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les equilibres des fonctions dans la ville : pour une meilleure qualite ...

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CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL<br />

Séances <strong>des</strong> 12 et 13 octobre 1993<br />

LES EQUILIBRES DES<br />

FONCTIONS DANS LA VILLE :<br />

POUR UNE MEILLEURE<br />

QUALITE DE VIE<br />

1993<br />

RAPPORT PRESENTE PAR<br />

M MICHEL HUET


-- 2 --<br />

2° Rapport présenté au nom du Conseil économique<br />

et social par M. Michel Huet.<br />

Par lettre en date du 26 novembre 1991, le bureau du Conseil économique<br />

et social a confié à <strong>la</strong> section du Cadre de vie <strong>la</strong> préparation d'un rapport et<br />

d'un avis sur "<strong>les</strong> équilibres <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> : <strong>pour</strong> <strong>une</strong> <strong>meilleure</strong><br />

qualité de vie "<br />

La préparation de l'avis a été confiée à <strong>la</strong> section du Cadre de vie qui a<br />

désigné M. Michel HUET en qualité de rapporteur.<br />

Pour <strong>la</strong> préparation de son rapport, <strong>la</strong> section a successivement procédé à<br />

l'audition de .<br />

Madame Christine ZANIN, maître de conférence à l'Université de Lyon II<br />

Monsieur A<strong>la</strong>in SALLEZ, professeur en économie urbaine<br />

M. Jean-Marie DELARUE, maître <strong>des</strong> requêtes au Conseil d'Etat, délégué<br />

à <strong>la</strong> Délégation interministérielle à <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

M. François LAPOIX, conseiller régional d'Ile-de-France, maître de<br />

conférence au Muséum national d'histoire naturelle<br />

M. Marcel RONCA YOLO, professeur honoraire, directeur de l'Institut<br />

d'urbanisme de Paris.<br />

Elle s'est dép<strong>la</strong>cée à Toulon et Colomiers où elle a été accueillie chaleureusement<br />

par le docteur François Trucy, maire de Toulon, et M. Alex<br />

Raymond, maire de Colomiers.<br />

Le rapporteur a également rencontré de nombreuses personnalités, en<br />

particulier M. Paul DELOUVRIER, président d'honneur de l'Etablissement<br />

public du parc de La Villette, M. Jean-Paul LACAZE, président de l'ANAH,<br />

M. Pierre BOURGUIGNON, maire de Sotte<strong>ville</strong>-<strong>les</strong>-Rouen, <strong>les</strong> organisations<br />

professionnel<strong>les</strong> et consu<strong>la</strong>ires de l'artisanat au travers de l'Assemblée<br />

permanente de chambres de métiers et de l'Union professionnelle artisanale.<br />

Le rapporteur et <strong>les</strong> membres de <strong>la</strong> section du Cadre de vie tiennent à <strong>les</strong><br />

remercier <strong>pour</strong> leur accueil et l'aide précieuse qu'ils leur ont apportés <strong>dans</strong><br />

l'é<strong>la</strong>boration de ce rapport.<br />

Enfin, le rapporteur tient tout particulièrement à remercier Mlle Catherine<br />

Pillon <strong>pour</strong> son aide précieuse et sa col<strong>la</strong>boration.


-- 3 --<br />

L'ÉQUILIBRE DES FONCTIONS DANS LA VILLE<br />

POUR UNE MEILLEURE QUALITE DE VIE<br />

« La <strong>ville</strong> est un être vivant possédant <strong>une</strong><br />

âme collective et un comportement<br />

propre.>'<br />

Marcel POËTE<br />

LA VILLE DANS LE PHÉNOMÈNE GÉNÉRAL D'URBANISATION<br />

La popu<strong>la</strong>tion du globe a quadruplé depuis 1850, alors que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

urbaine s'est trouvée multipliée par dix. En 1992, 74 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong><br />

pays développés vit <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones urbaines.<br />

En France, en 1846, seulement 25% de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion était urbain. Cette<br />

proportion atteint 40 % en 1901. elle arrive à 50 % en 1928 et dépasse <strong>les</strong><br />

74% au recensement de 1990.<br />

Cette croissance de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion urbaine s'est traduite par <strong>une</strong> concentration<br />

<strong>des</strong> personnes autour <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> agglomérations, ce qui a contribué à<br />

renforcer <strong>la</strong> densité et à étaler <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> sur <strong>des</strong> espaces toujours plus grands,<br />

selon un phénomène couramment appelé «métropolisation». La <strong>ville</strong><br />

constitue donc le cadre de vie d'<strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>la</strong>rgement majoritaire et<br />

toujours croissante, ce qui en fait l'affaire de tous.<br />

Comment peut-on aujourd'hui définir <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, au regard de <strong>la</strong> diversité de<br />

forme et de taille que nous avons sous <strong>les</strong> yeux <br />

LA VILLE ET SA DÉFINITION STATISTIQUE<br />

Pour le recensement de 1990, <strong>les</strong> critères définissant <strong>les</strong> unités urbaines et<br />

<strong>les</strong> unités rura<strong>les</strong> ont été fixés. C'est ainsi que l'unité urbaine est <strong>une</strong> zone bâtie<br />

constituée par <strong>des</strong> constructions avoisinantes formant un ensemble tel,<br />

qu'auc<strong>une</strong> ne soit séparée de <strong>la</strong> plus proche de plus de 200 mètres et dont <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion atteint au moins 2 000 habitants. Si plusieurs comm<strong>une</strong>s juxtaposées<br />

répondent à ces conditions, el<strong>les</strong> constituent <strong>une</strong> agglomération. Sinon,<br />

el<strong>les</strong> sont réputées vil<strong>les</strong> isolées. Les comm<strong>une</strong>s rura<strong>les</strong> sont cel<strong>les</strong> qui ne répondent<br />

pas aux critères précités.


-- 4 --<br />

Cette méthode a permis de montrer qu'il y avait 5 379 comm<strong>une</strong>s urbaines,<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> vivent plus de 7 français sur 10, et 31 251 comm<strong>une</strong>s<br />

rura<strong>les</strong>.<br />

Il semble cependant que <strong>la</strong> différence entre <strong>la</strong> ruralité (1) et l'urbanité (2)<br />

est plus complexe que le franchissement d'un seuil statistique. Nous<br />

proposerons donc d'autres définitions de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

LA VILLE COMME MODE DE VIE<br />

Pour Georges Duby (3), <strong>les</strong> critères démographiques et économiques sont<br />

insuffisants <strong>pour</strong> décrire <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. La <strong>ville</strong> n'est pas seulement <strong>une</strong> concentration<br />

d'habitants et d'activités, elle est d'abord un fait culturel, un lieu civilisateur<br />

où l'on échange <strong>des</strong> urbanités.<br />

Dans l'antiquité, et au moyen âge, <strong>les</strong> urbains ont <strong>la</strong> conviction que <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong> est le seul mode de vie civilisé. Ils s'opposent de ce fait, comme <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

définition statistique, aux paysans qui <strong>les</strong> entourent, même si l'existence et<br />

l'essor de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ne sont pas séparab<strong>les</strong> de l'activité rurale qui lui sert de<br />

support et de réservoir humain et économique. «Face au désordre naturel, <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong>, image du pouvoir ordonnateur, célèbre <strong>les</strong> victoires de <strong>la</strong> culture.<br />

Monumentale par nature, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a <strong>une</strong> fonction symbolique».<br />

Peut-on aujourd'hui toujours opposer mo<strong>des</strong> de vie urbain et rural <br />

Depuis <strong>la</strong> dernière guerre, <strong>les</strong> progrès de <strong>la</strong> communication et <strong>des</strong> transports<br />

amenuisent <strong>la</strong> distance réelle et symbolique entre <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et <strong>la</strong> campagne. Les<br />

vil<strong>les</strong> s'étendent <strong>dans</strong> <strong>la</strong> ruralité environnante, par ce qu'on appelle <strong>la</strong> rurbanisation<br />

ou plus techniquement <strong>la</strong> zone de peuplement industriel et urbain<br />

(ZPIU) , mais aussi par <strong>la</strong> télévision, <strong>les</strong> transports rapi<strong>des</strong> (TGV), etc.<br />

Les urbains fuient <strong>les</strong> nuisances de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et découvrent <strong>les</strong> p<strong>la</strong>isirs du<br />

tourisme vert, alors que de nombreux ruraux adoptent, volontairement ou<br />

contraints, le mode de vie urbain. Cette réunion, ou, <strong>pour</strong>rait-on dire, interpénétration<br />

de deux mon<strong>des</strong> opposés constitue <strong>une</strong> mutation structurelle de<br />

grande importance.<br />

LA VILLE COMME LIEU DE RÉUNION DES FONCTIONS URBAINES<br />

On a coutume de dire que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> regroupe plusieurs <strong>fonctions</strong>. Certains<br />

historiens privilégient <strong>la</strong> fonction commerciale, d'autres <strong>la</strong> fonction politique,<br />

ou religieuse, mais tous s'accordent <strong>pour</strong> faire de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> un lieu plurifonctionnel.<br />

Au fil du temps, ces <strong>fonctions</strong> ont évolué et se sont diversifiées,<br />

<strong>pour</strong> former un système de plus en plus complexe.<br />

(1) Pratiques socia<strong>les</strong> spécifiques du monde rural.<br />

(2) Pratiques socia<strong>les</strong> spécifiques au monde urbain.<br />

(3) Georges DUBY «Histoire de <strong>la</strong> France urbaine» collège de France. Membre de l'Institut -<br />

professeur au collège de France


-- 5 --<br />

Au départ, on a pu distinguer <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> trois <strong>fonctions</strong>: <strong>une</strong> fonction<br />

religieuse, source de rassemblement d'un groupe humain <strong>dans</strong> un lieu sacré et<br />

délimité, <strong>une</strong> fonction militaire, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>une</strong> enceinte protégeait<br />

<strong>les</strong> habitants contre <strong>des</strong> invasions éventuel<strong>les</strong>, et <strong>une</strong> fonction politique<br />

puisque <strong>la</strong> <strong>ville</strong> est un lieu de pouvoir. Puis s'est ajoutée <strong>une</strong> fonction<br />

commerciale qui n'a cessé de prendre de l'importance.<br />

Mais ces <strong>fonctions</strong> principa<strong>les</strong> revêtent <strong>des</strong> aspects multip<strong>les</strong>, du fait que<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> soit un lieu de vie. Ainsi <strong>les</strong> habitants dorment, travaillent, circulent,<br />

se soignent, achètent, se distraient, fréquentent <strong>les</strong> lieux de culte, se<br />

rencontrent, s'éduquent, votent, ..., on <strong>pour</strong>rait énumérer à l'infini toutes <strong>les</strong><br />

activités que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> peut offrir à ses citadins, et il est donc nécessaire, si l'on<br />

veut raisonner en termes de <strong>fonctions</strong>, de simplifier <strong>la</strong> réalité en regroupant<br />

<strong>les</strong> activités par gran<strong>des</strong> famil<strong>les</strong>.<br />

L'apparition de l'urbanisme progressif a suscité <strong>une</strong> évolution <strong>dans</strong><br />

l'approche fonctionnaliste de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. En effet, <strong>les</strong> théories é<strong>la</strong>borées <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

charte d'Athènes (adoptée en 1943) ont distingué quatre <strong>fonctions</strong> essentiel<strong>les</strong>:<br />

travailler, habiter, circuler, se divertir. Mais <strong>la</strong> nouveauté apparaît<br />

<strong>dans</strong> le fait d'attribuer à chac<strong>une</strong> de ces <strong>fonctions</strong> un lieu propre. On a donc<br />

cloisonné chac<strong>une</strong> de ces <strong>fonctions</strong> <strong>dans</strong> un espace autonome et presqu'imperméable,<br />

du fait de <strong>la</strong> disparition de <strong>la</strong> rue.<br />

Les motifs de ce cloisonnement répondent à <strong>des</strong> préoccupations hygiénistes<br />

qui considèrent que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> doit être un gigantesque parc cohérent et<br />

ne plus céder aux désordres issus de <strong>la</strong> prolifération d'activités et de l'arrivée<br />

massive d'habitants. Le Corbusier entreprend <strong>une</strong> critique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> radioconcentrique<br />

qui "fait un mé<strong>la</strong>nge congestionné <strong>des</strong> lieux de travail et <strong>des</strong><br />

lieux d'habitation" et impose <strong>des</strong> "circu<strong>la</strong>tions mécaniques frénétiques quotidiennes".<br />

Pour lui, l'apparition <strong>des</strong> lotissements dispersés signifie que <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

est ma<strong>la</strong>de et ne remplit plus son rôle de groupement bénéfique <strong>des</strong> hommes.<br />

Il propose donc <strong>une</strong> <strong>ville</strong> qui donnerait envie aux hommes d'y rester.<br />

Il é<strong>la</strong>bore un ensemble de règ<strong>les</strong> d'urbanisme avec <strong>des</strong> unités d'habitation,<br />

de travail, de loisirs et de circu<strong>la</strong>tion, toutes séparées <strong>dans</strong> l'espace. Ainsi, <strong>la</strong><br />

circu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> automobi<strong>les</strong> ne gène pas celle <strong>des</strong> piétons, et <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong><br />

ne sont pas soumis aux nuisances de l'activité économique.<br />

Ce modèle urbanistique a accompagné <strong>la</strong> reconstruction accélérée d'après<br />

guerre. La croissance urbaine s'effectue <strong>dans</strong> l'urgence. Barres et tours,<br />

monotones et démesurées viennent répondre au souci de rapidité et à <strong>la</strong><br />

nécessité de construire à bas prix.<br />

La théorie fonctionnelle qui a entraîné <strong>la</strong> division spatiale <strong>des</strong> activités,<br />

traduite par le zonage, est aujourd'hui remise en cause, car elle aboutit à <strong>des</strong><br />

déséquilibres économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Selon M.<br />

RAGON (1), rien n'est pire que l'utopie qui devient réalité. Nous nous sommes<br />

très vite aperçus que p<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion sur le même p<strong>la</strong>n que le travail ou<br />

l'habitat sacrifiait <strong>la</strong> <strong>ville</strong> au seul profit de <strong>la</strong> voiture automobile. De <strong>la</strong> même<br />

façon, en supprimant <strong>la</strong> rue, <strong>les</strong> architectes <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong> ont enlevé à<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> un de ses principaux attraits ; diminuer <strong>la</strong> densité du noyau historique<br />

<strong>des</strong> cités aboutissait à faire <strong>des</strong> centres vil<strong>les</strong> de mornes déserts. A vouloir<br />

transformer <strong>une</strong> <strong>ville</strong> en parc, on <strong>la</strong> réduisait à un dortoir hygiénique. Les<br />

quartiers d'habitation sont vi<strong>des</strong> pendant <strong>la</strong> journée et <strong>les</strong> quartiers de travail<br />

sont déserts <strong>la</strong> nuit. Perte, <strong>pour</strong> ces quartiers périphériques isolés <strong>des</strong> cen-<br />

(1) Michel RAGON "L'homme et <strong>la</strong> <strong>ville</strong>" Albin Michel1975.


-- 6 --<br />

tre vil<strong>les</strong>, <strong>des</strong> animations, de <strong>la</strong> sociabilité, de <strong>la</strong> sécurité, qui constituent<br />

<strong>pour</strong>tant <strong>les</strong> qualités de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Le partage <strong>des</strong> territoires avec création de<br />

zones industriel<strong>les</strong> et de services apparaît dangereux par <strong>la</strong> segmentation<br />

spatiale, à toutes <strong>les</strong> échel<strong>les</strong>, qu'il entraîne et ne se justifie plus par <strong>la</strong> nature<br />

<strong>des</strong> activités, plus rarement nuisib<strong>les</strong> à l'environnement urbain que par le<br />

passé.<br />

Peut-on avoir <strong>une</strong> autre approche fonctionnelle qui soit moins dévastatrice<br />

<br />

Il existe <strong>une</strong> autre façon de considérer <strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong><br />

l'espace et <strong>dans</strong> le temps.<br />

- <strong>dans</strong> le temps, <strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> évoluent, disparaissent et réapparaissent.<br />

El<strong>les</strong> sont en équilibre instable et mouvant. Leur disparition physique<br />

n'entraîne pas <strong>une</strong> disparition symbolique. La forme de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, le bâti, font<br />

perdurer <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> qui ont disparu, au delà de leur durée réelle. L'enjeu<br />

est de redécouvrir <strong>les</strong> vocations profon<strong>des</strong> <strong>des</strong> territoires, qui en dépit <strong>des</strong><br />

mutations urbaines font <strong>les</strong> véritab<strong>les</strong> pérennités urbaines. Redécouverte du<br />

quartier, '


-- 7 --<br />

produire. Elle produit <strong>des</strong> effets néfastes et beaucoup de citadins semblent<br />

aujourd'hui attirés par un environnement moins dense et plus proche de <strong>la</strong> nature,<br />

comme en témoigne le développement de <strong>la</strong> rurbanisation (1).<br />

Cependant, le fait urbain se développe, et <strong>les</strong> hommes restent demandeurs<br />

de proximité et de sociabilité. La <strong>ville</strong> n'est pas un simple lieu qui supporte<br />

<strong>des</strong> activités, mais elle offre aussi un mode de vie particulier, Si <strong>les</strong><br />

personnes âgées et <strong>les</strong> enfants peu mobi<strong>les</strong> ont besoin de services de<br />

proximité, on peut dire que ceux qui n'ont pas de difficultés de dép<strong>la</strong>cement,<br />

<strong>pour</strong> <strong>des</strong> raisons de sociabilité, ont aussi besoin de ces services. Par exemple,<br />

<strong>les</strong> tentatives de travail à domicile et de livraisons aux particuliers<br />

comportent <strong>des</strong> avantages, mais contribuent à renforcer l'isolement de<br />

personnes qui dénoncent déjà l'anonymat <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>.<br />

On assiste à <strong>une</strong> volonté de réappropriation d'<strong>une</strong> urbanité qui a disparu à<br />

cause d'<strong>une</strong> concentration croissante, Les quartiers ont perdu leur autonomie<br />

du fait de <strong>la</strong> dispersion <strong>des</strong> activités, et de l'évolution <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de consommation,<br />

Ce<strong>la</strong> entraîne un déséquilibre structurel de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, et <strong>une</strong> dilution <strong>des</strong><br />

lieux fréquentés, On assiste à un éc<strong>la</strong>tement <strong>des</strong> éléments de centralité (2).<br />

La qualité de vie passe par un rééquilibrage <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, en<br />

donnant <strong>une</strong> autonomie et <strong>une</strong> mixité aux quartiers, tout en assurant <strong>des</strong> liaisons<br />

entre eux,


-- 8 --<br />

PREMIÈRE PARTIE<br />

APPROCHE DE LA NOTION DE QUALITÉ DE VIE<br />

La qualité de vie est un concept qui a pris <strong>une</strong> grande p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> <strong>les</strong> discours<br />

sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il est issu d'<strong>une</strong> prise de conscience générale <strong>des</strong> problèmes<br />

de l'environnement urbain par le grand public, auxquels l'Etat et <strong>les</strong><br />

collectivités territoria<strong>les</strong> ont tenté de répondre.<br />

Ce terme de qualité de vie est aujourd'hui couramment employé <strong>pour</strong> exprimer<br />

<strong>des</strong> réalités tellement différentes qu'il nous est apparu nécessaire de<br />

tenter un effort de définition afin de mieux le cerner.<br />

I. -DÉFINITION PAR RAPPORT A D'AUTRES NOTIONS<br />

Il est important de distinguer <strong>la</strong> notion de qualité de vie d'autres notions<br />

utilisées souvent comme <strong>des</strong> synonymes tel<strong>les</strong> que le bien-être, le niveau de<br />

vie, le cadre de vie et le mode de vie. Il sera ensuite possible de proposer <strong>une</strong><br />

définition moins floue de <strong>la</strong> qualité de vie.<br />

1°/- La notion de bien-être<br />

Pour D. LEY (1), "<strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong> vie d'un résident n'est pas <strong>la</strong> conséquence<br />

invariable de ses chances de vie ou de sa situation biographique. Les<br />

chances objectives s'enracinent <strong>dans</strong> un milieu qui peut être modifié,<br />

détourné ou amplifié par <strong>des</strong> facteurs tels que <strong>la</strong> nature de <strong>la</strong> personnalité, ses<br />

attitu<strong>des</strong>, <strong>la</strong> qualité du système de support social dont il peut bénéficier, le<br />

niveau <strong>des</strong> aspirations individuel<strong>les</strong>, l'intensité du sentiment communautaire,<br />

<strong>des</strong> valeurs religieuses, qui toutes permettent <strong>des</strong> définitions alternatives <strong>des</strong><br />

ingrédients qui contribuent au bien-être social et individuel".<br />

Cette définition est intéressante <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle décrit <strong>la</strong> complexité<br />

du concept de qualité de vie mais ne peut être suivie <strong>dans</strong> l'usage indifférencié<br />

<strong>des</strong> termes de qualité de vie et de bien-être. La notion de bien-être est<br />

<strong>une</strong> notion individuelle, subjective et personnelle qui procède d'un autojugement<br />

d'<strong>une</strong> personne sur son état personnel, en fonction de ses besoins et<br />

(1) David LEY -géographie du bien-être -PUF 1981.


-- 9 --<br />

de ses aspirations. C'est donc <strong>une</strong> donnée qu'on ne peut globaliser, ce qui<br />

rend difficile <strong>une</strong> application générale.<br />

Certains auteurs (1) ont essayé de définir <strong>une</strong> géographie du bien-être en<br />

distinguant le bien-être individuel du bien-être collectif. Leur définit ion de <strong>la</strong><br />

notion recouvre à <strong>la</strong> fois <strong>les</strong> aspirations individuel<strong>les</strong> et <strong>les</strong> rapports à <strong>la</strong><br />

société et à l'environnement mais du point de vue de l'individu. Ils ont tenté<br />

<strong>une</strong> sorte d'approche statistique du bien-être, qui vise à <strong>la</strong> satisfaction du<br />

bien-être du plus grand nombre de personnes possible.<br />

Nous préférons employer le terme de qualité de vie, moins ambitieux<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où il prend en compte <strong>des</strong> données moins personnel<strong>les</strong> qui<br />

prêtent moins à <strong>des</strong> divergences d'interprétation, et qui décrit un point de vue<br />

collectif, public, généralisable. C'est donc un concept moins fin, moins<br />

intime que le bien-être mais il est plus facilement utilisable <strong>dans</strong> le cadre de<br />

cette étude sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

2°/- La notion de niveau de vie<br />

La France, comme <strong>les</strong> autres pays industrialisés, a connu <strong>une</strong> forte croissance<br />

économique après <strong>la</strong> deuxième guerre mondiale qui s'est traduite par<br />

<strong>une</strong> augmentation du produit national brut (PNB) et donc par <strong>une</strong> hausse du<br />

pouvoir d'achat <strong>des</strong> ménages. La notion de niveau de vie est directement liée<br />

à celle de pouvoir d'achat. C'est <strong>une</strong> notion économique qui mesure <strong>une</strong> richesse<br />

susceptible d'être personnalisée (le niveau de vie d'un habitant peut<br />

être comparé à celui d'un autre) ou d'être utilisé sous forme de moyenne (le<br />

niveau de vie d'<strong>une</strong> catégorie sociale).<br />

Certains économistes, tel que M. SINGER (2), évaluent <strong>la</strong> qualité de vie<br />

en estimant <strong>la</strong> somme d'argent qui reste à un individu après avoir payé ses<br />

dépenses quotidiennes. Certes, <strong>la</strong> notion de niveau de vie n'est pas sans<br />

rapport avec <strong>la</strong> qualité de vie. C'est l'élévation du niveau de vie qui a permis<br />

aux Français d'acquérir un meilleur cadre de vie. Ainsi, <strong>les</strong> trente glorieuses<br />

se traduisent par <strong>une</strong> hausse de confort et par <strong>une</strong> recherche de qualité de vie<br />

toujours supérieure. Il ne suffit plus à un ménage de se loger, mais il faut que<br />

l'appartement soit agréable, spacieux, facile d'accès et qu'il bénéficie d'un environnement<br />

de services adaptés à ses besoins. De façon contradictoire, on<br />

peut noter que malgré l'élévation du niveau de vie, on reproche à<br />

l'urbanisation qui a accompagné <strong>la</strong> croissance économique d'avoir dégradé le<br />

cadre de vie "naturel" (avec le développement du mitage) et le cadre de vie<br />

urbain (sur-densité, absence de style architectural, etc...).<br />

C'est donc grâce à l'élévation du niveau de vie et à l'amélioration <strong>des</strong><br />

conditions matériel<strong>les</strong> de l'existence que <strong>les</strong> mentalités ont changé et que <strong>les</strong><br />

attentes <strong>des</strong> ménages se sont reportées sur <strong>des</strong> conditions de vie toujours<br />

<strong>meilleure</strong>s.<br />

Des mesures tel<strong>les</strong> que l'instauration d'un sa<strong>la</strong>ire minimum ou d'un revenu<br />

minimum d'insertion sont finalement <strong>la</strong> reconnaissance qu'un pouvoir d'achat<br />

minimum est <strong>une</strong> condition nécessaire de <strong>la</strong> qualité de vie.<br />

(1) A BAlLL Y -La géographie du bien-être, PUF -1981. (2) Cité <strong>dans</strong> BAILLY.


-- 10 --<br />

Mais cette notion ne convient pas <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle est quantitative<br />

et restrictive et n'est donc pas <strong>une</strong> condition suffisante <strong>pour</strong> permettre de décrire<br />

<strong>la</strong> qualité de vie.<br />

Des données non immédiatement quantifiab<strong>les</strong> tel<strong>les</strong> que l'environnement<br />

naturel, culturel ou commercial ne sont pas prises en compte <strong>dans</strong> le calcul<br />

du niveau de vie alors qu'el<strong>les</strong> interviennent objectivement <strong>dans</strong> l'évaluation<br />

de son niveau de vie par un individu. Il semblerait donc tout à fait<br />

raisonnable d'intégrer <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure du niveau de vie, d'autres critères que<br />

<strong>des</strong> critères financiers, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où ce n'est pas seulement un niveau de<br />

sa<strong>la</strong>ire mais aussi <strong>les</strong> potentialités de chaque <strong>ville</strong> à offrir <strong>des</strong> ressources <strong>dans</strong><br />

tous <strong>les</strong> domaines à ses habitants qui déterminent <strong>les</strong> niveaux de vie.<br />

Cette démarche quantitative peut être retenue <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle peut<br />

permettre d'é<strong>la</strong>borer <strong>des</strong> instruments de mesure susceptib<strong>les</strong> d'intégrer <strong>la</strong> qualité<br />

de vie (1).<br />

3°1- La notion de cadre de vie<br />

Ce concept tend à appréhender l'environnement immédiat d'<strong>une</strong> personne<br />

ou d'un groupe de personnes. Ce sont finalement <strong>les</strong> possibilités offertes par<br />

le milieu physique que l'on décrit, sans jugement de valeur. Le cadre de vie<br />

peut être agréable ou désagréable, urbain ou rural, mais il existe toujours<br />

alors qu'il n'y a pas toujours de qualité de vie. Le cadre de vie fait donc partie<br />

de <strong>la</strong> quotidienneté d'un individu ou d'un groupe et à ce titre, il a <strong>une</strong><br />

influence concrète et psychologique sur <strong>les</strong> habitants. Un cadre de vie<br />

agréable contribue à offrir <strong>une</strong> certaine qualité de vie, mais ce n'est pas <strong>une</strong><br />

condition suffisante.<br />

On peut aussi considérer <strong>la</strong> notion de cadre de vie par rapport à celle<br />

d'environnement en considérant <strong>la</strong> première comme un espace organisé,<br />

habité par 1 'homme, faisant l'objet d'<strong>une</strong> intégration et d'<strong>une</strong> assimi<strong>la</strong>tion,<br />

alors que l'environnement fait référence à un espace disparate qui manque de<br />

cohésion et qui relève principalement <strong>des</strong> éléments naturels (air, eau, sols...).<br />

4°/- La notion de mode de vie et de style de vie<br />

Les mo<strong>des</strong> de vie et <strong>les</strong> sty<strong>les</strong> de vie sont <strong>des</strong> concepts évolutifs qui<br />

suivent l'évolution de <strong>la</strong> société. Ils se traduisent par <strong>des</strong> comportements qui<br />

varient selon l'âge et <strong>la</strong> situation professionnelle ou familiale <strong>des</strong> personnes<br />

mais aussi selon <strong>les</strong> lieux et <strong>les</strong> époques. Les habitants <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> et<br />

ceux <strong>des</strong> petites, <strong>les</strong> personnes âgées et <strong>les</strong> sco<strong>la</strong>ires, <strong>les</strong> coup<strong>les</strong> avec enfants<br />

et <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> mono-parenta<strong>les</strong> constituent autant d'individus qui ont <strong>des</strong><br />

sty<strong>les</strong> de vie différents et qui expriment <strong>des</strong> besoins différents, auxquels <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong> doit pouvoir répondre.<br />

Si l'on considère que <strong>la</strong> qualité de vie est un concept général, il ne faut<br />

pas perdre de vue qu'elle s'adresse à <strong>des</strong> exigences variées qu'il est important<br />

de recenser et de prendre en compte.


-- 11 --<br />

Cependant, on peut considérer aujourd'hui qu'il existe un mode de vie urbain,<br />

qui s'oppose au mode de vie rural. Au moyen âge, on appe<strong>la</strong>it urbanité<br />

ce qui a <strong>les</strong> qualités de l'homme de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et par extension <strong>une</strong> "politesse où<br />

entre beaucoup d'affabilité naturelle et d'usage du monde" (1). Cette urbanité<br />

était opposée aux hommes <strong>des</strong> campagnes, considérés comme rustres et vulgaires.<br />

Ce mode de vie urbain s'est développé au fur et à mesure du mouvement<br />

général d'urbanisation, ce que d'aucuns pressentent comme un amoindrissement<br />

de l'identité rurale, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où l'on assiste à <strong>une</strong> importation<br />

<strong>des</strong> sty<strong>les</strong> de vie urbains <strong>dans</strong> <strong>les</strong> campagnes. Aussi, il est à craindre <strong>une</strong><br />

harmonisation, <strong>une</strong> «standardisation» <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de vie qui réduirait <strong>la</strong><br />

diversité <strong>des</strong> coutumes loca<strong>les</strong>.<br />

II. -CRITÈRES DE IA QUALITÉ DE VIE<br />

ET CLASSEMENTS DE VILLES<br />

1°/- La définition <strong>des</strong> critères de qualité de vie<br />

La qualité de vie est devenue un concept très popu<strong>la</strong>ire, invoqué tant par<br />

<strong>les</strong> habitants que <strong>les</strong> élus, <strong>les</strong> médias que <strong>les</strong> chercheurs.<br />

Selon l'UNESCO, <strong>la</strong> qualité de vie peut être mesurée parce qu'il existe<br />

<strong>une</strong> demande re<strong>la</strong>tivement consensuelle vis à vis <strong>des</strong> conditions<br />

d'environnement. Il serait donc possible d'évaluer, en fonction <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de<br />

vie, quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> attentes moyennes en matière de qualité de vie et <strong>dans</strong><br />

quelle mesure <strong>la</strong> réalité s'en écarte.<br />

Des chercheurs se sont penchés sur le problème de <strong>la</strong> mise au point de<br />

critères de qualité de vie et ils ont proposé un panel d'indicateurs qui permet<br />

de comparer <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> entre el<strong>les</strong>. Ce travail passe par <strong>une</strong> définition <strong>des</strong> aspects<br />

fondamentaux <strong>des</strong> conditions de vie afin d'isoler ceux qui participent à<br />

<strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong> vie. Ce<strong>la</strong> nécessite:<br />

- de définir ce qui compose <strong>la</strong> qualité de vie <strong>pour</strong> <strong>des</strong> territoires et <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions<br />

variés. Ce<strong>la</strong> implique <strong>la</strong> prise en compte et <strong>la</strong> définition de deux catégories<br />

de critères: <strong>des</strong> indicateurs objectifs qui portent sur l'environnement<br />

<strong>des</strong> individus et <strong>des</strong> indicateurs subjectifs qui décrivent <strong>la</strong> perception <strong>des</strong><br />

individus et l'auto-évaluation de leurs conditions d>existence. Les premiers<br />

utilisent <strong>les</strong> fichiers statistiques alors que <strong>les</strong> seconds sont issus d'enquêtes<br />

sociopsychologiques qui décryptent <strong>la</strong> manière dont <strong>les</strong> individus perçoivent<br />

<strong>les</strong> aspects fondamentaux de leur environnement et évaluent leur bien-être ou<br />

leur mal-être.<br />

- d'établir <strong>une</strong> méthodologie qui permette de combiner <strong>les</strong> indicateurs<br />

considérés comme révé<strong>la</strong>teurs de <strong>la</strong> qualité de vie, afin de tenir compte <strong>des</strong><br />

dimensions objectives et subjectives. Mais ce<strong>la</strong> pose <strong>des</strong> difficultés <strong>dans</strong><br />

l'attribution de coefficients à chacun <strong>des</strong> critères et <strong>dans</strong> le choix <strong>des</strong> critères.<br />

(1) Georges DUBY, préface «histoire de <strong>la</strong> France urbaine».


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De plus, il est difficile de concilier l'approche macro-géographique<br />

(indicateurs objectifs au niveau de quartiers ou de vil<strong>les</strong>) et l'approche microgéographique<br />

(indicateurs subjectifs re<strong>la</strong>tifs aux comportements individuels).<br />

Certaines recherches essayent cependant de combiner <strong>les</strong> deux types de<br />

critères; par exemple l'OCDE qui mesure l'environnement urbain, à partir de<br />

données statistiques sur <strong>les</strong> équipements publics urbain, et leur accessibilité,<br />

tout en essayant de <strong>les</strong> combiner avec <strong>des</strong> indicateurs subjectifs décrivant <strong>la</strong><br />

perception du milieu environnant par <strong>les</strong> habitants.<br />

D'autres optent <strong>pour</strong> l'un <strong>des</strong> deux critères; par exemple C. ZANIN (1)<br />

qui choisit de décrire <strong>la</strong> qualité de vie <strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> françaises en<br />

tenant compte <strong>des</strong> critères strictement objectifs, ou l'école américaine (2) qui<br />

se concentre sur quelques critères subjectifs.<br />

Les difficultés que rencontrent <strong>les</strong> chercheurs <strong>dans</strong> leur formalisation et<br />

leur quantification de <strong>la</strong> qualité de vie peuvent être illustrées avec <strong>les</strong> métho<strong>des</strong><br />

de c<strong>la</strong>ssements de vil<strong>les</strong> qui se développent aujourd'hui <strong>dans</strong> <strong>les</strong> médias..<br />

2°/- Les c<strong>la</strong>ssements de vil<strong>les</strong><br />

a) La multiplication <strong>des</strong> palmarès<br />

Deux facteurs principaux expliquent cette nouvelle mode de palmarès <strong>des</strong><br />

vil<strong>les</strong>.<br />

Le retour de <strong>la</strong> croissance économique a poussé <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> à «vendre" leur<br />

territoire, à profiter d'un développement exogène et a entraîné cel<strong>les</strong>-ci à recourir<br />

aux métho<strong>des</strong> de communication <strong>pour</strong> affirmer et mettre en valeur leur<br />

identité de <strong>ville</strong>.<br />

La décentralisation a donné notamment <strong>les</strong> moyens aux vil<strong>les</strong> de se mettre<br />

en concurrence et donc à avoir <strong>des</strong> gestions dynamiques. Les municipalités<br />

rivalisent entre el<strong>les</strong> <strong>pour</strong> offrir <strong>la</strong> <strong>meilleure</strong> image d'el<strong>les</strong>-mêmes: <strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

dynamiques, offrant <strong>des</strong> emplois, de <strong>la</strong> culture, <strong>des</strong> traditions et un<br />

environnement agréable.<br />

On assiste alors à <strong>une</strong> multiplication de c<strong>la</strong>ssements de vil<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> presse<br />

qui décrit <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus (et <strong>les</strong> moins) entreprenantes, dynamiques,<br />

performantes (selon <strong>des</strong> critères principalement économiques) mais aussi cel<strong>les</strong><br />

qui ont <strong>la</strong> <strong>meilleure</strong> qualité de vie, qui sont <strong>les</strong> plus écologiques, etc... Il est<br />

évident que <strong>pour</strong> attirer <strong>des</strong> entreprises, il est important d'offrir <strong>des</strong> conditions<br />

fisca<strong>les</strong> et financières intéressantes, un environnement dynamique, mais il faut<br />

également proposer un cadre de vie agréable, <strong>des</strong> espaces naturels et de loisirs,<br />

(1) Mme Christine Tobelem-Zanin (Maître de conférences à l'Université de Lyon, chercheur<br />

au CNRS, auditionnée par <strong>la</strong> section du Cadre de vie). Qualité de <strong>la</strong> vie et diversité <strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

françaises de plus de 50.000 habitants, thèse de troisième cycle, département de géographie de Paris<br />

1.<br />

(2) Voir à ce sujet <strong>les</strong> travaux de Campbell, Converse et Rodgers, The quality of ameriean<br />

life ; perceptions, évaluations and satisfactions NY Russel sage, 1976; ou d'Andrews et Withey,<br />

social indicators of well-being Americans perceptions of life quality, NY, 1976.


