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3. Les arts de bâtir, les techniques et les hommes

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El - Qaouzah<br />

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<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir,<br />

<strong>les</strong> <strong>techniques</strong><br />

<strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

Pays <strong>de</strong> la pierre par excellence, le Liban n’a que peu<br />

exploité dans son architecture l’utilisation <strong>de</strong> la terre <strong>et</strong> du<br />

bois pourtant abondant sur son territoire. <strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> la taille<br />

<strong>de</strong> pierre sont développés : <strong>les</strong> diversités loca<strong>les</strong> exploitent<br />

largement <strong>les</strong> possibilités <strong>de</strong>s matériaux à disposition, tant<br />

sur le plan technique que sur le plan esthétique ou même<br />

artistique… Le noir du basalte, le gris, l’ocre, le jaune ou le<br />

blanc du calcaire, l’ocre jaunâtre du grès : autant <strong>de</strong> couleurs<br />

qui ajoutent au parement <strong>de</strong> pierre sa touche <strong>de</strong> variété<br />

d’appartenance géographique <strong>et</strong> <strong>de</strong> vibration visuelle.<br />

<strong>Les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>de</strong> la pierre, restent très bien assimilées par<br />

<strong>les</strong> artisans, dénotent d’un savoir faire soli<strong>de</strong>ment ancré dans<br />

l’histoire du bâti traditionnel local, qui apparaît à différents<br />

niveau : ang<strong>les</strong>, linteaux <strong>et</strong> encadrements ouvragés, arca<strong>de</strong>s,<br />

corniches, <strong>et</strong>c. <strong>Les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>de</strong> la pierre taillée au Liban ont<br />

toujours été transmises <strong>de</strong> père en fils <strong>et</strong> la coupure imposée<br />

par la guerre n’a pas vraiment affecté <strong>les</strong> tailleurs <strong>de</strong> pierre.<br />

On ne peut malheureusement pas en dire autant <strong>de</strong>s autres<br />

matériaux disponib<strong>les</strong> comme la terre ou le bois, <strong>les</strong><br />

<strong>techniques</strong> d’enduits <strong>et</strong> cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s planchers en terre ou en<br />

pierres : el<strong>les</strong> ont quasiment disparu du savoir-faire local.<br />

La notion du local ne se limite pas aux matériaux : elle<br />

englobe également <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> savoirs - faire<br />

dans un ensemble indissociable d’une certaine idée du<br />

patrimoine, marqué par <strong>de</strong>s facteurs culturels ou<br />

économiques. Homme <strong>de</strong> l’art, l’homme <strong>de</strong> métier<br />

cherche traditionnellement à magnifier <strong>les</strong> ressources<br />

disponib<strong>les</strong>, à développer <strong>les</strong> capacités constructives, à<br />

sublimer <strong>les</strong> performances dans la contrainte. <strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong><br />

bâtir, héritiers <strong>de</strong> <strong>techniques</strong> ancestra<strong>les</strong>, ne sont pas<br />

neutres : ils sont la pierre d’angle dans la<br />

compréhension <strong>et</strong> la réalisation <strong>de</strong> constructions, qui<br />

procè<strong>de</strong>nt el<strong>les</strong>-mêmes d’un système d’adaptation entre<br />

matériaux locaux, <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> savoir - faire<br />

communautaires <strong>de</strong> référence. Aujourd’hui, la disparition<br />

<strong>de</strong> ces ressources <strong>et</strong> <strong>de</strong> ces effectifs est, avec le manque<br />

d’entr<strong>et</strong>ien, un <strong>de</strong>s facteurs majeurs <strong>de</strong> la désintégration<br />

du bâti traditionnel, notamment au niveau <strong>de</strong> ses<br />

enveloppes <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses structures.<br />

La structure verticale, <strong>les</strong> murs<br />

- <strong>Les</strong> murs <strong>de</strong> pierre<br />

La variété d’aspect est considérable selon <strong>les</strong> types <strong>de</strong><br />

murs, <strong>les</strong> matériaux <strong>et</strong> le type <strong>de</strong> finition. <strong>Les</strong> murs en<br />

pierres taillées sont généralement réalisés par un tailleur <strong>de</strong><br />

pierre alors que pour <strong>les</strong> murs en pierres équarries ou<br />

brutes, le travail est réalisé par un maçon. <strong>Les</strong> murs en<br />

pierres taillées <strong>et</strong> dressées soigneusement ne sont pas<br />

l’apanage <strong>de</strong>s édifices <strong>de</strong> comman<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> prestige : ils<br />

sont présents sur l’ensemble du territoire.<br />

La pierre calcaire est prédominante, la proximité <strong>et</strong><br />

l’abondance <strong>de</strong>s carrières rendant son coût accessible.<br />

L’aspect <strong>de</strong> finition recherché est celui d’une texturation<br />

fine résultant <strong>de</strong> l’emploi d’outils comme la chahouta (<strong>et</strong><br />

plus tardivement l’emploi <strong>de</strong> la bouchar<strong>de</strong> avec la<br />

chahouta). La pierre <strong>de</strong> calcaire blanche reste la préférée<br />

<strong>de</strong>s tailleurs <strong>de</strong> pierre en terme <strong>de</strong> couleur, ce qui n’exclut<br />

pas <strong>de</strong>s inclusions <strong>de</strong> pierres calcaires <strong>de</strong> dur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> couleur<br />

différentes pour <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> polychromie, notamment<br />

dans <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> baies.<br />

La pierre taillée <strong>et</strong> simplement équarrie est également<br />

présente dans l’intégralité du pays. Elle est moins régulière<br />

<strong>et</strong> souvent la hauteur du bloc est donnée par son lit <strong>de</strong><br />

carrière <strong>et</strong> seu<strong>les</strong> quatre faces sont r<strong>et</strong>ouchées. C<strong>et</strong>te<br />

technique donne un appareil assisé, parfois réglé. On la<br />

r<strong>et</strong>rouve sous forme d’un matériau plus dur, calcaire en<br />

général, mais aussi en grès dunaire sur <strong>les</strong> côtes <strong>et</strong> en<br />

basalte au Nord du Pays dans <strong>les</strong> régions du Akkar.<br />

Baakline<br />

La pierre brute hourdée est présente sous une gran<strong>de</strong><br />

variété d’aspects <strong>et</strong> <strong>de</strong> dimensions dictés par la diversité <strong>de</strong><br />

sa nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa provenance : basalte du Nord, grès<br />

dunaire sur <strong>les</strong> côtes <strong>et</strong> <strong>de</strong> nombreux calcaires très<br />

différents. La pierre reçoit très peu d’interventions <strong>de</strong> taille<br />

<strong>et</strong> ses maçonneries nécessitent beaucoup <strong>de</strong> mortier <strong>et</strong><br />

d’éléments <strong>de</strong> côtes <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites dimensions. Le réglage <strong>de</strong>s<br />

assises est souvent dû à la régularité du matériau brut.<br />

Certaines maçonneries qu’on r<strong>et</strong>rouve dans <strong>les</strong> maisons <strong>de</strong><br />

la plaine <strong>de</strong> la Békaa reprennent une technique <strong>de</strong><br />

construction en épi, qui perdure <strong>de</strong>puis l’âge du bronze.<br />

La pierre sèche est utilisée pour <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its édifices <strong>et</strong><br />

généralement dans la moyenne montagne libanaise. C<strong>et</strong>te<br />

technique, bien qu’assez frustre, exige un savoir - faire<br />

assez évolué pour assurer la stabilité <strong>de</strong> la maçonnerie. En<br />

eff<strong>et</strong>, l’absence <strong>de</strong> mortier nécessite une bonne<br />

organisation interne <strong>de</strong>s blocs d’où l’importance d’un<br />

calage rigoureux, <strong>et</strong> une attention particulière à<br />

l’écoulement <strong>de</strong>s eaux hors <strong>de</strong> la maçonnerie.<br />

L’aspect brut du matériau est souvent gardé en finition<br />

surtout dans le cas <strong>de</strong>s pierres calcaires <strong>de</strong> bonne facture. Un<br />

jointoiement en creux, (beaucoup plus tardivement en relief<br />

<strong>et</strong> avec une autre couleur) vient compléter l’eff<strong>et</strong> recherché.<br />

