du temps, et,<br />
notamment, un suivi post-AMM<br />
(autorisation de mise sur le marché)<br />
plus sérieux. Celui-ci se traduira,<br />
entre autres, par une révision quinquennale<br />
des AMM par l’ANSM. En<br />
outre, désormais, la loi interdit les<br />
prescriptions hors AMM, sauf re -<br />
<strong>com</strong>mandation temporaire d’utilisation<br />
émise par l’ANSM, ou à la<br />
demande expresse d’un prescrip-<br />
teur pour un patient donné. La<br />
mention « prescription lots AMM »<br />
devra, par ailleurs, être mentionnée<br />
sur les ordonnances. Un groupement<br />
d’intérêt public, le GIP Études<br />
de santé, aura à réaliser des études<br />
de vigilance et d’épidémiologie.<br />
Xavier Bertrand s’est engagé à poursuivre<br />
le travail, de manière à ce que<br />
les décrets d’application puissent<br />
être rapidement pris, condition sine<br />
qua non pour une mise en musique<br />
diligente de cette réforme, laquelle<br />
dépendra aussi de la détermination<br />
des membres de l’Agence du médicament,<br />
et de la célérité des professionnels<br />
de santé à s’approprier cette<br />
nouvelle philosophie. Rapidement<br />
aussi, le ministre de la Santé aura<br />
à se prononcer sur le circuit des<br />
dispositifs médicaux.<br />
L’affaire des implants mammaires<br />
défectueux de la société Poly<br />
Implant Prothèse (PIP) pose, en<br />
effet, de nouvelles questions en<br />
matière de sécurité sanitaire. Car,<br />
à la différence des médicaments,<br />
soumis à une autorisation de mise<br />
sur le marché, il n’existe pas à ce<br />
jour d’AMM pour les dispositifs<br />
médicaux. Le 6 janvier dernier,<br />
Xavier Bertrand a annoncé vouloir<br />
y remédier, préconisant une ré -<br />
forme de la réglementation européenne<br />
régissant les dispositifs<br />
médicaux. * SANDRA SERREPUY<br />
Xavier Bertrand<br />
devra aussi<br />
se prononcer<br />
sur le circuit<br />
des dispositifs<br />
médicaux<br />
EN BREF<br />
ACTUALITÉ<br />
DONNÉES DE SANTÉ<br />
Selon un sondage réalisé en<br />
ligne auprès de 1 500 patients<br />
français pour la société<br />
Fairwarning, près de 55 % des<br />
patients indiquent avoir déjà tu<br />
des informations personnelles<br />
aux soignants par crainte<br />
d’une atteinte à la vie privée.<br />
CONVERGENCE TARIFAIRE<br />
Selon une étude menée par la<br />
FHF et le syndicat national de<br />
gérontologie clinique (CNGC),<br />
la convergence tarifaire entre<br />
Ehpad et USLD pourrait<br />
conduire à une réduction de<br />
crédits de 211 millions d’euros,<br />
soit 6 000 postes soignants<br />
à supprimer d’ici à 2016. FHF<br />
et CNGC demandent donc<br />
une suppression des tarifs<br />
de convergence et un travail<br />
de fond sur la question.<br />
ANXIOLITIQUES<br />
Chaque année, un Français<br />
sur cinq consomme, au moins,<br />
une benzodiazépine ou une<br />
molécule apparentée, selon<br />
un rapport publié par l’Afssaps.<br />
AUTISME<br />
Suite à son rapport d’évaluation<br />
du Plan autisme 2008-2010,<br />
la sénatrice Valérie Létard<br />
préconise un renforcement<br />
du diagnostic précoce, et un<br />
meilleur ac<strong>com</strong>pagnement<br />
des adultes autistes, « domaine<br />
encore largement oublié ». (APM)<br />
55%<br />
LE CHIFFRE DU MOIS<br />
des retraités agricoles<br />
sont atteints d’une<br />
affection de longue<br />
durée, selon une étude<br />
du groupe Agrica.<br />
Pour 35 % d’entre eux,<br />
il s’agit de maladies<br />
cardio-vasculaires.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 7
ACTUALITÉ<br />
Du 16 au 17 mars 2012<br />
Paris<br />
ANESTHÉSIE<br />
AGENDA<br />
* Tout un pan des Journées<br />
d’enseignement postuniversitaire<br />
d’anesthésie-réanimation sera<br />
consacré aux infirmiers.<br />
Au programme, le monitorage<br />
en anesthésie, les infections,<br />
et le transfert de <strong>com</strong>pétences.<br />
Des ateliers pratiques reviendront<br />
sur l’intubation difficile et<br />
le remplissage vasculaire.<br />
www.jepu.net<br />
Le 17 mars<br />
Paris<br />
ONCOLOGIE<br />
* Les 15es Rencontres infirmières<br />
en oncologie, organisées par<br />
l’Association française des<br />
infirmières de cancérologie (Afic),<br />
seront l’occasion, pour les<br />
participants, d’approfondir leurs<br />
connaissances sur des sujets variés :<br />
«Papillomavirus et cancer» ; «Laser<br />
et mucite» ; «Du diagnostic au profil<br />
moléculaire» ; «Alternatives théra -<br />
peutiques au service de la qualité<br />
de vie» ; ou «Hypnose et soins<br />
infirmiers ». Inscription gratuite,<br />
à solliciter avant le 10 février.<br />
www.assoafic.org<br />
Du 24 au 26 mai<br />
Bruxelles (Belgique)<br />
ETP ET ÉTHIQUE<br />
* Le 4e Congrès de la Sete tournera<br />
autour du thème « Éducation<br />
thérapeutique du patient : l’éthique<br />
dans la pratique et la recherche ».<br />
Les 1 er et 3 e jours seront re?serve?s<br />
aux membres de la Sete, et<br />
le 2 e ouvert a?un large public de<br />
professionnels et de repre?sentants<br />
des associations de patients.<br />
htpp://SETE2012.advenirs.org/<br />
04-ACTU-<br />
Du 5 au Relance-VERT 8 juin<br />
Clermont-Ferrand (63)<br />
SANTÉ AU TRAVAIL<br />
* Dix-huit thèmes d’atelier de<br />
formation seront proposés dans<br />
le cadre du 32e Congrès national<br />
de médecine et santé au travail.<br />
Les choix ont été guidés par<br />
la fréquence des pathologies<br />
rencontrées en médecine du travail.<br />
Suivront des conférences sur<br />
l’information relative aux dangers<br />
en milieu professionnel et<br />
les risques émergents.<br />
www.medecine-sante-travail.<strong>com</strong><br />
8 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
LA SANTÉ EN DANGER AU PAKISTAN<br />
Des centaines de médecins et de professonnels soignants des hôpitaux publics<br />
pakistanais étaient en grève le 17 janvier dernier. Rassemblés devant le Parlement,<br />
ils protestaient contre la nouvelle organisation hospitalière, qu’ils assimilent à une<br />
privatisation de l’hôpital, et réclamaient des augmentations de salaires. (AFP)<br />
FORMATION<br />
SIMULER, C’EST APPRENDRE<br />
Désirant développer la simulation <strong>com</strong>me outil de formation, la HAS s’est<br />
engagée à définir des bonnes pratiques en la matière.<br />
Apprendre à faire une injection<br />
sur un bras artificiel.<br />
Recréer l’environnement<br />
d’un bloc opératoire, où toute<br />
l’équipe joue son rôle autour d’un<br />
mannequin piloté par ordinateur.<br />
Ou simuler une consultation d’annonce<br />
d’un cancer… La simulation<br />
en santé consiste à « reproduire ex -<br />
périmentalement des situations ou<br />
des environnements de soins » pour<br />
permettre aux professionnels de<br />
s’entraîner. Afin de promouvoir ces<br />
techniques, atouts de sécurité des<br />
soins, la HAS a <strong>com</strong>mandé un rapport<br />
sur le sujet au P r Granry et au<br />
D r Moll (CHU d’Angers).<br />
Politique nationale<br />
Les deux auteurs, qui ont rendu<br />
leurs conclusions le 10 janvier dernier,<br />
soulignent qu’en dépit d’un<br />
intérêt croissant, la simulation en<br />
santé relève encore « d’un niveau<br />
artisanal » en France. L’un des obs-<br />
tacles à son développement, relèvent-ils,<br />
reste le coût des équipements,<br />
souvent sophistiqués. Les<br />
médecins ont dénombré 174 établissements<br />
et 101 écoles mettant<br />
en œuvre des techniques de simulation,<br />
et re<strong>com</strong>mandé que ces<br />
méthodes soient intégrées « dans<br />
tous les programmes d’enseignement<br />
des professionnels de santé, en formation<br />
initiale <strong>com</strong>me en formation<br />
continue ».<br />
Il faudrait, insistent-ils, définir une<br />
politique nationale permettant de<br />
valoriser ces techniques. Dans cette<br />
optique, la HAS a mis en place un<br />
groupe de travail chargé de définir,<br />
d’ici à la fin de l’année, des bonnes<br />
pratiques en la matière, ainsi que<br />
les critères de formation des formateurs.<br />
L’objectif est de favoriser son<br />
déploiement, notamment dans le<br />
champ du développement professionnel<br />
continu (DPC). *<br />
EMMANUELLE DEBELLEIX<br />
FAROOQ NAEEM/AFP
ORDRE INFIRMIER<br />
QUELLES DISPOSITIONS LÉGALES ?<br />
La fronde contre l’Ordre gronde, et les infirmières s’interrogent : que dit la loi concernant<br />
l’inscription à l’instance ? Réponse de V. Sokoloff, juriste spécialisée en droit de la santé.<br />
espaceinfirmier.<strong>com</strong><br />
Retrouvez<br />
la version<br />
intégrale<br />
de cet article<br />
sur notre site<br />
en date du<br />
30.01.12.<br />
CHRONIQUE<br />
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Que<br />
dit la loi concernant l’inscription<br />
des professionnelles à l’Ordre ?<br />
VÉRONIQUE SOKOLOFF : Légale -<br />
ment (article L. 4311-15 du Code<br />
de la santé publique), l’inscription<br />
à l’ordre infirmier est obligatoire<br />
pour exercer. Les décrets d’application<br />
relatifs à la loi, et censés structurer<br />
ses modalités d’application,<br />
ne sont, certes, toujours pas parus,<br />
mais la loi a été publiée, et peut s’appliquer.<br />
C’est pourquoi les ARS<br />
demandent aux infirmières entrant<br />
dans la profession, et à celles changeant<br />
de lieu ou de champ d’exercice,<br />
d’être inscrites à l’Ordre.<br />
I. M. : Est-ce pour cela que<br />
les directeurs d’établissement<br />
demandent aux nouvelles<br />
infirmières d’y être inscrites ?<br />
V. S. : Oui. S’y ajoutent, qui plus est,<br />
SIMPLEMENT OUVRIR LES YEUX<br />
Un illustre chirurgien cardiaque<br />
français (1) et un célèbre écrivain (2) , prix<br />
Nobel de la paix en 1986, ont publié,<br />
à l’automne dernier, le récit de leurs<br />
réflexions à l’occasion d’une<br />
intervention de pontage cardiaque,<br />
subie, pour chacun d’eux, quelques mois<br />
plus tôt. Au-delà de leurs destins<br />
exceptionnels, tous deux reviennent sur<br />
leur longue carrière, si différentes l’une<br />
de l’autre, en s’interrogeant pourtant<br />
de la même façon sur le sens de leur<br />
engagement. Pour le chirurgien<br />
<strong>com</strong>me pour l’écrivain, la brutalité<br />
du diagnostic, le sentiment angoissant<br />
d’être impuissant, la conscience d’être<br />
en sursis, le risque de ne pas revoir<br />
ses proches ont eu le même effet. Suis-je<br />
réellement sauvé? Suis-je toujours<br />
des impératifs en termes d’assurance.<br />
Tout professionnel, pour<br />
exercer, doit s’engager à respecter<br />
les conditions d’exercice de son<br />
métier. Le risque qui existe, concernant<br />
la non-inscription à l’Ordre,<br />
est qu’un jour, un assureur désireux<br />
de ne pas couvrir les conséquences<br />
d’un acte infirmier, cherche la petite<br />
bête... et prenne prétexte de la noninscription<br />
de la professionnelle<br />
concernée pour se dédouaner. Les<br />
directeurs d’établissement ne veulent<br />
pas prendre un tel risque.<br />
I. M. : Quid des infirmières<br />
déjà en poste ? Les directeurs<br />
exigent rarement le justificatif<br />
de leur inscription…<br />
V. S. : Effectivement. Ils laissent<br />
couler... Mais la loi s’applique à tous.<br />
Le risque vis-à-vis de l’assurance<br />
existe donc aussi les concernant.<br />
le même? Qu’ai-je fait de ma vie?,<br />
se demandent-ils après l’intervention<br />
chirurgicale. Ces récits offrent aux<br />
soignants plusieurs lectures possibles,<br />
mais ce qui frappe surtout, c’est<br />
l’humilité avec laquelle ces deux<br />
personnes remarquables acceptent de<br />
livrer leurs erreurs et leurs doutes. Alain<br />
Deloche reconnaît avoir été favorable<br />
à la T2A, mais admet aujourd’hui avec<br />
amertume que « couper une jambe<br />
rapporte plus [à l’hôpital] que d’essayer<br />
de la sauver ». Elie Wiesel, pour sa part,<br />
était convaincu qu’après Auschwitz, « il<br />
n’y aurait plus de guerre, plus de racisme,<br />
plus de haine, plus d’antisémitisme »…<br />
Peut-on faire preuve, ainsi, d’une telle<br />
introspection et d’une si grande<br />
clairvoyance sans renoncer pour autant<br />
FRÉDÉRIC LAUNAY<br />
CADRE DE SANTÉ EN MPR,<br />
CHU DE TOURS (37)<br />
I. M. :Qu’en est-il, par ailleurs,<br />
de l’obligation de cotisation ?<br />
V. S. : Cette obligation est inscrite<br />
dans le Code de la santé publique<br />
(article L. 4312-7). Le problème est<br />
que le paiement de la cotisation n’est<br />
pas exigé lors de l’inscription mais<br />
appelé ultérieurement... Résultat,<br />
certaines infirmières s’arrogent le<br />
droit de ne pas la payer, pensant<br />
que, l’inscription faite, elles sont en<br />
règle. Or, ce paiement étant obligatoire,<br />
les conseils départementaux<br />
de l’Ordre peuvent en exiger le paiement<br />
devant le tribunal d’instance,<br />
et rayer du tableau d’inscription<br />
celles qui n’ont pas cotisé, les plaçant,<br />
si elles poursuivent leur activité,<br />
en situation d’exercice illégal<br />
de leur profession. *<br />
PROPOS RECUEILLIS<br />
PAR EMMANUELLE DEBELLEIX<br />
à ses idéaux, et sans perdre courage ?<br />
Voilà une question cruciale que nous<br />
devrions tous nous poser, sans attendre<br />
que l’annonce d’un diagnostic<br />
inquiétant nous incite à le faire. Nul<br />
besoin de craindre pour notre vie pour<br />
nous interroger sur le sens de ce que<br />
nous faisons. Voilà sans doute la leçon<br />
de ces deux ouvrages. Alain Deloche<br />
nous invite à résister et à « maintenir<br />
la lumière en haut du phare », et Elie<br />
Wiesel affirme : « Quelle que soit la<br />
question, l’indifférence et la résignation<br />
ne constituent pas la réponse. »<br />
Renaître, c’est parfois simplement<br />
ouvrir les yeux. *<br />
1– Dites-moi la vérité, Alain Deloche, Éd. Robert<br />
Laffont, 19 euros.<br />
2– À cœur ouvert, Elie Wiesel, Éd. Flammarion,<br />
10 euros.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 9
ACTUALITÉ<br />
DU CÔTÉ DES...<br />
ÉTABLISSEMENTS<br />
PERSONNES ÂGÉES<br />
UNE «VOIX D’OR»<br />
POUR RÉVEILLER LES SOUVENIRS<br />
Des programmes radio distraient et réconfortent les patients vivant en Ehpad.<br />
« Il n’y a<br />
que du son,<br />
car l’image tue<br />
l’imaginaire »<br />
1- Voix d’or est<br />
actuellement en<br />
cours d’évaluation<br />
par le Centre<br />
mémoire de<br />
ressources et de<br />
recherche de Lyon,<br />
basé à l’hôpital des<br />
Charpennes. Les<br />
premiers résultats<br />
de l’évaluation<br />
en cours, ainsi<br />
que les modalités<br />
d’abonnement<br />
et des extraits<br />
de programmes<br />
sont disponibles<br />
sur le site :<br />
www.voixdor.fr<br />
Le cri d’un coq, le bruit des<br />
vagues, un poème sur la<br />
nature. Ou encore une chronique<br />
sur la naissance de la télévision,<br />
une chanson d’antan… Tels<br />
sont quelques-uns des programmes<br />
de « Voix d’or » (1) , un outil radiophonique<br />
thérapeutique destiné aux<br />
équipes ac<strong>com</strong>pagnant des personnes<br />
âgées, notamment celles<br />
atteintes de la maladie d’Alzheimer.<br />
« À partir de l’écoute d’un jeu sonore,<br />
d’une chanson, le patient est invité à<br />
poursuivre l’histoire. Il n’y a que du<br />
son, car l’image tue l’imaginaire,<br />
surtout quand on a déjà du mal à<br />
s’exprimer… » Lina Braunschweig,<br />
psychothérapeute installée à Lyon,<br />
et directrice de l’association « Haut<br />
Parleur », a créé Voix d’or pour<br />
« aider les personnes âgées à mieux<br />
vivre l’instant présent ». Car « que<br />
serait une vie sans souvenirs ?, interroge-t-elle.<br />
La tragédie d’Alzhei mer,<br />
c’est la création d’un vide intérieur.<br />
Le malade perd son moi, son identité.<br />
Il faut donc réveiller sa mémoire<br />
émotionnelle, qui demeure ancrée<br />
plus longtemps. Une fois touchés,<br />
même les patients qui ont perdu les<br />
mots s’expriment parfois, par le re -<br />
gard, un sourire, voire une moquerie<br />
ou une larme. »<br />
Tous les mois, l’équipe de l’association<br />
conçoit donc six à sept heures<br />
de programme, mis à la disposition<br />
des établissements abonnés. Trentecinq<br />
Ehpad ont, à ce jour, souscrit<br />
à cette approche non médicamenteuse<br />
innovante. Parmi eux, les<br />
quatre Ehpad de la ville de Lyon,<br />
pour lesquels le coût de l’abonnement<br />
et la formation des équipes à<br />
10 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
Mémoire et émotion<br />
Les soignants choisissent<br />
des rubriques radio<br />
qui donnent du rythme à<br />
la journée des résidents.<br />
l’outil Voix d’Or ont été offerts par<br />
la municipalité. Au vu des moyens<br />
financiers limités des maisons de<br />
retraite, le coût de ces programmes<br />
peut, en effet, être un obstacle,<br />
reconnaît Lina Braunschweig. Il<br />
faut <strong>com</strong>pter 85 euros par mois,<br />
plus une demi-journée à une journée<br />
de formation pour le personnel<br />
(tarif pour 12 à 15 personnes sur<br />
une journée: 1 200 euros). Mais,<br />
tempère la créatrice de Voix d’or,<br />
l’association Haut Parleur étant<br />
agréée organisme de formation, ce<br />
coût peut, en partie, être pris en<br />
charge dans le cadre de la formation<br />
continue.<br />
Toute l’équipe<br />
« L’objectif est que Voix d’or soit utilisée<br />
par l’ensemble du personnel,<br />
poursuit Lina Braunschweig. Le programme<br />
devient une réussite quand<br />
un directeur d’Ehpad l’inclut dans<br />
son projet d’établissement, dans le<br />
planning de la journée. À chacun de<br />
s’approprier cet outil, à sa manière.<br />
L’écoute d’une actualité peut <strong>com</strong>bler<br />
un temps d’attente avant l’installation<br />
à table. Des thèmes autour de l’école,<br />
du lien à la terre, du premier amour,<br />