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qui soient en mesure d'assurer aux entreprises et à leurs employés potentiels<br />

<strong>une</strong> qualité de vie appréciable.<br />

b) Critique de cette méthode<br />

- Sur le choix <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>.<br />

De quelle <strong>ville</strong> parle-t-on La presse ou certains journaux font apparaître<br />

<strong>dans</strong> leur c<strong>la</strong>ssement de vil<strong>les</strong> Boulogne-Bil<strong>la</strong>ncourt et Villeurbanne et <strong>les</strong><br />

comparent à Paris et à Lyon, alors qu'el<strong>les</strong> sont parties intégrantes de ces<br />

deux agglomérations. Or il semble évident que ces deux comm<strong>une</strong>s de<br />

banlieues jouissent <strong>des</strong> agréments (et <strong>des</strong> désavantages) <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong>mères<br />

limitrophes et qu'el<strong>les</strong> sont organisées en fonction de cette proximité.<br />

Aussi est-il difficile de <strong>les</strong> traiter de façon autonome et de <strong>les</strong> comparer d'un<br />

point de vue géographique et structurel a leurs géantes voisines.<br />

- Sur <strong>la</strong> pondération <strong>des</strong> critères.<br />

Au nom de <strong>la</strong> publicité comparative, chaque <strong>ville</strong> est "adjectivée" : dynamique,<br />

agréable,... Ces adjectifs sont définis à partir de l'adjonction de quelques<br />

critères statistiques objectifs pondérés et additionnés, afin de donner <strong>une</strong> note<br />

unique à chac<strong>une</strong> <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> et en permettre ainsi le c<strong>la</strong>ssement. Certains<br />

chercheurs, comme C. ZANIN, contestent cette pondération <strong>des</strong> indicateurs et<br />

préfèrent donner à chaque thème retenu <strong>une</strong> importance identique. Il est en effet<br />

difficile d'accepter l'additivité de ces facteurs tels que le nombre de journées<br />

d'ensoleillement, <strong>la</strong> présence d'université, le nombre de bou<strong>la</strong>ngers et de sal<strong>les</strong><br />

de spectac<strong>les</strong> ou le <strong>pour</strong>centage de chômeurs qui reflètent mal <strong>la</strong> valeur<br />

marginale de certains d'entre eux. On additionne ainsi <strong>des</strong> données qui ne sont.<br />

pas forcément compatib<strong>les</strong> entre el<strong>les</strong>, <strong>pour</strong> aboutir à un adjectif flou qualifiant<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong> <strong>une</strong> échelle hiérarchique unique.<br />

- Sur le choix <strong>des</strong> indicateurs.<br />

Pour faire ses comparaisons internationa<strong>les</strong>, l'OCDE regroupe ses critères<br />

en quatre catégories: le logement (conditions d'accès et confort), <strong>les</strong> activités<br />

et l'emploi (accessibilité et qualité), le milieu ambiant (prise en compte <strong>des</strong><br />

nuisances) et l'environnement social et culturel. Le Point, <strong>dans</strong> son palmarès<br />

<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> françaises, choisit 48 critères représentatifs de <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> richesse,<br />

<strong>la</strong> sécurité, l'équipement, l'agrément et <strong>la</strong> culture. Or le choix <strong>des</strong> critères<br />

n'est pas neutre; il reflète <strong>une</strong> conception subjective de <strong>la</strong> qualité de vie, où<br />

certains aspects sont absents et d'autres deviennent prédominants, par le biais<br />

<strong>des</strong> pondérations. De même, l'impartialité <strong>dans</strong> le choix <strong>des</strong> indicateurs est<br />

utopique et l 'on verra non pris en compte certaines actions qui sont <strong>pour</strong>tant<br />

<strong>les</strong> points forts d'<strong>une</strong> politique municipale.<br />

- Sur le sens donné aux indicateurs.<br />

En terme de mobilité par exemple, comment interpréter <strong>les</strong> chiffres Estce<br />

qu'<strong>une</strong> forte mobilité implique que l'on a affaire à <strong>une</strong> <strong>ville</strong> dynamique où<br />

chacun a envie de se dép<strong>la</strong>cer car <strong>les</strong> transports sont bien organisés ou bien<br />

ce<strong>la</strong> veut-il dire que <strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> urbaines sont mal réparties sur le territoire,<br />

ou encore qu'un même dép<strong>la</strong>cement nécessite plusieurs ruptures de charge<br />

Selon l'interprétation choisie, <strong>une</strong> même <strong>ville</strong> sera considérée comme<br />

agréable ou désagréable.<br />

- Sur <strong>la</strong> démarche statistique<br />

Le problème posé par cette démarche est qu'elle obère <strong>les</strong> changements<br />

structurels, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle prend en compte <strong>des</strong> facteurs fixes, sans


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voir par ailleurs si <strong>une</strong> baisse ou <strong>une</strong> disparition n'est pas compensée par <strong>une</strong><br />

création. Ainsi de <strong>la</strong> fermeture d'<strong>une</strong> école de musique... en attendant <strong>la</strong> création<br />

d'un plus grand complexe culturel (le premier est comptabilisé alors que<br />

le second ne l'est pas).<br />

Laurent DAVEZIES (1) conclut son étude critique sur <strong>les</strong> c<strong>la</strong>ssements de<br />

vil<strong>les</strong> en montrant que s'il y a <strong>une</strong> faible convergence de résultats entre <strong>les</strong><br />

c<strong>la</strong>ssements, c'est que chaque enquête mesure <strong>des</strong> éléments de <strong>la</strong> qualité de<br />

vie différents. Les dangers de ces c<strong>la</strong>ssements sont néanmoins atténués, <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> mesure où leur nombre auto-élimine cette approche stéréotypée dont ils<br />

sont porteurs.<br />

Le principal grief qui peut être opposé au principe de hiérarchisation est<br />

qu'il ne prend pas en compte <strong>la</strong> complémentarité et l'interdépendance entre<br />

<strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, ce qui a <strong>pour</strong> effet de négliger l'insertion de <strong>la</strong> situation spécifique<br />

et fonctionnelle de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong> un ensemb1e économique urbain plus <strong>la</strong>rge.<br />

Aussi <strong>la</strong> position de Christine ZANIN, <strong>pour</strong> qui auc<strong>une</strong> hiérarchie globale<br />

ne peut être scientifiquement établie, à l'exception d'<strong>une</strong> hiérarchie par<br />

grands types, peut être soutenue.<br />

III. -DÉFINITION RETENUE DE LA QUALITÉ DE LA VIE<br />

1°/- Notion objective et subjective: milieu et représentation du milieu<br />

La notion de qualité de vie fait conjointement référence à deux dimensions<br />

: <strong>une</strong> dimension objective, le milieu et <strong>une</strong> dimension subjective, <strong>la</strong> représentation<br />

du milieu. Ces deux notions sont imbriquées et il faut garder à<br />

l'esprit que tout discours sur <strong>la</strong> qualité de vie comporte ces deux aspects.<br />

a) Le milieu<br />

Le milieu est ce qui est <strong>la</strong> donne physique sur <strong>la</strong>quelle s'inscrivent <strong>les</strong><br />

paysages, <strong>les</strong> activités <strong>des</strong> hommes. C'est un élément sur lequel on peut agir<br />

<strong>pour</strong> améliorer <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong> vie.<br />

On peut dégager trois niveaux de re<strong>la</strong>tions entre l'homme et son milieu<br />

(qu'on peut entendre ici par environnement au sens <strong>la</strong>rge) :<br />

-le milieu naturel, avec lequel l'organisme entretient <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions<br />

bio-chimiques indispensab<strong>les</strong>.<br />

-le milieu matériel, aménagé par l'homme <strong>pour</strong> y vivre. Les réalisations<br />

qu'il effectue contribueront à transformer le milieu et donc à intervenir sur <strong>la</strong><br />

1) L. DAVEZIES c<strong>la</strong>ssements de vil<strong>les</strong>. Renouveau ou déclin <strong>des</strong> analyses urbaines. Institut d'urbanisme de<br />

Paris (IUP) Paris XII, Laboratoire d'observation de l'économie et <strong>des</strong> institutions loca<strong>les</strong>, 1992.


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qualité de vie. En effet, le niveau de satisfaction d'<strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion dépend en<br />

partie du support spatial, c'est-à-dire de l'ensemble <strong>des</strong> contraintes<br />

d'imp<strong>la</strong>ntation <strong>dans</strong> l'espace qui empêchent ou favorisent l'épanouissement de<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />

- le milieu social et culturel est le troisième niveau qui se superpose aux<br />

deux premiers et qui détermine <strong>les</strong> attitu<strong>des</strong> collectives et individuel<strong>les</strong>.<br />

b) La représentation du milieu<br />

Le milieu est un élément commun à tous et <strong>pour</strong>tant il n'est pas perçu de<br />

<strong>la</strong> même manière selon <strong>les</strong> individus. Ainsi, de nombreuses variab<strong>les</strong><br />

interviennent, qui modifient <strong>la</strong> perception du milieu : l'âge, le sexe, <strong>la</strong><br />

situation familiale, <strong>la</strong> catégorie socio-professionnelle et l 'histoire<br />

individuelle de chacun sont autant de facteurs qui font varier <strong>les</strong><br />

représentations qu'ont <strong>les</strong> personnes de leur milieu.<br />

l'appréciation d'un individu sur sa qualité de vie est donc subjective, et<br />

cette subjectivité est d'autant plus complexe qu'elle fait référence à un mythe<br />

de <strong>ville</strong> idéale qui est sous-tendu derrière cette notion. Chacun a <strong>une</strong> idée de<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> Où il souhaiterait habiter, et de celle où il ne voudrait vivre <strong>pour</strong> rien<br />

au monde. On rencontre donc <strong>des</strong> difficultés si l'on veut généraliser cette<br />

subjectivité qui va de pair avec l'idée de qualité de vie.<br />

Ces perceptions sont diffici<strong>les</strong> à évaluer et à mesurer, ce qui pose un problème<br />

si l'on veut en tenir compte <strong>dans</strong> <strong>une</strong> mesure de <strong>la</strong> qualité de vie, alors<br />

que <strong>les</strong> premiers, re<strong>la</strong>tifs au milieu lui-même, sont plus facilement objectivab<strong>les</strong>.<br />

2°1. Notion inscrite <strong>dans</strong> le temps et l'espace<br />

a) L'inscription de <strong>la</strong> qualité de vie <strong>dans</strong> l'histoire<br />

La notion de qualité de vie est <strong>une</strong> notion dynamique, évolutive et re<strong>la</strong>tive.<br />

- re<strong>la</strong>tive<br />

Selon TOCQUEVILLE (1), «le mal que l'on endure patiemment tant qu'il<br />

est inévitable, devient insupportable aussitôt qu'on envisage <strong>la</strong> possibilité de<br />

l'éviter». La satisfaction correspond donc à l'écart entre <strong>les</strong> perceptions d'<strong>une</strong><br />

personne vis à vis de ce qu'elle possède et un critère quelconque de<br />

comparaison.<br />

- dynamique et évolutive<br />

Selon <strong>les</strong> époques, <strong>la</strong> qualité de vie ne recouvre pas <strong>les</strong> mêmes exigences et<br />

n'a pas <strong>la</strong> même signification. Ainsi, on évalue sa qualité de vie en fonction<br />

<strong>des</strong> progrès rapportés à <strong>une</strong> situation passée moins favorable, mais aussi en<br />

fonction <strong>des</strong> attentes issues de <strong>la</strong> potentialité d'un progrès à venir et pressenti.<br />

De même, <strong>la</strong> «dimension mythique,> du concept de qualité de vie peut inciter<br />

à regretter <strong>des</strong> "temps meilleurs>,. Le mécontentement peut donc venir, soit de<br />

(1) Alexis de TOCQUEVILLE. De <strong>la</strong> démocratie en Amérique.


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l'impression d'<strong>une</strong> régression, soit de l'impression d'<strong>une</strong> frustration par rapport<br />

à un progrès possible mais qui ne vient pas. Les individus sont partagés<br />

entre <strong>une</strong> tendance passéiste, traditionnelle, qui veut conserver l'ancien et<br />

<strong>une</strong> tendance moderniste et innovante. Le cadre de vie urbain doit tenter de<br />

répondre à ces deux tendances antinomiques.<br />

A échelle humaine, l'individu a <strong>des</strong> besoins et <strong>des</strong> exigences variab<strong>les</strong> qui<br />

évoluent tout au long de son cycle de vie, et ce indépendamment de sa<br />

subjectivité. Il y a donc <strong>des</strong> besoins objectifs qui varient à chaque âge de <strong>la</strong><br />

vie. Une <strong>ville</strong> équilibrée serait <strong>une</strong> <strong>ville</strong> ou sont présentes toutes <strong>les</strong> c<strong>la</strong>sses<br />

d'âge, qui, si el<strong>les</strong> recherchent différents environnements, doivent se voir<br />

offrir <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> équipements variés, adaptés à leurs besoins. On connaît<br />

le problème de certaines vil<strong>les</strong> du centre de <strong>la</strong> France qui voient leur<br />

popu<strong>la</strong>tion je<strong>une</strong> émigrer, faute d'emploi, leur croissance démographique<br />

chuter et leur dynamisme s'endormir. Quelle serait <strong>la</strong> solution qui permettrait<br />

d'éviter cette mobilité systématique <br />

b) L'inscription <strong>dans</strong> <strong>les</strong> lieux<br />

L'espace n'est pas un élément dominant mais il intervient comme support<br />

<strong>des</strong> activités et <strong>des</strong> flux, et surtout comme base de perception spirituelle et<br />

symbolique. En effet, l'espace n'est pas seulement matériellement autour de<br />

nous mais il est aussi perçu, vécu car ses composantes font l'objet d'<strong>une</strong><br />

assimi<strong>la</strong>tion positive ou d'un rejet par l'être humain (1).<br />

La dimension spatiale mise en valeur par <strong>la</strong> géographie et l'économie urbaines<br />

permet d'expliquer <strong>des</strong> causes de dysfonctionnement en terme de distances,<br />

d'accessibilité, d'enc<strong>la</strong>vement ou de ségrégation.<br />

Le niveau de satisfaction et donc <strong>la</strong> qualité de vie vont dépendre en partie<br />

du support spatial, c'est-à-dire de l'ensemble <strong>des</strong> contraintes d'imp<strong>la</strong>ntation<br />

<strong>dans</strong> l'espace qui empêchent ou favorisent l'épanouissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />

L'organisation territoriale traduit <strong>des</strong> conflits qui auront <strong>des</strong> incidences<br />

sur <strong>la</strong> qualité de vie et l'on observe <strong>des</strong> disparités entre <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> ainsi qu'à<br />

l'intérieur <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>, entre <strong>les</strong> quartiers. Se pose alors <strong>la</strong> question du choix de<br />

l'échelle d'observation appropriée <strong>pour</strong> étudier et <strong>pour</strong> intervenir sur <strong>la</strong> qualité<br />

de vie.<br />

Il semble que l'évolution actuelle tende vers un retour sur le local, le<br />

quartier, et dé<strong>la</strong>isse <strong>les</strong> approches fonctionnalistes qui entraînaient <strong>une</strong> vision<br />

parcel<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

CHRISTALLER (2) développe le concept de lieux centraux: à chaque niveau<br />

correspondent <strong>des</strong> types de commerces et de services <strong>des</strong>tinés à<br />

répondre facilement aux besoins <strong>des</strong> habitants de l'aire environnante, ce qui<br />

permet de minimiser <strong>les</strong> temps et <strong>les</strong> coûts de dép<strong>la</strong>cement. Ainsi, <strong>la</strong> distance<br />

qu'un consommateur accepte de parcourir dépend du type de bien en<br />

question.<br />

La qualité de vie s'apprécie donc plus justement à l'échelle d'<strong>une</strong> petite<br />

<strong>ville</strong> ou du quartier de <strong>la</strong> grande <strong>ville</strong>, unités de vie autonomes qui doivent être<br />

aménagées et équipées en vue de répondre aux besoins <strong>des</strong> habitants. Elle ne<br />

s'évalue pas en fonction de conditions nationa<strong>les</strong>, même si cel<strong>les</strong>-ci intervien-<br />

(1) Voir à ce propos l'ouvrage de Kevin Lynch "l'image de <strong>la</strong> cité» -Dunod, 1969. (2) Cité <strong>dans</strong><br />

BAILLY -La géographie du bien-être -PUF 1980.


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nent du fait de <strong>la</strong> centralisation de l'Etat, mais en fonction de conditions loca<strong>les</strong>.<br />

3°/- Les concepts clés de <strong>la</strong> notion de qualité de vie<br />

La qualité de <strong>la</strong> vie urbaine se définit par <strong>la</strong> qualité <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions entre <strong>les</strong><br />

habitants et leur milieu de vie. Sans perdre de vue l'aspect mythique et<br />

idéologique de cette notion, il apparaît intéressant <strong>dans</strong> le cadre de ce rapport<br />

de comprendre comment <strong>les</strong> désirs et <strong>les</strong> attentes <strong>des</strong> habitants sont pris en<br />

compte <strong>dans</strong> <strong>la</strong> définition de <strong>la</strong> qualité de vie et comment ils sont traduits<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> applications pratiques <strong>des</strong> projets de <strong>ville</strong>.<br />

Il existe <strong>des</strong> exigences de fond <strong>des</strong> habitants qui doivent être satisfaites,<br />

et toutes <strong>les</strong> actions en matière de qualité de vie peuvent être comprises <strong>dans</strong><br />

ce cadre. Quatre axes de réflexion sont proposés:<br />

-La diversité et <strong>la</strong> multiplicité <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> doivent être respectées. Ce<strong>la</strong><br />

permet d'éviter l'uniformité et l'ennui qu'entraîne <strong>la</strong> spécialisation. La <strong>ville</strong><br />

est depuis son origine <strong>une</strong> pluralité d'hommes et de <strong>fonctions</strong>, ce qui est<br />

source de vie, d'animation et d'imprévu et fait <strong>la</strong> spécificité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

-L'imbrication et <strong>la</strong> mixité <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> forment le complément nécessaire<br />

de <strong>la</strong> diversité. La <strong>ville</strong> est par essence un mé<strong>la</strong>nge, un brassage <strong>des</strong><br />

activités, <strong>des</strong> cultures et <strong>des</strong> paysages et c'est ce qui en fait sa richesse. Il faut<br />

donc faire cesser <strong>la</strong> division spatiale et cloisonnée <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>pour</strong><br />

parvenir à faire communiquer <strong>les</strong> éléments de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> entre eux.<br />

-La proximité et l'accessibilité <strong>des</strong> services et <strong>des</strong> hommes constituent <strong>les</strong><br />

conditions nécessaires à l'épanouissement <strong>des</strong> habitants de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et engendrent<br />

<strong>la</strong> sociabilité et <strong>la</strong> convivialité. Mais en grandissant trop vite, <strong>des</strong><br />

risques de rupture peuvent apparaître. L'organisation urbanistique de l'aprèsguerre,<br />

avec le développement <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong> et <strong>la</strong> séparation <strong>des</strong><br />

<strong>fonctions</strong>, a contribué à amplifier ce sentiment d'isolement. Dans <strong>les</strong> faits, ce<br />

n'est plus un sentiment mais <strong>une</strong> réalité. Le développement périphérique a<br />

contribué à éloigner <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>des</strong> centres et a dé<strong>pour</strong>vu ces nouvel<strong>les</strong><br />

unités urbaines de toute animation, à tel point qu'on emploie aujourd'hui le<br />

terme de banlieue <strong>pour</strong> désigner <strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s enc<strong>la</strong>vées et ennuyeuses,<br />

comme si el<strong>les</strong> n'étaient pas <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. Alors que toutes <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, qu'el<strong>les</strong><br />

soient <strong>des</strong> centres ou <strong>des</strong> banlieues, devraient offrir à leurs habitants <strong>des</strong><br />

emplois, <strong>des</strong> services, <strong>des</strong> activités et éviter l'anonymat et <strong>la</strong> solitude.<br />

-La mutabilité et <strong>la</strong> convertibilité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> doivent être respectées. La<br />

<strong>ville</strong> n'est pas <strong>une</strong> matière inerte. Tous ses éléments sont <strong>dans</strong> <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion<br />

d'interdépendance et toute action sur l'un deux a <strong>des</strong> répercussions sur <strong>les</strong> autres.<br />

Il est donc important de garantir à <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sa capacité à se transformer<br />

afin de répondre à l'évolution <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de vie et <strong>des</strong> attentes <strong>des</strong> citadins.<br />

La qualité de vie est donc un concept multi-dimensionnel, d'autant plus<br />

difficile a cerner qu'il tend à intégrer <strong>les</strong> aspirations socia<strong>les</strong> et individuel<strong>les</strong>,<br />

ainsi que <strong>les</strong> contestations conjoncturel<strong>les</strong> et structurel<strong>les</strong> de <strong>la</strong> société<br />

contemporaine. Toutes <strong>les</strong> notions énumérées interviennent et se complètent,<br />

formant un équilibre instable difficile à saisir. Il est donc important de<br />

définir <strong>une</strong> échelle d'observation et d'action appropriée. Au fur et à mesure<br />

<strong>des</strong> développements, il sera possible d'observer qu'il est plus aisé d'intervenir<br />

sur <strong>des</strong> petites échel<strong>les</strong>.


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1°/- Les vil<strong>les</strong> grecques<br />

a) Athènes, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> du citoyen<br />

La polis grecque représente <strong>la</strong> transformation d'un vil<strong>la</strong>ge en cité. Selon<br />

Lewis Mumford (1), <strong>les</strong> hommes s'y rencontrent non pas à <strong>la</strong> suite d'un<br />

concours de circonstances mais parce qu'ils sont consciemment à <strong>la</strong><br />

recherche d'<strong>une</strong> vie <strong>meilleure</strong>. Ceci explique que pendant longtemps il n'est<br />

besoin d'auc<strong>une</strong> muraille, le contrat d'association étant suffisamment fort<br />

<strong>pour</strong> garantir l'unité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. L'enceinte de <strong>la</strong> cité est protégée par <strong>les</strong><br />

Dieux qui garantissent <strong>la</strong> pérennité de .<strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

Athènes est <strong>une</strong> <strong>ville</strong> de citoyens qui participent de façon directe à <strong>la</strong> vie<br />

publique. Cet esprit de clocher <strong>des</strong> athéniens permet aussi d'expliquer le rejet<br />

de l'étranger, confiné <strong>dans</strong> <strong>les</strong> tâches ingrates, c'est-à-dire non intellectuel<strong>les</strong>.<br />

Cette situation entraîne <strong>la</strong> mise à l'écart de six individus sur sept qui n'avaient<br />

pas le privilège de <strong>la</strong> citoyenneté : esc<strong>la</strong>ves, commerçants, métèques, alors<br />

qu'ils détiennent <strong>la</strong> quasi-totalité de <strong>la</strong> puissance économique.<br />

La rencontre <strong>des</strong> deux mon<strong>des</strong>, citoyens et citadins non citoyens, avait<br />

lieu sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de l'Agora. Cet espace libre était prévu afin de permettre aux<br />

athéniens de se retrouver, de discuter et de se réunir en assemblée. Mais cet<br />

espace public qui n'avait pas de fonction précise attribuée s'est vu investi par<br />

tous <strong>les</strong> commerçants et <strong>les</strong> artisans qui pouvaient y trouver <strong>des</strong> clients.<br />

Certaines activités artisana<strong>les</strong> considérées comme nuisantes étaient<br />

cependant reléguées à l'extérieur de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

b) l'apport <strong>des</strong> cités utopiques et leurs applications <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> hellénistiques<br />

On observe <strong>dans</strong> <strong>les</strong> textes, et même <strong>dans</strong> certaines réalisations de vil<strong>les</strong><br />

hellénistiques, <strong>les</strong> prémisses de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> fonctionnaliste que l'on retrouvera<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> charte, d'ailleurs adoptée à Athènes par <strong>la</strong> ClAM (2) en 1933.<br />

La taille <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> est surveillée <strong>pour</strong> en assurer le fonctionnement<br />

harmonieux. <strong>la</strong> démocratie directe demande en effet à ce que soit respecté un<br />

certain seuil de popu<strong>la</strong>tion au <strong>des</strong>sus duquel il est impossible de faire<br />

participer tous <strong>les</strong> citoyens. Ainsi, Hippodamos de Milet conçoit <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> de<br />

10 000 habitants, seuil au-delà duquel il préconise <strong>la</strong> construction d'<strong>une</strong><br />

nouvelle unité urbaine.<br />

Le contrôle de <strong>la</strong> taille <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> accompagne celui <strong>des</strong> hommes. Pour<br />

Hippodamos, <strong>la</strong> société se compose de trois c<strong>la</strong>sses, <strong>les</strong> guerriers, <strong>les</strong> artisans<br />

et <strong>les</strong> agriculteurs, et <strong>la</strong> <strong>ville</strong> est elle-même divisée en trois espaces distincts:<br />

le territoire <strong>des</strong> Dieux, celui de <strong>la</strong> vie publique et celui de <strong>la</strong> vie privée. On<br />

retrouve cette volonté c<strong>la</strong>ssificatrice chez Aristote qui refuse l'affectation<br />

d'un même lieu à diverses <strong>fonctions</strong>, et propose de tenir l'agora politique à<br />

l'écart de l'agora commerciale.<br />

(1) Lewis MUMFORD, <strong>la</strong> cité à travers l'histoire, Seuil, 1964<br />

(2) CIAM Charte Internationale d'Architecture Moderne


-- 19 --<br />

La forme de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> s'ordonne selon <strong>des</strong> lignes géométriques.<br />

Contrairement à Athènes qui épouse <strong>les</strong> collines, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> d'Hippodamos est<br />

bâtie en lignes droites perpendicu<strong>la</strong>ires (on parle d'hippo-damier) sur un<br />

relief p<strong>la</strong>t. La régu<strong>la</strong>rité géométrique est apportée comme réponse à<br />

l'hétérogénéité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle permet de répartir<br />

rationnellement un grand nombre d'éléments disparates. Cette apologie de <strong>la</strong><br />

ligne droite peut être rapprochée <strong>des</strong> théories hygiénistes dégagées par<br />

Hippocrate <strong>dans</strong> son traité«L'eau, l'air et <strong>les</strong> sites», qui définit <strong>les</strong> grands<br />

principes de <strong>la</strong> santé publique. Les apports de l'urbanisme haussmannien<br />

trouvent ici de bien anciennes racines...<br />

2°/- La <strong>ville</strong> romaine<br />

Contrairement aux grecs qui ont pensé à construire un mur très tard, le<br />

tracé et l'édification du mur était <strong>pour</strong> <strong>les</strong> romains le premier acte de fondation<br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. La légende de Romulus et Remus nous rappelle combien<br />

l'enceinte de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> était sacrée, entendu <strong>dans</strong> le sens de quelque chose<br />

d'invio<strong>la</strong>ble, de défendu, et de vénérable.<br />

Mais <strong>une</strong> enceinte n'est pas forcément fortifiée: <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> de <strong>la</strong> pax romana<br />

n'ont pas besoin de remparts, car el<strong>les</strong> n'ont pas de stratégie défensive.<br />

Cependant, el<strong>les</strong> se dotent de portes monumenta<strong>les</strong> qui visent à marquer leur<br />

territoire et leur puissance.<br />

La vie urbaine joue un rôle unificateur qui permet au fait urbain de<br />

s'affirmer face au monde rural. Mais l'existence et l'essor de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ne sont pas<br />

séparab<strong>les</strong> de l'activité rurale productive. En effet, <strong>la</strong> cité transforme, stocke et<br />

redistribue <strong>les</strong> produits issus <strong>des</strong> campagnes. On observe donc <strong>des</strong> interre<strong>la</strong>tions<br />

très importantes entre <strong>les</strong> deux mon<strong>des</strong>. D'ailleurs, l'essentiel du<br />

commerce urbain se limite aux re<strong>la</strong>tions entre <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et son terroir. C'est ce<br />

qui fait se demander à certains historiens si <strong>la</strong> <strong>ville</strong> romaine a vraiment eu un<br />

rôle productif, ou si elle s'est limitée à transformer et à consommer <strong>la</strong> production<br />

<strong>des</strong> campagnes. Les interprétations oscillent entre <strong>la</strong> présentation d'<strong>une</strong><br />

<strong>ville</strong> parasite et celle d'<strong>une</strong> redistributrice <strong>des</strong> richesses <strong>dans</strong> <strong>les</strong> campagnes.<br />

La <strong>ville</strong> romaine se définit à <strong>la</strong> fois par le terroir sur lequel elle a autorité,<br />

et par <strong>les</strong> structures et <strong>les</strong> aménagements qui lui sont propres. Elle offre <strong>une</strong><br />

topographie régulière, souvent calquée sur un p<strong>la</strong>n orthogonal. Selon<br />

Christian Goudineau (1), <strong>la</strong> <strong>ville</strong> réunit autant de mon<strong>des</strong> séparés qu'elle<br />

compte de monuments. Ainsi, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> de l'empire romain crée <strong>des</strong> passages<br />

entre <strong>les</strong> lieux et constitue plus un réseau de circu<strong>la</strong>tion qu'un ensemble de<br />

bâtiments. Il existe <strong>des</strong> lieux de rencontre et de rassemblement, <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ces,<br />

<strong>les</strong> forums, <strong>les</strong> théâtres ou <strong>les</strong> temp<strong>les</strong>, où s'affirme l'esprit urbain.<br />

Des progrès notab<strong>les</strong> sont apportés en matière de qualité de vie. Vitruve<br />

(2), qui s'inspire d'Hippocrate, établit trois grands principes de l'architecture<br />

fonctionnelle: solidité, commodité et beauté. Les romains multiplient <strong>les</strong><br />

portiques et <strong>les</strong> galeries couvertes qui permettent <strong>les</strong> rencontres sans se<br />

soucier <strong>des</strong> intempéries. Ils installent <strong>des</strong> rue s pavées, <strong>des</strong> égouts et développent<br />

<strong>les</strong> adductions d'eau.<br />

(1) Christian GOUDINEAU Histoire de <strong>la</strong> France urbaine -Tome 1.<br />

(2) VITRUVE Des espaces urbains agréab<strong>les</strong> à vivre. Ed. Moniteur 1990.


-- 20 --<br />

La <strong>ville</strong> ignore <strong>la</strong> spécialisation <strong>des</strong> quartiers; il n'y a guère de fortes<br />

concentrations de commerces, d'artisanat ou de logements <strong>dans</strong> <strong>des</strong> zones<br />

spécifiques. Cependant, elle rejette certaines nuisances afin d'améliorer son<br />

cadre de vie. Dès cette époque, on assiste à un mouvement de dép<strong>la</strong>cement<br />

de certaines activités artisana<strong>les</strong> considérées comme nuisantes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones<br />

suburbaines. De même, certaines banlieues abritent <strong>des</strong> insu<strong>la</strong>e, immeub<strong>les</strong><br />

collectifs qui peuvent atteindre douze étages, où <strong>les</strong> habitants vivent <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

conditions d'hygiène déplorab<strong>les</strong>. Les mécanismes d'exclusion sont donc déjà<br />

présents <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> romaine. Pour Lewis Mumford, <strong>une</strong> <strong>des</strong> causes<br />

principa<strong>les</strong> de cette dégradation réside <strong>dans</strong> le fait que l'empire, soucieux de<br />

s'étendre, néglige de consolider son harmonie interne.<br />

On peut reprendre en conclusion celle de Christian Goudineau <strong>dans</strong><br />

l'histoire de <strong>la</strong> France urbaine. "La Gaule romaine ne fut pas un paradis urbain.<br />

Elle ne fut pas le siège d'<strong>une</strong> grande réussite urbaine, malgré <strong>la</strong> somptuosité<br />

apparente de certaines manifestations De grands établissements, <strong>la</strong><br />

Gaule en connut peu, mais le phénomène, malgré ces limites, devait modeler<br />

en grande partie l'avenir du pays. Il faut croire que <strong>les</strong> continuités, à partir<br />

d'un certain seuil, l'emportent, et que <strong>les</strong> établissements humains portent en<br />

eux <strong>une</strong> force qui <strong>les</strong> pousse à se conserver, quelque difficile qu'ait pu être<br />

leur naissance".<br />

II. -LA VILLE SÉCURITAIRE<br />

La cité féodale est beaucoup plus marchande et artisanale que <strong>la</strong> cité antique,<br />

mais aussi beaucoup plus nettement séparée <strong>des</strong> campagnes environnantes.<br />

1°/- <strong>la</strong> forme de <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

a) Une <strong>ville</strong> close<br />

La <strong>ville</strong> s'est constituée à l'intérieur de remparts qui protégeaient ses habitants<br />

<strong>des</strong> invasions. Cet espace clos et concentré définit <strong>une</strong> exclusion <strong>des</strong><br />

campagnes environnantes mais pouvait accueillir <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions rura<strong>les</strong> en<br />

cas de guerre. La <strong>ville</strong> affirme ainsi qu'elle est un monde à part, tout en<br />

assurant <strong>une</strong> sécurité aux popu<strong>la</strong>tions du terroir qui l'entoure.<br />

La muraille fait de <strong>la</strong> cité un véritable îlot. Au delà de son rôle stratégique,<br />

elle prend <strong>une</strong> valeur symbolique. Les hommes du moyen-âge tenaient à<br />

cette conception d'un monde parfaitement défini, entouré de murail<strong>les</strong><br />

soli<strong>des</strong>. En même temps qu'<strong>une</strong> impression de sécurité, le sentiment d'<strong>une</strong><br />

unité communautaire naissait de cet isolement. .<br />

La présence d'<strong>une</strong> enceinte limite l'urbanisation extensive, car elle enserre<br />

étroitement <strong>les</strong> agglomérations et entraîne <strong>la</strong> densification du bâti. Cependant,


-- 21 --<br />

on procédait parfois à <strong>une</strong> extension de <strong>la</strong> muraille afin que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> puisse englober<br />

ses excroissances, en général <strong>des</strong> faubourgs commerciaux.<br />

Le Moyen-Age est donc caractérisé par <strong>la</strong> densité du bâti (on densifie le<br />

plus possible avant de construire de nouvel<strong>les</strong> enceintes), et par l'absence de<br />

p<strong>la</strong>n de vil<strong>les</strong>. Pourtant, on trouve quelques exemp<strong>les</strong> de vil<strong>les</strong> p<strong>la</strong>nifiées: <strong>les</strong><br />

basti<strong>des</strong> et <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> neuves qui traduisent <strong>des</strong> idées urbanistiques simp<strong>les</strong>.<br />

p<strong>la</strong>ces centra<strong>les</strong> et rues orthogona<strong>les</strong>.<br />

Petit à petit, se dégagent <strong>des</strong> tendances <strong>dans</strong> l'urbanisme médiéval :<br />

-<strong>la</strong> propreté : le pavage <strong>des</strong> rues et <strong>la</strong> réglementation sur <strong>des</strong> ordures<br />

déversées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> rue apparaissent progressivement <strong>pour</strong> faire face à<br />

l'accroissement <strong>des</strong> déchets qui accompagne l'élévation du nombre <strong>des</strong> habitants<br />

;<br />

-<strong>la</strong> sécurité : on pressent le danger du feu car il y a beaucoup de<br />

constructions en bois, ce qui n'évitera pas de nombreux incendies;<br />

-<strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité est appliquée aux voies de communication: <strong>les</strong> rues et<br />

<strong>les</strong> p<strong>la</strong>ces, qui sont <strong>des</strong> lieux de sociabilité. Le pouvoir municipal veille à<br />

l'é<strong>la</strong>rgissement et à <strong>la</strong> rectitude <strong>des</strong> voies et <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ces;<br />

-<strong>la</strong> beauté: tout au long du moyen-âge, on voit apparaître <strong>des</strong><br />

préoccupations ornementa<strong>les</strong> de plus en plus raffinées, que ce<strong>la</strong> soit <strong>pour</strong> <strong>des</strong><br />

monuments ou <strong>pour</strong> l'ornement <strong>des</strong> faça<strong>des</strong> <strong>des</strong> maisons individuel<strong>les</strong>.<br />

b) Une <strong>ville</strong> polycentrique et polyfonctionnelle<br />

La croissance de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> s'effectue selon deux processus: développement<br />

linéaire le long d'<strong>une</strong> route ou d'<strong>une</strong> rivière; ou encore attraction par un<br />

noyau urbain ou par un édifice majeur qui sera enveloppé par <strong>des</strong> constructions<br />

nouvel<strong>les</strong>.<br />

Au lieu de se développer à partir d'un centre unique dont <strong>la</strong> périphérie se<br />

serait progressivement urbanisée, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> offre le plus souvent <strong>une</strong> structure<br />

polynucléaire composée de bourgs. Ces bourgs prennent Je nom de ruraux,<br />

monastiques ou castraux selon le centre pré-existant qu'ils complètent. A côté<br />

<strong>des</strong> bourgs apparaissent <strong>les</strong> faubourgs qui sont <strong>des</strong> excroissances que <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

finit par «digérer".<br />

Il y eut aussi création de bourgs autour <strong>des</strong> infrastructures de transport ou<br />

sur <strong>les</strong> marchés, ainsi que <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong>: au XIIème siècle apparaissent<br />

<strong>les</strong> basti<strong>des</strong> et <strong>les</strong> sauvetés qui accueillent <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>des</strong> campagnes. On<br />

parle en général de <strong>la</strong> tripo<strong>la</strong>rité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> médiévale: le pouvoir civil, le<br />

pouvoir religieux et le marché qui entraînent <strong>la</strong> constitution de trois pô<strong>les</strong> de<br />

croissance.<br />

La <strong>ville</strong> s'organise autour de rues, de p<strong>la</strong>ces, et le pouvoir <strong>la</strong>ïc s'installe à<br />

côté <strong>des</strong> églises, <strong>des</strong> hal<strong>les</strong>, <strong>des</strong> hôtels de <strong>ville</strong> ou <strong>des</strong> beffrois. La <strong>ville</strong> reçoit<br />

petit à petit <strong>des</strong> équipements qui feront d'elle un réseau de re<strong>la</strong>tions et un lieu<br />

de pouvoir. Ce rassemblement autour du pouvoir, du sacré et du commerce,<br />

ce rassemblement fixe et permanent, permettra Je développement de <strong>la</strong> Cité<br />

Etat.


-- 22 --<br />

2°/- La <strong>ville</strong> lieu de production et d'échanges<br />

Pour Henri Pirenne (1), le moteur de <strong>la</strong> croissance urbaine fut le développement<br />

de l'activité artisanale et commerciale. Ses détracteurs lui opposent<br />

cependant qu'il a bien fallu au préa<strong>la</strong>ble <strong>une</strong> croissance démographique<br />

dynamique ainsi que <strong>des</strong> excédents agrico<strong>les</strong>, <strong>pour</strong> que <strong>la</strong> croissance puisse<br />

décoller. Toutes ces causes ne sont pas antinomiques et c'est sans doute leur<br />

réunion qui a permis l'essor que l'on connaît.<br />

Les activités s'installent à l'intérieur d'<strong>une</strong> enceinte qui leur offre à <strong>la</strong> fois<br />

<strong>une</strong> protection et <strong>des</strong> débouchés <strong>pour</strong> leur production. Elle s'agrège autour<br />

<strong>des</strong> activités artisana<strong>les</strong> et commercia<strong>les</strong> (deux <strong>fonctions</strong> encore plus ou<br />

moins confondues), présentes au coeur de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ces activités, alimentées<br />

par <strong>une</strong> économie monétaire, font de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> un lieu de production et<br />

d'échanges. Le commun essor du commerce et de l'artisanat repose sur <strong>les</strong><br />

surplus ruraux et sur l'immigration paysanne.<br />

La <strong>ville</strong> médiévale n'est pas un espace indifférencié. Elle comporte <strong>des</strong><br />

quartiers bien déterminés, par exemple <strong>les</strong> métiers qui sont regroupés spontanément<br />

ou de façon autoritaire (<strong>pour</strong> <strong>les</strong> activités polluantes ou bruyantes).<br />

Ces activités sont localisées au coeur de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, et parfois le long d'<strong>une</strong> rue<br />

principale, ce qui permet aux corporations de s'entre-surveiller et d'éviter <strong>la</strong><br />

concurrence déloyale. Cette concentration est aussi favorisée par <strong>les</strong><br />

seigneurs qui veulent encadrer et disposer de cette production.<br />

Pourtant, on observe dès cette époque que certaines activités considérées<br />

comme malodorantes et malpropres sont refoulées en périphérie ou <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

bas quartiers. D'autres choisissent d'el<strong>les</strong>-mêmes cette localisation excentrée<br />

<strong>pour</strong> profiter de l'espace et <strong>des</strong> cours d'eau, ou <strong>pour</strong> être à proximité <strong>des</strong> marchés<br />

aux portes <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. En effet, l'essor de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> est expansionniste et<br />

<strong>les</strong> marchands dirigent leur production sur <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> extérieures.<br />

L'image de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> médiévale n'est cependant pas celle d'<strong>une</strong> <strong>ville</strong><br />

cloisonnée à l'intérieur. Il existe <strong>une</strong> intégration de l'activité artisanale et<br />

commerciale à l'existence <strong>des</strong> citadins. Les ateliers et <strong>les</strong> échoppes font<br />

parties de <strong>la</strong> maison et se mêlent à <strong>la</strong> vie quotidienne. Il existait un amalgame<br />

de <strong>la</strong> vie domestique et de <strong>la</strong> vie ouvrière.<br />

L'unité de lieu, du travail et de l'habitation, permettait un rapprochement<br />

<strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses socia<strong>les</strong> ainsi qu'<strong>une</strong> réduction (<strong>une</strong> absence) <strong>des</strong> distances<br />

domicile-emploi. Ainsi, l'esprit de corps et de solidarité <strong>des</strong> guil<strong>des</strong><br />

professionnel<strong>les</strong> n'était pas synonyme de cloisonnement social. <strong>la</strong> famille<br />

urbaine médiévale n'avait pas <strong>la</strong> connotation singulièrement étroite de <strong>la</strong><br />

parenté co-sanguine d'aujourd'hui; elle alliait à <strong>la</strong> cellule familiale, <strong>les</strong><br />

compagnons d'atelier et <strong>les</strong> serviteurs.<br />

Le brassage <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> avait donc comme corol<strong>la</strong>ire le brassage <strong>des</strong><br />

c<strong>la</strong>sses socia<strong>les</strong>. Cet usage éminent de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a créé un ciment essentiel de <strong>la</strong><br />

collectivité urbaine.<br />

1) Henri PIRENNE -Les vil<strong>les</strong> et <strong>les</strong> institutions urbaines -FALCAN. Bruxel<strong>les</strong>. nouvelle société<br />

d'édition -1939.


