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166 LE PRIVILEGIUH FORI d'avoir le moyen de vivre ciéricalement, c'est à dire d'obtenir des bénéfices '. C'étaient donc des clercs, écoliers vagants, déclassés du monde du clergé. La vie qu'ils menaient était celle des jongleurs. 'Ils chantaient et jouaient, spécialement dans les églises. Ils étaient dit Gaston Paris, les jongleurs du monde clérical. Quelle part ont-ils eue dans la confection de la littérature goliardique, c'est une question que nous n'avons pas compétence pour traiter. Mais quels qu'aient été leurs talents littéraires, la vie de jongleur qu'ils menaient, n'était pas bien honorable, ni surtout bien compatible avec la dignité cléricale. Les jongleurs n'étaient pas seulement des chanteurs, mais aussi des acrobates -. Hosliensis dit qu'on reconnaît les goliards notoires à ce que « incedunt nudi ». Etaient-ce. leurs exercices qui réclamaient cette tenue peu décente Or l'Eglise a toujours condamné les histrions. Le moyen âge est sur ce point d'accord avec l'antiquité chrétienne \ Elle ne pouvait permettre à ceux de cette profession de rester dans les rangs du clergé. En outre, si la profession est déshonorante par elle-même, les mœurs des jongleurs ne l'étaient, paraît-il, pas moins. L'Eglise considérait ceux-ci comme la pire classe de la société. « Il y a deux professions qui ne sont que péché: ce sont celle de prostituée et celle de jongleur' ». Les jongleurs étaient accompagnés de jongleresses, qui comme eux dansaient, chantaient, jouaient de la musique ^ Elles avaient une fort mauvaise réputation. Le goliard notoire, dit encore Hostiensis, fréquente les tavernes, les jeux et les mauvaises femmes. Tels sont les gens, déconsidérés par leur profession et 1. Faral, op. cit., p. 36. 2. Faral, op. cit., p. 83. 3. Faral, p. 26. 4. « Quaidam officia sunt quœ ex toto peccata sunt, vtt meretricuiii et histrionuin ». Citation dun traité de la pénitence (C. ^V. lat. 16419) faite par Faral, p. 291. ^. Faral, p. 65.
PREMIÈRE PARTIE 167 leurs mœurs et cependant prétendant à la cléricature, que visent principalement les conciles du xni'' siècle. Ces textes qui sont unis par une étroite parenté, condamnent les ribauds et surtout lesgoliards \ Leconcile de Trêves de 1227 met sur le même pied, comme se livrant également aux mêmes représentations interdites dans les églises, les truands, écoliers vagants et goliards ^. Les goliards ne sont donc qu'une catégorie, la plus importante, la plus représentative d'une classe. Comme ils prétendaient garder la cléricature et déshonoraient le clergé, les conciles ont ordonné aux évoques et juges d'Eglise de les faire tondre ou raser, de manière à effacer toute trace de tonsure cléricale. Sans doute les conciles entendaient-ils ainsi les dépouiller de tous les avantages des clercs. Hostiensis est, à ma connaissance, le seul canoniste qui au xiu® siècle ait parlé des goliards. C'est sans doute pendant son séjour en France qu'il les a connus. La date de son enseignement à l'université de Paris correspond à peu près à la période pendant laquelle les conciles locaux du nord de la France ont eu à s'occuper des goliards. Il a enseigné en effet à Paris avant 1244, date à laquelle il fut nommé évêque de Sisleron. Il a pu voir lui-même les goliards à l'œuvre, il a sûrement entendu parler d'eux. En tout cas il leur consacre un long passage dans sa Lectitra, passage qu'il résume dans sa Somme. Il définit le goliard et cette délinition nous a servi ; il se pose enfin la 1. « Statuimus quod cierici ribaldi, maxime qui goliardi nuncupantur, per episcopos et alios ecclesiœ prœlatos praicipiatitur tondcri vel radi ita quod non remaneat eis tonsura clericalis, ita tamen quod ista sine scandalo et periculo fiant ». Concile de Chaleau-Gonlhier, i2Z\., c. 20 et 21. Reproduit dans le concile de Rouen de la même aimée, c. 8 : « Statuimus quod cierici ribaudi, maxime qui dicuntur de familia Goliae per episcopos, archidiaconos, officiales et decanos christianitatis tonderi prœcipiantur. .. etc (comme cidessus) ». Conc. de Sens de 1239, c. 13. 2. « Prœcipimus ut omnes sacerdotes non permittant trutanos et alios vagos scholares ant goliardos cantare versus super sanctus et agnus Dei i\) naissis vel in divinis ofiQciis ». Conc. de Trêves. 1227, c. 9.
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honorable, ni surtout<br />
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Les jongleurs n'étaient pas seulement des chanteurs,<br />
mais aussi des acrobates -. Hosliensis dit qu'on reconnaît<br />
les goliards notoires à ce que « incedunt nudi ».<br />
Etaient-ce. leurs exercices qui réclamaient cette tenue<br />
peu décente Or l'Eglise a toujours condamné les histrions.<br />
Le moyen âge est sur ce point d'accord avec l'antiquité<br />
chrétienne \ Elle ne pouvait permettre à ceux de<br />
cette profession de rester dans les rangs du clergé. En outre,<br />
si la profession est déshonorante par elle-même, les mœurs<br />
des jongleurs ne l'étaient, paraît-il, pas moins. L'Eglise considérait<br />
ceux-ci comme la pire classe de la société. « Il y a deux<br />
professions qui ne sont que péché: ce sont celle de prostituée<br />
et celle de jongleur' ». Les jongleurs étaient accompagnés<br />
de jongleresses, qui comme eux dansaient, chantaient,<br />
jouaient de la musique ^ Elles avaient une fort mauvaise<br />
réputation. Le goliard notoire, dit encore Hostiensis,<br />
fréquente les tavernes, les jeux et les mauvaises femmes.<br />
Tels sont les gens, déconsidérés par leur profession et<br />
1. Faral, op. cit., p. 36.<br />
2. Faral, op. cit., p. 83.<br />
3. Faral, p. 26.<br />
4. « Quaidam officia sunt quœ ex toto peccata sunt, vtt meretricuiii et histrionuin<br />
». Citation dun traité de la pénitence (C. ^V. lat. 16419) faite par<br />
Faral, p. 291.<br />
^. Faral, p. 65.