ou des congés payés créent des sujets<br />
d’échange. On peut distraire ou<br />
décrisper lors d’une toilette avec des<br />
bruits issus de la nature. Je sais que<br />
des équipes de nuit s’en servent aussi<br />
pour apaiser les an goisses, limiter les<br />
déambulations. » Une version téléchargeable<br />
devrait aussi être disponible<br />
dès cette année pour les<br />
personnes âgées vivant à domicile<br />
et leurs aidants. *CHANTAL BÉRAUD<br />
TÉMOIGNAGES<br />
« AVEC LES<br />
ÉPHÉMÉRIDES, on travaille<br />
sur les repères, spatiaux et<br />
temporels, puis on stimule la<br />
mémoire émotionnelle, via une<br />
démarche interactive, créatrice<br />
d’un climat familial. Il faut<br />
donner l’impulsion, pour lutter<br />
contre l’apathie. J’inclus<br />
des aides-soignantes et des<br />
AMP pour qu’elles voient<br />
les résidents sous un autre<br />
jour. Dans les cantous pour<br />
Alzheimer de l’Ehpad<br />
l’Argentière (Vienne, Isère),<br />
elles rythment ensuite<br />
leur journée par autre chose<br />
que du nursing, grâce<br />
aux rubriques de relaxation,<br />
de gymnastique douce<br />
et de musique. »<br />
ÉRIC DEMALINE, PSYCHOLOGUE,<br />
UTILISE VOIX D’OR LORS D’ATELIERS<br />
DE RÉMINISCENCE.<br />
JEMEÏ AIME ANIMER<br />
DES SÉANCES où, à l’aide<br />
du livret de fiches pratiques,<br />
elle a appris « à chercher le<br />
regard, à poser des questions…<br />
J’aide les patients à sortir de<br />
leur monotonie. Les chroniques<br />
sont joyeuses, elles les incitent<br />
à <strong>com</strong>muniquer. Il y a même<br />
parfois de la <strong>com</strong>plicité qui<br />
se crée entre eux. Ces séances<br />
enrichissent mon métier, et<br />
même, me valorisent. »<br />
JEMEÏ KENZA, AMP À L’EHPAD<br />
LE CERCLE DE LA CARETTE,<br />
À CALUIRE-ET-CUIRE (RHÔNE).<br />
CH. BÉRAUD
ACTUALITÉ<br />
DU CÔTÉ DES...<br />
COLLOQUES<br />
MALADIE D’ALZHEIMER<br />
BILAN MITIGÉ<br />
POUR LES UCC<br />
De petites unités prennent en charge les malades<br />
agités, avec pour objectif essentiel le retour au lieu<br />
de vie initial, en institution ou au domicile.<br />
Réunis mi-décembre à Paris<br />
pour leur congrès national,<br />
les acteurs des unités de<br />
soins, d’évaluation et de prise en<br />
charge Alzheimer ont estimé nécessaire<br />
de clarifier les missions des<br />
unités cognitivo-<strong>com</strong>portementales<br />
(UCC) créées en 2010. Souhaitant<br />
dresser un état des lieux de ce dispositif<br />
encore expérimental, la<br />
DGOS et la Société française de<br />
gériatrie et gérontologie ont interrogé<br />
une quarantaine d’UCC.<br />
Dédiées aux patients Alzheimer,<br />
elles ont été mises en place dans les<br />
hôpitaux suite aux mesures du troisième<br />
plan national Alzheimer.<br />
En première intention<br />
Maillon de la filière soins consacrée<br />
à la prise en charge de cette maladie,<br />
ces petites unités de dix à douze<br />
lits accueillent, pour quelques<br />
semaines, des personnes en période<br />
de crise, avec apparition ou exacerbation<br />
de troubles du <strong>com</strong>portement<br />
(agitation, déambulation<br />
ex cessive, agressivité, troubles du<br />
sommeil). Dans ses dernières re -<br />
<strong>com</strong>mandations de bonnes pratiques<br />
pour la prise en charge de la<br />
maladie, la Haute Autorité de santé<br />
(HAS) préconise, d’ailleurs, une<br />
hospitalisation en première intention<br />
en UCC. Plus adapté qu’un<br />
séjour en service de soins aigus,<br />
le séjour en UCC doit permettre<br />
d’éviter la « dépendance iatrogène ».<br />
Une hospitalisation constitue, en<br />
effet, une période à haut risque de<br />
déclin fonctionnel pour la personne<br />
âgée en raison du stress qu’elle gé -<br />
nère. Et les patients souffrant de<br />
démence sont tout particulièrement<br />
exposés à cette dépendance.<br />
Les UCC, installées au sein de<br />
structures de SSR (soins de suite et<br />
de réadaptation) polyvalentes ou<br />
gériatriques, doivent élaborer un<br />
projet de soins spécifique afin de<br />
limiter l’expression des troubles du<br />
<strong>com</strong>portement et de diminuer le<br />
recours aux psychotropes sédatifs<br />
ou à la contention. Les neuroleptiques<br />
sont, en effet, encore souvent<br />
utilisés en cas de troubles du<br />
<strong>com</strong>portement dits perturbateurs,<br />
alors qu’ils peuvent avoir des effets<br />
secondaires gravissimes chez les<br />
patients (décès, AVC, troubles de la<br />
marche…). Les thérapies non mé -<br />
di camenteuses, <strong>com</strong>me la stimu -<br />
lation cognitive et sensorielle ou des<br />
programmes d’activité motrice, sont<br />
donc au cœur du projet de soins des<br />
UCC. Parallèlement, les objectifs<br />
de la prise en charge SSR sont<br />
maintenus: amélioration de l’autonomie,<br />
éducation thérapeutique du<br />
patient et de sa famille, ac<strong>com</strong>pagnement<br />
à la réinsertion sociale et<br />
familiale… Le but est de permettre<br />
le retour au lieu de vie initial, que<br />
ce soit le domicile ou l’Ehpad. « Le<br />
cahier des charges des UCC est très<br />
large, de nombreuses questions se<br />
posent donc sur les modalités d’accueil<br />
des patients, la formation des<br />
soignants ou encore le choix des thérapeutiques<br />
non médicamenteuses »,<br />
a souligné Marie Noblet-Dick, responsable<br />
de l’UCC du CHU de<br />
Strasbourg.<br />
Quelles missions ?<br />
Cette enquête a permis de questionner<br />
les acteurs mêmes des UCC sur<br />
les missions qui leur sont dévolues.<br />
Pour les soignants, les UCC visent,<br />
dans l’ordre: l’amélioration du <strong>com</strong>-<br />
Des programmes<br />
d’activité motrice<br />
destinés aux patients<br />
atteints de la maladie<br />
d’Alzheimer sont au<br />
cœur du projet des<br />
UCC : quelques pas<br />
pour limiter le déclin<br />
fonctionnel engendré<br />
par une hospitalisation<br />
ordinaire.<br />
L’objectif<br />
des unités est<br />
de permettre<br />
le retour au lieu<br />
de vie d’origine<br />
portement (pour 70 % des répondants);<br />
la gestion d’une situation de<br />
risque (56 %); le répit pour les<br />
aidants (37 %); l’indication de l’entrée<br />
en institution (33 %); l’attente<br />
d’une place en institution (23 %) et<br />
la prise en charge d’une pathologie<br />
aiguë (11 %).<br />
Échange de pratiques<br />
Les alternatives non médicamenteuses<br />
sont prioritaires dans les projets<br />
thérapeutiques, et 85 % des<br />
UCC interrogées disent y avoir<br />
formé leurs personnels soignants.<br />
La durée moyenne de séjour est de<br />
36 jours. Mais, pour plus d’un tiers<br />
des patients, l’hospitalisation en<br />
UCC précède l’entrée en institution<br />
alors que l’objectif des unités est de<br />
permettre le retour au lieu de vie<br />
d’origine des patients. « Un échange<br />
autour des pratiques et des projets<br />
paraît aujourd’hui primordial, afin<br />
d’améliorer la qualité de la prise en<br />
charge des patients et de leurs ai -<br />
dants », a estimé Marie Noblet-Dick.<br />
Depuis 2009, 55 UCC ont été ou -<br />
vertes, et d’autres sont en cours de<br />
création. Reste à savoir si le maillage<br />
territorial sera suffisant pour assurer<br />
des besoins de plus en plus<br />
criants. Moins de la moitié des<br />
120 unités prévues à l’horizon 2012<br />
ont, à ce jour, ouvert leurs portes. *<br />
JOËLLE MARASCHIN<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 11<br />
BURGER/PHANIE
ACTUALITÉ<br />
CULTURE<br />
ESSAI<br />
Autisme<br />
Les enfants autistes restent encore trop souvent<br />
négligés. Ce livre vient donner des clés pour mieux<br />
les <strong>com</strong>prendre et <strong>com</strong>muniquer avec eux. Paradoxe<br />
incontournable de leur <strong>com</strong>portement : c’est pour<br />
se protéger d’une hypersensibilité au monde qu’ils se<br />
sont renfermés sur eux-mêmes. Comment expliquer<br />
la non-cession de la voix chez l’enfant autiste ?<br />
Existe-t-il un, ou des autismes ? L’autisme est-il une<br />
impossibilité d’être ou une possibilité de n’être pas ?<br />
Les regards de différents psychanalystes viennent<br />
éclairer toutes ces questions. C. I.<br />
Les paradoxes de l’autisme, sous la direction<br />
de Jean-Daniel Causse et Henri Rey-Flaud,<br />
Éditions Érès, 10 €. <br />
LIVRE JEUNESSE<br />
Si j’étais…<br />
Pour que les enfants n’aient plus peur d’aller<br />
chez le médecin ou à l’hôpital, un livre ludique<br />
et pédagogique leur fait endosser une mini-blouse<br />
blanche. Les voilà médecins pour une heure,<br />
responsables de faire l’examen de leurs peluches,<br />
d’établir le diagnostic et le traitement. Des cartes,<br />
fiches et accessoires en carton permettent<br />
de se familiariser avec la santé. C. I.<br />
Si j’étais… docteur, Éditions Larousse, 15,90 €. <br />
ROMAN POLICIER<br />
Trouble jeu<br />
Sarah, l’héroïne de ce roman noir à l’écriture alerte,<br />
est infirmière…, <strong>com</strong>me l’auteur. Qui, naturellement,<br />
connaît l’hôpital et ses rouages <strong>com</strong>me sa poche.<br />
Elle y a situé son intrigue, véritable ballet à trois dans<br />
un service psychiatrique où les danseurs évoluent<br />
toujours sur un fil. Sarah, tour à tour maligne<br />
ou manipulée, battante ou abattue, frise la paranoïa<br />
dans une réalité qui lui apparaît distordue… Qui sont<br />
vraiment Yann et Daniel, l’un sociopathe, l’autre<br />
psychiatre ? Ce sera au lecteur d’en décider.<br />
Car, jusqu’à la dernière page, cette partie d’échecs<br />
grandeur nature ne livre pas toutes ses feintes. M. N.<br />
Trouble Miroir, Anita Banos-Dudouit,<br />
Éditions du Bout de la rue, 15 €. <br />
RÉFLEXION<br />
Autour du nouveau-né<br />
À l’heure où l’on projette de réduire à 48 heures<br />
les séjours en maternité, cet ouvrage nous rappelle<br />
l’importance d’ac<strong>com</strong>pagner les jeunes parents dans<br />
leur accès parfois difficile à la parentalité. Dans<br />
ce repérage des difficultés parents-enfants, dès les<br />
premièrs instants de la vie, l’échelle de Brazelton<br />
se révèle un outil particulièrement adapté. L’auteur<br />
dresse un bilan passionnant de l’apport de ce modèle<br />
d’observation élaboré par le pédiatre américain<br />
et témoigne de sa propre expérience. H. T.<br />
Ce que nous apprennent les bébés, Drina <br />
Candilis-Huisman, Érès, 13 €.<br />
<br />
ZOOM<br />
L’IVG en BD<br />
Une épopée débridée<br />
sur la thémathique de<br />
l’avortement avant 1974.<br />
France, 1973… Derniers jours<br />
de l’avortement clandestin<br />
dans l’Hexagone. Dans Des<br />
salopes et des anges, le romancier<br />
Tonino Benacquista et l’illustratrice<br />
Florence Cestac suivent l’épopée<br />
de trois femmes en route pour<br />
Londres, où l’intervention est possible,<br />
dans un bus affrété par le<br />
Mlac (le Mouvement pour la liberté<br />
de l’avortement et de la contraception).<br />
L’une est une bourgeoise de<br />
Neuilly enceinte de son amant et<br />
dont le mari, médecin, reste totalement<br />
opposé à l’IVG. Deuxième<br />
personnage: une bénévole du Mlac,<br />
qui se re trouve à la place des<br />
femmes qu’elle conseille et ac<strong>com</strong>pagne<br />
d’habitude à l’étranger. La<br />
troisième héroïne est une jeune<br />
femme de 22 ans, dont le <strong>com</strong>pagnon<br />
se refuse à devenir père tant<br />
qu’il n’a pas « fait carrière ». Culpa -<br />
bilité, colère, honte, tristesse, mais<br />
aussi <strong>com</strong>plicité et solidarité féminines,<br />
tous ces sentiments sont évoqués,<br />
avec humour et délicatesse.<br />
Sérieusement documenté, l’ouvrage<br />
tombe à pic pour rappeler aux plus<br />
jeunes, ou à ceux qui l’auraient<br />
oublié, le <strong>com</strong>bat pour accéder à<br />
l’avortement et le vécu des femmes<br />
obligées de vivre cette épreuve dans<br />
la clandestinité. La BD revient également<br />
sur l’histoire de l’avortement<br />
à travers les âges, et retrace la lutte<br />
pour l’émergence du droit à l’IVG<br />
en France. Elle raconte avec émotion<br />
les trois jours et deux nuits de<br />
débats à l’Assemblée na tionale, qui<br />
abou tirent, in extremis, à la dépé -<br />
na li sation de l’avortement grâce à la<br />
loi Veil. Un album à re <strong>com</strong>mander,<br />
à toutes et à tous! *SANDRA MIGNOT<br />
Des salopes et des anges, Tonino<br />
Benacquista et Florence Cestac,<br />
Éd. Dargaud, 13,95 €.<br />
PAGE RÉALISÉE PAR CAROLE IVALDI,<br />
SANDRA MIGNOT, MICHÈLE<br />
NONCLERCQ ET HÉLÈNE TRAPPO<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 13
REPORTAGE<br />
MÉDECINE MAYA<br />
Guérir, question<br />
d’équilibre<br />
Au Guatemala, les Mayas ont conservé de leur grandeur passée une lecture du monde<br />
particulière. Leur perception de la santé et des soins l’est également. Un ajq’ij<br />
– chaman – depuis une vingtaine d’années, nous fait partager sa journée de soignant.<br />
14 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
TEXTE : LAURE GRUEL - PHOTOS : STÉPHANE MOIROUX
« Il y a des mois<br />
que j’ai mal<br />
au crâne. Je<br />
ne pensais pas<br />
consulter, mais<br />
deux de mes<br />
vaches sont<br />
mortes<br />
récemment. »<br />
Don Marcelo,<br />
ajq’ij,<br />
diagnostique<br />
un q’ijalxik chez<br />
son patient.<br />
« On en souffre<br />
quand on ne<br />
réalise pas sa<br />
destinée, celle<br />
indiquée par<br />
son jour de<br />
naissance.»<br />
Don Marcelo<br />
<strong>com</strong>mence le<br />
dé<strong>com</strong>pte des<br />
t’zité. « Je les<br />
utilise pour<br />
mesurer le<br />
temps. Il faut<br />
partir du jour de<br />
naissance du<br />
patient. Je peux<br />
ainsi découvrir<br />
ses problèmes<br />
et ceux de ses<br />
ancêtres. »<br />
Tout a <strong>com</strong>mencé par un accident de foot.<br />
Un ballon reçu sur la tête, une perte de<br />
connaissance. Depuis, Pedro souffre continuellement.<br />
Une peur intense et permanente<br />
l’habite, il ressent des frissons dans<br />
le dos, a perdu l’appétit et toute sensation de plaisir.<br />
Inquiet, son père est venu consulter Don Alberto (1) ,<br />
l’ajq’ij (2) , « le médecin-prêtre » ou guérisseur. Celui-ci<br />
diagnostique un susto, qui signifie « peur » en espagnol.<br />
Au cœur de la nature<br />
Les raisons de consulter un ajq’ij sont multiples: mal<br />
de tête, échec dans les affaires, détermination d’une<br />
date pour un mariage, souffrance psychologique, mort<br />
des bêtes dans une ferme... Alors qu’en Occident, l’approche<br />
de la maladie est exclusivement biomédicale,<br />
ici, la perception du processus santé-maladie est tout<br />
autre. L’homme maya vit au cœur de la nature, en interaction<br />
permanente avec elle. Il se doit de chercher un<br />
équilibre avec chaque être, humain, animal, végétal et<br />
minéral, tout en se respectant lui-même. La médecine<br />
maya ne sépare pas le biologique du psychique, du<br />
social, de l’environnemental, ni du cosmique, la santé<br />
00-CREDITPHOTO<br />
REPORTAGE<br />
MÉDECINE MAYA<br />
étant la résultante de cette attention à ce qui entoure<br />
l’homme, à ce qu’il est, le point d’équilibre parfait. La<br />
maladie vient signifier la rupture de cette harmonie,<br />
un déséquilibre. Elle ne se limite pas aux désordres biologiques.<br />
Ainsi, être triste, ne pas avoir d’énergie pour<br />
travailler ou ne pas avoir de terrain à cultiver sont perçus<br />
<strong>com</strong>me des problèmes de santé. « La maladie porte<br />
un sens qui se déchiffre. C’est un enseignement », <strong>com</strong>mente<br />
Don Alberto.<br />
Treize mois et neuf lunes<br />
Mais seuls ceux qui y sont destinés ont le pouvoir de<br />
lire les maux et de révéler leur signification. En effet,<br />
pour prétendre devenir ajq’ij, il faut être né un jour<br />
particulier du calendrier maya. Celui-ci est <strong>com</strong>posé<br />
de treize mois de vingt jours, « le temps de neuf lunes,<br />
la durée d’une grossesse », souligne Don Alberto. Il<br />
explique: chaque jour a un sens individuel, une énergie<br />
propre, modulée par le nombre (entre un et treize) qui<br />
lui est associé. Le jour de notre naissance, notre nawal<br />
(âme) détermine nos traits psychologiques innés et<br />
notre vocation professionnelle. Il définit notre identité.<br />
On ne peut s’y soustraire. Ainsi, si Don Alberto a tou- <br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 15
REPORTAGE<br />
MÉDECINE MAYA<br />
Don Alberto<br />
explique: « Le<br />
frère de mes<br />
patientes souffre<br />
d’un moxrik,<br />
ce que vous<br />
appelleriez<br />
“folie” en<br />
Occident.<br />
Son équilibre<br />
ne peut être<br />
restauré sans<br />
améliorer<br />
l’équilibre<br />
familial. »<br />
« Nous sommes<br />
venues consulter<br />
pour notre frère.<br />
Il a peur. Il reste<br />
enfermé avec un<br />
fusil dans sa<br />
maison. Il est<br />
devenu bizarre<br />
et ne veut pas<br />
entendre parler<br />
de consultation.<br />
Il dit qu’il va<br />
bien »,<br />
<strong>com</strong>mentent les<br />
trois femmes.<br />
<br />
16 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
Pour remercier<br />
l’Ajaw, « qui a<br />
créé tout ce qui<br />
se trouve<br />
sur Terre », les<br />
ajq’ijab utilisent<br />
des fleurs, des<br />
bougies et de<br />
la résine de pin.<br />
jours su qu’il deviendrait ajq’ij, ce n’est pas le cas de sa<br />
consœur, Celina. Celle-ci a découvert sa vocation suite<br />
à une pénible maladie: « J’ai été malade pendant trois<br />
ans. Je souffrais de vertiges, de tremblements et d’une<br />
infection de la peau. Les médicaments n’avaient aucun<br />
effet. Alors, je suis allée voir un ajq’ij. Il m’a révélé mon<br />
jour de naissance et ma vocation. Il m’a appris que je<br />
