Klik hier - Centre for Historical Research and Documentation on War

Klik hier - Centre for Historical Research and Documentation on War Klik hier - Centre for Historical Research and Documentation on War

09.01.2015 Views

Studiedag voor jonge historici – Oorlog, herinnering en erfenis Journée d’étude “jeunes historiens” – Guerres, héritages et mémoires Bart THOELEN (KUL) De genocide op de Herero herdacht : Conflicterende visies op het verleden tijdens de herdenking in 2004 La guerre au passé. Lorsqu’on ouvre les manuels d’histoire, on a souvent l’impression que le passé ne se résume qu’à une histoire d’actes de cruautés. Quod non ! Pourtant c’est avant tout ce passé morbide et “captivant” qui passionne les masses et la production d’histoire joue volontiers sur ce fait. Il m’est dès lors paru intéressant de voir comment un tel thème est présenté en histoire. Mon mémoire peut donc plutôt être considéré comme une approche anthropologique de la production d’histoire autour de ce thème que comme une véritable approche historiographique traditionnelle. Ma question centrale peut s’énoncer en ces termes : comment les gens réagissent-ils aujourd’hui par rapport à cet aspect du passé Mes recherches se sont focalisées sur différentes histoires du génocide commis à l’encontre des Hereros dans l’Afrique du Sud-ouest, alors colonie allemong>andong>e, soit l’actuelle Namibie. Pour ce faire, nous avons besoin d’un cadre référentiel succinct du passé sur lequel se basent ces mises en histoire. Le 2 octobre 1904, le général allemong>andong> Lothar von Trotha a proclamé ce que l’on appelle le “Vernichtungsbefehl” (l’ordre de destruction). Il y était mentionné que la tribu des Hereros, l’une des neuf tribus du sud-ouest africain devait quitter la colonie allemong>andong>e. Les Hereros s’étaient en effet révoltés contre le régime colonial et le gouvernement allemong>andong> considérait cet ordre comme le dernier moyen de restaurer la paix dans leur colonie. Les conséquences de cet ordre ont été reconnues ultérieurement, en 1985, par les Nations unies comme le génocide allemong>andong> à l’encontre des Hereros 7 . Cent ans après ce génocide, ce passé a été commémoré. Les avis sont partagés quant aux modalités de la commémoration. Je suis parti à la recherche des différentes mémoires d’un même passé. J’ai dès lors distingué, dans mon mémoire, cinq catégories de modalités de mémoires collectives telles qu’établies par l’historienne allemong>andong>e Aleida Assmann 8 . Dans cet exposé, j’aimerais me focaliser sur une des catégories; les monuments historiques en tant que lieux de mémoire. Grossièrement considéré, les monuments historiques peuvent symboliser de deux façons la proximité du passé. Ils peuvent d’une part faire office de shared linking objects et peuvent rétablir, comme par magie, le lien entre les groupes actuels et leur passé. D’autre part, ils peuvent également faire office de bouc émissaire pour montrer le rejet de certains groupes actuels à l’encontre d’un certain passé. À l’occasion de la commémoration du centième anniversaire du génocide colonial allemong>andong>, une controverse a vu le jour concernant la destinée future d’un monument historique colonial : le Reiterdenkmal. Différents groupes se sont posés, dans les médias, la question de savoir si cette statue devait être enlevée, conservée ou élargie. Chaque avis symbolisait une mémoire déterminée du passé, associée à une vision déterminée de l’histoire. J’en distingue cinq courants. 7 8 VN, UN Whitaker Report on Genocide, 1985, paragraphe 24. A. ASSMANN, “Transong>forong>mations between History ong>andong> Memory”, in Social ong>Researchong>, 75 (1), 64. 52