-- 23 --<br />

3° /- l'identité urbaine<br />

La muraille a un rôle militaire certain, mais elle est aussi nécessaire à<br />

l'établissement d'<strong>une</strong> conscience urbaine. Elle définit un espace d'exclusion<br />

<strong>des</strong> campagnes et permet d'affirmer <strong>la</strong> spécificité de <strong>la</strong> vie urbaine. Pour<br />

Castells, cette conscience urbaine naît de <strong>la</strong> spécificité politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>,<br />

qui définit ses frontières en tant que système social.<br />

Les chartes de franchises avaient l'allure d'un contrat social. Les vil<strong>les</strong> offraient<br />

un air de liberté et <strong>les</strong> serfs qui y résidaient plus d'un an et un jour devenaient<br />

<strong>des</strong> citoyens libres. Les va leurs de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sont <strong>des</strong> valeurs de<br />

culture et de courtoisie, par opposition au monde <strong>des</strong> vi<strong>la</strong>ins.<br />

La qualité de vie peut se définir comme <strong>une</strong> sécurité face à l'extérieur, garantie<br />

par <strong>les</strong> murail<strong>les</strong> et par <strong>une</strong> mission civilisatrice. Le brassage <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong><br />

est assuré par <strong>la</strong> densité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et entraîne de fortes re<strong>la</strong>tions de voisinage.<br />

Cette osmose entre <strong>les</strong> différents secteurs de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> médiévale peut être<br />

illustrée par <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce publique, qui constitue le creuset de l'unité urbaine et le<br />

lieu de confrontation avec <strong>la</strong> paysannerie qui se rend sur <strong>les</strong> marchés.<br />

Ce brassage <strong>des</strong> activités et <strong>des</strong> hommes ne doit cependant pas dissimuler<br />

l'existence de ségrégations. Dans <strong>les</strong> quartiers, on trouve <strong>une</strong> homogénéité<br />

sociale mais <strong>la</strong> ségrégation s'opère quand même <strong>dans</strong> l'éloignement à <strong>la</strong> rue.<br />

Avant <strong>la</strong> ségrégation verticale <strong>des</strong> immeub<strong>les</strong> haussmaniens (qui s'est<br />

d'ailleurs inversée avec <strong>la</strong> généralisation <strong>des</strong> ascenseurs; aujourd'hui, plus<br />

c'est haut et plus c'est cher, en raison de <strong>la</strong> vue et de l'ensoleillement), il<br />

existait déjà <strong>une</strong> ségrégation horizontale: plus on est pauvre et plus on habite<br />

loin de <strong>la</strong> rue. De même, certains quartiers commencent à se spécialiser <strong>pour</strong><br />

devenir <strong>des</strong> centres politiques, religieux ou marchands.<br />

III. -DE LA VILLE OUVERTE A LA VILLE INDUSTRIELLE<br />

1°/- La (re)naissance de l'urbanisme<br />

Avec <strong>la</strong> Renaissance et <strong>la</strong> naissance de l'ère moderne, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> s'ouvre. La<br />

<strong>ville</strong> ne vit plus <strong>dans</strong> un monde clos et protégé mais s'ouvre aux gran<strong>des</strong> découvertes<br />

et au progrès technique. La découverte de nouveaux mon<strong>des</strong> fait exploser<br />

l'essor commercial lequel ne connaît plus de limites géographiques avec<br />

le développement <strong>des</strong> transports. Le retour d'un état central fort fait perdre à <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong> <strong>la</strong> liberté politique qu'elle avait acquise au moyen-âge mais. lui offre <strong>des</strong><br />

libertés économiques plus lucratives qu'elle va entreprendre de développer.<br />

La <strong>ville</strong> pré-industrielle est <strong>une</strong> fédération de quartiers qui réunit <strong>des</strong> activités<br />

économiques diversifiées. On assiste donc à <strong>des</strong> programmes urbains qui


-- 24 --<br />

tentent d'unifier et de rationaliser <strong>la</strong> <strong>ville</strong> médiévale, qui ne correspond plus à<br />

l'image de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> moderne.<br />

La redécouverte <strong>des</strong> anciens (<strong>les</strong> romains et <strong>les</strong> grecs) par <strong>les</strong> humanistes<br />

et l'utilisation de nouveaux outils, en particulier <strong>la</strong> perspective, vont<br />

permettre de penser <strong>la</strong> <strong>ville</strong> de manière différente.<br />

La culture artistique de <strong>la</strong> renaissance aura donc de nombreuses répercussions<br />

sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. L'idée se développe qu'il faut é<strong>la</strong>borer un projet de <strong>ville</strong>, ou<br />

de quartier, avant d'en envisager <strong>la</strong> construction. Ce projet devra considérer<br />

<strong>les</strong> caractères de proportion et de métrique en utilisant <strong>la</strong> perspective. Ainsi<br />

apparaît l'idée d'<strong>une</strong> conception totalement intellectuelle de l'espace urbain<br />

qui peut se traduire sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nche à <strong>des</strong>sin. Les urbanistes recherchent un tracé<br />

urbain régulier, c'est à dire géométrique et symétrique, avec <strong>des</strong> effets de<br />

perspective. Le système du monument cible vient illustrer cette méthode: <strong>une</strong><br />

avenue droite, longue et <strong>la</strong>rge qui aboutit à un édifice monumental qui termine<br />

<strong>la</strong> perspective et peut ouvrir d'un autre côté vers <strong>une</strong> autre perspective.<br />

Ces nouvel<strong>les</strong> réalisations ne détruisent pas toujours l'ancien bâti. Peut-être<br />

par respect de l'ancien, sinon par économie car <strong>les</strong> coûts d'expropriation<br />

préa<strong>la</strong>b<strong>les</strong> à <strong>la</strong> rénovation urbaine sont élevés. On procède donc le plus souvent<br />

par juxtaposition, en remplissant certains espaces non bâtis qui subsistaient.<br />

Cependant, certaines situations permettent de réaliser <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> entièrement<br />

conformes aux principes en vigueur. C'est ainsi que <strong>les</strong> grands incendies de<br />

Rennes, St Dié ou Châteaudun, ont permis de reconstruire ces vil<strong>les</strong> en modifiant<br />

toute leur configuration originelle. On retrouve ce même cas de figure<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> pays conquis par <strong>les</strong> européens, en Amérique notamment, où <strong>les</strong> colons<br />

construisent, sur <strong>des</strong> espaces «vierges", <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> totalement géométriques et<br />

symétriques, retrouvant <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ns orthogonaux d'Hippodamos de Milet.<br />

Une autre possibilité de construire <strong>une</strong> <strong>ville</strong> sur mesure est offerte par <strong>les</strong><br />

souverains. Louis XIV veut quitter <strong>une</strong> capitale trop encombrée et se fait<br />

construire Versail<strong>les</strong>. Dans <strong>les</strong> quinze dernières années de son règne, il ne reviendra<br />

à Paris qu'<strong>une</strong> seule fois. Les méfaits du gigantisme sont déjà dénoncés,<br />

avec <strong>la</strong> crainte que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> meure de son propre poids. Le pouvoir royal,<br />

qui redoute <strong>des</strong> difficultés d'approvisionnement <strong>pour</strong> <strong>une</strong> si grande <strong>ville</strong>,<br />

essaie de limiter <strong>la</strong> croissance de Paris afin de ne pas en perdre le contrôle.<br />

Les solutions apportées peuvent s'exprimer en <strong>une</strong> idée qui est celle<br />

d'aérer, de c<strong>la</strong>rifier et d'augmenter <strong>la</strong> lisibilité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ce<strong>la</strong> se traduit par<br />

<strong>la</strong> volonté de répondre:<br />

-aux impératifs de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion en reliant <strong>les</strong> quartiers par <strong>des</strong> routes régulières<br />

plus <strong>la</strong>rges. Il ne faut pas oublier que le patrimoine routier médiéval<br />

se compose d'un mail<strong>la</strong>ge serré de petites rues sinueuses et sombres.<br />

-aux exigences de <strong>la</strong> santé publique. On voit se développer <strong>les</strong> discours<br />

hygiénistes qui dénoncent l'air vicié <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. Certaines activités<br />

considérées comme polluantes et insalubres, surtout cel<strong>les</strong> qui touchent à <strong>la</strong><br />

mort, à <strong>la</strong> putréfaction, sont rejetées hors de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>: <strong>les</strong> tanneurs, <strong>les</strong><br />

abattoirs, <strong>les</strong> hôpitaux, <strong>les</strong> prisons et <strong>les</strong> cimetières.<br />

La <strong>ville</strong> n'a cependant pas cessé de croître, entraînant <strong>dans</strong> son sil<strong>la</strong>ge toute<br />

<strong>une</strong> série de détracteurs qui ne cesseront jusqu'à aujourd'hui de prononcer <strong>des</strong><br />

discours naturalistes et de dénoncer <strong>les</strong> effets néfastes de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> industrielle.<br />

Pourtant, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> s'étale <strong>dans</strong> <strong>la</strong> campagne et ses frontières deviennent plus<br />

floues. Un indice de cette évolution se mesure <strong>dans</strong> le réaménagement <strong>des</strong><br />

enceintes en boulevards urbains <strong>des</strong>tinés à <strong>la</strong> promenade <strong>dans</strong> de nombreuses


-- 25 --<br />

vil<strong>les</strong> françaises (à Paris, Senlis, Reims). Mais <strong>la</strong> campagne que l'on encense<br />

est presqu'<strong>une</strong> campagne imaginaire <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle on se réfugie. L'idéal<br />

urbain <strong>la</strong>isse p<strong>la</strong>ce à un idéal pastoral. Cependant, il faut noter que <strong>pour</strong><br />

beaucoup de ruraux qui affluent vers <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, celle-ci signifie l'espoir d'<strong>une</strong><br />

ascension sociale par le travail et <strong>la</strong> vie citadine. La <strong>ville</strong>, et surtout <strong>la</strong><br />

capitale, fascine. Les je<strong>une</strong>s héros de Balzac et de F<strong>la</strong>ubert sont toujours là<br />

<strong>pour</strong> le rappeler.<br />

2°/- Les méfaits de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> industrielle<br />

Selon Lewis Mumford, c'est au XVI ème siècle que <strong>les</strong> différences de statut<br />

politique entre <strong>ville</strong> et campagne s'estompent. La campagne n'est plus un espace<br />

d'insécurité et, du fait du pouvoir central, <strong>la</strong> nob<strong>les</strong>se n'exerce plus <strong>une</strong><br />

tyrannie, à <strong>la</strong>quelle auparavant, seule,.Ia <strong>ville</strong> échappait. Sous l'égide du pouvoir<br />

royal, <strong>des</strong> industries urbaines quittent <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>pour</strong> s'installer à <strong>la</strong> campagne,<br />

où el<strong>les</strong> trouvent plus d'espace et <strong>une</strong> main d'oeuvre meilleur marché<br />

et non contrôlée par <strong>les</strong> corporations.<br />

Ainsi se forment sur <strong>les</strong> sites industriels créés de nouvel<strong>les</strong><br />

agglomérations urbaines non soumises au régime protectionniste <strong>des</strong><br />

corporations. La liberté si caractéristique <strong>des</strong> citoyens <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> médiéva<strong>les</strong><br />

ne s'acquiert plus à l'intérieur mais à l'extérieur de <strong>la</strong> cité. Ce n'est p]us <strong>une</strong><br />

liberté politique et collective, qui cherchait à s'affranchir de <strong>la</strong> contrainte<br />

féodale, mais <strong>une</strong> liberté économique et individuelle qui permet de se libérer<br />

<strong>des</strong> contraintes communautaires et d'obtenir ]a liberté du profit.<br />

La <strong>ville</strong> médiévale repliée sur elle même va ainsi s'ouvrir sur l'extérieur<br />

avec le développement <strong>des</strong> transports, du commerce et de l'industrie. Les innovations<br />

farouchement gardées par <strong>les</strong> artisans médiévaux sont popu<strong>la</strong>risées<br />

et étendues par <strong>les</strong> nouveaux capitaines d'industrie. "Préférant <strong>la</strong> spécu<strong>la</strong>tion<br />

et <strong>les</strong> innovations rentab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> sécurité et aux valeurs traditionnel<strong>les</strong>, le<br />

capitalisme ébran<strong>la</strong>it le fondement même de l'existence urbaine en faisant<br />

miroiter aux yeux de tous <strong>les</strong> perspectives de <strong>la</strong> richesse et du profit»(l).<br />

La spécu<strong>la</strong>tion foncière qui accompagne le libéralisme économique a <strong>des</strong><br />

répercussions sur le tracé de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. En effet, le territoire de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> n'est plus<br />

considéré comme un système de voisinage et de production mais comme un<br />

quadril<strong>la</strong>ge dont chaque parcelle est individuellement négociable. Toujours selon<br />

Lewis MUMFORD, "le sol urbain n'était plus, comme le travail, qu'<strong>une</strong><br />

marchandise: sa seule valeur, fonction de l'offre et de <strong>la</strong> demande, était exprimée<br />

par son prix. Traitée comme un simple conglomérat de constructions<br />

rentab<strong>les</strong>, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> pouvait s'étendre <strong>dans</strong> toutes <strong>les</strong> directions, <strong>les</strong> obstac<strong>les</strong> naturels<br />

ou <strong>les</strong> difficultés de transport constituant <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> limites".<br />

Cette attitude eut <strong>pour</strong> conséquence de négliger <strong>la</strong> <strong>des</strong>tination <strong>des</strong> immeub<strong>les</strong>.<br />

Ainsi,<strong>les</strong> bâtisseurs ne tenaient auc<strong>une</strong>ment compte de <strong>la</strong> différentiation<br />

fonctionnelle entre <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong> résidentiels, industriels, commerciaux ou<br />

administratifs, et banalisaient <strong>les</strong> éléments de confort re<strong>la</strong>tifs à chac<strong>une</strong> de<br />

ces <strong>fonctions</strong>.<br />

La croissance économique al<strong>la</strong>nt de pair avec l'accroissement démographique,<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étant à <strong>la</strong> fois <strong>une</strong> main d'oeuvre et un débouché <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

production, ce<strong>la</strong> ne pouvait qu'aboutir à <strong>la</strong> constitution de <strong>la</strong> mégalopole moderne.<br />

La recherche d'un bénéfice à court terme, <strong>la</strong> réduction <strong>des</strong> coûts de<br />

(1) Lewis MUMFORD "La cité à travers l'histoire", Seuil, 1964 (Texte de 1961), p. 524.


-- 26 --<br />

construction et <strong>la</strong> densification du bâti, ont été négatives <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où<br />

el<strong>les</strong> ont méconnu <strong>des</strong> exigences de qualité de vie élémentaires qui n'ont pas<br />

tardé à s'exprimer <strong>dans</strong> <strong>les</strong> décennies qui ont suivi.<br />

La spécu<strong>la</strong>tion foncière a aussi eu <strong>pour</strong> effet de chasser <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions<br />

ouvrières <strong>dans</strong> certains quartiers, celui <strong>des</strong> "c<strong>la</strong>sses <strong>la</strong>borieuses et<br />

dangereuses" selon l'expression de Louis Chevallier (1), ou de <strong>les</strong> rejeter en<br />

périphérie, alors que <strong>les</strong> quartiers rénovés étaient investis par <strong>la</strong> bourgeoisie<br />

et <strong>les</strong> activités commercia<strong>les</strong> ou financières. Les différentes catégories<br />

socia<strong>les</strong> se sont trouvées séparées de façon radicale.<br />

L'extension horizontale de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a eu <strong>pour</strong> corol<strong>la</strong>ire <strong>la</strong> verticalité <strong>des</strong><br />

immeub<strong>les</strong>, symbole du progrès technique en matière de construction. Ces<br />

deux facteurs cumulés ayant entraîné <strong>la</strong> congestion et <strong>les</strong> problèmes de<br />

circu<strong>la</strong>tion que l'on sait, à tel point que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion devient <strong>dans</strong> <strong>la</strong> charte<br />

d'Athènes de Le Corbusier <strong>une</strong> <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> principa<strong>les</strong> de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et que 1es<br />

nuisances actuel<strong>les</strong> de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sont principalement attribuées aux méfaits de<br />

<strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion automobile.<br />

De plus, l'accroissement de <strong>la</strong> taille de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et le rejet "hors <strong>les</strong> murs" de<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion active ont entraîné <strong>des</strong> contraintes de transport et <strong>des</strong> mobilités<br />

domicile-lieu de travail qui n'existaient pas auparavant et qui sont venues<br />

dégrader <strong>les</strong> conditions de vie <strong>des</strong> habitants de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, Le développement <strong>des</strong><br />

transports publics collectifs, omnibus, chemins de fer puis le tramway, s'ils sont<br />

venus répondre aux problèmes posés par <strong>les</strong> dép<strong>la</strong>cements, sont aussi venus<br />

justifier ce principe d'éloignement <strong>des</strong> lieux de domicile et d'emploi. La <strong>ville</strong><br />

s'est donc étendue par <strong>des</strong> extensions linéaires qui épousaient <strong>les</strong> axes de<br />

transport, de <strong>la</strong> même manière que plus tard, avec l'automobile, on assistera à<br />

<strong>des</strong> extensions anarchiques et diffuses qui mitent le paysage rural.<br />

On ne retrouvait pas ces contraintes de transport <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> monoindustriel<strong>les</strong>,<br />

avec l'aménagement de corons <strong>des</strong>tinés aux famil<strong>les</strong> de mineurs, ce<br />

que certains ont pu appeler <strong>les</strong> cités carbonifères (2). Ce type d'organisation<br />

existe <strong>dans</strong> le nord de <strong>la</strong> France, où <strong>une</strong> nébuleuse industrielle et urbaine investit<br />

le bassin houiller autour <strong>des</strong> vieil<strong>les</strong> vil<strong>les</strong> médiéva<strong>les</strong>: Lens, Denain, Douai et<br />

Valenciennes, mais aussi <strong>dans</strong> <strong>les</strong> banlieues <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> qui croissent de<br />

façon anarchique comme à Lyon, avec l'industrie métallurgique et chimique ou à<br />

Mulhouse. Ces réalisations ont introduit un système monofonctionnel contraire à<br />

toute définition de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, qui est par essence un brassage <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong>. De<br />

plus, cette concentration d'activités industrielle,s et polluantes autour <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> a<br />

entraîné l'entrée de nuisances à l'intérieur de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> introduisant un manque de<br />

p<strong>la</strong>ce et d'hygiène <strong>dans</strong> <strong>les</strong> habitations <strong>des</strong> ouvriers qui vivent quasiment sur leur<br />

lieu de travail.<br />

On assiste aux mêmes phénomènes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> où se<br />

façonnent <strong>des</strong> quartiers ouvriers et manufacturiers: à Lille, Roubaix,<br />

Tourcoing, à Lyon (le célèbre quartier <strong>des</strong> canuts), <strong>les</strong> petits ateliers du<br />

textile sont regroupés <strong>dans</strong> <strong>des</strong> quartiers qui fixent <strong>une</strong> main d'oeuvre<br />

nombreuse <strong>dans</strong> un espace étroit et insalubre.<br />

Les effets néfastes de <strong>la</strong> cité industrielle ont eu le mérite d'être tellement<br />

évidents et de prendre tant d'ampleur qu'ils ont donné lieu à <strong>une</strong> réaction de<br />

défense. L'hygiène collective demandait tellement de moyens qu'elle fut orga-<br />

(1) Louis CHEVALLIER -«c<strong>la</strong>sses <strong>la</strong>borieuses et c<strong>la</strong>sses dangereuses à Paris pendant <strong>la</strong> 1ère moitié<br />

du XIX ème siècle» -Plon -1958.<br />

(2) La coketown de Dickens <strong>dans</strong> <strong>les</strong> temps diffici<strong>les</strong>.


-- 27 --<br />

nisée par <strong>les</strong> municipalités de <strong>la</strong> seconde moitié du XIX ème siècle et appliquée<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> françaises. On se rend compte dès cette époque que<br />

certains domaines de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> doivent relever et être financés par l'initiative<br />

publique. On peut citer à cet exemple <strong>les</strong> travaux d'Haussmann, qui<br />

accompagnent <strong>la</strong> restructuration de Paris <strong>pour</strong> assainir <strong>la</strong> <strong>ville</strong>: réalisation de<br />

gran<strong>des</strong> percées séparant <strong>les</strong> flux de circu<strong>la</strong>tion, construction <strong>des</strong> égouts,<br />

p<strong>la</strong>ntation massive d'arbres d'alignement, créations de parcs et de squares,<br />

construction <strong>des</strong> fameux immeub<strong>les</strong>; toutes ces opérations ont été permises<br />

par <strong>la</strong> démolition de quartiers insalubres.<br />

C'est cependant à ce niveau que l'on peut observer l'ambivalence d'<strong>une</strong> telle<br />

démarche. Certes, <strong>les</strong> bienfaits de ces travaux se sont traduits par<br />

l'amélioration générale <strong>des</strong> conditions de vie. Ils ont cependant contribué à détruire<br />

physiquement certains quartiers, et avec eux <strong>des</strong> solidarités de voisinage,<br />

<strong>des</strong> petits métiers, finalement tout ce qui faisait <strong>la</strong> sociabilité de <strong>la</strong> grande<br />

<strong>ville</strong>. De plus, <strong>une</strong> grande partie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion «déportée" s'est réfugiée <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> "Zone», vaste terrain vague autour <strong>des</strong> fortifications, où elle retrouvait <strong>des</strong><br />

conditions de vie précaire tout en perdant <strong>les</strong> bénéfices de <strong>la</strong> centralité.<br />

IV. -LES LEÇONS DE L'HISTOIRE<br />

La rapidité de l'industrialisation a entraîné <strong>une</strong> accélération <strong>des</strong> mutations<br />

quI ne pouvait que provoquer <strong>des</strong> déséquilibres.<br />

La spécialisation <strong>des</strong> quartiers, si elle n'est pas récente, s'est cependant<br />

accentuée après <strong>la</strong> révolution industrielle et <strong>la</strong> division du travail qu'elle a induit.<br />

La croissance <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> et l'industrialisation ont eu <strong>pour</strong> effet de<br />

bouleverser le paysage urbain. La répartition <strong>des</strong> activités sur le territoire de<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> a été profondément modifiée. L'éc<strong>la</strong>tement entre <strong>les</strong> lieux de travail,<br />

d'habitation, de commerce et de loisir a entraîné <strong>une</strong> perte de <strong>la</strong> conscience<br />

urbaine. La p<strong>la</strong>ce croissante attribuée à <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion, dont le volume <strong>des</strong><br />

flux a grandi avec l'extension de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et de sa banlieue, a négligé un<br />

besoin essentiel de l'homme, l'appropriation de l'espace qui seule, permet<br />

l'affirmation d'<strong>une</strong> identité sociale et culturelle et procure le sentiment<br />

d'appartenance à un groupe.<br />

Elle a aussi négligé l'espace public, agora, forum, p<strong>la</strong>ces puis jardins<br />

qui étaient <strong>pour</strong>tant, depuis l' antiquité, lieux d'expression de l'urbanité et qui<br />

assuraient un brassage <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong>.<br />

Elle a aussi modifié <strong>les</strong> éléments de <strong>la</strong> centralité urbaine. Si le centre du<br />

pouvoir féodal fut le château fort et l'église, le développement de <strong>la</strong><br />

bourgeoisie et du commerce lui ajoutèrent <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du marche. Aujourd'hui,<br />

lorsque l'on parle de centre-<strong>ville</strong>, en particulier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong>, il<br />

semble que ce<strong>la</strong> évoque le centre commercial, aménagé et couvert <strong>pour</strong><br />

devenir un espace de rencontre et de loisirs, prenant parfois le nom de son<br />

ancêtre romaine, l'agora.<br />

Enfin, elle a contribué à éloigner <strong>les</strong> citadins de <strong>la</strong> campagne. Les vil<strong>les</strong> se<br />

sont étendues <strong>dans</strong> <strong>la</strong> ruralité environnante, ce qui a contribué à faire perdre à


-- 28 --<br />

<strong>la</strong> dichotomie historique rural-urbain beaucoup de sa pertinence. La<br />

densification du bâti par le remplissage <strong>des</strong> espaces libres, cours intérieures<br />

et jardins, a participé à cet éloignement de <strong>la</strong> nature, qui n'est plus à <strong>la</strong> portée<br />

du citadin et qui est idéalisée.<br />

L'extension de l'urbanisme et <strong>la</strong> densification qui l'accompagne se traduisent<br />

donc par <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction <strong>des</strong> aménagements naturels et par <strong>la</strong> dégradation<br />

d'<strong>une</strong> certaine image de <strong>la</strong> qualité de vie. Même si l'on s'est débarrassé de certaines<br />

nuisances en termes de salubrité ou de confort, <strong>la</strong> nouvelle organisation<br />

urbaine en a fait naître de nouvel<strong>les</strong> qui n'ont rien à envier aux précédentes.<br />

L'approche historique permet de re<strong>la</strong>tiviser <strong>la</strong> responsabilité attribuée aux<br />

seu<strong>les</strong> années d'après-guerre. Il n'a pas existé de vil<strong>les</strong> parfaites et l'on trouve<br />

<strong>des</strong> racines du mal dès l'antiquité: il ya toujours eu <strong>des</strong> exclusions.<br />

Cependant, celui qui ignore l'histoire risque de devoir <strong>la</strong> revivre. Il faut<br />

donc se servir de cette connaissance historique <strong>pour</strong> mieux comprendre <strong>les</strong><br />

problèmes qui sont posés et éviter de reproduire <strong>les</strong> mêmes erreurs. on sera<br />

alors possible de distinguer <strong>la</strong> part de l'évitable et celle de l'inévitable.<br />

C'est <strong>dans</strong> cette optique que sera abordée <strong>la</strong> partie sur <strong>les</strong> politiques urbaines.


-- 29 --<br />

TROISIÈME PARTIE<br />

LES TYPES DE REPONSES APPORTEES<br />

AUX DYSFONCTIONNEMENTS URBAINS<br />

I. -ORIGINE ET DÉTERMINATION<br />

DES DYSFONCTIONNEMENTS URBAINS<br />

AU XX e<br />

A. -L'ACCÉLERATION DE L'URBANISATION<br />

SIECLE ET SES CONSÉQUENCES SUR LE PAYSAGE URBAIN<br />

1°/- Les causes de l'urbanisation croissante<br />

a) Les causes démographiques<br />

-L'accroissement naturel: Le baby-boom d'après-guerre s'est prolongé<br />

jusqu'en 1964. Il a eu <strong>des</strong> répercussions importantes sur <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>. Les nouvel<strong>les</strong><br />

générations ont massivement décohabité <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années soixante et<br />

soixante-dix et sont devenues demandeurs d'emplois et de logements urbains.<br />

-L'exode rural. Cette tendance déjà amorcée depuis le dix-neuvième<br />

siècle se <strong>pour</strong>suit et s'accélère après 1945. Entre 1954 et 1975, <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s<br />

rura<strong>les</strong> perdent 1 540 000 habitants. L'amélioration de <strong>la</strong> productivité<br />

agricole permet de libérer <strong>des</strong> bras et <strong>la</strong> croissance économique attire de<br />

nombreux paysans qui viennent chercher <strong>des</strong> emplois industriels puis<br />

tertiaires à <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

-Suite à <strong>la</strong> décolonisation, <strong>les</strong> rapatriements <strong>des</strong> Français <strong>dans</strong> <strong>la</strong> métropole,<br />

et en particulier après 1962 à <strong>la</strong> suite de l'indépendance de l'Algérie,<br />

entraînent un flux massif et rapide de popu<strong>la</strong>tion qu'il faut loger de toute urgence.<br />

-Pour <strong>les</strong> besoins de <strong>la</strong> production de masse <strong>des</strong> «trente glorieuses», il est<br />

fait appel à <strong>la</strong> main d'oeuvre étrangère, peu qualifiée et faiblement rémunérée.


-- 30 --<br />

Cette arrivée de popu<strong>la</strong>tion s'accompagne du regroupement familial <strong>des</strong> travailleurs<br />

immigrés, autorisé à <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> années soixante-dix.<br />

b) Les causes économiques<br />

La croissance économique s'accompagne d'un afflux <strong>des</strong> travailleurs vers<br />

<strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, en particulier <strong>les</strong> gran<strong>des</strong>. Sources d'emploi, <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

offrent aussi <strong>des</strong> formations de haut niveau qui drainent <strong>les</strong> futurs actifs. Ce<br />

mouve ment a contribué à renforcer <strong>la</strong> métropolisation et à provoquer <strong>des</strong><br />

déséquilibres entre <strong>les</strong> territoires.<br />

2°/ -Les chiffres de l'urbanisation<br />

La tendance c<strong>la</strong>irement esquissée au XIX ème siècle s'est accélérée <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

seconde moitié du XX ème . Alors qu'en 1846, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion urbaine représente<br />

25 % de l'ensemble, elle atteindra 50 % en 1928, 53,2 % après <strong>la</strong> seconde<br />

guerre mondiale et enfin en 1982, 73,4 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion totale.<br />

L'urbanisation de notre pays est donc récente: de 1945 à 1975, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

urbaine a autant augmenté que l'ensemble de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française de 1789<br />

à 1950.<br />

La construction de logements neufs s'accélère <strong>pour</strong> accompagner <strong>la</strong><br />

hausse de <strong>la</strong> demande de logements: 115 000 en 1953 et 422 000 en 1967.<br />

3°/- L'inégale répartition de <strong>la</strong> croissance urbaine sur le territoire<br />

Cette explosion de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion urbaine ne s'est pas produite harmonieusement<br />

sur tout le territoire.<br />

Ainsi, <strong>la</strong> Commission de l'aménagement et du cadre de vie <strong>pour</strong> le VII ème<br />

p<strong>la</strong>n de 1972 montrait <strong>la</strong> répartition de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française: 1/5 ème <strong>dans</strong><br />

<strong>les</strong> zones rura<strong>les</strong>, 1/5 ème <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones urbaines de moins de 100 000 habitants,<br />

2/5 ème <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones urbaines de plus de 100 000 habitants et 1/5 ème<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> région parisienne. Entre 1982 et 1990, l'Ile-de-France a absorbé 35 %<br />

de <strong>la</strong> croissance démographique nationale et 40 % <strong>des</strong> créations d'emploi.<br />

4°/- Le paysage urbain hérité de <strong>la</strong> croissance urbaine de l'après-guerre<br />

Le phénomène <strong>des</strong> banlieues ne date pas de l'après-guerre. Déjà <strong>dans</strong><br />

l'empire romain, <strong>les</strong> historiens décrivent <strong>les</strong> mauvaises conditions de vie <strong>des</strong><br />

péri-urbains que l'on entasse <strong>dans</strong> <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong> collectifs, <strong>les</strong> insu<strong>la</strong>e. On<br />

retrouve ces dysfonctionnements tout au long de l'histoire urbaine, avec plus<br />

ou moins d'acuité, voire même de façon permanente <strong>dans</strong> <strong>la</strong> seconde moitié<br />

du XIX ème siècle.<br />

Cependant, <strong>la</strong> nouveauté réside <strong>dans</strong> l'accroissement de <strong>la</strong> taille <strong>des</strong><br />

vil<strong>les</strong> et de leurs banlieues. En effet, plus <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> sont gran<strong>des</strong> et plus<br />

s'étendent leurs aires d'influence, ce qui entraîne un allongement moyen <strong>des</strong><br />

distances à parcourir. Ce qui posait déjà <strong>des</strong> problèmes à <strong>une</strong> échelle réduite<br />

va s'aggraver avec <strong>les</strong> phénomènes de concentration humaine et urbaine.


-- 31 --<br />

Les banlieues ont vu leur périmètre augmenter avec le besoin croissant<br />

d'espace, le développement <strong>des</strong> moyens de transport et <strong>la</strong> concentration <strong>des</strong><br />

activités industriel<strong>les</strong> puis tertiaires <strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong>, Les centres-vil<strong>les</strong><br />

ne pouvant répondre à <strong>la</strong> demande de logement, <strong>des</strong> conceptions nouvel<strong>les</strong> en<br />

matière d 'habitat ont fait leur apparition.<br />

a) L'habitat pavillonnaire<br />

Au XIX ème siècle, <strong>la</strong> maison hors <strong>la</strong> <strong>ville</strong> était l'apanage <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses aisées.<br />

Cel<strong>les</strong>-ci se faisaient construire <strong>des</strong> résidences secondaires où el<strong>les</strong> pouvaient<br />

fuir <strong>les</strong> nuisances de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. La ligne de Saint Germain en Laye a été <strong>la</strong> première<br />

ligne de chemin de fer qui emmenait <strong>la</strong> nob<strong>les</strong>se puis <strong>la</strong> haute<br />

bourgeoisie vers leurs résidences champêtres. Ce privilège s'est petit à petit<br />

démocratisé. Grâce à <strong>la</strong> loi Loucheur, <strong>une</strong> partie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion plus<br />

mo<strong>des</strong>te quitta le centre <strong>pour</strong> acquérir <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> et le petit1ardin de banlieue, à<br />

titre d'habitat permanent, moyennant <strong>une</strong> réduction de <strong>la</strong> taille <strong>des</strong> parcel<strong>les</strong><br />

sous l'impulsion <strong>des</strong> propriétaires et <strong>des</strong> spécu<strong>la</strong>teurs fonciers.<br />

Dans l'entre-deux guerres et surtout après 1945, cette évolution se <strong>pour</strong>suit<br />

et se systématise. Les terrains sont découpés en parcel<strong>les</strong> de plus en plus<br />

petites et sans considération <strong>pour</strong> <strong>les</strong> équipements. La revente <strong>des</strong> lots est organisée,<br />

soutenue par d'amp<strong>les</strong> campagnes publicitaires qui vantent <strong>les</strong><br />

mérites de <strong>la</strong> vie en banlieue.<br />

Ces lotissements pavillonnaires d'architecture monotone sont <strong>des</strong> grands<br />

consommateurs d'espace. Mal intégrés à <strong>la</strong> vie locale, construits souvent sur<br />

un modèle trop uniforme, ils vont contribuer à dégrader et à miter le paysage<br />

rural. De plus, l'absence de prise en compte <strong>des</strong> besoins en matière<br />

d'équipements collectifs va rendre leur popu<strong>la</strong>tion tributaire <strong>des</strong> centresvil<strong>les</strong><br />

et <strong>des</strong> transports qui lui permet d'y accéder,<br />

Rien n'est prévu non plus <strong>pour</strong> aménager <strong>des</strong> espaces de sociabilité, ce<br />

qui va renforcer le sentiment d'isolement et de solitude, et l'individualisme se<br />

retournera contre ceux qui cherchaient à acquérir un peu de liberté.<br />

b) Le fonctionnalisme et <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong> collectifs<br />

Ces immeub<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> héritiers <strong>des</strong> insu<strong>la</strong>e romaines et <strong>des</strong> immeub<strong>les</strong><br />

de rapport haussmanniens. Leur verticalité permettant de faire <strong>des</strong> économies<br />

de terrain, ils apparaissent comme <strong>une</strong> solution nécessaire et adaptée à <strong>la</strong> demande<br />

urgente de logements. Ces opérations immobilières ont ainsi permis<br />

de réaliser un parc de trois millions de logements.<br />

Alors que <strong>les</strong> pouvoirs publics militent encore <strong>pour</strong> le développement de<br />

1'habitat pavillonnaire et <strong>les</strong> cités jardins, <strong>les</strong> signataires de <strong>la</strong> Charte d'Athènes<br />

instituent l'immeuble collectif comme panacée. Dans <strong>la</strong> lignée <strong>des</strong> utopies urbaines<br />

héritées <strong>des</strong> Grecs, ils proposent <strong>une</strong> vision quadri-fonctionnelle de <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong>. Selon eux, l'urbanisme doit répondre à quatre <strong>fonctions</strong>: habiter, travailler,<br />

cultiver le corps et l'esprit et circuler. Ils proposent un découpage rationnel du<br />

territoire de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, où chaque partie se voit attribuer <strong>une</strong> <strong>des</strong> quatre <strong>fonctions</strong>.<br />

Le fonctionnalisme se veut <strong>une</strong> théorie scientifique. Pour Le Corbusier, il doit<br />

répondre à <strong>la</strong> nécessité d'organiser rationnellement <strong>les</strong> espaces et d'uniformiser<br />

<strong>les</strong> cadres de vie. Conscient <strong>des</strong> nuisances de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> industrielle dont le<br />

vingtième siècle a hérité, Le Corbusier veut libérer l'homme <strong>des</strong> contraintes de<br />

<strong>la</strong> technique en soumettant celle-ci au service de l'homme.


-- 32 --<br />

Le grand ensemble est l'incarnation <strong>des</strong> théories fonctionnalistes en matière<br />

d'habitat.<br />

Les appartements sont soignés. Bien insonorisés, ils sont conçus <strong>pour</strong> le<br />

mode de vie de <strong>la</strong> famille moderne. Chacun bénéficie de sa totale liberté <strong>dans</strong><br />

sa cellule d'habitation tout en profitant <strong>des</strong> richesses de <strong>la</strong> vie collective. Les<br />

tours et <strong>les</strong> barres sont entourées d'espaces aménagés en équipements de services<br />

et de loisirs. La rue, devenue domaine de l'automobile, ne pénètre pas<br />

<strong>dans</strong> cet oasis de verdure où tous <strong>les</strong> aménagements sont prévus <strong>pour</strong><br />

l'agrément <strong>des</strong> personnes et <strong>les</strong> loisirs <strong>des</strong> enfants.<br />

La réalité ne fut cependant pas aussi "radieuse" que l'imaginaient Le<br />

Corbusier et <strong>les</strong> autres tenants du style international. Pour faire face aux carences<br />

de logements qui ont suivi <strong>les</strong> <strong>des</strong>tructions de <strong>la</strong> guerre et l'afflux<br />

massif de popu<strong>la</strong>tion." vers <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> pouvoirs publics se sont emparés du<br />

concept d'immeuble collectif et <strong>les</strong> ont dissémines autour <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>, <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

célèbres ZUP (1). Comme on avait fait <strong>des</strong> écono mies sur <strong>la</strong> taille <strong>des</strong> parcel<strong>les</strong><br />

<strong>des</strong> pavillons, on a fait <strong>des</strong> économies sur <strong>la</strong> construction <strong>des</strong> tours et<br />

<strong>des</strong> barres' <strong>les</strong> matériaux utilisés étaient de qualité médiocre, <strong>les</strong> sites choisis<br />

mal équipés et mal <strong>des</strong>servis,...<br />

De plus, l'idée de créer <strong>une</strong> <strong>ville</strong> abstraite parfaite, et qui conviendrait à<br />

tous <strong>les</strong> hommes -<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle est universelle-, sans tenir compte<br />

de l'histoire et de <strong>la</strong> mémoire <strong>des</strong> lieux s'est révélée être <strong>une</strong> utopie, par<br />

définition, inaccessible. Les vil<strong>les</strong> et <strong>les</strong> hommes ne peuvent se réduire à un<br />

principe de fonctionnement unique ou généralisable. Les dysfonctionnements<br />

que ces réalisations ont entraînés seront étudiés, plus avant <strong>dans</strong> ce rapport.<br />

B -LE CONTEXTE DE L'URBANISATION :<br />

LA HAUSSE DU NIVEAU DE VIE ET LA NAISSANCE<br />

D'UNE DEMANDE EN TERMES DE QUALITE DE VIE<br />

1°/- La hausse du niveau de vie<br />

Selon l'INSEE, <strong>la</strong> consommation a connu <strong>une</strong> croissance sans précédent<br />

entre l'immédiat après guerre et <strong>la</strong> crise <strong>des</strong> années soixante-dix. Elle a plus<br />

que quadruplé. Entre 1950 et 1985, le sa<strong>la</strong>ire net moyen a été multiplié par<br />

30, alors que ies prix ne l'ont été que par dix, ce qui a entraîné un triplement<br />

du pouvoir d'achat.<br />

Cette hausse du niveau de vie a été générale <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où elle a touché<br />

toutes <strong>les</strong> c<strong>la</strong>sses socia<strong>les</strong>. Ainsi, on a pu observer un resserrement de<br />

l'éventail <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>ires, en même temps qu'<strong>une</strong> uniformisation <strong>des</strong> conditions<br />

de vie.<br />

La structure de <strong>la</strong> consommation globale en a été modifiée. En effet, <strong>la</strong><br />

part <strong>des</strong> biens «inférieurs» re<strong>la</strong>tifs aux besoins de base, à l'exception du loge-<br />

(1) ZUP : Zone à urbaniser en priorité.


