Rendre le plaidoyer auprès de la China National Petroleum ...

Rendre le plaidoyer auprès de la China
National Petroleum Corporation (CNPC)
au Tchad plus efficace
Anna Bulzomi
1

Background
Africa’s natural resources and China’s “Go Out” strategy have paved the way for the acceleration of
Beijing’s economic engagement with a vast array of African countries.
Chinese Government officials often describe the burgeoning Sino-African ties as “win-win partnerships”,
emphasizing how their “non-interference” policy truly allows African countries to choose their own
development path.
However, doubts may arise with regards to the environmental and social standards applied by Chinese
companies conducting business overseas, especially in post-conflict states with bad human rights
records and poor governance.
In light of this debate, the Business & Human Rights/ Natural Resources research institute IPIS has been
asked to look into CSR strategies and due diligence policies of Chinese companies active in the mining
and oil sectors in Sub-Saharan Africa.
The case that will be discussed here concerns the operations of the Chadian branch of the China National
Petroleum Corporation (CNPC).
In January 2013, IPIS was contracted by Groupe Chad to shed light on the standards applied by CNPC
Chad in their operations in Djermaya, as well as to facilitate the dialogue between the company and the
largest coalition of Chadian civil society organizations working on natural resources, the Commission
Permanente Pétrole N’Djamena.
In February and March 2013, IPIS conducted field research in Chad, engaging with a wide range
of stakeholders from CNPC, the Chadian Government, local and international civil society and other
independent experts from all field of research (law, anthropology, international relations, Chinese &
African studies).
Drawing from the results of interviews with stakeholders and a thorough analysis of official CNPC
documents, the paper will focus on the gaps identified between CNPC’s CSR policy/due diligence
practices and the reality on the ground in Chad.
Anna Bulzomi,
LL.M.
Business & Human Rights Analyst
Natural Resources Unit – IPIS Research
anna.bulzomi@ipisresearch.be
Twitter : @AnnaBulzomi
2

Table of Contents
Background 2
1. Introduction 4
1.1 Contexte politico-économique et relations sino-tchadiennes 4
1.2 Investissement chinois au secteur pétrolier 5
1.3 Contrats/Joint Ventures entre l’operateur et le Gouvernement 6
2. Présentation et évaluation de la perception de l’approche de RSE et de due
diligence de la part de l’opérateur chinois 8
2.1 Entreprises et droits de l’homme : de la RSE aux Principes Directeurs de l’ONU 8
2.2 La diligence raisonnable (Due Diligence) 10
2.3.1 Un aperçu des plan de gestion des impacts sociaux 11
2.3.2 La consultation publique : quelques définitions 13
2.3.3 La consultation publique : une analyse détaillée du dialogue
CNPC/parties prenantes 14
3. Evaluation des relations CNPC/ CPPN 19
3

1. Introduction
1.1 Contexte politico-économique et relations sino-tchadiennes
La dernière décennie a vu l’affirmation de la Chine en tant qu’acteur majeur en Afrique, capable de
développer une très efficace stratégie de pénétration des marchés des pays sub-sahariens. Avec
discrétion, Pékin cherche à sécuriser son approvisionnement en ressources énergétiques pour faire
face aux fluctuations fréquentes du marché mondial et, au même temps, elle s’engage à satisfaire les
nécessités de ses partenaires africains en matière d’investissements industriels et infrastructurels.
Depuis le début des années 2000, la Chine a fortement poussé ses entreprises à aller en Afrique, à tel
point qu’elles dominent aujourd’hui totalement certains secteurs, comme celui des travaux publics 1 .
Mais les managers chinois n’aiment pas le mot « domination ».
« Nous sommes dans une position de collaboration, pas de domination » 2 dit Song Dongsheng, Président
du géant Sinohydro, actuellement engagé dans les discussions sur le financement et construction du
barrage d’Inga III, sur le fleuve Congo.
Peut-être il n’y a pas de domination, mais indubitablement il y a de l’ambition.
La Chine voudrait porter la part de ses importations pétrolières d’Afrique de 30 % à 40 %. En 2012, dix
pays seulement totalisaient 79 % de tous les échanges avec la Chine 3 .
En Angola, la Chine a garanti ses approvisionnements pétroliers en accordant environ 5 milliards de
dollars de crédits et par des investissements dans les infrastructures. Elle s’assure maintenant 30 % des
exportations de pétrole de l’Angola 4 . La Guinée et le Gabon ont conclu des accords similaires pour le
minerai de fer et le Soudan pour le pétrole 5 . La République démocratique du Congo (RDC) a négocié
un contrat de 9 milliards de dollars pour fournir du cuivre et du cobalt en échange de l’ouverture d’une
nouvelle mine et de la réalisation d’une large gamme de projets d’équipement 6 .
Une nouvelle grille de lecture s’impose aux observateurs du continent africain : la Chine exploite les failles
des relations qui lient l’Afrique à l’Occident (n’hésitant pas à les définir paternalistes et postcoloniales) et
propose au continent noir une nouvelle stratégie fondée sur la mise en œuvre des projets « ressources
naturelles contre infrastructures » financés par ses banques étatiques 7 et réalisés par ses SOEs (Stateowned
enterprises).
1
Entreprises et marchés. Entretien avec Song Dongsheng, en Jeune Afrique, 2-8 Juin 2013, pag.105
2
Id., pag.104
3
Roy Lashley, Afrique: jouer fin pour tirer l’épingle du jeu dans les échanges avec l’Asie, en UN News, 19 Janvier 2012, http://
www.un.org/africarenewal/fr/a-la-une/afrique%C2%A0-jouer-fin-pour-tirer-son-%C3%A9pingle-du-jeu-dans-les-
%C3%A9changes-avec-l%E2%80%99asie
4
Exportaçoes aumentaram em fevreiro, en Jornal de Angola, 13 Mars 2013, http://www.luanda-media.com/exportacoesaumentaram-em-fevereiro-jornal-de-angola/
- Ce journal écrit: “A China pode tornar-se o maior importador mundial de
petróleo antes de 2015, ultrapassando os Estados Unidos, informou a imprensa oficial do país. Em 2012, a China importou, em
média , 5,4 milhões de barris por dia, menos 2,01 milhões que os Estados Unidos” Voir aussi: Metade das exportaçoes de Angola
jà tem como destino a China, en MacauHub, 12 Novembre 2012, http://www.macauhub.com.mo/pt/2012/11/12/metadedas-exportacoes-de-angola-ja-tem-como-destino-a-china/
5
Yang Jiangning, Chinalco, Rio Tinto ink Africa deal, en CaiXin News, 19 Mars 2010, http://english.caixin.com/2010-03-
19/100128152.html. À propos du Soudan, Wang Xiaocong, CNPC nears resumption of oil projects in Sudan and South Sudan,
en CaiXin News, 3 Septembre 2012, http://english.caixin.com/2012-09-03/100432404.html. Voir aussi: Saferworld Briefing,
China and South Sudan, Août 2012
6
Global Witness, China and Congo: Friends in need, Mars 2011; voir aussi: Joanna Jansson, The Sicomines Agreement: change and
continuity in the Democratic Republic of Congo’s international relations, SA Paper Series, Octobre 2011; Amnesty International,
Profits and loss: mining and human rights in Katanga, Democratic Repubic of the Congo, Juin 2013; IPIS Research & Southern
Africa Revenue Watch (SARW), Human Rights & Investment: opportunities and challenges in conflict-affected and high-risk areas.
The case of the Democratic Republic of Congo, en phase de publication
7
Le bras financier de la politique d’investissement chinoise en Afrique est le géant Exim Bank (China Export-Import Bank),
qui joue un rôle essentiel dans la proposition de prêts à des conditions préférentielles et dans la négociation des contrats de
travaux publics et dans d’autres domaines d’investissement.
4

