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90 LE PRIVILEGIUM PORI autre exception beaucoup plus grave au privilège, qui serait perdu ipso facto, sans que l'autorité ecclésiastique ait aucunement à intervenir. A vrai dire, le texte du c. cum non ah homine ne parlait ni de dégradation ni de livraison au bras ' séculier. Mais on était autorisé à l'entendre en ce sens, parce qu'il semble bien que le pape, en le rédigeant, songeait au Diclum Gratianiy qui lui fournissait la notion môme de l'incorrigibilité. Au xin" siècle la communis opinio était en ce sens et l'on citait surtout Petrus de Sampsone et Hostiensis. Mais déjà Johannes André* estimait que la depositio^ dernière mesure prévue par la décrétale contre l'incorrigible, suffisait ici à lui faire perdre son privilège. Il raisonnait surtout en partant de l'analogie avec le clerc ayant abandonné la vie cléricale et qui perd son privilège après trois monitions. L'incorrigible en a reçu davantage, puisqu'il en faut déjà trois pour être excommunié. Son cas est donc bien le cas du clerc auquel ont été faites les trois monitions du c. inaiidientia^; c'était aussi l'opinion de Balde *. C'était, ce qui est plus intéressant pour nous, l'enseignement de l'Université de Paris où Bohic étudia sans doute. Le c. cum non ab homine, disait-on, suppose que le juge d'Eglise ne peut plus rien contre le coupable (cum ecclesia non habeat ultra quod faciat). Comment peut-on dire que l'Eglise a épuisé tous ses moyens d'action, quand elle n'a pas requis le juge séculier de saisir et de lui remettre le coupable 1. Le pape ne parle que de déposition ; mais à la fin du xii» siècle la distinction de la déposition et de la dégradation n'était pas nettement établie. 2. Cap. 25, X, V, xxxix. Voir tome I, p. 153. « Sed numquid post incorrigibililatem erit necesse quod sequatur degradatio Petrus hic dixit quod sic. Dixit enim super verbo comprimendus : « et primo degradandus ». Tu dicas quod poterit sequi sed non erit necesse, qui si, prœter depositionem, tertio monitus ingerens se enormitatibus perdit privilegrum cléricale, multo fortius perdet jam depositus, qui adhuc postea est monitus nec hic dicitur quod tradetur seculari potestati sed quod secularis potestas eum comprimet ». Johannes Andreœ, sur le c. cum non ab homine. 3. « Comprimendus, et primo degradandus, secundum Petrum, quod non credo verum de necessitate ». Balde, in eodem, n° 2. I

DEUXIÈME PARTIE 91 pour le juger, le dégrader et le livrer En réalité il n'est pas question de dégradation dans cette décrétale. Le juge séculier a le droit et le devoir d'agir contre l'incorrigible sans aucune intervention de la justice d'Eglise. Bohic toutefois n'ose approuver l'enseignement de son maître contraire sur ce point à la doctrine des grands canonistes de l'âge précédent *. Antoine de Batrio suit en ce point son maître Johannes Andreee \ Cette doctrine, déjà singulièrement plus large, que la do6- trine du xni® siècle, n'était pas encore bien dangereuse pour les juridictions ecclésiastiques, étant données les conditions auxquelles le texte soumet l'intervention du juge séculier. En admettant même qu'une dégradation ne soit pas nécessaire, il n'en reste pas moins que le juge lai ne pourra arrêter et punir le clerc qu'après plusieurs sentences ecclésiastiques et que par suite le juge d'Egliseest toujours maître de donner ou non ouverture à la procédure séculière. Mais la doctrine pouvait devenir très dangereuse si l'on étendait la notion d'incorrigibilité. Et certains avaient proposé de considérer comme incorrigible et comme dépouillé 1. « Et si est incorrigibilis, tune secundum Bernardum hic servatur quod hicdicitur, quia traditur curiae saeculari cuoi ecclesia non habeat ultra quod faciat... Quidam tamen magister meus dicebat quod hoc non dicit textus iste, immo videtur dicere contra ibi cum dicit cum ecclesia non habeat ultra etc., cura ecclesia possit requirere judicem secularem ut eum caperet et sibi vinctum traderet, et ideo non videtur degradandus nec tradendus curiœ seculari sed poterit comprimi sine metu excommunicationis per judicem secularem ut hic nec ecclesia ipsum requiret. Nam si clericus ter nionitus perdit privilegium cléricale... multo fortius depositus, excommunicatus, anathemarizatus incorrigibilis nec actualiter degradatus. Sed securius est tenere glossam quam etiam sequitur Hostiensis ». Bohic in eodem, n" 6. Ailleurs Bohic explique que l'incorrigible est exposé par l'évêque « Potest enim personam exponere etiam clerici incorrigibilis ... in quolibet crimine». Id. sur le c. 13 X,v, vu. 2. « Tertio modo potest intelligi quod eo quod est depositus absque alla traditione vel dégradations, stante ipsa incorrigibilitate, perdat privilegium et subsit potestati seculari. Et hoc modo inteiligitur a Johanne Andrese ». Ant. de But in eodem, n" 19.

