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54 LE PRIVILEGIUM FORI Jean de Dieu, sans doute dans son commentaire du Décret, prend à partie Johannes Faventinus et rapporte le cas d'une lïentence de déposition rendue par l'évoque de Lisbonne seul et qui, pour cette raison, fut cassée *. Innocent IV explique la règle avec détails, sans paraître soupçonner que la pratique puisse ne pas s'y conformer ^ Les canonistes savaient bien cependant que la coutume était contraire. Guillaume Durand le constate dans son Spéculum ^. Et non seulement ia règle était inappliquée, mais elle était vraiment inapplicable. Exiger la présence de six évêques pour condamner un prêtre, c'était rendre presque impossible le fonctionnement de la juridiction ecclésiastique. Il fallait trouver moyen de restreindre le champ d'application de ces malencontreux canons et pour rendre compte de nombreux textes contraires et pour légitimer la coutume. 1. « Sed in presbytère dixerunt quidam, quibus Johannes Faventinus assensit, quod solus episcopus seu archiepiscopus solus cum suo clero sive in sua synodo potest de generali consuetudine eos condemnare sine predicto numéro episcoporum, ubi de crimine confessus seu convictus est Sed Johannes de Deo contra, dicens quod talis sententia non valet, qua talis non est a suo judice condemnatus.... nam episcopus seu archiepiscopus non est in hoc casu suus judex sed conjudex... et narrât idem Johannes quod episcopus Ulisbonnensis in casu prasallegato. . . solus deposuit très clericos et dicit idem Johannes quod ipse vidit... clericos depositos restitutos ». Spéculum juris, Lib. III, part. I, de accusatione, quarto loco. 2. « Et quando tractatur accusatio episcopi et in ipso tractatu necessari sunt XII episcopi nec in his computatur archiepiscopus et si haberet suspectes aliquos episcopos loco suspectorum metropolitanus et accusatus alios eligent, de consensu tamen alterius partis et de ea provincia si possit vel de vicina... Et credimus quod sint aiii XII necessarii episcopi in processus scilicet in iitis contestatione et forte in auditione allegationum, in receptione autem testium non videntur necessarii Item idem dicimus de inquisitione sacerdotum, diaconorum vel subdiaconorum et ubicumque pro crimine agitur sive criminaliter, sive civiliter, dummodo depositionis ab ordine vel ofBcio sententia ferri debeat Idem secus, si agatur de crimine non ad depositionem ab officio vel ordine sed ammotionem ab ecclesia, quia tune solus episcopus cum clericis suis potest procedere ». Innocent IV, sur le c. grave, 29, de prsebendis, X, III, v. 3. « De consuetudine tamen episcopi audiunt per se vel per ofBciales suos causas criminales clericorum suorum». Guil. Durand, /oc. cit.
DEUXIÈME PARTIE 55 C'est ce que fit le Specidator en utilisant la distinction qu'il venait d'établir ou tout au moins d'éciaircir ' entre les deux sortes de dégradation. La règle de l'assistance des cinq ou deux évêques ne s'applique pas à toutes les causes de déposition, mais seulement à celles qui tendent à déposition solennelle. Non pas que l'assistance des évêques soit requise pour la solennité même de la dégradation % elle l'est pour le jugement conformément aux textes anciens, mais seulement quand ce jugement doit, à raison de la nature de l'inculpation, aboutir à une dégradation solennelle. De la doctrine la règle passera dans la législation. Mais elle y apparaît pour la première fois pour recevoir une exception. Tant il est vrai qu'elle était d'application difficile. Elle eût notamment singulièrement gêné les inquisiteurs. C'est pourquoi Grégoire IX y apporta, pour le clerc hérétique, une exception formelle. La décrétale, répondant à une consultation de l'archevêque de Reims, est postérieure au recueil de Raymond de Pennafort et fut insérée au Liber SeXtus ^ 1. « Tu autem distingue circa hanc materiam. Nam quandoque agitur de crimine ad depositionem ordinis, quandoque ad depositionem beneficii, quandoque ad excommunicationem, puta propter contumaciam, quandoque ad suspensionem. Caeterum cum agitur ad depositionem ordinis, quandoque deponitur cum solemnitate, quia sibiinsignia detrahuntur... quo casu necessarius est predictus numerus episcoporum et hoc casu intelliguntur jura inducta supra ..et opinio Joiiannis de Deo. Quandoque vero quis absquehujusmodi solemnitate, sed sententia tantummodo verbaliter deponitur et tune, ubi agitur causa presbyteri vei diaconi, episcopus cum suo capitulo potest cognoscere et deponere absque aliorum presentià episcoporum...» Ibidem. 