Tandis que la diplomatie chinoise souligne la philosophie du dialogue Sud/Sud et de la coopération
gagnant/gagnant, certains analystes soutiennent que les accords à long terme, particulièrement ceux du
type matières premières contre construction d’infrastructures, menacent de renforcer la dépendance de
l’Afrique envers ses produits de base 8 . En outre, ils ne cachent pas leur inquiétude vers une pratique que
ne lie pas ses aides financières au respect des valeurs démocratiques, de droits humains et de pratiques
de bonne gouvernance. Les critiques du modèle chinois aperçoivent une logique néo-mercantiliste qui
peut devenir une ultérieure source d’opacité dans plusieurs secteurs de business en Afrique.
Le cas du Tchad représente un exemple typique des débats actuels sur la présence chinoise dans les
marchés énergétiques africains 9 .
En août 2006, la République du Tchad et la République Populaire de Chine rétablirent leurs relations
diplomatiques, jetant ainsi les bases d’un nouveau partenariat politico-économique entre les deux pays.
Lors de sa visite d’Etat en Chine, en septembre 2007, le Président tchadien Idriss Déby Itno rencontre l’ancien
Président de la RPC Hu Jintao ; le consensus issu de ce rencontre guide aujourd’hui le développement
du partenariat et des échanges sino-tchadiens, qui continuent à s’accroitre considérablement à fur et
à mesure que la confiance politique mutuelle se renforce. Plusieurs experts locaux avec lesquels l’IPIS a
eu des entretiens lors de sa visite au Tchad, ont spécifié que la logique « gagnant/gagnant » (devenue
désormais le sceau des accords sino-africains) s’affirme de plus en plus au niveau politique-étatique 10 .
Celui qui « gagne » est le Gouvernement du Tchad (Présidence de la République et Ministères concernés
par les projets chinois), tandis que il y aura besoin d’une recherche plus approfondie pour établir si le
bilan des échanges sino-africains est positif pour la population tchadienne 11 .
Les relations bilatérales semblent être caractérisées par un certain dégrée de stabilité et par une vision à
long terme : la Chine est devenue désormais un partenaire privilégié du Tchad dans plusieurs domaines
différents -pétrole, cimenterie, agriculture, infrastructures, santé, aménagement de routes et de voies
ferrées, installation de réseaux d’électricité.
Cela a été possible parce que Pékin s’est sitôt imposée comme un des leaders mondiaux dans presque
tous ces domaines.
1.2 Investissement chinois au secteur pétrolier
En 2008, un accord a été passé entre le Gouvernement de la République du Tchad et la China National
Petroleum Company –International Chad (ci-après CNPCIC ou CNPC Tchad) pour exploiter des gisements
de pétrole du permis H situés au Centre-Sud du Tchad, à une vingtaine de kilomètres au Sud de la ville de
Bousso. Les champs pétrolifères concernés (Rônier 1, Rônier 4, Rônier C1 et Mimosa 4) se trouvent dans la
région du Chari-Baguirmi, dans le Département de Loug Chari. Le site des travaux se trouve à Koudalwa,
sur l’axe N’Djamena- Sarh. Le pétrole de Koudalwa alimente régulièrement une raffinerie située à
Djermaya, à 40 kilomètres au nord de la capitale, au moyen d’un oléoduc d’environ 311 kilomètres.
Le brut peut donc être raffiné directement au Tchad, ce qui constitue une grande différence entre le
projet Rônier (comme on appelle communément le projet géré par la CNPCIC) et le projet Esso à Doba.
En effet, le projet Rônier marque la deuxième étape de l’histoire pétrolière tchadienne. Si le projet Esso/
Doba a permis l’exportation de pétrole brut (de 100 000 jusqu’à 225 000 barils per jour), le projet CNPCIC
présente l’occasion de stimuler le développement des capacités de raffinage 12 et de bénéficier des effets
de spillover positifs, notamment l’accès à l’énergie. La centrale thermique nécessaire au fonctionnement
de la raffinerie de Djermaya fournira 20MwH au réseau électrique de la capitale N’Djamena 13 .
8
Ibrahim Magassa, Stratégies chinoises de financement et de pénétration des marchés africains; voir aussi: Saad Adoum, Les
investissements pétroliers chinois au Tchad. A la recherche d’un “gagnant/gagnant”, Avril 2012
9
Sur les relations sino-tchadiennes et l’engagement de la CNPC dans le Projet Rônier, voir Geert van Vliet et Géraud Magrin,
The environmental challenges facing a Chinese oil company in Chad, Focales 09, Novembre 2012, pag. 131-136
10
IPIS, entretiens sur terrain à N’Djamena et Djermaya, Février-Mars 2013. Voir aussi: Saad Adoum, op.cit.
11
Ibidem
12
Il faut aussi noter que, après le raffinage, les produits qui ne seront pas utilisés au Tchad pourront être vendus sur le marché
international, en favorisant donc le decollage économique de plusieurs secteurs liés à la production du pétrole et de ses
dérivés.
13
IPIS, entretiens sur terrain à N’Djamena et Djermaya, Février-Mars 2013
5

Or, les différences entre les deux projets sont importantes, et elles sont bien montrée dans les documents
officiels de la CNPCIC (cf. Tableau 1)
Tableau 1. Le Projet Rônier et le Projet Doba
Dimension
Projet Rônier
Bilateral
Tchad/ CNPCIC
Projet Doba
International
(Tchad, Cameroun)
Projet de Développement
(Banque Mondiale)
Durée des travaux de
construction
3 ans 5 ans
Durée de production 30 ans 30 ans
Participation du Tchad
But principal de la production
A travers ses propres
ressources, à hauteur de 40%
(raffinerie)
Besoins énergétiques du
Tchad
A travers prêt de la Banque
Mondiale (4% du total du projet)
Exportation
Le 29 juin 2011, lors de la cérémonie de mise en production de l’usine, l’Ambassadeur de la Chine au
Tchad, Yang Guangyu a souligné que : « L’époque où le Tchad, pays pétrolier, doit paradoxalement
importer du carburant est définitivement révolue » 14 . Par contre, des ONG internationales active au
niveau de N’Djamena ont souligné que le prix du carburant est augmenté depuis le démarrage de la
raffinerie (de 230 francs CFA au début de l’année 2012 à 480 francs CFA en 2013) 15 .
La CNPC considère le projet Rônier comme l’un des projets amont les plus importants depuis la mise en
œuvre de sa stratégie d’exploration à l’étranger.
« Il possède des dimensions politiques, aussi bien que économiques ; il renforce les relations bilatérales
Tchad-Chine, en témoignant le progrès réalisé en matière de coopération énergétique entre les deux
pays depuis la reprise des relations diplomatiques en 2006 » confirment les auteurs d’une très récente
publication réalisée sous le patronage de l’Ambassade de la RPC au Tchad 16 .
1.3 Contrats/Joint Ventures entre l’operateur et le Gouvernement
Le 4 décembre 2008, le Ministère du pétrole et la CNPCIC avaient signé un protocole d’accord permettant
l’entrée de l’Etat tchadien dans le permis H d’exploration et d’exploitation du bassin de Bongor. Par ce
protocole d’accord, la SHT et la CNPCIC constituèrent un consortium.
Le projet de raffinerie de Djermaya en quelques dates :
20 septembre 2007 : signature à Pékin du contrat pour la constitution d’un consortium de raffinerie.
Le contrat pour la constitution d’un consortium a prévu des souscriptions d’actions à hauteur de 60%
pour la CNPCI et 40% pour l’Etat – représenté par la SHT. Au lendemain de cet accord, pour mieux gérer
14
Dany Danzoumbe Padiré, Dossier: Mise en production de la raffinerie de N’Djamena, en SHT Magazine, N°007/ Septembre 2011,
pag.5
15
IPIS, entretien avec le bureau d’OXFAM à N’Djamena.
16
Tchad-Chine, une vision commune, un partenariat gagnant-gagnant, écrit par différents auteurs avec une préface par Yang
Guangyu, Ambassadeur de la République Populaire de Chine en République du Tchad, Mai 2011.
6

le projet, les deux parties ont crée une société ad hoc dénommée Société de Raffinage de N’Djamena
(SNR).
26 octobre 2008 : pose de la première pierre pour la construction de la Raffinerie
1 juillet 2011 : lancement officiel des travaux de construction des installations de surface des champs
pétroliers de Rônier et Mimosa, de la base vie et du pipeline à partir du champ de Rônier jusqu’à Djermaya.
1 mars 2011 : ouverture de la vanne du pétrole des champs de Rônier et Mimosa
L’operateur chinois/ Fiche signalétique de la CNPC
China National Petroleum Corporation (CNPC) est une SOE pétrolière chinoise, dont la
plupart des activités ont été transférées à une société cotée en bourse, la PetroChina. A ce
jour, elle opère dans 30 pays en Afrique, Asie et Amérique.
En 2010, la CNPC a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 241 milliards de dollars, devenant
ainsi la 6 ème compagnie pétrolière au monde
L’Etat tchadien/ Fiche signalétique de la SHT
La Société de Hydrocarbures du Tchad (SHT) est une société étatique tchadienne qui a été
crée en Juillet 2006 par décret présidentiel avec pour objet la mise en œuvre de la politique
industrielle et commerciale du Tchad en matière d’hydrocarbures par la promotion de
différentes activités (prospection/recherche, production, transport, raffinage etc).
7