devais moi aussi exercer la médecine de nos ancêtres.<br />
Cela m’a guérie. Les médecins modernes sont incapables<br />
de soigner ce genre de maladie. »<br />
Après cette révélation, Celina<br />
est partie se former auprès des<br />
anciens et a métissé cet apprentissage<br />
de sa propre expérience.<br />
La médecine maya est essentiellement<br />
empirique.<br />
Désormais, tout <strong>com</strong>me les autres ajq’ijab’, elle connaît<br />
et manipule le calendrier maya avec aisance. À l’aide<br />
d’une figure d’étoile, elle calcule le jour de naissance,<br />
évalue la destinée, mesure les risques de maladie, chiffre<br />
l’espérance de vie. « Pour la science occidentale, l’humain<br />
est <strong>com</strong>posé de milliards de cellules; pour nous, il est<br />
formé de milliards de chiffres », décrit-elle.<br />
Pour les Mayas, l’être<br />
humain est formé<br />
de milliards de chiffres<br />
De précieux outils diagnostics<br />
Don Alberto utilise également la science calendaire et<br />
l’arithmétique. Ce sont de précieux outils diagnostics<br />
et étiologiques. Il est justement en train de chercher<br />
les raisons du trouble de Pedro. Pour cela, il l’interroge<br />
longuement, détermine son jour de naissance et son<br />
influence énergétique, et aligne des tz’ité (haricots secs).<br />
Cette manipulation l’aide à découvrir les causes<br />
enfouies, voire déniées par le patient. Il s’agit souvent<br />
de fautes, de haines, de rancœurs ou de peurs occultées.<br />
Parfois, il arrive que le malade ne soit pas lui-même à<br />
l’origine d’une faute ou qu’il n’ait pas lui-même vécu<br />
une situation terrifiante, mais que cela soit arrivé à l’un<br />
de ses grands-parents ou arrière-grands-parents.<br />
L’énergie néfaste de cet épisode s’est alors transmise<br />
par l’intermédiaire d’une pathologie que le malade ne<br />
peut <strong>com</strong>prendre. Dans de tels cas, Don Alberto interroge<br />
directement les ancêtres décédés en lisant les mou-
L’ajq’ij<br />
agenouillé prie<br />
l’Ajaw, le dieu<br />
créateur et<br />
formateur<br />
(ci-contre).<br />
Des bougies<br />
de six couleurs<br />
différentes ont<br />
été disposées<br />
pour la<br />
cérémonie<br />
(ci-dessous).<br />
Les lieux de<br />
recueillement<br />
sont choisis<br />
pour leurs<br />
propriétés<br />
spirituelles, ici,<br />
le pied d’un<br />
grand arbre<br />
(à droite).<br />
« Pour soigner<br />
un moxrik,<br />
je cueille<br />
cinq feuilles<br />
d’oranger, cinq<br />
de citronnier<br />
et une petite<br />
branche de<br />
basilic. Ensuite,<br />
le patient doit<br />
demander<br />
sa guérison<br />
au nord, au sud,<br />
à l’est et<br />
à l’ouest »,<br />
détaille<br />
Don Marcelo.<br />
REPORTAGE<br />
MÉDECINE MAYA<br />
vements d’un feu lors d’une cérémonie. « C’est parfois<br />
difficile de trouver les racines d’un problème, surtout<br />
lorsqu’il remonte aux ancêtres. Il faut alors plusieurs<br />
consultations pour les découvrir. On ne sait pas toujours<br />
par où <strong>com</strong>mencer, il y a une montagne de problèmes,<br />
cela donne mal à la tête. Je conseille alors à mes patients<br />
de revenir quatre ou cinq jours plus tard et d’être attentifs<br />
à leurs rêves. Les interpréter m’aide beaucoup », confie<br />
l’ajq’ij. Une consultation diagnostique peut durer plus<br />
de trois heures. Le patient y vient rarement seul. Son<br />
conjoint, ses parents, enfants, frères, sœurs, oncles,<br />
tantes l’ac<strong>com</strong>pagnent souvent. Dans une perspective<br />
holistique, les guérisseurs n’isolent jamais leurs patients<br />
de leur environnement psychosocial.<br />
La perte du jaleb’<br />
Don Alberto a diagnostiqué pour Pedro un xib’rikil,<br />
traduction maya de susto. L’adolescent, lors de son<br />
match de football, a perdu son jaleb’, l’une des deux<br />
âmes que chacun possède, selon les croyances mayas.<br />
Situé dans le plexus solaire, le jaleb’ est le centre des<br />
émotions telles que l’amour, la haine, ou même, tout<br />
simplement, le plaisir ressenti à l’ombre d’un arbre<br />
lorsqu’il fait chaud. Ce qui explique que Pedro n’éprouve<br />
plus aucun émoi, à part la peur.<br />
Selon le DSM (Manuel diagnostique et statistique des<br />
troubles mentaux), le susto est un « syndrome lié à la<br />
culture », c’est-à-dire qu’il se rencontre exclusivement<br />
dans une aire géographique précise, en l’occurrence le<br />
Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.<br />
Cette maladie suscite des controverses chez les psychiatres<br />
occidentaux. Ne se développe-t-elle que dans<br />
certaines cultures, ou présente-t-elle une expression<br />
différente d’un trouble identifié en Occident mais<br />
dénommé autrement? Pour le DSM, « différentes présentations<br />
du susto peuvent s’apparenter au trouble<br />
dépressif majeur, à l’état de stress post-traumatique et<br />
aux troubles somatoformes ». Don Alberto ne partage<br />
pas ce point de vue. Il n’utilise pas les mêmes critères<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 17<br />
REPORTAGE<br />
MÉDECINE MAYA<br />
Si l’origine de<br />
la maladie est<br />
attribuée au jour<br />
de naissance, il<br />
est nécessaire<br />
de rééquilibrer<br />
les charges<br />
énergétiques de<br />
celui-ci. L’ajq’ij<br />
allume un feu<br />
et brûle de<br />
l’encens pour<br />
convoquer les<br />
dieux reliés au<br />
jour concerné.<br />
Chacun des vingt jours du calendrier maya a une signification particulière<br />
et est symbolisé par un glyphe. Ainsi, si Bat’z est le jour de la sagesse,<br />
Tzi’kin sera celui du <strong>com</strong>merce, Ajm’aq celui des ancêtres...<br />
<br />
diagnostiques et étiologiques. Pour lui, trois types de<br />
facteurs peuvent être responsables de ce trouble: les<br />
catastrophes naturelles, la rencontre avec un esprit malveillant–il<br />
n’est pas rare, ici, affirme-t-il, d’en croiser<br />
certains, <strong>com</strong>me le Gardien de la forêt ou la Maîtresse<br />
de l’eau– et les épisodes de violence. « Pendant la guerre<br />
civile (1960-1996), nous sommes nombreux à avoir vécu<br />
ou assisté à des viols, des tortures et des meurtres.<br />
Malheureusement, ce type d’agression est encore très cou-<br />
18 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
rant aujourd’hui », <strong>com</strong>mente le guérisseur. Le xib’rikil<br />
peut aussi avoir sa source dans des circonstances où la<br />
violence paraît plus insignifiante, <strong>com</strong>me lorsqu’il s’agit<br />
de ragots, d’injustices ou de réveils brusques. En fait,<br />
cette pathologie trouve toujours son origine dans un<br />
situation vécue <strong>com</strong>me inattendue, menaçante, terrifiante.<br />
« Après un accident, les gens vont à l’hôpital, ils<br />
sont soignés, mais ils gardent un sentiment de peur. Ils<br />
ont perdu leur jaleb’. S’il est possible de vivre longtemps<br />
sans son jaleb’, les états de panique restent très fréquents<br />
», ajoute Don Alberto. Surviennent alors souvent:<br />
troubles du sommeil, paralysies faciales, coliques<br />
hépatiques, repli social. Une situation invalidante qui<br />
peut entraîner la mort du sujet, « ou la folie », précise<br />
encore l’ajq’ij.<br />
Le susto est l’une des six maladies identifiées par les<br />
ajq’ijab’ <strong>com</strong>me affectant la dimension mentale.<br />
Chacune conjugue des signes physiques, psychologiques<br />
et émotionnels qui ne peuvent s’entendre<br />
uniquement dans leur dimension individuelle. Ces<br />
six pathologies constituent des maladies évolutives.<br />
Chacune requiert un traitement spécifique, culturellement<br />
pertinent. Aussi, pour le guérir, Don Alberto<br />
préconise à Pedro la cérémonie du yikb’al. Demain,<br />
ils se rendront ensemble sur le lieu de son traumatisme.<br />
Don Alberto y appellera le jaleb’ de son patient<br />
avant qu’il ne disparaisse. « Le yikb’al n’est pas toujours<br />
possible, explique t-il, il ne faut pas attendre pour faire<br />
cette cérémonie, car le jaleb’ ne reste pas longtemps sur<br />
les lieux de l’accident. Il peut s’en aller, voire s’accrocher<br />
à un animal qui passerait par là, <strong>com</strong>me un chat ou un<br />
chien. »
Ainsi, le premier pas vers la guérison est la <strong>com</strong>préhension<br />
des fondements du trouble. « Chaque maladie<br />
a sa racine, il faut la chercher », assène le guérisseur.<br />
C’est elle qui détermine le traitement à suivre. Les soins<br />
débutent habituellement par une purification corporelle.<br />
L’ajq’ij réalise un « lavement spirituel » en balayant<br />
le corps du patient avec des branchages de plantes spécifiques<br />
(citron, tabac...). Il s’agit de retirer de l’organisme<br />
les énergies négatives de la maladie. Ingestion<br />
de plantes, massage, forme de psychothérapie, cérémonie<br />
d’offrandes appartiennent également à l’arsenal<br />
thérapeutique des guérisseurs. Dans tous les schémas<br />
de traitement, la spiritualité est privilégiée <strong>com</strong>me principe<br />
régulateur de l’équilibre. La guérison, <strong>com</strong>me la<br />
maladie, est un processus qui peut s’avérer long.<br />
Un jour pour la sagesse<br />
Il est temps pour Don Alberto de prendre congé de son<br />
patient. Aujourd’hui, nous sommes le 9 Bat’z et il est<br />
attendu à une cérémonie. En chemin vers la forêt voisine,<br />
il explique: « Chaque année, nous nous retrouvons<br />
entre ajq’ijab’ pour célébrer ce jour du 9 Bat’z. Bat’z représente<br />
la sagesse. On invoque son énergie, elle nous aide<br />
à avoir de la force et du discernement pour soigner nos<br />
patients. » Sous les pins, des femmes disposent les fleurs<br />
disposées en cercle: arums, roses, marguerites. Au centre,<br />
le maître de cérémonie trace le symbole de<br />
Bat’z – un cercle divisé en trois– avec du sucre. Dans<br />
le calendrier maya, chaque jour est personnifié tel un<br />
dieu. Bat’z est le principe cocréateur de la vie supérieure.<br />
On le représente sous la forme d’un fil ou d’une<br />
corde, qui illustre le déroulement de la vie de l’être<br />
humain, mais aussi celui du temps et de l’histoire.<br />
Sur le glyphe, s’ajoutent maintenant bougies, résine et<br />
miel. Des offrandes, pour remercier, mais aussi pour<br />
demander. La cire des chandelles et le miel concentrent<br />
l’essence d’une multitude de fleurs. Quoi de plus beau<br />
à offrir que ce panaché de nature à celui qui l’a créée?<br />
Les ajq’ijab’ se coiffent d’un tissu rouge et allument les<br />
La région<br />
du Quiché est<br />
peuplée à 88 %<br />
par les Mayas.<br />
Si leur culture<br />
est toujours<br />
admirée,<br />
ils sont, aussi,<br />
socialement<br />
discriminés.<br />
Celina participe à la cérémonie de l’une de ses consœurs. Les ajq’ijab<br />
échangent souvent sur leurs pratiques et s’entraident.<br />
Le feu est un élément central du soin des praticiens mayas. En lisant<br />
ses soubresauts, l’ajq’ij peut découvrir l’origine du trouble du patient.<br />
bougies. Au siècle dernier, les guérisseurs auraient<br />
porté des plumes d’oiseau, peut-être de quetzal, signe<br />
d’élévation de l’esprit, de <strong>com</strong>munication avec le créateur.<br />
Les plumes furent interdites, le symbole est resté.<br />
Don Alberto entonne de longues mélopées. Les ajq’ijab’<br />
s’agenouillent et prient. Les flammes montent haut,<br />
c’est bon signe.<br />
Longtemps, ces pratiques de soin ont été bannies.<br />
Aujourd’hui, elles sont mises à mal par les bouleversements<br />
culturels qui s’opèrent dans les campagnes du<br />
Guatemala. Les valeurs occidentales et les nombreux<br />
mouvements religieux naissants malmènent les traditions.<br />
Pourtant, la région souffre d’un cruel manque<br />
de ressources sanitaires. On ne dénombre qu’un médecin<br />
et une infirmière pour 11 500 habitants, et aucune<br />
stratégie de santé n’a été culturellement définie (méconnaissance<br />
de la langue maya locale, différences d’interprétation<br />
des symptômes, prix des traitements). Don<br />
Alberto s’inquiète de cette situation. Alors, avec d’autres<br />
ajq’ijab’, il a décidé de réagir. Regroupés en association,<br />
ils s’organisent pour sauvegarder leurs connaissances,<br />
faire reconnaître leurs pratiques et transmettre au plus<br />
grand nombre cette médecine traditionnelle héritée<br />
de leurs ancêtres. *<br />
1- Don Alberto est membre de l’ONG Medicos Descalzos. Elle a pour<br />
mission de revaloriser la médecine traditionnelle maya et de favoriser<br />
l’accès des populations rurales du Guatemala à des soins de santé<br />
primaire.<br />
2- Ajq’ij (pluriel : ajq’ijab’) se prononce « arkir ».<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 19
SUR LE TERRAIN<br />
ENQUÊTE<br />
INFIRMIÈRE DANS L’HUMANITAIRE<br />
Une autre<br />
carrière<br />
20 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
À la suite de l’épidémie de<br />
rougeole qui s’est déclarée<br />
en février 2011 au Malawi,<br />
MSF a lancé une campagne<br />
de vaccination de masse<br />
et d’urgence sur plusieurs<br />
districts du pays.<br />
L’environnement humanitaire évolue, le rôle qu’y joue l’infirmière également. Si les<br />
responsabilités ont toujours été au rendez-vous, on recherche de plus en plus de profils<br />
spécialisés. Et les possibilités de faire carrière sont toujours présentes, à condition<br />
d’accepter de quitter le soin. SANDRA MIGNOT
MÉDECINS SANS FRONTIÈRES<br />
Le milieu humanitaire a beaucoup évolué<br />
depuis les années 1980, résume à grands traits<br />
Amélie Courcaud, adjointe chargée des programmes<br />
santé à la direction des relations et<br />
des opérations internationales de la Croix-<br />
Rouge française et IDE. Au début, les gens qui partaient<br />
à l’international donnaient de leur temps, parfois sur<br />
leurs vacances. Ils n’étaient pas forcément rémunérés. Ils<br />
faisaient juste leur métier dans un contexte différent. »<br />
Au fil du temps, les fonctions se sont professionnalisées<br />
– même si l’expression plaît peu dans le secteur sanitaire.<br />
« Cela pourrait signifier qu’on faisait un peu n’importe<br />
quoi avant, <strong>com</strong>mente Isabelle Bioh-Johnson,<br />
infirmière de par sa formation initiale et désormais<br />
adjointe au directeur des opérations internationales<br />
chez Médecins du monde. Ce qui n’était pas le cas. Mais<br />
pour ma première mission, en 1994, je n’avais pas de profil<br />
de poste, par exemple », se souvient-elle.<br />
Progressivement, un statut du travailleur humanitaire–<br />
créé en 1995 puis précisé en 2005, via le volontariat en<br />
service international (VSI)– a d’abord défini un cadre<br />
d’emploi plus précis (lire encadré p. 22). Les infirmières<br />
sont passées du statut de bénévole à celui de volontaire,<br />
avec une rémunération, modeste certes, mais garantissant<br />
néanmoins un minimum et l’accès à une protection<br />
sociale. « Ensuite, à la fin des années 1990, se<br />
sont développées les formations (DU, masters…), et les<br />
infirmières ont de plus en plus endossé des rôles de<br />
coordination », poursuit Amélie Courcaud.<br />
Fonctions d’encadrement<br />
L’évolution de l’environnement humanitaire serait également<br />
à mettre sur le <strong>com</strong>pte d’une structuration plus<br />
importante des organisations imposée par les bailleurs<br />
de fonds, selon Isabelle Bioh-Johnson. « En développant<br />
le financement de l’aide humanitaire, ils nous ont imposé<br />
des charges administratives et de gestion plus lourdes,<br />
explique-t-elle. Si les fonctions de coordination médicale<br />
existaient il y a quinze ans, elles nous permettaient de<br />
rester davantage auprès des équipes sur le terrain que<br />
dans notre bureau devant un ordinateur. »<br />
Aujourd’hui, à l’expatriation, on retrouve des IDE aux<br />
postes de coordinateur médical, coordinateur de projet,<br />
voire chef de mission. Certaines se sont tout simplement<br />
formées sur le terrain. « Nous travaillons beaucoup<br />
sur le développement des parcours professionnels,<br />
explique Laurent Sabard, responsable de programmes<br />
chez Médecins sans frontières et Iade. Par le choix des<br />
missions que nous leur confions progressivement, nous<br />
Depuis 2001, MSF mène un<br />
programme de prise en charge<br />
des malades du sida au Malawi.<br />
Dans les centres de santé, la<br />
prévention de la transmission<br />
du VIH de la mère à l’enfant<br />
est un thème essentiel.<br />
Prévention<br />
poussons les infirmier(e)s à évoluer vers les fonctions<br />
d’encadrement. » C’est ce qui est arrivé à Tania Carrasco,<br />
engagée dans l’humanitaire depuis 2006, devenue coordinatrice<br />
de projet dès 2007 et actuellement adjointe<br />
au chef de mission en Haïti. Il faut dire que les fonctions<br />
d’IDE pures deviennent de plus en plus rares sur le terrain,<br />
sauf dans les missions d’extrême urgence, dont la<br />
durée est, par nature, courte. Chez MSF, on explique<br />
cette évolution par le fait que l’ONG s’investit de plus<br />
en plus dans de gros programmes hospitaliers: « Cela<br />
représente plus de 50 % de nos programmes », note Otto<br />
Ziwsa, responsable service gestion de pool chez MSF.<br />
Or, sur ce type de programmes, il existe généralement<br />
déjà un staff local. Du coup, pour 560 expatriés, seuls<br />
60 occupent des postes d’IDE. Chez Médecins du<br />
monde, qui s’investit davantage dans le développement<br />
que dans l’action d’urgence, le mot d’ordre est la<br />
formation du personnel national.<br />
« Nous avons développé de plus en<br />
plus ce principe qu’il ne faut pas faire<br />
à la place de, et que notre spécificité,<br />
c’est de renforcer les <strong>com</strong>pétences et<br />
