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AXE 1 - HISTOIRE ET ARCHEOLOGIE - Iulm

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Lettres électronique — N° 3 — printemps 2005<br />

nombre de lettres éparses en attendant la correspondance<br />

générale dont le projet serait en bonne<br />

voie. Rappelons que l’œuvre de Huysmans ne figure<br />

toujours pas non plus dans la Bibliothèque de la<br />

Pléiade, et que la dernière édition des Œuvres complètes<br />

date de 1929. Les lettres de Lorrain à Huysmans,<br />

nous apprend le préfacier et commentateur,<br />

étaient pour la plupart consultables à la Bibliothèque<br />

Nationale dans le fonds Lambert ; celles de Huysmans<br />

appartiennent à des collections particulières.<br />

Elles sont reproduites ici intégralement, outre quelques<br />

extraits dont les originaux n’ont pas été retrouvés,<br />

et proviennent elles aussi de la collection de<br />

Pierre Lambert, lequel les avait communiquées à<br />

Jacques Lethive pour son article « L’amitié de Huysmans<br />

et de Jean Lorrain », au Mercure de France de<br />

décembre 1957. L’ensemble s’y trouvait déjà, ainsi<br />

qu’un certain nombre de documents éclairant cette<br />

correspondance, dont les origines étaient plus précisément<br />

indiquées que dans la présente édition, qui<br />

donne au demeurant les lettres complètes, les enrichissant<br />

de précieuses notes, joignant des dédicaces<br />

de Lorrain à Huysmans, et surtout ses articles sur les<br />

œuvres de Huysmans.<br />

Certes cette correspondance est partielle et l’on<br />

est un peu frustré quand la question de l’un ignore la<br />

réponse de l’autre, ou vice versa ! Mais l’ensemble est<br />

significatif, et riche de renseignements, voire de surprises.<br />

La relation épistolaire entre Huysmans et<br />

Lorrain dure de 1884 à 1903 et prend fin avec leur<br />

amitié. En 1884 paraît A rebours : Lorrain est pris<br />

d’une intense admiration pour le livre et l’auteur dont il<br />

paraît faire la connaissance à ce moment là ; du livre<br />

il célèbre « la pourriture exquise » (lettre à Charles<br />

Buet), en même temps qu’il se dit sous le charme<br />

« presque amoureux » du « cérébral idéalisé » qui l’a<br />

écrit. Lorrain envoie des fleurs à Huysmans, ce dont,<br />

selon Georges Landry, Anna Meunier, compagne du<br />

romancier, prend ombrage… La main qu’il lui serre à<br />

le « faire crier » est celle aussi l’ayant fait comme<br />

nulle autre « jouir cérébralement » ; plus canaille<br />

encore il lance : « Je suis très fille et, comme crierait<br />

Nana, je te gobe ». Ils sont proches, à l’évidence,<br />

pendant plusieurs années, semblent n’avoir que peu<br />

de secrets l’un pour l’autre, s’entretiennent de leurs<br />

maux intimes… Ils sortent ensemble. Lorrain propose<br />

d’aventure à Huysmans de dîner et aller au « beuglant<br />

», mais dans la même lettre l’invite de manière<br />

plus intéressante à se rendre ensemble chez Gustave<br />

Moreau, rencontre qui aura lieu, et l’assure que<br />

Leconte de Lisle « l’adore ». Ils ont en commun des<br />

amis, comme Robert Caze, et des goûts, littéraires ou<br />

artistiques. Ou des dégoûts : Paul Bourget est leur<br />

tête de turc favorite, Villiers l’objet d’une commune<br />

estime : c’est Lorrain, non Huysmans comme l’avait<br />

écrit Lethève, qui corrige en somme les termes de son<br />

correspondant : « Je vous crois, que Villiers a du<br />

talent… souvent du génie même ». On aimerait avoir<br />

le propos exact de Huysmans qui signale en 1887 la<br />

sortie de Tribulat Bonhomet, mais qui plus tard sera<br />

parfois juge sévère des livres de son ami. « Dites à<br />

Bloy que je l’aime », claironne Lorrain, qui renâclera<br />

fort à la lecture du Désespéré conseillée ensuite par<br />

Huysmans.<br />

La réponse de Huysmans fait défaut au sujet de<br />

Burne-Jones (Lorrain vante les photos de ses tableaux<br />

réalisées par Braün). Dés l’époque d’A rebours<br />

on voyait Huysmans hésitant au sujet des préraphaélites,<br />

même de Whistler dont il fera plus tard<br />

l’éloge. Contrairement à ce que suggère le commentateur,<br />

je ne vois pas que Huysmans ait partagé la<br />

délectation de Lorrain pour Botticelli. S’il a apprécié le<br />

propos de Goncourt sur ce peintre, et vilipendé le<br />

Musée du Louvre qui a fait repeindre ses fresques, il<br />

préfère les mystiques flamands aux Primitifs italiens<br />

dont Botticelli, hantés à ses yeux de sodomie (voir les<br />

Interviews de Huysmans présentées par Jean-Marie<br />

Seillan, Paris, Champion, 2002, en particulier « La<br />

réaction réaliste », p. 116). Sans doute n’est-ce pas<br />

ce qu’il dut dire à Lorrain : il lui fait connaître, au<br />

contraire, l’œuvre de Francisco Bianchi a qui il a<br />

consacré un chapitre de Certains où il évoque un<br />

Saint-Quentin androgyne, de nature à séduire le<br />

poète des « Éphèbes ».<br />

Il y a dans leur relation des équivoques, auprès<br />

des connivences à l’équivoque. Manifestement la<br />

conversion de Huysmans inexorablement les éloigne.<br />

Dés 1891, celui-ci, qui déclare renoncer à « tout le<br />

satanisme », met Lorrain en garde (« Gare ! Gare ! »)<br />

contre son penchant à « sacriléger » et ne taxe Zola<br />

d’ennui – sur quoi ils auraient pu s’accorder – que<br />

pour lui opposer « la liturgie de l’abbé Michel ».<br />

Lorrain dont les invitations paraissent rarement suivies<br />

d’effet s’essaye à retenir Huysmans par une<br />

touchante tentative de communion dans la beauté des<br />

cathédrales espagnoles (« comment ne pas songer à<br />

vous ! ») ou en insinuant l’attrait que sa Mandragore<br />

devrait avoir auprès d’un « fervent de Gilles de Rais ».<br />

D’une certaine manière il fait mouche. Huysmans<br />

émet des jugements très favorables sur l’œuvre de<br />

Lorrain, aussi bien lorsqu’il s’adresse à d’autres<br />

correspondants, et y voit en somme le symbole des<br />

anciens pêchés et de leur tentation persistante : « Vos<br />

abominables livres sont délicieux et le pervers mal<br />

éteint qui est en moi ne peut pas ne point se délecter<br />

à ces savoureuses phrases de haute venaison encore<br />

décomposées par vos encens gâtés et vos poivres » :<br />

la décadence énoncée par Des Esseintes converti.<br />

La conversion est le terme de l’épineux chemin de<br />

Durtal, comme de celui de Gilles de Rais, qu’il<br />

accompagna jusqu’à ce terme. Lorrain, en des propos<br />

recueillis dans Poussières de Paris, assurait que<br />

Huysmans ne fréquentait les églises que pour oublier<br />

les cauchemars de Là-bas (Paris, Fayard, s.d., p.19).<br />

Et il affecta de s’indigner que Huysmans versât dans<br />

les « bondieuseries » dans En route (op. cit., pp. 144-<br />

Association Recherche sur l’Image — DIJON 53

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