Quand l’appareil n’est pas assez régulier un badigeon ou<br />

un enduit <strong>de</strong> chaux est appliqué directement sur la pierre<br />

pour unifier l’aspect du mur. Ce <strong>de</strong>rnier n’est pas seulement<br />

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<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

appliqué pour <strong>de</strong>s raisons esthétiques mais aussi améliorer<br />

l’étanchéité <strong>de</strong> la maçonnerie, ainsi que pour <strong>de</strong>s raisons<br />

d’assainissement dans <strong>les</strong> parties habitées.<br />

La chaux, bien que présente sur l’ensemble du<br />

territoire, n’est pas toujours à portée <strong>de</strong> bourse du<br />

constructeur. Son souci va être d’économiser, soit en<br />

amaigrissant son mortier en utilisant un maximum<br />

d’agrégats (sable, tuileau, graviers, déch<strong>et</strong>s <strong>de</strong> pierre) avec<br />

une composition granulométrique bien réglée, soit en<br />

utilisant un maximum <strong>de</strong> liant terre, beaucoup plus<br />

disponible, notamment dans la Békaa.<br />

Douma<br />

dabboura, chaqouf, chahouta, pic, tartabic <strong>et</strong> autres sont<br />

utilisés pour refendre <strong>les</strong> blocs <strong>de</strong>s pierres taillées <strong>et</strong> finir<br />

leur parements.<br />

- <strong>Les</strong> murs <strong>de</strong> terre crue<br />

Au Liban, <strong>les</strong> gisements <strong>de</strong> terre argileuse se r<strong>et</strong>rouvent<br />

dans <strong>les</strong> bassins limoneux à proximité <strong>de</strong>s fleuves <strong>et</strong> plus<br />

précisément dans la plaine <strong>de</strong> la Békaa. L’abondance <strong>de</strong> la<br />

terre crue, sa gratuité, sa facilité <strong>de</strong> mise en œuvre<br />

expliquent son emploi intensif dans <strong>les</strong> habitations rura<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te région. En eff<strong>et</strong>, <strong>les</strong> tâches <strong>de</strong> préparation du<br />

matériau, le moulage <strong>de</strong>s modu<strong>les</strong> dans <strong>de</strong>s cadres en bois<br />

peuvent être assurés par l’habitant, si bien que la<br />

construction en briques <strong>de</strong> terre crue requiert une faible<br />

expertise qui la rend à la portée <strong>de</strong> tous.<br />

La durabilité d’une telle construction est tributaire <strong>de</strong> sa<br />

protection contre <strong>les</strong> eaux pluvia<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> remontées<br />

capillaires, d’où la nécessité d’une fondation en pierre,<br />

d’un enduit sur <strong>les</strong> parements (enduit <strong>de</strong> chaux ou <strong>de</strong> terre<br />

généralement badigeonné à la chaux) <strong>et</strong> d’une bonne<br />

passée <strong>de</strong> toiture à la crête du mur.<br />

Si <strong>les</strong> propriétés du sous-sol sont insuffisantes à réaliser<br />

l’ouvrage envisagé, le constructeur corrige, incorpore<br />

d’autres matériaux dont la panoplie est gran<strong>de</strong> : sab<strong>les</strong>,<br />

graviers, cendres, paille hachée, chaux. <strong>Les</strong> fibres lui servent<br />

à obtenir la résistance à la flexion <strong>et</strong> à la traction ; <strong>les</strong> charges<br />

lui apportent <strong>les</strong> bonnes performances <strong>de</strong> compression.<br />

<strong>Les</strong> constructions en pierre s’appuient directement sur<br />

la roche quand elle affleure ; sinon la recherche du bon<br />

sol s’impose au moyens <strong>de</strong> rigo<strong>les</strong> creusées n’atteignant<br />

pas 1 m <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur. Le mur <strong>de</strong> pierre s’échelonne entre<br />

45 à 120 cm d’épaisseur ; il est formé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux parements<br />

liaisonnés ou non par <strong>de</strong>s boutisses, avec un remplissage<br />

intérieur constitué <strong>de</strong> cailloux, terre <strong>et</strong> mortier <strong>de</strong> terre ou<br />

<strong>de</strong> chaux. On soigne davantage aux ang<strong>les</strong> le contact entre<br />

<strong>les</strong> pierres : on y m<strong>et</strong> <strong>de</strong> plus gros modu<strong>les</strong>, parfois faits<br />

d’une autre pierre plus régulière <strong>et</strong> mieux taillée, on <strong>les</strong><br />

harpe afin <strong>de</strong> liaisonner c<strong>et</strong> ouvrage, qui est un chaînage<br />

entre <strong>de</strong>ux plans, avec le courant du mur.<br />

Bien montées <strong>et</strong> bien dimensionnées, toutes ces<br />

variantes <strong>de</strong> mur <strong>de</strong> pierre sont très soli<strong>de</strong>s. Leurs seuls<br />

ennemis sont <strong>les</strong> mouvements tectoniques, <strong>les</strong> poussées<br />

mal maîtrisées <strong>et</strong> l’eau. Par capillarité, l’eau du sol remonte<br />

dans <strong>les</strong> bas <strong>de</strong> mur, solubilise lentement <strong>les</strong> liants (terre <strong>et</strong><br />

chaux) en rongeant mortiers <strong>et</strong> joints; <strong>de</strong>s vi<strong>de</strong>s se créent<br />

ainsi <strong>et</strong> <strong>les</strong> éléments <strong>de</strong> maçonnerie basculent, se<br />

désorganisent jusqu’à l’instabilité, voire la ruine.<br />

Au plan sismique, le risque principal est le cisaillement<br />

brutal. Pour y faire face, on r<strong>et</strong>rouve dans <strong>les</strong> régions <strong>de</strong> la<br />

Békaa jusqu’au Akkar, <strong>de</strong>s systèmes très astucieux <strong>et</strong><br />

efficaces <strong>de</strong> chaînages horizontaux en bois, qui<br />

interrompent l’appareil du mur <strong>et</strong> peuvent encaisser <strong>les</strong><br />

violentes sollicitations <strong>de</strong>s secousses. De manière générale,<br />

la négligence dans l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s toitures reste la cause<br />

principale <strong>de</strong>s désordres observés au Liban dans <strong>les</strong> murs.<br />

Enfin, l’outillage <strong>de</strong> base est extrêmement simple <strong>et</strong><br />

commun à tous : parfois la main seule, puis <strong>les</strong> fils à<br />

plomb, niveau <strong>et</strong> cor<strong>de</strong>au pour la géométrie, truelle pour<br />

<strong>les</strong> mortiers, outil <strong>de</strong> percussion pour r<strong>et</strong>oucher <strong>les</strong><br />

moellons. Une gran<strong>de</strong> gamme d’outils spécialisés tels<br />

Rayak<br />

Pour le reste, <strong>les</strong> murs <strong>de</strong> briques forment <strong>de</strong>s murs<br />

épais <strong>de</strong> 60 à 80 cm ; ils ont <strong>les</strong> qualités <strong>de</strong> la géométrie du<br />

module, généralement <strong>de</strong>ux fois plus long que large. <strong>Les</strong><br />

modu<strong>les</strong> sont posés suivant un assemblage alterné d’une<br />

longueur <strong>et</strong> d’une largeur, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux longueurs, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

longueurs <strong>et</strong> d’une largeur, <strong>et</strong>c. <strong>Les</strong> p<strong>et</strong>its modu<strong>les</strong> <strong>de</strong>s<br />

briques n’autorisent pas la construction <strong>de</strong> piliers, mais<br />

perm<strong>et</strong>tent la création d’arcs <strong>et</strong> <strong>de</strong> niches.<br />

L’appareil <strong>de</strong> la construction en briques <strong>de</strong> terre crue<br />

est parfaitement assisé <strong>et</strong> réglé, <strong>les</strong> joints sont croisés <strong>et</strong><br />

<strong>les</strong> ang<strong>les</strong> traités comme le courant du mur. On r<strong>et</strong>rouve<br />

<strong>de</strong>s chaînages en bois incorporés aux ang<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

éléments en pierre servant d’encadrements dans <strong>les</strong><br />

faça<strong>de</strong>s. C<strong>et</strong>te introduction d’éléments en pierre taillée<br />

dénote la recherche d’une certaine esthétique, qui se<br />

démarque <strong>de</strong> l’aspect rural.<br />

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- <strong>Les</strong> murs à ossature bois<br />

