Béton armé : la construction d'une image - CDH - EPFL

SHS – Histoire sociale et culturelle des technologies
Béton armé : la construction d’une image
Leur procédé de représentation se faisait par d’autres moyens plus archaïques tels que le dessin, la
peinture ou du moins la main interprétative d’un acteur nécessairement non objectif.
Malgré tout, ces photographies ne servent qu’à diffuser le béton armé comme procédé technique et le
matériau reste sans référence constructive, contrairement à l’acier que nous pouvons notamment
associer à la Tour Eiffel…Une évolution est alors à considérer lorsque l’usage de la photographie
dépasse le rôle démonstratif, et permet aussi de contrecarrer le « déficit d’iconicité » du matériau,
déficit qui s’explique par le caractère abstrait des disciplines qui ont permis son élaboration : la
chimie, le calcul scientifique. En substituant une nouvelle perception de l’objet construit à celle du
matériau lui-même, la photographie véhicule et participe à l’élaboration d’un imaginaire esthétique du
matériau. Celle du chantier du théâtre de Berne 67 en est un exemple : l’image du matériau béton se
substitue à celle de l’ouvrage…
Ainsi, la photographie contribua fortement à la diffusion du béton armé, en élaborant autour du
matériau et des constructions un champ nouveau et diversifié de représentations, d’images.
Les médias de communication et de diffusion suscitent également l’intérêt des entrepreneurs qui
voient derrière chaque exemplaire de presse technique tiré et acheté un client potentiel de leur système
breveté ou de services d’autre nature. C’est le cas des groupes de Cimentiers ou du Bureau Central des
brevets Hennebique en Suisse (Lausanne), qui profitent de cette tribune pour s’afficher. Conscients du
marché que la revue peut couvrir, les auteurs de ces publicités emploient des termes précis tout en
sachant retenir l’attention du public le plus large. Ils élaborent ainsi une stratégie commerciale qui
s’articule le plus souvent autour d’un slogan 68 :
« Construction de grande résistance, économique et à l’épreuve de l’action du feu et de
l’eau. »
7. UN MATERIAU MIS A L’EPREUVE :
L’IMPACT DES ACCIDENTS SUR L’OPINION PUBLIQUE
Afin d’analyser l’impact des accidents sur l’image du béton armé, nous nous appuierons sur deux
exemples significatifs et marquants de la période qui nous intéresse : l’effondrement d’une maison à
Bâle, le 28 août 1901, une construction employant le système Hennebique, et celui d’un bâtiment
annexe au théâtre à Berne, le 23 Août 1905, employant le système Lossier.
Dans quel type de presse ces évènements sont-ils relatés, et comment sont-ils traités Quelles
répercussions ont-ils sur le développement du matériau
L’accident de Bâle est relaté par La Gazette de Lausanne, un journal quotidien, dans une suite
d’articles s’étalant du 28 août jusqu’au 11 octobre 1901 69 . Celui de Berne fait l’objet de plusieurs
articles écrits entre le 24 et le 26 août 1905. Le fait que ces deux accidents produits dans des cantons
différents apparaissent de manière répétée dans ce journal romand dont l’influence dépasse même la
Sarrine montre bien leur portée, et donc la force de l’impact que de tels articles sont susceptibles
d’avoir sur le béton armé. Reste à savoir si le matériau est fortement mis en faute par la presse.
67 (voir Image 7) Théâtre de Berne, 1899-1903, de Würstemberger architecte, Anselmier & Cie entrepreneur, in
DELHUMEAU G., GUBLER J., LEGAULT R., SIMONNET C., in op. cit., p. 23.
68 (voir Images 3 et 4)
69 (voir Annexe 11) « Une maison qui tombe », 29 août 1901 ; « Une maison qui tombe », 30 août 1901 ; « Bâle-ville », 3
septembre 1901, in La Gazette de Lausanne.
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