-- 33 --<br />

ment, se nourrir, et se vêtir, décroît, alors que celle <strong>des</strong> biens dits<br />

"supérieurs", <strong>les</strong> loisirs, <strong>la</strong> santé, <strong>les</strong> transports, augmente. La quasi totalité<br />

<strong>des</strong> ménages est équipée en biens durab<strong>les</strong>, l'automobile, l'électroménager, <strong>la</strong><br />

télévision, et accède à un certain standing de vie.<br />

Cette élévation <strong>des</strong> conditions matériel<strong>les</strong> de vie s'accompagne d'un<br />

effort soutenu de l'Etat en matière d'enseignement et de culture. L'accès<br />

égalitaire à ces domaines relève d'<strong>une</strong> préoccupation étatique prônée par <strong>les</strong><br />

constitutions de 1946 et de 1958.<br />

2°/- L'expression d'un mécontentement et <strong>les</strong> revendications<br />

en matière de qualité de vie<br />

Cette démocratisation de <strong>la</strong> con;1aissance et d'un certain standing de vie<br />

va faire se reporter <strong>les</strong> revendications sur <strong>des</strong> préoccupations plus<br />

qualitatives. Les mutations économiques qui avaient permis au confort<br />

intérieur de se développer ont permis <strong>des</strong> mutations socia<strong>les</strong> et l'émergence<br />

d'<strong>une</strong> conscience collective autour <strong>des</strong> problèmes posés par <strong>une</strong> urbanisation<br />

massive. Les normes de confort s'étant a peu près homogénéisées <strong>pour</strong> tous,<br />

c'est l'environnement du logement qui devient <strong>une</strong> préoccupation collective,<br />

puis l'environnement au sens <strong>la</strong>rge.<br />

Les valeurs de <strong>la</strong> société se sont transformées et le droit à un environnement<br />

de qualité commence à émerger. L'accès à <strong>des</strong> conditions de vie matériel<strong>les</strong><br />

plus avantageuses fait se dép<strong>la</strong>cer le débat sur <strong>la</strong> qualité de vie et de<br />

nombreuses protestations s'élèvent, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> lignée <strong>des</strong> mouvements de mai<br />

soixante-huit, <strong>pour</strong> dénoncer <strong>les</strong> atteintes portées à l'environnement par<br />

l'urbanisme extensif.<br />

C. -LES PRINCIPAUX DYSFONCTIONNEMENTS :<br />

LES REVERS D'UNE URBANISATION RAPIDE ET MASSIVE<br />

101- Le mal <strong>des</strong> banlieues<br />

Nombreuses sont <strong>les</strong> origines <strong>des</strong> difficultés que rencontrent <strong>les</strong><br />

banlieues. El<strong>les</strong> trouvent leurs racines <strong>dans</strong> l'urbanisation massive et rapide<br />

<strong>des</strong> années soixante, réalisée, <strong>la</strong> plupart du temps, <strong>dans</strong> l'ignorance et ]a<br />

méconnaissance, par <strong>les</strong> décideurs, de l'organisation de l'espace <strong>dans</strong> un<br />

souci de qualité de vie. En outre, l'urgence et l'ampleur de <strong>la</strong> demande de<br />

logements a contribué à créer <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong> souvent mal intégrés<br />

<strong>dans</strong> leur environnement immédiat, utilisant parfois <strong>des</strong> matériaux bon<br />

marché ou faisant appel à <strong>des</strong> techniques peu appropriées, négligeant <strong>les</strong><br />

conditions de vie élémentaires d'<strong>une</strong> société par ailleurs en plein essor.<br />

Toutes <strong>les</strong> banlieues ne sont pas ma<strong>la</strong><strong>des</strong>. Certaines sont bien portantes,<br />

d'autres en conva<strong>les</strong>cence. Mais <strong>les</strong> problèmes qui se posent <strong>dans</strong> certaines<br />

cités sont d'abord suffisamment importants <strong>pour</strong> être préoccupants et exiger<br />

<strong>une</strong> réflexion. Par ailleurs, ces mêmes problèmes risquent d'apparaître <strong>dans</strong><br />

<strong>des</strong> banlieues qui semblent encore "saines". On retrouve <strong>les</strong> mêmes<br />

difficultés presque partout, <strong>la</strong> différence n'étant pas structurelle mais<br />

conjoncturelle.


-- 34 --<br />

La hausse générale mais inégale <strong>des</strong> pouvoirs d'achat et <strong>les</strong> conditions de<br />

vie <strong>dans</strong> <strong>les</strong> banlieues ont sans doute eu un impact déterminant sur <strong>la</strong> montée<br />

<strong>des</strong> protestations à <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> années soixante-dix puis de <strong>la</strong> violence <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

années quatre-vingts. Le mal <strong>des</strong> banlieues peut se décrire comme le cumul<br />

de handicaps, le résultat d'exclusions de toutes sortes et prend l'allure d'<strong>une</strong><br />

spirale infernale: chômage -baisse <strong>des</strong> revenus -échec sco<strong>la</strong>ire -insécurité -<br />

enc<strong>la</strong>vement.<br />

Les exigences premières en matière de qualité de vie font gravement défaut<br />

tel<strong>les</strong> que:<br />

a) Le respect de <strong>la</strong> mixité et de l'imbrication <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong><br />

Les grands ensemb<strong>les</strong> sont <strong>des</strong> "machines à habiter" d'un même type, qui ne<br />

côtoient pas d'autres mo<strong>des</strong> d'habitation.<br />

Tous <strong>les</strong> habitants du grand ensemble dorment <strong>dans</strong> le grand ensemble mais<br />

n'y travaillent pas, ne vont ni au restaurant ni au cinéma. Le grand ensemble est<br />

monofonctionnel. Tout ce qui fait <strong>la</strong> richesse de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, c'est-à-dire l'imbrication<br />

<strong>des</strong> <strong>fonctions</strong>, est absent: <strong>les</strong> activités commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong>, <strong>les</strong> services<br />

publics et <strong>les</strong> loisirs, <strong>les</strong> parcs et <strong>les</strong> cafés... Il faut <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> se dép<strong>la</strong>cer. Or ces<br />

dép<strong>la</strong>cements sont souvent très diffici<strong>les</strong> <strong>pour</strong> ces quartiers enc<strong>la</strong>vés.<br />

b) Le respect de <strong>la</strong> proximité et de l'accessibilité<br />

Les équipements initiaux prévus par <strong>la</strong> procédure <strong>des</strong> ZUP n'ont pas été<br />

réalisés, faute de moyens. Même <strong>les</strong> services publics sont parfois absents.<br />

Puisque rien n'est à proximité, <strong>les</strong> habitants se dép<strong>la</strong>cent vers <strong>les</strong> centres,<br />

que ce soit <strong>pour</strong> travailler, consommer ou se divertir.<br />

Ici se pose un premier problème qui est celui <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions peu ou non<br />

mobi<strong>les</strong>. Certains ont discouru sur l'abolition <strong>des</strong> distances permise par le<br />

progrès <strong>des</strong> transports et <strong>des</strong> télécommunications. Il reste néanmoins que certains<br />

services ou équipements essentiels doivent être disponib<strong>les</strong> à proximité,<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>les</strong> personnes «mobi<strong>les</strong>» considèrent qu'il est anormal de se<br />

dép<strong>la</strong>cer sur de longues distances <strong>pour</strong> accéder à certains besoins fondamentaux,<br />

et quant aux «non mobi<strong>les</strong>», (<strong>les</strong> personnes âgées, <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s sans moyens de<br />

locomotion, <strong>les</strong> personnes handicapées ainsi que cel<strong>les</strong> à faib<strong>les</strong> ressources), ce<br />

refus se transforme en <strong>une</strong> incapacité réelle d'effectuer ces dép<strong>la</strong>cements.<br />

Un second problème, qui concerne tous <strong>les</strong> habitants, est l'enc<strong>la</strong>vement.<br />

Le quartier est non seulement isolé de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> mais de surcroît mal <strong>des</strong>servi.<br />

L'inaccessibilité du centre est d'autant plus prégnante que de nombreux grands<br />

ensemb<strong>les</strong> sont au milieu de gran<strong>des</strong> infrastructures de transport dont <strong>les</strong> possibilités<br />

de franchissement ne sont pas toujours prévues et relèvent sinon de<br />

l'impossible, du moins de l'aventure. Ils entraînent nuisances, pollutions et<br />

bruit, qui s'ajoutent à cel<strong>les</strong>, nombreuses, qui ont déjà été évoquées.<br />

Cette mise à l'écart physique se double d'<strong>une</strong> mise à l'écart économique et<br />

psychologique.<br />

La crise a <strong>des</strong> effets très graves sur cette popu<strong>la</strong>tion professionnellement<br />

fragile et entraîne de nombreux cas de chômage de longue durée. Pour beau-


-- 35 --<br />

coup d'habitants, l'emploi est aussi inaccessible, ce qui leur donne<br />

l'impression d'être <strong>des</strong> <strong>la</strong>issés-<strong>pour</strong>-compte.<br />

Ce sentiment est renforcé par <strong>la</strong> méconnaissance que <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong><br />

Français ont de <strong>la</strong> réalité <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong>. Or <strong>la</strong> médiatisation <strong>des</strong> crises<br />

violentes qui contribue à créer un sentiment de peur et de méfiance se retourne<br />

contre ceux qui, déjà marginalisés, se sentent incompris, ignorés,<br />

sinon mis à l'écart.<br />

Cette crise économique a de nombreuses répercussions sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

je<strong>une</strong>, sur-représentée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers sensib<strong>les</strong>. L'INSEE a calcule qu'<strong>une</strong><br />

personne sur trois était âgée de moins de vingt ans contre un sur quatre en<br />

moyenne nationale.<br />

Les enfants ont de leurs parents <strong>une</strong> image d'adultes inactifs et souvent<br />

découragés. Cette situation peut développer très tôt un sentiment d'injustice et<br />

<strong>une</strong> attitude agressive envers l'ensemble de <strong>la</strong> société. Le déclin de l'autorité<br />

parentale et de l'autorité publique <strong>la</strong>isse ces je<strong>une</strong>s sans modèle de référence.<br />

Livrés à eux mêmes, <strong>dans</strong> <strong>une</strong> ambiance de crise et de déstructuration familiale,<br />

ils connaissent <strong>des</strong> échecs sco<strong>la</strong>ires puis professionnels.<br />

c) La diversité de peuplement<br />

L'attribution de logements sociaux recèle par essence un non respect du<br />

principe de <strong>la</strong> diversité de l'habitat. S'il apparaissait indispensable, l'usage<br />

que l'on en a fait s'est révélé ingérable. On ne s'est en effet pas limité à <strong>la</strong><br />

création de logements sociaux mais on a réalisé <strong>des</strong> quartiers sociaux,<br />

négligeant ainsi le principe fondamental de mixité de l'habitat.<br />

Dès que <strong>les</strong> ménages <strong>les</strong> mieux insérés socialement l'ont pu, ils ont quitté<br />

<strong>les</strong> grands ensemb<strong>les</strong>, remp<strong>la</strong>cés par <strong>des</strong> famil<strong>les</strong> de plus en plus<br />

marginalisées, ce qui a entraîné <strong>une</strong> paupérisation de ces quartiers. Selon<br />

Jean-Marie De<strong>la</strong>rue, délégué interministériel à <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, "aux débuts de leur<br />

construction, <strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion à revenus mo<strong>des</strong>tes ou moyens, quelque fois<br />

élevés, <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> cas stab<strong>les</strong> (ouvriers qualifiés, techniciens,...) en a<br />

bénéficié. Elle y est demeurée longtemps. Une part d'entre elle, bénéficiaire<br />

de procédures d'accession à <strong>la</strong> propriété, en sortait avec régu<strong>la</strong>rité, permettait<br />

d'assurer un flux régulier de nouveaux entrants. Ce mécanisme s'est déréglé<br />

avec le ralentissement de <strong>la</strong> croissance, à <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> années soixante-dix.<br />

D'<strong>une</strong> part, <strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion aux ressources de plus en plus faib<strong>les</strong> est entrée<br />

<strong>dans</strong> ces logements, d'autre part, faute de revenus stab<strong>les</strong> ou suffisants, elle y<br />

est restée à demeure, sans pouvoir prétendre aux programmes <strong>des</strong>tinés à <strong>des</strong><br />

catégories mieux <strong>pour</strong>vues".<br />

Le fait de réunir <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions défavorisées <strong>dans</strong> de véritab<strong>les</strong> ghettos<br />

s'est trouvé aggravé avec <strong>la</strong> crise économique qui a fait basculer <strong>les</strong> petits sa<strong>la</strong>ires,<br />

par le biais du chômage de longue durée, vers <strong>une</strong> véritable paupérisation.<br />

De plus, <strong>les</strong> moyens d'actions <strong>des</strong> organismes de logements sociaux sont<br />

réduits. La procédure d'attribution de logements se heurte à <strong>une</strong> méconnaissance<br />

<strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions logées ou demandeurs d'un logement et à <strong>la</strong> difficulté<br />

d'établir <strong>des</strong> seuils quantitatifs équilibrés.<br />

Cette ségrégation sociale s'est doublée d'<strong>une</strong> ségrégation ethnique.<br />

Il n'y a pas lieu ici de démontrer <strong>la</strong> corré<strong>la</strong>tion entre ces deux types de ségrégations.<br />

Les ghettos sociaux se sont doublés de ghettos de nationalités réu-


-- 36 --<br />

nies sur de petites surfaces. Les travaux de l'INSEE sur le recensement de<br />

1990 ont montré qu'un trouve 18,4% d'étrangers <strong>dans</strong> ces quartiers, alors<br />

qu'ils ne représentent que 6,3% de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion totale.<br />

d) L'insuffisance de sociabilité et de convivialité<br />

La délinquance et l'état dé<strong>la</strong>bré <strong>des</strong> cités provoquent un sentiment<br />

d'insécurité, qui s'il dépasse souvent <strong>la</strong> réalité, n'est pas sans conséquence sur<br />

<strong>la</strong> psychologie collective <strong>des</strong> habitants de <strong>la</strong> cité. Le nombre important de<br />

je<strong>une</strong>s effraie ,souvent <strong>les</strong> plus âgés qui ne <strong>les</strong> comprennent pas et se replient<br />

sur eux-mêmes. Les déséquilibres de nationalités peuvent aggraver le<br />

sentiment d'insécurité et d'incompréhension.<br />

Les habitants de ces quartiers qui subissent <strong>les</strong> effets de <strong>la</strong> promiscuité<br />

du fait de l'étroitesse <strong>des</strong> logements et de <strong>la</strong> mauvaise iso<strong>la</strong>tion phonique, ne<br />

développent auc<strong>une</strong> sociabilité. Ils se p<strong>la</strong>ignent à <strong>la</strong> fois du manque<br />

d'isolement et de son trop plein.<br />

Aucun espace collectif extérieur n'est prévu <strong>pour</strong> permettre à ces gens de<br />

se rencontrer volontairement. La rareté ou l'absence de services de proximité<br />

constitue <strong>une</strong> autre occasion manquée de faire se rencontrer ces gens qui<br />

s'ignorent, s'ennuient et souffrent de <strong>la</strong> solitude.<br />

Cette carence, de même que le déclin <strong>des</strong> traditions militantes, <strong>les</strong> <strong>la</strong>c<strong>une</strong>s<br />

<strong>des</strong> politiques de soutien à l' engagement bénévole, l'individualisation de <strong>la</strong><br />

consommation et <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de vie, expliquent en partie <strong>la</strong> re1ative faib<strong>les</strong>se<br />

du mouvement associatif qui est <strong>une</strong> autre solution manquée. Cette situation<br />

conduit à <strong>la</strong> perte d'un instrument de médiation fondamental permettant<br />

d'associer <strong>les</strong> habitants aux décisions qui <strong>les</strong> concernent. Elle constitue aussi<br />

<strong>une</strong> insuffisance de communication, de lieux d'écoute et de sociabilité.<br />

De ce fait, un repli sur soi et <strong>une</strong> montée,de l'individua1isme peuvent engendrer<br />

<strong>des</strong> effets préjudiciab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> collectivité.<br />

C'est ainsi que lorsque <strong>les</strong> acteurs de l'urbanisme et de l'aménagement<br />

veulent associer <strong>les</strong> habitants à leurs projets, ils ne trouvent, le plus souvent,<br />

pas d'interlocuteurs directs.<br />

e) La diversité du paysage<br />

Pour <strong>des</strong> motifs de facilité et d'économie, <strong>des</strong> quartiers nouveaux ont été<br />

systématiquement construits, chaque fois qu'il était possible, sur <strong>des</strong> gran<strong>des</strong><br />

surfaces p<strong>la</strong>nes à l'écart <strong>des</strong> centres-vil<strong>les</strong>. La même architecture a été reproduite<br />

à plusieurs milliers d'exemp<strong>la</strong>ires. Il en est résulté <strong>la</strong> monotonie du paysage<br />

<strong>des</strong> banlieues.<br />

f) Le manque de convertibilité et de mutabilité<br />

Il se développe souvent un sentiment de fatalisme <strong>dans</strong> 1es gran<strong>des</strong> cités.<br />

Leur taille et leur aspect, le fait que certains y soient nés et n'aient pas<br />

l'espoir d'en partir, peut <strong>les</strong> faire paraître immuab<strong>les</strong>.<br />

Ce sentiment se double d'<strong>une</strong> immutabilité quasi-réelle, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où<br />

<strong>les</strong> tentatives <strong>pour</strong> améliorer certains aspects sont souvent vouées à l'échec.<br />

Même si certaines actions ont eu <strong>des</strong> répercussions bénéfiques sur le long<br />

terme, <strong>les</strong> rénovations extérieures sur <strong>les</strong> faça<strong>des</strong> superficiel<strong>les</strong> et <strong>les</strong> activités


-- 37 --<br />

proposées pendant l'été <strong>la</strong>issent rapidement p<strong>la</strong>ce à un retour de <strong>la</strong> saleté et<br />

de l'ennui.<br />

Prévus au départ comme "<strong>des</strong> machines à habiter", ces lieux se prêtent<br />

mal aux mutations nécessaires <strong>pour</strong> instaurer <strong>des</strong> activités économiques ou<br />

d'autres formes de logement. On a l'impression que <strong>des</strong> personnes<br />

socialement inadaptées vivent el<strong>les</strong>-mêmes <strong>dans</strong> <strong>des</strong> logements peu adaptés à<br />

leurs besoins et qui de surcroît sont inadaptab<strong>les</strong>. Us s'installent alors <strong>dans</strong><br />

un cercle vicieux de <strong>la</strong> dégradation, <strong>les</strong> habitations de mauvaise qualité<br />

offrant un aspect de moins en moins vivable. Comment imaginer ensuite que<br />

<strong>les</strong> habitants puissent s'approprier <strong>les</strong> lieux et essayer d'y mieux vivre.<br />

Dans certains quartiers, on procède tout simplement à l'abattage <strong>des</strong><br />

barres et <strong>des</strong> tours, seul moyen <strong>pour</strong> donner <strong>une</strong> nouvelle image de marque<br />

au quartier et <strong>pour</strong> repartir sur de nouvel<strong>les</strong> bases.<br />

2°/- Les problèmes rencontrés par <strong>les</strong> centres-vil<strong>les</strong><br />

Les problèmes rencontrés par <strong>les</strong> centres-vil<strong>les</strong> ne sont pas identiques à<br />

ceux <strong>des</strong> banlieues. Cependant, ils relèvent d'<strong>une</strong> cause comm<strong>une</strong>: le non respect<br />

de ('équilibre <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong>. Si on retrouve à peu près cet équilibre à<br />

l'échelle de l'agglomération, il ne l'est plus à celle <strong>des</strong> quartiers qui tendent à<br />

se spécialiser.<br />

La volonté de rationaliser et de rentabiliser <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a trop souvent abouti<br />

à <strong>la</strong> prééminence de certaines <strong>fonctions</strong> à dominante tertiaire (banques -bureaux)<br />

parfois au détriment d'autres, réduites, disparues, ou rejetées en banlieue<br />

tel<strong>les</strong> que <strong>la</strong> production, le logement...<br />

a) L'allongement <strong>des</strong> distances entre le lieu de logement et de travail<br />

Si <strong>la</strong> banlieue souffre de ce que <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ne lui a pas <strong>la</strong>issé, <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, elle,<br />

souffre de ce qu'elle a perdu et qui a reflué vers <strong>la</strong> banlieue. En d'autres<br />

termes, le trop plein et le manque de logements <strong>dans</strong> l'<strong>une</strong> et l'autre constituent<br />

<strong>des</strong> problèmes conséquents.<br />

A Paris, par exemple il existe deux catégories de quartiers, à l'ouest et à<br />

l'est, qui perdent petit a petit leur vocation résidentielle.<br />

Les quartiers chics de l'ouest parisien se dépeuplent. Les entreprises à <strong>la</strong><br />

recherche d'adresses socia<strong>les</strong> prestigieuses font pression sur le prix du foncier<br />

et parviennent à convaincre <strong>les</strong> résidents d'aliéner <strong>des</strong> immeub<strong>les</strong>. El<strong>les</strong> ont<br />

ainsi investi progressivement <strong>les</strong> quartiers du centre, puis se sont étendus vers<br />

l'ouest: le septième arrondissement, puis le huitième et le neuvième, le seizième,<br />

jusqu'à <strong>la</strong> Défense, où le CNIT reconverti en espace commercial de<br />

luxe, cherche à offrir en contrepartie de l'austérité haussmannienne <strong>des</strong><br />

Champs Elysées, <strong>la</strong> technologie triomphante du parvis de <strong>la</strong> Défense.<br />

Cette "conquête de l'ouest" (1) se double d'<strong>une</strong> conquête de l'est parisien<br />

<strong>dans</strong> lequel <strong>les</strong> rénovations et <strong>les</strong> restructurations <strong>des</strong> quartiers tendent à moderniser<br />

l'image d'un vingtième ou d'un dix-neuvième arrondissements encore<br />

popu<strong>la</strong>ires. Ces réalisations ont <strong>pour</strong> conséquence de faire augmenter le prix<br />

(1) PINSON, La conquête de l'ouest -1989.


-- 38 --<br />

du foncier et de chasser <strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion mo<strong>des</strong>te ancrée <strong>dans</strong> ces lieux depuis<br />

<strong>des</strong> générations, <strong>pour</strong> <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>cer par <strong>des</strong> ménages plus fortunés.<br />

Cette typologie propre actuellement à Paris constitue néanmoins un signe<br />

avant-coureur de ce qui commence à se produire <strong>dans</strong> de nombreuses vil<strong>les</strong><br />

de province.<br />

La perte de <strong>la</strong> mixité sociale du fait de <strong>la</strong> pression foncière provoque un<br />

déséquilibre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers du centre. Animés <strong>dans</strong> <strong>la</strong> journée, ils se dotent<br />

d'équipements correspondant aux besoins de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion active journalière,<br />

qui ne sont pas toujours <strong>les</strong> mêmes que ceux de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion résidente.<br />

Dans certains cas extrêmes, ce sont <strong>des</strong> quartiers qui se dépeuplent <strong>la</strong><br />

nuit, puisque personne n 'y habite plus, et qui deviennent <strong>des</strong> enc<strong>la</strong>ves mortes<br />

et peu sûres.<br />

La pression foncière entraîne aussi <strong>une</strong> déstructuration du tissu <strong>des</strong> petits<br />

commerçants et artisans qui n'ont plus <strong>les</strong> moyens de faire face au<br />

renchérissement <strong>des</strong> prix <strong>des</strong> locaux <strong>les</strong>quels sont progressivement remp<strong>la</strong>cés<br />

par diverses activités de services. Ces activités, toutes uti<strong>les</strong> qu'el<strong>les</strong> soient,<br />

ne correspondent pas toujours au caractère de service de proximité <strong>pour</strong> <strong>une</strong><br />

clientèle de quartier qui faisaient le charme et l'animation <strong>des</strong> rues<br />

médiéva<strong>les</strong>. Jusqu'à <strong>une</strong> période récente, ces activités étaient très nombreuses<br />

et contribuaient à animer <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, ainsi qu'à offrir <strong>des</strong> espaces de rencontre et<br />

de sociabilité <strong>pour</strong> <strong>la</strong> clientèle environnante.<br />

La perte de mixité <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> centres-vil<strong>les</strong> a donc <strong>des</strong> conséquences<br />

néfastes sur <strong>la</strong> qualité de vie urbaine, conséquences qui, si el<strong>les</strong> sont<br />

moins marquées, peuvent être comparées aux problèmes rencontrés <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

banlieues. Lorsque l'on observe l'ampleur <strong>des</strong> dép<strong>la</strong>cements quotidiens <strong>des</strong><br />

personnes <strong>pour</strong> se rendre sur leur lieu de travail, le caractère aberrant de <strong>la</strong><br />

séparation entre lieux d'habitat et de travail devient évident.<br />

Il faut cependant nuancer ce propos. Si le rapprochement <strong>des</strong> lieux de<br />

travail et de résidence semble être un voeu exprimé par de nombreux<br />

habitants, il semble cependant que <strong>les</strong> chercheurs mettent en évidence, au vu<br />

<strong>des</strong> résultats du dernier recensement et d'autres enquêtes, que <strong>les</strong> motifs de<br />

mobilité résidentielle sont de moins en moins corrélés avec le rapprochement<br />

du lieu de travail.<br />

La je<strong>une</strong> expérience <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> tend à le prouver. Alors que <strong>les</strong><br />

concepteurs vou<strong>la</strong>ient réunir en un même lieu, le travail, l'habitat et <strong>les</strong><br />

loisirs, il n'est pas rare de voir <strong>les</strong> habitants de Cergy-Pontoise travailler à<br />

Marne <strong>la</strong> vallée et ces derniers travailler à St Quentin en Yvelines !<br />

Une première raison que l'on peut avancer <strong>pour</strong> expliquer cette tendance<br />

est <strong>une</strong> raison pratique. L'évolution, qui tend à se généraliser, vers <strong>la</strong> double<br />

activité au sein d'un ménage rend difficile <strong>une</strong> localisation résidentielle<br />

convenant à <strong>la</strong> fois au mari et à sa femme; <strong>la</strong> recherche d'un logement à michemin<br />

<strong>des</strong> parcours de chacun est de plus en plus fréquente. Il ne faut pas<br />

oublier également <strong>les</strong> décohabitations de plus en plus tardives <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s qui,<br />

faute de pouvoir trouver un logement adapté à leurs besoins et à leurs<br />

moyens, continuent à vivre chez leurs parents alors qu'ils étudient ou<br />

travaillent <strong>dans</strong> un lieu éloigné.<br />

Une deuxième raison, plus qualitative serait l'existence d'<strong>une</strong> motivation<br />

plus forte que le rapprochement du lieu de travail: l'attachement à un lieu, à<br />

un cadre de vie de qualité. Cette notion est cependant subjective ce qui rend<br />

difficile son appréhension.


-- 39 --<br />

b) Circu<strong>la</strong>tion et congestion<br />

Les problèmes liés à <strong>la</strong> croissance de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion apparaissent très tôt<br />

<strong>dans</strong> l'histoire urbaine et <strong>les</strong> réponses apportées vont <strong>dans</strong> trois directions:<br />

réalignement rectiligne, extension et é<strong>la</strong>rgissement <strong>des</strong> voies.<br />

L'apparition au vingtième siècle de <strong>la</strong> voiture automobile et le<br />

développement de <strong>la</strong> périurbanisation vont contribuer à développer<br />

l'extension de <strong>la</strong> voirie.<br />

L'accélération de <strong>la</strong> vitesse de dép<strong>la</strong>cement fait apparaître un nouveau<br />

danger qui conduira à <strong>la</strong> séparation <strong>des</strong> flux de circu<strong>la</strong>tion. Cette séparation<br />

<strong>des</strong> flux avait débuté avec <strong>les</strong> réalisations d'Haussmann. L'idée de protéger<br />

<strong>les</strong> piétons de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion automobile sera appliquée à différents degrés,<br />

qui vont <strong>des</strong> trottoirs et <strong>des</strong> contre-allées 9u dix-neuvième siècle, jusqu'aux<br />

réalisations contemporaines de véritab<strong>les</strong> quartiers piétonniers.<br />

L'évolution du niveau de vie a permis aux ménages de s'équiper en voiture.<br />

Une par ménage, bientôt deux. En 1980, en France, il y avait 40 véhicu<strong>les</strong><br />

<strong>pour</strong> 100 habitants. En 1989, ce chiffre atteint 49 voitures et il est de 76<br />

véhicu<strong>les</strong> <strong>pour</strong> 100 habitants aux Etats Unis. La part de l'automobile <strong>dans</strong> le<br />

marché <strong>des</strong> dép<strong>la</strong>cements urbains mécanisés est de l'ordre de 75% <strong>dans</strong><br />

toutes <strong>les</strong> agglomérations, excepté Paris (1).<br />

Cette évolution, si elle correspond à <strong>une</strong> croissance de <strong>la</strong> mobilité <strong>des</strong><br />

ménages, correspond aussi à un recul de certains mo<strong>des</strong> de dép<strong>la</strong>cement.<br />

Ainsi, <strong>les</strong> transports en deux-roues ont diminué de moitié et <strong>les</strong> dép<strong>la</strong>cements<br />

pé<strong>des</strong>tres de 20% (sur <strong>une</strong> période de dix ans). Les transports en commun se<br />

maintiennent difficilement sans pouvoir espérer sérieusement concurrencer<br />

l'automobile.<br />

Cette suprématie de <strong>la</strong> voiture a de nombreuses conséquences sur <strong>la</strong><br />

qualité de vie urbaine. En effet, l'avantage de posséder <strong>une</strong> voiture<br />

s'amoindrit au fur et à mesure qu'apparaît <strong>la</strong> congestion.<br />

Ainsi, l'éloignement du lieu de travail induit <strong>des</strong> contraintes de transports<br />

qui s'aggravent pendant <strong>les</strong> heures de pointe. Ces migrations alternantes sont<br />

longues et pénib<strong>les</strong>. Pour <strong>les</strong> usagers <strong>des</strong> transports en commun, <strong>les</strong> pertes de<br />

temps sont aggravées <strong>pour</strong> ceux qui n'utilisent pas <strong>les</strong> transports en site<br />

propre (<strong>les</strong> autobus). Pour <strong>les</strong> automobilistes, ce<strong>la</strong> représente <strong>des</strong><br />

embouteil<strong>la</strong>ges quotidiens, facteurs de pertes de temps, de stress,<br />

d'accidents...<br />

Les coûts indirects de cette congestion ont été évalués par certains économistes<br />

(2).<br />

Les difficultés de stationnement concernent à <strong>la</strong> fois <strong>les</strong> résidents du centre<br />

et ceux qui y travaillent: sa<strong>la</strong>riés, commerçants et artisans qui ont besoin<br />

de p<strong>la</strong>ces de parking de proximité <strong>pour</strong> leurs livraisons et leur clientèle.<br />

La domination de <strong>la</strong> voiture, quant à elle, a <strong>des</strong> conséquences néfastes<br />

<strong>pour</strong> l'environnement quotidien <strong>des</strong> citadins. En effet, l'automobile provoque<br />

(1) CETUR (Centre d'Etu<strong>des</strong> <strong>des</strong> transports urbains), 10 ans de mobilité urbaine, <strong>les</strong> années 80,<br />

Ministère de l'équipement, du logement, <strong>des</strong> transports et de <strong>la</strong> mer 1990. Selon cette étude <strong>les</strong><br />

ménages parisiens ont moins de voitures par ménage que l'ensemble <strong>des</strong> ménages français.<br />

(2) BEA UV AIS, le coût social <strong>des</strong> transports parisienJ -1978.


-- 40 --<br />

<strong>une</strong> série d'effets pervers dont se p<strong>la</strong>ignent en permanence <strong>les</strong> habitants <strong>des</strong><br />

quartiers surchargés.<br />

c) La méconnaissance <strong>des</strong> besoins en matière d'environnement<br />

La p<strong>la</strong>ce accordée à l'automobile constitue <strong>une</strong> source de nuisances <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ces nuisances tolérées deviennent <strong>pour</strong> beaucoup insupportab<strong>les</strong> et<br />

sont régulièrement dénoncées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> sondages d'opinion. La pollution, le<br />

bruit, ajoutent à l'impression que l'espace gagné <strong>pour</strong> <strong>la</strong> voiture est pris sur<br />

l'espace public de <strong>la</strong> promenade et de <strong>la</strong> rencontre, qui était auparavant le<br />

creuset de l'urbanité.<br />

La densification <strong>des</strong> constructions et l'éloignement de <strong>la</strong> nature sont <strong>une</strong><br />

autre source de nuisances urbaines qui contribuent à développer l'image d'<strong>une</strong><br />

<strong>ville</strong> qui a perdu son échelle humaine.<br />

CHOIX PRIOR ITAIRES DES FRANCAIS EN MATIÈRE<br />

DE QUALITÉ DE VIE<br />

Intitulés<br />

France<br />

entière<br />

France<br />

urbaine<br />

Lutter contre le bruit……………… 54 55<br />

Améliorer <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion................. 23 26<br />

Améliorer le stationnement............ 24 25<br />

Améliorer <strong>la</strong> sécurité..........………. 42 41<br />

Améliorer <strong>la</strong> propreté..................... 31 29<br />

Développer <strong>les</strong> espaces verts........... 31 29<br />

Améliorer <strong>les</strong> transports en commun 14 12<br />

Améliorer <strong>les</strong> conditions de logement 18 20<br />

Développer <strong>les</strong> équipements sportifs.. 7 8<br />

Développer <strong>les</strong> activités culturel<strong>les</strong>… 13 Il<br />

Lutter contre <strong>la</strong> pollution……………. 33 35<br />

% Réponse<br />

citée au moins<br />

<strong>une</strong> fois<br />

Source: CREDOC. Enquête conditions de vie et aspirations <strong>des</strong> Français, 1987.


-- 41 --<br />

Le tableau ci-<strong>des</strong>sus, tiré de l'enquête annuelle (réalisée en 1987) par le<br />

CREDOC, révèle que <strong>les</strong> priorités <strong>pour</strong> améliorer <strong>la</strong> qualité de vie en <strong>ville</strong><br />

sont: <strong>la</strong> lutte contre le bruit (55 %), contre <strong>la</strong> pollution (35 %), <strong>pour</strong><br />

l'amélioration de <strong>la</strong> propreté et le développement <strong>des</strong> espaces verts (29 %)<br />

<strong>pour</strong> chacun. D'un autre côté, <strong>la</strong> volonté d'améliorer <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion et le stationnement<br />

ne semble pas passer par <strong>une</strong> réduction de celle-ci, puisque <strong>la</strong> solution<br />

alternative <strong>des</strong> transports en commun n'est mentionnée comme susceptible<br />

d'améliorer <strong>la</strong> qualité de vie que <strong>pour</strong> 12 %. Quant à <strong>la</strong> mixité <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong><br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, elle n'apparaît pas être un critère de qualité de vie<br />

suffisamment important <strong>pour</strong> être soumis à l'appréciation <strong>des</strong> Français.<br />

La qualité de vie, comme l'urbanisme, sont affaire de compromis, ce qui<br />

n'est pas facile à gérer. Il n'est pas sûr que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion soit consciente de son<br />

auto-pollution. En d'autres termes, si chacun est prêt à dénoncer <strong>les</strong> nuisances<br />

liées à l'automobile, moins nombreux,sont ceux qui acceptent d'en payer <strong>les</strong> frais<br />

en abandonnant <strong>une</strong> motorisation, voire <strong>une</strong> double motorisation.<br />

3°/- Les problèmes rencontrés par <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong><br />

Nous entendons par petites vil<strong>les</strong> <strong>les</strong> unités urbaines comprises entre<br />

2 000 et 20 000 habitants.<br />

S'il existe <strong>des</strong> problèmes communs entre ces vil<strong>les</strong> et <strong>les</strong> plus gran<strong>des</strong>, il<br />

existe tout autant <strong>des</strong> difficultés spécifiques aux petites vil<strong>les</strong>. Cependant, le<br />

degré de gravité n'est certainement pas le même selon <strong>la</strong> taille <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> et<br />

selon leur situation géographique. Il semble même que le degré de<br />

satisfaction en terme de qualité de vie décroît avec l'augmentation de <strong>la</strong> taille<br />

de l'agglomération.<br />

Il reste néanmoins que l'on ne retrouve pas <strong>pour</strong> autant <strong>une</strong> satisfaction<br />

parfaite <strong>dans</strong> auc<strong>une</strong> <strong>ville</strong>. Il est donc important de dégager <strong>les</strong> nuisances<br />

spécifiques aux petites vil<strong>les</strong>.<br />

• La tendance concentrationnaire de l'urbanisation a contribué pendant<br />

<strong>une</strong> longue période à dépeupler <strong>les</strong> petites unités au profit <strong>des</strong> plus gran<strong>des</strong><br />

qui réunissaient sur leur territoire l'essentiel <strong>des</strong> emplois, <strong>des</strong> activités et <strong>des</strong><br />

services. Les petites vil<strong>les</strong> qui font office de vil<strong>les</strong> centres <strong>pour</strong> <strong>les</strong> bourgs<br />

environnants sont donc <strong>dans</strong> <strong>une</strong> mauvaise posture car el<strong>les</strong> n'ont pas <strong>les</strong><br />

moyens d'assumer ce rôle de centre urbain réunissant <strong>les</strong> équipements publics<br />

et privés.<br />

Un premier handicap réside <strong>dans</strong> <strong>la</strong> configuration urbaine. Les rues sont<br />

souvent étroites, ce qui entraîne <strong>des</strong> difficultés de stationnement et de<br />

circu<strong>la</strong>tion.<br />

Les activités traditionnel<strong>les</strong> et rura<strong>les</strong> imp<strong>la</strong>ntées au centre sont condamnées<br />

à péricliter s'il n'y a pas d'environnement de services de pointe et si, de<br />

plus, s'imp<strong>la</strong>ntent <strong>des</strong> centres commerciaux en périphérie absorbant ainsi<br />

toute <strong>la</strong> zone de cha<strong>la</strong>ndise <strong>des</strong> bourgs environnants.<br />

De même, ces activités traditionnel<strong>les</strong> fragilisées ne sont pas en mesure<br />

d'offrir suffisamment d'emplois à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale. Les je<strong>une</strong>s q\:li ont<br />

déjà quitté <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>pour</strong> <strong>pour</strong>suivre leurs étu<strong>des</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> sous-préfectures et<br />

<strong>les</strong> préfectures ne reviennent pas sur <strong>les</strong> lieux <strong>pour</strong> travailler.