d’apporter des moyens techniques »,<br />
résume Isabelle Bioh-Johnson. Conséquence: « Actuel -<br />
lement, sur 180 expatriés, nous avons neuf infirmier(e)s<br />
sur le terrain (une sur un poste d’IDE, une sur un poste<br />
d’Ibode, sept sur des postes d’encadrement). »<br />
Même si l’expérience de terrain est capitale dans l’évolution<br />
de carrière, beaucoup d’infirmiers ressentent<br />
aussi le besoin de confirmer leur <strong>com</strong>pétence par un<br />
diplôme supplémentaire. « Plus on évolue dans la coordination,<br />
plus on a besoin de connaissances en matière<br />
administrative, logistique, financière, ressources hu -<br />
maines », justifie Tania, qui a suivi le master I en coordination<br />
de projet à l’Ifaid de Bordeaux après deux ans<br />
chez MSF, ainsi qu’un diplôme de médecine tropicale<br />
à Anvers. Isabelle BIoh-Johnson avait, elle, préféré<br />
acquérir d’abord un DU de médecine tropicale et suivre<br />
une formation en gestion des soins à l’institut Bioforce<br />
avant de s’investir dans sa toute première mission.<br />
Des profils experts<br />
DU ou masters sont cependant loin d’être une exigence<br />
dans toutes les ONG. À l’exception de la Croix-Rouge,<br />
où les infirmiers sont recrutés au niveau master II pour<br />
des postes de coordination. « L’humanitaire est devenu<br />
un métier, avec une expertise particulière », explique<br />
Amélie Courcaud. Ailleurs, c’est l’évolution des profils<br />
des candidats qui dicte le changement. « Par la force<br />
SUR LE TERRAIN<br />
ENQUÊTE<br />
« Notre spécificité,<br />
c’est de renforcer les<br />
<strong>com</strong>pétences locales »<br />
<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 21<br />
MÉDECINS SANS FRONTIÈRES
SUR LE TERRAIN<br />
ENQUÊTE<br />
SE FORMER<br />
> Un diplôme de<br />
coordonnateur de<br />
projet de solidarité<br />
internationale et locale<br />
(niveau Master I),<br />
proposé, à Bordeaux,<br />
par l’Institut de<br />
formation et d’appui<br />
aux initiatives de<br />
développement (Ifaid).<br />
www.ifaid.org<br />
> Un master européen<br />
de santé tropicale-santé<br />
internationale,<br />
ouvert à Bordeaux-2.<br />
www.troped.org<br />
> Les masters en santé<br />
publique de l’Institut<br />
de médecine tropicale<br />
d’Anvers.<br />
www.itg.be<br />
> Un diplôme<br />
de coordinateur de<br />
projet de solidarité<br />
internationale (niveau<br />
master II), proposé<br />
par Bioforce, à Lyon.<br />
www.bioforce.asso.fr<br />
> Les DU de médecine<br />
tropicale : Bordeaux-2,<br />
Marseille, Montpellier-1,<br />
Paris-7, Rennes-1…<br />
<br />
Dans la plupart des ONG,<br />
les premières missions sont<br />
effectuées sous le statut<br />
de volontaire de solidarité<br />
internationale (régi par une<br />
loi de février 2005), qui<br />
permet une rémunération<br />
sous la forme d’une<br />
indemnité, non imposable<br />
et non soumise aux<br />
cotisations sociales. Sa<br />
rétribution s’échelonne, en<br />
fonction des organisations<br />
et des responsabilités<br />
assumées, entre 487 €<br />
(Croix-Rouge française)<br />
et 915 € (Médecins du<br />
monde). La protection<br />
des choses, de plus en plus d’infirmières postulent avec<br />
un DU en médecine tropicale, voire un master en santé<br />
publique. Alors, on privilégie ces profils », explique<br />
Hortense Bayaert, chargée des ressources humaines<br />
chez Médecins du monde.<br />
Une autre évolution, con<strong>com</strong>ittante à celle de l’action<br />
humanitaire en général, est celle de la multiplication<br />
des postes spécialisés. « Les moyens techniques disponibles<br />
sur le terrain ont beaucoup progressé », résume<br />
Florence Fermon, IDE et référent vaccination chez<br />
MSF. « Par exemple, autrefois, pour une fracture du<br />
fémur, on posait une broche, et ensuite, le patient restait<br />
six mois en traction, immobilisé, se souvient Laurent<br />
Sabard. Aujourd’hui, on pose un clou centro-médullaire.<br />
22 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
MÉDECINS SANS FRONTIÈRES<br />
EXPATRIÉS<br />
Statuts et conditions d’emploi<br />
sociale est prise en charge<br />
par l’employeur. Après<br />
plusieurs mois d’expérience<br />
sur le terrain (par exemple,<br />
12 chez MSF, 24 chez<br />
Action contre la faim),<br />
les professionnels peuvent<br />
accéder à un poste salarié.<br />
Un « CDD d’usage » sera<br />
généralement d’abord<br />
proposé, contrat de travail<br />
dont le terme peut être<br />
facilement reconduit et<br />
pour lequel la loi n’exige<br />
pas de délai de carence :<br />
il est ainsi possible<br />
d’enchaîner deux CDD sur<br />
deux missions différentes<br />
Dans les pays où<br />
elle intervient, MSF<br />
s’est investie dans<br />
la formation des<br />
soignants locaux.<br />
Ici, au Cambodge,<br />
une infirmière<br />
autochtone se rend<br />
régulièrement<br />
chez les patients<br />
des villages de<br />
sa région. Elle<br />
leur apporte leurs<br />
médicaments et<br />
les aide à suivre<br />
leur traitement.<br />
En anesthésie, on a maintenant des respirateurs tropicalisés,<br />
on dispose de davantage de molécules… Quant<br />
à la stérilisation, les autoclaves se sont généralisés. » Les<br />
personnels formés à l’utilisation de ces techniques ont<br />
désormais leur place en mission: Ibode, Iade, puéricultrices,<br />
sages-femmes, infirmières hygiénistes sont,<br />
désormais, également recherchées par les ONG. « En<br />
terme de qualité des soins, c’est plus intéressant », ajoute<br />
Laurent Sabard.<br />
Professionnels locaux<br />
L’inconvénient, pour une ONG <strong>com</strong>me MSF, où cette<br />
tendance se fait plus particulièrement sentir, c’est que<br />
les profils d’infirmiers spécialisés évoluent rarement<br />
vers des postes de coordination. « Ce sont davantage<br />
des gens qui vont faire une, ou deux expériences professionnelles.<br />
Or, chez nous, ce sont plutôt les profils généraux<br />
qui évoluent vers les postes<br />
sans que cela crée<br />
une obligation légale<br />
d’embauche définitive.<br />
Sur le terrain, les salaires<br />
peuvent s’échelonner<br />
de 1 300 à 3 100 € bruts.<br />
À l’indemnité du volontaire<br />
<strong>com</strong>me au salaire de<br />
l’expatrié s’ajoutent un<br />
per diem ou une allocation<br />
pour les dépenses du<br />
quotidien. La Croix-Rouge<br />
ne recourt pratiquement<br />
pas au statut de volontaire<br />
et signe un CDD pour<br />
chaque « délégué ».<br />
Pour en savoir plus :<br />
www.clong-volontariat.org<br />
L’action de la<br />
Croix-Rouge<br />
française en Haïti,<br />
après le séisme de<br />
2010, est sa<br />
mission la plus<br />
importante<br />
à ce jour à<br />
l’international,<br />
avec 35 expatriés<br />
et 350 salariés<br />
nationaux sur<br />
le terrain.<br />
d’encadrement, et nous en avons de<br />
moins en moins. » Environ 30 % des<br />
infirmiers engagés par MSF ne partent<br />
pas plus de deux fois en mission<br />
sur toute leur carrière. Ils sont<br />
le même nombre à effectuer plus de<br />
cinq missions. Or, il faut au moins<br />
douze mois de terrain pour devenir<br />
coordinateur de projet… Du coup,<br />
l’ONG tourne désormais son regard<br />
vers les professionnels de santé des<br />
pays du Sud. « À chaque fois que<br />
c’est possible, nous recrutons des professionnels<br />
de santé locaux qui,<br />
ensuite, peuvent devenir des ex -<br />
patriés sur d’autres missions en<br />
tant que coordinateurs », résume<br />
Laurent Sabard. Les <strong>com</strong>pétences
en soins infirmiers ne sont pas présentes dans tous les<br />
pays. « Et, localement, des situations peuvent se dégrader<br />
très vite, souligne Isabelle Bioh-Jonhson. À l’occasion<br />
d’une catastrophe naturelle ou de migrations, les professionnels<br />
de santé peuvent disparaître très rapidement. »<br />
Dans des situations de conflit, la formation peut être<br />
stoppée pendant plusieurs années et engendrer une<br />
perte importante en personnel qualifié. « Ainsi, en<br />
Centre-Afrique ou au Malawi, nous avons globalement<br />
du mal à recruter du personnel paramédical », note<br />
Florence Fermon. En revanche, Médecins sans frontières<br />
a pu recruter d’excellents infirmiers en Côte<br />
d’Ivoire. Il faut préciser que l’ONG, bien que spécialisée<br />
dans l’urgence, s’investit de plus en plus dans de gros<br />
projets hospitaliers. « D’ailleurs, cela crée une autre évolution<br />
dans notre recrutement: le besoin en cadres de<br />
soins, pour superviser toutes les équipes infirmières et<br />
aides-soignantes, précise Otto Siwsa.<br />
Engagement et vie familiale<br />
Enfin, <strong>com</strong>me le montrent les cursus professionnels<br />
des personnes que nous avons rencontrées dans cette<br />
enquête, les évolutions au siège des organisations sont<br />
largement ouvertes aux infirmières désireuses de s’engager.<br />
Isabelle Bioh-Johnson avait effectué sa première<br />
mission dans un poste d’infirmière en 1994 en Bosnie,<br />
elle est aujourd’hui adjointe à la direction chez MDM,<br />
après avoir travaillé dans d’autres ONG à des postes de<br />
coordinatrice médicale, voltigeuse médicale puis responsable<br />
de desk. Au fil de l’évolution, certains postes<br />
permettent même de <strong>com</strong>biner engagement professionnel<br />
et vie familiale, et il reste possible de partir sur<br />
le terrain, mais moins souvent. « Je pars encore une à<br />
deux fois par mois, note Isabelle, qui est maman d’une<br />
petite fille. Mais cela n’a rien à voir avec le poste de voltigeuse<br />
médicale où il fallait partir en urgence–parfois<br />
CROIX-ROUGE FRANÇAISE<br />
SUR LE TERRAIN<br />
Fonctions d’encadrement<br />
Chef de mission<br />
Il est le responsable<br />
final de la mission.<br />
Il chapeaute tous<br />
les projets installés<br />
dans un même pays.<br />
Il s’agit d’un poste<br />
de gestion (budget,<br />
RH, finances,<br />
administration…),<br />
avec une forte<br />
dimension de<br />
représentation<br />
politique auprès<br />
des autorités et des<br />
partenaires locaux.<br />
Il peut avoir une<br />
formation de<br />
base médicale,<br />
paramédicale<br />
ou non médicale,<br />
selon les activités<br />
développées par<br />
l’ONG dans le pays.<br />
Chez MSF, un tiers<br />
des chefs de mission<br />
sont de formation<br />
paramédicale.<br />
Coordinateur<br />
de projet<br />
Sous l’autorité du<br />
chef de mission,<br />
il se consacre à la<br />
supervision d’un des<br />
projets de terrain<br />
de l’organisation.<br />
Il veille au bon<br />
fonction nement<br />
des activités,<br />
à l’utilisation<br />
correcte des<br />
ressources et à<br />
la progression vers<br />
les objectifs fixés.<br />
Il s’assure également<br />
du respect des<br />
principes, de<br />
l’éthique et des<br />
règles de sécurité.<br />
Chez MSF, 57 %<br />
d’entre eux sont de<br />
formation infirmière.<br />
Coordinateur<br />
médical<br />
Il a nécessairement<br />
dans les douze heures–pour évaluer les besoins sur des<br />
situations de conflit ou de catastrophe naturelle. Je passais<br />
60 % de mon temps sur le terrain, je n’aurais pas pu le<br />
faire plus de deux ans. »<br />
Le parcours de Laurent Sabard n’est pas moins intéressant.<br />
Parti pour une première mission après dix années<br />
d’expérience hospitalière et une spécialisation en anesthésie,<br />
il a ensuite alterné les missions exclusivement<br />
pour MSF (grâce à des employeurs particulièrement<br />
enclins à lui accorder des mises en disponibilité) avant<br />
de démissionner définitivement de l’hôpital, en 2010.<br />
Après quelques missions courtes <strong>com</strong>me infirmier, il<br />
est passé coordinateur de projet, chef de mission, puis<br />
a enchaîné différentes missions de<br />
desk: coordinateur d’urgence, responsable<br />
des ressources humaines<br />
(avec l’acquisition d’une licence en<br />
RH au passage), puis responsable<br />
de programme… Il a évidemment<br />
expérimenté tous les types de statut:<br />
volontaire, CDD, CDI. Avec, à la clé, un parcours<br />
qui amène à quitter réellement la profession d’infirmier.<br />
« Je ne me suis plus sentie infirmière à partir du moment<br />
où je suis devenue responsable de desk, résume Isabelle<br />
Bioh-Johnson. Mais je trouve que mon parcours est co -<br />
hérent, j’ai appris beaucoup dans chacun de mes postes,<br />
et je reste totalement en accord avec la philosophie et<br />
l’engagement de l’ONG pour laquelle je travaille. » *<br />
SUR LE TERRAIN<br />
ENQUÊTE<br />
une formation<br />
de médecin<br />
ou d’infirmier. Il<br />
développe tout<br />
l’encadrement<br />
médical des<br />
projets : mise<br />
en place des<br />
protocoles, recueil<br />
des données<br />
statistiques<br />
et de l’information<br />
médicale,<br />
évaluation de la<br />
qualité, rapport<br />
d’activités…<br />
Il assure<br />
l'encadrement,<br />
la supervision<br />
et la formation des<br />
équipes médicales<br />
et évalue le<br />
personnel sous<br />
sa responsabilité.<br />
Chez MSF, 17 %<br />
d’entre eux ont<br />
une formation<br />
paramédicale.<br />
Certains parcours<br />
amènent à quitter<br />
réellement la profession<br />
d’infirmier(e)<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 23
SUR LE TERRAIN<br />
RENCONTRE AVEC<br />
Son caractère volontaire et des rencontres<br />
décisives l’ont amenée au métier d’infirmière.<br />
Aujourd’hui, après un master en organisation,<br />
Françoise Mourot est chargée de la conduite<br />
de projets dans un hôpital francilien.<br />
Itinéraire d’une bû<br />
Le franc parler, le regard direct et la volubilité<br />
de Françoise Mourot témoignent d’une force<br />
de caractère particulière. Il en faut pour suivre<br />
son parcours. Sur le mur de son bureau, la<br />
Déclaration des droits de l’homme de 1789.<br />
« Je suis très attachée à l’éthique républicaine, à la liberté<br />
de parole aussi. » Et à la liberté tout court. Il lui en a fallu<br />
une bonne dose et pas mal de courage ou d’inconscience<br />
pour décider, à 16 ans, de quitter l’école. La mé -<br />
canique générale, vraiment, ce n’était pas pour elle. « Les<br />
joies de l’orientation, <strong>com</strong>mente-t-elle aujourd’hui. On<br />
avait peut-être remarqué mon esprit technique, mon sens<br />
de l’organisation... » Seule fille au milieu de 40 garçons,<br />
elle décide d’arrêter. Première bifurcation, radicale.<br />
Kiné ou infirmière ?<br />
Malgré l’inquiétude de sa mère et de sa grand-mère,<br />
elle choisit d’entrer en apprentissage chez un photographe<br />
de quartier. Là où elle a grandi, « dans le 9-3, à<br />
l’époque, ça ne s’appelait pas encore <strong>com</strong>me ça ». Dans<br />
l’obscurité du laboratoire, elle développe en noir et<br />
blanc, puis en couleur. « Au-delà de<br />
la photographie, dans cette entreprise<br />
familiale, j’ai appris très vite une<br />
chose dont on parlait peu à l’époque<br />
et beaucoup aujourd’hui: la qualité,<br />
observe Françoise. Le client doit être<br />
livré dans les temps, le travail doit<br />
être bien fait et du premier coup,<br />
sinon, ça coûte. » La prise de vue lui fait de l’œil mais<br />
ses clichés ne l’emballent pas. Et au bout de cinq ans,<br />
sans avoir pu passer le CAP de photographe, « je me<br />
suis rendu <strong>com</strong>pte que la vie que je souhaitais avoir, je<br />
ne l’aurais jamais avec ce travail-là. Il me fallait d’abord<br />
le baccalauréat ». Une rencontre lui fait découvrir le<br />
« J’ai <strong>com</strong>pris que je<br />
n’aurais jamais la vie<br />
que je voulais avec<br />
ce travail-là »<br />
24 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
Françoise<br />
Mourot<br />
« Je reste au service<br />
des soignants, pour<br />
le patient. Je suis<br />
toujours soignante. »<br />
D. BALICKI<br />
Centre national d’enseignement à distance (Cned).<br />
Deuxième bifurcation.<br />
Tout en développant des photos, elle prépare, seule, un<br />
bac scientifique. Son projet: devenir kiné, parce qu’elle<br />
a « une bonne image de ce métier ». Le bac lui échappe<br />
cependant et ce projet avec. Lorsqu’elle tente de se<br />
replier sur le métier d’aide-soignante, une directrice<br />
d’école lui conseille celui d’infirmière. Troisième bifurcation?<br />
« Il y avait deux filières au concours, se souvient<br />
Françoise. Une partie était ouverte aux candidates non<br />
bachelières. En réussissant un premier concours, elles<br />
pouvaient tenter le concours d’entrée, <strong>com</strong>me les bachelières.<br />
Cela n’existe plus aujourd’hui, et c’est dommage<br />
parce qu’on n’a pas vraiment besoin du bac pour être<br />
infirmière, lance-t-elle, consciente d’être un peu iconoclaste.<br />
Quand j’ai passé mon certificat d’études, je<br />
savais faire des règles de trois, des pourcentages, des calculs<br />
de vitesse. Je vois beaucoup d’aide-soignantes qui<br />
n’ont pas le bac mais qui possèdent une vraie vocation<br />
soignante. »<br />
Un vrai métier<br />
16 février 1981. Françoise connaît la date par cœur:<br />
c’est celle de son entrée à l’école d’infirmières. Elle a<br />
gardé la lettre qui lui annonce son admission: « Je savais<br />
que c’était la chance de ma vie. » Trois ans plus tard, elle<br />
a appris un métier qui va vraiment changer le cours de<br />
son existence. Et lui permettre de quitter son HLM.<br />
Les années suivantes, aux urgences et en réa à l’hôpital<br />
Saint-Louis (Paris), lui ont laissé un « super souvenir.<br />
J’ai beaucoup aimé la réa parce que c’était très riche dans<br />
le soin et la réflexion. Mais je ne pensais pas y rester toute<br />
ma carrière. Et puis j’ai toujours eu l’idée de devenir<br />
infirmière anesthésiste ». Elle enchaîne avec les études<br />
ad hoc. Quatrième bifurcation!
