Le Phénomène de changement de format

Shaping the Future of the Newspaper
ANALYSING STRATEGIC DEVELOPMENTS AND OPPORTUNITIES IN THE PRESS INDUSTRY
STRATEGY REPORT
Volume 4. Nº 5. JUIN 2005 © WAN
4.5
Le Phénomène
de changement
de format
Rien ne semble pouvoir
arrêter le passage aux
petits formats.Mais
quels sont les dangers
de ce phénomène
Comment rassurer les
lecteurs, convaincre les
annonceurs, préserver
les revenus et garantir
l’efficacité de la
production Nous
dévoilons dans ce
rapport les leçons tirées
par les précurseurs de
ce mouvement.
www.futureofthenewspaper.com
Tous les rapports stratégiques sont accessibles pour les abonnés sur le site SFN

UN PROJET DE L’ASSOCIATION MONDIALE DES JOURNAUX, SOUTENU PAR
SES PARTENAIRES COMMERCIAUX STRATÉGIQUES QUI SONT DES LEADERS
MONDIAUX DANS LEUR DOMAINE.
UNE ENTREPRISE DE POINTE DANS LES SYSTÈMES DE PRODUCTION DES
JOURNAUX.
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REIST HOLDINGS AG BASÉ EN SUISSE, QUI COMPREND LES SOCIÉTÉS
DU GROUPE FERAG.
© ASSOCIATION MONDIALE DES JOURNAUX 2006

VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
CONTENU
Introduction
1. Gérer le passage au format compact
2. Études de cas
3. Conclusion
Sources
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
Introduction
TOUT a-t-il véritablement commencé quand un
rédacteur en chef se rendant dans un
supermarché s’est interrogé sur les différentes
tailles des tubes de dentifrice Et quand Simon
Kelner du journal The Independent s'est
demandé pourquoi les journaux ne pourraient
pas également se présenter sous divers formats,
a-t-il réalisé que sa « conversion au compact sur
le chemin de Damas » déclencherait à un
phénomène mondial.
Il est vrai que le passage au tabloïd a été un
véritable rite de passage pour de nombreux
journaux du soir sur le marché régional
britannique ces 20 dernières années, avec des
résultats mitigés dans un marché en baisse, en
raison des méthodes de travail, des données
démographiques et de la concurrence des autres
médias. Dans le marché de la presse nationale ,le
Daily Mail a adopté le format compact en 1971,
consolidant ainsi son avenir et s’en servant
comme base de développement pendant plus de
deux décennies, avant de trouver le succès en
diffusion dans les années 90, avec des ventes qui
atteignent aujourd’hui plus de 2,3 millions
d’exemplaires par jour. En Norvège, un
changement similaire s’est produit en 1963
quand VG est devenu le premier tabloïd du pays,
s’imposant à la première place avec 47 500
exemplaires en 1968, pour atteindre un pic de
386 000 exemplaires en 1994.
Ces deux journaux ont vécu un moment crucial
pour leur survie. Il s’agit du moment dans la vie
d'un journal – qui est commun aux lauréats de
la diffusion examinés dans le rapport SFN 3.5 –
où il doit trouver une nouvelle direction et
choisir la survie, ou bien s’étioler et disparaître.
Pour l’Independent de Londres, la décision de
paraître sous deux formats à partir du 30
septembre 2003 pourrait bien avoir été ce coup
de dé décisif. Lancé par trois journalistes en
1986, le journal avait abandonné ses fondateurs
et ses gains en diffusion spectaculaires pour
connaître une période difficile sous la houlette
de ses deux propriétaires, Trinity Mirror et
Independent News & Media, jusqu'à ce qu’INM
en devienne l’unique propriétaire en 1998.
Toutefois, même sous la plus direction du plus
bienveillant des propriétaires, rien ne pouvait
garantir que le quotidien n°4 sur un marché qui
comptait quatre titres pourrait survivre.
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
Cette question a sans doute pesé lourd dans
l’esprit de Simon Kelner, tout comme le bilan
suivi de près par son propriétaire, Sir Anthony
O'Reilly.
M. Kelner et ses collègues de l’Independent
étaient conscients des problèmes qui
commençaient à affecter le marché des journaux
de qualité au Royaume-Uni. Ils connaissaient
aussi les énormes montants investis pour
promouvoir les journaux à travers des
campagnes publicitaires et pour soutenir les prix,
notamment la distribution gratuite de CD et de
CDROM uniquement pour essayer d'endiguer
l’érosion de la diffusion.
La décision de passer au format compact a
certainement eu un léger goût de désespoir chez
certains. Elle a pu sembler anachronique à
nombreux cadres découragés. Mais le fait qu'un
journal britannique de qualité choisisse le format
compact, qu’il s’agisse d’un titre aussi jeune que
l’Independent, ou d’un journal aussi vénérable
que le Times (qui est passé au double format le
26 novembre 2003), montrait que le monde de la
presse se réveillait. Et, dans bien des cas, qu’il
suivrait le mouvement.
seul changement possible. Le Matin, en Suisse,
est passé au format "micro" (un demi-berlinois)
en septembre 2001. Les Etats-Unis semblent être
le pays moins pressé de suivre le mouvement.
Pourtant, en mars 2005, le Journal & Courier, un
quotidien de l’Indiana qui appartient au groupe
Gannett, a décidé d’acheter une rotative MAN
Roland Geoman pour imprimer sous un format
berlinois à partir de 2006 - une première aux
USA. Toutefois, la conversion la plus
remarquable au format berlinois est peut-être
encore à venir : Le Guardian de Londres
commencera à publier sous un format ‘midi’
probablement vers la fin 2005.
Ce sera une des expériences les plus
intéressantes du marché, dans laquelle un journal
adopte un format qui le rendra unique par sa
taille. Le repositionnement du Guardian, et la
façon dont il relève le défi posé par cette taille
inhabituelle, feront certainement l’objet d’une
étude de cas passionnante - mais dans les
rapports SFN de l'an prochain.
Nous examinons dans ce rapport ce que ces
entreprises ont traversé pour rassurer les
lecteurs, persuader les annonceurs et assurer une
production efficace de leurs journaux.
Nous comparons également cette expérience
avec les leçons tirées par d'autres titres,
notamment dans les études de cas, qui
constituent la deuxième partie de ce rapport.
Certains de ces journaux ont une plus longue
expérience du changement de format que
l’Independent ou le Times.
La conversion du Newcastle Herald en Australie,
par exemple, remonte à 1998, et sa diffusion n’a
cessé de progresser depuis. Le Western Mail, le
journal national du Pays de Galles, qui
appartient au groupe Trinity Mirror, a abandonné
son grand format en octobre 2004 seulement.
Ses chiffres de diffusion n’ont pas encore été
audités, mais selon sa Direction, la croissance
des ventes est proche de 4 pour cent, comparé à
une baisse de 6 pour cent l'année précédente.
Les changements de format traités dans la plus
grande partie de ce rapport se limitent au
passage du grand format aux éditions compactes
(nous épargnerons les susceptibilités des
rédacteurs et des cadres qui rechignent devant le
terme tabloïd). Naturellement, il ne s’agit pas du
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
1. L’heure est au changement
CERTAINS journaux connaissent le succès en
changeant de format. D’autres, qui ont du
succès, modifient leur format pour avoir encore
davantage de réussite. À Londres, à la fin de
l’année 2003, quand l’Independent et le Times
ont décidé de publier une édition compacte
parallèlement à leur édition grand format, ces
deux titres étaient inquiets pour l’avenir.
Les ventes de journaux publiés du lundi au
vendredi dans ce que l’on appelle le marché de
qualité - le Guardian, le Times, le Daily
Telegraph et l’Independent - avaient chuté de
14,6 pour cent entre 2000 et 2003.
L’Independent avait, pour sa part, vu ses ventes
baisser de 19,3 pour cent.
A eux seuls, ces quatre titres avaient investi
dans leur propre promotion 60 millions de £
environ durant les neuf premiers mois de
l’année 2003 dans l'espoir de stabiliser au
moins leur diffusion.
L'arrivée de Metro au Royaume-Uni, le
quotidien distribué gratuitement dans les
transports publics (propriété du groupe
Associated Newspapers) avait affecté les ventes
de chacun de ces titres. Le nombre d’usagers
des transports augmentait, alors que les ventes
qui leur étaient destinées diminuaient.
Les lecteurs menaient des styles de vie plus
actives. Une étude de l’Independent révélait que
les moins de 40 ans, les femmes et les
utilisateurs de transports étaient rebutés par les
journaux de grande taille, tout comme les
personnes pressées par le temps.
Ils les trouvaient trop masculins.