<strong>Les</strong> murs à ossature bois sont composites : <strong>les</strong><br />

éléments <strong>de</strong> bois supportent <strong>et</strong> transm<strong>et</strong>tent <strong>les</strong> charges<br />

en s’appuyant sur une base continue <strong>de</strong> maçonnerie, <strong>les</strong><br />

espaces entre <strong>les</strong> bois sont remplis avec <strong>de</strong>s matériaux<br />

minéraux (terre, cailloux <strong>et</strong> mortier). L’ossature n’est<br />

jamais laissée apparente, elle est enduite <strong>de</strong> chaux ou<br />

recouverte <strong>de</strong> planches <strong>de</strong> bois.<br />

C<strong>et</strong>te technique <strong>de</strong> murs porteurs en bois est réservée<br />

aux galeries d’arca<strong>de</strong>s extérieures dans <strong>les</strong> parties nob<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>s étages, le plus souvent en saillie sur le reste du<br />

bâtiment. Elle n’est pas à confondre avec celle <strong>de</strong>s Kecheks<br />

(volumes en saillie entièrement en bois) associés aux murs<br />

<strong>de</strong> pierres taillés <strong>de</strong>s <strong>de</strong>meures palatia<strong>les</strong>.<br />

Dans d’autres cas, l’ossature formée d’un<br />

cloisonnement étrésillonné ou non est recouverte <strong>de</strong> part<br />

<strong>et</strong> d’autre par <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites lattes enduites <strong>de</strong> chaux<br />

(technique connue sous le nom <strong>de</strong> Bagdadi). C<strong>et</strong>te<br />

technique, est visible sous la forme <strong>de</strong> galeries extérieures<br />

en arca<strong>de</strong>s dans certains villages <strong>de</strong> la montagne libanaise<br />

situés sur d’anciens axes commerciaux (Choueir, Douma,<br />

Chtoura, Deir el Qamar) <strong>et</strong> sous une forme plus simple<br />

dans <strong>de</strong>s villages <strong>de</strong> la côte. Elle semble représenter une<br />

adaptation locale mo<strong>de</strong>ste <strong>de</strong>s modè<strong>les</strong> d’ossatures en bois<br />

utilisés en Turquie.<br />

Pour <strong>les</strong> pièces structura<strong>les</strong>, le charpentier-menuisier<br />

utilise selon <strong>les</strong> disponibilités le sapin, le pin ou le qotrani.<br />

<strong>Les</strong> sections <strong>de</strong>s bois règlent <strong>les</strong> épaisseurs <strong>de</strong>s murs entre<br />

7,5 à 14 cm : avec ces minceurs <strong>de</strong> murs, on ne dépasse<br />

pas un niveau. Pour le lattis du Bagdadi, le bois<br />

généralement utilisé est le sapin Chouh .<br />

- <strong>Les</strong> baies <strong>et</strong> <strong>les</strong> arcs<br />

Deux situations différentes se présentent : le cas où la<br />

baie dans le mur est une simple perforation dans sa<br />

continuité, jouant le seul rôle d’une ouverture, fenêtre ou<br />

porte ; le cas où un ouvrage <strong>de</strong> structure –c’est le plus<br />

souvent un arc dans la tradition constructive– se substitue<br />

au mur, où il est un support. De dimensions parfois très<br />

analogues, <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux situations peuvent montrer <strong>les</strong> mêmes<br />

types d’arc, c’est donc par leur fonction qu’il convient <strong>de</strong><br />

<strong>les</strong> distinguer.<br />

faça<strong>de</strong>, l’arrière linteau étant moins élaboré <strong>et</strong> réalisé dans<br />

l’épaisseur du mur au moyen <strong>de</strong> blocs <strong>de</strong> moindre<br />

épaisseur espacés ou <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong> bois ou <strong>de</strong> branchages<br />

d’essences loca<strong>les</strong> (mûrier, <strong>et</strong>c.).<br />

Au Liban, <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s baies <strong>et</strong> portiques (2 m en largeur<br />

<strong>et</strong> 3 m en hauteur) restent quand même l’apanage <strong>de</strong> la<br />

maçonnerie en pierre. A l’inverse, il convient <strong>de</strong><br />

mentionner la p<strong>et</strong>ite fenêtre, <strong>de</strong>stinée à la ventilation <strong>et</strong> la<br />

protection thermique contre le vent, le froid ou le soleil,<br />

qu’elle soit rectangulaire <strong>et</strong> p<strong>et</strong>ite dans <strong>les</strong> habitations<br />

rura<strong>les</strong> ou <strong>de</strong> forme ron<strong>de</strong> ou elliptique (Qammarat ou<br />

Moubawaqat) dans <strong>de</strong>s habitats plus bourgeois.<br />

On ne peut clore c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>scription technique sans<br />

mentionner l’importance <strong>de</strong> la porte comme enjeu <strong>de</strong><br />

représentation <strong>et</strong> <strong>de</strong> protection à la fois : elle est<br />

monumentalisée par ses dimensions, son encadrement<br />

(même dans <strong>les</strong> habitations rura<strong>les</strong>, l’encadrement <strong>de</strong> la<br />

porte est badigeonné en blanc) <strong>et</strong> souvent son<br />

couronnement en matériaux plus nob<strong>les</strong> ou plus<br />

architecturés (moulures, sculptures), sa huisserie <strong>et</strong> ses<br />

ferrures ouvragées. De même, la baie dépasse sa fonction<br />

d’éclairage pour <strong>de</strong>venir un poste d’observation, un<br />

mirador social <strong>de</strong>rrière <strong>les</strong> vitres <strong>de</strong> couleurs la salle <strong>de</strong><br />

séjour. <strong>Les</strong> trois baies à arca<strong>de</strong>s <strong>et</strong> balcon caractérisant <strong>les</strong><br />

maisons à hall central signalent aussi l’appartenance à une<br />

certaine catégorie sociale.<br />

- <strong>Les</strong> arcs<br />

Le grand arc lorsqu’il est support avec sa pile ou<br />

colonne (Chamaa) <strong>et</strong> son chapiteau (Taj) est un organe<br />

soigneusement tracé <strong>et</strong> ajusté, performant dans son rôle<br />

<strong>de</strong> libérer l’espace en remplaçant efficacement le mur ou la<br />

poutre. Destiné à subir <strong>de</strong>s efforts importants, il est réalisé<br />

en matériaux durs <strong>et</strong> réguliers : pierres taillées. C<strong>et</strong> arc est<br />

très présent dans l’architecture <strong>de</strong> l’habitat traditionnel,<br />

moins dimensionné que celui <strong>de</strong>s édifices monumentaux <strong>et</strong><br />

ouvrages d’art certes, mais tout aussi bien exécuté <strong>et</strong><br />

présentant un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> maîtrise technique.<br />

<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

- <strong>Les</strong> baies<br />

Le vi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s baies constitué par le percement du mur est<br />

une fragilité. C<strong>et</strong>te contrainte que le maçon n’ignore pas<br />

le conduit naturellement à mieux soigner <strong>les</strong> jambages<br />

que <strong>les</strong> parties courantes du mur. Dans presque tous <strong>les</strong><br />

cas, le piédroit est exécuté avec un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> qualité<br />

supérieur qui peut prendre plusieurs formes parfois<br />

combinées : fait en pierre <strong>de</strong> plus gros calibre, en calcaire<br />

<strong>de</strong> meilleure dur<strong>et</strong>é, avec plus d’ajustement <strong>de</strong>s faces pour<br />

un meilleur contact entre <strong>les</strong> pierres, avec un harpage<br />

soigné avec le reste <strong>de</strong> la maçonnerie, avec une saillie qui<br />

augmente la section <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage <strong>de</strong> support…<br />

L’organe <strong>de</strong> franchissement, linteau ou arc, premier à<br />

supporter <strong>les</strong> charges vertica<strong>les</strong>, fait l’obj<strong>et</strong> d’un souci<br />

particulier <strong>de</strong> résistance. Soit il est par lui-même bien<br />

dimensionné <strong>et</strong> s’oppose efficacement aux contraintes,<br />

sans déformation ou rupture, soit il est soulagé par un arc<br />

<strong>de</strong> décharge qui autorise à ce qu’il soit moins résistant à la<br />

flexion. Dans <strong>les</strong> murs épais <strong>de</strong> maçonnerie, le linteau <strong>de</strong><br />

la fenêtre est toujours plus rigi<strong>de</strong> que le parement <strong>de</strong><br />

