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184 LE PRIVILEGIUM FORI le conseil de décider en ce sens *. L'opinion fut donc soutenue que le crime 'était tel que le coupable fût immédiatement et ipso facto dépouillé de son privilège. Il devait y avoir dans le conseil du roi des gens capables de discuter sur textes une question de ce genre avec des clercs ^ Mais il est certain que, outre la pure question de droit, fut discutée aussi -la question politique, l'opportunité d'un procès purement séculier, la résistance qu'elle provoquerait de la part de l'autorité ecclésiastique et spécialement du puissant chapitre de Paris. En fin de compte il ne parut pas prudent de violer le droit canonique et surtout les privilèges du chapitre. On s'en tint donc à la solution intermédiaire, qui avait déjà été choisie quelques années auparavant pour le procès des partisans de Benoît XIIl. Nicolas serait condamné pour le cas privilégié par la justice du roi et rendu au chapitre pour la punition du délit commun. Mais le conseil avait en outre l'intention d'obtenir du chapitre la dégradation du coupable et sa livraison, comme on le verra. Ordre fut donné de mener Nicolas de la Bastille au Ghâtelet ; et le jour môme, évidemment après ce conseil, fut prononcée la sentence contre les trois coupables \ Elle n'est pas datée, mais elle ordonne l'exécution pour le lendemain, et celle-ci eut lieu le vendredi 24. Les prisonniers ont été jugés par une juridiction extraordinaire. C'est le roi lui-même, qui, après délibération avec les princes du sang, les gens du conseil et du parlement, rend la sentence. Le crime est clairement qualifié de lèse-majesté, constitué par les faits de conspiration, monopole, conju- 1. « Nisi domini prelati dédissent magnam resistenciam ad oppiniones pluriura, ipse magister Nicolaus fuisset ibidem judicatus ; obstanle vero resistencia dominorum prelatorutn dictum fuit quod restitueretur capitulo, ut sequitur ». L. Mirot, op. cil., p. 258-259. 2. Le conseil armagnac, qui fonctionne de 1413 à 1418, se caractérise justement parla prépondérance des gens de robe. Noël Valois, Le conseil du roi aicxxi\^, xv* et xvic siècle, Paris, 1888, p. 133. — Sur la question de la perte ipso facto du privilège, voir infra. 3. L. Mirot, op, df.,app. VIII, p. 255.
DEUXIÈME PARTIE 185 ration, assemblée damnable du peuple pour s'emparer des princes du sang et résister aux otficicrs du roi. Plus spécialement Nicolas, dans l'arrêt qui le restitue au chapitre, est déclaré « complice et consentant » de conspiration « contre nous et notre Majesté ». Sans doute était-il moins coupable que les auteurs principaux, mais en matière de lèse-majesté, la culpabilité résulte suffisamment du seul fait d'avoir connu les préparatifs du crime et de ne pas les avoir dénoncés. Il n'y a donc aucun doute que, laïque, Nicolas d'Orgemont eût encouru la peine capitale '. Il fut condamné pour le cas privilégié : 1° à la privation de tous offices royaux, 2° à 80,000 écus d'amende, qualifiée suivant l'usage d'amende civile, 3^* à une sorte d'amende honorable. La confiscation est prévue % mais non prononcée. En effet, elle ne peut être que la conséquence de la condamnation pour le délit commun par la justice ecclésiastique. Le procès verbal d'exécution donne l'apparei! de cette sorte d'amende honorable * : « Revêtu d'une chemise, un capuchon sur le cou et la tête, et son chaperon noir posé par dessus », seul dans un tombereau, « son cas déclaré par cry publique à tout le peuple ». C'est l'équivalent du pilori. 11 fut ensuite ramené au Châtelet, pour entendi'e la sentence de restitution au juge d'Eglise. Cette parade d'exécution avait en effet retardé la remise. Les chanoines n'avaient pas eu connaissance de la sentence et en particulier de ce détail de la condamnation, car les députés du chapitre se présentèrent le vendredi dès huit heures, au Châtelet, pour demander la restitution qui leur avait été promise la veille. On les fit attendre une grande heure. Puis ils furent appelés dans la chambre des fiefs, où le lieutenant du prévôt de Paris, Raoul Anchier, leur déclara qu'à quatre heures de Taprès midi, on leurcommu- 1. Op. cit., app. IX, 256. 2. L'amende civile doit être prise sur tous les biens de Nicolas « premier et avant toutes forfaictures et confiscacions». App. VIll, p. 253. 3. Op. cit., app. X, p. 259.
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