-- 42 --<br />

Les conséquences de cet exode <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s sont d'abord le vieillissement<br />

de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et donc <strong>la</strong> perte d'<strong>une</strong> mixité <strong>des</strong> âges et <strong>des</strong> activités. Rien<br />

n'est prévu <strong>pour</strong> garder ces je<strong>une</strong>s. On observe <strong>des</strong> taux de vacance de<br />

logement trés élevés, en raison de leur inadaptation ou de leur prix trop<br />

élevé. Par ailleurs on enregistre <strong>une</strong> insuffisance de logements locatifs<br />

sociaux.<br />

La moyenne d'âge de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion s'est élevée et <strong>les</strong> centres anciens se<br />

dégradent et se paupérisent. Les moyens de rénovation et surtout de<br />

réhabilitation du centre <strong>pour</strong> <strong>une</strong> petite comm<strong>une</strong> ne sont pas <strong>les</strong> mêmes que<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> pressions conservatrices sont plus fortement<br />

exprimées. Le départ <strong>des</strong> petits commerces et <strong>des</strong> artisans a contribué à<br />

renforcer ce sentiment d'isolement et d'inertie.<br />

Les petites comm<strong>une</strong>s ne reçoivent pas assez de taxe professionnelle<br />

<strong>pour</strong> financer <strong>des</strong> équipements qui feraient d'el<strong>les</strong> <strong>des</strong> centres d'animation<br />

4rbaine. El<strong>les</strong> entrent donc <strong>dans</strong> <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion de dépendance vis à vis <strong>des</strong><br />

vil<strong>les</strong> plus importantes. .<br />

• De nombreuses petites vil<strong>les</strong> autrefois isolées ont perdu leur<br />

autonomie du fait de l'extension <strong>des</strong> agglomérations et <strong>des</strong> moyens de<br />

transports. Ainsi, nombreuses sont cel<strong>les</strong> qui sont devenues <strong>des</strong> banlieues de<br />

plus gran<strong>des</strong>, cel<strong>les</strong>-ci étendant de plus en plus leurs zones d'influence sur de<br />

vastes aires urbaines et rurbaines.<br />

L'association <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> de France à <strong>une</strong> heure de Paris montre que<br />

l'apparition du TGV a modifié <strong>la</strong> perception <strong>des</strong> distances. Ainsi, un certain<br />

nombre de vil<strong>les</strong> de province affirment leur accessibilité et leur rattachement<br />

à Paris et au bassin parisien.<br />

Cependant, de nouvel<strong>les</strong> localisations ont été permises par <strong>les</strong> mutations<br />

économiques re<strong>la</strong>tives à l'intensification du développement <strong>des</strong> activités tertiaires.<br />

Cel<strong>les</strong>-ci ne sont plus directement dépendantes de <strong>la</strong> concentration<br />

<strong>des</strong> activités et cherchent à s'éloigner <strong>des</strong> centres surchargés, moyennant <strong>une</strong><br />

accessibilité facile aux réseaux internationaux. Ces mutations économiques<br />

ont eu <strong>pour</strong> répercussion <strong>une</strong> redistribution <strong>des</strong> activités sur le territoire.<br />

El<strong>les</strong> sont aujourd'hui à <strong>la</strong> recherche de sites bien <strong>des</strong>servis par <strong>les</strong><br />

réseaux de communication, à proximité d'établissements de l'enseignement<br />

supérieur avec <strong>les</strong>quels el<strong>les</strong> nouent <strong>des</strong> col<strong>la</strong>borations (université -<br />

entreprise) et procurant un cadre de vie agréable <strong>pour</strong> leur personnel.<br />

Ce<strong>la</strong> offre <strong>une</strong> opportunité de développement <strong>pour</strong> <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong> qui<br />

réussissent à mobiliser leur énergie et à attirer sur leur territoire <strong>des</strong> activités<br />

économiques.<br />

4°/- Le problème posé par l'uniformisation entre le rural et l'urbain<br />

Si le sujet traité concerne <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, on ne peut passer sous silence <strong>les</strong> problèmes<br />

auxquels sont confrontés <strong>les</strong> petits bourgs ruraux. Pour l'INSEE, est<br />

rural tout ce qui se trouve en <strong>des</strong>sous du seuil de 2 000 habitants. On peut cependant<br />

se demander si cette définition a encore un sens.<br />

En effet, si l'on considère qu'<strong>une</strong> <strong>ville</strong> se définit par un certain mode de<br />

vie, on peut remarquer que nombreux sont <strong>les</strong> bourgs ruraux qui deviennent<br />

<strong>des</strong> petites vil<strong>les</strong>.


-- 43 --<br />

Il a été constaté <strong>dans</strong> <strong>la</strong> partie historique que <strong>les</strong> frontières entre ces<br />

deux mon<strong>des</strong> s'estompaient à mesure que <strong>les</strong> fortifications de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> étaient<br />

abattues et que l'habitat péri urbain se développait.<br />

L'essor <strong>des</strong> moyens de communication et de transport, <strong>la</strong> multiplication<br />

<strong>des</strong> résidences secondaires, ont concouru à faciliter l'interpénétration de deux<br />

mon<strong>des</strong> qui s'étaient posés en opposition. Le développement du tourisme vert<br />

avec <strong>les</strong> gîtes ruraux témoigne de cette évolution et <strong>la</strong> renforce.<br />

L'expansion de l'habitat pavillonnaire périurbain a cependant fragilisé un<br />

tissu rural en perte de dynamisme démographique. Les rurbains n'ont pas<br />

adopté <strong>les</strong> mo<strong>des</strong> de vie ruraux et ont apporté avec eux leurs mo<strong>des</strong> de<br />

consommation et leurs habitu<strong>des</strong> urbaines. Une re<strong>la</strong>tive standardisation <strong>des</strong><br />

mo<strong>des</strong> de vie s'est donc produite au détriment de certains éléments de qualité<br />

de vie traditionnelle.<br />

Ces nouvel<strong>les</strong> banlieues lointains ont été baptisées banlieues-dortoir,<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>les</strong> nouveaux habitants passaient trop de temps <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

trans ports <strong>pour</strong> profiter de leur environnement rural et parce qu'ils gardaient<br />

!'habitude de revenir consommer de <strong>la</strong> centralité en <strong>ville</strong>. Ce<strong>la</strong> n'a donc pas<br />

contribué à dynamiser <strong>les</strong> commerces locaux ni à renforcer l'animation <strong>des</strong><br />

vil<strong>la</strong>ges.<br />

Il est donc important de mentionner <strong>les</strong> risques que comportent cette<br />

perte de l'identité rurale et cette dévitalisation. Du point de vue de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, on<br />

peut noter que le bon équilibre de celle-ci dépend de <strong>la</strong> zone rurale <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle<br />

elle s'inscrit.<br />

II. -LES RÉPONSES APPORTÉES<br />

L'urbanisme recouvre un domaine vaste qui se <strong>la</strong>isse difficilement appréhender.<br />

L'étude procèdera par un éc<strong>la</strong>irage al<strong>la</strong>nt du plus général au plus particulier.<br />

Après avoir défini l'urbanisme, l'évolution du rôle de l'Etat et <strong>des</strong> autres<br />

acteurs de l'urbanisme sera analysée ce qui permettra ensuite de proposer <strong>une</strong><br />

typologie <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> adoptées et de <strong>pour</strong>suivre sur l'évaluation <strong>des</strong> outils.<br />

A. -L'URBANISME<br />

1°/- Définition et contexte<br />

On entend par urbanisme <strong>des</strong> réalités sensiblement différent~s. Ainsi, le<br />

Petit Robert le définit comme «l'étude systématique <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> permettant<br />

d'adapter l'habitat urbain aux besoins <strong>des</strong> hommes». Cette définition centrée<br />

sur l'habitat n'est pas satisfaisante, car elle ne prend pas en compte l'ensemble<br />

<strong>des</strong> <strong>fonctions</strong> urbaines. Les développements qui vont suivre s'attacheront de


-- 44 --<br />

plus près à <strong>la</strong> définition du Larousse décrivant l'urbanisme comme: «un ensemble<br />

de mesures techniques, administratives, économiques et socia<strong>les</strong> qui<br />

doivent permettre un développement harmonieux, rationnel et humain <strong>des</strong> agglomérations».<br />

Cette définition sera retenue parce qu'elle intègre un objectif<br />

de qualité très présent <strong>dans</strong> l'urbanisme contemporain. Il y sera ajouté cependant<br />

l'arsenal <strong>des</strong> mesures juridiques qui constituent le cadrage et <strong>la</strong><br />

définition <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> d'intervention en matière d'urbanisme.<br />

Au XIX ème siècle, l'urbanisation de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> relève de l'initiative privée. Les<br />

unités urbaines croissent de façon anarchique et l'Etat va progressivement<br />

prendre en charge certains domaines. La période haussmannienne constitue<br />

<strong>une</strong> avant-garde en <strong>la</strong> matière. L'initiative privée se limitant à <strong>la</strong> construction,<br />

l'Etat prend à sa charge <strong>la</strong> réalisation de <strong>la</strong> voirie, <strong>des</strong> parcs ou <strong>des</strong> égouts. Il<br />

s'opère lentement <strong>une</strong> redistribution entre <strong>les</strong> sphères de compétence publique<br />

et privée.<br />

L'urbanisme est en effet indissociable du pouvoir car il dénote <strong>une</strong><br />

volonté d'action. Selon J-P LACAZE (1), "<strong>la</strong> question de <strong>la</strong> manière<br />

d'effectuer <strong>les</strong> choix, et, par voie de conséquence, celle <strong>des</strong> critères de<br />

décision, sont donc bien centra<strong>les</strong> et, si l'on peut dire, fondatrices de <strong>la</strong><br />

spécificité d'<strong>une</strong> démarche d'urbanisme". Selon l'auteur, <strong>les</strong> actes<br />

d'urbanisme sont profondément inégalitaires car il n'existe pas de méthode<br />

rationnelle d'optimisation <strong>des</strong> choix. En effet, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> réunit <strong>des</strong> intérêts<br />

contradictoires et toute décision de favoriser un aspect sur un autre aura<br />

nécessairement <strong>des</strong> conséquences sur le reste. La décision relève donc d'un<br />

arbitrage politique, qu'il soit ou non le reflet d'un <strong>des</strong>iderata popu<strong>la</strong>ire, qui<br />

optera <strong>pour</strong> <strong>une</strong> action plutôt qu'<strong>une</strong> autre. L'arbitrage ira au juge, qui, par sa<br />

jurisprudence du bi<strong>la</strong>n établie en 1971, tranchera en comparant <strong>les</strong> coûts et<br />

<strong>les</strong> avantages d'un projet (2).<br />

2°/- Evolution de l'urbanisme: le rôle évolutif de l'Etat<br />

Il n'y a pas lieu ici de retracer l'histoire exhaustive du droit de<br />

l'urbanisme et <strong>des</strong> structures administratives concernées par ce domaine. Il<br />

est cependant intéressant d'en dégager <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> tendances afin de pouvoir<br />

resituer <strong>les</strong> outils <strong>dans</strong> un contexte plus <strong>la</strong>rge.<br />

Sous l'ancien régime, il n'existait pas de ministère chargé <strong>des</strong> questions<br />

d'urbanisme, mais <strong>les</strong> compétences se trouvaient partagées entre le contrôleur<br />

général <strong>des</strong> finances et <strong>les</strong> quatre secrétaires d'Etat. On constate cependant<br />

dès le XVIII ème siècle <strong>une</strong> unification <strong>des</strong> compétences en <strong>la</strong> personne de<br />

l'intendant, qui tente de contrôler et de récupérer peu à peu l'urbanisme municipal.<br />

Dès 1919, <strong>la</strong> loi Cornudet fixe <strong>les</strong> objectifs de l'Etat en matière<br />

d'urbanisme. Soucieux de combattre l'extension et <strong>la</strong> diffusion anarchique <strong>des</strong><br />

vil<strong>les</strong>, l'Etat commence par définir l'idée d'<strong>une</strong> approche globale de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il<br />

s'agit de s'assurer que <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> <strong>pour</strong>ront s'aménager, s'embellir et s'étendre<br />

<strong>dans</strong> un souci de salubrité et de confort. La volonté de préserver<br />

l'environnement est garantie par l'autorisation faite au préfet de refuser un lo-<br />

(1) Jean-Paul LACAZE, <strong>les</strong> métho<strong>des</strong> de l'urbanisme, PUF, collection OSJ, 1990.<br />

(2) Conseil d'Etat, 1971, Ville nouvelle est.


-- 45 --<br />

tissement, ce qui constitue l'origine du contrôle de l'usage <strong>des</strong> sols par <strong>la</strong> collectivité<br />

publique.<br />

L'année 1943 constitue un tournant <strong>dans</strong> J'histoire de l'urbanisme. La loi<br />

Prothin du 15 juin 1943 institutionnalise le terme «urbanisme» et définit <strong>les</strong><br />

gran<strong>des</strong> lignes du droit applicable. L'urbanisme devient <strong>une</strong> compétence gouvernementale.<br />

Cette loi fixe le cadre juridique de l'urbanisme; elle institue <strong>les</strong><br />

p<strong>la</strong>ns d'urbanisme et définit <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> lignes <strong>des</strong> projets d'aménagement, <strong>les</strong><br />

moyens d'action de l'administration et <strong>des</strong> collectivités loca<strong>les</strong>, afin d'assurer<br />

massivement et rapidement <strong>la</strong> reconstruction <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> sinistrées.<br />

Cependant, <strong>les</strong> impératifs de <strong>la</strong> reconstruction vont retarder l'application<br />

d'un aménagement urbain sur le long terme au profit d'un urbanisme opérationnel.<br />

Plus que de p<strong>la</strong>nification urbaine, il s'est agi de recomposition <strong>des</strong><br />

tissus urbains sinistrés et surtout de constructions de logements sur <strong>les</strong><br />

terrains périphériques disponib<strong>les</strong>, <strong>dans</strong> ce qu'on appe<strong>la</strong>it <strong>les</strong> ZUP (1). La loi<br />

d'orientation foncière de 1953 vient apporter <strong>la</strong> possibilité <strong>pour</strong> <strong>les</strong> pouvoirs<br />

publics d'intervenir directement sur le foncier et de déléguer le pouvoir<br />

d'aménagement aux établissements publics et aux sociétés d'économie mixte.<br />

A <strong>la</strong> même époque, le système de p<strong>la</strong>nification souple introduit par Jean<br />

Monnet en 1947 afin de reconstruire <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong> détruits, renouveler et<br />

améliorer <strong>les</strong> biens d'équipement et répondre à <strong>une</strong> demande accrue <strong>des</strong> biens<br />

de consommation, va être transposé en matière d'urbanisme, avec l'idée qu'il<br />

faut intégrer <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong> un territoire plus vaste. Le p<strong>la</strong>n national<br />

d'aménagement du territoire présenté par C. Petit développe l'idée d'<strong>une</strong> recherche<br />

d'<strong>une</strong> <strong>meilleure</strong> répartition <strong>des</strong> hommes et <strong>des</strong> activités économiques<br />

sur le territoire.<br />

La décennie soixante voit l'Etat accroître son rôle <strong>dans</strong> l'aménagement du<br />

territoire et <strong>dans</strong> l'aménagement urbain. Ces années voient apparaître <strong>la</strong> création<br />

de <strong>la</strong> DATAR (1963) et du ministère de <strong>la</strong> Construction, <strong>des</strong> Travaux<br />

Publics et <strong>des</strong> Transports (1966).<br />

Ce cadrage administratif qui permet de regrouper <strong>les</strong> instances de réflexion<br />

et d'action sera accompagné d'<strong>une</strong> loi d'orientation foncière de 1967<br />

qui précise <strong>les</strong> outils en matière d'urbanisme opérationnel et introduit <strong>la</strong> nécessité<br />

d'un recours à <strong>la</strong> participation et à <strong>la</strong> concertation. Les POS (2) et <strong>les</strong><br />

SDAU (3) sont créés. Si l'Etat conserve son rôle d'incitation, d'animation et<br />

de coordination, il doit néanmoins agir de concert avec <strong>les</strong> acteurs privés de<br />

l'aménagement et surtout avec <strong>les</strong> col1ectivités loca<strong>les</strong>. La création <strong>des</strong> ZAC<br />

(4) institue <strong>une</strong> concertation entre quatre acteurs: l'Etat, <strong>la</strong> collectivité locale,<br />

<strong>les</strong> organismes aménageurs (<strong>les</strong> établissements publics et <strong>les</strong> sociétés<br />

d'économie mixte) et <strong>les</strong> particuliers (<strong>les</strong> propriétaires et <strong>les</strong> promoteurs).<br />

Cette procédure qui permet de déroger au droit commun du POS au moyen<br />

du PAZ (5) s'assure de l'existence d'un réel compromis entre <strong>les</strong> intérêts en<br />

jeu.<br />

(1) Les zones à urbaniser en priorité ont été créées par <strong>la</strong> loi en 1957.<br />

(2) P<strong>la</strong>ns d'occupation <strong>des</strong> sols.<br />

(3) Schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme.<br />

(4) Zones d'aménagement concerté.<br />

(5) P<strong>la</strong>n d'aménagement de <strong>la</strong> zone.


-- 46 --<br />

Les années soixante-dix sont <strong>des</strong> années contestataires. El<strong>les</strong> ont vu<br />

émerger progressivement <strong>une</strong> remise en question d'un urbanisme jugé<br />

démesuré et non respectueux de <strong>la</strong> qualité de vie. L'idée d'un urbanisme<br />

qualitatif, si elle avait déjà été abordée, trouve ici un é<strong>la</strong>n sans précédent. Les<br />

outils de l'urbanisme doivent s'adapter à ce désir de mieux vivre en <strong>ville</strong><br />

formulé par <strong>les</strong> citadins, et concilier <strong>les</strong> problèmes d'environnement au sens<br />

strict et ceux qui relèvent de l'urbain (logement, équipements, loisirs,...).<br />

Plusieurs outils et procédures apparaissent et vont <strong>dans</strong> le sens d'un urbanisme<br />

qualitatif.<br />

En 1975, <strong>une</strong> loi institue le p<strong>la</strong>fond légal de densité (PLD) afin de<br />

contrôler <strong>la</strong> densification <strong>des</strong> centres-vil<strong>les</strong>. Les opérations programmées<br />

d'amélioration de l'habitat (OPAH) instaurent <strong>une</strong> préférence <strong>pour</strong> <strong>la</strong> réhabilitation<br />

<strong>des</strong> immeub<strong>les</strong> anciens, plutôt que <strong>pour</strong> <strong>la</strong> rénovation, impliquait <strong>la</strong> rénovation<br />

du bâti.<br />

Cette approche qualitative repose sur <strong>une</strong> volonté de faire participer <strong>les</strong><br />

habitants à l'aménagement de leur territoire, tout du moins à prendre connaissance<br />

de leurs besoins et de leurs attentes.<br />

L'expérience <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> surgit à l'issue d'un constat autour du<br />

schéma directeur d'aménagement de <strong>la</strong> région d'Île de France que <strong>la</strong><br />

prolifération de constructions d'habitations non organisées en unités urbaines<br />

doit cesser. La loi du 10/7/70 veut "créer <strong>des</strong> centres équilibrés eu égard aux<br />

équipements publics et privés et aux possibilités d'emploi".<br />

L'établissement public d'aménagement de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> nouvelle se voit confier <strong>la</strong><br />

lourde tâche d'assurer le développement harmonieux d'un cadre de vie urbain<br />

qui permette de réunir l'habitat, <strong>les</strong> emplois, <strong>les</strong> commerces et <strong>les</strong> loisirs.<br />

La création du ministère de l'Environnement en 1971 procède de <strong>la</strong> même<br />

démarche. La protection de l'environnement devient <strong>une</strong> priorité c<strong>la</strong>irement<br />

affichée qui nécessite <strong>une</strong> intervention massive de <strong>la</strong> puissance publique ainsi<br />

qu'<strong>une</strong> administration particulière. Malgré son instabilité régulière,<br />

l'organisation ministérielle s'installe définitivement de manière "autonome"<br />

<strong>dans</strong> l'administration française. Environnement (1971) puis qualité de vie<br />

(1974-78), puis environnement et cadre de vie (1978-81), puis environnement<br />

(1981-..), <strong>les</strong> termes changent, ainsi que <strong>les</strong> compétences, mais <strong>les</strong> préoccupations<br />

en termes de qualité de vie et d'environnement ont pris leur distance avec<br />

l'urbanisme, sans doute <strong>dans</strong> l'espoir de garantir leur respect.<br />

Il faut mentionner aussi <strong>les</strong> actions de <strong>la</strong> DATAR, qui, parallèlement à sa<br />

réflexion sur <strong>la</strong> reconversion <strong>des</strong> grands sites mono-industriels spécialisés<br />

<strong>dans</strong> <strong>des</strong> activités irrémédiablement déclinantes, développe <strong>une</strong> politique<br />

d'urbanisme qualitatif <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> moyennes et <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong>. Elle créé<br />

<strong>les</strong> contrats vil<strong>les</strong> moyennes qui «doivent constituer un terrain privilégié<br />

d'expérience d'urbanisme à caractère humain". En 1975, cette politique est<br />

complétée par <strong>les</strong> contrats de pays, concernant <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong> et leur pays<br />

alentour, afin d'enrayer le dépeuplement accéléré <strong>des</strong> zones rura<strong>les</strong>. Ainsi se<br />

développe l'idée du «small is beautiful", <strong>la</strong> recherche de nouvel<strong>les</strong> échel<strong>les</strong><br />

plus appropriées aux besoins <strong>des</strong> hommes que <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> mégalopo<strong>les</strong>.<br />

L'extension du bassin parisien est en permanence corrigée par <strong>des</strong> politiques<br />

successives, celle <strong>des</strong> métropo<strong>les</strong> d'équilibre, puis <strong>des</strong> aires métropolitaines<br />

et <strong>des</strong> réseaux de vil<strong>les</strong>.<br />

L'année 1982 constitue <strong>une</strong> autre date charnière avec <strong>la</strong> promulgation de<br />

<strong>la</strong> première loi de décentralisation. L'Etat n'exerce plus <strong>une</strong> tutelle mais un<br />

contrôle de légalité sur l'action <strong>des</strong> collectivités décentralisées. L'article pre-


-- 47 --<br />

mier de <strong>la</strong> loi du 7/1/83 affirme que <strong>les</strong> collectivités décentralisées<br />

«concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au<br />

développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi<br />

qu'à <strong>la</strong> protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie».<br />

Les compétences en matière d'urbanisme échoient aux plus petites<br />

collectivités -<strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s -car cel<strong>les</strong>-ci sont <strong>les</strong> plus aptes à considérer<br />

l'environnement urbain <strong>dans</strong> sa globalité. Par l'intermédiaire de <strong>la</strong> décentralisation,<br />

l'administration de l'urbanisme se rapproche de l'administré. Etu<strong>des</strong><br />

d'impact, participation <strong>des</strong> administrés, valeurs d'usage vernacu<strong>la</strong>ires deviennent<br />

<strong>les</strong> valeurs de référence grâce au développement de l'urbanisme<br />

participatif et à <strong>la</strong> formation de contre pouvoirs.<br />

L'Etat cependant ne peut abandonner totalement ses prérogatives.<br />

L'expérience de <strong>la</strong> décentralisation montre que si cette tendance était inévitable,<br />

elle met du temps à se stabiliser.<br />

Si <strong>les</strong> compétences sont décentralisées, le gouvernement créé aussi de<br />

nouvel<strong>les</strong> structures centra<strong>les</strong> <strong>pour</strong> donner <strong>une</strong> politique générale et<br />

coordonner <strong>les</strong> actions. Le droit n'est plus capable d'apporter seul <strong>des</strong> réponses<br />

aux dysfonctionnements de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. La diversification <strong>des</strong> problèmes urbains<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> domaines de l'économique, du social, de J'éducation, de <strong>la</strong> culture et<br />

d'autres, impose que l'on établisse <strong>des</strong> techniques pluridisciplinaires,<br />

susceptib<strong>les</strong> d'appréhender l'ensemble <strong>des</strong> facettes de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

Trois lois récentes sont venues cadrer l'action du gouvernement en<br />

matière d'urbanisme :<br />

- La loi Besson du 31 mai 1990<br />

Elle veut garantir un droit au logement <strong>pour</strong> tous. Elle prévoit<br />

l'é<strong>la</strong>boration d'un p<strong>la</strong>n départemental d'action par le préfet de département, Le<br />

conseil général et <strong>les</strong> partenaires locaux. Ce p<strong>la</strong>n vise à améliorer <strong>la</strong> connaissance<br />

<strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions en difficultés afin de mieux répondre à leurs besoins et<br />

de perfectionner <strong>la</strong> politique d'attribution <strong>des</strong> logements au moyen <strong>des</strong> protoco<strong>les</strong><br />

d'occupation du patrimoine social (POPS). Il institue un fonds de solidarité<br />

<strong>pour</strong> le logement afin de soutenir <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus en difficulté.<br />

- La loi sur <strong>la</strong> solidarité financière entre <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>, du 13 mai 1991<br />

Ce texte entend lutter contre <strong>la</strong> ségrégation sociale et instaure <strong>une</strong> solidarité<br />

communale en réformant <strong>la</strong> répartition de <strong>la</strong> dotation globale de fonctionnement.<br />

Il crée <strong>une</strong> dotation de solidarité urbaine (DSU), prélevée <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

comm<strong>une</strong>s qui ont <strong>les</strong> ressources fisca<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus importante à l'intention <strong>des</strong><br />

comm<strong>une</strong>s <strong>les</strong> plus défavorisées. En 1993, un milliard de francs sera réparti<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s qui ont <strong>une</strong> lourde charge de logements sociaux, de droit<br />

ou de fait, et 155 millions <strong>dans</strong> le cadre de <strong>la</strong> dotation particulière de solidarité<br />

urbaine (DPSU) entre <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s moins touchées que cel<strong>les</strong> concernées par<br />

<strong>la</strong> DSU, mais qui ont cependant <strong>des</strong> difficultés.<br />

La loi crée aussi un fonds de solidarité intercommunale en lie de France<br />

afin de réduire <strong>les</strong> fortes disparités entre ses comm<strong>une</strong>s. 585 millions de<br />

francs seront reversés <strong>dans</strong> ce cadre.<br />

- La loi d'orientation <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> du 31 juillet 1991 (LOV)<br />

Elle définit <strong>dans</strong> son article premier un droit à <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, c'est à dire à un<br />

accès équitable au logement, à J'emploi, aux équipements et aux services publics<br />

<strong>dans</strong> leur diversité. Elle refuse <strong>la</strong> ségrégation et veut instaurer <strong>une</strong><br />

démocratie locale, c'est à dire <strong>une</strong> concertation entre <strong>les</strong> acteurs locaux, <strong>les</strong><br />

habitants et <strong>les</strong> associations.


-- 48 --<br />

Les artic<strong>les</strong> qui suivent sont cependant moins ambitieux et se concentrent<br />

sur <strong>les</strong> problèmes de logement.<br />

La recherche de <strong>la</strong> diversité, de l'habitat à l'échelle de l'agglomération<br />

mais aussi du quartier est mise en avant avec <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce <strong>des</strong> programmes locaux<br />

de l'habitat (PLH) et <strong>des</strong> POPS, qui prennent le re<strong>la</strong>is <strong>des</strong> conventions<br />

<strong>ville</strong>-habitat. Un autre objectif est celui de maintenir l'habitat social <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

centres et <strong>les</strong> quartiers anciens. Quant aux grands ensemb<strong>les</strong> périphériques, <strong>la</strong><br />

loi prévoit <strong>une</strong> réinsertion <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> avec <strong>une</strong> réintroduction <strong>des</strong> activités<br />

(avec <strong>une</strong> exonération de <strong>la</strong> taxe professionnelle <strong>pour</strong> <strong>les</strong> entreprises insérées<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers en difficulté).<br />

Enfin, de nouveaux outils sont mis en p<strong>la</strong>ce, notamment en matière de réserves<br />

foncières afin de permettre aux comm<strong>une</strong>s de réserver <strong>les</strong> terrains nécessaires<br />

à un développement harmonieux <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. On peut citer à cet:,<br />

effet l'incitation <strong>pour</strong> <strong>les</strong> maires à recourir aux p<strong>la</strong>ns d'aménagement<br />

d~,zones (P AZ) et de créer <strong>des</strong> établissements publics fonciers.<br />

L'ensemble <strong>des</strong> actions nouvellement créées et <strong>la</strong> façon dont el<strong>les</strong><br />

s'insèrent <strong>dans</strong> <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> feront l'objet d'un chapitre particulier.<br />

B. -TYPOLOGIE DES MÉTHODES DE L'URBANISME<br />

L'évolution <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> de l'urbanisme n'est pas linéaire. Selon <strong>la</strong><br />

conjoncture économique et <strong>les</strong> problèmes rencontrés par <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, certaines<br />

disparaissent, d'autres se créent, et certaines, qui avaient disparu, réapparaissent.<br />

Il est donc difficile de présenter <strong>une</strong> évolution chronologique de ces métho<strong>des</strong>,<br />

même si l'on peut en repérer <strong>les</strong> dates d'apparition, car <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong><br />

ne rendent pas définitivement obsolètes cel<strong>les</strong> qui avaient déjà été<br />

expérimentées,<br />

Jean-Paul Lacaze propose un c<strong>la</strong>ssement de ces métho<strong>des</strong> qui peuvent<br />

être regroupées en cinq grands types: <strong>la</strong> composition urbaine, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification<br />

stratégique, l'urbanisme de gestion, l'urbanisme participatif ou concerté et<br />

l'urbanisme de communication.<br />

1°/- La composition urbaine<br />

La composition urbaine est <strong>la</strong> méthode <strong>la</strong> plus ancienne. Elle correspond<br />

à <strong>une</strong> attitude autoritaire qui modèle <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, non pas en tenant compte de<br />

l'existant, mais en créant de toutes pièces un p<strong>la</strong>n de <strong>ville</strong>. C'est donc <strong>une</strong> approche<br />

spatiale de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Cette méthode implique que l'on fasse abstraction<br />

du site, c'est à dire <strong>des</strong> accidents topographiques, <strong>des</strong> personnes et <strong>des</strong><br />

activités installées, <strong>pour</strong> ne tenir compte que d'un espace considéré comme<br />

vierge, qui se plie à toutes <strong>les</strong> volontés du <strong>des</strong>sinateur, puis de l 'aménageur.<br />

Si elle a pu se développer par le passé, Versail<strong>les</strong> ou Leningrad en étant<br />

deux exemp<strong>les</strong>, cette méthode est aujourd'hui considérablement restreinte,<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où peu d'espaces sont totalement disponib<strong>les</strong> <strong>pour</strong> être bâtis.


-- 49 --<br />

On <strong>la</strong> trouve néanmoins appliquée <strong>dans</strong> le cadre <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> ou<br />

de certains petits espaces entièrement reconstruits.<br />

2°/- La p<strong>la</strong>nification stratégique<br />

La p<strong>la</strong>nification stratégique apparaît <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années soixante comme corol<strong>la</strong>ire<br />

de <strong>la</strong> croissance économique et de <strong>la</strong> concentration urbaine. La <strong>ville</strong><br />

est considérée comme un système que l'on peut modéliser selon <strong>les</strong> théories<br />

économiques. Le SDAU est un outil issu de cette conception de l'urbanisme<br />

qui permet de faire <strong>des</strong> prévisions chiffrées sur l'évolution d'un secteur<br />

d'étude étendu.<br />

Cette technique a <strong>des</strong> limites. Comme on l'a vu plus haut, certains éléments<br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, et non <strong>des</strong> moindres, ne sont pas quantifiab<strong>les</strong> ce qui<br />

rend difficile <strong>une</strong> modélisation globale de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Cette approche<br />

technocratique ne doit donc pas ignorer que <strong>la</strong> recherche prioritaire de<br />

rendement et d'efficacité doit prendre en compte, en plus de <strong>la</strong> rentabilité,<br />

l'aspect social.<br />

Cependant, elle a permis d'intégrer <strong>une</strong> double dimension qui était négligée<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> technique de <strong>la</strong> composition urbaine. D'<strong>une</strong> part elle tient compte<br />

de l'évolution sur le long terme de l'économie, <strong>la</strong> démographie et <strong>la</strong> forme<br />

<strong>des</strong> vil<strong>les</strong> qui leur correspondent. D'autre part elle fait col<strong>la</strong>borer deux séries<br />

d'acteurs. <strong>les</strong> acteurs privés et <strong>les</strong> acteurs publics -qui, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> faits, interagissent.<br />

3°/- L'urbanisme de gestion<br />

L'urbanisme de gestion naît avec <strong>la</strong> crise <strong>des</strong> années soixante-dix. Il<br />

apparaît nécessaire à cette époque de requalifier certains espaces dont<br />

l'obso<strong>les</strong>cence a été brutalement révélée par <strong>la</strong> crise. En effet, <strong>les</strong> mutations<br />

structurel<strong>les</strong> de l'économie, avec l'explosion du secteur tertiaire et <strong>la</strong> régression<br />

de l'industrialisation, vont avoir <strong>des</strong> conséquences profon<strong>des</strong> sur l'espace<br />

urbain.<br />

L'urbanisme de gestion va donc se recentrer sur <strong>la</strong> gestion d'espaces existants<br />

en concentrant son action sur le développement général <strong>des</strong> services.<br />

Les quartiers anciens et dégradés de certaines vil<strong>les</strong> constituent <strong>une</strong><br />

priorité de cette pratique gestionnaire. L'accent est mis sur <strong>la</strong> réhabilitation et<br />

<strong>la</strong> rénovation <strong>des</strong> logements.<br />

L'Etat <strong>la</strong>nce <strong>la</strong> procédure <strong>des</strong> Opérations programmées d'amélioration de<br />

l'habitat (OPAH) qui sont <strong>des</strong> contrats triennaux associant l'Etat, <strong>la</strong> comm<strong>une</strong><br />

et l'ANAH (Agence nationale <strong>pour</strong> l'amélioration de l'habitat) visant à rénover<br />

<strong>des</strong> quartiers dégradés. Cette requalification <strong>des</strong> logements entraîne néanmoins<br />

<strong>des</strong> effets secondaires dangereux <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>les</strong> quartiers<br />

rénovés ne sont plus accessib<strong>les</strong> aux popu<strong>la</strong>tions d'origine, qui occupaient<br />

ces habitations parce qu'el<strong>les</strong> étaient dévalorisées.<br />

Les friches urbaines de <strong>la</strong> Lorraine, du Nord, mais aussi du Bassin parisien,<br />

sont d'autres lieux d'expérimentation de l'urbanisme de gestion. La requalification<br />

de ces lieux passe par l'injection de nouvel<strong>les</strong> <strong>fonctions</strong>, notamment<br />

<strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> de services, <strong>dans</strong> un espace monofonctionnel en crise. il<br />

passe aussi par <strong>la</strong> réadaptation d'<strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion ouvrière marginalisée.