90 LE PRIVILEGIUM PORI<br />

autre exception beaucoup plus grave au privilège, qui serait<br />

perdu ipso facto, sans que l'autorité ecclésiastique ait aucunement<br />

à intervenir.<br />

A vrai dire, le texte du c. cum non ah homine ne parlait<br />

ni de dégradation ni de livraison au bras ' séculier. Mais<br />

on était autorisé à l'entendre en ce sens, parce qu'il semble<br />

bien que le pape, en le rédigeant, songeait au Diclum<br />

Gratianiy qui lui fournissait la notion môme de l'incorrigibilité.<br />

Au xin" siècle la communis opinio était en ce sens<br />

et l'on citait surtout Petrus de Sampsone et Hostiensis. Mais<br />

déjà Johannes André* estimait que la depositio^ dernière<br />

mesure prévue par la décrétale contre l'incorrigible, suffisait<br />

ici à lui faire perdre son privilège. Il raisonnait surtout<br />

en partant de l'analogie avec le clerc ayant abandonné la<br />

vie cléricale et qui perd son privilège après trois monitions.<br />

L'incorrigible en a reçu davantage, puisqu'il en faut déjà<br />

trois pour être excommunié. Son cas est donc bien le<br />

cas du clerc auquel ont été faites les trois monitions du<br />

c. inaiidientia^; c'était aussi l'opinion de Balde *. C'était, ce<br />

qui est plus intéressant pour nous, l'enseignement de l'Université<br />

de Paris où Bohic étudia sans doute.<br />

Le c. cum non ab homine, disait-on, suppose que le juge<br />

d'Eglise ne peut plus rien contre le coupable (cum ecclesia<br />

non habeat ultra quod faciat). Comment peut-on dire que<br />

l'Eglise a épuisé tous ses moyens d'action, quand elle n'a pas<br />

requis le juge séculier de saisir et de lui remettre le coupable<br />

1. Le pape ne parle que de déposition ; mais à la fin du xii» siècle la<br />

distinction de la déposition et de la dégradation n'était pas nettement établie.<br />

2. Cap. 25, X, V, xxxix. Voir tome I, p. 153. « Sed numquid post incorrigibililatem<br />

erit necesse quod sequatur degradatio Petrus hic dixit quod sic.<br />

Dixit enim super verbo comprimendus : « et primo degradandus ». Tu dicas<br />

quod poterit sequi sed non erit necesse, qui si, prœter depositionem, tertio<br />

monitus ingerens se enormitatibus perdit privilegrum cléricale, multo fortius<br />

perdet jam depositus, qui adhuc postea est monitus nec hic dicitur quod<br />

tradetur seculari potestati sed quod secularis potestas eum comprimet ».<br />

Johannes Andreœ, sur le c. cum non ab homine.<br />

3. « Comprimendus, et primo degradandus, secundum Petrum, quod non<br />

credo verum de necessitate ». Balde, in eodem, n° 2.<br />

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