N°80 janvier 2011 - Chambre de métiers et de l'artisanat
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STYLE<br />
<strong>de</strong> vie<br />
La plupart <strong>de</strong>s entreprises artisanales, par goût<br />
<strong>de</strong> l’indépendance, ne dépasse pas le seuil <strong>de</strong>s dix<br />
salariés. D’autres déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> se lancer dans le défi<br />
<strong>de</strong> la croissance. Quelles sont leurs motivations<br />
<strong>et</strong> les étapes qu’elles doivent franchir <br />
DE TPE À PME<br />
Les artisans qui rêvent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />
Qu’est-ce qui pousse un artisan,<br />
amoureux <strong>de</strong> son métier, proche<br />
<strong>de</strong> ses outils, à passer <strong>de</strong><br />
plus en plus <strong>de</strong> temps loin <strong>de</strong><br />
son atelier <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses premiers amours <br />
On pourrait trouver absolument<br />
contradictoire l’idée qu’un homme<br />
ayant décidé <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre à son compte,<br />
par goût <strong>de</strong> l’indépendance, finisse<br />
par r<strong>et</strong>rouver le grand mon<strong>de</strong> en faisant<br />
grandir son entreprise. La plupart<br />
du temps, il s’agit pourtant moins d’un<br />
reniement, que d’une envie d’ailleurs.<br />
Le démon <strong>de</strong> la croissance qui s’empare<br />
<strong>de</strong> vous !<br />
Jean-Luc <strong>de</strong> la Bernardie est le dirigeant<br />
<strong>de</strong>s Ateliers DLB (Brest, 25 salariés),<br />
entreprise <strong>de</strong> menuiserie, agencement<br />
<strong>et</strong> charpente. Il se souvient <strong>de</strong><br />
ses débuts, où pendant sept ans il était<br />
seul à l’atelier. « Je faisais un métier qui<br />
me plaisait déjà, m’occupais <strong>de</strong> tout <strong>et</strong><br />
cherchais à atteindre la perfection »,<br />
commente-t-il. À l’époque, il n’était pas<br />
question pour lui que son entreprise<br />
grandisse. Mais <strong>de</strong> ce tableau, il a fini<br />
par se lasser. Quelles ont été les raisons<br />
qui l’a conduit à structurer son entreprise<br />
qui a été choisie pour restaurer le<br />
portail <strong>de</strong> l’Assemblée nationale « Je<br />
n’avais plus envie <strong>de</strong> rester seul dans<br />
mon atelier, <strong>de</strong> supporter la charge <strong>de</strong><br />
travail. Je voulais m’ouvrir sur autre<br />
chose, par curiosité, investir, me créer<br />
une motivation, un challenge. »<br />
5 % <strong>de</strong>s artisans<br />
■<br />
emploient plus <strong>de</strong> 10 salariés<br />
Une chose est sûre : dans l’artisanat,<br />
relativement peu <strong>de</strong> chefs d’entreprise<br />
s’aventurent dans la croissance d’entreprise.<br />
D’après les statistiques <strong>de</strong> l’Insee<br />
(2008), la moitié <strong>de</strong>s 937 550 entreprises<br />
du secteur n’emploie aucun salarié,<br />
alors que 5 % en ont recruté plus<br />
<strong>de</strong> dix. « Un certain nombre <strong>de</strong> dirigeants<br />
ne souhaite pas faire ‘grandir’<br />
+<br />
Info<br />
leur entreprise du fait <strong>de</strong> la complexité<br />
d’organisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> la lour<strong>de</strong>ur administrative<br />
qui en découle », explique la<br />
chambre <strong>de</strong> métiers <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’artisanat du<br />
Val-<strong>de</strong>-Marne. « Le territoire est aussi<br />
une donnée importante car il est plus<br />
ou moins porteur », ajoute Natalie<br />
Gay, directrice du service économique<br />
<strong>de</strong> la CMA du Rhône. Ajoutons<br />
que la plupart <strong>de</strong>s artisans n’ont suivi<br />
qu’une formation technique, pas suffisante<br />
pour appréhen<strong>de</strong>r sereinement<br />
une croissance d’entreprise.<br />
■ Déléguer, au risque<br />
<strong>de</strong> perdre en qualité<br />
Une fois la décision prise <strong>de</strong> grandir,<br />
l’un <strong>de</strong>s obstacles les plus importants<br />
est le cap psychologique qu’il<br />
faut franchir pour accepter <strong>de</strong> déléguer.<br />
« Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> certains seuils, le<br />
métier <strong>de</strong> chef d’entreprise n’est plus le<br />
même », explique Natalie Gay (CMA<br />
Grandir, oui, mais jusqu’où <br />
Si l’on sait à peu près ce qui va entraîner une entreprise vers<br />
le chemin <strong>de</strong> la croissance, on sait moins ce qui va freiner son<br />
développement. Selon Christian Ri<strong>de</strong>t, directeur du service économique<br />
<strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong> métiers <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’artisanat d’Ain, le chef<br />
d’entreprise doit « dimensionner la taille <strong>de</strong> sa société selon ses<br />
capacités <strong>de</strong> management ». C’est important dans le sens où<br />
« chaque seuil est délicat à passer, surtout dans le cadre d’une<br />
entreprise <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ite taille, disposant <strong>de</strong> moyens financiers limités.<br />
Certains entrepreneurs préfèrent gar<strong>de</strong>r une maîtrise importante<br />
avec moins <strong>de</strong> personnel ». Il y a aussi la possibilité pour<br />
une entreprise artisanale d’être rach<strong>et</strong>ée par un groupe plus important,<br />
chose rare, mais qui arrive « aux sociétés qui sont très<br />
rentables », selon Christian Ri<strong>de</strong>t.<br />
Rhône). « Le rôle est alors tourné vers<br />
la gestion, le commercial <strong>et</strong> le management,<br />
on consacre moins <strong>de</strong> temps à la<br />
production. »<br />
Jean-Luc <strong>de</strong> la Bernardie y est arrivé<br />
progressivement, en faisant évoluer<br />
son idée <strong>de</strong> la perfection. « Si l’on<br />
veut passer à la vitesse supérieure, on<br />
est dans l’obligation <strong>de</strong> déléguer <strong>de</strong>s<br />
taches qu’on maîtrisait soi-même parfaitement.<br />
Et déléguer, c’est accepter<br />
que quelqu’un d’autre arrive au même<br />
résultat que vous, mais à sa manière.<br />
Au prix, parfois, <strong>de</strong> la qualité. Plus<br />
on est nombreux, plus il est compliqué<br />
<strong>de</strong> maîtriser c<strong>et</strong>te qualité. » Ce qui<br />
ne signifie pas, bien évi<strong>de</strong>mment, qu’il<br />
faille la sacrifier sur l’autel <strong>de</strong> la croissance.<br />
La charcuterie Vérot a été créée<br />
en 1997 par Gilles <strong>et</strong> Catherine Vérot,<br />
à moins <strong>de</strong> dix salariés. Aujourd’hui,<br />
elle en emploie <strong>de</strong>s dizaines, <strong>de</strong> Paris<br />
à New York en passant par Londres.<br />
Pour Catherine Vérot, ce n’est que le<br />
« Les entreprises artisanales ne dépassent<br />
qu’assez rarement le seuil <strong>de</strong>s 11 salariés.<br />
Au-<strong>de</strong>là, <strong>de</strong>s obligations législatives<br />
s’imposent à elles, notamment la mise<br />
en place <strong>de</strong> délégués du personnel. »<br />
14 ● Le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s artisans ● <strong>janvier</strong>-février <strong>2011</strong>