On constatait également une baisse dans la
régularité du lectorat. "Nous avons dû réagir
pour modifier la dynamique du marché",
explique Terry Grote, le directeur général du
groupe Independent News & Media (Royaume-
Uni). Il fallait un produit facile à lire dans les
transports en commun, moderne, convivial, plus
jeune et plus féminin. L’Independent a produit
une édition zéro d’un tabloïd. Elle paraissait
différente aux personnes interrogées, et ne
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SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
qualité du journal", poursuit M.Grote.
Les lecteurs de l’Independent ne voulaient pas
d’un tabloïd, alors nous leur avons offert un
journal compact.
Le Times, quant à lui, surveillait l’offensive de
l’Independent avec intérêt.
"Cela faisait longtemps que tous ces journaux
caressaient de tels projets", souligne George
Brock, le rédacteur en chef de l’édition du Times
du samedi, qui a présidé au lancement de la
première édition compacte du journal.
"Cela ne diminue en rien le mérite de
l’Independent d’avoir initié le mouvement. Tout
le monde remettait ça à plus tard, par crainte des
réactions des lecteurs."
plaisait pas aux lecteurs fidèles.
Ils estimaient qu’elle avait quelque chose en
moins que l’Independent.
Le public voulait le même journal, mais sous un
format inférieur, dit M. Grote. "S'il y a quelque
chose de révolutionnaire dans ce que nous avons
proposé, c'est bien le concept du double format,"
dit-il.
"Nous pensions que le fait de passer simplement
d’un journal de qualité élevée à un format
tabloïd était une stratégie trop risquée.
Les gens penseraient que nous avions opté pour
un nivellement par le bas et voulu réduire la
M. Brock était conscient de l’ampleur du
problème posé par le déclin de la diffusion.
"Certains refusaient de voir le problème, qui
était pourtant grave et qui nous touchait tous",
poursuit-il.
"Quand l’Independent a annoncé son projet,
nous avons tout de suite pensé que si la
résistance des lecteurs était moins forte que ce
que l’on craignait, alors nous passerions nous
aussi très rapidement à l’action.
Terry Grote et ses collègues de l’Independent
estimaient qu’un lancement national pour la
double édition était trop risqué. L’endroit le plus
évident pour tester l’expérience était Londres et
sa périphérie, où le journal réalisait presque 30
pour cent de sa diffusion. C’était également dans
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
ce secteur qu’il avait le plus souffert de la baisse
de ses ventes et que le quotidien gratuit Metro
était le mieux implanté. Même s’il s’agissait
d’un secteur limité regroupant la plupart des
usagers de transports, c’était aussi heureusement
dans cette région que l’on trouvait les meilleurs
profils de lecteurs pour la communauté des
annonceurs.
L’Independent occupe la quatrième place sur un
marché qui compte quatre journaux, mais il
pouvait détourner une partie de ses dépenses
marketing pour les investir dans la vente.
"Nous avons dû lutter dans la cour des grands",
explique M. Grote. "Il fallait que nous soyons
les premiers sur le marché. Celui qui ferait le
premier pas prendrait forcément un avantage. "
La stratégie marketing fut accompagnée d’un
message disant qu’avec le choix de format –
édition grand format et compacte – venait le
même contenu. Les valeurs de la marque étaient
préservées : un journal décontracté, stylé,
moderne et novateur. La publicité reprenait la
campagne emblématique de 1986, qui avait
orchestré le lancement du journal. Reprenant le
slogan « Il l’est, l’êtes-vous » (sous-entendu
indépendant), le journal proposait deux éditions.
Le grand format annonçait la couleur, en disant
« Il l’est ». « Il l’est (également) » reprenait la
légende située en bas de l’édition compacte, qui
titrait « Toujours aussi indépendant.
Existe désormais sous deux formats. »
La double production a été lancée le 30
septembre 2003. Ses résultats ont été stupéfiants.
« Nous avons enregistré une hausse de 50 pour
cent sur notre secteur de diffusion, pour la
région de Londres uniquement », révèle M. Grote.
« Si nous avions vendu 10 000 exemplaires,
nous aurions été absolument enchantés. Mais
nous vendions 20 000, 30 000, voire 50 000 ».
Du jour au lendemain, l’Independent renforçait
sa diffusion en différents endroits.
Entre septembre 2003 et mai 2004, les ventes
grimpèrent de 66 pour cent dans les transports,
61 pour cent dans les supermarchés et 65 pour
cent dans les stations d’essence.
Les études étaient extrêmement élogieuses.
Environ 91 pour cent des lecteurs occasionnels
et 87 pour cent des anciens lecteurs jugeaient
l‘édition compacte excellente . On vantait sa
taille, sa facilité d’utilisation dans les transports
et la qualité de son contenu. Et les lecteurs
conservaient le journal plus longtemps.
De nouveaux fronts furent alors ouverts dans
d’autres régions : au Nord-ouest et au Sud du
pays. En mars 2004, les ventes grimpèrent de 40
pour cent à Londres, 49 pour cent dans le Nordouest
et 32 pour cent dans le Sud-est.
Une question s’est alors posée : combien de
temps les deux formats pourraient-ils coexister
« La dynamique des ventes est devenue 70/30
en faveur de l’édition compacte », dit Grote.
« Aussi, très rapidement, les lecteurs ont fait son
choix. » Il s’en est suivi une succession de paris »
« Nous vivions au rythme des maquettes»,
explique un des directeurs du journal.
Après huit mois de double format à Londres,
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SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
et malgré le fait que certaines personnes
continuaient à acheter l’édition grand format,
celle-ci fut retirée de la vente en mai sans
susciter de plaintes. Plus important encore,
selon M. Grote, fut la décision d’abandonner
l’édition grand format du samedi en janvier
2004.
La nouvelle édition compacte a permis de
vendre 50 000 exemplaires supplémentaires,
correspondant à une hausse de 28 pour cent.
Et pas seulement cela, mais la physionomie des
lecteurs avait changé elle aussi : parmi les 24
pour cent de lecteurs supplémentaires, 49 pour
cent étaient des femmes, 27 pour cent des
jeunes, et 26 pour cent des lecteurs haut de
gamme.
En avril 2005, l’Independent a subi un
remodelage, inscrivant son contenu éditorial
dans une grille de sept colonnes, et réduisant le
nombre de sections encartées dans le journal.
Durant ce seul mois, l’Independent a déclaré
des ventes auditées (y compris les envois en
gros) de 262 004 exemplaires. La moyenne des
ventes comprise entre novembre 2003 et avril
2004 était de 216 522 exemplaires.
Une fois que le Times s’est lancé dans une
double production (à partir du 26 novembre
2003), il lui a été impossible de faire marche
arrière. Comme l’explique Terry Grote,
l’Independent aurait pu changer d’avis et
rétablir son édition grand format à tout moment.
Mais pas le Times. « Le changement de format
présentait moins de risques pour l’Independent
», remarque Stuart Corke, directeur de la
planification stratégique à News International,
les propriétaires du Times. « En tant que
benjamin de la presse britannique, il a toujours
relevé des défis et pratiqué une politique avantgardiste,
due à son un faible bagage historique ».
Pour le Times, le risque était énorme.
M. Corke s’en explique : « Ce changement de
format pouvait altérer de façon définitive la
perception que l’on avait d’un journal grand
format qui figurait parmi les plus anciens et les
mieux établis au monde, et qui jouissait d’un
réel prestige ».
On ne s’étonnera donc pas que le journal ait
tout fait pour satisfaire les exigences des
lecteurs qui avaient perdu leur édition grand
format.
Il a créé un service d'aide et un site web pour
les lecteurs encore attachés au grand format.
Chaque appel, e-mail ou lettre a fait l’objet d’un
suivi dans un délai de 48 heures, et les lecteurs
ont reçu des coupons de réduction et des
cadeaux gratuits. "L’objectif était avant tout de
rassurer et de préserver les lecteurs les plus
vulnérables", précise M. Corke.
Responsable de l'équipe éditoriale du Times
compact, George Brock a constaté que le succès
de cette édition faisait peser des pressions
supplémentaires sur son équipe. Il s’agissait
d’une opération parallèle, qui fonctionnait
environ deux heures après le cahier principal.
"Le problème était que l’édition compacte a
marché plus vite que nous l’avions prévu, de
sorte que le temps de battement a commencé à
se réduire très rapidement", note M. Brock.
"Dans certains points de transport, les ventes
présentaient un ratio de 90/10 en faveur de
l’édition compacte au bout d’un mois."
Il y avait également beaucoup à apprendre.
Il fallait davantage d'illustrations pour l’édition
compacte, rendant le responsable du service
photo essentiel au bon fonctionnement de
l'équipe. Il était indispensable d'éviter toute
surprise, en apparence surtout.
"Si vous cherchez surtout à rassurer les lecteurs
et à dupliquer le journal, ce que nous faisions à
l’époque, vous n’avez pas besoin dans ce cas-là
d’un grand nombre d'innovations immédiates",
dit George Brock.
"Si vous proposez aux lecteurs un important
changement de format, mieux vaut ne pas leur
offrir d'autres innovations en même temps.