2. Présentation et évaluation de la perception de
l’approche de RSE et de due diligence de la part de
l’opérateur chinois
2.1 Entreprises et droits de l’homme : de la RSE aux Principes Directeurs de
l’ONU 17
Les Etats en développement et particulièrement les Etats africains présentent pour les entreprises des
conditions attractives dans le cadre du développement de leurs activités ou de leurs investissements.
Les ressources naturelles y sont nombreuses, la main d’œuvre y est bon marché, les conditions
d’investissement et de développement d’activités peu contraignantes. En outre, l’ouverture de l’Afrique
aux investissements directs étrangers (IDE en abrégé) est toujours présentée par les policymakers
africains comme un instrument essentiel de développement du tissu économique local. Néanmoins,
les droits humains et contraints environnementales n’y sont pas encore bien affirmés et le climat de
désorganisation et de corruption y optimisent les risques d’abus de la part des entreprises.
Dans les pays sous-développés du Sud du monde, les activités des entreprises internationales ont des
conséquences multiples.
Les entreprises et les investissements venant d’ailleurs (soit d’Europe/Etats-Unis que des nouveaux
géants comme la Chine, l’Inde et le Brésil 18 ) ne doivent être ni diabolisés (discours anti-mondialisation
tout-court) ni idéalisés (discours ‘mercantiliste’ présentant les IDE comme une panacée pour les pays
du Sud). L’analyse de la présence des entreprises internationales et transnationales, ainsi que d’autres
globalization dynamics tel que la délocalisation et la sous-traitance internationale, doit être teintée de
nombreuses nuances.
Au Tchad, par exemple, les grandes entreprises internationales pourraient contribuer à la création de
postes de travail et à la croissance de l’économie. Cependant, elles pourraient également poser un très
haut risque d’abus pour les populations autochtones: l’Etat exproprie des propriétaires terriens au profit
des entreprises sans leur payer une compensation adéquate ; les employés doivent effectuer des heures
supplémentaires non payées ; les usines polluent l’eau potable… ceux-ci ne sont que des exemples de
situations fréquents dans plusieurs pays en voie de développement et dont la richesse des ressources
naturelles attire les grands entreprises transnationales (Pérou, Colombie, République Démocratique du
Congo, Philippines pour se limiter aux exemples les plus connus).
Dans ce contexte, la responsabilisation des entreprises dans tous les domaines de leurs activités devient
un enjeu majeur de développement.
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un concept en vogue depuis plusieurs années, dont on
connaît plusieurs définitions, élaboré par les entreprises elles-mêmes pour balancer les conséquences
négatives de leurs activités et par les institutions internationales 19 . En 2001, la Commission Européenne
avait définit la RSE comme « un concept désignant l’intégration volontaire, par les entreprises, de
préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec
les parties prenantes » 20 Les préoccupations sociales sous-entendaient aussi les droits humains, même
s’ils n’étaient pas mentionnés explicitement et si la plupart des entreprises considéraient les droits
17
Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: mise en œuvre du cadre de référence «protéger,
respecter et réparer» des Nations Unies, A/HRC/17/31.
18
Kimenyi, Mwangi S. et Lewis, Zenia, The BRICs and the new scramble for Africa, January 2011, http://www.brookings.edu/
research/reports/2011/01/africa-economy-agi/africa_economy_kimenyi_lewis Voir aussi: Mohan, N. Chandra, The India-
China FDI safari, Business Standard India, 17 Decembre 2010, http://www.business-standard.com/india/news/n-chandramohanindia-china-fdi-safari/48517/
19
Dahlsrud, Alexander, How corporate social responsibility is defined: an analysis of 37 definitions, en Corporate Social
Responsibility and Environmental Management 15, 1-13 (2008)
20
Commission européenne, Livre vert – Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises,
Bruxelles, juillet 2001 COM(2001)
8

humains comme des considérations politiques relevant uniquement de la compétence des Etats. Dix
ans plus tard, et après nombreuses campagnes publiques contre les impacts négatifs des activités des
entreprises, leurs filiales et fournisseurs sur les droits humains– notamment contre le travail des enfants,
la déforestation, le travail forcé et les déplacements de populations – le débat de business & human rights
est à l’ordre du jour au niveau des grandes organisations internationales telles que l’OCDE et l’ONU 21 .
Tous les acteurs impliqués dans le policymaking
à plusieurs niveaux ont pris conscience que
une augmentation des IDE et une bonne
croissance économique ne se traduisent pas
automatiquement en progrès social.
Ainsi, le référentiel de la responsabilité
des entreprises s’est densifié, mêlant alors
sources classiques de droit (conventions, lois,
jurisprudence) et normes originales (guides,
codes privés, chartes).
Les gouvernements ont reconnu les limites des
politiques d’autorégulation (RSE) et la nécessité
de combler les failles que peuvent faciliter
une incidence négative de la mondialisation
économique sur la société. Les Etats ont mis dans
leur agenda la nécessité de créer un cadre propice
au développement durable.
Un large éventail de droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels a été identifié
en rapport avec les activités menées par les
entreprises dans tous les secteurs et pays.
Des outils ad hoc - aidant les entreprises à
traiter les questions des droits de l’homme
les concernant- ont déjà été élaborés (et sont
actuellement en train d’être perfectionnés) 22 .
Le 16 juin 2011 23 , le Conseil des droits de l’homme
de l’ONU a adopté les Principes Directeurs
relatifs aux impacts de l’économie privée sur les
droits humains, ainsi que le rapport final de John
Ruggie, Représentant Spécial de l’ONU chargé
de la question des droits de l’homme et des
sociétés transnationales et autres entreprises 24 .
La responsabilité incombant aux
entreprises de respecter les droits
humains
Les entreprises doivent se poser la
question suivante : « Quelle est l’incidence
de nos activités sur les droits humains ».
Il s’agit d’une question très récente sur
l’agenda de plusieurs sociétés, même
dans ces secteurs où le risque d’impact
négatif sur les droits économiques et
sociaux est évident (i.e. dans le secteur
extractif, soit minier que pétrolier). La
responsabilité de respecter suppose
qu’elles évitent de porter atteinte aux
droits de l’homme et que, au même
temps, elles cherchent de remédier aux
effets négatifs de leur activité.
Il ne s’agit pas, donc, d’une obligation
« passive » (purement do no harm),
mais plutôt de la nécessité de s’engager
activement pour éviter - et réparer, dans
le cas ex post- les impacts négatifs.
Les récents développements du débat
de business & human rights au niveau
onusien ne permettent pas que cette
responsabilité de respecter soit remise
en cause, que l’Etat s’acquitte ou non de
l’obligation de protéger que lui incombe.
21
Consultez la version la plus récente des OECD Guidelines for Multinational Enterprises (www.oecd.org/
dataoecd/56/36/1922428.pdf‎) et des Principes Directeurs (….) cit. Supra note 17
22
UN Global Compact, How to develop a Human Rights policy – A Guide for business (http://www.ohchr.org/Documents/
Publications/DevelopHumanRightsPolicy_en.pdf); Rolling, Sandra et Koenen, Thomas (CSR Europe), Human Rights impact
assessments: a tool towards better business accountability, (http://www.csreurope.org/data/files/csreurope_hria_paper_
reviewed2.0.pdf );
UN Global Compact et International Business Leaders Forum, Human Rights translated – A business reference guide (http://
www.ohchr.org/Documents/Publications/Human%20Rights%20Translated_web.pdf);
Global Compact Network Netherlands, How to do business with respect for human rights – A Guidance tool for companies,
(http://www.unglobalcompact.org/docs/issues_doc/human_rights/Resources/how_to_business_with_respect_for_
human_rights_gcn_netherlands_june2010.pdf) ;
23
Principes Directeurs (…), cit. Supra note 17
24
John Ruggie a reçu le mandat d’élaborer un cadre d’action pour améliorer le respect des droits humains par le secteur
privé. Il est parti du principe qu’il revient d’abord à l’Etat de mettre en œuvre et protéger les droits humains, aussi en
cas de violations par les entreprises. En même temps, toutes les entreprises – indépendamment de leur taille – ont la
responsabilité de ne pas violer les droits humains dans leurs activités.
9

