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16 LE PRIVILEGIUM FORI Admettant la perte de l'ordre ou du moins des pouvoirs de l'ordre par la dégradation, les premiers décrétistes ne pouvaient avoir aucun scrupule à accepter comme normal le système de la livraison au bras séculier. Paucapalea se contente de reproduire les termes mêmes du dictum Gratiani : « nisi forte cum consensu episcopi veiuti quando incorrigibilis invenitur » *. L'incorrigibilité n'est qu'un des cas de traditio, donné à titre d'exemple. Roland Bandinelli, le futur Alexandre III, dit simplement que le clerc ne peut être livré sans dégradation préalable. « In criminali causa ad secularem judicem nullus omnino clericus est tradendus, nisi a proprio episcopo ante proprio fuertt nudatus honore » ^. Les Incerti aiictôris quœstioiies, un peu postérieures, font à l'évêque une obligation de dégrader et de livrer, dès qu'il a reconnu la culpabilité. « Quando laicus impetit clericum... super civili criminali (causa), débet eum producere coram episcopo, qui débet eum, siconstiterit eum admisisse, exauctorare et sic judicis secularis cognitioni tradere » '. Il est clair que pour celui qui écrivait ces lignes, la livraison était le droit commun et non pas une exception. Rufin discute la question de plus près et l'on commence à sentir chez lui le désir de restreindre l'action du juge séculier, dont Gratien et les premiers canonistes faisaient le droit commun *. D'abord il écarte expressément l'authentique comme contraire aux canons. La causa criminalis, dit-il, est celle « ubi sanguinis effusio vel corporale aliquod supplicium poscitur ». Ainsi définie elle échappe évidemment à la compétence de l'Eglise. Aussi « si... laicus in hac causa pulset clericum, tune secundum autenticum poterit eum ad secularem judicem trahere, ita tamen ut judex secularis non ante puniat clericum crimi- 1. Schulte, Die Summa des Paucapalea, p. 18. 2. Thaner, Die Summa magistri Rolandi, p. 25. 3. Ibidem, p. 293. 4. Singer, Die Summa Decretorum des Magtster Rufinus, p. 307.
DEUXIEME PARTIE 17 nis convictum quam a suo episcopo dignitate privetur ». Mais cela c'est le droit séculier, le droit canonique est plus indulgent aux clercs : « Ganones... clementius provident». Le clerc ne peut être cité devant le juge laïque « nisi cum permissione episcopi ». Rufîn paraît ainsi se rallier au système des conciles mérovingiens, mais pour Técarter aussitôt. En effet il déclare exigible non seulement l'autorisation de l'évêque, mais le consentement du clerc défendeur lui-même. Mais pour les crimes les plus horribles, l'évêque, seul compétent en principe pour juger, dégradera le coupable et Peut-être y le livrera. a-t-il dans ces mots « si adeo horrendum crimen fuerit » une intention restrictive et, comme cette dénomination n'a rien de précis ni de technique, on peut croire que Rufin laisse à l'arbitraire du juge ordinaire le soin de décider, suivant les circonstances, s'il y a ou non lieu à livraison. Les scrupules d'Etienne de ïournay portent sur un autre point. Définissant, comme Rufin, l'action criminelle, celle qui tend à une peine corporelle *, il écarte, comme lui, l'authentique comme contraire aux canons. L'instance ecclésiastique doit précéder et non suivre la séculière. Mais ce qui lui semble inadmissible, c'est la traditio. Cette expression, dans le sens nouveau que les canonistes lui avaient donné, marquait brutalement que l'instance et la peine temporelles étaient sollicitées par la justice ecclésiastique. Or il ne convient pas à Vofficium pietatis que l'évêque prenne une part si directe et une responsabilité si précise dans l'application des peines atflictives. Il vaudra mieux dire par conséquent que le dégradé est abandonné, et non livré, au bras séculier* Mais, sauf cette réserve, Etienne accepte parfaitement la condamnation séculière. Il soutient même que le juge séculier a les mains entièrement libres et que la sentence ecclésiastique 1. « Criminalis forensis quando ante civilem judiceiu de crimine non ecclesiastico tractatur de corporis pœnam opus persequitur. » Schulte, Die Summa des Stephanus Tornacensis, p. 211. h
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