Moukhtara<br />

<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux modè<strong>les</strong> d’arcs en pierre qu’on r<strong>et</strong>rouve le plus<br />

fréquemment dans l’habitat au Liban sont l’arc à plein cintre<br />

<strong>et</strong> l’arc brisé. <strong>Les</strong> rares arcs en briques <strong>de</strong> terre crues observés<br />

sont <strong>de</strong>s arcs surbaissés <strong>de</strong>stinés à la réalisation <strong>de</strong>s niches<br />

(Youk) dans <strong>les</strong> murs intérieurs <strong>de</strong>s maisons rura<strong>les</strong>.<br />

21


<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

Contrairement aux idées reçues, <strong>les</strong> arcs ne sont pas<br />

une exclusivité <strong>de</strong>s maisons bourgeoises, <strong>et</strong> on a souvent<br />

recours à l’arc en plein cintre à l’intérieur <strong>de</strong>s maisons rura<strong>les</strong><br />

rectangulaires en pierres pour augmenter la portée <strong>de</strong>s<br />

planchers en terre. Galeries d’arca<strong>de</strong>s, arcs ouvragés, baies<br />

aux trois arca<strong>de</strong>s <strong>et</strong> arcs pour iwan : le modèle <strong>de</strong> l'arc brisé<br />

en tiers point reste pourtant le favori <strong>de</strong>s constructeurs <strong>et</strong><br />

celui dont ils maîtrisent le mieux la technique.<br />

Sur tout le territoire libanais, <strong>les</strong> porches, <strong>les</strong> portails, <strong>les</strong><br />

souks, <strong>les</strong> galeries, <strong>et</strong>c. donnent lieu à la mise en œuvre<br />

d’arcs. Leur profil est conditionné par la hauteur disponible<br />

<strong>et</strong> leur confère leur élégance ; ils sont montés sur coffrage<br />

<strong>et</strong> autorisent <strong>de</strong>s portées jusqu’à 4 m. En fin <strong>de</strong> vie, lorsque<br />

l’immeuble est en train <strong>de</strong> se ruiner, c’est l’arc qui reste en<br />

place, prouvant sa solidité <strong>et</strong> rappelant la maîtrise<br />

technique qu’il a fallu pour l’édifier.<br />

l’épaisseur, du grain <strong>et</strong> <strong>de</strong> la couleur <strong>de</strong>s agrégats, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

outils d'application <strong>et</strong> <strong>de</strong> finition employés.<br />

Le maçon envoie à la truelle, couvre toute la surface <strong>et</strong><br />

égalise, enlève le surplus avec le tranchant <strong>de</strong> la truelle.<br />

Travail rapi<strong>de</strong>, en une seule passe, qui assure la protection<br />

du support. Système plutôt rural <strong>et</strong> rustique, peu présent<br />

en ville où plus d'urbanité est recherché. Plus élaborés sont<br />

<strong>les</strong> enduits lissés souvent remplacés par leurs héritiers nés<br />

avec le ciment, <strong>les</strong> enduits talochés. Ils peuvent être<br />

appliqués sur l'enduit décrit précé<strong>de</strong>mment qui sert alors<br />

<strong>de</strong> dressage ; voici donc une version à <strong>de</strong>ux couches. Le<br />

Le revêtement <strong>de</strong>s murs : enduits <strong>et</strong> badigeons<br />

- <strong>Les</strong> enduits<br />

Si le mur reçoit un enduit, c'est en premier lieu pour une<br />

raison fonctionnelle <strong>de</strong> protection. Par la suite, c<strong>et</strong>te<br />

couche que l'on peut poser <strong>et</strong> finir <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> manières<br />

peut <strong>de</strong>venir le support d'une expression spécifiquement<br />

décorative. La nécessité d'enduire est proportionnelle à la<br />

résistance <strong>de</strong>s matériaux du mur support. <strong>Les</strong> maçonneries<br />

<strong>les</strong> plus sensib<strong>les</strong> à l'eau sont <strong>les</strong> systèmes utilisant la terre<br />

crue, el<strong>les</strong> sont le plus souvent enduites. Viennent ensuite<br />

<strong>les</strong> maçonneries <strong>de</strong> moellons bruts ; du fait <strong>de</strong>s formes<br />

irrégulières <strong>de</strong> leurs modu<strong>les</strong>, une bonne partie du mortier<br />

<strong>de</strong> hourdage, dont la porosité à l'eau est gran<strong>de</strong>, est<br />

exposée en parement : encore une raison d'enduire. De<br />

plus, <strong>les</strong> calcaires tendres largement dominants dans la<br />

région <strong>et</strong> <strong>les</strong> pierres <strong>de</strong> grès dunaire (Ramleh) étant<br />

également poreux <strong>et</strong> donc fragi<strong>les</strong> à l'eau, leur protection<br />

est pertinente.<br />

Bint Jbeil<br />

<strong>Les</strong> enduits <strong>de</strong> chaux sont très présents dans le bâti<br />

ancien sur tout le territoire libanais. De la simple version qui<br />

commence au simple joint garni, à l’enduit épais, la chaux<br />

reste un élément primordial <strong>et</strong> recherché. L’abondance <strong>de</strong>s<br />

fours à chaux a permis le recours à ce matériau, utilisé par<br />

le plus humble bâtisseur pour s’offrir un langage<br />

architectural noble <strong>et</strong> élaboré. L'aspect final résulte <strong>de</strong><br />

Baakline<br />

lissé est le geste évi<strong>de</strong>nt du maçon <strong>de</strong>puis l'Antiquité : il est<br />

posé à la truelle, outil qui lui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> serrer, d'égaliser <strong>et</strong><br />

d'obtenir ce fini inimitable d'un faux plat qui chante avec<br />

la lumière rasante, délicatement animé comme la surface<br />

<strong>de</strong> l'eau <strong>et</strong> du sable. Il donne c<strong>et</strong>te touche ferme <strong>de</strong> l'outil<br />

tout en ayant l'adouci du mortier plastique à la pose, il<br />

révèle le grain coloré sans l'empâter, il a l'élégance d'un<br />

geste travaillé <strong>et</strong> naturel. Aujourd’hui, avec le liant ciment<br />

qui tire plus vite, <strong>les</strong> maçons ont perdu ce geste ancestral<br />

propre à la chaux ancienne. Pour égaliser <strong>et</strong> finir, on lui a<br />

substitué la taloche qui, par sa surface, par sa position<br />

parallèle au mur, donne un aspect plus rai<strong>de</strong>, un geste<br />

circulaire frotté qui promène le grain.<br />

Beaucoup d’enduits à la terre sont aussi utilisés pour<br />

protéger <strong>les</strong> maçonneries montées au mortier <strong>de</strong> terre<br />

comme cel<strong>les</strong> en terre crue. L’enduit est appliqué soit en<br />

une seule couche grossière, soit en <strong>de</strong>ux ou trois, avec<br />

<strong>de</strong>s agrégats plus fins à la <strong>de</strong>rnière. Son épaisseur est<br />

variable, le souci <strong>de</strong> planéité très relatif, l’outil utilisé la<br />

main ou la truelle.<br />

<strong>Les</strong> enduits au Liban privilégient, en faça<strong>de</strong> extérieure,<br />

la sobriété d’une expression unique au langage décoratif.<br />

<strong>Les</strong> enduits décoratifs mo<strong>de</strong>lés, ciselés, extrêmement<br />

élaborés <strong>et</strong> fins sont gardés pour l'espace intérieur privé.<br />

Alors que <strong>les</strong> premiers, fonctionnels, sont réalisés par <strong>les</strong><br />

<strong>hommes</strong>, <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers assez personnalisés (généralement en<br />

terre), sont l’ouvrage <strong>de</strong>s femmes. Ils sont associés aux<br />

ban<strong>de</strong>aux, plinthes <strong>et</strong> panneautages pour <strong>les</strong> rythmes<br />

verticaux (tels <strong>les</strong> réserves <strong>de</strong> céréa<strong>les</strong> Tawabit dans <strong>les</strong><br />

maisons <strong>de</strong>s régions <strong>de</strong> la Békaa <strong>et</strong> le Chouf.<br />