cheuse<br />
LE MASTER<br />
D’ORGANISATION<br />
ET DE CONDUITE<br />
DU CHANGEMENT<br />
AU CNAM<br />
> Accessible<br />
à bac+3 (ou<br />
équivalent), il<br />
<strong>com</strong>prend des<br />
enseignements<br />
théoriques,<br />
un stage tutoré<br />
de quatre<br />
à six mois,<br />
la soutenance<br />
d’un rapport<br />
de mission et<br />
d’une note de<br />
<strong>com</strong>mentaires<br />
et d’approfon -<br />
dissement.<br />
> Plus<br />
d’informations<br />
sur le site<br />
du Cnam :<br />
http://petitlien.<br />
fr/5qyi<br />
Françoise exerce dix ans à Lariboisière (Paris), « dont<br />
au moins huit sans jamais m’ennuyer, précise-t-elle.<br />
J’arrivais en chantant le matin, j’avais des collègues formidables...<br />
Peut-être parce que dans un CHU, il y a une<br />
émulation. Le drame de l’AP-HP, c’est qu’elle a le plus<br />
beau potentiel intellectuel et humain mais que ça ne<br />
marche pas... » L’ennui qui s’installe peu à peu, ce n’est<br />
pas son style. Elle prend une disponibilité, <strong>com</strong>mence<br />
à travailler en intérim. « Je voulais trouver un établissement<br />
où j’aimerais travailler en le connaissant de l’intérieur.<br />
Alors, j’ai bossé dans toute l’Ile-de-France, dans<br />
le public, le privé et le PSPH. Ça a été très enrichissant,<br />
au propre <strong>com</strong>me au figuré! J’ai découvert de nombreuses<br />
façons de travailler, des organisations et des gens différents.<br />
Comme j’étais débarrassée des contraintes techniques,<br />
car je maîtrisais mon métier, je me suis demandé<br />
ce que j’avais envie de faire pendant les quinze années<br />
d’activité qu’il me restait. » Toute seule, elle réalise une<br />
sorte de bilan de <strong>com</strong>pétences. Des qualités émergent:<br />
son goût pour les questions d’organisation, pour l’analyse...<br />
Une rencontre avec un « ingénieur en organisation<br />
», lors d’un audit bloc, la fait cogiter. C’est un<br />
professionnel de santé formé au Conservatoire national<br />
des arts et métiers (Cnam). Mais « ce n’est pas ouvert à<br />
tout le monde », lui lance-t-il en la prenant de haut.<br />
Françoise remballe prestement ses souhaits de nouvelles<br />
perspectives. Mais pas pour longtemps. Elle se rend<br />
quand même au Cnam et y découvre les formations.<br />
Un diplôme d’études supérieures (Desto, bac+4) et un<br />
master de techniques de l’organisation. Elle sera candidate<br />
au premier car il est ouvert aux non-bacheliers.<br />
Un poste de faisant fonction de cadre au bloc d’un établissement<br />
francilien va lui permettre non pas de devenir<br />
cadre–elle ne le souhaite pas–, mais d’étudier en<br />
alternance. Encore une bifurcation!<br />
MOMENTS CLÉS<br />
1972 Quitte le lycée<br />
professionnel pour un<br />
apprentissage en photographie.<br />
1981 Entre à l’Ifsi.<br />
1984 Obtient le DE d’infirmière.<br />
1990 Obtient le certificat<br />
d’aptitude aux fonctions<br />
d’infirmière spécialisée<br />
en anesthésie et réanimation<br />
(diplôme d’Iade d’aujourd’hui).<br />
2008 Décroche un Master<br />
en organisation.<br />
2008 Reçoit le Trophée de la<br />
Formation continue L’Express,<br />
L’Étudiant, Les Échos.<br />
SUR LE TERRAIN<br />
RENCONTRE AVEC<br />
Une nouvelle identité<br />
« Je tremblais quand j’ai ouvert l’enveloppe des résultats.<br />
J’avais misé gros, rappelle-t-elle. J’ai été reçue au Desto.<br />
Et là, un coup de chance énorme intervient. Avec la mise<br />
en place du système LMD, le diplôme a basculé en master<br />
! » Pendant deux ans, Françoise suit les cours au<br />
Cnam une semaine par mois. Au programme: sociologie,<br />
analyse de la valeur, systèmes d’organisation,<br />
conduite de changement... Un vrai marathon, qui met<br />
sa vie personnelle entre parenthèses. Elle en sort avec<br />
une « nouvelle identité ». Françoise s’occupe désormais<br />
de la conduite de projets dans les services de soins, un<br />
poste rattaché à la DRH. « L’organisation, c’est un métier<br />
difficile, car il n’est pas toujours bien <strong>com</strong>pris, expliquet-elle.<br />
Il est souvent perçu <strong>com</strong>me une remise en question.<br />
» Elle travaille par exemple à l’organisation du<br />
plan blanc et de ses annexes (risques NRBC (1) et canicule,<br />
notamment), à des audits internes, ac<strong>com</strong>pagne<br />
les utilisateurs d’un nouveau logiciel dans les services<br />
de soins. Elle côtoie des médecins, des soignants, des<br />
professionnels de la formation, de la logistique, de la<br />
qualité ou des ressources humaines. Un certificat de<br />
contrôle de gestion et de financement des systèmes de<br />
santé <strong>com</strong>plète sa formation: « On ne peut pas travailler<br />
sur l’organisation sans réfléchir aux coûts. »<br />
Or-ga-ni-sa-tion<br />
Sur le terrain ou dans son bureau, Françoise « reste au<br />
service des soignants, pour le patient », aime-t-elle répéter.<br />
Le contact avec les patients ne lui manque pas: « Je<br />
suis toujours soignante. J’ai vraiment du respect pour les<br />
infirmières, Ce n’est pas un métier facile, et elles le font<br />
avec beaucoup de professionnalisme. Mais le soin, ce n’est<br />
pas seulement poser une perfusion, appliquer un pansement.<br />
C’est le “care”. » Il constitue un de ses leitmotive.<br />
Comme son attachement au service public. Elle est<br />
fière de son parcours et d’avoir pu (et su) dévier de sa<br />
voie initiale pour choisir la sienne. *<br />
GÉRALDINE LANGLOIS<br />
1- Nucléaire, radiologique, biologique, chimique.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 25
À LIRE<br />
RÉFLEXION<br />
PROFESSION<br />
«Quel rôle voulezvous<br />
jouer ? »<br />
La sociologue Françoise Acker estime que les<br />
infirmières doivent se faire entendre pour obtenir<br />
les conditions de travail qui permettent des soins<br />
de qualité tels qu’elles les conçoivent.<br />
Pratiques,<br />
les cahiers de<br />
la médecine<br />
utopique, n° 54,<br />
2011.<br />
« Les enjeux<br />
d’une<br />
réforme ».<br />
Entretien entre<br />
Françoise<br />
Acker et Anne<br />
Perraut-<br />
Soliveres<br />
(membre<br />
du <strong>com</strong>ité<br />
de rédaction<br />
de la revue et<br />
de L’Infirmière<br />
Magazine).<br />
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Vous observez<br />
la profession infirmière depuis plus de vingt ans.<br />
Quelle lecture avez-vous de son évolution ?<br />
FRANÇOISE ACKER : On pourrait parler d’un mouvement<br />
continu de recherche d’une autonomisation<br />
par rapport à la profession médicale. L’évolution<br />
concerne à la fois la place et la fonction de l’infirmière<br />
dans la médecine et le système de santé, les modifications<br />
du cadre de travail, et les modalités de mise en<br />
œuvre du travail lui-même. Entre les années 1960 et<br />
1980, un certain nombre de leaders infirmiers ont cherché<br />
à mettre en avant une fonction sociale de l’infirmière<br />
qui ne se limite pas à la seule mise en œuvre de<br />
soins prescrits par un médecin (1) . Ces démarches se<br />
sont ac<strong>com</strong>pagnées d’une réflexion sur les soins, leur<br />
nature, leur spécificité, leur domaine de <strong>com</strong>pétence.<br />
L’I. M. : De quelle façon s’est concrétisée cette pensée<br />
infirmière ?<br />
F.A.:Pour partie, dans le développement d’outils pour<br />
nommer, conduire, rendre <strong>com</strong>pte du travail ac<strong>com</strong>pli<br />
au quotidien : dossier de soins, diagnostics infirmiers,<br />
protocoles…, et avec l’élaboration, par des infirmiers,<br />
d’un dictionnaire des soins infirmiers qui a fixé une<br />
terminologie professionnelle. Puis, le programme de<br />
formation professionnelle initiale a été modifié, en 1979,<br />
et la formation professionnelle continue s’est développée<br />
à l’hôpital, permettant de diffuser à l’ensemble des infirmières<br />
hospitalières des approches et des réflexions<br />
sur les soins développées par quelques auteurs et<br />
« écoles » de pensée, française et internationales.<br />
L’I. M. : Les années 1960, 1970 et 1980 sont déjà loin…<br />
F.A.: En effet, et j’ai l’impression que les infirmières<br />
vivent, pour ce qui concerne la réflexion sur les soins,<br />
en partie sur les acquis de cette période. Les années<br />
1990 et les suivantes se caractérisent par une rationalisation<br />
accrue de l’offre de soins, dont la carte se re<strong>com</strong>pose<br />
sur le territoire. Les réformes se succèdent à un<br />
26 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
rythme accéléré, les établissements de santé se re -<br />
structurent et sont en chantier quasi permanent.<br />
L’organisation du travail est repensée pour accroître<br />
l’intégration des différents services et l’efficience d’ensemble.<br />
Une nouvelle articulation entre ville et hôpital<br />
se développe, avec les réseaux, mais aussi avec une<br />
reconfiguration des prises en charge des maladies chroniques<br />
et la progression du travail d’information thérapeutique<br />
et de prévention.<br />
L’I. M. : Toutes ces réformes sont d’ordre structurel…<br />
F.A.:Le travail et les conditions de sa réalisation restent<br />
effectivement peu abordés, sauf à penser que le développement<br />
des protocoles et des procédures règlent la<br />
question du travail, du sens que les professionnels lui<br />
donnent, de l’intelligence qu’ils mobilisent pour mener<br />
à bien le travail attendu. En fait, le raccourcissement<br />
des durées de séjour et le développement des prises en<br />
charge ambulatoires ont conduit les infirmières à proposer<br />
de nouveaux modes de suivi: consultation infirmière,<br />
suivi téléphonique à domicile pour assurer une<br />
gestion fluide des flux de patients. Initiés par les infirmières<br />
des services en fonction des problèmes rencontrés<br />
localement, ces aménagements sont repris par<br />
les politiques de santé–tels le plan cancer, les agences<br />
régionales de santé–, puis par les directions d’établissement<br />
pour les transformer en modèles de prise en<br />
charge à implanter de façon généralisée, dans une<br />
logique administrative et technocratique.<br />
L’I. M. : Quel en est le retentissement ?<br />
F. A. : Tout cela pèse sur la façon dont les infirmières–et<br />
les autres soignants, d’ailleurs–peuvent effectuer un<br />
travail « bien fait », selon les critères professionnels<br />
intégrés lors de la formation et de la transmission d’une<br />
culture professionnelle mais aussi tout au long de l’expérience<br />
de travail. La question du temps est devenue<br />
centrale lorsque la durée de séjour–très restreinte–est<br />
définie pour effectuer un travail conçu en fonction de<br />
seuls critères médicaux, techniques et économiques.<br />
Quand les séjours des patients sont plus longs, la question<br />
du temps cristallise aussi les difficultés à prendre<br />
en charge un nombre important de patients avec très<br />
peu de personnels. Dans tous les cas, les soignants ont<br />
le sentiment de ne pas pouvoir effectuer l’ensemble du<br />
travail que demanderait le patient, évalué en fonction
FR. VLAEMINCK<br />
de leur expertise soignante. Il leur est difficile de donner<br />
une attention suffisante à chacun, non seulement en<br />
fonction des problèmes attendus (listés) mais aussi en<br />
fonction des demandes qui s’expriment au cours des<br />
soins. Comment rester attentif aux problèmes particuliers<br />
d’un patient singulier et non pas seulement à<br />
ceux du patient de manière générale?<br />
L’I. M. : L’engagement soignant est-il encore possible<br />
au sein des établissements dans ces conditions ?<br />
F. A. : Dans l’absolu, bien sûr. Cependant, il me semble<br />
qu’il y a actuellement un déficit de temps alloué–dans<br />
le cadre du travail et sur le temps de travail–à une<br />
réflexion sur les soins, leur nature, le rôle que les soignants<br />
peuvent avoir quant aux modes de prise en<br />
charge des patients. Quels soins leur offrir, ainsi qu’à<br />
leur entourage, pour quelle santé, pour quelle société?<br />
L’I. M. : Les infirmières souffrent-elles, selon vous,<br />
d’un manque de visibilité et de porte-voix ?<br />
F. A. : Les associations professionnelles et les syndicats<br />
sont nombreux mais divisés. De fait, ils ne sont pas très<br />
visibles, et les messages des infirmières ne sont ni lisibles<br />
ni audibles pour les citoyens. Que veulent-elles?<br />
Quel rôle veulent-elles jouer? Ce sont des questions<br />
de fond, car leur quotidien dépend de leurs projets.<br />
Les infirmières sont pourtant une force incroyable:<br />
peu de secteurs regroupent quelque 500 000 personnes!<br />
Et si toutes ne partagent pas les mêmes valeurs, elles<br />
devraient pouvoir se mettre d’accord sur un socle <strong>com</strong>mun<br />
pour faire avancer leur conception des soins.<br />
L’I. M. : Elles seraient donc en partie responsables<br />
de leur situation ?<br />
F. A. : En partie oui, car elles ne disent pas grand-chose,<br />
ou très peu. Et quand ça ne va pas, certaines ont recours<br />
à la mobilité. À leur décharge, on sait bien qu’il est difficile<br />
de faire bouger les choses isolément. Je discute<br />
régulièrement avec des infirmières qui ont de très<br />
bonnes idées pour améliorer l’organisation des soins<br />
ou la prise en charge de certains types de malades, voire<br />
le système de santé, mais elles ne les expriment pas.<br />
1- Au travers<br />
du « rôle propre »,<br />
la loi du 31 mai 1978<br />
reconnaît<br />
aux infirmières<br />
un domaine<br />
de <strong>com</strong>pétence<br />
spécifique et une<br />
autonomie relative.<br />
FRANÇOISE ACKER<br />
SOCIOLOGUE<br />
> Elle est ingénieur d’études<br />
EHESS au Centre de recherche médecine,<br />
sciences, santé et société (Cermes -<br />
UMR 8211 - U988).<br />
> Ses recherches portent sur le travail<br />
infirmier et sa représentation, l’évolution<br />
de la profession infirmière, l’emploi et<br />
la formation des professions de santé.<br />
> Auteur, notamment, de «Configurations<br />
et reconfigurations du travail infirmier<br />
à l'hôpital» dans la Revue française des<br />
affaires sociales, elle a publié de nombreux<br />
articles relatifs au travail infirmier.<br />
> Actuellement, elle mène une étude<br />
sur le travail infirmier en chirurgie<br />
ambulatoire.<br />
RÉFLEXION<br />
L’I. M. : À votre avis, c’est la question de l’approche<br />
et de la réflexion collectives qui se pose ?<br />
F. A. : Oui, et dans ce contexte, je crois que le rôle des<br />
cadres de proximité est à interroger. Elles ne sont plus<br />
beaucoup dans les services. La pause-café était un<br />
moment d’échanges entre cadres et infirmiers pendant<br />
lequel les premiers revenaient sur tel ou tel cas avec<br />
une vraie liberté de ton et où les infirmières « pouvaient<br />
dire » leurs difficultés. C’est plus rare aujourd’hui.<br />
Certes, les cadres sont davantage occupées par la gestion,<br />
mais faire vivre une équipe de professionnelles<br />
est aussi une tâche importante. L’une d’elles m’a déclaré:<br />
« Après tout, elles sont autonomes ! » Mais on n’a pas la<br />
même autonomie lorsqu’on a un an d’expérience derrière<br />
soi ou quinze ans de métier, quand on a rencontré<br />
peu d’événements à partir desquels on a pu réfléchir et<br />
se repositionner. Comment s’interroger sur les règles<br />
du métier, <strong>com</strong>ment pouvoir se dire que ce n’est pas<br />
<strong>com</strong>me ça qu’on voudrait soigner. Comment soutenir<br />
le développement de l’autonomie de chacun et du<br />
groupe? Pas en laissant les professionnelles relativement<br />
livrées à elles-mêmes.<br />
L’I. M. : Peuvent-elles inverser la tendance ?<br />
F. A. : Il faut qu’elles se battent pour obtenir les conditions<br />
de travail qui permettent des soins de qualité<br />
tels qu’elles les conçoivent en tant que professionnelles<br />
de santé. Je crois qu’elles doivent défendre leur conception<br />
du soin et la façon dont elles veulent le prodiguer.<br />
Cent cinquante ans après l’ouverture des premières<br />
écoles d’infirmières, que signifie être infirmière<br />
aujourd’hui ? C’est une question qui pourrait guider<br />
leur réflexion. Je pense qu’elles peuvent trouver des<br />
appuis auprès d’autres professionnels de santé ainsi<br />
que du côté des associations de patients, mais, pour<br />
cela, il est nécessaire qu’elles créent des alliances. Je<br />
suis plutôt confiante dans leurs capacités à se mobiliser.<br />
Lorsque j’assiste à des colloques, je vois des infirmières<br />
qui, malgré les difficultés, réfléchissent,<br />
échangent, débattent. Bref, qui se passionnent pour<br />
leur profession. *<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE VLAEMŸNCK<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 27
JURIDIQUE<br />
TEXTES PARUS<br />
CONTRACEPTIFS ORAUX<br />
Les modalités pratiques<br />
de renouvellement<br />
des contraceptifs oraux<br />
par les infirmiers diplômés<br />
d’État font l’objet<br />
d’un récent décret.<br />
Ce renouvellement devra<br />
être effectué sur<br />
l’ordonnance médicale<br />
originale, où l’infirmier<br />
devra apposer son cachet,<br />
la mention « renouvellement<br />
infirmier », la durée de<br />
celui-ci et la date à laquelle<br />
il est effectué. Pour rappel,<br />
la loi HPST dispose que<br />
les IDE peuvent renouveler<br />
les prescriptions datant<br />
de moins d’un an de<br />
contraceptifs oraux, pour<br />
une durée maximale de<br />
six mois, non renouvelable.<br />
Décret n° 2012-35 du 10 janvier 2012,<br />
JO n° 0010 du 12 janvier 2012, texte n° 26 .<br />
VIVRE EN EHPAD<br />
L’Agence nationale<br />
d’évaluation de la qualité<br />
des établissements et<br />
services sociaux et médicosociaux<br />
(Anesm) publie une<br />
re<strong>com</strong>mandation de bonnes<br />
pratiques sur la vie sociale<br />
des résidents en Ehpad<br />
relative aux possiblités de<br />
« maintenir ou de renouer<br />
leurs liens sociaux extérieurs<br />
et d’en créer d’autres tant<br />
au sein de l’établissement<br />
qu’à l’extérieur ». L’Anesm<br />
propose, entre autres, de<br />
faciliter les rencontres lors<br />
des temps intermédiaires<br />
entre les soins, les repas,<br />
de favoriser la participation<br />
des résidents à « la vie<br />
de la cité » en organisant<br />
des débats sur des sujets<br />
d’actualité. L’agence incite<br />
à valider régulièrement avec<br />
le résident la désignation<br />
du référent familial faite<br />
à l’entrée en Ehpad, et celle<br />
de la personne de confiance<br />
éventuelle. (APM)<br />
Questions de lecteurs<br />
Chaque mois, nos juristes se mettent à votre disposition<br />
et répondent à vos questions juridiques les plus diverses.<br />
N’hésitez pas à nous faire parvenir vos demandes,<br />
à l’adresse suivante : im@wolters-kluwer.fr.<br />
VÉRONIQUE SOKOLOFF<br />
JURISTE SPÉCIALISÉE EN DROIT DE LA SANTÉ<br />
WWW.FORMATIONSANTEDROIT.ORG<br />
Prise en charge du suivi post-ALD<br />
Les soins d’une patiente qui n’est plus en ALD, mais qui doit être<br />
surveillée régulièrement pour dépister une éventuelle rechute,<br />
continuent-ils à être pris en charge à 100 % ?<br />
Conformément à l’article L. 322-3-10 du Code<br />
de la Sécurité sociale, un nouveau type d’exonération<br />
du ticket modérateur a été reconnu<br />
pour les patients précédemment en ALD 30<br />
pour une pathologie chronique, dont la maladie<br />
est en phase de rémission. Cependant, ce dispo -<br />
sitif, appelé « suivi post-ALD », permet une<br />
prise en charge à 100 % des seuls actes et examens<br />
mé dicaux ou biologiques nécessaires à<br />
Dépôt de biens de valeur<br />
la surveillance de l’ancienne pathologie. Ainsi,<br />
les produits de santé et les frais de transport<br />
sont exclus de son champ d’application. Le<br />
médecin traitant adresse la de mande d’entrée<br />
dans la procédure au médecin-conseil. Après<br />
accord du service médical, les praticiens feront<br />
figurer la mention « post-ALD » sur leurs<br />
ordonnances et feuilles de soins, et les patients<br />
bénéficieront de la prise en charge intégrale. *<br />
Une patiente a déposé de l’argent dans le coffre de l’établissement<br />
de santé. Au moment de son départ, elle a souhaité le retirer.<br />
Or, l’enveloppe avait disparu. La responsabilité de la structure<br />
est-elle engagée ?<br />
Aux termes de l’article L. 1113-1 du Code de<br />
la santé publique, les établissements de santé<br />
sont, qu’ils soient publics ou privés, responsables<br />
de plein droit du vol, de la perte ou de la<br />
détérioration des objets déposés–et, notamment,<br />
les sommes d’argent–entre les mains des<br />
préposés <strong>com</strong>mis à cet effet ou d’un <strong>com</strong>ptable<br />
public par les personnes qui y sont admises ou<br />
hébergées. Les établissements ont l’obligation<br />
Communication du dossier médical<br />
de proposer aux patients un service de dépôt<br />
des biens de valeur, après les avoir informés,<br />
par écrit et par oral, des différents principes de<br />
responsabilité, selon que les biens ont été ou<br />
non déposés. En effet, il faut savoir que, sauf<br />
en cas de faute imputable à l’établissement, les<br />
sommes d’argent conservées par le patient pendant<br />
son hospitalisation sont placées sous sa<br />
seule responsabilité. *<br />
L’hôpital public où je travaille <strong>com</strong>me infirmière tout en y étant<br />
suivie <strong>com</strong>me patiente refuse de me <strong>com</strong>muniquer mon dossier<br />
médical, arguant que seul mon médecin traitant peut me donner<br />
ces informations. Est-ce exact, et quels sont mes recours ?<br />
En tout premier lieu, sachez que, <strong>com</strong>me tout<br />
patient, vous avez droit, conformément à la loi<br />
du 4 mars 2002, à la <strong>com</strong>munication directe de<br />
votre dossier médical. Le fait que vous soyez<br />
salariée de l’établissement ne réduit en aucune<br />
façon ce droit d’accès, et le passage par un<br />
médecin n’est pas obligatoire. Vous pouvez réitérer<br />
votre demande par courrier en re<strong>com</strong>mandé<br />
avec accusé de réception, mettant en<br />
demeure l’hôpital d’y accéder. S’il persiste dans<br />
son refus, vous pouvez saisir la <strong>com</strong>mission<br />
d’accès aux documents administratifs (dans un<br />
délai d’un mois à <strong>com</strong>pter du refus de <strong>com</strong>mu-<br />
nication, ou de deux mois en cas de nonréponse).<br />