Nous ne cherchons pas d’excuses au fait que
nous n'avons pas introduit de changements
radicaux dans la présentation à ce stade.
Ce qu’il faut essayer de faire en réalité, c’est
d’aider le lecteur, qui nous reste fidèle, à
traverser cette période chaotique."
Alors que le Times proposait un double format,
sa Direction essayait parallèlement de réduire la
dépendance du journal vis-à-vis des envois en
nombre, des éditions étrangères et des
exemplaires à tarif réduit, qui pesaient sur les
coûts sans qu’on ait eu la preuve qu’ils attiraient
les audience désirées.
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
Traiter avec les agences
Mathew Watkins, directeur adjoint de la
publicité au groupe Times Newspapers,
énumère trois défis posés par le passage du
grand format au format compact :
• Préserver la clarté de l'information ;
• Minimiser les pertes liées aux recettes
publicitaires ; et
• Optimiser l’utilisation du format.
"Lorsque vous adoptez un format compact à
100 pour cent, la principale difficulté est de
faire comprendre les raisons pour lesquelles
vous le faites, de montrer véritablement en
quoi la diffusion a augmenté", souligne M.
Watkins.
Les chiffre d’ABC (l’Office britannique de
contrôle de la diffusion) pour avril 2005
étaient de 685 448 exemplaires, en hausse de
4,68 pour cent. "Nous avons dû rassurer
l'industrie devant la situation et utiliser nos
données internes, car les données externes
n’évoluent pas assez rapidement." données
externes n’évoluent pas assez rapidement."
La tarification a-t-elle été un problème
"Nous nous attendions à tous les problèmes
que nous avons rencontrés avec les agences.
Mais l’entreprise n’avait pas le choix.
Nous ne pouvions pas laisser les choses
continuer sur cette voie-là. En un mot, si vous
n’apportez aucun changement à votre façon de
travailler, vous perdrez probablement 15 pour
cent de vos revenus", estime M. Watkins.
Tous les journaux compacts au Royaume-Uni
utilisent une grille de sept colonnes. M.
Watkins explique : "Nous étions conscients
que le contenu d’une page tabloïde est
forcément inférieur à celui d’une pleine page
grand format. Mais pour nous, une page reste
une page."
Pour éviter de devoir tout expliquer aux
agences et à leurs clients, la Direction du
Times a choisi de "déléguer les négociations".
M. Watkins explique : "Nous sommes très
conciliants tant que les gens qui dialoguent
avec nous sont d’accord pour aller de l’avant.
Dans l’ensemble, ça a bien marché ».
Il ajoute : "Nous sommes tout à fait satisfaits
du résultat. Nous avons bien plus de couleurs.
Nous avons renversé la tendance à la baisse
de notre diffusion et consolidé nos principaux
segments de lecteurs.
"Nous estimons que durant la première année,
il faut minimiser les pertes. Puis la deuxième
année, commencer à réaliser des profits ; et la
troisième année, gagner beaucoup d’argent.
"Du point de vue publicitaire, c’est ce que
nous recherchions."
Le journal cherchait également à mettre en
avant ses atouts, en particulier son succès
auprès des hommes d’affaires.
George Brock résume ainsi les raisons de la
conversion au format compact : "Le moteur
fondamental du changement est l’incapacité des
journaux de qualité à renouveler suffisamment
leur jeune lectorat.
La taille n'est certainement pas la raison
essentielle pouvant les conduire à lire un journal
à long terme. En fin de compte, c’est le contenu
qui cimente la relation entre un journal de
qualité et son lecteur."
"Le plus grand volume que nous offrons est
37 x 6 colonnes", dit M. Watkins.
"Donc, le principal changement de tarif que
nous devions réussir portait sur ce volume-là.
Notre idée de départ est que le format 37x6
est le même qu’une page dans un tabloïd."
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
Checklist commerciale
Simon Barnes ne travaillait pas pour
l’Independent quand celui-ci est passé au
format compact. Mais il est à même d’offrir
une checklist pour le changement sur la base
de son expérience en tant que directeur
commercial du journal.
Vous devez vous poser la question suivante :
comment En avons-nous parlé en détail
avec nos clients et ont-ils semblé séduits par
cette idée
Et ont-ils exprimé leur opinion » dit-il.
Pour un journal comme l’Independent, qui
n’est que numéro quatre sur son marché, ce
dernier doit impérativement accepter le
concept.
Un simple calcul suffit également pour
montrer que le changement de format
représente en soi un risque commercial
important. Le journal est passé de pages
ayant 432 cm/colonnes (dans l’édition grand
format) à des pages de 204 cm/colonnes
(dans l’édition compacte).
Lors d’un remodelage effectué en avril, il a
adopté sept colonnes par page. « Si j’avais
été là à l’époque, je leur aurais certainement
conseillé d’adopter directement sept colonnes
», affirme M. Barnes. La raison pour laquelle
le journal utilisait une grille de six colonnes
était qu’il était ainsi plus facile de dupliquer
l’édition grand format au niveau éditorial et
publicitaire.
Il se trouve que M. Barnes a été accusé de
vouloir grapiller discrètement une hausse de
salaire de 16 pour cent en ajoutant la
septième colonne. Comme il l’explique, le
design a été conçu par la rédaction et, entre
parenthèses, tous les journaux tabloïds en
Grande-Bretagne utilisent une grille de sept
colonnes.
« Au moment où nous avons
lancé le journal compact, nous
n’avions pas la moindre idée
d’arrêter un jour de publier
l’édition grand format »
Terry Grote, Directeur Général, Independent
News & Media (Royaume-Uni)
« Si vous commencez à offrir un
produit sous un double format,
vous devez avoir pour objectif
final une transition complète ».
Stuart Corke, Directeur de la Planification
stratégique, News International
Newspapers
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
“ Une page est une page ”
Une page est une page - que ce soit dans un
journal grand format ou dans une édition tabloïd
– affirment certains. Mais la publicité a-t-elle le
même impact Lorsque le Gazet van Antwerpen
est paru sous un double format pendant six
semaines au début de l’année 2004, une régie
publicitaire réputée pour ses études de marché a
décidé d’examiner l'efficacité de la publicité
dans chaque produit.
Depuis plus de dix ans, Full House utilise
un baromètre pour mesurer l'efficacité des
annonces en demandant aux lecteurs de journaux
dans la rue le lendemain s'ils ont remarqué telle
ou telle annonce, s'ils sont capables d’identifier
une marque donnée, ou s'ils se rappellent où ils
ont vu l’annonce concernée.
"Ce test est bien accepté par les régies, les
agences publicitaires et les annonceurs",
remarque Eric Christiaens, le directeur
commercial de Concentra Media, qui publie
Gazet van Antwerpen.
"Nous nous sommes dits : pourquoi ne pas
appliquer ce baromètre pour comparer l'impact
du tabloïd à celui du journal grand format ",
poursuit M. Christiaens. Full House a organisé
des entretiens en face à face avec 1800
participants pour chacun des formats, en
examinant trois catégories d’annonces :
• Les annonces de même taille dans le journal
grand format et le tabloïd ;
• Les annonces de taille proportionnelle à
chaque page ; et
• Les pleines pages.
"Dans presque tous les cas, l'impact de la
publicité parue dans le tabloïd était au moins
aussi élevé que celle publiée par l’édition grand
format", révèle M. Christiaens.
"Vous constaterez que les résultats sur la
reconnaissance de la marque, l'efficacité et
l'attraction de l’annonce sont clairement
meilleurs pour les tabloïds que pour les journaux
grand format." (voir tableau 2.1 ci-dessous.)
La seule annonce qui a moins bien marché est
celle que préfèrent généralement les
supermarchés comme Aldi ou Lidl, qui déborde
d'informations.
Ce fut une leçon extrêmement importante, selon
M. Christiaens. "L'impact de l'annonce n'est pas
liée à la taille du journal, mais à la taille de
l'annonce elle-même."
Il est important de vendre l'impact. M.
Christiaens compare cette situation à celle de
l'industrie de télévision.
Mesure de l’impact de la publicité dans les tabloïds
Journal grand format =
100
Taille inchangée Taille proportionnelle Pleine page
Identification 107 99 105
Attribution 104 101 103
Efficacité 111 101 107
Attraction 104 101 97
Crédibilité 101 99 99
Originalité 100 98 97
Information 99 95 99
Source : Full Page/Concentra Media
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
"Les annonceurs ne se demandent pas :
Sur combien de petits écrans de TV ou de
grands écrans verra-t-on mon annonce
Ils ne posent jamais la question , dit-il.
"Ils veulent juste savoir : Quel est le contexte
dans lequel mon annonce sera vue Quel est le
programme qui passe avant ou après ma pub
La pertinence du contexte est capitale.
Pas la taille du média."