<strong>Les</strong> gisements <strong>de</strong> gypse étant inexistants sur l’ensemble<br />

du territoire, <strong>les</strong> rares enduits <strong>de</strong> plâtre (décoratifs) observés<br />

sont le résultat d’une influence européenne assez tardive. Ils<br />

n’ont pas supplanté <strong>les</strong> enduits intérieurs décoratifs <strong>de</strong> chaux<br />

22


mince, avec solives <strong>et</strong> planches, où le matériau visible en<br />

sous-face est également celui qui est utilisé en surface ; il<br />

est toujours à l’intérieur, son ajustement est très soigné . Le<br />

modèle épais, avec un dispositif qui superpose le<br />

couvrement entre solives, un complexe lourd maçonné, un<br />

surfaçage ou un revêtement rapporté ; bon isolant, on le<br />

trouve à l’intérieur <strong>et</strong> en toiture-terrasse.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier modèle est le plus courant. Pour le<br />

constructeur, il s’agit <strong>de</strong> lancer une surface horizontale<br />

entre murs, suffisamment stable <strong>et</strong> résistante pour<br />

supporter <strong>de</strong>s charges d’exploitation liées à l’habitat ou au<br />

stockage, suffisamment massive pour qu’elle soit plus<br />

qu’une membrane <strong>et</strong> qu’elle sépare <strong>et</strong> isole efficacement.<br />

<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

Douma<br />

réalisés d’une manière élaborée <strong>et</strong> très fine (usage <strong>de</strong><br />

roul<strong>et</strong>te pour impression en relief, peinture…).<br />

Le décapage intensif <strong>de</strong>s enduits réalisé sur <strong>les</strong><br />

monuments historiques ces 30 <strong>de</strong>rnières années à généré<br />

une mo<strong>de</strong> qui a affecté <strong>les</strong> enduits <strong>de</strong> chaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> terre<br />

présents sur le bâti ancien <strong>et</strong> l’habitat traditionnel,<br />

négligeant complètement le rôle important <strong>de</strong> protection<br />

<strong>de</strong>s maçonneries assuré par ces enduits (surtout dans le cas<br />

<strong>de</strong>s maçonneries en pierre Ramleh). La restitution <strong>de</strong><br />

l’enduit, quand elle a lieu, se fait à l’ai<strong>de</strong> d’un mortier<br />

comportant un liant au ciment qui présente <strong>de</strong> sérieuses<br />

incompatibilités avec le support traditionnel en pierre ou en<br />

terre. L’emploi <strong>de</strong> la chaux est surtout réservé aux travaux<br />

<strong>de</strong> restauration. A ce problème s’ajoute une perte <strong>de</strong>s<br />

<strong>techniques</strong> <strong>de</strong> la chaux <strong>et</strong> une absence d’artisans<br />

spécialisés.<br />

- <strong>Les</strong> badigeons<br />

Le badigeonnage à la chaux est une pratique courante<br />

sur tout le territoire libanais. Son renouvellement se fait <strong>de</strong><br />

manière pratique continue, souvent domestique <strong>et</strong> non<br />

professionnelle <strong>et</strong> est considéré comme une pratique<br />

d’hygiène régulière au cycle saisonnier. Le liant, l’eau, une<br />

brosse ou un balai <strong>de</strong> soies anima<strong>les</strong> ou <strong>de</strong> fibres végéta<strong>les</strong><br />

, sont nécessaires à c<strong>et</strong>te opération.<br />

La répétition cyclique du blanchiment engobe <strong>les</strong> fonds<br />

<strong>de</strong> couches multip<strong>les</strong> assurant ainsi une protection aux<br />

maçonneries. Le badigeon donne sa touche finale à la<br />

construction ; <strong>de</strong> barrière il <strong>de</strong>vient décor <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

encadrements <strong>de</strong> portes <strong>et</strong> <strong>de</strong> fenêtres ou <strong>les</strong> faça<strong>de</strong>s<br />

d’entrée acquièrent une importance prédominante.<br />

Beaucoup <strong>de</strong> blanc <strong>et</strong> très peu <strong>de</strong> badigeons teintés ; <strong>les</strong><br />

gisements <strong>de</strong> terres colorées étant inexistants, <strong>les</strong> rares<br />

couleurs traditionnel<strong>les</strong> observées dans <strong>les</strong> badigeons<br />

décoratifs sont d'origine végétale (bleu-indigo…) ou<br />

organique. <strong>Les</strong> couleurs observés en milieu urbain,<br />

généralement à l’intérieur <strong>de</strong>s maisons, sont le résultat<br />

d’une mo<strong>de</strong> européenne plus tardive.<br />

La structure horizontale <strong>de</strong> franchissement<br />

- <strong>Les</strong> planchers<br />

Quand ils ne sont pas sur voûte, <strong>les</strong> planchers<br />

traditionnels au Liban font toujours intervenir une ossature<br />

en bois. Deux grands types sont à distinguer : le modèle<br />

Sourat<br />

Pour la structure primaire, portée <strong>et</strong> section <strong>de</strong>s bois<br />

sont évi<strong>de</strong>mment proportionnel<strong>les</strong> : Il est rare que l’on<br />

dépasse 20 cm <strong>de</strong> section pour <strong>les</strong> dimensions <strong>les</strong> plus<br />

courantes (4,50 m à 5,50 m). Bois équarris ou bruts, en<br />

pin, peuplier, cèdre <strong>et</strong> autres essences loca<strong>les</strong> (Qotrani,<br />

Aafs, Delb, Sindiane, Haour, Zinzlacht, <strong>et</strong>c.), <strong>les</strong> entraxes <strong>de</strong><br />

la structure bois sont espacés ou serrés selon la nature du<br />

matériau <strong>de</strong> couvrement entre solives <strong>et</strong> tournent<br />

généralement autour <strong>de</strong> 60 cm. C’est toujours un système<br />

d’encastrement qui fait la liaison entre le mur porteur <strong>et</strong> le<br />

plancher : une logique <strong>de</strong> maçon prédomine.<br />

La couche centrale, l’ouvrage lourd compacté avoisine<br />

le plus souvent <strong>les</strong> 25 à 30 cm d’épaisseur. Contrairement<br />

aux dal<strong>les</strong> mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> béton dimensionnées au plus juste<br />

<strong>et</strong> par conséquent minces, le constructeur traditionnel ne<br />

lésine pas sur l’épaisseur. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière lui assure ainsi un<br />

meilleur confort (vibrations, isolation thermique <strong>et</strong><br />

acoustique).<br />

Même moins courant, <strong>les</strong> planchers traditionnels savent<br />

aussi franchir <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s portées, <strong>de</strong> 7 m jusqu’à 12 m. La<br />

solution la plus simple est d’installer <strong>de</strong>s points d’appui<br />

intermédiaires par poteaux ou colonnes. Si l’on veut libérer<br />

le sol, on ajoute un rang horizontal supplémentaire : une<br />

poutre maîtresse <strong>de</strong> bonne section qui reprend <strong>de</strong>ux<br />

travées <strong>de</strong> solives <strong>de</strong> portée courte. Mais on peut aussi<br />

avoir recours à un arc pour doubler la portée d’un module<br />

<strong>de</strong> longueur <strong>de</strong> solive. Plusieurs autres solutions encore<br />

23


<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

pour compenser <strong>les</strong> charges <strong>et</strong> lutter contre la flèche : on<br />

multiplie <strong>les</strong> éléments <strong>de</strong> solivage, ou bien on augmente<br />

leur section, ou enfin on connecte <strong>de</strong>ux à <strong>de</strong>ux <strong>les</strong> solives.<br />

<strong>Les</strong> bois <strong>et</strong> <strong>les</strong> fibres végéta<strong>les</strong> sont suj<strong>et</strong>s aux attaques<br />

organiques <strong>de</strong>s insectes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s champignons, <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s risques<br />