John Ruggie a développé un framework basé sur trois piliers :
1. L’obligation de protéger les droits de l’homme, incombant à l’Etat (protect)
2. la responsabilité de respecter les droits de l’homme, incombant aux entreprises (respect)
3. l’accès à des mécanismes de réparation/voies de recours en cas d’atteintes aux droits de l’homme -
encore à mettre sur pied (remedy).
Bien que ces nouveaux principes directeurs ne soient pas contraignants d’un point de vue juridique,
leur reconnaissance internationale leur assure une pertinence pratique importante pour les entreprises.
Alors que démarre la phase de leur mise en œuvre, il faut souligner que leur efficacité sur le terrain
dépendra des mesures concrètes prises par les Etats et par les entreprises.
Afin de poursuivre les discussions, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a crée deux nouvelles
commissions, qui succèdent au mandat du Représentant spécial : premièrement un Groupe de Travail
sur la question des droits de l’homme et des entreprises (Working Group on the Issue of Transnational
Corporations and other Business Enterprises, para 6 de la résolution), composé de cinq experts
indépendants ; deuxièmement, un forum annuel sur les entreprises et les droits humains ouvert à tous
les milieux intéressés ( Forum on Business and Human Rights, para 13 de la résolution).
Ce Forum annuel est placé sous la conduite du Working Group, et est conçu comme une plateforme
multipartite s’inscrivant dans un approche d’échanges et dialogues entre toutes les personnes et les
milieux impliqués dans le processus de règlementation du domaine business/droits de l’homme.
2.2 La diligence raisonnable (Due Diligence)
Selon le cadre délinéé par les Principes Directeurs, et notamment par le pilier concernant la responsabilité
incombant aux entreprises de respecter les droits humains, toute entreprise devrait avoir une politique
de diligence raisonnable (due diligence policy) en matière de droits de l’homme afin d’identifier les
impacts possibles, les prévenir et en atténuer les effets et rendre compte des moyens à travers lesquelles
elle a remédié.
Donc, il faut bien comprendre ce que signifie l’expression « due diligence » dans le langage onusien.
Depuis longtemps les entreprises utilisent le terme « diligence raisonnable » dans leurs activités de
contrôle de gestion.
La diligence raisonnable s’inscrit donc dans un « double langage » d’un grand nombre d’entreprises,
qui d’un côté s’engagent par leur adoption de codes de conduites incorporant une sorte de contrôle de
gestion élargi pour inclure les aspects « sociaux » et de l’autre ignorent le droit international des droits
humains.
Dans le contexte des droits humains, on assiste à une évolution de la définition du concept de due
diligence à fur et à mesure que des secteurs spécifiques sont objet de codification au niveau juridique
et de policy. Par exemple, dans la branche industrielle des métaux, des premières normes on déjà été
élaborées 25 pour l’exploitation et le commerce de la cassitérite, de la wolframite, du coltan et de l’or.
Le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour les chaînes d’approvisionnement responsables en
minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque constitue le premier exemple d’une initiative
concertée ayant pour but de préciser comment les entreprises peuvent respecter les droits humains et
fournir des orientations pratiques visant à éviter toute implication dans les conflits 26 .
D’autres branches sont en train d’y travailler et ne disposent pas encore de normes détaillées adaptées
au secteur.
Cependant, en se basant sur les rapports de Ruggie et sur les instruments de due diligence adoptés
par l’OCDE, on peut identifier quatre points clé valables pour toutes les entreprises à travers tous les
principaux secteurs productifs.
25
OECD Due Diligence Guidance for Responsible Supply Chains of Minerals from Conflict-Affected and High-Risk Areas
(Deuxième Edition – Janvier 2012)
26
Ibidem
10

Ceux-ci sont résumés dans le schéma suivant.
STEP 1/ Adopter une politique interne en matière de droits humains et s’engager à la respecter.
Cette politique devra reconnaitre la pertinence des doits humains dans les procédures
opérationnelles
STEP 2/ Identifier les points de contact entre les activités de l’entreprise et les droits humains.
Pour ce faire, il importe moins de mener une analyse complexe des activités de l’entreprise
que de procéder à une identification des macro-thèmes de droits de l’homme sur lesquels
les activités de l’entreprise ont une incidence. Ce processus est mieux connu comme human
rights risk assessment.
þ Un exemple concret: l’exploitation du pétrole peut avoir une incidence négative sur le droit
à la santé des communautés locales que habitent tout près des puits, du pipeline et des
usines de raffinage. Le droit à la santé est protégé par l’Article 12 du Pacte International relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels * .
STEP 3/ Une fois ces points de contact ont été identifiés, prendre des décisions par rapport
à une stratégie de l’entreprise visant à éliminer toute incidence négative. Ce processus est
mieux connu comme human rights risk management.
STEP 4/ Informer de manière transparente sur la politique interne en matière de droits
humains et sur les mesures prises pour adresser les impacts négatifs.
*Le Chad a ratifié le Pacte le 9 Juin 1995
2.3 Mesures spécifiques prises par la CNPC Tchad
2.3.1 Un aperçu des plan de gestion des impacts sociaux
La CNPC Tchad ne dispose pas encore d’une politique de diligence raisonnable en ligne avec les Principes
Directeurs de l’ONU.
Les managers de CNPC ont répondu à toutes les questions posées par l’IPIS et ont partagé avec l’IPIS la
documentation relative à leur politique en matière d’impacts environnementaux et sociaux, ainsi que
en matière de consultation publique et communication. IPIS a donc eu accès à une étude d’impact sur
l’environnement (EIE) réalisée par la CNPC Tchad avec l’aide d’une équipe de consultants tchadiens du
bureau ISM-Consult. Le langage des Principes Directeurs de l’ONU, ou d’autres instruments internationaux
relatifs aux droits humains est presque totalement absent dans cette étude.
Cependant, il s’agit d’un plan très détaillé portant sur des aspects qui ont un très élevé potentiel
d’overlapping avec la diligence raisonnable. Cette étude est organisée en 5 volumes adressant des
questions différentes :
• L’étude d’impact sur l’environnement (EIE, volume 1) identifie et analyse les facteurs de vulnérabilité
environnementale, les impacts et les risques ;
• Le Plan de gestion de l’environnement (PGE, volume 2) propose des mesures de prévention ou de
mitigation face aux différents risques identifiés (environnement, socio-économie, santé, sécurité), et
des mesures de suivi ;
• Le Plan d’intervention en cas de versement accidentel d’hydrocarbures (PIDAH, volume 3) décrit les
mesures de prévention et d’intervention en cas de fuite de pétrole, l’organisation et les dispositifs de
coordination nécessaires ;
11

• Le Plan de compensation et de réinstallation (PCR, volume 4) propose des mécanismes de
compensation pour les populations affectées par le projet, ainsi que les mesures de suivi, d’évaluation
et d’actualisation nécessaires ;
• Le Plan de communication (PCP, volume 5) propose des mécanismes de communication et de
consultation du public pendant le déroulement de cette EIE et pendant toute la durée du cycle du
projet
L’analyse de l’IPIS a été concentrée
principalement sur le volume 5 du Plan, et
sur l’approche générale adopté par la CNPC
Tchad par rapport à la diligence raisonnable et
l’identification et gestion des human rights risks.
Pour ce qui concerne la diligence raisonnable, la
CNPC Tchad et le bureau ISM-Consult ont montré
de n’être pas informés sur la « responsibility
to respect human rights ». Par exemple, les
managers de Département Sécurité, Santé &
Environnement ont déclaré d’avoir prise en
compte un large éventail de risques lorsqu’ils
étaient en train de planifier leurs activités au
Tchad, dont les suivants ont été mentionnés par
le staff CNPC comme les majeurs :
• Risques politiques liés à la précarité de la
situation sécuritaire tchadienne
• Risques sociaux (social risks dans la définition
de CNPCIC) liés aux interactions entre
ouvriers locaux (tchadiens) et expatriés
(chinois) – cela a été un problème surtout
dans la phase de démarrage des opérations,
en 2009, quand il y avait plus de 5.000
ouvriers chinois sur site entre N’Djamena et
Djermaya
Il n’y a eu, pendant les entretiens avec le staff et le
management de CNPC Tchad, aucune mention
de risques liés au droits humains, ce qui dénote
un manque de connaissance du langage de la
due diligence dans un contexte de business &
human rights. Ce gap a été identifié aussi par
le GRAMP-TC, un institut de recherche basé à
N’Djamena et qui a développé une expertise en
business & human rights. Les risques d’impacts
négatifs graves peuvent être associés à la phase
d’extraction du pétrole (au niveau des puits), du
transport (pipeline), du traitement (raffinerie
de Djermaya) ou de l’exportation et commerce
des produits raffinés, raison pour laquelle le
processus de human rights risk assessment
résulte central. Le Département SSE de CNPC
Tchad a été sensibilisée sur ces questions à
travers une session de travail avec l’IPIS, mais
CNPCIC Département de Sécurité, Santé
et Environnement : une petite équipe
Même si la CNPC est la 6eme entreprise
pétrolière au niveau mondiale, le team
qui travaille autour des questions sociales
et environnementales au sein de la CNPC
Tchad est très peu nombreux.
Lors de la visite d’IPIS au quartier général
de CNPCIC à N’Djamena, celle-ci était la
composition de l’équipe SSE :
-3 expatriés chinois
-12 expatriés européens
-35 staff members tchadiens
Pas de femmes dans l’équipe. Le manager
du Département est déterminé à
changer ce trend et donner les mêmes
opportunités d’emploi aux femmes.
« A learning process within the wider
CNPC network » : l’expérience de la
CNPC Soudan peut-elle être utilisée au
Tchad
CNPC est un géant au niveau international,
avec opérations dans une trentaine de
pays entre Afrique, Asie et Amérique
Latine.
« When we first came to Chad, we were
looking at ‘lessons learned’ within our CNPC
network » dit un des managers HSE basé
à N’Djamena « We soon realized that a lot
could be learned from our experience in
neighboring countries, especially Sudan.
Most of the risks we are facing in the Rônier
project are very similar to those faced by our
colleagues in Sudan. We are constantly in
touch with them via QQ. We learn from each
other, exchange views and work together
to find long term, sustainable solutions for
both countries »
12