-- 50 --<br />

On trouve <strong>des</strong> problèmes humains du même ordre <strong>dans</strong> certains quartiers<br />

dits "en difficulté", généralement <strong>dans</strong> <strong>les</strong> grands ensemb<strong>les</strong> hérités de <strong>la</strong> période<br />

de reconstruction massive. Là aussi, l'Etat propose de nouveaux outils<br />

et installe de nouvel<strong>les</strong> structures.<br />

La procédure Habitat vie sociale (HVS), instaurée en 1977 est remp<strong>la</strong>cée,<br />

en 1982, par celle de Développement social <strong>des</strong> quartiers (DSQ). Elle fonctionne<br />

en étroite col<strong>la</strong>boration avec <strong>une</strong> structure, <strong>la</strong> Délégation interministérielle<br />

à <strong>la</strong> <strong>ville</strong> (DIV) à <strong>la</strong>quelle s'est ajouté, en 1991, le ministère de <strong>la</strong> Ville.<br />

Le rattachement de [a <strong>ville</strong> au ministère <strong>des</strong> Affaires socia<strong>les</strong>, en 1993, renforce<br />

<strong>la</strong> tendance au recentrage sur l'aspect social.<br />

Si <strong>la</strong> rénovation et l'amélioration <strong>des</strong> structures physiques de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sont<br />

fondamenta<strong>les</strong>. il faut néanmoins reconnaître que l'origine <strong>des</strong> maux ne provient<br />

pas exclusivement d'un ma<strong>la</strong>ise social mais également d'un désordre<br />

économique.<br />

4°/- L'urbanisme participatif ou concerté<br />

Si j'urbanisme participatif apparaît chronologiquement avant l'urbanisme<br />

de gestion, son application a cependant été développée par celui-ci. En effet, le<br />

recentrage sur <strong>des</strong> lieux spécifiques a permis un rapprochement <strong>des</strong><br />

gestionnaires et de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui al<strong>la</strong>it <strong>dans</strong> le même sens que <strong>les</strong><br />

revendications de ces derniers à participer à l'aménagement de leur territoire et<br />

à protéger leur environnement immédiat<br />

J-P Lacaze parle "d'usages vernacu<strong>la</strong>ires" de l'espace quotidien que ne<br />

peuvent appréhender <strong>les</strong> technocrates trop éloignés <strong>des</strong> réalités quotidiennes.<br />

Ces micro-ritualisations de leur environnement par <strong>les</strong> habitants, décrites par<br />

Pierre Sansot, sont cependant toutes aussi importantes que <strong>la</strong> situation d'<strong>une</strong><br />

<strong>ville</strong> <strong>dans</strong> un réseau économique et financier plus vaste.<br />

L'émergence de revendications qualitatives et personnalisées en matière de<br />

cadre de vie incitera <strong>les</strong> aménageurs, et particulièrement <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s depuis<br />

<strong>la</strong> décentralisation, à tenir compte <strong>des</strong> attentes bien spécifiques <strong>des</strong> habitants et<br />

à <strong>les</strong> faire participer à <strong>la</strong> réalisation d'un projet qu'ils s'approprieront avant<br />

même qu'il soit réalisé.<br />

On trouve plusieurs degrés <strong>dans</strong> l'urbanisme de participation.<br />

Il y a d'abord le besoin d'informer, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où, <strong>pour</strong> se prononcer<br />

sur un projet, il faut en avoir eu préa<strong>la</strong>blement connaissance. Cette règle de<br />

l'information se situe <strong>dans</strong> <strong>la</strong> lignée de toutes <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> lois sur <strong>les</strong> libertés<br />

publiques qui ont incité l'administration à user de plus de transparence et à se<br />

rapprocher de ses administrés. Ainsi <strong>une</strong> loi de 1978 permet à tout administré<br />

d'avoir accès aux documents administratifs, notamment ceux d'urbanisme.(l)<br />

Un deuxième degré de <strong>la</strong> participation est <strong>la</strong> consultation. Ce<strong>la</strong> est prévu<br />

par [a procédure de l'enquête publique. Par exemple en matière de p<strong>la</strong>n<br />

d'occupation <strong>des</strong> sols, toute adoption ou révision doit faire l'objet d'<strong>une</strong> enquête<br />

publique préa<strong>la</strong>ble.<br />

(1) Loi de 1978 <strong>la</strong> CADA ouvrant l'accès de tous aux documents administratifs. Loi de 1977 créant <strong>la</strong><br />

Commission nationale de l'informatique et <strong>des</strong> libertés (CNIL) qui permet à toute personne de consulter <strong>les</strong><br />

fichiers, détenus par l'administration, qui <strong>la</strong> concernent


-- 51 --<br />

Enfin, on peut aller jusqu'au partage du pouvoir de décision et même de<br />

l'expertise, comme c'est le cas <strong>dans</strong> <strong>les</strong> étu<strong>des</strong> d'impact.<br />

L'urbanisme participatif n'est cependant pas aisé et il demande que soient<br />

surmontés certains obstac<strong>les</strong>. Notamment le déca<strong>la</strong>ge entre le <strong>la</strong>ngage <strong>des</strong><br />

habitants et celui du technicien. Il est important de bien s'assurer que l'on a<br />

compris un message et que l'on est capable de renvoyer un avis <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

termes compréhensib<strong>les</strong>. On risque sinon de réduire à néant <strong>les</strong> tentatives de<br />

participation affirmées.<br />

C'est ici que le rôle <strong>des</strong> associations de locataires, cel<strong>les</strong> de quartiers, et<br />

<strong>les</strong> comités interprofessionnels du logement (CIL) doit prendre toute sa<br />

dimension.<br />

Il faut aussi se méfier <strong>des</strong> mêmes écarts qu'entraînent l'urbanisme de gestion.<br />

Par son recentrage sur <strong>des</strong> actions spécifiques, celui-ci risque de perdre<br />

<strong>la</strong> vision d'ensemble et cohérente du fait urbain.<br />

Par leur souci du quotidien, ces métho<strong>des</strong> pragmatiques apportent <strong>des</strong><br />

corrections importantes aux projets initialement proposés, mais restent aléatoires<br />

car el<strong>les</strong> se situent <strong>dans</strong> le quotidien et manquent de p<strong>la</strong>nification à<br />

long terme.<br />

5°/- L'urbanisme de communication<br />

Cette méthode est doublement issue de <strong>la</strong> crise économique et de <strong>la</strong> décentralisation.<br />

Fragilisées par <strong>la</strong> première et responsabilisées par <strong>la</strong> seconde,<br />

<strong>les</strong> municipalités se sont <strong>la</strong>ncées <strong>dans</strong> <strong>une</strong> course à l'image visant à attirer <strong>des</strong><br />

activités nouvel<strong>les</strong> et porteuses sur leur territoire.<br />

On a vu <strong>dans</strong> l'approche de <strong>la</strong> qualité de vie que <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s, à <strong>la</strong> recherche<br />

de taxe professionnelle et d'emplois <strong>pour</strong> leurs habitants, avaient recours<br />

à <strong>des</strong> techniques publicitaires <strong>pour</strong> se mettre en valeur et attirer <strong>les</strong> entreprises.<br />

Dans cet urbanisme de communication, qu'on <strong>pour</strong>rait qualifier de<br />

commercial <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où il cherche à «vendre" un territoire, on trouve<br />

toute <strong>une</strong> série d'arguments originaux visant à éc<strong>la</strong>irer sur <strong>les</strong> avantages de<br />

chac<strong>une</strong> <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. Ce<strong>la</strong> se traduit donc en actes d'urbanisme <strong>des</strong>tinés à en<br />

valoriser l'image qui vont de <strong>la</strong> composition urbaine de nouveaux quartiers<br />

(Antigone et Polygone à Montpellier) à <strong>la</strong> réalisation de véritab<strong>les</strong><br />

technopô<strong>les</strong>, en passant par l'organisation de festivals culturels ou<br />

d'opérations de rénovation du patrimoine historique.<br />

Toutes ces métho<strong>des</strong> ne sont pas exclusives l'<strong>une</strong> de l'autre. El<strong>les</strong> se<br />

corrigent et se complètent. On <strong>les</strong> retrouve de façon conjointe, même si selon<br />

<strong>les</strong> époques, <strong>les</strong> secteurs de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ou <strong>les</strong> échel<strong>les</strong> d'intervention, certaines<br />

sont prédominantes.<br />

C. -PANORAMA DES ACTEURS<br />

Le nombre <strong>des</strong> acteurs intervenant <strong>dans</strong> l'urbanisme est allé en<br />

s'accroissant. On trouve deux catégories: <strong>les</strong> acteurs spécialisés qui ont en


-- 52 --<br />

charge <strong>une</strong> action spécifique sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et <strong>les</strong> coordonnateurs qui viennent<br />

répondre aux problèmes posés par <strong>la</strong> multiplication <strong>des</strong> intervenants sur <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong>. On a donc <strong>une</strong> création de nouveaux acteurs <strong>pour</strong> répondre aux<br />

problèmes posés par l'inf<strong>la</strong>tion d'acteurs.<br />

Ces acteurs seront présentés ici en partant <strong>des</strong> instances centralisées <strong>pour</strong><br />

arriver aux acteurs qui interviennent à l' échelle locale.<br />

1°/- Les instances centra<strong>les</strong><br />

- Le secrétariat d'Etat à <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

Un ministère de <strong>la</strong> Ville est créé, et un ministre d'Etat est nommé le 8 février<br />

1991. Son action est déconcentrée par <strong>la</strong> nomination de 13 sous-préfets<br />

à <strong>la</strong> <strong>ville</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> départements <strong>les</strong> plus urbanisés, distincte de l'équipement<br />

et du logement, distincte du transport, distincte aussi de l'environnement. Le<br />

terme d'urbanisme est abandonné <strong>pour</strong> celui de <strong>ville</strong> jugé plus valorisant.<br />

Mais dès le début, l'accent est mis sur <strong>les</strong> quartiers dégradés.<br />

Il est chargé de préparer et de mettre en oeuvre <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il<br />

a donc <strong>une</strong> fonction d'information, d'animation et de coordination de <strong>la</strong><br />

politique gouvernementale. Il informe <strong>les</strong> acteurs publics et privés <strong>des</strong><br />

objectifs et <strong>des</strong> moyens de <strong>la</strong> politique gouvernementale en matière<br />

d'urbanisme. Il veille à <strong>la</strong> coordination et à <strong>la</strong> cohérence <strong>des</strong> actions qui<br />

concernent plusieurs acteurs indépendants.<br />

- Le Conseil national <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> (CNV)<br />

Il est composé d'élus nationaux et locaux, de personnalités qualifiées, de<br />

représentants d'associations d 'habitants et de professionnels. Il joue un rôle<br />

de vigie, de conseil et de chambre d'écho à <strong>la</strong> politique urbaine.<br />

- Le Comité national d'évaluation de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

Il a été crée en 1991 sous l'égide du CNV, afin d'évaluer <strong>les</strong> métho<strong>des</strong><br />

mises en oeuvre <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et leurs effets réels. Les travaux de ce comité<br />

doivent être soumis à <strong>la</strong> réflexion du Conseil économique et social.<br />

- Le Comité interministériel <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> (CIV)<br />

Le 26 juin 1984 est créé le Comité Interministériel <strong>pour</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> (CIV).<br />

Celui-ci a <strong>pour</strong> objectifs de promouvoir <strong>la</strong> solidarité, de lutter contre<br />

l'insalubrité et d'innover <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, tout particulièrement <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers<br />

qui connaissent <strong>des</strong> phénomènes de dégradation sociale et urbaine<br />

graves.<br />

Composé de ministres et de secrétaires d'Etat, il a <strong>pour</strong> rôle de définir et<br />

de coordonner l'action de l'Etat en matière de politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il a aussi<br />

un rôle technique <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où il prend en charge <strong>la</strong> mise en oeuvre technique<br />

et financière <strong>des</strong> programmes ministériels. Il attribue le Fonds social<br />

urbain et <strong>les</strong> crédits régionalisés <strong>des</strong> DSQ. Il reste cependant <strong>des</strong> ministères<br />

qui ont <strong>une</strong> action directe et <strong>des</strong> fonds propres <strong>pour</strong> <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et<br />

qui ne passent pas par le CIV.<br />

- La Délégation interministérielle à <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et au développement social<br />

urbain (DIV)<br />

Créée en 1988, elle prépare et suit <strong>les</strong> travaux <strong>des</strong> instances précitées. Elle<br />

joue un grand rôle <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coordination et <strong>la</strong> communication entre <strong>les</strong> différents<br />

acteurs publics et privés de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. En étroite col<strong>la</strong>boration avec <strong>les</strong> col-


-- 53 --<br />

lectivités loca<strong>les</strong>, elle favorise l'émergence de projets urbains et en soutient<br />

le développement. La DIV essaie <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure du possible de regrouper<br />

toutes <strong>les</strong> missions re<strong>la</strong>tives au développement social urbain, qu'el<strong>les</strong><br />

relèvent de l'éducation, de l'économique ou du culturel.<br />

2°/- Les instances déconcentrées<br />

-Les préfets de région et de département coordonnent et répartissent sur<br />

leur territoire <strong>les</strong> crédits votés par <strong>les</strong> instances centra<strong>les</strong>. Très investis <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, ils ont vu leur action facilitée par <strong>la</strong> création de comités<br />

départementaux et régionaux regroupant tous <strong>les</strong> services extérieurs de l'Etat.<br />

-La nomination en mars 1991 de treize sous-préfets "<strong>ville</strong> " <strong>dans</strong> <strong>les</strong> départements<br />

<strong>les</strong> plus urbanisés (sept en Région Parisienne, Nord-Pas de<br />

Ca<strong>la</strong>is, Moselle, Rhône, Bouches du Rhône et Haute Garonne) constitue <strong>une</strong><br />

autre tentative <strong>pour</strong> mieux coordonner <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

-Les directions régiona<strong>les</strong> et départementa<strong>les</strong> de l'équipement (DRE et<br />

DDE), services extérieurs du ministère du même nom, sont à <strong>la</strong> disposition <strong>des</strong><br />

collectivités décentralisées <strong>pour</strong> soutenir <strong>les</strong> actions en matière d'urbanisme.<br />

3°/- Les acteurs locaux<br />

- Les collectivités territoria<strong>les</strong><br />

a) Les acteurs publics<br />

Les régions, <strong>les</strong> départements et surtout <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s, ont bénéficié, à<br />

l'occasion <strong>des</strong> lois de décentralisation d'un transfert de compétences en matière<br />

d'urbanisme. Alors que l'échelon national est chargé de définir <strong>les</strong><br />

objectifs et <strong>les</strong> moyens <strong>pour</strong> <strong>les</strong> atteindre, chac<strong>une</strong> <strong>des</strong> collectivités<br />

territoria<strong>les</strong> vient prendre <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>des</strong> objectifs.<br />

- Compétence <strong>des</strong> régions<br />

L'échelon régional assure <strong>la</strong> programmation. Il réalise <strong>les</strong> contrats de<br />

p<strong>la</strong>n avec l'Etat. Il répartit <strong>les</strong> crédits entre <strong>les</strong> départements. Les régions sont<br />

<strong>des</strong> acteurs de coordination et de négociation entre <strong>les</strong> différentes instances.<br />

El<strong>les</strong> peuvent être aussi <strong>les</strong> évaluateurs de l'impact de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

par le biais <strong>des</strong> observatoires régionaux de l'INSEE.<br />

- Compétence <strong>des</strong> départements.<br />

Les départements reçoivent <strong>une</strong> compétence générale en matière d'aide et<br />

d'action socia<strong>les</strong> qui ont <strong>des</strong> répercussions directes sur <strong>les</strong> équipements urbains.<br />

Proches <strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s, ils sont en mesure d'être de véritab<strong>les</strong> acteurs<br />

de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

Leur implication est partout nécessaire, mais elle est plus sensiblement<br />

requise <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers défavorisés relevant de <strong>la</strong> procédure DSQ.


-Compétences <strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s.<br />

-- 54 --<br />

Ce sont <strong>les</strong> collectivités qui ont reçu le plus de pouvoirs en matière<br />

d'urbanisme. El<strong>les</strong> sont chargées de définir le mode d'occupation <strong>des</strong> sols<br />

sous forme de p<strong>la</strong>ns d'occupation <strong>des</strong> sols (POS), et peuvent se regrouper<br />

entre el<strong>les</strong> <strong>pour</strong> adopter un schéma directeur. Le maire a <strong>la</strong> responsabilité de<br />

délivrer <strong>les</strong> permis de construire. Il peut aussi exproprier et préempter <strong>des</strong><br />

terrains privés <strong>pour</strong> <strong>les</strong> aménager.<br />

Les collectivités territoria<strong>les</strong> peuvent se doter d'établissements publics ou<br />

de sociétés d'économie mixte <strong>pour</strong> intervenir directement sur l'aménagement<br />

et unifier leur action.<br />

- Les Conseils en architecture, urbanisme et environnement (CAUE) sont<br />

<strong>des</strong> établissements publics départementaux crées par <strong>une</strong> loi de 1977. Ils ont<br />

<strong>une</strong> mission de conseil auprès <strong>des</strong> collectivités loca<strong>les</strong>./<br />

- Les commissions loca<strong>les</strong> de développement social urbain sont créées à<br />

l'occasion de chaque montage de procédure DSQ. El<strong>les</strong> réunissent <strong>les</strong> représentants<br />

du maire, <strong>des</strong> services extérieurs de l'Etat, <strong>des</strong> organismes bailleurs,<br />

<strong>des</strong> organismes sociaux et <strong>des</strong> associations afin de développer <strong>une</strong> approche<br />

cohérente et participative. Des chefs de projet coordonnent cette action afin<br />

de recueillir un consensus entre <strong>les</strong> acteurs<br />

- Les conseils communaux de prévention de <strong>la</strong> délinquance sont <strong>des</strong> instances<br />

de concertation entre <strong>les</strong> représentants <strong>des</strong> administrations centra<strong>les</strong>.<br />

<strong>des</strong> services extérieurs de l'Etat, <strong>des</strong> collectivités loca<strong>les</strong> et <strong>des</strong> associations.<br />

Installés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers en difficulté, ils sont en mesure de répondre à un<br />

rapprochement de <strong>la</strong> justice et <strong>des</strong> administrés et de mieux faire face aux problèmes<br />

du terrain.<br />

b) Les acteurs privés<br />

Le nombre <strong>des</strong> acteurs privés intervenant sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong> n'a cessé<br />

d'augmenter. Certains sont souvent cités, <strong>les</strong> organismes d'HLM, <strong>les</strong> collecteurs<br />

du « 1 %» logement, <strong>les</strong> promoteurs immobiliers, <strong>les</strong> investisseurs, <strong>les</strong><br />

bureaux d'étu<strong>des</strong> d'urbanisme, <strong>les</strong> architectes. Mais il ne faut pas oublier <strong>les</strong><br />

chambres consu<strong>la</strong>ires, <strong>les</strong> organisations professionnel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> associations qui<br />

interviennent de plus en plus massivement <strong>dans</strong> <strong>les</strong> opérations urbaines.<br />

Cette juxtaposition d'acteurs aussi variés que nombreux, permet de réunir<br />

<strong>les</strong> initiatives publiques et privées, loca<strong>les</strong> et nationa<strong>les</strong>. La <strong>ville</strong> s'édifie sur<br />

<strong>une</strong> chaîne de partenariat et d'expertise.<br />

Ce<strong>la</strong> pose cependant <strong>des</strong> problèmes importants de coordination <strong>des</strong> actions<br />

et <strong>des</strong> financements. La sectorisation <strong>des</strong> interventions contribue à<br />

éc<strong>la</strong>ter l'objet urbain et à disperser <strong>les</strong> énergies. On assiste à <strong>une</strong><br />

multiplication d'interventions sectoriel<strong>les</strong> et désordonnées, dont <strong>la</strong> cohérence<br />

d'ensemble est difficile à évaluer. Chaque acteur a tendance à voir <strong>la</strong> <strong>ville</strong> de<br />

son point de vue et perd de ce fait l'indispensable vision globale.<br />

Les conséquences de chaque action sont rarement anticipées et, partant,<br />

entraînent <strong>des</strong> effets inattendus auxquels <strong>les</strong> acteurs ne sont pas préparés. On<br />

peut citer, <strong>pour</strong> exemple, certaines réalisations de commerces en pied<br />

d'immeuble qui sont <strong>des</strong> locaux standardisés qui ne conviendront pas à<br />

l'établissement d'un bou<strong>la</strong>nger ou d'un boucher car ils ne se prêtent pas à <strong>une</strong><br />

mise aux normes.


-- 55 --<br />

C'est <strong>pour</strong>quoi on assiste aujourd'hui à <strong>la</strong> création de nouveaux acteurs<br />

qui ont <strong>pour</strong> tâche exclusive de coordonner <strong>les</strong> actions et <strong>les</strong> initiatives<br />

d'autres acteurs de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. On peut citer, par exemple, <strong>la</strong> création <strong>des</strong><br />

animateurs vil<strong>les</strong> par <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire "Doubin" du 5 février 1989. Ces<br />

animateurs sont rémunérés par <strong>la</strong> municipalité ou <strong>les</strong> chambres consu<strong>la</strong>ires,<br />

moyennant <strong>une</strong> participation financière du ministère de l'Artisanat et du<br />

commerce, afin de faire émerger <strong>des</strong> projets entre <strong>la</strong> mairie, <strong>les</strong> deux<br />

chambres consu<strong>la</strong>ires et <strong>les</strong> associations de commerçants et d'artisans. Ces<br />

projets d'animation urbaine ou de traitement de quartiers financés par le<br />

FISAC (1) (alimenté, par <strong>la</strong> taxe sur <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> surfaces) ont <strong>des</strong><br />

répercussions sur l'activité économique mais aussi sur l'ensemble de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

Les outils sont aussi très sectoriels et posent <strong>des</strong> problèmes d'application<br />

qu'il est important de répertorier.<br />

D. -LES OUTILS OFFERTS ET LEURS LIMITES<br />

1°/- Bi<strong>la</strong>n du Conseil d'Etat en matière de droit de l'urbanisme<br />

a) La mission difficile du droit de l'urbanisme<br />

L'article L. 110 du code de l'urbanisme, qui énumère <strong>les</strong> missions de ce<br />

droit, montre l'ampleur de sa tâche:<br />

"Le territoire français est le patrimoine commun de <strong>la</strong> Nation. Chaque<br />

collectivité publique en est le gestionnaire et le garant <strong>dans</strong> le cadre de ses<br />

compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination<br />

aux popu<strong>la</strong>tions résidentes et futures <strong>des</strong> conditions d'habitat, d'emploi, de<br />

services et de transports répondant à <strong>la</strong> diversité de ses besoins et de ses<br />

ressources, de gérer le sol de façon économe, d'assurer <strong>la</strong> protection <strong>des</strong><br />

milieux naturels et <strong>des</strong> paysages ainsi que <strong>la</strong> sécurité et <strong>la</strong> salubrité<br />

publiques et de promouvoir l'équilibre entre <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions résidant <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

zones urbaines et rura<strong>les</strong>, <strong>les</strong> collectivités publiques harmonisent, <strong>dans</strong> le<br />

respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions<br />

d'utilisation de l'espace." »<br />

Il est difficile <strong>pour</strong> le droit d'intervenir <strong>dans</strong> le domaine de l'urbanisme,<br />

car il doit assurer <strong>des</strong> équilibres entre de nombreux intérêts contradictoires.<br />

- Entre <strong>les</strong> aspirations individuel<strong>les</strong> et <strong>les</strong> nécessités collectives. Le droit<br />

de l'urbanisme, en même temps qu'il défend le droit <strong>des</strong> sols, porte<br />

incontestable ment atteinte au droit de propriété.<br />

- Entre <strong>la</strong> protection de l'environnement et <strong>la</strong> nécessité de construire. La<br />

<strong>ville</strong> réalise <strong>des</strong> ménagements qui portent atteinte aux équilibres naturels.<br />

L'article L. 121-10 précise que «<strong>les</strong> documents d'urbanisme déterminent <strong>les</strong><br />

(1) Fonds d'intervention <strong>pour</strong> <strong>la</strong> sauvegarde, <strong>la</strong> transmission et <strong>la</strong> restructuration <strong>des</strong> activitcs<br />

commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong>.


-- 56 --<br />

conditions permettant, d'<strong>une</strong> part, de limiter l'utilisation de l'espace, de<br />

préserver <strong>les</strong> activités agrico<strong>les</strong>, de protéger <strong>les</strong> espaces forestiers, <strong>les</strong> sites<br />

et <strong>les</strong> paysages naturels prévisib<strong>les</strong> et <strong>les</strong> risques technologiques et, d'autre<br />

part, de prévoir suffisamment d'espaces constructib<strong>les</strong> <strong>pour</strong> <strong>les</strong> activités<br />

économiques et d'intérêt général, ainsi que <strong>pour</strong> <strong>la</strong> satisfaction <strong>des</strong> besoins<br />

présents et futurs en matière d'habitat».<br />

Le droit s'attache donc à autoriser ces aménagements tout en contrô<strong>la</strong>nt<br />

<strong>les</strong> conséquences sur l'environnement et <strong>la</strong> qualité de vie.<br />

- Entre <strong>la</strong> nécessité d'adapter <strong>les</strong> constructions aux changements de<br />

mo<strong>des</strong> de vie et à l'évolution de <strong>la</strong> technique, et <strong>la</strong> sauvegarde de certains<br />

paysages urbains traditionnels. La <strong>ville</strong> sédimente <strong>des</strong> histoires et se doit<br />

d'assurer son rôle de mémoire collective, tout en adaptant sa forme et sa<br />

structure à l'évolution de <strong>la</strong> société. Il faut donc conserver <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

tradition et permettre à l'innovation de s'exprimer..<br />

- Entre <strong>la</strong> nécessité de prendre en compte le court terme et le long terme.<br />

La p<strong>la</strong>nification urbaine doit concilier ces deux temporalités si elle ne veut<br />

pas perdre de vue le quotidien et <strong>les</strong> grands cyc<strong>les</strong> de l'économie.<br />

- Entre <strong>la</strong> permanence <strong>des</strong> normes et leur soup<strong>les</strong>se: le droit doit offrir<br />

<strong>une</strong> réglementation stable sur <strong>la</strong>quelle <strong>les</strong> acteurs puissent se fonder, mais il<br />

doit aussi permettre <strong>des</strong> adaptations, <strong>des</strong> modu<strong>la</strong>tions et <strong>des</strong> dérogations à <strong>la</strong><br />

norme selon <strong>les</strong> cas particuliers.<br />

- Entre <strong>la</strong> précision juridique et l'accès facile à <strong>la</strong> règle: plus encore que<br />

<strong>pour</strong> <strong>les</strong> autres domaines du droit, le droit de l'urbanisme doit conserver <strong>la</strong> rigueur<br />

de <strong>la</strong> norme juridique, c'est à dire <strong>la</strong> précision et l'exhaustivité, mais<br />

aussi <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté et <strong>la</strong> lisibilité <strong>pour</strong> le néophyte. Ces deux impératifs, on le sait,<br />

ont rarement été conciliés par le droit de l'urbanisme, véritable jargon <strong>dans</strong><br />

lequel il est difficile de progresser <strong>pour</strong> un non spécialiste.<br />

- Entre <strong>les</strong> intérêts locaux et <strong>les</strong> préoccupations nationa<strong>les</strong>, voire internationa<strong>les</strong>,<br />

d'aménagement du territoire: l'Etat et <strong>les</strong> collectivités territoria<strong>les</strong><br />

doivent faire converger leurs intérêts et trouver <strong>des</strong> structures <strong>pour</strong> adopter<br />

<strong>des</strong> stratégies de compromis entre ces deux échel<strong>les</strong> fondamenta<strong>les</strong>.<br />

La réunion de ces intérêts contradictoires mais également légitimes est un<br />

exercice périlleux qui a donné lieu à de vives critiques. Le Conseil d'Etat<br />

observe <strong>une</strong> crise de confiance et de légitimité envers un droit de l'urbanisme<br />

qui ne semble plus remplir <strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> qui lui sont assignées, crise <strong>la</strong>rgement<br />

médiatisée par <strong>la</strong> presse et <strong>la</strong> télévision. On lui reproche d'être instable, d'avoir<br />

mal «digéré" <strong>la</strong> nouvelle répartition <strong>des</strong> compétences issues <strong>des</strong> lois de décentralisation,<br />

et de prendre insuffisamment en compte <strong>la</strong> protection de<br />

l'environnement. La réaction à ces dysfonctionnements peut se mesurer par<br />

l'accroissement <strong>des</strong> recours contentieux qui sont passés de 27 000 en 1978, à<br />

plus de 100000 aujourd'hui. Ces recours concernent principalement <strong>les</strong> permis<br />

de construire, <strong>les</strong> Zones d'aménagement concerté (ZAC), <strong>les</strong> P<strong>la</strong>ns<br />

d'occupation <strong>des</strong> sols (POS) et le Droit de préemption urbain (DPU).<br />

b) La crise de <strong>la</strong> pratique du droit de l'urbanisme<br />

Plus qu'<strong>une</strong> crise du droit de l'urbanisme, le Conseil d'Etat décrit <strong>une</strong><br />

crise de <strong>la</strong> pratique de ce droit.<br />

Depuis <strong>la</strong> loi d'orientation foncière de 1967, l'architecture fondamentale<br />

du droit de l'urbanisme est re<strong>la</strong>tivement stable et repose sur le principe d'un


-- 57 --<br />

droit tridimensionnel. Le POS doit être compatible avec le schéma directeur,<br />

qui doit lui-même l'être avec le règlement national d'urbanisme (RNU). Mais<br />

<strong>la</strong> cohérence de ce droit est menacée par <strong>la</strong> stratification <strong>des</strong> règ<strong>les</strong> issues de<br />

réformes ponctuel<strong>les</strong> et par <strong>la</strong> multiplication <strong>des</strong> acteurs intervenant <strong>dans</strong><br />

l'aménagement de l'espace. La tendance à faire assumer au droit de<br />

l'urbanisme <strong>des</strong> actions qui ne relèvent pas strictement de sa compétence<br />

constitue un autre handicap et <strong>une</strong> perte en termes d'efficacité.<br />

Depuis le 1er octobre 1983, <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s se sont vues transférer <strong>les</strong><br />

compétences en matière de document d'urbanisme. Au 1er juillet 1991, 18<br />

313 comm<strong>une</strong>s représentant 52 millions de Français disposaient d'un POS<br />

approuvé, ou en cours d'é<strong>la</strong>boration. La portée concrète de ce transfert de<br />

compétences s'est trouvée complétée par <strong>la</strong> loi du 18 juillet 1985 qui a permis<br />

aux comm<strong>une</strong>s ayant é<strong>la</strong>boré un POS de recevoir <strong>les</strong> compétences en matière<br />

d'urbanisme opérationnel (ZAC, droit de préemption urbain, lotissements et<br />

restauration immobilière).<br />

L'Etat a cependant conservé certaines prérogatives afin d'assurer <strong>la</strong> cohérence<br />

du droit. Il a ainsi édicté <strong>des</strong> règ<strong>les</strong> qui s'imposent à toutes <strong>les</strong> autorités<br />

loca<strong>les</strong> : <strong>les</strong> lois et prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. C'est le cas<br />

de <strong>la</strong> loi "montagne" et de <strong>la</strong> loi sur le voisinage <strong>des</strong> aérodromes en 1985, de<br />

<strong>la</strong> loi "littoral" en 1986, de <strong>la</strong> loi sur <strong>les</strong> risques naturels majeurs en 1987,<br />

mais aussi <strong>des</strong> trois lois sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong> adoptées en 1990 et 1991 : loi "Besson",<br />

loi sur <strong>la</strong> solidarité <strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s et loi d'orientation <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il s'est<br />

réservé <strong>la</strong> possibilité d'imposer <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> intérêts supracommunaux<br />

avec <strong>les</strong> projets d'intérêt général (PIG) et <strong>les</strong> projets d'utilité<br />

publique. Il reste associé et consulté <strong>pour</strong> l'é<strong>la</strong>boration <strong>des</strong> documents<br />

d'urbanisme par <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s et exerce un contrôle de légalité, par<br />

l'intermédiaire du préfet, sur <strong>les</strong> actes <strong>des</strong> collectivités loca<strong>les</strong>.<br />

La successio n <strong>des</strong> dispositions léga<strong>les</strong> en matière d'urbanisme contribue à<br />

rendre complexe <strong>la</strong> répartition <strong>des</strong> compétences posées récemment par <strong>les</strong> lois<br />

de décentralisation. le POS est soumis a <strong>une</strong> lourde hiérarchie <strong>des</strong> normes qui<br />

inclut toutes <strong>les</strong> lois précitées mais aussi <strong>les</strong> schémas directeurs, <strong>les</strong> servitu<strong>des</strong><br />

d'utilité publique, <strong>les</strong> chartes intercommuna<strong>les</strong> et <strong>les</strong> programmes locaux<br />

d'habitat (PLH). Cette sédimentation <strong>des</strong> normes est <strong>une</strong> source de difficultés<br />

et de lenteurs devant <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> de nombreux acteurs restent perplexes.<br />

Un autre problème est posé par <strong>les</strong> outils juridiques, dont <strong>la</strong> pertinence<br />

est fortement remise en cause lors de séminaires de recherches sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

(1). La question <strong>des</strong> POS et <strong>des</strong> schémas directeurs est celle qui est le plus<br />

souvent abordée et contestée.<br />

On constate que <strong>les</strong> POS, au départ prévus comme <strong>des</strong> instruments de<br />

p<strong>la</strong>nification, sont devenus instab<strong>les</strong> du fait de leurs permanentes révisions,<br />

modifications et mises en application anticipée. Au gré <strong>des</strong> besoins nés d'un<br />

nouveau projet d'aménagement, <strong>les</strong> municipalités ont de plus en plus recours fi<br />

<strong>la</strong> mise en compatibilité du POS selon leurs objectifs, renversant l'obligation<br />

initiale de rendre compatib<strong>les</strong> <strong>les</strong> projets d'urbanisme avec le POS.<br />

Les schémas directeurs posent en quelque sorte le problème inverse.<br />

Réalisés <strong>dans</strong> l'intercommunalité, ils sont difficilement mutab<strong>les</strong>. et<br />

nombreux sont <strong>les</strong> POS qui dérogent aux schémas directeurs. Trop diffici<strong>les</strong><br />

à é<strong>la</strong>borer et à modifier, neuf seulement ont été adoptés depuis 1983 !<br />

(1) Séminaire ECOSITE <strong>des</strong> 4 et 5 novembre 1992 -Une table ronde était consacrée à "l'obso<strong>les</strong>cence<br />

de l'Outils de l'urbanisme»"


-- 58 --<br />

Les deux principaux outils de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification urbaine sont donc<br />

contestés. Mais d'autres outils sont critiqués: <strong>la</strong> politique foncière<br />

(préemption) et l'urbanisme opérationnel (ZAC).<br />

2°/- Bi<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> procédure DSQ et DSU<br />

C'est à <strong>la</strong> suite du rapport Dubedout, "Ensemble, refaire <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ", réalisé<br />

en 1982, qu'apparaît <strong>la</strong> procédure du développement social <strong>des</strong> quartiers.<br />

Alors que <strong>la</strong> procédure Habitat et vie sociale (HVS) <strong>la</strong>ncée dès 1977<br />

s'occupait de <strong>la</strong> réhabilitation <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong>, <strong>la</strong> nouvelle procédure de<br />

DSQ se veut plus globale. Elle sera complétée en 1988 par <strong>la</strong> politique de<br />

développement social urbain.<br />

La procédure de DSQ associe <strong>les</strong> élus, le s administrations centra<strong>les</strong> et <strong>les</strong><br />

habitants. L'Etat se voit <strong>dans</strong> l'obligation d'assurer son devoir de solidarité<br />

nationale, <strong>les</strong> collectivités loca<strong>les</strong> de se préoccuper et de s'engager <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

opérations de grande envergure, et <strong>les</strong> habitants de se rendre acteurs du<br />

change ment.<br />

Les conventions de développement social <strong>des</strong> quartiers concernent <strong>les</strong><br />

zones <strong>les</strong> plus diffici<strong>les</strong> et sont adoptées <strong>dans</strong> le cadre du X ème p<strong>la</strong>n par <strong>des</strong><br />

contrats triennaux entre l'Etat et <strong>la</strong> région (qui <strong>les</strong> co-financent à part égale)<br />

et se <strong>pour</strong>suivent par <strong>des</strong> conventions loca<strong>les</strong> de développement. Pour <strong>les</strong><br />

quartiers dont <strong>la</strong> situation est moins grave, il existe <strong>des</strong> conventions de<br />

quartier signées entre l'Etat, <strong>la</strong> comm<strong>une</strong> et <strong>les</strong> acteurs locaux <strong>pour</strong> <strong>une</strong> durée<br />

de trois ans. Plus qu'<strong>une</strong> action d'urgence, cette procédure est appliquée <strong>pour</strong><br />

prévenir <strong>une</strong> dégradation.<br />

La procédure de développement social <strong>des</strong> quartiers concerne tous <strong>les</strong> aspects<br />

du quartier et ne se limite plus, comme le faisait <strong>la</strong> procédure HVS, au<br />

logement. Les différentes actions ministériel<strong>les</strong> sont décloisonnées <strong>pour</strong> agir<br />

autant sur <strong>les</strong> causes de <strong>la</strong> dégradation que sur <strong>la</strong> dégradation elle même.<br />

L'efficacité <strong>des</strong> opérations est tributaire d'<strong>une</strong> bonne prise en compte <strong>des</strong><br />

finalités d'aménagement voulues par <strong>la</strong> municipalité, d'<strong>une</strong> cohérence <strong>dans</strong> le<br />

temps et d'<strong>une</strong> démarche globale <strong>des</strong> conducteurs de l'opération. Des actions<br />

sont donc entreprises sur toutes <strong>les</strong> <strong>fonctions</strong> de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

En matière d'éducation, le développement <strong>des</strong> zones d'éducation prioritaire<br />

(ZEP) a <strong>pour</strong> objet de renforcer l'action éducative <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones où <strong>les</strong><br />

conditions socia<strong>les</strong> sont tel<strong>les</strong> qu'el<strong>les</strong> constituent un obstacle à <strong>la</strong> réussite<br />

sco<strong>la</strong>ire et à l'insertion sociale <strong>des</strong> enfants <strong>les</strong> plus défavorisés (1).<br />

<strong>les</strong> projets "d'éco<strong>les</strong> ouvertes" permettent de rentabiliser <strong>les</strong> équipements<br />

publics pendant <strong>les</strong> vacances sco<strong>la</strong>ires et d'offrir <strong>des</strong> activités et un encadrement<br />

<strong>pour</strong> <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s.<br />

La création d'un Conseil national de <strong>la</strong> prévention de <strong>la</strong> délinquance, déconcentré<br />

au niveau départemental et communal et <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de maisons<br />

de <strong>la</strong> justice permettent un rapprochement de cette institution avec <strong>les</strong><br />

habitants et <strong>une</strong> médiation pénale. La nouvelle organisation du service de <strong>la</strong><br />

police sous forme d'ilôtage est un autre moyen <strong>pour</strong> mieux encadrer <strong>les</strong><br />

je<strong>une</strong>s et favoriser le dialogue avec l'administration.<br />

(1) Circu<strong>la</strong>ire n° 90-028 du 1er février 1990 -Ministère ou l'éducation nationale


-- 59 --<br />

Les missions loca<strong>les</strong> <strong>pour</strong> l'insertion professionnelle et sociale <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s<br />

en difficulté sont complétées par <strong>des</strong> actions d'insertion par l'économique et<br />

par l'attribution de travaux d'intérêt collectif à <strong>des</strong> chômeurs de longue durée.<br />

Un effort est <strong>la</strong>ncé <strong>pour</strong> réinsérer <strong>les</strong> activités qui ont disparu (ou qui<br />

n'ont jamais été présentes) <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers. Un groupe technique de <strong>la</strong> DIV<br />

a mené <strong>une</strong> action <strong>dans</strong> ce sens <strong>dans</strong> plusieurs sites. L'évaluation qui en en a<br />

été faite révèle <strong>des</strong> points noirs, mais également <strong>des</strong> actions réussies bien<br />

qu'encore fragi<strong>les</strong>.<br />

La réintroduction d'activités commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong> a permis<br />

d'améliorer <strong>la</strong> qualité de vie <strong>dans</strong> ces quartiers, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où el<strong>les</strong> rendent<br />

un service de proximité, mais aussi parce qu'eUes offrent un lieu de rencontre<br />

<strong>pour</strong> <strong>les</strong> habitants, <strong>une</strong> animation par le biais <strong>des</strong> personnes qui s'y retrouvent,<br />

par <strong>les</strong> vitrines, et parce qu'eUes contribuent à créer un sentiment<br />

de sécurité. En outre, El<strong>les</strong> permettent de créer quelques emplois et<br />

éventuelle ment d'attirer d'autres commerces ou même <strong>des</strong> entreprises.<br />

La loi d'orientation <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a prévu à cet effet <strong>une</strong> exonération de <strong>la</strong><br />

taxe professionnelle <strong>pour</strong> <strong>les</strong> entreprises qui viennent s'imp<strong>la</strong>nter <strong>dans</strong> ces<br />

quartiers. Cette voie a été récemment favorisée par l'Etat par le biais de<br />

contrats avec <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> entreprises qui s'engagent à soutenir <strong>la</strong> création<br />

d'activités, à faire de <strong>la</strong> formation professionnelle et à offrir <strong>des</strong> emplois à<br />

faible qualification.<br />

3°/- Vers <strong>une</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> plus <strong>la</strong>rge<br />

Le traitement global de l'objet urbain n'est pas toujours réalisé. En effet,<br />

il semble que <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> corresponde souvent à <strong>une</strong> politique <strong>des</strong><br />

quartiers en difficulté, plus qu'à <strong>une</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> au sens <strong>la</strong>rge.<br />

C'est le cas de <strong>la</strong> procédure de DSQ, mais aussi du PACT-urbain de l'Arc<br />

Nord-Est, qui intervient <strong>dans</strong> le cadre <strong>des</strong> contrats de p<strong>la</strong>n Etat-région <strong>pour</strong><br />

régler <strong>les</strong> problèmes spécifiques aux anciens bassins d'emploi industriel du<br />

nord-est. Vingt-deux sites ont été choisis <strong>dans</strong> huit régions gravement confrontées<br />

à <strong>des</strong> nécessités de reconversion. L'approche adoptée est <strong>la</strong> même que<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> DSQ, c'est-à-dire l'intercommunalité, le partenariat entre <strong>les</strong> acteurs et<br />

le traitement global <strong>des</strong> aspects social, économique et culturel, <strong>dans</strong> certains<br />

quartiers, sans toutefois aborder <strong>la</strong> globalité de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> elle-même.<br />

Depuis 1989, cependant, sont apparues <strong>des</strong> politiques qui interviennent à<br />

l'échelle de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ou de l'agglomération.<br />

- Les conventions "<strong>ville</strong>-habitat" permettent <strong>des</strong> actions de recomposition<br />

urbaine et de valorisation du patrimoine bâti <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers anciens et<br />

d'habitat social. El<strong>les</strong> donnent lieu à <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ns locaux de l'habitat (PLH) qui<br />

sont signés <strong>pour</strong> trois ans entre l'Etat et l'agglomération (ou <strong>la</strong> comm<strong>une</strong>).<br />

- Les 13 contrats de <strong>ville</strong> signés depuis 1989 visent à prendre en compte<br />

l'ensemble de <strong>la</strong> situation économique et sociale à l'échelle de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.<br />

- De même, <strong>les</strong> programmes de réseaux de vil<strong>les</strong> et d'aires<br />

métropolitaines mis en p<strong>la</strong>ce par <strong>la</strong> DATAR abordent <strong>la</strong> <strong>ville</strong> à <strong>une</strong> plus<br />

grande échelle, afin de considérer <strong>les</strong> complémentarités entre <strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

moyennes (c'est le programme <strong>des</strong> réseaux de vil<strong>les</strong>) et entre <strong>des</strong><br />

agglomérations qui forment <strong>des</strong> aires métropolitaines d'échelle européenne.