Studiedag voor jonge historici – Oorlog, herinnering en erfenis Journée d’étude “jeunes historiens” – Guerres, héritages et mémoires Comme tant d’autres monuments nationaux, le monument au Reiter allemong>andong> est considéré par certains comme une partie de la culture populaire de certains groupes de population vivant en Namibie : les Namibiens allemong>andong>s. Aux yeux de ce groupe, toute adaptation du monument constituerait une atteinte à l’authenticité du passé et à la mémoire des anciens coloniaux. Je les ai dès lors désignés sous le nom de “traditionnalistes”. Leur histoire est centrée sur l’apport allemong>andong> à la mise en œuvre de la prospérité dans ce pays d’Afrique. J’ai désigné sous le terme de “progressistes” un second groupe de Namibiens allemong>andong>s parce qu’ils veulent surtout engager le passé en fonction du présent et de l’avenir. À leurs yeux, il n’est pas très important de savoir quel va être le sort de la statue : déplacement, destruction ou maintien. Ils ne peuvent en effet pas s’identifier à ce passé dérangeant évoqué par ce monument. Ils sont favorables à toute ong>forong>me d’identification aussi longtemps que celle-ci s’inscrit dans la perspective de la réconciliation actuelle et de l’unité nationale. Un troisième groupe considère que le monument, comme bon nombre d’autres monuments historiques dans le monde, doit être transong>forong>mé en un lieu de mémoire critique pour l’ensemble de la nation. Il se verrait donc attribuer une nouvelle finalité globale. Il y a lieu d’élargir le monument de telle sorte qu’une plus grong>andong>e clarté soit faite sur le passé qu’il représente et que par ailleurs tous les groupes au sein de la nation puissent s’y retrouver. Ce sont principalement des « scientifiques occidentaux » qui soutiennent ce point de vue. Les héritiers des victimes historiques, les Hereros, se sont étonnement tenus à l’extérieur du débat. Quelques-uns d’entre eux ont plaidé pour le maintien de l’authenticité. Le Reiter est également devenu une part de leur héritage historique. Avec le maintien du monument, il est impossible que les Allemong>andong>s oublient qu’ils ont été des meurtriers, considèrent-ils. Les Hereros sont très méfiants vis-à-vis d’un élargissement national du monument qui risque de tourner en apologie de la lutte de la SWAPO qui pousserait à l’avant-plan sa propre mémoire. Le gouvernement, et plus spécifiquement le ministre de la culture de Namibie, Willem Konjore, voyait lui les choses autrement. Le monument lui rappelait chaque jour que son pays avait été par le passé une possession coloniale. Cela ne cadrait pas avec la fierté d’une nation post-coloniale. Dès lors, le Reiter devait céder sa place à un musée national qui devait symboliser l’ensemble du passé de lutte d’indépendance nationale. La guerre des Hereros contre les Allemong>andong>s n’en constituant qu’un aspect. Une statue à laquelle collent les cinq types de mémoire. Le passé guerrier est rarement unidimensionnel. J’ai opté pour une compréhension et une présentation la plus objective possible de ces différentes mémoires et de leur diffusion dans la sphère publique.. 53

Studiedag voor j<strong>on</strong>ge historici – Oorlog, herinnering en erfenis<br />

Journée d’étude “jeunes historiens” – Guerres, héritages et mémoires<br />

Bart THOELEN<br />

(KUL)<br />

De genocide op de Herero herdacht :<br />

C<strong>on</strong>flicterende visies op het verleden tijdens de herdenking in 2004<br />

La guerre au passé. Lorsqu’<strong>on</strong> ouvre les manuels d’histoire, <strong>on</strong> a souvent l’impressi<strong>on</strong> que le<br />

passé ne se résume qu’à une histoire d’actes de cruautés. Quod n<strong>on</strong> ! Pourtant c’est avant tout<br />

ce passé morbide et “captivant” qui passi<strong>on</strong>ne les masses et la producti<strong>on</strong> d’histoire joue<br />

vol<strong>on</strong>tiers sur ce fait. Il m’est dès lors paru intéressant de voir comment un tel thème est<br />

présenté en histoire. M<strong>on</strong> mémoire peut d<strong>on</strong>c plutôt être c<strong>on</strong>sidéré comme une approche<br />

anthropologique de la producti<strong>on</strong> d’histoire autour de ce thème que comme une véritable<br />

approche historiographique traditi<strong>on</strong>nelle. Ma questi<strong>on</strong> centrale peut s’én<strong>on</strong>cer en ces termes :<br />

comment les gens réagissent-ils aujourd’hui par rapport à cet aspect du passé <br />