des activités de suivi seront nécessaires à fur et à mesure que l’entreprise commencera à mettre en
œuvre une politique de diligence raisonnable.
Les managers de CNPCIC ont confirmé d’être intéressés à participer à des ateliers et à des sessions de
training concernant les différents aspects du pilier onusien de la responsabilité de respecter.
« We are not familiar with the concept of due diligence » ils disent « nor with the procedure of undertaking a
purely social/human rights impact assessment study » 27 .
Le premier signale d’une volonté à s’engager dans un processus de mise en œuvre des Principes
Directeurs a été la participation de l’équipe SSE de CNPCIC à un atelier de formation en business & human
rights animé par l’IPIS et ouvert aux organisations de la société civile et aux syndicats 28 .
« We are willing to cooperate with civil society organizations, as well as with other stakeholders, as long as
the approach adopted is collaborative rather than confrontational » dit un des managers CNPCIC que
IPIS a rencontré à N’Djamena. « We could incorporate their views in our EIE Plan, and this is actually why
we invested time and resources in developing a comprehensive document on communication and public
participation. Local civil society organizations know the reality on the ground and could help us devise an
optimal risk mitigation strategy» 29
En outre, à côté du Plan EIE, la CNPCIC pourrait intégrer l’obligation de mettre en œuvre la diligence
raisonnable dans des autres documents, notamment dans les contrats avec ses sous-traitants.
A ce moment-ci, l’entreprise dispose d’un document où tous ses « values » ainsi que sa « mission &
vision » sont résumés et présentés aux sous-traitants. Ceux-ci sont invités à signer le document de
policy line avant de signer le contrat de collaboration avec CNPCIC. Ce document, censé saisir les aspects
fondamentaux de certaines « challenges on the ground 30 » englobe des lignes directrices en matière
d’emploi local, environnement, gestion des risques sociaux. L’IPIS n’a pas eu l’opportunité de voir ce
document, car il s’agit d’un document interne confidentiel et réservé aux sous-traitants.
2.3.2 La consultation publique : quelques définitions
« La CNPC s’engage à préserver la confiance publique dans l’intégrité de ses opérations en maintenant le
dialogue avec les parties prenantes externes à l’entreprise pendant la durée du projet » dit un manager
SSE de la CNPCIC. Le but de ce dialogue est –inter alia- d’informer de manière transparente tous les
milieux intéressés sur les performances, le progrès et les défis rencontrés par l’entreprise.
Mais qui sont les milieux intéressés Quels acteurs, parmi eux, sont reconnus comme « parties
prenantes » Il faut clarifier l’identité de ces stakeholders sociales et économiques avec lesquelles la
CNPC s’engage.
Selon le document EIE Volume 5, les parties prenantes peuvent être les autorités de l’Etat tchadien 31 à
leurs différents niveaux 32 , ainsi que les autorités des collectivités territoriales ; les autorités traditionnelles
là où elles sont reconnues (i.e. dans le canton de Boutelfil, où se trouve la raffinerie de Djermaya) ; les
autres acteurs du secteur privé ; les associations de citoyens (en particulier celles qui représentent les
intérêts des populations riveraines), les ONG, les media, les chercheurs indépendants et d’autres encore.
Les syndicats ne sont pas mentionnés sur cette liste ; cependant, durant un atelier organisé par le team
de IPIS et CPPN, un représentant de la CNPC chargé des affaires RSE et de communication et consultation
publique a eu la possibilité de rencontrer les représentants des syndicats tchadiens. Une activité de suivi
de cette conversation est encouragée par le team de IPIS et CPPN ; par exemple, à travers l’intégration
des syndicats dans la liste des stakeholders reconnus par CNPC comme contributeurs au dialogue.
27
IPIS, entretien sur terrain avec le département Santé, Sécurité et Environnement de la CNPC Tchad à N’Djamena, Février
2013
28
L’atelier a eu lieu le 5 Mars 2013 à l’Hôtel Santana, à N’Djamena.
29
Supra note 28
30
Langage utilisé par le management de CNPCIC pendant les entretiens avec l’IPIS. “Challenges on the ground” signifie tout ce
qui peut répresenter un risque pour la gestion du projet; i.e. questions environnementales, sociales etc.
31
branches legislative, executive, judiciaire
32
national, régional, local
13

Une fois la définition de parties prenantes a été clarifiée, il faut se pencher sur les modalités de l’interaction
CNPC/acteurs externes.
Le staff de CNPC a confirmé à l’IPIS qu’ils font référence aux principes contenus dans le « Manuel des
bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement », publié
par la International Finance Corporation (IFC).
Dans ce manuel, et dans les documents internes de CNPCIC que IPIS a analysé, le « dialogue » est défini
comme « un processus d’échange continu et inclusif basé sur l’écoute active et l’effort de compréhension
des points de vue mutuels ».
2.3.3 La consultation publique : une analyse détaillée du dialogue CNPC/parties prenantes
L’IPIS a vérifié, soit au niveau de N’Djamena
que sur terrain (dans la zone de Djermaya) si
la CNPCIC a atteint les objectifs qu’elle s’était
fixée. On a observé des achievements mais on a
aussi constaté l’existence de plusieurs lacunes,
dont les majeures sont expliquées ci-dessous.
1/Identification des parties prenantes
La CNPCIC a déjà établi un contact avec certains
réseaux de ONG au niveau de N’Djamena,
notamment avec la CPPN. Cependant,
les réseaux au niveau local à Djermaya
(associations des populations riveraines) et
d’autres réseaux scientifiques locaux externes à
la CPPN, ainsi que les associations de syndicats
et les organisations actives dans le domaine
des droits des ouvriers n’ont pas été consultées
directement.
Le dialogue de CNPC Tchad a les buts de
produire les résultats suivants :
1/ identifier et connaître les parties
prenantes
2/ partager les informations
3/ mettre en place et opérer un système
de gestion des griefs et suggestions
4/ organiser des rencontres directes
5/ susciter des partenariats stratégiques
« La communication avec la CNPC est inexistante. Nous ne sommes pas considérés parties prenantes. Nous
ne savons même pas à qui nous adresser au sein de la CNPC au niveau de Djermaya » disent les chefs
traditionnels des villages de Riguegue Al Koudou et Riguegue Al Sharafa, avec lesquels IPIS a eu des
longs entretiens.
« La CNPCIC déclare qu’elle s’engage à prendre en considération les intérêts et les interrogations des parties
prenantes qui expriment des points de vue différents, mais nous ne somme même pas dans la liste de ceux qui
seront consulté régulièrement par le Département SSE » disent deux spokesmen des syndicats tchadiens.
Comme déjà anticipé dans le paragraphe précèdent, IPIS a facilité le dialogue entre syndicats et CNPCIC,
en espérant que les formations syndicales soient inclues dans le prochaines activités de consultation.
A travers la CPPN, les managers et le staff CNPCIC chargés de consultation publique devront créer
un inventaire des parties prenantes issues de ces organisations. Ils devront aussi le mettre à jour
constamment, en prenant soin de vérifier que l’inventaire inclut des stakeholders avec des opinions et
perspectives différentes.
Le processus d’identification des parties prenantes ne fonctionne pas de façon unidirectionnelle, mais
plutôt bidirectionnelle ; cela veut dire que les stakeholders devront être informés par rapport aux
coordonnées des responsables chargés de communication/ consultation au sein de la CNPCIC.
« On ne sait pas à qui on peut s’adresser pour exprimer nos opinions ou nos inquiétudes relatives aux impacts du
projet Rônier » se plainent les représentants d’une organisation de femmes juristes basées à N’Djamena 33 .
La même organisation souligne aussi un manque de participation des femmes aux réunions et séances
de travail entre différents stakeholders ; ce problème a été signalé également par la représentante d’un
groupe des femmes impliquée dans la gestion durable des ressources dans le canton de Boutelfil 34 .
33
IPIS, entretien sur terrain à N’Djamena, Février 2013
34
IPIS, entretien sur terrain à Boutelfil, Mars 2013
14