Gazet van Antwerpen a réduit son tarif pleine
page de 15 pour cent quand il est passé au
format tabloïd. "Sur la base de ces recherches",
poursuit M. Christiaens,"je n’aurais même pas
envisagé une diminution de 15 pour cent."
À partir du 1er janvier 2005, le journal belge a
retiré l’unique centimètre colonne pour le
remplacer par des modules.
(voir illustration ci-dessus.) Ce processus a été
facilité par le fait que les deux régies nationales,
Full Page et Scripta, avaient acheté des
packages publicitaires dans des modules par le
passé.
Il cite l'exemple de quotidiens belges qui ont
réduit leurs prix de 40 pour cent lorsqu’ils sont
passés au format tabloïd et qui en pâtissent
encore aujourd’hui. "Ils ne s’en sont jamais
vraiment remis", dit-il. "ils s’inquiètent encore
pour l'argent qu'ils ont perdu en prenant cette
décision."
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
2.Etude de cas
Gazet van Antwerpen, Belgique
Face à l’érosion constante de sa diffusion depuis
15 ans, il semblait évident à Gazet van
Antwerpen, un quotidien conservateur lancé en
1891 pour offrir une tribune à la population
flamande de Belgique, qu’il fallait réagir.
La diffusion avait chuté de 2,6 pour cent de
2001 à 2003. Les lecteurs vieillissaient : ils
comptaient trop d’hommes et étaient de moins
en moins nombreux à choisir Gazet van
Antwerpen comme titre principal.
« Nous avons dû changer de format », explique
Eric Christians, le directeur commercial de
Concentra Media, les propriétaires du journal.
« Nous manquions de dynamisme aux yeux des
lecteurs et, surtout des non lecteurs. »
Avec sa publication sœur, Het Belang van
Limburg, Gazet van Antwerpen était l’un des
deux seuls journaux grands format encore
publiés dans la région. « Dans le Nord du pays,
le grand format nous affaiblissait face à la
concurrence », précise M. Christiaens.
"Pendant des années, nous avions des projets en
réserve concernant un changement de format et
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
un passage au tabloïd. Mais nous n'osions pas
prendre le risque de perdre nos abonnés plus
âgés." Tout à coup, comme l’explique M.
Christiaens, la lumière a jailli du Royaume-Uni :
L'Independent a décidé de publier une double
édition : tabloïde et grand format. "Alors nous
nous sommes dits : allons-y, faisons exactement
la même chose."
Les deux éditions ont été introduites
simultanément pendant six semaines dans
Anvers et sa région, en janvier 2004.
Les abonnés ont conservé leur édition grand
format. Le samedi est resté un jour dédié au
grand format en raison de la taille du cahier
principal. Le plan marketing était simple : faire
connaître le journal, le proposer à l’essai et
susciter l’achat.
Le taux de satisfaction a été important : 82 pour
cent des personnes interrogées "aimaient
vraiment le tabloïd" ; 72 pour cent le trouvaient
"plus agréable à lire" ; et 69 pour cent
estimaient qu’il aurait réduire dû sa taille plus
tôt.
L'initiative prise par Gazet van Antwerpen
auprès de la régie publicitaire Full Page pour
surmonter les réticences des annonceurs en
démontrant que la publicité dans le tabloïd avait
autant d’impact que dans les journaux grand
format, si ce n’est plus, est exposée en détail
pages 12 et 13. Si M. Christiaens regrette
d’avoir réduit son tarif pleine page de 15 pour
cent en diminuant le format, il ne regrette pas ce
changement en soi.
"Durant la transition", dit-il, "nous avons
constaté une poussée d'adrénaline extraordinaire
dans l’entreprise, la salle des rédacteurs, le
personnel de vente, le prépresse, l’imprimerie,
absolument partout. Tout le monde était
enthousiaste. C'est là un côté très positif du
changement de format."
Il énumère trois leçons tirées de cette
expérience :
• La nécessité de maintenir la stabilité des prix;
• Le changement de format ne doit être que la
dernière étape de la transformation d'un titre
("Nous avions recruté un nouveau rédacteur
en chef") ; et
• La fabrication d'un tabloïd est très différente
de celle d'un journal grand format ("Avec le
changement de maquette, nous avons eu bien
trop de choses à apprendre sur le tas").
M. Christiaens compare le chiffre de diffusion
du premier trimestre 2005 avec celui de l'année
précédente : 114 040 exemplaires, comparé à
116 096. Mais dans la période d’un an avant
cela, l’introduction du tabloïd a entraîné des
essais en masse, avec une diffusion en hausse
certains jours de 20 pour cent.
" Cela ne nous inquiète pas outre mesure",
dit-il. "Nous avons réussi à stabiliser la baisse
de la diffusion grâce au tabloïd. Va-t-il nous
sauver à long terme Sûrement pas.
Mais si nous n'avions pas procédé à tous ces
changements au niveau du style et de la culture
du journal, les chiffres auraient plongé plus vite
qu'aujourd'hui."
Götesborg Posten, Gotenberg, Suède
La preuve que les lecteurs de Götesborg-Posten
souhaitaient un journal tabloïd est apparue
clairement quand 42 000 nouveaux abonnés ont
souscrit à l’offre d’essai promotionnelle
proposée par le journal : 30 jours pour le prix
de 30 SEK (3€).
Elle est devenue encore plus flagrante quand
sur ces 42 000 personnes, 10 000 ont souscrit
juste après un abonnement pour une année
entière – un coup de pouce salutaire pour un
journal qui tire à 247 000 exemplaires environ.
Pourtant, le public n’a toujours été aussi disposé
à accepter un GP tabloïd. En 1994, cette
suggestion a même dû être abandonnée.
"Nous avions testé le format tabloïd en 1994
(sur des groupes cibles), et les gens avaient
protesté en masse", reconnaît Per Andersson-Ek,
le directeur du développement de GP. Alors,
pourquoi maintenant
M. Andersson-Ek s’explique : "Je pense que
l'attitude globale de la société envers des
tabloïds a changé. Cela a commencé selon moi
avec l'introduction de Metro.
Nous avons également en Suède un journal
économique (compact) sérieux, Dagens Industri,
qui a, je crois, contribué à l’évolution des
mentalités." Le changement, quand il a été
décidé en 1999, a été conduit par l’équipe
éditoriale.
"L’objectif était de répondre aux attentes des
lecteurs", poursuit M. Andersson-Ek.
"Ils réclamaient précisément un format inférieur.
Nos études montraient qu’environ 80 à 85 pour
cent d’entre eux préféraient le petit format."
16

VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
Pourtant, GP, leader sept jours par semaine sur
le marché de Göteberg, avec une pénétration de
67 pour cent, a opté pour une approche
graduelle du changement de format.
Il a commencé en 2001 avec la section 3 :
la culture, les loisirs et la rubrique d’annonces
classées. Puis, en mars 2003, il est passé à la
section 2 : le cahier économique, politique et
sportif. Enfin, la première section est passée au
format compact le 5 octobre 2004, le même
jour, incidemment, que Dagens Nyheter et
Sydsvenska Dagbladet.
"Ce changement progressif est probablement la
raison pour laquelle les choses se sont passées
en douceur", souligne M. Andersson-Ek.
"Cela a permis aux lecteurs de s’habituer à cette
idée. Metro, qui est l’unique concurrent sérieux
de GP à Göteberg, a peut-être influencé le
public en faveur du format compact. Toutefois,
ce n’est pas sous sa pression que GP a pris cette
décision. M. Andersson-Ek explique :
« En réalité, Metro a contribué à renforcer la
lecture à Gotenberg. Il a touché de nouveaux
groupes, comme les immigrés dans les
banlieues. »
L’étape ultime du changement de format en
octobre a été accompagné par une vaste
campagne promotionnelle, qui a convaincu
40 000 personnes (dont 5 000 par SMS) de
s’abonner à l’essai.
Les études menées après ces innovations étaient
nettement positives, montrant que neuf
personnes sur 10 préféraient la section 1
compacte, et huit sur 10 pensaient que GP
étaient un meilleur journal. Plus encourageant
encore était le fait que les jeunes, les femmes et
les non abonnés se disaient les plus séduits par
ce changement.
« Le journal est plus mobile, ce qui se traduira
par un cycle de vie plus long et un temps de
lecture prolongé », estime Göran Aadland, qui
est responsable des principaux annonceurs du
journal.
Le service Publicité était prêt à céder du terrain
sur les tarifs pleine page. Une pleine page
tabloïde coûte 70 pour cent du prix d’un page
grand format. M. Aadland précise : « Une
annonce tabloïde pleine page a le même impact
qu’une annonce grand format, mais
instinctivement, je dirais qu’elle devrait être un
peu moins chère. » Il donne le conseil suivant :
« Ne soyez pas timoré, accordez un rabais de 80
à 85 pour cent. Nous pensons que l’impact
économique se fera sentir à long terme. »
Le journal consacre quatre colonnes au contenu
éditorial et six à la publicité. Etant passé à la
vente d’annonces sous forme de modules,
l’équipe de vente de GP a également commencé
à expérimenter différentes formes, notamment
une petite annonce placée au centre des pages
TV. « Elle est déjà réservée pour toute l’année
et pour l’année prochaine », confie M. Aadland.
