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« Il m’arrive souvent,<br />
quand je dis sans y<br />
prendre gar<strong>de</strong> : "Ma vie",<br />
<strong>de</strong> me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />
involontairement :<br />
"Laquelle <strong>de</strong> mes vies "<br />
Celle d’avant la guerre<br />
mondiale, celle d’avant<br />
la première ou d’avant<br />
la secon<strong>de</strong>, ou encore<br />
ma vie <strong>de</strong> maintenant »<br />
<strong>Stefan</strong> <strong>Zweig</strong> fut, <strong>de</strong> son vivant, l’un <strong>de</strong>s auteurs les plus lus<br />
et les plus traduits <strong>de</strong> son temps, l’un <strong>de</strong>s plus appréciés d’un<br />
immense public. Cette popularité, qui ne se limitait pas au<br />
mon<strong>de</strong> germanique, dépassait certainement le simple phénomène<br />
<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>, comme le prouve la célébrité dont il jouit encore. Cette<br />
renommée a quelque chose <strong>de</strong> mystérieux. Pourquoi, en effet, cet<br />
écrivain, qui ne comprenait pas les raisons d’un succès qu’il jugeait<br />
immérité, a-t-il suscité et suscite-t-il toujours un tel engouement <br />
La consécration <strong>de</strong> <strong>Zweig</strong> par ses contemporains comme par la postérité<br />
s’explique tout d’abord par la nature <strong>de</strong> son œuvre. Auteur prolifique,<br />
<strong>Zweig</strong> écrivait cependant brièvement : au roman-fleuve, il préféra<br />
toujours la nouvelle ou le petit roman. Si le travail <strong>de</strong> documentation,<br />
préalable à la rédaction <strong>de</strong> ses essais, est impressionnant, il se garda<br />
d’écrire <strong>de</strong>s ouvrages d’érudition : ses biographies constituent <strong>de</strong>s<br />
vulgarisations, terme qu’il ne faudrait pas considérer avec dédain, car<br />
<strong>Zweig</strong> avait à cœur d’ouvrir au plus grand nombre l’accès aux « heures<br />
étoilées <strong>de</strong> l’humanité » et aux « bâtisseurs du mon<strong>de</strong> », pour reprendre<br />
<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses formules. Son style n’avait rien <strong>de</strong> relâché, il était élégant,<br />
et ses métaphores l’élèvent au-<strong>de</strong>ssus du cliché. <strong>Zweig</strong> se souciait avant<br />
tout d’être compris : contre les arcanes <strong>de</strong> l’avant-gardisme, il opta<br />
pour le classicisme. N’y a-t-il pas déjà dans ces quelques éléments,<br />
auxquels on pourrait en ajouter bien d’autres, le début d’une recette<br />
d’un succès durable <br />
<strong>Stefan</strong> <strong>Zweig</strong>,<br />
<strong>Le</strong> Mon<strong>de</strong> d’hier<br />
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