2/ Partage des informations relatives au projet Rônier
Dans son plan relatif à la consultation publique, la CNPC s’engage à partager un large éventail
d’informations relatives au projet, y compris le calendrier du projet et ses évolutions futures.
Cela serait essentiel afin de faciliter l’input des ONG et des organisations des populations riveraines dans
le processus de diligence raisonnable (en premier lieu l’étape concernant le human rights risk assessment).
Cependant, durant la mission sur terrain, IPIS a visité plusieurs villages et localités affectées par le projet
Rônier et a demandé aux autorités locales quel a été leur degré d’implication dans le processus. Tous les
chefs traditionnels (notamment le Chef de Canton de Boutelfil et une douzaine d’autres chefs de villages
et notables locales) ont exprimé des plaintes relatives à un manque de transparence dans la gestion des
différentes phases du projet.
Les Plans EIE, PGE, PIDAH, PCR et le Plan de Consultation Publique ne sont pas publics, donc les standards
environnementaux et en matière de droits humains utilisés par la CNPCIC pendant la durée du projet ne
sont pas clairs 35 . Un responsable du bureau ISM-Consult a assuré à l’IPIS que pendant les deux dernières
années il y a eu plusieurs rencontres entre la CNPCIC, les Ministères (notamment ceux de la Santé, de
l’Environnement et du Pétrole) et les organisations locales pour discuter les détailles des Plans, mais
cette version n’a pas été confirmée par les organisations intéressées. « Pendant ces ‘Journée d’information’
on a eu la possibilité de commenter un résumé du Plan EIE, mais on n’a jamais reçu le Plan lui-même. Donc, on
n’a pas vraiment eu la possibilité d’accéder des informations spécifiques concernant la gestion des impacts
sociaux du projet » disent des ONG comme Oxfam et des centres de recherche comme le GRAMP-TC 36 .
« Nos perspectives n’ont pas été intégrées dans les Plans, ou, s’elles ont été intégrées, on ne le sait même pas, car
on n’a jamais reçu une copie de ces documents » disent des autres ONG actives au niveau de N’Djamena 37 .
Interrogée sur la connaissance du projet, la population révèle n’être pas informée sur les enjeux socioéconomiques
du projet et ne savoir pas grand-chose par rapport aux impactes de long term sur leur
droits (i.e. le droit à la santé et à l’accès à l’eau potable, ex Article 11 et 12 ICESCR).
Les chefs de village se disent « inquiets à cause des risques que le projet peux provoquer », surtout dans le
domaine de l’agriculture. « Nous ne mangeons que ce que nous produisons, et depuis 2011 nous n’avons
plus eu la possibilité d’exploiter nos champs. Certains champs ont été expropriés sans une compensation
adéquate, tandis que d’autres terres cultivables sont immobilisées à cause des travaux du projet» dit le chef
du village Riguegue Al Koudou 38 .
Il souligne aussi le manque de sensibilisation « Il n’a personne de la CNPC sur place pour nous aider à mieux
comprendre la procédure de dédommagement. Jusqu’aujourd’hui, rien n’a été fait du côté de l’entreprise» 39 .
L’IPIS a donc posé ces questions directement aux managers de la CNPC. Ils ont proposé un plan progressif
pour l’amélioration des systèmes de communication et gestion des plaintes, notamment à travers le
déploiement sur terrain de staff francophones 40 .
Le problème carrément linguistique reste central : plusieurs membres d’ ONG locales avec lesquels IPIS a
eu des entretiens ont confirmé que la majorité des staff de la CNPC ne parlent que le chinois et l’anglais.
Très peux parmi eux parlent le français et presque personne parle l’arabe, langue dominante dans la
région de Djermaya 41 .
a CNPC mentionne aussi son intention de publier des informations relatives aux paiements réalisés au
Gouvernement du Tchad pendant la durée du projet et conformément aux standards de l’Initiative pour
la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), dont le Tchad est membre 42 .
35
L’IPIS a eu des copies des Plan en montrant son ordre de mission aux fonctionnaires du Comité Technique National de Suivi
et de contrôle des aspects environnementaux des projets pétroliers au Tchad, un bureau étatique crée pour accompagner le
projet d’Esso à Doba.
36
IPIS, entretien sur terrain à N’Djamena, Février-Mars 2013
37
Ibidem
38
IPIS, entretien sur terrain avec les chefs de village à Riguegue Al Koudou, Mars 2013
39
Ibidem
40
IPIS, entretiens sur terrain à N’Djamena, Février 2013
41
Ibidem
42
Sur la participation du Tchad à l’ITIE, voir: http://www.itie-tchad.org/index.php
15

De même, la CNPC s’engage à publier des rapports annuels concernant la mise en œuvre de mesures de
RSE.
Jusqu’à aujourd’hui, la CNPC n’a pas encore publié des rapports dans ce domaine, ni des documents
décrivant les efforts et le plan en matière de diligence raisonnable.
En fin, la dernière observation par rapport aux échanges d’information est relative à des lacunes dans la
communication CNPCIC/Etat tchadien.
A ce propos, les managers de CNPCIC ont exprimé des perplexités car « l’Etat tchadien a développé
un Plan National de Gestion des versement accidentels de pétrole, mais les autorités du Ministère de
l’Environnement n’ont pas partagé ce plan avec notre équipe SSE. Nous considérons cela comme un manque
de communication » 43 .
L’IPIS a encouragé le bureau de SHT (partenaire joint venture au niveau de Djermaya) et le Ministère de
l’Environnement à collaborer de façon constante avec la CNPCIC, pour maximiser les impacts positifs
de l’exploitation pétrolière et adresser les gaps et les risques à travers une combinaison d’expertise
technique (de l’entreprise) et des instruments de régulation typiquement étatiques.
3/ Mise en place d’un système de gestion des griefs
Les populations riveraines révèlent n’avoir pas accès à un système de communication adapté à leur
nécessités à travers lequel faire valoir leurs questions, leurs griefs et leur suggestions pour réduire les
impacts négatifs.
Cependant, la CNPCIC garantit l’existence de plusieurs instruments de gestion des griefs. « Les griefs
peuvent s’exprimer sous forme orale ou écrite lors de visites de terrain, lors de réunions ou via un hotline »
confirme le Département SSE à N’Djamena. A Djermaya, les populations locales disent n’avoir pas accès
à ce numéro téléphone spécialement dédié ; l’IPIS a donc encouragé la CNPCIC à spécifier ce numéro et
coupler ce système de gestion des griefs à des activités de suivi sur terrain.
Des autres suggestions présentées à la CNPCIC incluent la mise en place d’un mécanisme de traitement
des plaintes à l’échelon de l’entreprise. Ce mécanisme devrait permettre à toutes les parties intéressées
(personnes lésées ou dénonciateurs) de faire connaître leurs préoccupations concernant les circonstances
de l’extraction, traitement et commercialisation du pétrole du basin Rônier. La CNPCIC pourra ainsi être
alertée des risques liés à ses activités et des problèmes qui peuvent se poser sur terrain.
La suggestion de l’IPIS est de mettre en œuvre un mécanisme de traitement des plaintes en coopération
avec des experts ou des instances externes, comme par exemple un médiateur.
Les thèmes où les plaintes sont plus fréquents concernent deux catégories : les ouvriers et les populations
riveraines. Dans le premier cas, il s’agit de cas de violation des droits des ouvriers 44 , et dans le deuxième
il s’agit plutôt d’un manque de participation ou de cas de déplacement sans aucune compensation 45 .
4/Organisation des rencontres directes
Si le dialogue signifie un échange continu des points de vue et un partage assidu des informations, les
rencontres directes entre CNPCIC et parties prenantes constituent le principal forum pour que cela se
réalise.
Afin de mieux atteindre l’objectif d’un dialogue efficace et transparent, la CNPCIC aura besoin de planifier
des rencontres différentes et complémentaires. Par exemple, pendant les années passées, la CNPCIC
a organisé des journées d’information publique 46 et des grandes réunions massives auxquelles soit le
Gouvernement que les ONG ont participé.
43
IPIS, entretien sur terrain avec le département Santé, Sécurité et Environnement de la CNPC Tchad à N’Djamena, Février
2013
44
Differences de salaires entre chinois et tchadiens, ainsi que autres formes de discrimination (e.g. cantines separéees) ont été
décrit par les ONG locales pendant des entretiens avec l’IPIS; la CNPCIC n’a pas confirmé ces allégations.
45
Il faut clarifier que dans le cas de Djermaya, le contrat prevoit que la SHT dedommage les habitants deplacés, donc la
responsabilité de la CNPCIC dans ce cas-ci est très limitée.
46
IPIS, entretien sur terrain avec le département Santé, Sécurité et Environnement de la CNPC Tchad à N’Djamena, Février
2013.
Les informations données par la CNPCIC ont été confirmées par le bureau ISM-Consult, qui a réalisé les plans d’impacte
16