A ce tarif-là, elle pourrait bien augmenter dans
l’avenir.
17

JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
The Irish Independent, Dublin,
République d’Irlande
L’Irish Independent est la publication sœur de
l’Independent de Londres : les deux titres
appartiennent au groupe Independent News &
Media de Sir Anthony O’Reilly.
Il n’est donc pas surprenant qu’après avoir été
témoin de l’élan donné au quotidien britannique
en déclin par un changement de format, le
quotidien national le plus vendu en Irlande se
décide à proposer un double format à partir de
février 2004, cherchant à renforcer sa
pénétration parmi les utilisateurs de transports.
Le journal a enregistré un gain en diffusion
considérable, l’audit réalisé entre juillet à
décembre révélant des ventes de 99 684
exemplaires pour le grand format et de 52 045
exemplaires pour l’édition compacte, selon Joe
Webb, le directeur général adjoint de
Independent Newspapers (Irlande).
Les deux journaux ont exactement le même
contenu et coûtent 1,50 euro du lundi au
samedi, même si l’édition du dimanche, qui tire
à 290 000 exemplaires, a conservé son grand
format.
Alors, pendant combien de temps le journal
continuera-t-il à paraître sous un double format
« La décision sera prise par les lecteurs »,
affirme Joe Webb. Selon lui, le tirage est réparti
à présent grosso modo de manière égale (50/50)
entre les deux formats.
Tout cela a été rendu possible grâce aux
nombreuses innovations techniques offertes par
le site d’impression de Citywest du journal, qui
a coûté 50 millions d’euros et qui se trouve à
Dublin. Les éditions grand format et compacte
sont imprimées simultanément sur une presse
MAN Roland Geoman, à l’aide de la double
impression. Un exemplaire sur deux qui sort des
machines est un tabloïd. Quelle est la technique
utilisée La presse 4x4 à huit groupes
d’impression est équipée d’une moulette de
coupe destinée à produire une section tabloïde à
l’intérieur du grand format en mode collecte.
La Geoman est une presse à deux cylindres, les
plaques grand format étant placées sur la partie
inférieure du cylindre et les plaques compactes
sur la partie supérieure, comme si elles
actionnaient la collecte. La coupe est appliquée
comme si une section tabloïde était prévue à
l’intérieur du cahier grand format. Puis la
plieuse est mise en train en mode direct,
produisant alternativement des exemplaires de
chaque format. En plus, la version compacte est
également agrafée et ébarbée. L’équipe
électronique d’INM a travaillé ensuite avec la
salle d’expédition Ferag pour que les journaux
soient ramassés sur deux convoyeurs différents.
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
L’intérêt de cette innovation technique est
qu’elle permet de réduire la pression mise sur le
service de production pour opter pour un format
plutôt qu’un autre. Quand l’édition grand format
du journal était imprimé sur cinq unités
d’impression, et l’édition compacte sur trois, la
pagination devait être identique, et il n’y avait
pas de back-up en cas de panne. L’impression
juxtaposée permet en fait d’imprimer les deux
titres à la fois, explique Joe Webb. Aujourd’hui,
la quadrichromie est présente dans toutes les
pages et la pagination peut être augmenté, si
nécessaire.
Propriété de Fairfax, il a une longue histoire car
ses racines remontent à 1858. En juillet 1998, il
a été contraint d’abandonner son grand format.
« Nous étions un quotidien grand format sur le
déclin, sur ce qui était visiblement un marché
tabloïd », se souvient Rod Quinn, qui a aidé la
Le double format n’a pas compliqué la
distribution du journal, affirme M. Webb, car il
n’y a pas de livraisons en gros à destination des
grossistes. « En fait, nous préparons des envois
pour chaque point de vente », dit-il. « Cinquante
pour cent d’entre eux comprennent
généralement moins de 20 éléments ».
L’arrivée du format compact a simplement
multiplié le nombre de petits envois.
Le coût éditorial nécessaire pour produire deux
formats n’est pas élevé. «Si l’on considère les
choses globalement, ça n’est pas si important » ,
estime M. Webb. « Cela représente un coût
certain, c’est indéniable.
Mais ce n’est qu’une fraction du coût de base
nécessaire pour produire le journal. »
En ce qui concerne la publicité, l’Irish
Independent a adopté la politique « une page est
une page ». L’édition grand format constitue le
point de départ du prix, explique M. Webb.
« La réaction a été tout à fait positive », dit-il.
La hausse de la diffusion n’a pas été
spectaculaire, comme ça a été le cas pour
l’Independent londonien. Mais l’Irish
Independent est le leader sur son marché.
« Cela nous a permis de renforcer notre
croissance », précise M. Webb. Et le journal a
pu augmenter ses tarifs publicitaires de 6 pour
cent en janvier.
« Nous connaissions précisément le déclin qui
frappe tous les autres titres européens.
Nous avons inversé la tendance négative.
Si bien que l’oscillation est en fait plus élevée
que notre pourcentage réel de croissance. »
The Herald, Newcastle, New South
Wales, Australie
The Herald est un journal du matin qui dessert
six jours sur sept la Hunter Valley et la Central
Coast à 160 kilomètres, au nord de Sydney.
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
rédaction à passer à l’édition tabloïde, dont il est
à présent le rédacteur en chef. « Notre concurrent
sur notre propre marché était un tabloïd basé à
Sydney (le Daily Telegraph), et il nous fallait
donc prendre des mesures radicales. »
Ces mesures se sont traduites par un succès en
diffusion pour The Herald. Dans les six mois
ayant précédé le changement de format en 1998,
sa diffusion quotidienne plafonnait à 44 388
exemplaires. Durant la même période en janvierjuin
2004, les ventes atteignaient en moyenne
55 000 exemplaires par jour.
Les importants efforts déployés par le journal
pour tester les réactions des lecteurs et
convaincre les annonceurs ont été payants.
« Le format compact a été incroyablement bien
accepté », estime M. Quinn. « Cela ne nous a pas
véritablement surpris, car le processus que nous
avons engagé pour en arriver là était basé sur des
consultations avec nos lecteurs.
Nous avons eu énormément de feedback.
Quand nous avons mis le nouveau journal sur le
marché, nous étions en mesure de dire :
« Voici le changement que vous avez réclamé ».
Le journal a proposé de nouveaux produits
éditoriaux : un programme TV dépliant le
vendredi, qui a très bien marché. « Nous avons
ajouté (quelques années après le changement de
Ventes du Newcastle Herald
Janv. – Juin
Juillet – Déc.
1998 44 388 48 360
1999 50 300 49 989
2000 52 700 51 386
2001 53 000 52 974
2002 53 456 53 183
2003 54 006 55 499
2004 55 000 52 598
format) un magazine broché pré-imprimé du
week-end, qui a connu un succès colossal », note
M. Quinn. Il constitue à présent une partie d’un
second cahier qui paraît le samedi, un jour où les
ventes dépassent facilement 80 000 exemplaires.
« Du jour au lendemain pratiquement, le journal
a adopté une nouvelle personnalité », dit M. Quinn,
en soulignant toutefois : « Mais nous ne
pouvions pas aller trop vite, car nous risquions
de perdre nos lecteurs les plus fidèles. »
Le journal a commencé par mélanger la
précédente police de type serif pour les gros
titres avec une nouvelle police san serif.
La serif a été progressivement abandonnée.
Le journal souhaitait avec son image de journal
de référence. « Nous avons décidé d’informer et
de distraire nos lecteurs », précise M. Quinn.
« L’idée était d’atteindre chaque secteur de la
communauté durant toute la semaine. »
Sur le plan éditorial, les méthodes de travail ont
été modifiées. Les articles sont devenus plus
courts. Les photographes ont dû s’ajuster pour
prendre davantage de photos verticales.
"Ils ont dû résoudre le problème qui consiste
prendre deux types de photos pour chaque sujet",
explique M. Quinn, qui reconnaît : "Une
difficulté qui semble insoluble à posteriori."
Au niveau commercial, le success story de la
diffusion s’est reflété dans les revenus du
journal, qui sont passés de 25,5 millions de
dollars australiens (environ 15 millions d’€)
en 1997-98 à 38,5 millions d’AUD en 2003-04.
L'équipe a ensuite décidé de convaincre les
annonceurs.
Le journal a dépensé plus de 450 000 AUD pour
promouvoir le lancement du tabloïd.
"Nous avons mis le paquet", précise Julie
Ainsworth, la directrice générale, qui s'est
présentée aux agences à Sydney et à Melbourne.
Comment ont-ils réussi à tarifier le tabloïd par
rapport au journal grand format
"Nous avons attaqué le problème sous un autre
angle", dit Mme Ainsworth.