<strong>de</strong> pourrissement (encastrements mal ventilés, défauts<br />

d’étanchéité). En réponse, on rencontre beaucoup <strong>de</strong><br />

badigeonnage à la chaux <strong>de</strong>s ossatures qui minimisent ces<br />

pathologies alors que dans <strong>les</strong> milieux ruraux, <strong>les</strong> paysans<br />

considèrent que la fumée qui se dégage <strong>de</strong>s cheminées (sans<br />

conduit extérieurs ) dépose une couche noire protectrice sur<br />

le bois. Par conséquent, l’aspect brut, enduit ou peint (voire<br />

décoré) n’est pas nécessairement le résultat d’un souci plus<br />

ou moins noble dans le traitement, mais répond à un besoin<br />

sanitaire <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre hors poussière <strong>et</strong> d’encapsuler <strong>de</strong>s<br />

ouvrages qui vibrent <strong>et</strong> souffrent <strong>de</strong>s apports humi<strong>de</strong>s.<br />

- <strong>Les</strong> voûtes<br />

Pour franchir l’espace entre <strong>de</strong>ux appuis <strong>et</strong> couvrir<br />

une surface, l’alternative à l’ossature bois est la voûte.<br />

C<strong>et</strong>te voûte peut elle-même constituer le support d’une<br />

surface <strong>de</strong> circulation, plancher ou terrasse, ou être<br />

couvrement sommital en lieu <strong>et</strong> place du complexe<br />

toiture - couverture, avec étanchéité intégrée.<br />

Jbeil<br />

Le système <strong>de</strong> voûtement est employé partout au<br />

Liban. Qu’il soit rural ou urbain, chaque milieu l’a intégré<br />

<strong>et</strong> adapté à ses propres matériaux. On trouve ces ouvrages<br />

réalisés en pierre taillée, moellons grossiers ou plats,<br />

souvent <strong>de</strong> calcaire. Hormis pour la pierre taillée où <strong>les</strong><br />

contacts entre claveaux sont excellents <strong>et</strong> <strong>les</strong> joints<br />

quasiment secs, <strong>les</strong> voûtements sont maçonnés avec <strong>les</strong><br />

mêmes diversités <strong>de</strong> mortiers que pour <strong>les</strong> murs : terre,<br />

chaux sans trop d’éléments <strong>de</strong> calage.<br />

La voûte est un ouvrage soli<strong>de</strong>, solidaire <strong>de</strong> la structure<br />

lour<strong>de</strong> du bâtiment, le plus souvent mise en œuvre en<br />

partie inférieure <strong>de</strong> la construction : sous-sol (citerne), rez<strong>de</strong>-chaussée,<br />

où elle porte <strong>les</strong> planchers. Ce paysage <strong>de</strong>s<br />

grands arcs en pied <strong>de</strong> la maison est extrêmement courant<br />

dans tout le Liban. Lorsqu’elle est en superstructure, elle<br />

est soit soigneusement extradossée <strong>et</strong> protégée par un<br />

dispositif d’étanchéité (mortier serré), soit garnie à ses reins<br />

pour constituer un toit-terrasse (staiha). Ce système<br />

constructif est bien adapté aux ouvrages linéaires <strong>et</strong>, en le<br />

multipliant, au couvrement <strong>de</strong> grands espaces publics sur<br />

piliers. Mosquées, caravansérails, hammams, souks, églises<br />

<strong>et</strong> monuments sont couramment voûtées.<br />

Au Liban, dans l’architecture ordinaire, la typologie<br />

technique la plus courante est la voûte en berceau, avec sa<br />

variante déjà plus sophistiquée pour le constructeur qu’est<br />

la voûte d’arête, c’est-à-dire la pénétration <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

berceaux. Le berceau est généralement plein cintre,<br />

simplement parce que c’est le profil en <strong>de</strong>mi-cercle qui<br />

transm<strong>et</strong> le mieux <strong>les</strong> charges verticalement aux murs<br />

supports. Avec le berceau, sauf quand <strong>de</strong>ux ouvrages<br />

parallè<strong>les</strong> annulent leurs poussées latéra<strong>les</strong> en perm<strong>et</strong>tant<br />

d’amincir le mur support, nous sommes dans <strong>de</strong>s systèmes<br />

épais où <strong>les</strong> murs sont très peu percés.<br />

La voûte d’arête fonctionne différemment : <strong>les</strong> charges<br />

étant transmises sur <strong>de</strong>s piliers puissants <strong>et</strong> non plus sur<br />

<strong>de</strong>s murs, el<strong>les</strong> perm<strong>et</strong>tent d’évi<strong>de</strong>r complètement <strong>les</strong><br />

quatre panneaux verticaux, <strong>et</strong> donc d’éclairer <strong>et</strong> d’exploiter<br />

sur toute la hauteur <strong>les</strong> accès au volume.<br />

Berceau <strong>et</strong> voûte d’arête sont <strong>de</strong>ux types réguliers,<br />

symétriques <strong>et</strong> au tracé rigoureux. Leurs<br />

dimensionnements sont connus empiriquement <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

rapports entre profil, portée <strong>et</strong> épaisseurs, bien avant que<br />

<strong>les</strong> ingénieurs ne <strong>les</strong> vali<strong>de</strong>nt par le calcul, sont acquis <strong>et</strong><br />

transmis efficacement. Si <strong>les</strong> portées <strong>de</strong>s voûtes<br />

s’échelonnent <strong>de</strong> 1 à 7 m, c’est autour <strong>de</strong> 4 m que l’on<br />

construit le plus souvent, avec rarement moins <strong>de</strong> 30 cm<br />

d'épaisseur à la clef (sauf pour <strong>les</strong> ajustages <strong>de</strong> pierre taillée<br />

qui peuvent perm<strong>et</strong>tre d’amincir l'épaisseur).<br />

D’expérience, le maçon sait que l’ouvrage ne <strong>de</strong>vra sa<br />

stabilité qu’à une parfaite cohésion <strong>de</strong> ses éléments.<br />

Lorsqu’il travaille avec <strong>de</strong>s éléments non taillés qui ne<br />

s’ajustent pas naturellement selon le profil recherché, la<br />

juxtaposition intime, le blocage serré <strong>et</strong> le croisement <strong>de</strong>s<br />

modu<strong>les</strong>, l’excellent bourrage du mortier <strong>de</strong> hourdage sont<br />

<strong>les</strong> conditions indispensab<strong>les</strong> <strong>de</strong> la mise en œuvre. Bien<br />

montée, une voûte s’apparente à une maçonnerie<br />

concrète, quasi monolithique, que <strong>les</strong> éventuels<br />

mouvements qui affectent le bâtiment ne doivent pas<br />

comprom<strong>et</strong>tre aisément.<br />

Enfin, que la voûte soit en pierres <strong>de</strong> taille ou en<br />

moellons irréguliers, son montage a généralement lieu au<br />

moyen d’un coffrage. Un couchis <strong>de</strong> planches constitue le<br />

fond <strong>de</strong> coffrage, plancher rayonnant dont la régularité<br />

conditionne la face vue, l’intrados <strong>de</strong> la voûte.<br />

- <strong>Les</strong> coupo<strong>les</strong><br />

<strong>Les</strong> coupo<strong>les</strong> <strong>et</strong> toutes formes <strong>de</strong> dômes sont <strong>de</strong>s<br />

couvrements dont <strong>les</strong> profils en plein cintre, surbaissés ou<br />

surhaussés sont adaptés pour couvrir un espace <strong>de</strong> plan<br />

carré. L’ouvrage étant conçu selon un axe vertical <strong>de</strong><br />

révolution au centre du volume, le problème technique<br />

posé au constructeur est donc d’effectuer la transition<br />

entre le plan carré <strong>et</strong> le plan circulaire : le principe consiste<br />

à couper <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> du carré à la naissance <strong>de</strong> l’arc pour<br />

passer à un plan octogonal régulier, dont la géométrie est<br />

proche du cercle.<br />

Comme pour <strong>les</strong> voûtes rayonnantes, tous <strong>les</strong> matériaux<br />

<strong>et</strong> mortiers sont utilisés. Au Liban, on r<strong>et</strong>rouve <strong>les</strong> coupo<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong> différentes dimensions dans l’architecture religieuse<br />

(mosquées <strong>et</strong> églises), <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> monuments historiques<br />