Bien que la participation était très large,
certains stakeholders ont commenté que les
documents et les informations requises pour
le bon déroulement de la réunion n’avaient pas
été partagées à l’avance 47 .
D’autre part, d’autres stakeholders ont trouvé que
la CNPCIC a distribué les documents pertinents,
y compris les présentations faites pendant
les réunions restreintes que normalement
précèdent les réunions massives 48 .
L’IPIS note la volonté de la CNPCIC à s’engager
avec les parties prenantes à travers des
rencontres favorisant le travail conjoint, et
suggère un approche visant des véritables
conditions pour des négociations et des accords
à longue terme. Les points de vue et les intérêts
de chaque partie doivent être clairs, donc il faut
les spécifier au début des réunions. De même,
les engagements de chaque partie doivent
être spécifiés à la fin des rencontres, ainsi que
les noms et les coordonnées des participants
chargés de mettre en œuvre ce que a été décidé
pendant la réunion.
Les espaces du dialogue
Les modalités suivantes ont été discutées
avec la CNPCIC lors de la visite de l’IPIS à
N’Djamena :
• Réunions en groupes restreintes
• Workshops/Ateliers
• Visites de terrain
• Sessions d’information publique
Un renforcement des capacités des
acteurs qui participent à ces forums est
nécessaire, afin que les espaces prévus
soient vraiment espaces de dialogue où
les différents acteurs utilisent le même
langage, notamment le langage de la
diligence raisonnable en matière sociale
et environnementale.
5/ Partenariats stratégiques avec des ONG et instituts de recherche locaux : une logique gagnant/
gagnant
La CNPCIC a déclaré ses intentions de
susciter des partenariats durables avec les
ONG tchadiennes, mais les modalités de ce
partenariat, ainsi que les ONG impliquées dans
le processus ne sont pas encore connues.
La CPPN, en tant que réseaux permanente
engagé dans l’advocacy depuis longtemps,
pourrait être l’une des organisations
bénéficières de ces partenariats.
La CPPN doit regarder au partenariat comme
une opportunité pour mettre en place un
cadre de vigilance crédible sur les impacts
environnementaux et sociaux du projet Rônier.
Une collaboration génuine entre CPPN et
CNPCIC doit se baser sur la confiance mutuelle,
conditio sine qua non il y aura une vigilance
crédible sur les impacts environnementaux et
sociaux.
ONG – une définition « « approuvée » par
la CNPCIC
« Des organisations à but non lucratif
actives dans la défense des droits
de l’homme, la coopération au
développement, l’action humanitaire et
la protection de l’environnement. »
Il faut noter que les activités visant à la
protection des droits humains ne sont
pas mentionnées dans cette définition ;
les ONG qui s’occupent de thématiques
de business & human rights ne sont pas
englobées dans cette interprétation.
La raison d’être du partenariat est le monitorage conjoint des différentes phases du projet et la mise
en œuvre d’activités de suivi où l’expertise technique de la CNPCIC se mêle avec l’expertise advocacy/
environnemental pour la CNPCIC
47
IPIS, entretien sur terrain avec les bureaux d’Oxfam et SwissAid à N’Djamena, Février-Mars 2013
48
IPIS, entretien sur terrain avec la CPPN, Février-Mars 2013
17

droits de l’homme de la CPPN et de son réseau 49 .
Seulement en suivant cette logique on atteindra
l’objectif d’une alliance gagnant/gagnant.
Des premières propositions de partenariat noncommerciaux
seront faites dés l’approbation
finale du plan EIE. Jusqu’aujourd’hui, la CNPCIC
a choisi de considérer les aspects suivants
comme prioritaires pour ses partenariats avec le
secteur no-profit :
• Suivi environnemental
• Suivi et mise en œuvre du PCR
• Réflexion portante sur les liens entre
exploitation du pétrole et développement
du pays
C’est intéressant de noter la totale absence
du langage juridique en matière de business
& human rights et de diligence raisonnable.
C’est une lacune qui devra être comblée par
des partenariats spécifiques; par exemple, la
CPPN pourrait placer dans le groupe de travail
avec CNPCIC des représentants qui ont une
connaissance approfondie de ces thématiques.
Cela serait un véritable « partenariat
stratégique », et l’IPIS a encouragé une inclusion
du pilier business & human rights dans le
troisième point proposé par CNPCIC, la relation
entre exploitation des ressources naturelles et le
développement du pays. Ce type de partenariat,
où la CPPN et son réseau (notamment les
ONG/ instituts de recherche) pourraient avoir
a un rôle d’experts, implique un engagement
à long terme, ainsi qu’un échange important
d’information et d’expertise de la part de tous
les partenaires.
Coopération, collaboration ou « liaison
dangereuse »
Principes Directeurs et de Policy pour
l’engagement ONG/Entreprises
Certaines organisations humanitaires
comme le CICR ou MSF définissent
clairement des lignes directrices ou
un cadre éthique qui régissent leur
collaboration avec l’économie privée.
Ainsi, pour MSF, aucun partenariat n’est
envisageable avec une entreprise qui est
impliquée dans la fabrication d’armes ou la
vente directe d’armes, dans les violations
du droit international, dans les activités
qui portent préjudice à l’environnement,
qui ne respectent pas les normes de l’OIT,
qui portent préjudice à la santé, qui sont
liées à l’activité d’extraction ou à tout
autre secteur d’activité en contradiction
avec l’ONG et l’image ou la perception de
celle-ci : produits de luxe, pornographie,
scandale, capitalisme outrancier, activités
à forte connotation politique ;
D’autres comme le WWF sont plus flexibles
et, tout en respectant le principe énoncé
ci-dessus, procèdent au cas par cas. De ce
fait, un facteur qui, à priori, s’avère être
incompatible avec la mission de l’ONG
mais qui peut être corrigé, n’exclut par
pour autant la possibilité d’un partenariat.
Ainsi le WWF et Lafarge, leader mondial
des matériaux de construction, travaillent
sur un programme commun qui consiste
en l’amélioration des actions de Lafarge
en faveur de l’environnement ;
Dans un souci de préservation de leur
totale indépendance, de rares ONG ne
font aucun partenariat avec les entreprises
privées. Ces ONG vont même jusqu’à la
non-acceptation de dons provenant de
ce type d’entreprise.
49
IPIS, entretiens sur terrain à N’Djamena, Février-Mars 2013
18