"Nous avons examiné les dépenses des clients,
et pas ce qu’ils prenaient. Puis nous les avons
converties en pages tabloïdes."
On offrait ainsi à un client deux pages s’il
prenait normalement une page grand format.
Le Herald a travaillé étroitement avec
Woolworths, la plus grande chaîne de
supermarchés britannique, convertissant les
20

VOLUME 4 REPORT Nº 3 MODÈLES D’ANNONCES CLASSÉS, REVISITÉS
quatre pages de journal grand format qu'elle
prenait habituellement en neuf pages tabloïdes.
"Elles étaient le pivot du journal", souligne Mme
Ainsworth.
Et elles ont attiré des concurrents du magasin.
Le Herald a été aidé par le fait qu'il s’est équippé
d’une nouvelle presse qui lui a permis
d’augmenter ses positions couleurs et de facturer
un surcoût de 30 pour cent.
Aujourd’hui, leader sur son marché, il a doublé
sa diffusion depuis dix ans, avec 300 000
exemplaires vendus par jour.
Le Sun a augmenté sa diffusion en tant que
quotidien gratuit. La bonne nouvelle est que
NST, fort de son expérience de format compact
"Nous avons véritablement vendu la couleur",
reconnaît Mme Ainsworth. Des majorations ont
été également appliquées aux annonces placées
sur les premières pages de droite. "Nous avons
augmenté en fait nos revenus dès le premier
jour", dit-elle. L’entreprise a gagné également
plus d’argent grâce aux encarts, qui auraient été
perdus dans un journal grand format.
Le fait intéressant est que le Herald utilise une
grille de huit colonnes pour les annonces classées
qui figurent au dos du journal, mais une grille de
sept colonnes pour l'éditorial de la une.
Un des objectifs primordiaux était d'atteindre la
lectrice de 23 ans. Le Herald avait toujours eu un
lectorat majoritairement masculin.
"Nous devions répondre aux attentes de la
femme de 23 ans", se souvient Mme Ainsworth.
"Notre plus grand domaine de croissance au
cours des 12 premiers mois était ce segment de
lecteurs. Et nous avons relevé le pari."
The New Straits Times, Kuala
Lumpur, Malaisie
Pendant la décennie passée, le New Straits
Times, le plus vieux journal de Malaisie, a
connu un revers de fortune. Etroitement aligné
sur le parti au pouvoir, et souffrant donc
régulièrement d’un changements de Direction,
NST a vu ses ventes chuter à 130 000
exemplaires environ, moins de la moitié du
niveau ateint à l’apogée du journal. Aujourd’hui,
une nouvelle équipe a succédé à l’ancienne, et le
journal est sorti sous un double format –
broadsheet et compact - à partir de septembre
2004, avant d’abandonner définitivement le
grand format en avril 2005.
"Nous étions le seul quotidien grand format en
langue anglaise", explique Syed Faisal Albar, le
directeur général du groupe New Straits Times
Press, qui possède NST et une quantité d'autres
journaux, notamment un grand quotidien malais,
Berita Harian.
Le premier concurrent de NST,
le Star, a connu parallèlement un essor égal au
déclin de NST.
sous
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
la houlette de son rédacteur en chef Datuk
Kalimullah Hassan, a renversé la tendance.
"Nous avons stoppé la baisse de la diffusion,
qui est en hausse à présent", précise M. Sye,
qui annonce une croissance de la diffusion
d’environ 8 pour cent. Les ventes atteignent à
présent 144 000 exemplaires environ. Cette
poussée commerciale fut également
accompagnée par de nombreuses
améliorations des méthodes de travail
éditorial.
Une étude indiquant que 70 pour cent des
personnes interrogées préféraient l’édition
compacte a conduit NST à distribuer
seulement 20 pour cent de son tirage sous
grand format à partir du 1er janvier.
La publicité a connu un léger recul. M. Syed
admet : « Nus savions que le remodelage
prendrait du temps. » Il ne pense pas que le
changement de format s’étendra aux journaux
publiés en malais. Berita Harian est
suffisamment bien implanté sur le marché
pour ne pas se laisser distancer.
De Standaard, Bruxelles, Belgique
Le changement de format pour De Standaard
est survenu au moment de la modernisation du
journal plutôt qu’en réaction à une baisse de la
diffusion. Avec des ventes s’élevant à 78 000
exemplaires – dont 70 pour cent par
abonnement – et un lectorat de 271 000
lecteurs, De Standaard fait partie des
quotidiens flamands de qualité en Belgique.
En réalité, durant le trimestre ayant précédé
son passage au format compact en mars 2004,
le journal avait enregistré une hausse de
diffusion de 4 pour cent.
Sur une année complète, De Standaard a
enregistré une hausse cumulée de 2,7 pour
cent, sur un marché statique. « Il est difficile
de dire ce que les chiffres auraient été sans le
changement de format car ils augmentaient,
mais ils auraient sûrement été inférieurs »,
estime Gert Ysebaert, le directeur marketing
du journal.Selon son rédacteur en chef, Peter
Vandermeersch, une vaste étude de marché
concernant le journal en 1999 a ouvert les
yeux à un grand nombre d’employés de la
société ainsi qu’à la rédaction. La bonne
nouvelle était que les lecteurs – et les non
lecteurs – trouvaient le journal sérieux, fiable,
doté d’excellents journalistes et estimé pour sa
couverture des questions politiques,
internationales et culturelles.
La mauvaise nouvelle était que les non
lecteurs et les lecteurs – le jugeaient
ennuyeux, partisan (le journal était alors le
porte-parole de l’intelligentsia catholique
flamande) et destiné aux personnes âgées.
22

VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
« La difficulté était de garder la bonne nouvelle
et de se débarrasser de la mauvaise », explique
M. Vandermeersch. Et cela nécessitait un effort
commun de la rédaction et du marketing.
Il appelle ça le « market-editing ».
Malgré leur opinion vis-à-vis du journal, les
lecteurs y étaient visiblement attachés.
Environ 13 000 d’entre eux consacraient jusqu’à
45 minutes à remplir le sondage annuel. 6 000
lecteurs de plus y ajoutaient des commentaires.
Et 800 joignaient même des lettres avec d’autres
suggestions. Les équipes éditoriale et marketing
étaient désormais prêtes à les écouter.
Cette étude a conduit le journal a renforcer sa
couverture sportive et a lancer cinq éditions
régionales.
Le Western Mail, Cardiff,
Pays de Galles
Le journal national du Pays de Galles, le
Western Mail, a enregistré une hausse de neuf
pour cent après des années de baisse de sa
En 2001, 18 pour cent des lecteurs interrogés
estimaient que le format du journal était trop
grand. En 2003, ce chiffre est même passé à 54
pour cent. M. Vandermeersch ne s’en explique
pas les raisons, mais il déclare :
« Dès ce moment-là, nous avons su que nous
changerions de format ».
Il a opté pour un minimum de changements au
départ. Naturellement, la taille serait modifiée,
la une différente, tout comme les sections
encartées. Mais ça s’arrêterait là. « Nous avons
fait le minimum de changements possibles »,
indique M. Vandermeersch. « Nous avons
maintenu la structure, gardé la police et la taille
du titre principal, la longueur des articles, les
photos, et, bien entendu, les journalistes. »
Il craignait surtout la réaction des abonnés.
« Je ne voulais pas que les gens disent que
nous ne leur avions pas livré le bon journal ».
A mesure que le temps est passé, toutefois, le
design n’a pas évolué. « La plupart des jours,
nous faisons la une sur un sujet, mais ça n’a été
possible qu’au bout de quelques mois. »
Les tractations avec les annonceurs ont été plus
délicates, reconnaît M. Ysebaert. Cependant, en
tant que leader du marché, De Standaard était en
position de force. Basé initialement sur les
centimètres colonnes, le prix est passé de 4 à
6,40 euros, soit 60 pour cent d augmentation.
Mais parallèlement, le prix d’une pleine page a
été abaissé de 17,280 euros à 12,320 euros, un
rabais de 29 pour cent. En janvier 2005, la
totalité des journaux belges, quel que soit leur
format, ont abandonné le centimètre colonne
pour la publicité modulaire (voir page 22).
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
diffusion, selon Keith Dye, le directeur général
du quotidien, qui tire à plus de 43 000
exemplaires. Grâce à une offre éditoriale
remaniée, et au passage au format compact en
octobre 2004, le journal a repris le chemin de la
croissance.
Les ventes d’une semaine qui n’a pas encore été
auditée en mai 2005 étaient en hausse de 3,4
pour cent par rapport à la même période en
2004. Ceci correspond à une augmentation
proche de 4 000 exemplaires, pour un recul de 6
pour cent en 2004 par rapport à l’année
précédente.