24


<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s tail<strong>les</strong> (khans, hammams, madrassas <strong>et</strong>c.). Sur<br />

l’habitat, el<strong>les</strong> sont presque inexistantes sauf dans <strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>meures palatia<strong>les</strong> <strong>et</strong> dans <strong>de</strong> rares habitations<br />

bourgeoises sous formes <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites coupo<strong>les</strong> en briques <strong>et</strong><br />

à cul <strong>de</strong> bouteil<strong>les</strong> couvrant <strong>les</strong> p<strong>et</strong>its hammams.<br />

- <strong>Les</strong> charpentes<br />

<strong>Les</strong> systèmes à toit plats sont décrits dans <strong>les</strong> planchers<br />

<strong>et</strong> dans <strong>les</strong> couvertures plates. Ici, nous nous intéressons<br />

aux charpentes ou ossatures qui portent <strong>les</strong> couvertures en<br />

pente. La situation <strong>de</strong> très loin la plus courante en<br />

Méditerranée est celle d’une tradition <strong>de</strong> charpentes<br />

empilées, <strong>et</strong> le Liban ne déroge pas à c<strong>et</strong>te règle.<br />

La charpente empilée apparaît comme un ouvrage <strong>de</strong><br />

conception relativement archaïque fonctionnant à la<br />

jour le jour par <strong>de</strong>s ajouts improvisés <strong>et</strong> une forêt <strong>de</strong><br />

poteaux qui soutiennent pannes ou arbalétriers.<br />

L’ensemble requiert ainsi une quantité <strong>de</strong> bois très<br />

importante, dont certaines pièces <strong>de</strong> fortes sections <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>s longueurs ; <strong>les</strong> essences loca<strong>les</strong> tel<strong>les</strong> que, Chouh,<br />

Qotrani sont utilisées.<br />

Par contraste, <strong>les</strong> charpentes savantes <strong>et</strong> légères<br />

développées par l’art <strong>de</strong>s ingénieurs du XIXe siècle en<br />

Europe du Nord n’ont que très peu touché le Liban. Le<br />

cadre rigi<strong>de</strong> <strong>et</strong> indéformable <strong>de</strong> la ferme triangulée, où <strong>les</strong><br />

assemblages sont ajustés, où l’équilibre <strong>de</strong>s forces est<br />

calculé avec précision entre pièces comprimées <strong>et</strong> pièces<br />

tendues, où il n’y a plus <strong>de</strong> pièce en flexion, n’interviendra<br />

que tardivement sur <strong>de</strong> nouveaux bâtiments très<br />

spécialisés. L’emploi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te technique, notablement plus<br />

savante <strong>et</strong> qui procè<strong>de</strong> du calcul, oblige en outre le recours<br />

à un véritable charpentier, formé comme tel <strong>et</strong> possédant<br />

une expertise dont le maçon généraliste ne dispose pas.<br />

D’ailleurs, <strong>les</strong> toits au Liban ne comportent quasiment pas<br />

<strong>de</strong> complications <strong>de</strong> percements <strong>de</strong> type fenêtres ou<br />

lucarnes, dont l’ossature <strong>et</strong> l’étanchéité posent <strong>de</strong>s<br />

problèmes <strong>de</strong> raccord complexes à un non-spécialiste.<br />

<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

La couverture<br />

Baakline<br />

compression, c'est-à-dire que <strong>les</strong> charges sont transmises<br />

<strong>et</strong> transférées verticalement. Selon le même principe <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>scente <strong>de</strong>s charges, <strong>de</strong>s systèmes très sommaires<br />

coexistent sur le territoire avec <strong>de</strong>s charpentes hautes <strong>et</strong><br />

apparemment complexes dans leur assemblage. Dans le<br />

cas <strong>de</strong>s systèmes sommaires, une poutre principale est<br />

généralement placée dans le sens longitudinal <strong>de</strong> la<br />

construction, plus haute que <strong>les</strong> murs <strong>et</strong> reçoit <strong>les</strong> poutres<br />

transversa<strong>les</strong>. Sinon, on constate exceptionnellement un<br />

empilage <strong>de</strong> troncs d’arbres ayant une extrémité<br />

s’appuyant sur <strong>les</strong> murs périphériques , l’autre extrémité<br />

étant assemblée par emboîtement avec d’autres troncs au<br />

plus haut niveau <strong>de</strong> la toiture. Ces troncs comblés par une<br />

couche <strong>de</strong> branchages reçoivent une couverture <strong>de</strong><br />

plantes épineuses (huttes <strong>de</strong> Ouadi Faara). Dans le cas <strong>de</strong>s<br />

charpentes hautes, la transfert <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> la toiture<br />

vers <strong>les</strong> murs passe par un empilement <strong>de</strong> poutrel<strong>les</strong>,<br />

chevrons, poinçons, poteaux vers <strong>de</strong>s poutres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

poteaux plus importants puis vers <strong>de</strong>s poutres majeures ou<br />

sablières, l’ensemble étant assemblé plus ou moins<br />

simplement avec <strong>de</strong>s clous, <strong>de</strong>s fils ou par le biais<br />

d'encoches (embrèvements). Quelquefois, <strong>de</strong>s fermes<br />

assemblées en triang<strong>les</strong> (l’étymologie <strong>de</strong> ferme est « fermé<br />

») donnent l’apparence d’une charpente triangulée, mais<br />

el<strong>les</strong> n’en ont ni la conception ni <strong>les</strong> performances<br />

d’équilibre <strong>et</strong> dénotent une profon<strong>de</strong> incompréhension du<br />

système. La visite <strong>de</strong> ces charpentes en montre d’ailleurs<br />

toutes <strong>les</strong> limites : beaucoup <strong>de</strong> pièces cassées du fait <strong>de</strong><br />

mauvais dimensionnements, <strong>de</strong> fléchissements palliés au<br />

- <strong>Les</strong> toitures plates<br />

El<strong>les</strong> sont visib<strong>les</strong> sur l’ensemble du pays, <strong>de</strong> la côte à la<br />

montagne en passant par la plaine <strong>de</strong> la Békaa. El<strong>les</strong> ont en<br />

commun la même simplicité structurelle d’un complexe<br />

épais formant l’étanchéité, leurs très faib<strong>les</strong> pentes,<br />

inférieures à 5 % pour évacuer <strong>les</strong> eaux <strong>et</strong> la nécessité d’un<br />

entr<strong>et</strong>ien permanent, qui est aussi la raison <strong>de</strong> leur<br />

transformation.<br />

<strong>Les</strong> matériaux employés dans ces couvertures étant<br />

solub<strong>les</strong>, une révision permanente pour resserrer <strong>les</strong><br />

fissures est indispensable. Un damage au moyen d’une<br />

Mahdalé (pierre cylindrique <strong>de</strong> 60 cm <strong>de</strong> long <strong>et</strong> <strong>de</strong> 28 cm<br />

<strong>de</strong> diamètre environ) est réalisé avant la pluie <strong>et</strong> une autre<br />

technique palliative est adoptée pour le colmatage <strong>de</strong>s<br />

fissures <strong>et</strong> qui consiste à couvrir le toit <strong>de</strong> terre argileuse<br />

avant la pluie <strong>et</strong> à profiter <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> l’eau pour<br />

l’introduire dans <strong>les</strong> interstices <strong>de</strong> la dalle. Désormais, on<br />

rencontre parfois l’interposition d’un film plastique ou d’un<br />

matériau bitumineux sur la dalle afin d’espacer <strong>les</strong><br />

obligations d’entr<strong>et</strong>ien.<br />

Rayak<br />

25


<strong>Les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir, <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>hommes</strong><br />

Terre ou chaux, il a fallu la mise au point <strong>de</strong> savoir-faire<br />

très élaborés pour obtenir une étanchéité à partir <strong>de</strong><br />

matériaux poreux <strong>et</strong> <strong>de</strong> formes horizonta<strong>les</strong> : on atteint là<br />

un <strong>de</strong>s somm<strong>et</strong>s <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> bâtir traditionnel. C<strong>et</strong>te maîtrise<br />

qui mobilise l’entr<strong>et</strong>ien permanent disparaît avec <strong>les</strong> bétons,<br />

considérés comme mis en place une fois pour toutes.<br />

Dans <strong>les</strong> toitures plates, on rencontre <strong>de</strong>ux détails <strong>de</strong><br />

raccor<strong>de</strong>ment entre le mur <strong>et</strong> la terrasse. Le plus courant<br />

est l’encuvement <strong>de</strong> la couverture entre <strong>de</strong>s acrotères, <strong>de</strong>s<br />

rehausses <strong>de</strong>s murs. <strong>Les</strong> relevés d’étanchéité, <strong>les</strong> somm<strong>et</strong>s<br />