-- 60 --<br />

On peut cependant se demander si l'ambition démesurée de <strong>la</strong> politique<br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> ainsi esquissée n'est pas irréaliste. Un rapport de <strong>la</strong> Cour <strong>des</strong><br />

Comptes de 1990 sur <strong>la</strong> mise en oeuvre de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> pose <strong>les</strong> limites<br />

d'<strong>une</strong> telle approche. Sans remettre en cause le bien-fondé d'<strong>une</strong> démarche<br />

pluridisciplinaire, le rapporteur met l'accent sur <strong>les</strong> risques comportés<br />

par <strong>la</strong> dispersion <strong>des</strong> crédits sur <strong>des</strong> sites et <strong>dans</strong> <strong>des</strong> domaines de plus en<br />

plus variés. Il semble donc utile de lister <strong>les</strong> dysfonctionnements de <strong>la</strong><br />

politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> telle qu'elle a été engagée depuis 1982.<br />

E. -LES DYSFONCTIONNEMENTS DANS LEURS GRANDES LIGNES<br />

1° /- Retard et urgence<br />

-La date de création du ministère de l'urbanisme correspond à <strong>la</strong> montée<br />

de <strong>la</strong> violence constatée <strong>dans</strong> certaines banlieues de gran<strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. La<br />

réaction gouvernementale a donc été de répondre à un problème qui se<br />

révé<strong>la</strong>it important, alors que <strong>les</strong> dysfonctionnements qui furent <strong>la</strong> cause de<br />

cette montée de <strong>la</strong> violence -et de bien d'autres vicissitu<strong>des</strong>- étaient bien<br />

antérieurs et, à l'époque, méconnus.<br />

En effet, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années soixante, <strong>la</strong> qualité a été sacrifiée à <strong>la</strong> rapidité<br />

et à <strong>la</strong> quantité. Les organismes HLM qui avaient construits 68 000<br />

logements en 1958 en ont construit 1 150 000 jusqu'en 1968. L'ampleur <strong>des</strong><br />

besoins en matière de logements a fait se porter <strong>les</strong> choix sur <strong>des</strong> solutions à<br />

moindre coût et l'on paie aujourd'hui <strong>les</strong> économies qu'on avait cru pouvoir<br />

faire il y a trente ans. Les habitations provisoires sont entrées <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

longévité. Etait-il cependant possible de prévoir <strong>les</strong> conséquences de<br />

l'urbanisation par <strong>les</strong> ZUP <br />

-Il Y a sans doute, mis à part <strong>les</strong> difficultés inhérentes à tout travail de<br />

prévision, <strong>une</strong> carence <strong>dans</strong> l'approche prospective de l'évolution <strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

qui correspond à un urbanisme de rattrapage, plus qu'à un urbanisme<br />

prévisionnel. Plutôt que de s'attaquer au <strong>pour</strong>quoi et au comment <strong>des</strong> causes<br />

immédiates, on a souvent répondu à <strong>des</strong> besoins imminents; on s'est attaché à<br />

calmer, à tenter de guérir <strong>des</strong> situations critiques qui nécessitaient <strong>des</strong> actions<br />

d'urgence. On a ainsi négligé <strong>la</strong> prévention, <strong>pour</strong>tant plus efficace et rentable<br />

à long terme.<br />

On retrouve cette erreur <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> domaines de l'urbanisme. Pour résoudre<br />

<strong>les</strong> difficultés de certains quartiers périphériques, <strong>la</strong> loi de 1977 instituant<br />

<strong>la</strong> procédure Habitat vie sociale centrait son action sur <strong>la</strong> réhabilitation<br />

<strong>des</strong> logements. On s'est rendu compte en 1982 que cette action était insuffisante,<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>la</strong> dégradation de ces quartiers n'était pas <strong>la</strong> cause<br />

mais <strong>la</strong> conséquence de dysfonctionnements sociaux et proprement urbains<br />

(ségrégation sociale et ethnique, chômage, enc<strong>la</strong>vement).<br />

En matière d'activité économique, on s'est aperçu qu'il était plus efficace<br />

de soutenir et de maintenir <strong>les</strong> services, plutôt que de <strong>les</strong> réintroduire <strong>une</strong><br />

fois qu'ils avaient disparu. Les difficultés à saisir le long terme se trouvent<br />

aggravées par <strong>la</strong> soumission de l'action au temps électoral.


-- 61 --<br />

2°/- La sectorisation<br />

La sectorisation va de pair avec le retard. En effet, <strong>les</strong> situations d'urgence<br />

ont provoqué <strong>des</strong> réponses rapi<strong>des</strong> qui n'ont pas pu aborder <strong>les</strong> problèmes de <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong> <strong>dans</strong> leur globalité. La méconnaissance <strong>des</strong> interre<strong>la</strong>tions entre tous <strong>les</strong><br />

éléments de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, <strong>des</strong> tissus divers et entremêlés qui <strong>la</strong> composent a entraîné<br />

<strong>des</strong> actions dont on a mal anticipé <strong>les</strong> répercussions.<br />

Cette sectorisation se retrouve à deux échel<strong>les</strong> différentes.<br />

Au niveau <strong>des</strong> <strong>fonctions</strong>, tout d'abord, <strong>la</strong> tendance a été d'agir sur l'<strong>une</strong> en<br />

négligeant <strong>les</strong> autres. On a vu que <strong>les</strong> trois dernières gran<strong>des</strong> lois sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

privilégiaient le logement. La loi "Besson", qui s'y intéresse directement, mais<br />

aussi <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> solidarité intercommunale qui se réfère aux problèmes du logement<br />

social, et <strong>la</strong> loi d'orientation <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> (LOV), qui, malgré son titre<br />

premier très vaste, trouve <strong>des</strong> applications pratiques surtout en matière<br />

d'habitat. Cette réduction de l'urbain aux problèmes du logement méconnaît<br />

l'importance de l'activité économique ou encore de <strong>la</strong> citoyenneté.<br />

Elle méconnaît aussi <strong>une</strong> deuxième échelle qui est celle de l'espace de <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong>. Depuis <strong>la</strong> création du ministère, <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> s'est concentrée<br />

sur <strong>les</strong> espaces défavorisés, négligeant de voir que certaines situations<br />

critiques se retrouvaient ailleurs, sous <strong>une</strong> forme atténuée ou sous-jacente.<br />

D'un autre côté, l'appel<strong>la</strong>tion de quartier défavorisé a été étendue à <strong>des</strong> sites<br />

de plus en plus nombreux, ce qui a eu <strong>pour</strong> effet de limiter l'efficacité <strong>des</strong><br />

ai<strong>des</strong> attribuées.<br />

3°/- Les niveaux d'intervention<br />

La tradition colbertiste centralisatrice fait toujours ressentir ses effets.<br />

Tout comme <strong>les</strong> activités économiques qui se trouvent concentrées autour et<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>des</strong> agglomérations, <strong>les</strong> administrations responsab<strong>les</strong> sont toutes<br />

localisées en lie de France. La DATAR, administration <strong>des</strong>tinée à répartir<br />

harmonieusement <strong>les</strong> activités et <strong>les</strong> hommes sur le territoire, trouve son<br />

siège au coeur de Paris. Elle n'est donc pas toujours en mesure d'avoir <strong>une</strong><br />

connaissance fine du tissu économique local, ce qui peut l'amener à<br />

commettre <strong>des</strong> erreurs, notamment en matière de primes d'aménagement du<br />

territoire. Cel<strong>les</strong>-ci ne sont attribuées qu'aux entreprises de plus de vingt<br />

sa<strong>la</strong>riés, alors que l'ensemble du tissu économique composé par <strong>les</strong> petites<br />

entreprises est très important en termes d'emploi et de production.<br />

Les lois de décentralisation ont corrigé <strong>dans</strong> <strong>une</strong> certaine mesure cet éloignement<br />

du centre de décision. Il est cependant trop tôt <strong>pour</strong> établir un bi<strong>la</strong>n<br />

global <strong>des</strong> effets. Les acteurs n'étaient pas forcément préparés à recevoir ces<br />

compétences et l'Etat a du garder un certain nombre de structures <strong>pour</strong> encadrer<br />

<strong>les</strong> collectivités. Il en a aussi créé de nouvel<strong>les</strong>.<br />

La multiplication <strong>des</strong> acteurs <strong>dans</strong> <strong>la</strong> prise de décision est source de ralentissement.<br />

Les actions sont trop nombreuses, <strong>les</strong> procédures compliquées, <strong>les</strong><br />

interlocuteurs mal coordonnés, ce qui a <strong>pour</strong> effet de rallonger <strong>les</strong> dé<strong>la</strong>is. Elle<br />

entraîne aussi <strong>une</strong> compartimentation <strong>des</strong> crédits, qui sont répartis et distribués<br />

par <strong>les</strong> instances centra<strong>les</strong>, et un manque de coordination entre <strong>les</strong> actions


-- 62 --<br />

entreprises, ce qui porte atteinte à leur efficacité, <strong>les</strong> priorités n'étant pas toujours<br />

c<strong>la</strong>irement déterminées.<br />

Si <strong>la</strong> contribution annuelle de l'Etat <strong>pour</strong> <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> a été majorée<br />

de 50% entre le neuvième et le dixième p<strong>la</strong>n, l'augmentation du nombre<br />

de sites concernés de 50% a entraîné <strong>une</strong> baisse effective <strong>des</strong> subventions<br />

<strong>dans</strong> chacun d'entre eux. Cette diminution de l'effort financier moyen de<br />

l'Etat peut être imputée à <strong>la</strong> trop grande envergure de l'action entreprise, qui<br />

fait bénéficier d'<strong>une</strong> procédure d'exception un trop grand nombre de sites.<br />

La reconnaissance de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> se traduit en effet par <strong>une</strong><br />

multiplication <strong>des</strong> opérations entreprises et par un effort financier soutenu de<br />

l'Etat. C'est <strong>pour</strong>tant en ce<strong>la</strong> que l'on trouve <strong>les</strong> limites d'<strong>une</strong> telle mise en<br />

oeuvre.<br />

La mauvaise connaissance de l'effet <strong>des</strong> politiques et <strong>des</strong> moyen~ qui lui<br />

sont donnés est <strong>la</strong> cause de nombreux retards. Si l'on cerne précisélJ1ent bien<br />

<strong>les</strong> crédits spécifiques de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> engagés par l'Etat, ôn<br />

identifie beaucoup moins bien <strong>les</strong> crédits ordinaires qui dépendent de<br />

nombreux minis tères engagés plus ou moins indirectement <strong>dans</strong> <strong>la</strong> politique<br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Il en est ainsi du ministère de <strong>la</strong> Culture et de <strong>la</strong> francophonie, de<br />

l'Education nationale, <strong>des</strong> Affaires socia<strong>les</strong>, de <strong>la</strong> Je<strong>une</strong>sse et <strong>des</strong> sports, de<br />

l'Artisanat et du commerce intérieur, etc. qui distribuent <strong>des</strong> crédits <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />

opérations urbaines souvent mal intégrées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.


-- 63 --<br />

QUATRIÈME PARTIE<br />

POUR UNE MEILLEURE<br />

QUALITÉ DE VIE URBAINE<br />

I. -UNE VISION GLOBALE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE<br />

1°/- Principes généraux<br />

La <strong>ville</strong> est <strong>une</strong> entité en équilibre instable et dynamique, qui met en re<strong>la</strong>tion<br />

<strong>des</strong> éléments nombreux et variés. Dans cette mesure, on peut <strong>la</strong><br />

comparer à un organisme vivant, fonctionnant par un réseau de re<strong>la</strong>tions<br />

diffici<strong>les</strong> à appréhender.<br />

Cette image d'un corps complexe est incompatible avec le traitement par<br />

zones et par <strong>fonctions</strong> qui a été en vigueur après 1945 et dont on subit encore<br />

<strong>les</strong> effets aujourd'hui.<br />

En effet, <strong>la</strong> <strong>ville</strong> est par essence un brassage de <strong>fonctions</strong>, un entremêlement<br />

d'activités et de re<strong>la</strong>tions humaines, culturel<strong>les</strong> et religieuses, économiques<br />

et politiques. A vouloir séparer ces <strong>fonctions</strong>, on a brisé <strong>les</strong> dynamiques<br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> et on a méconnu ses mécanismes d'interactions.<br />

Dans tout traitement du tissu urbain on doit garder à l'esprit qu'<strong>une</strong> action<br />

sur un élément de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> aura <strong>des</strong> répercussions sur l'ensemble de ses<br />

parties. Il n'y a donc pas lieu de séparer <strong>les</strong> actions sur l'aspect économique,<br />

social, ou culturel; il faut instaurer <strong>une</strong> approche pluridisciplinaire de l'objet<br />

urbain. L'urbanisme doit donc respecter <strong>une</strong> proportion harmonieuse entre<br />

toutes <strong>les</strong> formes d'activités.<br />

Il ne faut pas <strong>pour</strong> autant négliger un autre élément important: celui de<br />

l'ensemble du territoire de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. On a vu que <strong>les</strong> actions d'urgence avaient<br />

tendance à se focaliser sur <strong>les</strong> espaces <strong>les</strong> plus défavorisés, et que <strong>les</strong><br />

récentes créations légis<strong>la</strong>tives et institutionnel<strong>les</strong> se concentraient aussi sur<br />

ces quartiers. Si <strong>la</strong> définition d'action prioritaire n'est pas à remettre en cause,<br />

et même mérite d'être recentrée, il semble utile de définir <strong>une</strong> approche<br />

méthodologique <strong>pour</strong> tous <strong>les</strong> quartiers de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, qu'ils soient ma<strong>la</strong><strong>des</strong> ou<br />

vigoureux.<br />

En effet, si certains lieux semblent réunir <strong>les</strong> plus gran<strong>des</strong> difficultés, on<br />

trouve <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> cas de figure <strong>des</strong> problèmes qu'il est important de résoudre<br />

si l'on veut éviter que ne s'étendent <strong>les</strong> situations d'urgence. Les problèmes<br />

re<strong>la</strong>tifs à certains grands ensemb<strong>les</strong> ne doivent pas obérer <strong>une</strong> vision plus<br />

globale de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ainsi, <strong>la</strong> crise aigue traversée par ceux-ci peut apparaî-


-- 64 --<br />

tre sous <strong>une</strong> forme atténuée ou sous-jacente <strong>dans</strong> d'autres lieux qui sont<br />

considérés comme calmes et équilibrés. Les centres vil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong> et<br />

<strong>les</strong> vil<strong>les</strong> moyennes, <strong>les</strong> bourgs ruraux, rencontrent tous <strong>des</strong> problèmes<br />

spécifiques <strong>pour</strong> <strong>les</strong>quels <strong>des</strong> solutions adaptées doivent être apportées.<br />

Cel<strong>les</strong>-ci ne peuvent que s'inscrire <strong>dans</strong> <strong>une</strong> action sur le long terme,<br />

associant l'ensemble <strong>des</strong> partenaires concernés aux décisions nécessaires à<br />

l'évolution harmonieuse de leur cité.<br />

2°/- Proposition d'<strong>une</strong> méthodologie d'approche<br />

a) Détermination <strong>des</strong> objectifs<br />

La première phase de toute politique est de déterminer <strong>des</strong> objectifs prioritaires.<br />

Dans ce domaine, il est fondamental de définir ce qui doit être fait et<br />

ce qui est réalisable. Des programmes trop ambitieux ou mal adaptés<br />

comportent tous <strong>les</strong> risques d'un échec à venir.<br />

La définition <strong>des</strong> objectifs se fonde sur <strong>des</strong> données loca<strong>les</strong>. Il est, en<br />

effet, inutile d'appliquer un traitement uniforme <strong>pour</strong> <strong>des</strong> cas toujours<br />

particuliers. Certes, <strong>la</strong> diffusion d'expériences est bénéfique, et il faut<br />

encourager <strong>les</strong> instances qui sont susceptib<strong>les</strong> de diffuser <strong>des</strong> savoirs et <strong>des</strong><br />

expériences heureuses. Il faut cependant toujours coller à <strong>la</strong> réalité bien<br />

concrète et originale d'un lieu. D'<strong>une</strong> façon générale, on peut dire que chaque<br />

territoire recèle <strong>des</strong> atouts et <strong>des</strong> handicaps qui lui sont propres, et qu'il faut<br />

bien avoir à l'esprit <strong>pour</strong> en tirer parti.<br />

Cette démarche nécessite <strong>une</strong> analyse de l'existant. Il est indispensable de<br />

recueillir <strong>les</strong> données particulières au site avant de définir <strong>les</strong> objectifs. Ce<strong>la</strong><br />

suppose que l'on ait <strong>une</strong> bonne connaissance du lieu, de chaque territoire, de<br />

sa logique et <strong>des</strong> dysfonctionnements particuliers. Ceux-ci doivent être<br />

traités <strong>dans</strong> <strong>une</strong> approche globale, sous peine d'anéantir <strong>les</strong> effets positifs<br />

d'<strong>une</strong> action qui a <strong>des</strong> répercussions catastrophiques <strong>dans</strong> un autre endroit.<br />

Pour ces raisons, il importe, notamment, que <strong>les</strong> élus puissent disposer<br />

d'outils de réflexion, d'analyse et de décision.<br />

Le Conseil national de l'information statistique (CNIS) lors de sa journée<br />

d'étu<strong>des</strong> du 1er décembre 1992, a mis en évidence <strong>la</strong> difficulté d'accès aux<br />

données statistiques, lorsqu' el<strong>les</strong> existent, et <strong>la</strong> quasi-impossibilité d'opérer<br />

<strong>des</strong> recoupements entre <strong>des</strong> séries statistiques qui ne sont pas de même<br />

nature. Le recours <strong>des</strong> collectivités aux bureaux d'étu<strong>des</strong> privés compliquent<br />

encore le système, car ce<strong>la</strong> crée autant de répertoires de données et de<br />

systèmes d'analyse différents.<br />

Il est donc urgent d'établir un cadre type <strong>des</strong> statistiques sur <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> et<br />

sur <strong>les</strong> agglomérations qui permette de comparer <strong>les</strong> données de même nature<br />

sur différents sujets. On ne peut qu'encourager leur informatisation progressive<br />

sous forme de banques de données exhaustives, accessib<strong>les</strong> et, surtout,<br />

compréhensib<strong>les</strong> à tous. Sur ce point un rapprochement avec <strong>la</strong> Commission<br />

nationale de l'informatique et <strong>des</strong> libertés (CNIL) est nécessaire.


-- 65 --<br />

b) Détermination <strong>des</strong> moyens <strong>pour</strong> parvenir aux objectifs<br />

La détermination <strong>des</strong> moyens d'action passe par <strong>une</strong> bonne connaissance<br />

<strong>des</strong> structures et <strong>des</strong> fonctionnements de l'objet sur lequel on intervient. On<br />

entend par structure le mode d'organisation de l'espace. Chaque territoire<br />

supporte <strong>des</strong> hommes et <strong>des</strong> activités, gui sont <strong>les</strong> structures fonctionnel<strong>les</strong><br />

de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. La problématique locale intervient lorsqu'on superpose sur ces<br />

structures <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de fonctionnement <strong>dans</strong> le temps.<br />

Si <strong>une</strong> même structure urbaine détermine <strong>des</strong> fonctionnements communs,<br />

il faut cependant re<strong>la</strong>tiviser ce déterminisme <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où <strong>les</strong><br />

fonctionnements <strong>dans</strong> le temps peuvent être très différents.<br />

Lorsque l'on engage <strong>une</strong> recherche $ur <strong>une</strong> <strong>ville</strong>, iJ faut déterminer <strong>les</strong><br />

mo<strong>des</strong> de fonctionnement afin d'identifier <strong>les</strong> opérateurs sur <strong>les</strong>quels on<br />

<strong>pour</strong>ra intervenir <strong>pour</strong> parvenir aux objectifs précédemment fixés. En effet,<br />

l'action sur un opérateur entraîne un effet de réactions en chaîne. L'exemple<br />

d'<strong>une</strong> réaction en chaîne négative a été évoqué plus haut à l'occasion de <strong>la</strong><br />

présentation <strong>des</strong> dysfonctionnements <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong>. On peut<br />

cependant impulser <strong>des</strong> réactions en chaîne positive. Il faut <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> bien<br />

connaître le mode de fonctionnement d'un quartier ou d'<strong>une</strong> <strong>ville</strong>, afin de<br />

repérer <strong>les</strong> besoins vitaux qui ne sont pas satisfaits. Selon <strong>les</strong> cas. le maintien<br />

ou <strong>la</strong> création d'un commerce de détail, d'un atelier artisanal, d'<strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce ou<br />

d'un café, aura <strong>des</strong> répercussions bénéfiques .sur l'ensemble du quartier.<br />

Cette détermination <strong>des</strong> moyens Ile peut se contenter d'<strong>une</strong> connaissance<br />

statistique. II est indispensable de faire intervenir <strong>la</strong> participation <strong>des</strong><br />

habitants à travers leurs organismes représentatifs, qui <strong>pour</strong>ront préciser ce<br />

qui leur manque et (:e <strong>dans</strong> quoi ils auront envie de s'investir. Favoriser <strong>la</strong><br />

participation, c'est rendre chaque habitant acteur du développement et du<br />

fonctionnement de sa <strong>ville</strong>.<br />

Les élus locaux doivent associer étroitement jes habitants aux décisions<br />

qui <strong>les</strong> concernent (urbanisme. environnement. sécurité, logement, services<br />

publics..) ainsi qu'à <strong>la</strong> mise en oeuvre t~t au 5ui'/i de cel<strong>les</strong>-ci, en !-<br />

1articulier !'application de <strong>la</strong> loi d'orientation n° 92125 du 6 février 1992<br />

re<strong>la</strong>tive à l'administration territoriale de <strong>la</strong> République et notamment de son<br />

chapitre Il, concernant <strong>la</strong> participation <strong>des</strong> habitants à <strong>la</strong> vie locale. Dans !es<br />

quartiers bénéficiant de procédures DSQ <strong>pour</strong>raient être généralisés, à<br />

l'image de ce qui exi5te déjà <strong>dans</strong> certaines vil<strong>les</strong>, <strong>des</strong> lieux d'écoute et de<br />

débat sous forme de Conseil de quartier ou de Comité <strong>des</strong> habitants Ils<br />

doivent aussi veiller au développement <strong>des</strong> associations, favoriser et<br />

encourager <strong>la</strong> coopération entre cel<strong>les</strong> qui oeuvrent <strong>dans</strong> ces domaines en<br />

leur apportant leur soutien logistique et financier. Ce<strong>la</strong> implique notamment<br />

le respect <strong>des</strong> dé<strong>la</strong>is de versement <strong>des</strong> subventions afin de ne pas nuire à<br />

l'efficacité <strong>des</strong> actions engagées. Un projet aura plus de chances de réussir si<br />

<strong>les</strong> principaux intéressés se l'approprient. Il semble donc plus judicieux de<br />

partir <strong>des</strong> initiatives loca<strong>les</strong>, quitte à apporter le soutien logistique et<br />

financier d'<strong>une</strong> instance supérieure.<br />

Dans un souci de rigueur et de crédibilité, toute priorité dégagée devrait<br />

être assortie d'un calendrier d'échelonnement <strong>des</strong> opérations et d'un p<strong>la</strong>n de<br />

financement engageant <strong>les</strong> différents partenaires publics et privés concernés.<br />

Pour mener à bien <strong>une</strong> telle démarche, l'accompagnement <strong>des</strong> acteurs de <strong>la</strong><br />

<strong>ville</strong> <strong>dans</strong> leurs décisions, grâce à <strong>une</strong> action de formation et d'information,<br />

apparaît nécessaire.


-- 66 --<br />

Les acteurs de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sont nombreux et proviennent d'horizons divers:<br />

publics, privés, particuliers, entreprises, défendant <strong>des</strong> intérêts individuels ou<br />

collectifs. Chacun d'entre eux doit apporter son concours, à partir de sa propre<br />

culture et de ses motivations à <strong>la</strong> réalisation d'objectifs définis en commun.<br />

La mise en synergie de tous ces acteurs est difficile et nécessite <strong>une</strong> animation<br />

par <strong>des</strong> professionnels formés à cet effet et susceptib<strong>les</strong> de<br />

familiariser l'ensemble <strong>des</strong> parties prenantes avec <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> de l'urbanisme,<br />

de <strong>la</strong> construction et de l'environnement, d'accès trop souvent difficile <strong>pour</strong><br />

le non spécia liste.<br />

Partant, toute politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong> mise en p<strong>la</strong>ce doit s'accompagner <strong>des</strong><br />

moyens nécessaires à l'animation et à <strong>la</strong> formation de l'ensemble <strong>des</strong> acteurs<br />

<strong>dans</strong> le cadre d'un véritable urbanisme concerté.<br />

c) Evaluation de l'impact de <strong>la</strong> politique mise en oeuvre<br />

Si <strong>la</strong> connaissance de l'existant est parcel<strong>la</strong>ire, celle de ses effets est<br />

encore plus incomplète Il semble nécessaire de procéder à <strong>une</strong> évaluation<br />

régulière et précise de ce que l'on entreprend afin de dégager ce qui est le<br />

plus ou le moins efficace. Dans cette optique, <strong>la</strong> publication systématique <strong>des</strong><br />

résultats obtenus devient indispensable.<br />

En matière de crédits par exemple, iJ est souvent impossible de suivre<br />

['évolution <strong>des</strong> investissements entrepris. Certains crédits dégagés <strong>pour</strong> un<br />

type d'action serol1t employés <strong>pour</strong> un autre, ou bien ne suffiront pas à faire<br />

aboutir le projet, ce qui contribuera à annuler tous <strong>les</strong> efforts entrepris.<br />

L'absence d'évaluation a souvent été dénoncée à J'occasion de différents<br />

rapports sur <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Depuis 1990 cependant, a été crée un<br />

Comite national d'évaluation, par le conseil national <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. Il vise à<br />

définir j'impact rée! lie <strong>la</strong> politique de développement social <strong>des</strong> quartiers;<br />

mais 1'évaluation d'ur1c politique ne va pas sans difficultés.<br />

Etablir <strong>une</strong> méthode globale qui permette de tenir con1pte <strong>des</strong> nuances<br />

particulières propres à chaque opération et d'en faire <strong>la</strong> synthèse relève du<br />

défi cette difficulté s'ajoute aux problèmes re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> fixation d'<strong>une</strong><br />

référence temporelle. Il est en effet difficile de reconstituer, en 1991, <strong>la</strong><br />

situation qui a précédé <strong>la</strong> mise en vigueur d'<strong>une</strong> politique initiée en 1982<br />

(sans compter <strong>les</strong> politiques antérieures : habi1at et vie sociale, ...)<br />

Un autre problème, non moins important, est celui de l'imputabilité.<br />

Autonomiser <strong>les</strong> effets d'<strong>une</strong> opération par rapport à <strong>une</strong> autre est difficile,<br />

lorsque l'on sait qu'il existe <strong>une</strong> véritable synergie entre <strong>les</strong> actions dont on<br />

prétend pouvoir isoler <strong>les</strong> effets<br />

Il est néanmoins possible de proposer <strong>des</strong> indicateurs susceptib<strong>les</strong> d'évaluer<br />

<strong>les</strong> dysfonctionnements et <strong>les</strong> insuffisances <strong>des</strong> politiques entreprises. On peut,<br />

par exemple, mesurer !'insertion économique en comptabilisant le nombre de<br />

personnes qui ont trouvé un emploi après avoir suivi un stage en entreprise. De<br />

même, on peut évaluer l'adaptation <strong>des</strong> logements aux besoins en observant <strong>la</strong><br />

mobilité résidentielle et Je taux de vacance <strong>des</strong> logements, tel que le préconise<br />

M. Joseph Niol <strong>dans</strong> le rapport sur "l'approche quantitative et qualitative <strong>des</strong><br />

besoins en logement et de <strong>la</strong> solvabilité de <strong>la</strong> demande".<br />

Ces indicateurs simp<strong>les</strong> <strong>pour</strong>raient faire l'objet d'un suivi régulier afin de<br />

mesurer <strong>les</strong> effets et <strong>la</strong> durabilité d'<strong>une</strong> politique ainsi que sa perception par<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.


-- 67 --<br />

d) Un nouveau cadre offert à <strong>la</strong> réflexion et à l'action.. l'agglomération<br />

De plus en plus l'agglomération apparaît comme le niveau le plus adéquat<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de ces politiques compte tenu de l'extension en<br />

périphérie <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> de nombreuses <strong>fonctions</strong> structurantes, dépassant par là<br />

même <strong>les</strong> limites administratives communa<strong>les</strong>.<br />

Cette nouvelle échelle devrait permettre de réintégrer <strong>les</strong> quartiers excentrés,<br />

de créer <strong>une</strong> véritable complémentarité entre le centre-<strong>ville</strong> et <strong>la</strong><br />

périphérie, de combler parfois <strong>les</strong> handicaps liés à <strong>la</strong> faible taille de <strong>la</strong> <strong>ville</strong><br />

proprement dite ou de sa position à l'écart <strong>des</strong> grands axes d'échanges. C'est<br />

<strong>dans</strong> ce nouveau périmètre que <strong>des</strong> stratégies de coopération devraient<br />

pouvoir se développer, l'intercommunalité étant encouragée par l'Etat au<br />

moyen de <strong>la</strong> Dotation globale de fonctionnement (DGF).<br />

Dans ce cadre, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de contrats d'agglomération s'inspirant<br />

<strong>des</strong> contrats de <strong>ville</strong> permettrait :<br />

• d'avoir <strong>des</strong> objectifs c<strong>la</strong>irs, précis et concertés de développement<br />

urbain respectant l'échelle humaine;<br />

• d'articuler <strong>les</strong> actions de l'Etat, <strong>des</strong> collectivités territoria<strong>les</strong> et <strong>des</strong><br />

partenaires sociaux;<br />

• de lever <strong>les</strong> difficultés liées à <strong>la</strong> mobilisation <strong>des</strong> financements de<br />

l'Etat, en offrant le cadre à <strong>une</strong> vaste expérience de globalisation <strong>des</strong> crédits<br />

avec contrôle annuel a postériori ;<br />

• de renforcer <strong>la</strong> péréquation <strong>des</strong> moyens <strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s en faisant<br />

jouer <strong>la</strong> dotation de solidarité urbaine;<br />

• d'associer <strong>les</strong> habitants à travers leurs organisations représentatives<br />

dès ('é<strong>la</strong>boration et de <strong>les</strong> informer au fur et à mesure <strong>des</strong> réalisations;<br />

• d'effectuer <strong>une</strong> véritable p<strong>la</strong>nification <strong>des</strong> actions, d'en mesurer <strong>les</strong><br />

effets à travers <strong>une</strong> série d'indicateurs clés.<br />

Une programmation de ce dispositif contractuel devrait être engagée à<br />

l'occasion <strong>des</strong> prochains contrats de p<strong>la</strong>n Etat-régions.<br />

II. -DES ORIENTATIONS NOUVELLES<br />

Une fois <strong>les</strong> principes de <strong>la</strong> méthode établis, notamment en termes<br />

d'objectifs, <strong>les</strong> orientations <strong>pour</strong> agir sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong>, devront s'inscrire <strong>dans</strong> cette<br />

démarche globale mais surtout veiller au respect <strong>des</strong> critères de qualité de vie<br />

précédemment définis: proximité, diversité, mixité, mutabilité, sociabilité,<br />

convertibilité sécurité et convivialité.<br />

Il faudra en outre être conscient que seu<strong>les</strong> leurs sommes et leurs interactions<br />

réciproques <strong>pour</strong>ront créer <strong>une</strong> dynamique positive et enclencher un<br />

processus salvateur.


-- 68 --<br />

Ne pouvant ici aborder tous <strong>les</strong> dysfonctionnements et leurs remè<strong>des</strong> potentiels,<br />

il sera nécessaire de développer plus en détail certaines directives<br />

tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> en cours sur le logement.<br />

Cel<strong>les</strong> qui sont retenues ici paraissent prioritaires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mesure où el<strong>les</strong><br />

conditionnent fortement «La qualité de vie» qui est choisie comme objectif<br />

principal.<br />

A. -RESPECT DE LA MIXITÉ, DE LA DIVERSITÉ DES FONCTIONS<br />

ET DE LA PROXIMITE<br />

Ces trois critères conditionnent l'amélioration de <strong>la</strong> qualité de vie urbaine<br />

et engendrent un certain nombre de dispositions à prendre qui <strong>pour</strong>raient<br />

faire l'objet <strong>des</strong> orientations d'<strong>une</strong> nouvelle politique urbaine.<br />

1°/- Au niveau <strong>des</strong> activités<br />

a) Revitaliser le tissu commercial et artisanal <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong><br />

• L'intérêt de <strong>la</strong> petite entreprise en milieu urbain.<br />

Les artisans et <strong>les</strong> commerçants ont traditiOl1nellement <strong>une</strong> vocatiol1<br />

d'al1imatiol1 de 110S rues urbaines. Ils offrent UI1 service de proximité<br />

<strong>pour</strong> <strong>les</strong> habital1ts du quartier, d'autant plus il1dispensable qu'<strong>une</strong> grande<br />

part de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion est très peu mobile. Ils permettent <strong>la</strong> rencontre et<br />

l'échange entre <strong>les</strong> habitants et peuvent fédérer puis diffuser <strong>les</strong> informations<br />

loca<strong>les</strong>. Ils procurent aussi un sentiment de sécurité, lié à l'animatiol1 et à <strong>la</strong><br />

présence humaine qui disparaît avec leur départ.<br />

Ils sont indissociab<strong>les</strong> de l'idée de centralité. Une <strong>ville</strong> qui perd ses<br />

activités commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong> de centre-<strong>ville</strong>, au profit d'un centre<br />

commercial imp<strong>la</strong>nté en périphérie, perd son identité sociale fondée sur <strong>la</strong><br />

coexistence du logement et d'activités variées. En effet, le centre commercial<br />

satisfait entièrement et uniquement à sa <strong>des</strong>tination fonctionnelle, qui est de<br />

ce fait inconvertible, alors que <strong>la</strong> rue commerçante fait de <strong>la</strong> convertibilité et<br />

de <strong>la</strong> possibilité de changement un de ses premiers principes.<br />

• Les opérations réalisées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> grands ensemb<strong>les</strong><br />

Des opérations de réintroduction et de soutien <strong>des</strong> activités ont été réalisées<br />

<strong>dans</strong> certains DSQ (1). Le groupe technique de <strong>la</strong> DIV (2) a voulu montrer<br />

le rôle que peuvent jouer <strong>les</strong> activités commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

requalification <strong>des</strong> quartiers dégradés.<br />

En plus du rôle social et fédérateur de <strong>la</strong> vie collective, <strong>les</strong> activités<br />

économiques peuvent contribuer à revaloriser un cadre urbain en déshérence.<br />

(1) osa: Développement social <strong>des</strong> quartiers.<br />

(2) DIV : Délégation interministérielle à <strong>la</strong> <strong>ville</strong>.


-- 69 --<br />

Cette dimension collective de l'activité privée a rarement été entrevue par<br />

<strong>les</strong> municipalités qui considèrent souvent que ce<strong>la</strong> ne relève ni de leur<br />

compétence, ni de leur intérêt. Le travail du groupe technique a donc consisté<br />

à remobiliser <strong>les</strong> instances concernées et à faire travailler ensemble <strong>des</strong><br />

acteurs publics et privés qui s'ignoraient: chambres consu<strong>la</strong>ires, organisations<br />

professionnel<strong>les</strong>, prestataires de services, professions libéra<strong>les</strong>, municipalités<br />

et associations de commerçants et d'artisans.<br />

Ces opérations ont été orientées <strong>dans</strong> deux directions: développer <strong>la</strong> production<br />

d'immobilier d'entreprise afin d'offrir <strong>des</strong> locaux et développer <strong>la</strong><br />

fonction commerciale, soit en maintenant <strong>des</strong> activités en difficultés, soit en<br />

soutenant cel<strong>les</strong> qui sont menacées mais qui offrent un potentiel de<br />

développement.<br />

Deux optiques de localisations sont proposées, entre <strong>la</strong> concentration et <strong>la</strong><br />

dispersion <strong>des</strong> activités sur l'ensemble du territoire urbain. Le choix de <strong>la</strong><br />

concentration permet d'optimiser l'effet d'entraînement, de permettre un regroupement<br />

et <strong>une</strong> circu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> clientèle et de réduire <strong>les</strong> frais<br />

d'entretien, de signalétique et de sécurité. Il contribue à constituer un<br />

véritable centre qui peut redynamiser un quartier. Le choix de <strong>la</strong> dispersion<br />

permet de répondre plus finement à <strong>la</strong> demande de proximité <strong>des</strong> habitants. Il<br />

utilise au mieux <strong>les</strong> opportunités foncières de locaux vacants et apporte <strong>la</strong><br />

diversification et l'apparente diversité propre à nos vil<strong>les</strong>.<br />

Le choix d'un mode de réalisation plutôt qu'un autre dépend étroitement<br />

<strong>des</strong> conditions loca<strong>les</strong> et <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> formulées par <strong>les</strong> habitants. Une bonne<br />

connaissance <strong>des</strong> besoins est en effet le garant de <strong>la</strong> réussite de l'entreprise.<br />

Le bi<strong>la</strong>n de cette politique d'intervention <strong>dans</strong> <strong>les</strong> DSQ met en évidence<br />

<strong>les</strong> difficultés à agir <strong>dans</strong> <strong>des</strong> quartiers qui réunissent autant de handicaps.<br />

Souvent imp<strong>la</strong>ntés en périphérie, <strong>les</strong> commerces nouvellement créés<br />

subissent <strong>la</strong> concurrence <strong>des</strong> grands centres commerciaux. On observe <strong>une</strong><br />

forte mobilité de ces commerces, qui, s'ils arrivent à un décol<strong>la</strong>ge<br />

économique, préfèrent se délocaliser <strong>dans</strong> <strong>des</strong> quartiers moins diffici<strong>les</strong>.<br />

D'autres ferment... Pourtant <strong>la</strong> loi d'orientation sur le commerce et l'artisanat<br />

du 27 décembre 1973 dite loi Royer qui dispose <strong>dans</strong> son article premier : "le<br />

commerce et l'artisanat... doivent contribuer à l'amélioration de <strong>la</strong> qualité de<br />

<strong>la</strong> vie, à l'animation de <strong>la</strong> vie urbaine et rurale" et <strong>dans</strong> son article 3 "<strong>les</strong><br />

imp<strong>la</strong>ntations d'entreprises commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong> doivent s'adapter<br />

aux exigences de l'aménagement du territoire, notamment à <strong>la</strong> rénovation <strong>des</strong><br />

cités, au développement <strong>des</strong> agglomérations..."<br />

Les difficultés rencontrées doivent permettre de définir <strong>des</strong> perspectives<br />

sans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> toute action est illusoire. Il est nécessaire de prendre en compte<br />

<strong>la</strong> diversité <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de distribution afin de dégager <strong>des</strong> complémentarités,<br />

plutôt que de se positionner sur le p<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> seule concurrence.<br />

A cet égard, l'adoption d'un schéma directeur d'activités, établi à partir<br />

d'étu<strong>des</strong> préa<strong>la</strong>b<strong>les</strong> prenant en compte <strong>les</strong> besoins existants et leurs<br />

développements possib<strong>les</strong> <strong>dans</strong> un cadre de coopération intercommunale,<br />

<strong>pour</strong>rait être envisagé.<br />

• L'extension de cette politique à l'ensemble <strong>des</strong> quartiers <strong>des</strong> vil<strong>les</strong><br />

Il ne faut pas perdre de vue qu'il est plus facile de soutenir <strong>une</strong> activité en<br />

difficulté que de réimp<strong>la</strong>nter celle qui a disparu. Les efforts financiers et humains<br />

qui ont été engagés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> OSQ doivent être bien sûr prolongés et<br />

perfectionnés afin de transformer <strong>les</strong> politiques "coup de poing" en actions


-- 70 --<br />

permanentes, mais il faut aussi aborder ces politiques de long terme <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />

quartiers non directement menacés de fragilisation.<br />

Si ce<strong>la</strong> ne demande pas le même investissement financier, il faut néanmoins<br />

inciter et permettre aux comm<strong>une</strong>s de se constituer <strong>des</strong> réserves foncières<br />

qui <strong>pour</strong>ront permettre l'imp<strong>la</strong>ntation éventuelle d'activités. Un <strong>des</strong><br />

obstac<strong>les</strong> rencontré par le commerce et l'artisanat est en effet <strong>la</strong> hausse <strong>des</strong><br />

prix fonciers en centre-<strong>ville</strong> ou <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quartiers résidentiels, qui <strong>les</strong> pousse<br />

à <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce aux activités tertiaires. Peut-être serait-il souhaitable que le<br />

Conseil économique et social se saisisse d'<strong>une</strong> étude ou d'un rapport sur <strong>la</strong><br />

question foncière <strong>dans</strong> son ensemble. Un autre handicap à lever est celui de<br />

<strong>la</strong> mise aux normes <strong>des</strong> locaux commerciaux existants, très complexe, et qui<br />

peut décourager <strong>les</strong> tentatives d'imp<strong>la</strong>ntation; sans oublier <strong>les</strong> difficultés liées<br />

à l'accessibilité, au stationnement, au stockage, à <strong>la</strong> signalétique...<br />

11 serait donc préférable d'avancer <strong>dans</strong> le sens d'<strong>une</strong> prise en compte <strong>des</strong><br />

besoins <strong>des</strong> petites entreprises <strong>dans</strong> <strong>les</strong> documents d'urbanisme, e,n<br />

particulier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> PS, afin d'ouvrir toute <strong>une</strong> palette de possibilités <strong>dans</strong> un<br />

maximum de localisations possib<strong>les</strong>, tout en ne prenant pas comme unique<br />

critère de localisation l'opportunité foncière ou <strong>les</strong> terrains résiduels qui n'ont<br />

pas pu être affectés à autre chose. 11 faut s'assurer parallèlement, compte<br />

tenu <strong>des</strong> contraintes d'imp<strong>la</strong>ntation et de mise aux normes, que <strong>les</strong> locaux<br />

soient mutab<strong>les</strong>, et ce à un moindre coût.<br />

Pour faciliter cette démarche anticipatrice, il serait utile de cerner <strong>les</strong> critères<br />

et <strong>les</strong> contraintes d'imp<strong>la</strong>ntation de chaque secteur et de mettre aux<br />

normes <strong>les</strong> besoins moyens de tel type d'activité en fonction du nombre d<br />

'habitants et de <strong>la</strong> clientèle potentielle.<br />

Le partenariat entre <strong>les</strong> élus, <strong>les</strong> chambres consu<strong>la</strong>ires et <strong>les</strong> acteurs<br />

économiques est à ce titre fondamental. Nous ne pouvons à cet effet qu'aller<br />

<strong>dans</strong> le sens de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire "Doubin" du 5 décembre 1989 qui institue un<br />

partenariat <strong>pour</strong> développer l'artisanat et le commerce <strong>dans</strong> <strong>les</strong> petites vil<strong>les</strong><br />

et leur pays. Les opérations de restructurations de l'artisanat et du commerce<br />

(<strong>les</strong> ORAC) sont co-financées par le Fonds d'intervention <strong>pour</strong> <strong>la</strong> sauvegarde,<br />

<strong>la</strong> transmis sion et <strong>la</strong> restructuration <strong>des</strong> activités commercia<strong>les</strong> et artisana<strong>les</strong><br />

(FISAC), le Fonds interministériel de développement <strong>des</strong> actions régiona<strong>les</strong><br />

(FIDAR), le Fonds européen de développement régional (FEDER» <strong>les</strong><br />

collectivités loca<strong>les</strong> et <strong>les</strong> compagnies consu<strong>la</strong>ires.<br />

Les actions financées par ces crédits portent sur l'amélioration de<br />

l'environnement physique et commercial <strong>des</strong> entreprises (circu<strong>la</strong>tion, stationnement,<br />

signalétique) et sur l'amélioration <strong>des</strong> imp<strong>la</strong>ntations commercia<strong>les</strong><br />

el<strong>les</strong>-mêmes.<br />

La circu<strong>la</strong>ire a aussi permis de créer <strong>des</strong> postes d'animateurs du<br />

commerce et de l'artisanat, qui sont chargés de faire col<strong>la</strong>borer <strong>les</strong> différents<br />

acteurs et de favoriser l' émergence de projets communs. Il est certain que le<br />

développement du partenariat repose sur <strong>la</strong> possibilité <strong>des</strong> acteurs à trouver<br />

<strong>des</strong> terrains d'entente et à faire circuler l'information.<br />

b) Attirer <strong>les</strong> sièges sociaux ou administrations<br />

La présence de gran<strong>des</strong> entreprises au coeur <strong>des</strong> quartiers ou <strong>dans</strong> <strong>les</strong> petites<br />

vil<strong>les</strong>, peut permettre aussi d'améliorer l'image du site et d'apporter <strong>une</strong><br />

vitalisation. A cette fin, devrait être encouragée toute imp<strong>la</strong>ntation de sièges<br />

sociaux ou même d'administration.