Vous pouvez également saisir la juridiction<br />
administrative. Dans une affaire récente<br />
(cour administrative d’appel du 20 octobre 2011<br />
- N° 10NT00271), les juges ont considéré qu’un<br />
établissement hospitalier, en refusant à maintes<br />
reprises, sans raison juridique valable, les<br />
demandes de <strong>com</strong>munication du dossier médical<br />
de son père décédé à sa fille, a <strong>com</strong>mis une<br />
faute de nature à engager sa responsabilité à<br />
son égard. Ils ont estimé que la requérante avait<br />
subi un préjudice moral et ont condamné l’hôpital<br />
à lui verser la somme de 1 000 euros. *<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 29
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
DOSSIER<br />
LA BPCO<br />
OU BRONCHOPNEUMOPATHIE<br />
CHRONIQUE OBSTRUCTIVE<br />
32<br />
L’ESSENTIEL<br />
Signes d’alerte<br />
et diagnostic<br />
34<br />
PRISE EN CHARGE<br />
Traitements<br />
médicamenteux,<br />
oxygénothérapie<br />
et éducation<br />
thérapeutique<br />
39<br />
SAVOIR PLUS<br />
40<br />
QUIZ<br />
Enjeu majeur de santé publique, la BPCO<br />
constitue l’une des causes principales<br />
de morbidité et de mortalité dans le monde.<br />
Si des médicaments, en réduisant sa sévérité,<br />
contribuent à améliorer la qualité de vie des patients,<br />
la démarche la plus efficace reste la suppression<br />
du tabagisme. Les traitements médicamenteux<br />
– prescription de bronchodilatateurs, de corticoïdes,<br />
et oxygénothérapie – peuvent être <strong>com</strong>plétés<br />
par la réhabilitation respiratoire dès le stade modéré<br />
de la maladie, en particulier dans le cadre de l’éducation<br />
thérapeutique. La prise en charge débute par un<br />
diagnostic éducatif personnalisé, qui permet aux patients<br />
de prendre en main la gestion de leur maladie.<br />
Le rôle des équipes soignantes, où l’infirmière apporte<br />
conseil et soutien, est, ensuite, de les ac<strong>com</strong>pagner,<br />
généralement lors d’ateliers collectifs. Grâce aux<br />
échanges d’expérience, la stratégie thérapeutique<br />
de chacun sera optimisée.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 31
DOSSIER<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
L’ESSENTIEL<br />
32 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
1. DESCRIPTION<br />
La bronchopneumopathie chronique obstructive<br />
(BPCO) est une maladie respiratoire définie par une<br />
obstruction permanente et progressive des voies<br />
aériennes pouvant avoir un retentissement systémique.<br />
Première des causes d’insuffisance respiratoire<br />
chronique, elle est à l’origine d’une morbidité (handicap,<br />
exacerbations, <strong>com</strong>plications, <strong>com</strong>orbidités<br />
incluant un isolement social progressif du patient) et<br />
d’une mortalité importantes (voir Chiffres p. 37). Le<br />
tabac est le principal facteur expliquant la survenue<br />
d’une BPCO mais n’est pas le seul polluant atmosphérique<br />
impliqué (ozone, dioxyde d’azote ou de soufre,<br />
polluants domestiques, travail dans les mines, le bâtiment,<br />
la sidérurgie, le textile…). Autres facteurs de<br />
risque: la prématurité; le tabagisme passif durant la<br />
grossesse; des facteurs génétiques; des infections bronchiques<br />
virales infantiles (virus syncytial) favoriseraient<br />
la survenue ultérieure d’une BPCO.<br />
Fibrose et lésions<br />
Le trouble ventilatoire obstructif a pour origine l’altération<br />
morphologique des bronchioles, dont la<br />
lumière se rétrécit. L’épithélium, très inflammé<br />
(notamment dans la phase précoce de la maladie) est<br />
peu à peu envahi par un tissu fibreux inélastique;<br />
parallèlement, les fibres lisses péribronchiques s’épaississent.<br />
Cette fibrose, une fois constituée, est irréversible–contrairement<br />
à l’inflammation. S’y ajoutent<br />
des lésions emphysémateuses, avec distension des<br />
espaces aériens et destruction des cloisons interalvéolaires,<br />
participant à la réduction de la capacité<br />
ventilatoire car elles limitent les capacités de rétractation<br />
élastique du poumon.<br />
L’augmentation des résistances aux flux gazeux induit<br />
un accroissement de la charge mécanique respiratoire<br />
passive mais aussi de la charge active du fait des difficultés<br />
à l’expiration. L’air inspiré est inégalement<br />
réparti dans les poumons et la destruction alvéolaire<br />
réduit les échanges gazeux. Ces anomalies structurales<br />
pulmonaires sont à l’origine d’une hypoxémie qu’ac<strong>com</strong>pagne<br />
tardivement une hypercapnie.<br />
Évolution<br />
La diminution progressive des débits expiratoires,<br />
inéluctable en l’absence de traitement et de suppression<br />
du tabagisme, est <strong>com</strong>prise entre 30 et 80 mL/an.<br />
Des exacerbations aiguës de plus en plus sévères<br />
émaillent l’évolution de l’affection: elles sont le plus<br />
souvent induites par des infections virales ou bactériennes<br />
(Streptococcus pneumoniae, Haemophilus<br />
influenzae). La survenue d’un cancer bronchique est<br />
plus fréquente chez les sujets souffrant de BPCO que<br />
dans la population générale.<br />
2. SIGNES D’ALERTE<br />
Triade symptomatique<br />
La BPCO peut s’ac<strong>com</strong>pagner de toux/ expectorations/dyspnée.<br />
> La toux : elle est volontiers matinale, à prédominance<br />
hivernale. Elle finit souvent par devenir permanente.<br />
C’est un signe d’alerte généralement négligé<br />
par les patients. Pourtant, il faut suspecter l’existence<br />
d’une BPCO devant l’observation quotidienne d’une<br />
toux et d’expectorations chroniques, pendant au<br />
moins trois mois chaque année deux années successives<br />
: quelque 20 % des sujets présentant une semblable<br />
bronchite chronique développent, à terme, une<br />
dyspnée.<br />
> Les expectorations : la toux est souvent productive<br />
(les fluidifiants bronchiques n’ont cependant pas d’intérêt<br />
dans ce cas).<br />
> La dyspnée : signe d’alerte d’apparition insidieuse<br />
et tardive, finissant par pousser le patient à consulter,<br />
elle s’observe d’abord uniquement lors d’efforts physiques<br />
(sport, montée d’un escalier, port d’une charge<br />
lourde…). S’aggravant avec le temps, elle finit par<br />
s’observer même au repos, et est majorée par les épisodes<br />
infectieux. L’importance de la difficulté respiratoire<br />
est corrélée à la sévérité du trouble ventilatoire<br />
obstructif apprécié par la spirométrie (VEMS souvent<br />
<strong>com</strong>pris entre 1 000 et 1 500 mL). Lorsque la dyspnée<br />
est le seul signe de BPCO, la maladie est souvent associée<br />
à des lésions emphysémateuses. Des épisodes de<br />
« wheezing » (sifflement expiratoire) suggèrent une<br />
réversibilité de l’obstruction bronchique.<br />
Signes divers<br />
On ne doit pas considérer la BPCO <strong>com</strong>me une simple<br />
affection respiratoire. C’est, en effet, une véritable<br />
maladie sys témique, retentissant sur tout l’organisme.<br />
Ainsi:<br />
> Des troubles thymiques (dépression) et des troubles<br />
mnésiques sont fréquents dès que la PaO 2 est inférieure<br />
à 65 mmHg. Des troubles du sommeil (somnolence<br />
diurne, ronflements, céphalées matinales)<br />
traduisent une hypoxémie nocturne avec ou sans<br />
apnée du sommeil.<br />
> L’hypoxie peut induire une cyanose des extrémités.<br />
Plus grave: elle induit une amyotrophie progressive<br />
qu’entretient le handicap respiratoire. De ce fait, l’activité<br />
physique du patient est peu à peu réduite, ce<br />
qui accentue encore la fonte musculaire. Il est, à ce
STADES SPIROMÉTRIQUES ET CLINIQUES DE LA BPCO ET TRAITEMENT<br />
CARACTÉRISTIQUES<br />
TRAITEMENT<br />
STADE I (LÉGER) STADE II (MODÉRÉ) STADE III (SÉVÈRE) STADE IV (TRÈS SÉVÈRE)<br />
VEMS 80 % de la valeur prédite 50 % VEMS 80 % de la valeur<br />
prédite<br />
Symptômes chroniques inconstants<br />
Absence de dyspnée<br />
Symptômes chroniques fréquents<br />
Dyspnée d’effort<br />
titre, indispensable de suivre l’évolution de l’indice<br />
de masse corporelle (IMC) du patient.<br />
> L’insuffisance ventriculaire droite peut être à l’origine<br />
d’un œdème des membres inférieurs.<br />
Des douleurs thoraciques, possibles mais très inhabituelles<br />
dans la BPCO, inviteront à rechercher une<br />
embolie pulmonaire, un pneumothorax, une œsophagite<br />
ou un reflux gastro-œsophagien. Une hémoptysie<br />
(crachats sanguinolents) doit faire rechercher un cancer<br />
bronchique ou une insuffisance cardiaque gauche.<br />
Parmi de nombreuses échelles, le score <strong>com</strong>posite<br />
« BODE » (Body mass index, Obstruction, Dyspnea,<br />
Exercice capacity) (2004) semble le meilleur facteur<br />
prédictif de la survie ; il prédit mieux la mortalité que<br />
chacun de ces <strong>com</strong>posants considéré isolément.<br />
3. ÉTAPES DU DIAGNOSTIC<br />
La recherche d’une BPCO devrait être proposée systématiquement<br />
aux patients à risque, en premier lieu<br />
aux fumeurs de plus de 40 ans. Le diagnostic mérite<br />
d’être porté avec grand soin car les symptômes peuvent<br />
être en rapport avec une autre pathologie pulmonaire<br />
et, notamment, avec une <strong>com</strong>plication du<br />
tabagisme (cancer bronchique) ou avec une maladie<br />
associée (cardiopathie, par exemple). La démarche<br />
diagnostique est réalisée en plusieurs étapes : observation<br />
clinique, dépistage d’une éventuelle anomalie<br />
du souffle à l’aide d’un débitmètre de pointe (« peakflow<br />
») ou d’un spiromètre, d’une radiographie… Ce<br />
diagnostic implique donc des explorations fonctionnelles<br />
respiratoires (EFR) de repos.<br />
> La spirométrie constitue l’étalon pour classifier la<br />
sévérité de la BPCO en quatre stades (voir tableau).<br />
Cet examen simple (mini-spiromètre électronique<br />
mis en œuvre par le médecin de famille) mesure la<br />
capacité vitale (CV) et le VEMS au cours d’une épreuve<br />
d’expiration forcée. Une diminution du coefficient de<br />
Tiffeneau (rapport VEMS/CV) en dessous de 70 %<br />
confirme la réalité du trouble ventilatoire. Une BPCO<br />
VEMS/CV < 70 %<br />
30 % VEMS 50 % de la valeur<br />
prédite<br />
Réduction des facteurs de risque : vaccination antigrippale ; bronchodilatateur de courte durée d’action (si besoin)<br />
Un ou plusieurs bronchodilatateur(s) de longue durée d’action. Réhabilitation<br />
Source : adapté, d’après la Société de pneumologie de langue française (SPLF 2009), Rev. Mal. Resp. (2010), 27, pp.573-576.<br />
VEMS 30 % de la valeur prédite, ou<br />
VEMS 50 % de la valeur prédite avec insuffisance<br />
respiratoire chronique<br />
Symptômes chroniques quasi constants<br />
Dyspnée au moindre effort ou dyspnée de repos<br />
Glucocorticoïdes inhalés sous forme d’association fixe si exacerbations répétées<br />
(les glucocorticoïdes inhalés seuls n’ont pas d’indication en France)<br />
Oxygénothérapie de longue durée si insuffisance<br />
respiratoire chronique. Traitements chirurgicaux<br />
reste d’intensité peu sévère si le VEMS est ≥ 80 % ; elle<br />
est très sévère lorsqu’il chute à < 30 %.<br />
> La pléthysmographie permet d’apprécier la résistance<br />
des voies aériennes ou la capacité résiduelle<br />
fonctionnelle.<br />
> Les tests dits de « réversibilité » : pratiqués en<br />
ob servant la réponse à l’administration d’un médicament<br />
bronchodilatateur (bêta-2-mimé tique), ces<br />
tests permettent d’éliminer un diagnostic d’asthme<br />
ou d’hyperréactivité bronchique car le VEMS n’est<br />
pas modifié en cas de BPCO. Une amélioration de<br />
plus de 10 % du VEMS par rapport à la valeur théorique<br />
constitue un critère de réversibilité et de bon<br />
pronostic à long terme (bien qu’une amélioration des<br />
signes fonctionnels puisse être observée lors d’un traitement<br />
au long cours, même en l’absence d’impact<br />
d’une administration ponctuelle). L’ineffi cacité des<br />
bronchodilatateurs fait proposer un test aux corticoïdes<br />
sur deux semaines.<br />
> La radiographie pulmonaire ne permet pas de<br />
poser un diagnostic de BPCO mais de repérer ses<br />
<strong>com</strong>plications: distension pulmo naire (emphysème),<br />
infection pulmonaire, pneumo thorax, hypertension<br />
artérielle pulmonaire…, ou de découvrir une tumeur.<br />
Le scanner thoracique, de meil leure sensibilité, facilite<br />
le diagnostic d’emphysème pulmonaire, dont il révèle<br />
la topographie.<br />
> La fibroscopie bronchique, réalisée, notamment,<br />
chez un sujet tabagique ou ancien nement tabagique<br />
ou en cas d’évolution bru tale de l’affection, vise à éliminer<br />
un diagnostic de cancer.<br />
>L’électrocardiogramme, indiqué chez tous les<br />
patients, recherche des signes d’hypertrophie ventriculaire<br />
droite ou des <strong>com</strong>plications cardiaques liées<br />
au tabagisme.<br />
> Une BPCO sévère justifie la recherche d’une éventuelle<br />
hypoxémie (gazométrie artérielle, numération<br />
formule sanguine à la recherche d’une polyglobulie). *<br />
DENIS RICHARD, PRATICIEN HOSPITALIER,<br />
CH HENRI-LABORIT, POITIERS.<br />
LA BPCO<br />
GLOSSAIRE<br />
> Emphysème :<br />
destruction des<br />
espaces aériens<br />
pulmonaires,<br />
au-delà<br />
des bronchioles<br />
terminales,<br />
source<br />
d’augmentation<br />
du volume<br />
résiduel.<br />
> Gazométrie<br />
artérielle :<br />
dosage des gaz<br />
dissous dans<br />
le sang artériel<br />
et détermi -<br />
nation du pH<br />
du sang.<br />
> Hypercapnie :<br />
surcharge du<br />
sang artériel<br />
en CO 2.<br />
> Hypoxémie :<br />
diminution<br />
de la pression<br />
partielle en<br />
oxygène dans<br />
le sang artériel.<br />
> Pléthysmo<br />
graphie :<br />
technique<br />
permettant<br />
d’évaluer<br />
les variations<br />
de pression<br />
ou de volume<br />
du thorax<br />
et de mesurer<br />
la capacité<br />
pulmonaire<br />
totale et la<br />
résistance des<br />
voies aériennes.<br />
> Spirométrie :<br />
évaluation des<br />
débits<br />
respiratoires.<br />
> VEMS (volume<br />
expiratoire<br />
maximal en<br />
une seconde) :<br />
volume d’air<br />
expiré pendant<br />
la première<br />
seconde<br />
d’une expiration<br />
dite « forcée »,<br />
suite à<br />
une inspiration<br />
profonde.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 33
DOSSIER<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
PRISE EN CHARGE<br />
Du traitement symptomatique<br />
à l’éducation du patient<br />
34 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
1. LE TRAITEMENT DE FOND<br />
La stratégie thérapeutique<br />
Le traitement de fond de la BPCO, symptomatique<br />
et le plus souvent administré en continu de façon<br />
indéfinie, repose sur la prescription d’un ou de deux<br />
bronchodilatateurs ou d’un bronchodilatateur associé<br />
à un corticoïde. Les formes évoluées peuvent justifier<br />
une oxygénothérapie plus ou moins régulière. Ce traitement<br />
a pour objet de lever la bronchoconstriction<br />
et, de façon plus ou moins récurrente, il contribue à<br />
limiter les phases d’exacerbation. Les objectifs définis<br />
dans les re<strong>com</strong>mandations sont de plusieurs ordres:<br />
- contrôler et prévenir les symptômes d’insuffisance<br />
respiratoire;<br />
-améliorer la fonction respiratoire et ralentir son<br />
déclin;<br />
- réduire la dyspnée;<br />
- augmenter la tolérance à l’exercice;<br />
- améliorer la qualité de vie;<br />
- prévenir les <strong>com</strong>plications (exacerbations, handicap,<br />
insuffisance respiratoire) et réduire la mortalité.<br />
Un dispositif d’inhalation adapté<br />
> L’inhalation d’une poudre sèche est parfois à l’origine d’une<br />
irritation de la gorge, d’une toux, d’un enrouement : cette gêne est<br />
prévenue par un rinçage de la gorge après l’administration<br />
du médicament.<br />
> L’usage de solutions en nébuliseur sous pression requiert une<br />
coordination mains-poumons que ne peuvent réaliser tous les<br />
patients : le recours à un dispositif d’inhalation sans coordination<br />
(poudre sèche type Ventilastin Novolizer®) peut être, dès lors, préféré.<br />
Toutefois, même l’utilisation de ce dispositif nécessite une formation<br />
préalable et des contrôles réguliers de la technique d’utilisation.<br />
La projection intraoculaire d’un anticholinergique expose à un risque<br />
de douleur ou de gêne oculaire, de vision floue transitoire avec halo<br />
visuel coloré associé à une rougeur et à un œdème cornéoconjonctival.<br />
> L’usage d’un nébuliseur pneumatique ou à ultrasons<br />
ou d’une chambre d’inhalation n’est justifié que dans les situations<br />
d’exacerbation avec bronchoconstriction sévère.<br />
Sevrage tabagique et vaccination<br />
Le traitement de la BPCO n’a de sens que s’il s’ac<strong>com</strong>pagne<br />
d’une abstinence totale de tabac (y <strong>com</strong>pris en<br />
cas de tabagisme passif). C’est la première et la plus<br />
importante des mesures thérapeutiques: elle peut<br />
interrompre la progression de l’obstruction bronchique.<br />
Les substituts nicotiniques et autres médicaments<br />
d’aide au sevrage (bupropion, varénicline)<br />
peuvent être prescrits ou conseillés sans problème.<br />
N’oublions pas la vaccination antigrippale annuelle,<br />
qui réduit de 50 % la morbidité et la mortalité<br />
induites par la BPCO. La vaccination contre le pneumocoque<br />
est également re<strong>com</strong>mandée tous les cinq<br />
ans : elle réduit à tout âge l’incidence des pneumopathies<br />
bactériémiques.<br />
Réhabilitation respiratoire<br />
À côté du traitement médicamenteux et dès le stade<br />
modéré de la maladie, la réhabilitation respiratoire<br />
améliore la qualité de vie et diminue la consommation<br />
globale de soins, mais elle nécessite une coopération<br />
du patient (voir Éducation thérapeutique p. 38). Au<br />
programme: ré-entraînement à l’exercice physique,<br />
réadaptation à l’effort, kinésithérapie respiratoire, prise<br />
en charge nutritionnelle et psychosociale.<br />
Traitements médicamenteux<br />
Bronchodilatateurs<br />
Ces médicaments constituent l’essentiel du traitement<br />
de fond de la BPCO, avec une préférence pour les<br />
formes inhalées. Administrés « à la demande » pour<br />
amender des phases d’aggravation intermittentes, et<br />
en continu pour prévenir ou réduire les symptômes<br />
persistants, ils appartiennent à trois familles pharmacologiques<br />
distinctes:<br />
> Les bêta-2-mimétiques. Exerçant une action stimulante<br />
sur les récepteurs bêta-2-adrénergiques des<br />
fibres lisses bronchiques, leur sélectivité explique<br />
qu’ils n’induisent que peu de risques cardio-vasculaires<br />
(tachycardie, troubles du rythme…), et l’usage<br />
par inhalation réduit les effets iatrogènes systémiques<br />
(surtout observés chez les sujets âgés: tremblement
des extrémités, crampes, céphalées, hypokaliémie).<br />
Une réversibilité très partielle de l’obstruction bronchique<br />
peut être observée sous bêta-2-mimétiques.<br />
Les molécules d’action courte (salbutamol, terbutaline,<br />
non LP = Bricanyl) se distinguent de celles à<br />
action prolongée (formotérol = Asmelor, Foradil,<br />
Formoair; salmétérol = Serevent, Seretide, actifs environ<br />
12 heures; indacatérol = Onbrez, actif 24 heures).<br />
Récem ment <strong>com</strong>mercialisé, l’indacatérol (Onbrez,<br />
Oslif) a une action bronchodilatatrice puissante maintenue<br />
sur 24 heures et agit 5 minutes après inhalation:<br />
il associe donc l’intérêt d’une action prolongée à celui<br />
d’une action locale.<br />
Le bambutérol (Oxéol) agit 24 heures après administration<br />
orale. Mais l’administration d’un bêta-2mimétique<br />
par inhalation doit rester privilégiée car<br />
l’index thérapeutique est meilleur: la forme orale n’est<br />
justifiée que chez les patients incapables d’utiliser les<br />
formes inhalées.<br />
> Les anticholinergiques. Antagonistes des récepteurs<br />
muscariniques des fibres lisses bronchiques, ils<br />
inhibent les effets cholinergiques (bronchoconstriction)<br />
induits par l’acétylcholine libérée à partir des<br />
fibres nerveuses parasympathiques. Les deux anticholinergiques<br />
indiqués en pneumologie se distinguent<br />
par leur durée d’action:<br />
- l’ipratropium (Atrovent) a une durée d’action courte ;<br />
-le tiotropium (Spiriva) a une durée d’action supérieure<br />
à 24 heures, ce qui entraîne un effet sur le débit<br />
expiratoire mesuré sur le nycthémère supérieur à ceux<br />
d’un anticholinergique de courte durée d’action ou<br />
d’un bêta-2-mimétique de longue durée d’action.<br />
L’administration des anticholinergiques par inhalation<br />
réduit l’incidence de leurs effets indésirables. Ils doivent<br />
être prescrits avec prudence en cas de glau<strong>com</strong>e<br />
à angle fermé, d’hypertrophie de la prostate ou de<br />
rétrécissement du col de la vessie. Ils exposent à un<br />
risque de sécheresse buccale, ce qui favorise la survenue<br />
de caries dentaires. Cette xérostomie, apparaissant<br />
trois à cinq semaines après le début du<br />
traitement, régresse au bout de plusieurs mois<br />
L’association d’un bêta-2-mimétique à un anticholinergique<br />
(Bronchodual) améliore l’observance<br />
et est additive sur les débits expiratoires, sans améliorer<br />
la symptomatologie par rapport à chacun des<br />
produits administré séparément.<br />
> Les méthylxanthines. Théophylline (Dilatrane,<br />
Euphylline, Théostat LP) et bamifylline (Trentadil)<br />
sont efficaces en association aux bêta-2-mimétiques,<br />
mais leur index thérapeutique étroit non négligeable<br />
(signes digestifs annonciateurs d’un surdosage avec<br />
nausées et vomissements, céphalées, insomnie, arythmies,<br />
état de mal épileptique même en l’absence d’anté -<br />
cédents neurologiques) <strong>com</strong>me le risque d’inter actions<br />
médicamenteuses expliquent que leur administration<br />
ne soit re<strong>com</strong>mandée qu’en cas de difficultés d’utili-<br />
À ne pas confondre...<br />
LA BPCO<br />
Il est facile de confondre la BPCO avec d’autres affections<br />
respiratoires voisines parce qu’elles se traduisent également<br />
par une dyspnée et des expectorations :<br />
> L’asthme est une maladie avant tout inflammatoire dont les<br />
premiers symptômes s’observent dès l’enfance. Évoluant par crises<br />