<strong>de</strong> murs font l’obj<strong>et</strong> d’enduits très soignés <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>enus.<br />

La collecte <strong>de</strong>s eaux pluviale se fait par l’intermédiaire <strong>de</strong> la<br />

pente vers une gargouille. L’autre type <strong>de</strong> raccord se fait en<br />

casqu<strong>et</strong>te, avec un très large débord (60 cm) <strong>de</strong> la<br />

couverture afin <strong>de</strong> rej<strong>et</strong>er <strong>les</strong> eaux pluvia<strong>les</strong> le plus loin<br />

possible du mur <strong>et</strong> d’éviter tout ruissellement.<br />

- <strong>Les</strong> toitures en pente<br />

Version plate <strong>et</strong> mécanique <strong>de</strong> la tuile romaine <strong>et</strong> issues<br />

<strong>de</strong> la fabrication industrielle qui utilise <strong>les</strong> mêmes modu<strong>les</strong><br />

<strong>et</strong> dimensions <strong>de</strong> tui<strong>les</strong> (longueur autour <strong>de</strong> 40 cm, largeur<br />

25 <strong>et</strong> hauteur 2,5), <strong>les</strong> tui<strong>les</strong> plates mécaniques constituent<br />

avec leur couleur rouge une <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> fabrique du<br />

paysage construit du Liban.<br />

<strong>Les</strong> tui<strong>les</strong> sont clouées ou attachées sur <strong>de</strong>s charpentes<br />

en bois dont le profil <strong>de</strong> pente varie <strong>de</strong> 30 % à 45 %. Ces<br />

toitures ne comportent généralement pas <strong>de</strong> percements<br />

<strong>et</strong> offrent une variété <strong>de</strong> formes suivant la complexité <strong>de</strong>s<br />

volumes couverts.<br />

<strong>Les</strong> toitures sont toujours prolongées au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

l’aplomb du mur afin <strong>de</strong> ne pas mouiller celui-ci. Le<br />

Douma<br />

surplomb est fait par un débord <strong>de</strong>s chevrons <strong>et</strong> voliges,<br />

par une corniche <strong>de</strong> pierre ou <strong>de</strong> bois <strong>et</strong> soutiennent <strong>de</strong>s<br />

gouttières fabriquées en tôle. Chevrons chantournés,<br />

corniches en pierre ouvragées, lambrequins en bois ou<br />

tôle, contribuent non seulement à créer un langage<br />

architectural <strong>de</strong> qualité mais aussi <strong>de</strong>s spécificités propres<br />

aux différentes régions du Liban.<br />

<strong>Les</strong> rives, faîtages <strong>et</strong> égouts font l’obj<strong>et</strong> d’un soin<br />

particulier; <strong>les</strong> noues, el<strong>les</strong>, sont montées sur une feuille <strong>de</strong><br />

zinc ou <strong>de</strong> tôle, l’étanchéité étant le souci primordial <strong>de</strong><br />

l’artisan. En eff<strong>et</strong>, c’est l’une <strong>de</strong>s causes principa<strong>les</strong> <strong>de</strong> la<br />

dégradation <strong>de</strong> ces toitures, <strong>les</strong> révisions <strong>de</strong> couverture n’étant<br />

pas réalisées périodiquement ou après <strong>les</strong> intempéries.<br />

Bien que ce matériau soit un produit importé (<strong>de</strong><br />

Marseille précisément) il est considéré, après six générations<br />

<strong>de</strong> constructeurs qui <strong>les</strong> ont employées, comme étant une<br />

composante <strong>de</strong> l’architecture traditionnelle locale. La<br />

permanence <strong>de</strong> sa pose est la preuve <strong>de</strong> son ancrage dans<br />

<strong>les</strong> pratiques architectura<strong>les</strong> du pays.<br />

<strong>Les</strong> processus <strong>de</strong> transformation<br />

Un simple tour d’horizon dans <strong>les</strong> <strong>arts</strong> <strong>de</strong> bâtir au Liban<br />

reflète la richesse d’un patrimoine <strong>et</strong> d’un savoir - faire<br />

malheureusement très sous-estimés <strong>et</strong> négligés, voire<br />

même méprisés. En eff<strong>et</strong>, <strong>les</strong> changements profonds <strong>et</strong><br />

rapi<strong>de</strong>s ayant affecté la société libanaise <strong>et</strong> le paysage<br />

urbain <strong>et</strong> rural durant la guerre ont laissé leurs empreintes<br />

sur la continuité dans la transmission –généralement<br />

familiale– <strong>de</strong>s <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> savoir - faire du bâti ancien. Il<br />

en a résulté <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s lacunes au niveau <strong>de</strong>s<br />

compétences, qui se sont aggravées en l’absence <strong>de</strong><br />

formation spécialisée.<br />

L’introduction <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>techniques</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouveaux<br />

matériaux nés avec l’industrialisation (béton, poutres<br />

métalliques…) a déclenché un processus rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

transformation, perceptible tant au niveau du bâti luimême<br />

ou sur le plan <strong>de</strong> sa mise en œuvre (variant du<br />

simple remplacement d’éléments à la substitution totale <strong>de</strong><br />

la structure), qu’au niveau <strong>de</strong>s mentalités : un changement<br />

qui s’exprime par un rej<strong>et</strong> sauvage <strong>de</strong> tout ce qui est ancien<br />

<strong>et</strong> local. C<strong>et</strong>te vague <strong>de</strong> transformations s’est accrue avec<br />

la guerre, dictée par un besoin urgent <strong>de</strong> reconstruction,<br />

que <strong>les</strong> nouveaux matériaux facilitent par leur mise en<br />

œuvre rapi<strong>de</strong> <strong>et</strong> leur faible coût.<br />

Actuellement, un regain d’intérêt pour la restauration<br />

<strong>et</strong> la réhabilitation est observé sur l’ensemble du<br />

territoire, un intérêt qui, si bénéfique qu’il soit, risque <strong>de</strong><br />

porter en soi un coup fatal à l’authenticité <strong>et</strong> aux<br />

spécificités <strong>de</strong> l’architecture traditionnelle libanaise <strong>et</strong><br />

plus particulièrement celle considérée comme rurale <strong>et</strong><br />

pauvre. <strong>Les</strong> travaux entrepris dénoncent un profond<br />

manque <strong>de</strong> confiance dans <strong>les</strong> <strong>techniques</strong> traditionnel<strong>les</strong><br />

(surtout en ce qui concerne l’emploi <strong>de</strong> la chaux) <strong>et</strong> une<br />

incompréhension <strong>de</strong>s systèmes constructifs (maçonneries<br />

<strong>et</strong> charpentes). Il s’y ajoute un apport <strong>de</strong> nouveaux<br />

matériaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>techniques</strong> issues <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s<br />

importées, qui parodient <strong>et</strong> dénaturent <strong>les</strong> <strong>techniques</strong><br />

d’origine : <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s importées qui contribuent à créer<br />

une uniformisation du paysage du bâti ancien en faisant<br />

abstraction <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> p<strong>et</strong>ites différences <strong>et</strong><br />

particularités qui font l’intérêt <strong>et</strong> la richesse <strong>de</strong>s<br />

<strong>techniques</strong>.<br />

Une action <strong>de</strong> sauv<strong>et</strong>age <strong>de</strong>s <strong>techniques</strong> anciennes <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> ses <strong>hommes</strong> doit être entreprise. Elle sera rendue<br />

possible par la création <strong>de</strong> pô<strong>les</strong> <strong>de</strong> formation spécialisée <strong>et</strong><br />

continue, par une orientation du marché vers l’intégration<br />

<strong>de</strong>s compétences <strong>de</strong>s <strong>hommes</strong> <strong>de</strong> métier, par<br />

l’établissement d’un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> référence fixant le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

qualité à atteindre <strong>et</strong> surtout par une sensibilisation plus<br />

large <strong>de</strong> la population : sans ces mesures, c’est un<br />

patrimoine irremplaçable qui est condamné à court terme.<br />

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