-- 71 --<br />

c) Développer <strong>les</strong> emplois de proximité<br />

Certaines initiatives margina<strong>les</strong> <strong>pour</strong>raient être "professionnalisées». Le<br />

travail au noir permet rarement de s'insérer <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vie locale. Il serait donc<br />

intéressant d'identifier de tel<strong>les</strong> initiatives et de <strong>les</strong> orienter vers de <strong>la</strong><br />

création d'entreprise <strong>dans</strong> <strong>une</strong> optique d'aménagement du territoire.<br />

De même <strong>les</strong> travaux d'utilité sociale, qui peuvent faire naître un senti<br />

ment d'utilité et de citoyenneté, en luttant contre l'exclusion sociale,<br />

devraient être encouragés à condition qu'ils ne nuisent pas aux activités<br />

existantes.<br />

d) Développer l'insertion par l'économique et <strong>la</strong> formation<br />

Le chômage génère <strong>des</strong> exclusions et un mal-vivre sur <strong>les</strong>quels il est urgent<br />

d'intervenir. Les formations en alternance constituent sans aucun doute<br />

<strong>une</strong> bonne pratique d'insertion et de correspondances entre le monde du travail<br />

et le milieu sco<strong>la</strong>ire.<br />

L'apprentissage est <strong>dans</strong> ce domaine un bon moyen <strong>pour</strong> <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s de<br />

faire leur p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> <strong>la</strong> société. Sans remp<strong>la</strong>cer l'autorité parentale, il offre un<br />

encadrement et <strong>une</strong> présence qui font gravement défaut et permet au je<strong>une</strong> de<br />

se valoriser.<br />

L'organisation de stages successifs en entreprise peut également permettre<br />

aux je<strong>une</strong>s de trouver <strong>une</strong> orientation et faciliter leur insertion ou réinsertion<br />

professionnelle du fait <strong>des</strong> contacts avec <strong>la</strong> réalité du monde du travail.<br />

Cet objectif ne peut être atteint qu'en développant un partenariat plus important<br />

entre <strong>les</strong> entreprises et <strong>les</strong> organismes de formation, qu'ils soient professionnels<br />

ou sco<strong>la</strong>ires.<br />

Par ailleurs, <strong>les</strong> travaux d'utilité sociale, qui peuvent faire naître un sentiment<br />

d'utilité et de citoyenneté, en luttant contre l'exclusion sociale, à condition<br />

qu'ils ne nuisent pas aux activités existantes du secteur marchand et non<br />

marchand, devraient être encouragés.<br />

2°/- Au niveau <strong>des</strong> services publics<br />

Il serait souhaitable d'améliorer le service public <strong>dans</strong> deux directions:<br />

- Imp<strong>la</strong>nter <strong>les</strong> services publics là où ils n'existent pas et <strong>les</strong> réintroduire<br />

là où ils ont disparu. Il n'est pas rare de voir <strong>dans</strong> <strong>les</strong> grands ensemb<strong>les</strong>, quartiers<br />

déjà enc<strong>la</strong>vés, <strong>la</strong> suppression de lignes de bus, en raison de leur<br />

insécurité, ou encore <strong>la</strong> fermeture d'un bureau de poste. Cette abdication du<br />

service public est dangereuse et <strong>une</strong> évolution <strong>dans</strong> le sens d'un renforcement<br />

de <strong>la</strong> sécurité semble préférable. La mission du service public <strong>dans</strong> le<br />

rétablissement de <strong>la</strong> citoyenneté est à redéfinir, <strong>dans</strong> l'idée d'un «droit à»,<br />

droit au transport, à l'école, à <strong>la</strong> culture, etc.<br />

- Adapter le service public à l'évolution <strong>des</strong> besoins <strong>des</strong> usagers. Cette action<br />

passe par <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de nouvel<strong>les</strong> formu<strong>les</strong> après consultation <strong>des</strong><br />

habitants.


-- 72 --<br />

Là encore, <strong>une</strong> évaluation périodique <strong>des</strong> expériences conduites, tant sur<br />

le p<strong>la</strong>n qualitatif que financier, semble indispensable.<br />

En matière de transport, <strong>les</strong> enquêtes de mobilité entreprises par le Centre<br />

d'étu<strong>des</strong> sur <strong>les</strong> transports urbains (CETUR) permettent d'affiner <strong>la</strong> connaissance<br />

<strong>des</strong> pratiques de dép<strong>la</strong>cement d'<strong>une</strong> popu<strong>la</strong>tion donnée afin de proposer<br />

<strong>des</strong> réponses adaptées. Les journées portes ouvertes de <strong>la</strong> RATP avec ses usagers<br />

vont aussi <strong>dans</strong> un sens de médiation qu'il est important d'encourager.<br />

a) L'éducation<br />

L'école est un <strong>des</strong> premiers lieux d'intégration et de sociabilisation <strong>pour</strong><br />

l'enfant. Tout au long de son cursus sco<strong>la</strong>ire, il apprend à connaître et à découvrir<br />

le monde <strong>dans</strong> lequel il vivra. L'école est en plus un équipement<br />

public central qui réunit, non seulement <strong>les</strong> enfants, mais aussi <strong>les</strong> parents, et<br />

qui devrait à ce titre être mieux exploité. L'importance de l'école n'est donc<br />

pas à démontrer.<br />

Le système sco<strong>la</strong>ire se trouve cependant confronté à de graves difficultés,<br />

en particulier <strong>dans</strong> <strong>des</strong> quartiers Ol! <strong>les</strong> enfants sont plus ou moins livrés à<br />

eux-mêmes, sans encadrement parental. Les enfants qui ne maîtrisent pas <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue française sont p<strong>la</strong>cés dès le départ <strong>dans</strong> <strong>des</strong> situations diffici<strong>les</strong> sur<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> l'instituteur n'a pas forcément <strong>la</strong> formation, <strong>les</strong> moyens ou le temps<br />

d'intervenir. La nomination <strong>dans</strong> ces quartiers est souvent ressentie comme<br />

négative et il faut noter que ce sont souvent <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s professeurs et instituteurs,<br />

généralement inexpérimentés et mal préparés a enseigner <strong>dans</strong> ces<br />

conditions, qui y sont envoyés.<br />

La procédure de zone d'éducation prioritaire (ZEP) <strong>la</strong>ncée en 1982 a <strong>pour</strong><br />

but de développer un partenariat entre <strong>les</strong> enseignants, <strong>les</strong> parents, <strong>les</strong> associations<br />

et <strong>les</strong> élus locaux. Elle constitue un bon moyen d'ouvrir l'école sur<br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong> et, inversement, d'obtenir <strong>dans</strong> l'école ce qu'on aurait du trouver <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ainsi, <strong>les</strong> opérations d'école ouverte permettent de rentabiliser <strong>les</strong> locaux<br />

éducatifs fermés en proposant <strong>des</strong> activités culturel<strong>les</strong>, sportives et sco<strong>la</strong>ires<br />

avec <strong>des</strong> animateurs et <strong>des</strong> enseignants <strong>pour</strong> <strong>les</strong> encadrer.<br />

Dans le même ordre d'idée, il serait utile d'envisager dès le plus je<strong>une</strong><br />

âge, <strong>une</strong> approche <strong>des</strong> «cultures de métiers» <strong>dans</strong> le cadre de portes ouvertes<br />

sur <strong>les</strong> quartiers <strong>pour</strong> aider <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s <strong>dans</strong> leurs orientations, leur faire<br />

appréhender leur environnement et découvrir <strong>des</strong> activités qui peuvent el<strong>les</strong><br />

aussi contribuer à leur épanouissement.<br />

L'éducation développe ainsi sa vocation de dialogue et d'ouverture, de<br />

communication vers l'avenir, et c'est <strong>dans</strong> cette voie qu'il semble nécessaire<br />

de <strong>pour</strong>suivre <strong>les</strong> efforts.<br />

b) La culture<br />

La culture est un élément essentiel du désenc<strong>la</strong>vement, elle est le moyen<br />

de donner à <strong>la</strong> cité son identité propre. La densité permet de réunir, de<br />

s'enrichir <strong>des</strong> différences et de faire émerger <strong>une</strong> culture urbaine. Mais<br />

l'impératif de cette émergence est <strong>la</strong> mixité et <strong>la</strong> diversité, qui ne sont pas<br />

toujours respectées et parfois délibérément évitées.<br />

Le développement et <strong>la</strong> démocratisation de <strong>la</strong> culture urbaine passent<br />

donc par l'échange et <strong>la</strong> diffusion <strong>des</strong> expériences de chacun, ce qui est source


-- 73 --<br />

de tolérance. Elle se différencie de l'animation socio-culturelle qui peut être<br />

offerte par ailleurs <strong>dans</strong> ces quartiers. Il faut <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> utiliser <strong>les</strong> ressources<br />

loca<strong>les</strong> et ne pas imposer <strong>des</strong> projets par le haut qui correspondent à un élitisme<br />

et à un perfectionnisme inadaptés. Le rôle <strong>des</strong> animateurs culturels est<br />

donc moins de proposer <strong>des</strong> montages complexes d'opérations dont <strong>les</strong><br />

crédits se font attendre, que de détecter <strong>dans</strong> <strong>les</strong> initiatives loca<strong>les</strong> <strong>des</strong> idées<br />

et <strong>des</strong> actions qui sont susceptib<strong>les</strong> d'être encadrées <strong>pour</strong> recevoir plus<br />

d'envergure. Cette collecte <strong>des</strong> pratiques loca<strong>les</strong> est un gage de réussite car il<br />

permet de réunir <strong>des</strong> personnes qui sont d'autant plus motivées qu'el<strong>les</strong> sont a<br />

l'origine <strong>des</strong> projets.<br />

Les initiatives <strong>la</strong>ncées par le ministère de <strong>la</strong> Culture avec <strong>les</strong> quartiers lumières<br />

et <strong>les</strong> projets J (avec le ministère de <strong>la</strong> Je<strong>une</strong>sse et <strong>des</strong> sports) vont<br />

<strong>dans</strong> le sens d'un soutien financier et de <strong>la</strong> mise à disposition d'<strong>une</strong> structure<br />

d'encadrement qui permettent de soutenir, <strong>des</strong> projets et de <strong>les</strong> aider à voir le<br />

jour.<br />

B. -AMÉLIORER LE CADRE DE VIE<br />

10/- L'urbanisme<br />

L'urbanisme est <strong>une</strong> science de compromis, ce qui en fait <strong>la</strong> richesse et <strong>la</strong><br />

complexité Les normes et <strong>les</strong> structures sont déjà très nombreuses et entremêlées<br />

et exigent un bon maniement du droit <strong>pour</strong> être judicieusement appliquées.<br />

Comme le Conseil d'Etat le soulignait, le droit de l'urbanisme est un droit Je<strong>une</strong><br />

dont <strong>les</strong> strates successives devraient parvenir à s'organiser progressivement et ,l<br />

intégrer <strong>les</strong> réformes liées à <strong>la</strong> décentralisation. Les problèmes rencontrés<br />

résident moins <strong>dans</strong> le contenu que <strong>dans</strong> l'opacité <strong>des</strong> interprétations possib<strong>les</strong> et<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> mise en oeuvre. Il faut donc améliorer l'utilisation potentielle <strong>des</strong> outils<br />

offerts en simplifiant <strong>les</strong> textes et <strong>les</strong> procédures<br />

Le projet de loi déposé en juillet 1993 visant à modifier certaines dispositions<br />

en matière d'urbanisme et de construction semble aller <strong>dans</strong> ce sens.<br />

Il est nécessaire également de rappeler l'importance de <strong>la</strong> politique foncière<br />

<strong>des</strong> comm<strong>une</strong>s qui ont entre leurs mains <strong>les</strong> moyens de p<strong>la</strong>nifier l'avenir<br />

de leur territoire en constituant <strong>des</strong> réserves foncières. L'é<strong>la</strong>rgissement du<br />

droit lie préemption urbain et <strong>la</strong> création d'établissements publics fonciers<br />

permis par <strong>la</strong> LOV devraient inciter <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s à agir <strong>dans</strong> ce sens. Les<br />

étu<strong>des</strong> sur <strong>la</strong> <strong>ville</strong> de Rennes et de Colomiers montrent combien l'ampleur de<br />

<strong>la</strong> politique d'acquisition foncière de <strong>la</strong> comm<strong>une</strong> a permis, à long terme, de<br />

maitriser l'évolution <strong>des</strong> prix fonciers et d'engager <strong>une</strong> politique<br />

d'équipements publics harmonieuse. La maîtrise de <strong>la</strong> croissance et de<br />

l'extension urbaine est un enjeu fondamental <strong>pour</strong> le devenir de nos cités et il<br />

importe qu'il soit mieux pris en compte.<br />

S'agissant de <strong>la</strong> politique de restructuration <strong>des</strong> banlieues et quartiers dégradés,<br />

il est souhaitable qu'elle se <strong>pour</strong>suive à un rythme plus accéléré et que<br />

<strong>les</strong> crédits qui y sont consacrés soient augmentés de façon significative. La dotation<br />

budgétaire exceptionnelle de cinq milliards de francs au collectif de 1993<br />

bien que sans précédent apparaît insuffisante au regard <strong>des</strong> besoins recensés. Il<br />

en va de même <strong>pour</strong> <strong>les</strong> dix milliards de francs décidés au titre <strong>des</strong> contrats de


-- 74 --<br />

<strong>ville</strong> qui devraient être conclus dès <strong>la</strong> fin de 1993 à l'occasion de <strong>la</strong> signature<br />

<strong>des</strong> contrats de p<strong>la</strong>n Etat-régions <strong>pour</strong> <strong>la</strong> réhabilitation <strong>des</strong> quartiers dégradés<br />

sur 165 sites retenus. Il faut noter que cette enveloppe en diminution par rapport<br />

aux chiffres initialement annoncés profite <strong>pour</strong> l'essentiel à quatre régions:<br />

Ile-de-France, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Ca<strong>la</strong>is et Provence-Alpes-<br />

Côte-d'Azur, (60 % <strong>des</strong> crédits) qui connaissent sans doute le plus de<br />

difficultés<br />

Parmi <strong>les</strong> mesures prises en complément au p<strong>la</strong>n d'urgence en faveur du<br />

bâtiment adopté en juillet 1993, cel<strong>les</strong> visant plus particulièrement à privilégier<br />

l'emploi local lors de <strong>la</strong> réalisation de travaux <strong>dans</strong> ces quartiers, l'aide aux<br />

bai11eurs sociaux favorisant l'imp<strong>la</strong>ntation d'activités en pied d'immeuble ou<br />

enfin l'aide à <strong>la</strong> démolition et à <strong>la</strong> réhabilitation <strong>des</strong> copropriétés dégradées,<br />

méritent d'être soulignées car el<strong>les</strong> vont <strong>dans</strong> le sens préconisé.<br />

Enfin, <strong>une</strong> simplification <strong>des</strong> procédures ainsi qu'<strong>une</strong> déconcentration <strong>des</strong><br />

crédits permettant <strong>une</strong> accélération de mise en oeuvre <strong>des</strong> décisions est<br />

souhaitable. C'est en effet de <strong>la</strong> rapidité lie mise en oeuvre <strong>des</strong> décisions que<br />

dépendent <strong>la</strong> crédibilité <strong>des</strong> actions et <strong>la</strong> reprise de confiance <strong>des</strong> habitants de<br />

ces quartiers<br />

- Désenc<strong>la</strong>ver <strong>les</strong> quartiers et <strong>les</strong> banlieues<br />

La qualité de vie <strong>dans</strong> <strong>une</strong> <strong>ville</strong> dépend <strong>la</strong>rgement de <strong>la</strong> façon dont on y<br />

accède, dont on s'y dép<strong>la</strong>ce, mais aussi <strong>des</strong> possibilités de stationnement<br />

qu'elle offre. Une priorité devrait être accordée au désenc<strong>la</strong>vement <strong>des</strong><br />

quartiers excentrés. C'est de leur liaison avec le centre-<strong>ville</strong>, <strong>les</strong> lieux de<br />

travail et de loisir que dépend leur intégration à <strong>la</strong> cité. A ce propos, on doit<br />

insister sur <strong>la</strong> nécessité d'<strong>une</strong> bonne application de <strong>la</strong> loi d'orientation <strong>des</strong><br />

transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982.<br />

Les transports en commun et collectifs, <strong>pour</strong> être attractifs, doivent notamment<br />

offrir <strong>des</strong> horaires de fonctionnement régulier compatib<strong>les</strong> avec<br />

ceux <strong>des</strong> travailleurs, même <strong>les</strong> plus matinaux. <strong>des</strong> écoliers ou lycéens, mais<br />

aussi répondre aux besoins <strong>des</strong> personnes âgées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> journée ou <strong>des</strong><br />

amateurs de cinéma ou de théâtre <strong>dans</strong> <strong>une</strong> heure plus avancée de <strong>la</strong> soirée.<br />

Il serait souhaitable que <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ns d'urbanisme intègrent, en plus <strong>des</strong> voies<br />

lie circu<strong>la</strong>tion <strong>pour</strong> automobi<strong>les</strong>, <strong>des</strong> pistes cyc<strong>la</strong>b<strong>les</strong> offrant toute sécurité<br />

ainsi que <strong>des</strong> aires de stationnement en quantité suffisante, notamment <strong>pour</strong><br />

<strong>les</strong> livraisons, entretien et dépannage. Les voies piétonnières, si souvent<br />

controversées, ont maintenant <strong>la</strong> faveur <strong>des</strong> citoyens qui y trouvent <strong>des</strong><br />

espaces de convivialité et d'échange. Leur développement, après étu<strong>des</strong><br />

d'impact, mérite d'être encouragé.<br />

Une incitation fiscale et <strong>une</strong> aide à <strong>la</strong> recherche devraient être faites en<br />

faveur <strong>des</strong> collectivités loca<strong>les</strong> et territoria<strong>les</strong> qui mettent en circu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong><br />

transports non polluants et moins bruyants (Tramway -véhicu<strong>les</strong> électriques<br />

ou utilisant de nouvel<strong>les</strong> technologies...).<br />

- Valoriser l'environnement<br />

Aux palmarès <strong>des</strong> vil<strong>les</strong> organisés régulièrement en vue d'apprécier leurs<br />

atouts, il est symptomatique de constater que si <strong>les</strong> aspects économiques ne<br />

sont pas négligés, <strong>les</strong> aspects environnementaux, historiques, culturels sont<br />

<strong>la</strong>rgement mis en avant tant ceux-ci sont importants <strong>pour</strong> <strong>les</strong> Français.<br />

C'est <strong>pour</strong>quoi il convient de sauvegarder, valoriser, protéger et mettre à<br />

disposition <strong>des</strong> habitants, dont le sens civique doit être alerté, le patrimoine<br />

naturel ou architectural.


-- 75 --<br />

L'affectation <strong>des</strong> édifices publics c<strong>la</strong>ssés monuments historiques à <strong>des</strong><br />

activités culturel<strong>les</strong>, sportives, commercia<strong>les</strong> ou de services doit être<br />

recherchée de même que l'aménagement d'espaces verts, de bords de rivières<br />

ou de p<strong>la</strong>ns d'eau, encouragé.<br />

Concernant <strong>la</strong> propreté <strong>des</strong> rues, l'exemple anglo-saxon de taxation <strong>des</strong><br />

propriétaires d'animaux occasionnant <strong>des</strong> salissures mériterait d'être retenu.<br />

Quant à <strong>la</strong> lutte contre le bruit, il apparaît nécessaire et urgent de <strong>pour</strong>suivre<br />

et d'intensifier <strong>les</strong> efforts en faveur d'<strong>une</strong> réduction du volume sonore<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> (habitat-transport-activités...).<br />

Enfin, un soin particulier devrait être apporté aux abords <strong>des</strong> agglomérations<br />

et <strong>des</strong> vil<strong>les</strong>. Premiers contacts avec ces lieux, ils détermineront <strong>la</strong>rgement<br />

l'impression qu'on en aura ou que J'on en gardera.<br />

2°/- Le logement<br />

La question du logement est au centre <strong>des</strong> préoccupations urbaines, et l'on<br />

accuse parfois celui-ci d'être à l'origine de tous <strong>les</strong> maux. Sans entrer <strong>dans</strong> le<br />

détail, quelques gran<strong>des</strong> lignes évoquées <strong>dans</strong> le rapport de M. Niol sur <strong>les</strong><br />

besoins en logement, déjà cité, méritent d'être rappelées ici.<br />

étendu<br />

-Considérer le logement <strong>dans</strong> son environnement immédiat et plus<br />

Le logement est inséré <strong>dans</strong> un cadre de vie qui doit répondre aux attentes<br />

de ceux qui l'habitent. Il est donc illusoire de croire qu'un logement agréable<br />

suffit à contenter <strong>les</strong> personnes qui y vivront. Il faut aussi s'intéresser aux<br />

services publics et privés qui sont proposés autour, à <strong>la</strong> présence d'espaces<br />

verts, à l'accessibilité, aux possibilités de stationnement. La délivrance de<br />

permis de construire devrait donc considérer si J'environnement du logement<br />

est agréable et bien organisé, sans se limiter au logement en lui-même. Le<br />

projet de loi sur <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> paysages <strong>dans</strong> le p<strong>la</strong>n d'occupation<br />

<strong>des</strong> sols et <strong>les</strong> permis de construire vont <strong>dans</strong> cette voie. Il semble cependant<br />

très difficile <strong>pour</strong> Je droit de définir ce qu'est un respect <strong>des</strong> paysages et ce<br />

qui ne l'est pas.<br />

-Assurer <strong>la</strong> mixité de l'habitat.<br />

Cette notion développée par <strong>la</strong> loi "Besson" et reprise par <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> solidarité<br />

entre <strong>les</strong> comm<strong>une</strong>s et par <strong>la</strong> Lay, mérite maintenant d'être appliquée<br />

<strong>dans</strong> <strong>les</strong> faits car cette volonté de diversifier <strong>les</strong> types de logement est en<br />

effet le seul moyen de parvenir à <strong>la</strong> mixité sociale et d'éviter que se<br />

reproduisent <strong>les</strong> situations explosives <strong>des</strong> grands ensemb<strong>les</strong>.<br />

Il convient néanmoins d'ajouter que soit aussi respectée <strong>la</strong> mixité entre <strong>les</strong><br />

logements et <strong>les</strong> activités, qui est un facteur déterminant de l'urbanité.<br />

L'obligation formulée par le département <strong>des</strong> Hauts de Seine de construire<br />

<strong>dans</strong> toutes <strong>les</strong> opéra!ions .d'urbanisation un tiers <strong>des</strong> bureaux <strong>pour</strong> deux tiers<br />

de logements semble a ce titre être <strong>une</strong> bonne initiative, <strong>pour</strong> éviter de retomber<br />

<strong>dans</strong> l'écueil de <strong>la</strong> monofonctionnalité.


-- 76 --<br />

- Adapter quantitativement et qualitativement le logement à <strong>la</strong> demande.<br />

Il convient d'abord d'offrir un logement à tous. Le chiffre récemment paru<br />

de 200 000 «sans-abri» (1) constitue <strong>une</strong> réalité inacceptable contre <strong>la</strong>quelle<br />

il convient prioritairement de lutter. Les motifs de cette exclusion sont<br />

complexes, mais il convient de rappeler l'inadaptation <strong>des</strong> logements aux besoins<br />

<strong>des</strong> famil<strong>les</strong>.<br />

Le cycle de vie <strong>des</strong> ménages en Îe de France est à ce titre exemp<strong>la</strong>ire. Les<br />

je<strong>une</strong>s de <strong>la</strong> banlieue décohabitent souvent <strong>pour</strong> rejoindre <strong>la</strong> capitale. Ils sont<br />

cependant contraints de <strong>la</strong> quitter avec leur premier ou deuxième enfant, et<br />

ne peuvent revenir à Paris qu'à <strong>la</strong> fin de leur cycle de vie. Des étu<strong>des</strong> ont<br />

montré que cette trajectoire était c<strong>la</strong>ssique. De nombreuses comm<strong>une</strong>s se<br />

voient <strong>dans</strong> l'incapacité à garder leur popu<strong>la</strong>tion sur le long terme car il<br />

arrive un moment où elle ne trouve plus le logement qui lui convient.<br />

Certaines ont <strong>une</strong> carence de logement social, d'autres de logement privatif,<br />

d'autres trop de Studios, certaines pas assez...<br />

Il est important d'observer l'évolution <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de vie <strong>pour</strong> offrir <strong>des</strong> logements<br />

adaptés. I~a décohabitation volontaire <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s, le développement<br />

<strong>des</strong> famil<strong>les</strong> monoparenta<strong>les</strong>, <strong>les</strong> déco habitations liées aux divorces font<br />

naître <strong>des</strong> besoins spécifiques en termes de logement, qui doivent être<br />

recensés <strong>pour</strong> être anticipés. Il y a eu de nombreux cas d'opérations<br />

immobilières neuves où l'on a dû procéder à <strong>des</strong> abattements de cloisons <strong>pour</strong><br />

offrir <strong>des</strong> logements plus spacieux, ou à l'inverse on a pu constater <strong>la</strong><br />

constructions de trois studios <strong>dans</strong> un F3...<br />

C'est <strong>pour</strong>quoi, même si <strong>la</strong> qualité architecturale et technique <strong>des</strong> logements<br />

s'est nettement améliorée ces dernières années, <strong>les</strong> efforts doivent être<br />

<strong>pour</strong>suivis <strong>pour</strong> que <strong>les</strong> nouveaux programmes offrent <strong>des</strong> surfaces plus<br />

importantes, <strong>des</strong> appartements évolutifs, bien insonorisés et situés <strong>dans</strong> de<br />

petites unités plus convivia<strong>les</strong>.<br />

La proposition faite <strong>dans</strong> le cadre du rapport déjà cité sur «<strong>les</strong> besoins en<br />

logements» de M. Joseph Niol de créer <strong>des</strong> observatoires locaux de l'habitat<br />

prend ici toute sa valeur et mériterait donc d'être rapidement mise en oeuvre.<br />

- Favoriser <strong>la</strong> réhabilitation du parc existant.<br />

La potentialité de logements en centre ancien mérite que l'on s'y intéresse<br />

car elle constitue <strong>une</strong> réponse aux besoins de locatif "social", mais, surtout,<br />

sa réhabilitation peut engendrer un redémarrage de l'activité du bâtiment,<br />

créer <strong>des</strong> emplois à proximité et revitaliser <strong>les</strong> centres vil<strong>les</strong>.<br />

C. -SÉCURITÉ ET CONVIVIALITÉ<br />

1°/- Améliorer <strong>la</strong> sécurité<br />

Il faut distinguer l'insécurité réelle, du sentiment d'insécurité qui est <strong>une</strong><br />

insécurité ressentie, projetée et fantasmée, et qui ne donne pas lieu à de <strong>la</strong> vio -<br />

(1) Etude réalisée par <strong>la</strong> SIPE <strong>pour</strong> le groupe Scic «Les sans abris.. état <strong>des</strong> lieUo\:». 1992.


-- 77 --<br />

lence. Le sentiment d'insécurité est <strong>la</strong> conséquence d'<strong>une</strong> ambiance ressentie<br />

désagréablement et d'<strong>une</strong> médiatisation parfois excessive de faits divers. Il<br />

faut donc combattre à <strong>la</strong> fois l'insécurité et le sentiment qui l'accompagne, et<br />

qui devient tellement réel qu'il paralyse.<br />

La répression seule ne peut pas résoudre le problème de <strong>la</strong> délinquance.<br />

La prévention de <strong>la</strong> délinquance suppose que soient déterminées <strong>les</strong> causes<br />

de celle-ci: inactivité, sentiment d'exclusion et de rejet, et intolérance, sont<br />

<strong>des</strong> phénomènes sur <strong>les</strong>quels il est difficile d'agir.<br />

La solution adoptée semble être encore <strong>la</strong> médiation et le dialogue. Si tout<br />

le monde est concerné par <strong>la</strong> délinquance, il importe que tous soient mobilisés.<br />

<strong>les</strong> acteurs de <strong>la</strong> formation sco<strong>la</strong>ire ou en entreprise, <strong>les</strong> parents, <strong>les</strong> anima teurs<br />

doivent travailler ensemble <strong>pour</strong> encadrer et prévenir <strong>la</strong> marginalisation <strong>des</strong><br />

je<strong>une</strong>s. Les nouvel<strong>les</strong> formes d'organisation de <strong>la</strong> police, comme l'îlotage,<br />

doivent être favorisées, compte tenu <strong>des</strong> résultats obtenus. Ce rapprochement<br />

<strong>des</strong> forces de l'ordre et de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion s'applique également au système judiciaire,<br />

qui peut développer <strong>la</strong> médiation à l'aide <strong>des</strong> conseils communaux de<br />

prévention de <strong>la</strong> délinquance, présents <strong>dans</strong> 600 comm<strong>une</strong>s.<br />

Le sentiment d'insécurité est plus difficile à appréhender. On ne sortira<br />

pas de l'impasse si on ne fait pas passer le message de <strong>la</strong> compréhension et de<br />

<strong>la</strong> tolérance, d'abord envers <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s, qui représentent le tiers de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

<strong>des</strong> quartiers en difficulté (alors que <strong>les</strong> moins de vingt ans ne représentent<br />

que 25 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion), envers <strong>les</strong> étrangers ensuite, qui représentent<br />

20 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion totale (contre 6 % en moyenne nationale). La prévention<br />

de <strong>la</strong> délinquance et en particulier ses nouvel<strong>les</strong> formes qui affectent <strong>les</strong><br />

je<strong>une</strong>s et n'épargnent pas l'école, mérite d'être développée.<br />

2°/- Développer <strong>la</strong> convivialité<br />

La restauration d'un sentiment d'utilité sociale, d'appartenance et de citoyenneté<br />

est le préa<strong>la</strong>ble à toute amélioration de <strong>la</strong> qualité de vie. Il importe<br />

donc de développer <strong>la</strong> solidarité et le sentiment d'appartenance à <strong>une</strong> communauté,<br />

préa<strong>la</strong>b<strong>les</strong> indispensab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> cohésion et à l'équilibre de <strong>la</strong> <strong>ville</strong>. Ce<strong>la</strong><br />

passe par un rétablissement de <strong>la</strong> participation, même si elle est difficile à<br />

mettre en oeuvre. A Athènes, <strong>la</strong> citoyenneté, si souvent citée en exemple,<br />

n'était que le privilège de quelques personnes...<br />

Le développement <strong>des</strong> espaces d'accueil, de jeux, de vie autonome <strong>des</strong> enfants<br />

et <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s, l'ouverture de l'école sur le quartier et ses activités, le<br />

renforcement du rôle <strong>des</strong> associations et collectivités loca<strong>les</strong> qui organisent<br />

<strong>des</strong> activités éducatives en complément du temps sco<strong>la</strong>ire sont de nature à<br />

favoriser, à terme, l'acquisition d'un sentiment de citoyenneté.<br />

Les déficits de participation sont en général liés à <strong>des</strong> phénomènes<br />

d'exclusion et de marginalisation. La montée de l'individualisme et du repli<br />

sur soi accompagne le déclin <strong>des</strong> traditions militantes du milieu ouvrier, qui<br />

avaient <strong>des</strong> répercussions sur <strong>la</strong> vie locale.<br />

La participation a besoin de lieux d'accueil, comme <strong>les</strong> conseils de quartiers,<br />

<strong>les</strong> comités d'intérêt locaux, <strong>les</strong> maisons du citoyen, <strong>les</strong> régies de quartier, dont<br />

<strong>les</strong> habitants fixent <strong>les</strong> objectifs et maîtrisent le budget. La nécessité de<br />

l'instal<strong>la</strong>tion de centres nombreux, facilitant à tous <strong>les</strong> niveaux <strong>les</strong> rencontres et<br />

<strong>les</strong> re<strong>la</strong>tions socia<strong>les</strong>, s'impose d'autant plus impérieusement que <strong>les</strong> participants<br />

éventuels sont en plus grand nombre et se trouvent dispersés sur de plus


-- 78 --<br />

vastes étendues. Leurs horaires d'ouverture doivent aussi être adaptés aux disponibilités<br />

de chacun. Quel est, en effet, l'intérêt d'un local <strong>pour</strong> <strong>les</strong> je<strong>une</strong>s<br />

ouvert aux horaires sco<strong>la</strong>ires et fermé le soir, le week-end et pendant <strong>les</strong> vacances<br />

L'ouverture de ces lieux avait déjà été préconisée lors d'un<br />

précédent rapport du CES sur «<strong>les</strong> loisirs <strong>des</strong> je<strong>une</strong>s" présenté par Mme<br />

Janine Til<strong>la</strong>rd en mai 1992.<br />

II faut aujourd'hui trouver <strong>des</strong> moyens <strong>pour</strong> rapprocher <strong>les</strong> habitants entre<br />

eux et permettre l'émergence de projets communs. De même qu'en droit de<br />

l'urbanisme, on est passé d'<strong>une</strong> procédure conjointe à <strong>une</strong> procédure associée,<br />

il conviendrait d'en faire de même avec <strong>les</strong> habitants. La communication avec<br />

<strong>les</strong> habitants est <strong>une</strong> clef <strong>pour</strong> modifier l'image négative endossée par un<br />

quartier<br />

Plus qu'un partenariat, il s'agit de développer <strong>la</strong> participation <strong>des</strong> habitants<br />

sur <strong>la</strong> définition et <strong>la</strong> mise en oeuvre de <strong>la</strong> politique urbaine. A Mey<strong>la</strong>n (près<br />

de Grenoble), <strong>la</strong> participation <strong>des</strong> habitants a été requise <strong>pour</strong> réaménager <strong>la</strong><br />

cité. Dans cette optique, il s'agit d'adopter <strong>une</strong> conception patrimoniale de<br />

l'espace urbain, en considérant. que ('est un bien culturel gui appartient à tous,<br />

et sur lequel tous doivent donc se prononcer. Cette expérience a donné lieu à<br />

<strong>une</strong> hausse de <strong>la</strong> satisfaction <strong>des</strong> habitants en matière de qualité de vie (1)<br />

Il faut partir de projets concrets, d'Initiatives loca<strong>les</strong> qui ont réussi à fédérer<br />

un certain nombre de personnes, et ce <strong>dans</strong> <strong>des</strong> domaines variés: logement,<br />

école, commerce, culture, sports. Ces projets doivent s'inscrire <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

durée. Il faut donc établir un suffit afin d'éviter que <strong>les</strong> motivés se<br />

démotivent, et encourager <strong>les</strong> moins motivés il se remotiver.<br />

(]) Selon un article de Fondation de France, avril ]992, 82 % <strong>des</strong> habitants se réjouissent d'<strong>une</strong><br />

<strong>meilleure</strong> qualité de vie.


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CONCLUSION<br />

La <strong>ville</strong> est un lieu d'espoir et d'échange, il faut lui donner <strong>les</strong> moyens<br />

d'assurer ces rô<strong>les</strong>. Les ruptures que l'on observe <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>ville</strong> sont cependant<br />

plus profon<strong>des</strong> que de simp<strong>les</strong> dysfonctionnements urbains. El<strong>les</strong> correspondent<br />

a <strong>des</strong> mutations structurel<strong>les</strong> de notre société où l'uniformisation de <strong>la</strong><br />

mobilité sociale entraîne <strong>une</strong> marginalisation d'<strong>une</strong> part croissante de <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion.<br />

Il importe aujourd'hui de ne plus cloisonner <strong>les</strong> mon<strong>des</strong>, de développer<br />

non seulement <strong>une</strong>, mais <strong>des</strong> cultures, urbaines, et de leur donner un lieu<br />

d'expression et d'échange : l'espace public.

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