2. « Et est notandum quod in bac sententise executione non est necessaria episcoporum praesentia quœ est necessaria in sententiae prolatione. » Spéculum juris, lib. III, part. 1, de accusatione, § secundo loco. 3. C. 1, in \l°, de haereticis, V, ii. La date en est inconnue. D'après Johannes Andreae elle est tirée d'une décrétale commençant par les mots : et si contra et une bonne moitié en a été supprimée. [Novella sur ce texte). Déjà auparavant le même pape avait statué dans le même sens par privilège spécial au profit de tels ou tels inquisiteurs ; par exemple pour l'Allemagne dans une lettre à Tévêque de Strasbourg du 19 oct. 1232. « Accepimus siquidem quod cum aliqui laici in partibus Teutonise infecti heretica macula
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Jean de Dieu, sans doute dans son commentaire du Décret,<br />
prend à partie Johannes Faventinus et rapporte le cas d'une<br />
lïentence de déposition rendue par l'évoque de Lisbonne<br />
seul et qui, pour cette raison, fut cassée *. Innocent IV<br />
explique la règle avec détails, sans paraître soupçonner<br />
que la pratique puisse ne pas s'y conformer ^<br />
Les canonistes savaient bien cependant que la coutume<br />
était contraire. Guillaume Durand le constate dans son Spéculum<br />
^. Et non seulement ia règle était inappliquée, mais<br />
elle était vraiment inapplicable. Exiger la présence de six<br />
évêques pour condamner un prêtre, c'était rendre presque<br />
impossible le fonctionnement de la juridiction ecclésiastique.<br />
Il fallait trouver moyen de restreindre le champ<br />
d'application de ces malencontreux canons et pour rendre<br />
compte de nombreux textes contraires et pour légitimer la<br />
coutume.<br />
1. « Sed in presbytère dixerunt quidam, quibus Johannes Faventinus assensit,<br />
quod solus episcopus seu archiepiscopus solus cum suo clero sive in sua<br />
synodo potest de generali consuetudine eos condemnare sine predicto numéro<br />
episcoporum, ubi de crimine confessus seu convictus est Sed Johannes<br />
de Deo contra, dicens quod talis sententia non valet, qua talis non est a suo<br />
judice condemnatus.... nam episcopus seu archiepiscopus non est in hoc<br />
casu suus judex sed conjudex... et narrât idem Johannes quod episcopus<br />
Ulisbonnensis in casu prasallegato. . . solus deposuit très clericos et dicit<br />
idem Johannes quod ipse vidit... clericos depositos restitutos ». Spéculum<br />
juris, Lib. III, part. I, de accusatione, quarto loco.<br />
2. « Et quando tractatur accusatio episcopi et in ipso tractatu necessari<br />
sunt XII episcopi nec in his computatur archiepiscopus et si haberet suspectes<br />
aliquos episcopos loco suspectorum metropolitanus et accusatus alios<br />
eligent, de consensu tamen alterius partis et de ea provincia si possit vel de<br />
vicina... Et credimus quod sint aiii XII necessarii episcopi in processus<br />
scilicet in iitis contestatione et forte in auditione allegationum, in<br />
receptione autem testium non videntur necessarii Item idem dicimus<br />
de inquisitione sacerdotum, diaconorum vel subdiaconorum et ubicumque<br />
pro crimine agitur sive criminaliter, sive civiliter, dummodo depositionis<br />
ab ordine vel ofBcio sententia ferri debeat Idem secus, si agatur<br />
de crimine non ad depositionem ab officio vel ordine sed ammotionem ab<br />
ecclesia, quia tune solus episcopus cum clericis suis potest procedere ».<br />
Innocent IV, sur le c. grave, 29, de prsebendis, X, III, v.<br />
3. « De consuetudine tamen episcopi audiunt per se vel per ofBciales suos<br />
causas criminales clericorum suorum». Guil. Durand, /oc. cit.