Le tournant pour le journal, qui appartient au
groupe Trinity Mirror, s’est produit avec
l’arrivée de M. Dye, le recrutement d’un
nouveau rédacteur en chef, Alan Edmunds, et un
investissement de 18 millions de livres dans une
nouvelle presse.
L’objectif poursuivi avec le passage au format
compact était peut-être d’augmenter la diffusion
mais cette initiative visait avant tout à répondre
aux souhaits des lecteurs. Un grand nombre
d’études ont été menées à ce moment-là, dit M.
Dye. « Il y a eu beaucoup de recherches, qui ont
montré que nous devions renforcer l’attraction
du journal », indique Alan Edmunds.
« Les gens le trouvaient à la fois collet-monté,
ennuyeux et démodé. »
Des changements ont été apportés, suivi d’un
remodelage (toujours sous le grand format)en
mars 2003. « Certains d’entre eux ont bien
marché », dit M. Edmunds. « D‘autres étaient
visiblement des plates-formes mieux adaptées
au petit format. » A ce stade, la modernisation
laissait déjà prévoir que tout cela aboutirait à un
changement de format.
« Une des choses qui nous a indéniablement
aidé a été l’Independent », confesse Keith Dye.
« Nous étions absolument ravis quand ils ont
modifié leur format ». Au moment où
l’Independent a commencé à publier sous un
double format en septembre 2003, la Direction
du Western Mial planifiait déjà son passage au
compact. Mais l’Independent l’a aidé à
convaincre les cœurs et les esprits.
« Ils ont vraiment fait du bon travail en
réussissant à surmonter les idées préconçues au
Royaume-Uni selon lesquelles on ne peut pas
produire un journal sérieux s’il ne s’agit pas
d’un titre grand format », remarque M. Dye.
Les secteurs économique et politique ont pris
bonne note de la voie suivie par l’Independent,
et par le Times dans la foulée, et se sont
demandés si le Western Mail suivrait.
« Cela voudrait dire que nous nous adaptions à
l’audience », dit M. Dye. « Ces deux journaux
ont en fait donné une crédibilité au concept ».
Mais plus important encore, précise M. Dye,
« selon la dernière étude que nous avions
réalisée, la majorité des lecteurs se prononçaient
clairement en faveur du format compact.
C’est la raison essentielle qui est à l’origine de
notre décision : nous conformer au désir de nos
clients ».
L’intention, toutefois, n’était pas de favoriser
une poussée soudaine des ventes qui risquait
d’être suivie par un retour au déclin. Dye et
Edmunds voulaient voir les ventes du journal
augmenter durant toute la semaine, et pas
seulement attirer de nouveaux lecteurs.
Le jeudi, avec sa section Emploi, et le samedi,
avec ses sections Maison et TV, étaient les
meilleurs jours de la semaine pour le Western
Mail. Le principale difficulté consistait surtout à
encourager les lecteurs à acheter le journal les
autres jours, explique M. Edmunds.
Il semble que cela ait bien marché. « Jusqu’ici,
ce sont les jours habituellement les plus faibles
qui ont connu la plus forte amélioration », dit-il.
Sa tâche consistait en grande partie à veiller à
l’homogénéité du journal durant toute la
semaine et à améliorer sa pénétration durant les
jours considérés comme les plus médiocres.
Au fil des années, Keith Dye a été témoin de
nombreuses conversions de format. « L’erreur
fondamentale que l’on peut commettre est de
penser qu’en changeant le format du journal, on
change sa destinée », dit-il.
« Quand vous changez de format, vous poussez
effectivement les gens à regarder différemment
le journal. S’ils le font et s’ils retrouvent le
vieux journal qu’ils ont toujours vu, avec juste
un nouvel habillage, ça n’est pas suffisant ».
M. Edmunds et son équipe travaillent déjà
depuis mars 2003 à l’amélioration du journal.
« Ce fut une année de changement, qui a culminé
par la sortie de l’édition compacte », se
souvient-il. « Il y a eu d’énormes changements
en matière éditoriale durant toute cette période. »
24

VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
En tant que quotidien national du Pays de
Galles, le Western Mail a toujours eu pour point
fort l’économie et la politique.
« Ils sont toujours aussi importants pour nous »,
dit M. Edmunds. La qualité de l'écriture et du
commentaire s'est améliorée.
"Pour être certains d’offrir un menu varié, nous
avons dû adopter notre approche plus ‘magazine’
de l’information", précise M. Edmunds.
Et proposer davantage d’articles à dimension
humaine. Néanmoins, il était difficile d’élargir
l'attrait du journal - les gens l’achètent
habituellement en tandem avec un titre national
anglais – sans aliéner les lecteurs habituels.
Le journal est en perpétuelle évolution.
"Dans une certaine mesure, les journaux, et
notamment les journaux grand format, n'ont pas
changé tant que ça pendant un bon moment",
note M. Edmunds. "A présent, le changement
est presque constant. Même s’il est parfois
imperceptible."
Au plan commercial, Keith Dye estime que
l'impact du changement sur les recettes
publicitaires a été neutre. Tandis que l’annonce
spéciale en première page a été réduite, des
espaces majorés ont été créés rapidement dans
le journal compact – des espaces qui seraient
restés vides dans le grand format.
"La réalité est que les quelques pages grand
format que nous proposions faisaient l’objet de
tarifs négociés, et que par conséquent, nous ne
les avons pas convertis sur la base d’un
centimètre pour un centimètre", explique M. Dye.
"Même si nous ne pratiquons pas obligatoirement
le même tarif, nous n'avons pas diminué les prix
de moitié. Nous estimons que globalement, nous
n’avons perdu d’argent en faisant cela."
Les annonceurs ont bien accueilli le changement.
"Les annonceurs veulent des lecteurs. Ils sont
très heureux parce que nos ventes sont plus
fortes à présent.
Les suppléments ne sont plus pré-imprimés et
encartés grâce à la presse Goss Colorliner de 16
unités pouvant imprimé 128 pleines pages en
série en quadrichromie.
"Cela nous permet d’allonger les délais de
bouclage", remarque M. Dye.
"Avec les mêmes délais pour nos suppléments,
car le cahier principal vous donne davantage
d’opportunités de dernière minute."
Tout en permettant également d'économiser sur
les pertes liées à la mise en route dans le prépresse,
le tirage unique laisse plus de temps
pour l’imprimerie de labeur, selon M. Dye.
Et il n’est plus nécessaire de devoir préimprimer
trop d’exemplaires pour les sections
encartées en cas d’exclusivité sportive qui
doperait la diffusion.
Keith Dye résume ainsi la situation : "Nous
avons en fait enregistré une amélioration de
neuf pour cent sur nos chiffres de ventes, qui est
bien supérieure à ce que nous avions escompté.
C’est pourquoi nous sommes absolument
enchantés des résultats - qui se confirment."
Je ne pense pas qu’un seul de nos annonceurs
ait critiqué ou résisté à ce que nous faisions",
affirme M. Dye. Du fait que plusieurs sections
– comme l’immobilier, l’automobile et le
programme de TV – avaient déjà été
transférées dans le format tabloïd, le cahier
principal conservant son grand format, la
publicité dans ces secteurs n’a pas été affectée.
Un secteur qui a montré des améliorations
significatives en termes de rendement et
d’efficacité est la production.
25

JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
Conclusion
LE TABLOÏD va-t-il nous sauver à long terme,
s’interroge Eric Christiaens, directeur
commercial pour Concentra Media en Belgique,
dans une des études de cas examinées dans ce
rapport. Non, répond-il brutalement à cette
question.
Le changement de format n’est qu’une partie du
processus qui montre que les journaux
s’éveillent aux attentes de leurs lecteurs.
Il est vrai que ces derniers ne se sont jamais
prononcés aussi massivement en faveur des
journaux compacts par le passé.
Per Andersson-Ek du Götesborg-Posten en
Suède, qui a vu ses lecteurs dire non au compact
en 1994 avant de le réclamer à corps et à cris en
1999, attribue ce changement de mentalité à
l'arrivée de Metro, au milieu des années 90.
Ce titre indépendant, neutre et sans caractère
sensationnel, destiné aux usagers des transports,
a peut-être joué un rôle dans le changement de
perception des lecteurs face aux petits formats.
La forme ne dictait pas obligatoirement le
contenu, comme les tabloïds à scandale avaient
pu inciter les gens à le croire.
Le changement de format n’est pas forcément la
panacée pour doper des ventes chancelantes, pas
plus qu'un DVD gratuit ne peut renforcer la
diffusion à long terme, mais contribue
seulement à stimuler les ventes, un exercice
qu’il faudra répéter lors du prochain contrôle de
la diffusion un an plus tard. Toutefois, le
changement de format n'est pas un coup
médiatique unique, et il convient d’exploiter
cette transition à fond. Il s’agit en effet d’une
rare occasion de réunir la communauté du
journal, ses lecteurs et le grand public. Comme
le fait observer Rod Quinn, le rédacteur en chef
du Herald à Newcastle en Australie, à propos de
la consultation publique sur la transformation de
son journal en 1998 : "Quand nous avons mis le
nouveau journal sur le marché, nous étions en
mesure de dire : « Voici le changement que
vous avez réclamé ».