successives, il induit une toux sèche et des difficultés respiratoires,<br />
y <strong>com</strong>pris au repos. L’asthme est réversible sous traitement,<br />
contrairement à la BPCO.<br />
> La bronchectasie est une dilatation permanente et irréversible des<br />
bronches, d’origine généralement acquise (infection, intoxication,<br />
maladie immunitaire…) entraînant une réduction rapide du VEMS<br />
(50 mL/an en moyenne). Son pronostic est sévère.<br />
Un traitement<br />
de forme<br />
inhalée est<br />
à privilégier<br />
par rapport<br />
aux formes<br />
orales<br />
sation des bronchodilatateurs inhalés ou d’amélioration<br />
insuffisante de la dyspnée. La posologie usuelle<br />
est de 7 à 12 mg/kg/j en deux prises sans dépasser<br />
800 mg/j.<br />
> Le choix entre ces trois familles et les associations<br />
entre ces médicaments dépendent de la réponse individuelle<br />
du patient.<br />
Un traitement par un bronchodilatateur d’action prolongée,<br />
plus efficace sur les débits expiratoires, est<br />
souvent plus adapté qu’un traitement avec une forme<br />
d’action courte, mais il n’apporte pas d’avantages sur<br />
la réduction de la dyspnée ou sur l’amélioration de la<br />
tolérance à l’effort. Il est re<strong>com</strong>mandé chez les patients<br />
utilisant des bronchodilatateurs plusieurs fois par<br />
jour. Si la réponse à l’une des deux classes principales<br />
de bronchodilatateurs n’est pas satisfaisante, il est<br />
logique d’opter pour l’autre.<br />
Les bronchodilatateurs de longue durée d’action, quels<br />
qu’ils soient, sont des traitements de fond, mais n’ont<br />
pas d’indication dans le traitement des épisodes<br />
paroxystiques de BPCO.<br />
Glucocorticoïdes<br />
Le mécanisme physiopathologique de l’inflammation<br />
des voies aériennes diffère dans l’asthme et la BPCO,<br />
d’où des profils de réponse thérapeutique aux glucocorticoïdes<br />
distincts.<br />
> Corticothérapie inhalée. Tous les corticoïdes semblent<br />
avoir une efficacité similaire. L’administration<br />
n’est indiquée que chez les patients de stades III-IV<br />
présentant des exacerbations répétées malgré une<br />
prise en charge correcte et une observance satisfaisante<br />
: dans ces situations, elle réduit les signes cliniques,<br />
le nombre d’exacerbations et, globalement,<br />
améliore la qualité de vie. L’association d’un corticoïde<br />
à un bêta-2-mimétique de longue durée d’action<br />
(Innovair, Seretide, Symbicort) améliore l’observance<br />
du traitement et peut augmenter le VEMS (volume<br />
expiratoire maximal en une seconde) par rapport à<br />
l’impact de chacun de ces deux traitements administré<br />
isolément.<br />
En France, aucun corticoïde n’a d’AMM pour une<br />
administration isolée dans la BPCO. Ce traitement<br />
expose à une iatrogénie à ne pas négliger: pneumonies,<br />
raucité de la voix (se rincer la gorge après chaque <br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 35
DOSSIER<br />
TÉMOIGNAGE<br />
La<br />
corticothérapie<br />
orale<br />
expose à des<br />
effets<br />
indésirables<br />
potentiels<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
<br />
36 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
ALAIN MUREZ<br />
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION<br />
FRANÇAISE DES ASSOCIATIONS<br />
ET MALADES INSUFFISANTS<br />
RESPIRATOIRES (FFAAIR). ATTEINT<br />
DE BPCO DÉCLARÉE DEPUIS 2005.<br />
Des résultats probants<br />
« J’étais confronté à un surpoids<br />
important, ce qui est doublement<br />
handicapant car l’obésité à un<br />
effet négatif sur la capacité<br />
respiratoire et favorise<br />
la sédentarité. À l’opposé, les<br />
patients dénutris ne vont pas<br />
mieux car ils sont beaucoup plus<br />
exposés aux <strong>com</strong>plications, ce qui<br />
constitue un facteur péjoratif<br />
quant au pronostic vital. Dans les<br />
deux cas, l’éducation nutritionnelle<br />
doit faire partie intégrante de la<br />
prise en charge de manière à<br />
ramener les patients dénutris à un<br />
statut pondéral et musculaire<br />
correct et les patients en surpoids<br />
à un équilibre alimentaire plus sain<br />
et à une masse musculaire plus<br />
tonique. Entretenir sa musculature<br />
par l’exercice physique est<br />
le deuxième temps fort de<br />
la réhabilitation respiratoire.<br />
Les résultats sont probants car,<br />
en l’espace de 6 semaines,<br />
l’amélioration du test à la marche<br />
de 6 minutes est <strong>com</strong>prise entre<br />
20 et 30 %. Il faut alors consolider<br />
ces bénéfices en conjuguant<br />
observance du traitement,<br />
alimentation équilibrée et exercice<br />
physique. Les patients peuvent<br />
s’appuyer au quotidien sur les<br />
associations, les réseaux, les<br />
centres ambulatoires et<br />
l’entourage. À plusieurs, on est<br />
plus forts, et la qualité de vie<br />
gagnée l’est pour tous. » M. FUKS<br />
inhalation), dysphonie, candidose buccale, troubles<br />
ophtalmologiques (cataracte cortisonique, glau<strong>com</strong>e).<br />
> Corticothérapie systémique. La corticothérapie<br />
orale au long cours expose à de nombreux effets indésirables<br />
potentiels, et qui peuvent être sévères (ex.:<br />
myopathie cortisonique), ce qui explique qu’elle ne<br />
soit pas pertinente ici. Une corticothérapie orale brève<br />
est parfois prescrite sur deux à trois semaines en test<br />
(pour réaliser un diagnostic différentiel avec l’asthme<br />
ou pour démasquer une <strong>com</strong>posante corticoréversible<br />
de l’obstruction bronchique). Une réponse spirométrique<br />
est obtenue dans 10 % des cas.<br />
Autres anti-inflammatoires<br />
Indiqué dans le traitement continu de la BPCO sévère<br />
(stade III), en <strong>com</strong>plément d’un traitement bronchodilatateur,<br />
le roflumilast (Daxas) est un antiinflammatoire<br />
non stéroïdien (AINS) spécifiquement<br />
indiqué en pneumologie, dont l’emploi impose une<br />
surveillance particulière.<br />
Oxygénothérapie<br />
L’oxygénothérapie (voir article ci-contre) est le seul<br />
médicament dont l’efficacité sur la survie des patients<br />
atteints de BPCO est démontrée. Son administration<br />
au long cours (>15 h/j) a un impact bénéfique sur la<br />
pression artérielle pulmonaire, la polycythémie<br />
(hématocrite > 55 %), la capacité à l’exercice, la mécanique<br />
pulmonaire, la fréquence des hospitalisations,<br />
l’augmentation du poids et l’amélioration de l’état psychique<br />
du patient. Elle vise à porter le taux d'oxygène<br />
à 60 mm Hg et/ou à obtenir une saturation en oxy-<br />
gène d'au moins 90 %. Lorsque l’oxygénothérapie ne<br />
donne pas les résultats es<strong>com</strong>ptés, une assistance respiratoire<br />
à domicile peut être mise en œuvre, notamment<br />
face à de nombreuses dé<strong>com</strong>pensations<br />
successives, en cas d’hypercapnie.<br />
2. ÉPISODES AIGUS<br />
Les épisodes aigus de BPCO ont généralement pour<br />
origine une infection de l’arbre trachéobronchique<br />
ou l’exposition à un polluant atmosphérique. Dans<br />
quelque 35 % des cas, ils n’ont pas d’origine identifiée.<br />
Souvent prises en charge en ambulatoire, ces exacerbations<br />
n’imposent l’hospitalisation que si le pronostic<br />
vital est engagé ou si le traitement ambulatoire reste<br />
insuffisamment efficace.<br />
> Les bronchodilatateurs. Le traitement des épisodes<br />
aigus repose sur l’administration par inhalation de<br />
bronchodilatateurs de durée d’action courte. Les bêta-<br />
2 sympathomimétiques sont généralement privilégiés<br />
dans cette situation, à des doses élevées, avec, si<br />
besoin, administration par nébulisation ou grâce à<br />
une chambre d’inhalation. Le recours à un anticholinergique<br />
d’action brève (ipratropium = Atrovent)<br />
est également possible.<br />
> Une corticothérapie peut être prescrite en première<br />
intention en cas de <strong>com</strong>posante inflammatoire, et en<br />
deuxième intention en l’absence d’amélioration après<br />
24 heures de traitement bronchodilatateur (30 à 40 mg<br />
de prednisone ou équivalent, par voie orale, pendant<br />
une semaine maximum). Cette corticothérapie permet<br />
d’évaluer la réversibilité du syndrome obstructif.<br />
> L’usage des antitussifs et des sédatifs est contreindiqué<br />
dans la BPCO. L’intérêt des mucolytiques<br />
n’étant pas démontré, leur usage n’est pas re<strong>com</strong>mandé.<br />
En revanche, les patients doivent maintenir<br />
un état d’hydratation suffisant pour lutter contre<br />
l’épaississement des sécrétions (ex.: inhalation de<br />
vapeur d’eau tiède au-dessus du lavabo).<br />
> Les antibiotiques ne sont utiles que dans le traitement<br />
des exacerbations infectieuses. La purulence<br />
des crachats fait re<strong>com</strong>mander une antibiothérapie<br />
probabiliste (azithromycine, télithromycine, pristinamycine,<br />
amoxicilline 3 g/j, doxycycline). Des signes<br />
de gravité ou une résistance au traitement de première<br />
intention font privilégier une association amoxicilline/acide<br />
clavulanique (Augmentin…), une fluoroquinolone<br />
(type lévofloxacine ou moxifloxacine), une<br />
céphalosporine de deuxième génération orale ou de<br />
troisième génération. Une infection par le bacille pyocyanique<br />
(Pseudomonas aeruginosa) impose une prise<br />
en charge dans un service de pneumologie.<br />
> Des exacerbations très sévères peuvent justifier la<br />
prescription d’une héparine de bas poids moléculaire<br />
pour prévenir le risque embolique. *<br />
DENIS RICHARD, PRATICIEN HOSPITALIER
L’oxygénothérapie<br />
Plusieurs dispositifs d’apport d’oxygène existent à destination des patients.<br />
L’<br />
oxygénothérapie consiste à faire inhaler de<br />
l’oxygène (O 2) au patient sur une période d’au<br />
moins 15 heures par jour afin d’amener la PaO 2<br />
à une valeur ≥ à 60 mm Hg au repos et/ou la SaO 2 à<br />
une valeur ≥ à 90 %, et de supprimer ainsi les effets<br />
délétères de l’hypoxie artérielle chronique.<br />
Indication<br />
L’oxygénothérapie (OT) est indiquée dans les IRC restrictives<br />
parenchymateuses quand la pression partielle<br />
en oxygène dans le sang artériel ou PaO 2 est inférieure<br />
à 60 mm Hg. Elle est également indiquée lorsqu’à distance<br />
d’un épisode aigu chez les sujets ayant une<br />
BPCO, et sous réserve d’une prise en charge thérapeu -<br />
tique optimale (arrêt du tabac + bronchodilatateurs<br />
+ kinésithérapie), la mesure des gaz du sang artériel<br />
en air ambiant, réalisée à deux reprises, a montré:<br />
- soit une PaO 2 ≤ à 55 mm Hg;<br />
- soit une PaO² <strong>com</strong>prise entre 56 et 59 mm Hg, associée<br />
à un ou plusieurs éléments <strong>com</strong>me une polyglobulie<br />
(hématocrite supérieur à 55 %), des signes<br />
cliniques de cœur pulmonaire chronique, une HTA<br />
pulmonaire supérieure ou égale à 20 mm Hg, ou<br />
encore, une désaturation artérielle nocturne non<br />
apnéique quel que soit le niveau de la PaO 2.<br />
Sources d’oxygène<br />
> Oxygène par concentrateur (extracteur) d’oxygène<br />
: à partir de l’air ambiant, l’O 2 préalablement<br />
séparé de l’azote est <strong>com</strong>primé et transmis à la personne<br />
selon un débit continu pouvant aller, selon les<br />
appareils et les besoins, de 1 à 9 l/min. À la sortie de<br />
l’appareil, la teneur en oxygène est supérieure à 94 %<br />
pour des débits allant jusqu’a 5 l/min. Ce dispositif<br />
branché sur le courant électrique est moins en<strong>com</strong>brant<br />
que les bouteilles d’O 2 et dispense le patient à<br />
domicile des contraintes de livraison des bouteilles et<br />
de leur stockage. Il est facilement transportable, ce qui<br />
facilite l’autonomie des patients.<br />
> Cuve à oxygène liquide : l’O 2 liquide à -183 °C<br />
permet de stocker de très grandes quantités d’oxygène<br />
COMPARATIF<br />
AVANTAGES INCONVÉNIENTS<br />
Bouteille<br />
Silencieux Coûteux - Recharge fréquente - En<strong>com</strong>brant<br />
Extracteur<br />
Peu cher - Source inépuisable Bruit - Peu mobile<br />
Oxygène liquide<br />
Silencieux - Réserve importante - Mobilité Coûteux - Recharge nécessaire<br />
avec un faible volume (1 l de liquide libère 850 l de<br />
gaz) par le biais d’un réservoir fixe contenant 20 à 40 l<br />
d’oxygène liquide, qui permet de remplir et recharger<br />
un réservoir portable de 0,5 à 2 l et donne beaucoup<br />
plus d’autonomie que les petites bouteilles d’O 2.<br />
> « Bouteilles » d’oxygène gazeux : l’obus d’O 2 est le<br />
plus ancien des moyens de conservation de l’O 2<br />
<strong>com</strong>primé à une pression de 200 bars et stocké sous<br />
forme gazeuse. Il existe différentes tailles de bouteille :<br />
3 000 l ou 3 m 3 (15 l en contenance d’eau) ; 1 000 l ou<br />
1m 3 , (= 5 l d’eau), 400 l (= 2 l d’eau).<br />
Ce système en<strong>com</strong>brant a relativement peu d’autonomie.<br />
Il est aujourd’hui de plus en plus utilisé en<br />
système d’appoint ou de secours.<br />
Matériel de raccordement<br />
L’oxygène peut être apporté par des lunettes nasales<br />
faciles d’emploi, une sonde nasale ou un cathéter<br />
trans-trachéal réservé, en principe, aux malades<br />
nécessitant de forts débits d’oxygène.<br />
Rôle technique infirmier<br />
> Concernant les lunettes, il convient de veiller à ce<br />
que le tuyau qui véhicule l’O 2 ne fasse pas de coudes,<br />
que le patient respire bien pas le nez et non par la<br />
bouche et que les extrémités positionnées dans le nez<br />
restent propres.<br />
> L’infirmier doit s’assurer que le patient respecte<br />
rigoureusement la prescription concernant le débit<br />
d’O 2 car un patient sur deux n’observe pas la durée<br />
minimale prescrite de 15 heures, et certains sont tentés<br />
d’augmenter le débit pour réduire d’autant la durée.<br />
Or, le bénéfice de l’OT est directement corrélé à sa<br />
durée. Chez les patients dont l’observance est douteuse,<br />
l’infirmier peut vérifier le temps de branchement<br />
du concentrateur d’O 2 ou la fréquence de<br />
livraison des bouteilles d’O 2 liquide ou gazeux.<br />
Toutefois, ce paramètre doit être nuancé en fonction<br />
de la saison car la consommation d’O 2 est plus importante<br />
l’hiver que l’été. Le froid, le vent et l’humidité<br />
en hiver ont un impact important sur le souffle et<br />
engendrent une surconsommation d’O 2 par rapport<br />
à l’été.<br />
> L’infirmier peut également apporter des conseils<br />
d’utilisation des appareils et de sécurité quant à leur<br />
usage: ne pas changer d’appareil sans avis médical ;<br />
changer les lunettes régulièrement pour ne pas blesser<br />
le nez et pour éviter l’utilisation de crèmes nasales<br />
susceptibles de s’enflammer au contact de l’O 2.<br />
MARIE FUKS<br />
LA BPCO<br />
En chiffres<br />
> Au niveau<br />
mondial, la<br />
BPCO touche<br />
plus de<br />
210 millions de<br />
personnes (OMS<br />
2010). D’ici<br />
à 2020, elle<br />
deviendra<br />
la 5<br />
<br />
e cause de<br />
morbidité ; en<br />
2030, elle sera<br />
la 3e cause de<br />
mortalité.<br />
> En France, la<br />
BPCO concerne<br />
3,5 millions de<br />
personnes et<br />
occasionne<br />
environ 16 000<br />
décès/an.<br />
200 000<br />
adultes âgés de<br />
25 ans ou plus<br />
sont pris en<br />
charge au titre<br />
de l’ALD pour<br />
insuffisance<br />
respiratoire<br />
chronique grave<br />
ou BPCO<br />
sévère, et<br />
93 000 adultes<br />
bénéficient<br />
d’une<br />
oxygénothérapie<br />
de longue<br />
durée.<br />
> La BPCO<br />
atteint les<br />
adultes de plus<br />
de 45 ans. Les<br />
sujets de plus<br />
de 65 ans<br />
constituent<br />
la population la<br />
plus concernée.<br />
> Les hommes<br />
sont plus<br />
atteints que les<br />
femmes (sexe<br />
ratio 0,6), mais<br />
la proportion<br />
de femmes<br />
augmente dans<br />
les pays<br />
industrialisés.<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 37
DOSSIER<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
Éducation thérapeutique<br />
La gestion de sa maladie par le patient sera optimisée par l’ac<strong>com</strong>pagnement<br />
des soignants selon un diagnostic déterminant la démarche éducative.<br />
1- Voir première<br />
source utile p. 39.<br />
2- Voir Sources<br />
utiles p. 39.<br />
3- Centre<br />
d’éducation<br />
thérapeutique<br />
Bordeaux Aquitaine,<br />
Cetb33@orange.fr,<br />
05 56 47 47 33.<br />
4- éduSanté,<br />
à Vanves, tél. :<br />
01 41 46 08 44.<br />
38 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
Quand j’ai été diagnostiqué, il me restait 24 % de<br />
capacité respiratoire et on ne m’avait jamais<br />
expliqué dans les hôpitaux ce qu’était réellement<br />
ma maladie »… Lorsqu’on connaît les retentissements<br />
sur la vie des patients atteints de BPCO (voir<br />
encadré p. 36), ce constat du président de la Fédération<br />
française des associations et amicales d’insuffisants et<br />
handicapés respiratoires (FFAAIR) en dit long sur<br />
l’utilité d’inscrire précocement l’ac<strong>com</strong>pagnement<br />
éducatif dans la prise en charge globale des patients<br />
atteints de cette maladie. À l’origine du programme<br />
quinquennal (2005-2010) d’action mis en place par la<br />
Direction générale de la santé (DGS), ce constat a<br />
donné lieu aux re<strong>com</strong>mandations de la Société de<br />
pneumologie de langue française (SPLF) visant à faire<br />
POLITIQUE SANTÉ<br />
Dépistage et prévention<br />
La Société de pneumologie de langue française (SPLF) ne statue pas<br />
sur la question du dépistage dans ses re<strong>com</strong>mandations <strong>com</strong>pte<br />
tenu du faible niveau de preuve de son utilité. Malgré ces<br />
incertitudes, le programme d’action gouvernemental 2005/2010<br />
« Connaître, prévenir, et mieux prendre en charge la BPCO » s’était<br />
fixé d’améliorer le diagnostic précoce parmi la population cible, et<br />
l’Association BPCO s’est investie pour développer le dépistage par<br />
la mesure du souffle. Cela dit, <strong>com</strong>me le souligne le D r Boisvert, en<br />
charge de l’ET des patients atteints de BPCO au CET de Bordeaux<br />
Aquitaine (Cetba), « le dépistage impose que les patients concernés<br />
consultent et que les médecins traitants et du travail pensent<br />
à mesurer le débit expiratoire de pointe de manière systématique. En<br />
outre, il n’a de sens que s’il existe une offre de soins et des structures<br />
de prise en charge adaptées aux besoins spécifiques des patients ».<br />
Or, sur ce point, Alain Murez, président de la FFAAIR, indique que<br />
« sur les 3,5 millions de patients estimés en France, 30 % seulement<br />
sont diagnostiqués, dont une minorité bénéficient d’une prise en<br />
charge adaptée faute de structures suffisantes ». Autant dire que<br />
l’utilité du dépistage est étroitement liée à l’existence d’un dispositif<br />
de proximité capable de prendre en charge les patients. À défaut,<br />
il convient d’intensifier la prévention.<br />
Tabagisme<br />
Incurable, la BPCO mérite que l’on redouble d’efforts en prévention<br />
primaire. Cela passe par le repérage des personnes exposées à des<br />
risques professionnels et, surtout, au tabagisme. Le simple conseil<br />
dispensé par les médecins double le taux d’arrêt du tabac dans leur<br />
clientèle, et les substituts nicotiniques doublent le taux de succès<br />
des tentatives d’arrêt en consultation spécialisée. La prévention<br />
secondaire s’appuie également sur l’éducation thérapeutique<br />
pour amener le patient à maîtriser tous les paramètres susceptibles<br />
d’éviter l’aggravation de sa maladie.<br />
de l’éducation thérapeutique (ET) un outil à part<br />
entière de la réhabilitation du malade et à proposer la<br />
réalisation d’un diagnostic éducatif préalable pour<br />
cibler les domaines à travailler (1) .<br />
Le diagnostic éducatif<br />
Il a pour but de révéler la problématique du malade<br />
chronique dans la gestion de sa maladie et de son traitement<br />
au quotidien. Il doit être réalisé selon une<br />
méthodologie précise (re<strong>com</strong>mandations HAS) (2)<br />
prenant en <strong>com</strong>pte les facteurs déterminants pour<br />
l’apprentissage (difficultés de <strong>com</strong>préhension, entourage<br />
peu aidant, anxiété, voire dépression…) de façon<br />
à aboutir à un programme d’éducation personnalisé.<br />
Schématiquement, le diagnostic doit répondre aux<br />
questions suivantes: que sait le patient de sa maladie<br />
et de ses traitements? A-t-il des aidants? Fume-t-il?<br />
A-t-il fait des tentatives de sevrage? Quels sont ses<br />
projets personnels, professionnels? Quels sont les<br />
leviers et les freins au changement? Autant de questions<br />
qui permettent d’établir un programme éducatif<br />
dont les principaux thèmes concernent la connaissance<br />
de la maladie utile pour le patient, les traitements<br />
de fond et de la crise, les signes annonciateurs<br />
de dé<strong>com</strong>pensation, le <strong>com</strong>portement tabagique et<br />
les aides au sevrage, l’activité physique, l’alimentation<br />
et la sexualité. Le diagnostic doit également prendre<br />
en <strong>com</strong>pte les données biomédicales issues du test à<br />
la marche de 6 minutes, de l’évaluation de la dyspnée<br />
et de l’exploration fonctionnelle à l’exercice (mesure<br />
de la ventilation minute, de la VO 2, VCO 2, SpO 2, gaz<br />
du sang, ECG d’effort). Si l’épreuve d’exercice <strong>com</strong>plète<br />
n’a pas été possible, les données biomédicales peuvent<br />
se limiter à l’ECG d’effort avec mesure de la saturation<br />
et de la dyspnée. Ces informations sont importantes<br />
car elles permettent aux éducateurs d’avoir une image<br />
précise de la sévérité de la BPCO et d’identifier les<br />
lacunes à <strong>com</strong>bler entre ce que savent les patients et<br />
ce qu’ils devraient savoir <strong>com</strong>pte tenu de leur état. Ils<br />
peuvent ainsi apprécier l’importance du travail d’éducation<br />
à réaliser pour que les personnes atteintes<br />
gèrent au mieux leur maladie au quotidien et puissent<br />
bénéficier d’une meilleure qualité de vie. À l’issue de<br />
ce diagnostic, les besoins éducatifs spécifiques à<br />
chaque patient sont identifiés. Celui-ci se fixe des<br />
objectifs (reconnaître les signes d’alerte de l’exacerbation,<br />
avoir une activité physique régulière, par<br />
exemple) qui donnent lieu à la mise en œuvre du programme<br />
éducatif.