Mes recherches se s<strong>on</strong>t focalisées sur différentes histoires du génocide commis à l’enc<strong>on</strong>tre<br />

des Hereros dans l’Afrique du Sud-ouest, alors col<strong>on</strong>ie allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g>e, soit l’actuelle Namibie.<br />

Pour ce faire, nous av<strong>on</strong>s besoin d’un cadre référentiel succinct du passé sur lequel se basent<br />

ces mises en histoire. Le 2 octobre 1904, le général allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g> Lothar v<strong>on</strong> Trotha a proclamé ce<br />

que l’<strong>on</strong> appelle le “Vernichtungsbefehl” (l’ordre de destructi<strong>on</strong>). Il y était menti<strong>on</strong>né que la<br />

tribu des Hereros, l’une des neuf tribus du sud-ouest africain devait quitter la col<strong>on</strong>ie<br />

allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g>e. Les Hereros s’étaient en effet révoltés c<strong>on</strong>tre le régime col<strong>on</strong>ial et le<br />

gouvernement allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g> c<strong>on</strong>sidérait cet ordre comme le dernier moyen de restaurer la paix<br />

dans leur col<strong>on</strong>ie. Les c<strong>on</strong>séquences de cet ordre <strong>on</strong>t été rec<strong>on</strong>nues ultérieurement, en 1985,<br />

par les Nati<strong>on</strong>s unies comme le génocide allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g> à l’enc<strong>on</strong>tre des Hereros 7 . Cent ans après<br />

ce génocide, ce passé a été commémoré. Les avis s<strong>on</strong>t partagés quant aux modalités de la<br />

commémorati<strong>on</strong>. Je suis parti à la recherche des différentes mémoires d’un même passé.<br />

J’ai dès lors distingué, dans m<strong>on</strong> mémoire, cinq catégories de modalités de mémoires<br />

collectives telles qu’établies par l’historienne allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g>e Aleida Assmann 8 . Dans cet exposé,<br />

j’aimerais me focaliser sur une des catégories; les m<strong>on</strong>uments historiques en tant que lieux de<br />

mémoire. Grossièrement c<strong>on</strong>sidéré, les m<strong>on</strong>uments historiques peuvent symboliser de deux<br />

faç<strong>on</strong>s la proximité du passé. Ils peuvent d’une part faire office de shared linking objects et<br />

peuvent rétablir, comme par magie, le lien entre les groupes actuels et leur passé. D’autre part,<br />

ils peuvent également faire office de bouc émissaire pour m<strong>on</strong>trer le rejet de certains groupes<br />

actuels à l’enc<strong>on</strong>tre d’un certain passé. À l’occasi<strong>on</strong> de la commémorati<strong>on</strong> du centième<br />

anniversaire du génocide col<strong>on</strong>ial allem<str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g>, une c<strong>on</strong>troverse a vu le jour c<strong>on</strong>cernant la<br />

destinée future d’un m<strong>on</strong>ument historique col<strong>on</strong>ial : le Reiterdenkmal. Différents groupes se<br />

s<strong>on</strong>t posés, dans les médias, la questi<strong>on</strong> de savoir si cette statue devait être enlevée, c<strong>on</strong>servée<br />

ou élargie. Chaque avis symbolisait une mémoire déterminée du passé, associée à une visi<strong>on</strong><br />

déterminée de l’histoire. J’en distingue cinq courants.<br />

7<br />

8<br />

VN, UN Whitaker Report <strong>on</strong> Genocide, 1985, paragraphe 24.<br />

A. ASSMANN, “Trans<str<strong>on</strong>g>for</str<strong>on</strong>g>mati<strong>on</strong>s between History <str<strong>on</strong>g>and</str<strong>on</strong>g> Memory”, in Social <str<strong>on</strong>g>Research</str<strong>on</strong>g>, 75 (1), 64.<br />

52

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!