3. Evaluation des relations CNPC/ CPPN
Cette section de l’étude porte sur les relations directes entretenues par la CPPN et la CNPC à propos d’un
éventail d’enjeux socioéconomiques. La section propose également une typologie des relations entre
ONG et entreprises et évalue les opportunités politiques liées aux différents types de relation.
Face aux inquiétudes liées à la mondialisation et aux implications potentiellement négatives de ses
opérations, la CNPC Tchad, comme des autres grandes entreprises transnationales et multinationales,
prend des initiatives de responsabilité sociale. Il s’agit d’actions encouragées aussi par les communautés
affectées par les opération d’exploitation du pétrole, ayant pour but de montrer au public que la
CNPCIC, à côté de sa mission de business, contribue néanmoins au bien-être des populations dans un
rayonnement dépassant leur clients et collaborateurs. Un exemple de cette pratique est la construction
de l’école de Riguegue Al Koudou, donnée par la CNPCIC aux enfants du village 50 .
Le cas de l’école est emblématique : la CNPCIC n’a pas eu des difficultés à construire le bâtiment et
donner l’équipement nécessaire (pupitres, tableaux noirs, des meubles pour la Salle de Direction etc.)
mais les coûts d’entretien ne peuvent pas être pris en charge par l’entreprise. De même, les salaires des
enseignants e des administrateurs de l’école, ne peuvent pas être payés par la CNPCIC. La responsabilité
en matière de droits économiques et sociaux, dans ce cas-ci, par rapport au droit à l’éducation est
primairement incombant l’Etat tchadien.
Il faut donc noter que des initiatives de RSE comme celle de Riguegue Al Koudou risquent de rester
« incomplètes » sans l’appui étatique.
Les organisations non-gouvernementales (ONG) jouent aussi un rôle clé dans le processus d’engagement
« sociale » des entreprises, en identifiant les besoins réels de la population locale et en dialoguant avec
l’entreprise, en s’assurant que la RSE volontaire soit remplacée par des véritables politiques de diligence
raisonnable.
La CPPN s’insert dans ce cadre : elle pourrait collaborer avec la CNPCIC dans la définition et la mise en
œuvre de programmes sociaux ad hoc dans la région de Djermaya.
On peut identifier deux macro-niveaux d’action pour la CPPN:
1/ (déjà en cours) : en amont, elle cherche à sensibiliser le gouvernement et la CNPCIC par des campagnes
d’information ;
2/ (encore à mettre sur pieds) : en aval, elle pourrait collaborer directement avec la CNPCIC dans le cadre
de partenariats visant l’amélioration des conditions de travail et, en général, l’atténuation des impacts
nuisibles pour les droits humains.
Les ONGs : partenaires ou concurrents Et quel est le rôle de la CPPN
Les relations entre ONGs et entreprises ont souvent été décrites à l’aide de l’alternative confrontation/
partenariat 51 . Certains auteurs préfèrent utiliser le terme « pression », puisque confrontation suggère un
rapport bilatéral lorsque, en réalité, il s’agit presque toujours d’un rapport unilatéral où l’ONG pose une
pression sur l’entreprise.
Il importe toutefois de comprendre que il y a des ONG se positionnant dans des catégories différentes.
Au regard de notre enquête nous retenons cinq types de positionnement, présentés dans le textbox
suivante.
Le modèle CPPN/CNPC se pose à moitié entre un modèle de pression et un modèle de partenariat.
On pourrait le classifier comme un positionnement qui mêle des éléments des modèles 2, 3 et 5. En
particulier, le positionnement 5 devrait être développé.
50
L’IPIS a eu l’opportunité de visiter l’école au mois de Mars 2013
51
Bendell 2000 ; Elkington & Fennel 1998 ; Joerchel 1997
19

La CNPC, comme beaucoup d’autres entreprises
pétrolières, fait régulièrement face à des
critiques du côté ONG, soit locales dans le pays
où elle opère, que internationales, à propos des
violations des droits de l’homme dans le pays
producteurs.
Le cas de CNPC au Tchad n’est pas trop différent.
Pour la CPPN, il y a là un moyen de participer de
l’intérieur à un ajustement des pratiques d’une
entreprise en amenant leur expertise, ce qui
représente une opportunité intéressante. L’avis
d’un représentant de la CPPN: « Nous sommes
ouverts aux partenariats avec les entreprises.
Il faut travailler avec les multinationales (Esso/
CNPC), les aider à améliorer leur contribution au
développement » 52 .
La CNPC semble ouverte à établir un dialogue/
partenariat avec la CPPN. Les campagnes de
pression au niveau internationale dans le
domaine de business & human rights incitent
les entreprises à établir un dialogue avec les
ONG. Ce développement à l’échelle globale
témoigne du pouvoir exercé par les ONG sur
les multinationales dans la décennie passée et
trace des opportunités politiques futures. Alors
que les analyses des ONG sont tenues de plus
en plus compte par les acteurs internationaux
(bailleurs de fonds etc) les ONG découvrent
un nouveau champ d’action politique, comme
l’évaluation de la performance sociale des
entreprises (dont l’une des expressions peut être
celle de due diligence watchdog). Pour amener
les grandes entreprises – y incluant la CNPCIC –
Entreprises/ ONG : les principales formes
d’interaction
1/ Positionnement hostile : l’ONG refuse
toute forme de coopération avec les
entreprises, en s’inscrivant dans une
optique de dénonciation et de mise en
cause ;
2/ Positionnement d’évaluation: l’ONG
met à disposition des parties prenantes
des informations les plus exhaustives et
objectives possible ;
3/ Positionnement de concentration :
l’ONG participe à une plate-forme ONG/
entreprise ;
4/ Positionnement de collaboration
orienté vers l’activité de l’ONG : l’entreprise
se présente comme mécénat, sponsoring,
marketing partner etc ;
5/ Positionnement de collaboration
orienté vers les activités de l’entreprise :
l’ONG apporte son expertise en matière de
codes de conduite, diligence raisonnable,
stratégies de RSE. Le but de cette forme
de partenariat est celui de promouvoir un
comportement responsable.
à jouer un plus grand rôle en matière de droits de l’homme et de développement, les stratégies fondées
sur la contrainte légale sont insuffisantes. Les opportunités politiques résident aussi dans une relation
directe avec les entreprises, une pression différenciée qui peut impliquer la négociation, le partenariat,
les relations publiques. La critique systématique du secteur privé est contre-productive ; elle risque
d’inhiber le potentiel d’engagement des acteurs économiques et d’éloigner encore plus les une des
autres les ONG et les entreprises 53 . Un constat réaliste est plus motivant: les entreprises contribuent
au développement humain, mais elles peuvent aussi l’entraver, et surtout elles pourraient y contribuer
davantage. Pour voir cela comme une possibilité, il faut d’abord « normaliser » les représentations des
entreprises, les approcher et les observer au delà du schéma de confrontation ONG/business.
Comment peut la CPPN relancer le dialogue
Les consultations et recherches qui ont mené à l’adoption du cadre « Protéger, respecter, réparer » et
aux Principes Directeurs au niveau onusien ont crée un langage commun en matière de relation entre
acteurs business, gouvernements et société civile. Des études récentes ont codifié les risques et les
opportunités engendrés par les Principes Directeurs pour la société civile 54 . Parmi les opportunités
52
IPIS, entretiens sur terrain avec la CPPN à N’Djamena et Djermaya, Février-Mars 2013
53
IPIS, entretien sur terrain avec le département Santé, Sécurité et Environnement de la CNPC Tchad à N’Djamena, Février
2013
54
SOMO, How to use the UN Guiding Principles on Business and Human Rights in company research and advocacy: A Guide for Civil
Society Organisations, 2012
20

mentionnées, la plus importante est que les Principes Directeurs pourraient devenir une norme minimale
universellement acceptée.
C’est pour cette raison qu’ils se présentent comme une clé que la CPPN devrait utiliser pour relancer
le dialogue. En parlant un langage « international », la coalition des ONG tchadiennes aura plus de
probabilités d’être entendue.
La CPPN et les autres organisations de la société civile sont encouragées à engager une démarche
stratégique autour du cadre et des Principes Directeurs dans le cadre de leur plaidoyer auprès de la CNPC
et de leur conversation avec le Gouvernement. Les PD constituent un point de référence politique et
international qui a déjà de l’importance et qui en aura encore plus dans le futur. C’est maintenant que les
groupes de la société civile peuvent influencer leur interprétation (voir par exemple sur une définition
unique de diligence raisonnable). Les ONG peuvent profiter de ce laps de temps pour consolider la
force des PD et faire pression pour corriger leurs faiblesses. Le fait de travailler autour des PD ne signifie
pas la fin des autres activités, mais plutôt la considération des PD comme un moyen de prévention des
atteintes aux droits de l’homme portées par les entreprises 55 .
L’utilisation de ce toolbox présent aussi des obstacles : jusqu’aujourd’hui, le débat autour des questions
de business & human rights se tient essentiellement dans le Nord – les sociétés transnationales sont au
courant du processus onusien 56 , mais les communautés concernées ont beaucoup de difficultés par
rapport à la compréhension et à la mise en œuvre des Principes Directeurs sur le terrain, là où elles sont
opérationnelles.
Il y aura donc besoin d’organiser des séances de travail et renforcement des capacités (capacity-building
training) des acteurs (Gouvernement, business et ONGs) actifs sur terrain au Tchad.
55
Businss Ethics: the Magazine for Corporate Responsibility, Business and Human Rights: Interview with John Ruggie, 30 Octobre
2011, http://business-ethics.com/2011/10/30/8127-un-principles-on-business-and-human-rights-interview-with-johnruggie/
56
Mary Martin, The Guiding Principles on Human Rights and Business – Implementation in conflict-affected countries, un
document produit comme background pour la réunion du Civil Society Network Dialogue (CSDN) intitulé Private Sector and
Conflict, qui a eu lieu le 29 Octobre 2012 à Bruxelles.
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