Du savoir au savoir-être<br />
La démarche éducative repose sur trois grands<br />
modules concernant le « savoir » le « savoir-faire » et<br />
le « savoir-être ». La partie « savoir » s’attache à <strong>com</strong>bler<br />
les lacunes sur la maladie et ses conséquences.<br />
Elle s’applique notamment à expliquer le lien entre<br />
la maladie et le tabac mais aussi à faire <strong>com</strong>prendre<br />
qu’il existe une relation entre la BPCO, l’alimentation<br />
et l’exercice physique. Cela n’a pas pour but d’améliorer<br />
la fonction respiratoire mais de se remettre en<br />
condition physique pour en retarder la dégradation<br />
et de remuscler le patient pour qu’il puisse utiliser au<br />
maximum ses capacités pour travailler, se déplacer<br />
et améliorer sa qualité de vie. Le « savoir-faire » est<br />
plus orienté sur la réalisation des soins, l’utilisation<br />
des techniques d’oxygénothérapie et de ventilation,<br />
l’entretien des appareils, les précautions à prendre<br />
avec l’oxygène (ne jamais huiler ou graisser la sortie<br />
d’O 2 car les corps gras s’enflamment au contact de<br />
l’O 2…), l’emploi des matériels d’aérosolthérapie et le<br />
bon usage des médicaments. L’ET doit amener le<br />
patient à savoir mettre en place de façon autonome<br />
la stratégie thérapeutique (plan d’action écrit et validé<br />
par le médecin) adaptée à son état. Enfin, le « savoirêtre<br />
» prend en <strong>com</strong>pte toutes les situations susceptibles<br />
de le mettre en difficulté et de l’empêcher de<br />
vivre normalement. Dans cette phase, le groupe a une<br />
fonction essentielle car les patients prennent<br />
conscience qu’ils partagent tous les mêmes questions<br />
et ne sont pas isolés. En outre, il émerge souvent une<br />
solution cohérente de la part du groupe.<br />
Éducateurs avant tout<br />
Les séances d’ET se déroulent sous forme d’ateliers<br />
collectifs <strong>com</strong>prenant six à huit patients, généralement<br />
animés par deux soignants éducateurs. Au Cetba (4) , les<br />
soignants veillent à ne pas s’identifier <strong>com</strong>me médecin,<br />
infirmière, psychologue ou kinésithérapeute mais<br />
<strong>com</strong>me éducateur, afin de rester dans une relation<br />
strictement éducative. Ils utilisent des outils d’éducation<br />
thérapeutique conçus par des spécialistes (4) et<br />
adaptés aux différents modules (planches se rapportant<br />
au savoir, cartes symptômes, photolangage, études<br />
de cas…). « Ces outils facilitent les échanges d’expérience<br />
et permettent d’analyser les réactions des patients<br />
dans différentes situations afin de voir s’ils sont capables<br />
ou non d’élaborer une stratégie et de se fixer des objectifs<br />
pour y faire face », explique un éducateur. Ainsi faiton<br />
émerger des besoins (préserver son autonomie)<br />
et des craintes (peur d’être hospitalisé) par rapport<br />
auxquels le patient peut définir des objectifs à atteindre<br />
ainsi que les moyens d’y parvenir. Ces séances<br />
collectives peuvent être, le cas échéant, <strong>com</strong>plétées<br />
par des séances individuelles lorsqu’elles font émerger<br />
des difficultés ou des besoins particuliers. *<br />
MARIE FUKS<br />
SAVOIR +<br />
LA BPCO<br />
SUR LE WEB<br />
Regroupement d’associations<br />
Régulièrement en campagne contre la BPCO, la Fédération<br />
française des associations et amicales de malades,<br />
insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR) rassemble<br />
pas moins de 40 associations locorégionales. Son site<br />
permet de s’informer sur la maladie, de partager des<br />
témoignages, de poser des questions et de suivre l’actualité.<br />
http://bpco.ffaair.org<br />
Partager « trucs et astuces »<br />
Témoignages, courrier des lecteurs permettent aux malades<br />
de partager leurs « trucs et astuces » via le site de<br />
l’association d’aide aux personnes atteintes de BPCO. Créée<br />
en 2003, cette dernière s’efforce de sensibiliser le grand<br />
public et d’informer au mieux les malades sur les causes<br />
et les conséquences de la BPCO. Elle est, à ce titre, partie<br />
prenante dans de nombreuses opérations, et à l’origine<br />
des 1 ers États généraux de la BPCO.<br />
www.bpco-asso.<strong>com</strong>/<br />
SOURCES UTILES<br />
Re<strong>com</strong>mandations, guides<br />
> « Re<strong>com</strong>mandations pour<br />
la pratique clinique : prise<br />
en charge de la BPCO ».<br />
Société de pneumologie<br />
de langue française (SPLF).<br />
Revue des maladies<br />
respiratoires, 2010.<br />
> « Re<strong>com</strong>mandations<br />
pour la prise en charge de<br />
la BPCO ». Rev Mal Respir,<br />
2003, 20 : 294-9., SPLF.<br />
> « Insuffisance<br />
respiratoire chronique grave<br />
de l’adulte secondaire à<br />
une bronchopneumopathie<br />
obstructive », HAS, juillet<br />
1986 (en cours de révision).<br />
> ALD n° 14 -« Liste des<br />
actes et prestations sur la<br />
BPCO », HAS. Actualisation<br />
mars 2011.<br />
> ALD n°14 - Guide patient :<br />
« Vivre avec une bronchopneumopathie<br />
chronique<br />
obstructive (BPCO),<br />
mars 2007.<br />
> « Structuration d’un<br />
programme d’éducation<br />
thérapeutique du patient<br />
dans le champ des<br />
maladies chroniques » –<br />
Guide méthodologique<br />
HAS, juin 2007.<br />
> « Global initiative for<br />
chronic obstructive lung<br />
disease (GOLD) », rapport 2011.<br />
> « Global strategy for the<br />
diagnosis, management<br />
and prevention of chronic<br />
obstructive pulmonary disease<br />
(COPD) ». www.goldcopd.org<br />
> Guide de l’oxygénothérapie,<br />
2010. Destiné au patient, ce<br />
guide réalisé par l’Association<br />
Antadir traite de la mise en<br />
pratique de l’oxygénothérapie<br />
et de la vie courante sous<br />
oxygène (voyages,<br />
déplacements, diététique…).<br />
La version papier est<br />
téléchargeable sur le site<br />
www.antadir.<strong>com</strong><br />
Livres<br />
> Similowski Th., Roche N.<br />
(2006).<br />
Prise en<br />
charge<br />
pratique<br />
des<br />
patients<br />
atteints<br />
de BPCO.<br />
John Libbey Eurotext,<br />
87 pages.<br />
> Similowski<br />
Th. (2011).<br />
BPCO : un<br />
enjeu pour<br />
la médecine<br />
générale.<br />
Elsevier<br />
Masson .<br />
> Vivodtzev I.<br />
(2010).<br />
Faiblesse<br />
musculaire<br />
et ré-entraÎ<br />
nement à<br />
l’effort dans<br />
la BPCO.<br />
Éditions universitaires<br />
européennes, 412 pages.<br />
Sites Internet<br />
> www.capitalsouffle.fr :<br />
le site du collectif « Capital<br />
souffle » d’associations de<br />
professionnels de santé et de<br />
malades pour la promotion du<br />
programme de sensibilisation<br />
et d’information sur les<br />
maladies respiratoires<br />
chroniques.<br />
> www.splf.org : le site de<br />
la Société de pneumologie<br />
de langue française, qui<br />
rassemble les professionnels<br />
de santé spécialisés<br />
en pneumologie.<br />
TOUS NOS REMERCIEMENTS AU D R GILLES JEBRAK,<br />
PNEUMOLOGUE À L'HÔPITAL BICHAT - CLAUDE-BERNARD<br />
POUR SA RELECTURE AVISÉE DE CE DOSSIER<br />
N° 294 * 1er février 2012 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 39
DOSSIER<br />
FORMATION<br />
CONTINUE<br />
QUIZ<br />
1. La BPCO affecte, à l’échelle<br />
de la planète, environ :<br />
A. 2 millions de personnes<br />
B. 20 millions de personnes<br />
C. 200 millions de personnes<br />
2. En France, la BPCO concerne :<br />
A. 2 millions de personnes<br />
B. 3,5 millions de personnes<br />
C. 4 millions de personnes<br />
3. Outre le tabac, principal<br />
facteur de survenue de la BPCO,<br />
les autres facteurs pouvant<br />
la favoriser sont :<br />
A. Des polluants atmosphériques :<br />
ozone, dioxyde d’azote ou de soufre,<br />
polluants domestiques, dans<br />
les mines, le bâtiment, la sidérurgie,<br />
le textile…<br />
B. Le tabagisme passif<br />
durant la grossesse<br />
C. Des facteurs génétiques<br />
D. Des infections bronchiques<br />
virales infantiles (virus syncytial)<br />
E. Une insuffisance cardiaque<br />
4. La BPCO peut s’ac<strong>com</strong>pagner<br />
de signes d’alerte <strong>com</strong>me :<br />
A. La toux<br />
B. Des expectorations<br />
C. Une dyspnée<br />
D. Des maux de tête fréquents<br />
5. L’examen de base permettant<br />
de diagnostiquer une BPCO est :<br />
A. La pléthysmographie<br />
B. La spirométrie<br />
C. La radiographie<br />
6. Une BPCO évoluée se traduit<br />
souvent par :<br />
A. Une fibrose pulmonaire<br />
B. De l’emphysème<br />
C. Des hémorragies pulmonaires<br />
7. La dyspnée est présente<br />
dès le stade 1 de la maladie :<br />
A. Vrai<br />
B. Faux<br />
40 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 294 * 1er février 2012<br />
8. La diminution progressive des<br />
débits expiratoires, inéluctable<br />
en l’absence de traitement et de<br />
sevrage tabagique, est <strong>com</strong>prise :<br />
A. Entre 30 et 60 mL/an<br />
B. Entre 30 et 80 mL/an<br />
C. Entre 40 et 70 mL/an<br />
9. L’indacatérol est un<br />
bêta-sympathomimétique<br />
bronchodilatateur :<br />
A. Administré par voie orale<br />
B. Agissant dans les premières<br />
minutes suivant son inhalation<br />
C. Actif sur le nycthémère<br />
après une prise unique<br />
10. Les anticholinergiques,<br />
largement utilisés dans<br />
le traitement de la BPCO, sont :<br />
A. Au maximum actifs sur une<br />
période de deux à trois heures<br />
B. Tous indiqués dans<br />
le traitement des exacerbations<br />
de cette affection<br />
C. Prescrits avec prudence<br />
en cas d’hypertension artérielle<br />
D. Prescrits avec prudence en cas<br />
de glau<strong>com</strong>e à angle fermé,<br />
d'hypertrophie de la prostate ou de<br />
rétrécissement du col de la vessie<br />
11. La projection intra-oculaire<br />
d’un anticholinergique expose à :<br />
A. Une douleur<br />
B. L’apparition d’un halo visuel<br />
coloré<br />
C. La survenue d’un glau<strong>com</strong>e<br />
12. Il est re<strong>com</strong>mandé de<br />
prescrire, en cas d’exacerbation<br />
d’une BPCO :<br />
A. Un antitussif<br />
B. Un mucolytique<br />
C. Un bronchodilatateur<br />
d’action courte<br />
13. L’usage de théophylline<br />
peut exposer à une toxicité<br />
aiguë qu’annonce(nt) :<br />
A. Des nausées et vomissements<br />
B. Une somnolence<br />
C. Une accélération du rythme<br />
cardiaque<br />
14. Les anticholinergiques<br />
inhalés doivent être prescrits<br />
avec prudence en cas :<br />
A. D’hypertrophie bénigne<br />
de la prostate<br />
B. De diarrhées<br />
C. De caries dentaires<br />
15. La vaccination anti-grippale est :<br />
A. Re<strong>com</strong>mandée<br />
B. Contre-indiquée<br />
C. Réservée aux sujets<br />
de plus de 65 ans<br />
16. L'oxygénothérapie est le seul<br />
médicament dont l’efficacité sur la<br />
survie des patients est démontrée :<br />
A. Vrai<br />
B. Faux<br />
17. Un patient sur deux<br />
ne respecte pas la prescription<br />
concernant le débit<br />
d’O 2 en oxygénothérapie :<br />
A. Vrai<br />
B. Faux<br />
18. La réhabilitation respiratoire<br />
associe :<br />
A. Un réentraînement à l’exercice<br />
B. Une kinésithérapie respiratoire<br />
C. Une éducation thérapeutique<br />
D. Une aide au sevrage tabagique<br />
personnalisée<br />
E. Une prise en charge nutritionnelle<br />
et psychosociale<br />
RÉPONSES<br />
13 A-C<br />
14 A<br />
15 A<br />
16 A<br />
17 A<br />
18 A-B-C-D- E<br />
* Une dyspnée d’effort apparaît au stade 2<br />
de la maladie.<br />
7 B*<br />
8 B<br />
9 B-C<br />
10 D<br />
11 A-B<br />
12 C<br />
1 C<br />
2 B<br />
3 A-B-C-D<br />
4 A-B-C<br />
5 B<br />
6 A-B
DANS LE PROCHAIN NUMÉRO<br />
SORTIE LE 15 FÉVRIER 2012<br />
<br />
RÉFLEXION<br />
La prise en charge<br />
des patients Alzheimer<br />
Le savoir de proximité des équipes<br />
soignantes, la connaissance du<br />
fonctionnement des différents types<br />
de mémoire, et l’adaptation de<br />
l’environnement, sont les principes<br />
incontournables d’une prise en charge<br />
optimale des patients Alzheimer.<br />
P. DEWAVRIN<br />
INITIATIVE<br />
Du temps pour les aidants<br />
En Auvergne, l'association Aide<br />
et Répit permet aux familles<br />
de personnes atteintes de la maladie<br />
d'Alzheimer ou d'une maladie<br />
apparentée de souffler. L'originalité?<br />
Des relayeuses prennent en charge<br />
le patient à son domicile durant<br />
plusieurs jours. Un répit salutaire.<br />
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FORMATION<br />
CONTINUE<br />
POINT SUR<br />
L’arthrose<br />
<strong>QUESTION</strong>S SUR<br />
Le bébé secoué<br />
IATROGÉNIE<br />
Un cas de surdosage<br />
en vitamine D<br />
FICHE<br />
Le dégagement<br />
d’urgence<br />
DOSSIER<br />
La gouvernance hospitalière<br />
à l’épreuve du terrain<br />
Découpage en pôles, contractualisation...<br />
constituent le nouveau décor managérial<br />
hospitalier. Sur le terrain, la mise en œuvre<br />
de ces dispositifs est inégale, voire très peu<br />
développée. Du côté des infirmières,<br />
la nouvelle gouvernance reste éloignée<br />
de leur quotidien. Un changement<br />
des mots et des esprits s’impose.<br />
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