Le changement de format offre également
l’occasion de changer de personnel ou de
méthodes de travail. Il ne devrait pas, toutefois,
être une excuse pour détruire radicalement
l'édifice d'un journal. Des rédacteurs ont parfois
besoin d’être remplacés, comme n’importe quels
autres employés. Il est intéressant de noter que
ni le Times ni l’Independent ont signalé des
26

VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
changements drastiques dans leurs méthodes de
travail. Cette stabilité a certainement été un
avantage pour une entreprise confrontée à la
difficulté de devoir produire le même journal
sous deux formats.
Il est nécessaire de rassurer les lecteurs, les
annonceurs ou même le personnel.
Et ce réconfort ne peut être apporté qu’à travers
la communication. Il y a une poussée
d'adrénaline dans un journal lorsqu’un
changement de format est dans l’air, constate
Eric Christiaens. Et cette agitation est maintenue
à flot par le marketing et la promotion
supplémentaires qui accompagnent cette
transition.
En termes commerciaux, le problème-clé qui se
pose, en dehors de l'objectif général qui consiste
à augmenter la diffusion et le lectorat, est de
protéger les revenus. Il est parfois difficile de
remonter la pente qu’on a réduit ses tarifs
publicitaires. Plusieurs des journaux interviewés
dans ce rapport regrettent déjà d’avoir pris cette
décision.
Sur le plan éditorial, le changement de format
permet aux journaux de devenir dynamiques,
engagés et modernes, comme le souligne Peter
Vandermeersch de De Standaard, en Belgique.
"Les journaux, notamment le département
éditorial, ont été pendant trop longtemps des
institutions arrogantes. Nous savions mieux que
les lecteurs ce qui leur convenait et nous
n’étions pas toujours à l’écoute du marché",
reconnaît M. Vandermeersch. Son conseil, qui
est de faire travailler étroitement la rédaction et
le marketing, nous rappelle que nous sommes
tous embarqués – l’équipe éditoriale et
publicitaire – dans le même bateau.
En raison de l’univers dans lequel évolue le
consommateur moderne, dont chaque minute est
comptée, les journaux doivent lutter plus
durement que jamais pour attirer son attention.
Le fait de fabriquer des produits adaptés à nos
lecteurs est le meilleur point de départ pour
répondre à leurs besoins. Mais notre tâche est
loin de s’arrêter là.
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
Sources
Interviews
Julie Ainsworth, directrice générale, et Rod
Quinn, rédacteur en chef, The Herald,
Newcastle, Australie
Per Andersson-Ek, directeur du développement,
Göteborgs-Posten, Göteberg, Suède
George Brock, rédacteur en chef de l’édition du
samedi, The Times of London
Eric Christiaens, Concentra Media, Belgique
Keith Dye, directeur général de Western Mail &
Echo Limited ; Alan Edmunds, rédacteur en
chef du Western Mail, Cardiff, Pays de Galles
Marquer Gallagher, directeur, Manning Gottlieb
OMD, Londres, Royaume-Uni
David Greene, directeur du marketing, et Simon
Barnes, directeur commercial, The Independent,
Royaume-Uni
Stuart McDonald et Ruth Cluff, News
International, Royaume-Uni
Andrew Mullins, directeur du marketing, Temps
Newspapers, Royaume-Uni
Marc Sands, directeur du marketing, The
Guardian, Royaume-Uni
Syed Faisal Albar, PDG, New Straits Times
Press et Hardev Kaur, ex-rédacteur en chef du
groupe, New Straits Times, Malaisie
Thanachai Theerapattanavong, président, Nation
Multimedia Group, Thaïlande
Joe Webb, directeur général adjoint,
Independent Newspapers (Irlande)
Gert Ysebaert, Directeur Commercial,
VUMmedia, Bruxelles, Belgique
Présentations
Moins de journal, moins de revenus. Eric
Christiaens, Concentra Media, lors de la
conférence de l’Ifra sur l’excellence de la
Production, Amsterdam, 12 octobre 2004
La taille du journal est-elle importante
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VOLUME 4. REPORT Nº 5 LE PHENOMENE DE CHANGEMENT DE FORMAT
Débat réunissant Kenny Campbell, rédacteur en
chef de Metro, Simon Kelner, rédacteur en chef
de l’Independent, Alan Rusbridger, rédacteur en
chef du Guardian, Robert Thomson, rédacteur
en chef du Times, organisé par la
Stationers’Livery Company au Stationers’s
Hall, Londres, 8 novembre 2004
Un panorama des idées de gains de circulation
d'Australie. Peter Allen, rédacteur en chef du
groupe, Fairfax Community Newspapers,
Australie
Un rapport du journal le plus vendu au monde
sur le marché le plus concurrentiel. Bernt
Olufsen, rédacteur en chef, VG, Norvège
NEWS et 20Cent : Des tests de marché sur de
nouveaux concepts de journaux pour les jeunes
lecteurs. Marc Zeimetz, directeur de projet et de
la division stratégique des journaux et Klaus
Madzia, rédacteur en chef de NEWS,
Verlagsgruoppe von Holtzbrinck GmbH & Co.
KG, Allemagne
Die Welt Kompakt - un nouveau modèle de
journal. Jan-Eric Peters, rédacteur en chef de
Die Welt, Welt Kompakt, Berliner Morgenpost,
Allemagne
Tous présents lors de la Conférence mondiale
Rédaction & Marketing 2004 ; Lisbonne, 25-26
novembre 2004
Les expériences des précurseurs : les leçons
tirées de l’Independent en Angleterre et en
Irlande. Terry Grote, directeur général, The
Independent, Royaume-Uni
Souligner la valeur du « changement » dans le
changement de format : l’exemple de De
Standaard. Peter Vandermeersch, rédacteur en
chef, De Standaard, et Gert Ysebaert, Directeur
Commercial, VUMmedia, Belgique
Les commentaires des annonceurs face au
changement de format : l’exemple de
Göteborgs-Posten. Britt-Marie Andersin, viceprésidente
de la publicité, Göteborgs-Posten, et
Göran Aadland, directeur des principaux
comptes clients, Göteborgs-Posten, Suède.
Les conversions des journaux suédois et les
différentes approches du changement de
marketing. Anna-Kari Modin, chef de projet,
Tidnings Utgivarna, Stockholm, Suède
Tous présents lors du Sommet de l'INMA sur le
Changement de format, Londres, 21-22 février
2005
La conversion au compact. Terry Grote,
directeur général, Independent News & Media
(R-U), chez Publish Asia 2005, Bangkok, 19
avril 2005
Rapports
Is small really beautiful Les leçons tirées du
changement de format des journaux. Jacques
Bughin et Henrik Poppe, McKinsey & Co.,
septembre 2004
Les dessous du passage au format compact.
James Khattak, INMA, Février 2005
Ouvrages
My Trade, un Short History of British
Journalism par Andrew Marr (Macmillan,
Londres, 2005)
Publications
Asian Newspaper Focus
Campaign
Editor & Publisher
Marketing
Mediaweek
Médias & Marketing Europe
Newspaper Techniques
UK Press Gazette
Sites Web
www.fullpage.be
www.ifra-nt.com
www.mediaguardian.co.uk
www.naa.org
www.newsandtech.com
www.newsdesigner.com
www.scripta.be
www.visualeditor.com
Journaux grand format et compacts : comment
le marché a tranché dans le cas du Times. Stuart
Corke, directeur de la planification stratégique,
News International, et Anoushka Healy,
directeur de la communication éditoriale, le
Times, Royaume-Uni
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JUIN 2005
SHAPING THE FUTURE OF THE NEWSPAPER
EDITEUR
Association Mondiale des Journaux
7, rue Geoffroy Saint Hilaire
75005 Paris, France
Tel.: +33 1 47 42 85 00
Fax: +33 1 47 42 49 48
E-mail:contact_us@wan.asso.fr
AUTEUR
Jim Chisholm est Conseiller stratégique auprès de
l’Association Mondiale des Journaux et Directeur de son projet
SFN (Forger l’avenir du journal). En qualité de consultant il
continue à conseiller la plupart des plus grandes entreprises
de presse mondiales sur la planification stratégique et le
développement commercial.
Email: jim.chisholm@futureofthenewspaper.co.uk
Tel.: + 44 13 89 87 72 42
Association Mondiale des Journaux
© AMJ. Juin 2005
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STRATEGY REPORT
VOLUME 4. Nº 05. Juin 2005 © WAN
Shaping the Future of the Newspaper
ANALYSING STRATEGIC DEVELOPMENTS AND OPPORTUNITIES IN THE PRESS INDUSTRY