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Béton armé : la construction d'une image - CDH - EPFL

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SHS – Histoire sociale et culturelle des technologies<br />

<strong>Béton</strong> <strong>armé</strong> : <strong>la</strong> <strong>construction</strong> d’une <strong>image</strong><br />

[…] Cet essai concluant donna pour ainsi dire droit de cité au béton <strong>armé</strong>, non<br />

seulement à <strong>la</strong> Compagnie J.-S., mais encore aux yeux du Contrôle fédéral des chemins<br />

de fer, et les applications devinrent nombreuses. »<br />

Rapidement, d’autres promoteurs privés et même publics s’intéressent au béton. Un grand nombre de<br />

personnes d’horizon divers telles que les pompiers, les horlogers, les postiers, les banquiers, les<br />

directeurs de théâtre, les conservateurs de musées et même les hôteliers s’y intéressent.<br />

Mais quels avantages voient-ils dans le béton <br />

A priori ce ne sont pas les capacités techniques de portée d’une dalle en béton qui retiennent<br />

l’attention de ces corporations. Le point commun de ces commanditaires se trouve plutôt dans les<br />

atouts de protection du matériau lui-même, mis en avant par les constructeurs, protection face aux<br />

incendies, aux dégâts d’eau, aux infractions… Les casernes des pompiers, coffres-forts des banquiers<br />

ou encore les musées seront ainsi réalisés en béton <strong>armé</strong>… 39<br />

Le jeu de concurrence est aussi renforcé par les commanditaires qui recherchent les meilleurs prix audelà<br />

même de <strong>la</strong> nature des systèmes, comme le montre l’attitude manifestée par <strong>la</strong> compagnie du Jura<br />

Simplon dans un article du BTSR 1903 40 : « Les prix élevés du béton Hennebique, dont les<br />

concessionnaires ne valent pas tous feu Ferrari, et les progrès réalisés par certains concurrents sur ces<br />

entrefaites, engagèrent <strong>la</strong> Compagnie J-S. à essayer aussi d’autres systèmes […] ».<br />

5.5 Le milieu intellectuel<br />

En dehors des professionnels impliqués de fait par le béton <strong>armé</strong>, d’autres acteurs tels qu’intellectuels,<br />

écrivains et artistes s’intéressent à <strong>la</strong> question, de manière plus ou moins directe.<br />

Les transformations du territoire dérivées de <strong>la</strong> « modernisation », dans beaucoup d’esprits, mettent à<br />

mal <strong>la</strong> beauté des paysages suisses.<br />

Certains écrivains, à travers des ouvrages ou des articles de presse, s’affligent de ces<br />

bouleversements ; ils identifient <strong>la</strong> révolution industrielle comme responsable d’un en<strong>la</strong>idissement du<br />

paysage et de <strong>la</strong> perte des traditions architecturales locales. Ces observations suscitent des critiques<br />

tranchées. Leur discours n’est pas précisément ciblé sur le béton <strong>armé</strong> en lui-même, mais celui-ci est<br />

évoqué implicitement dans les observations dont ils rendent compte.<br />

En 1904, l’écrivain Guil<strong>la</strong>ume Fatio 41 publie un ouvrage exaltant les valeurs de <strong>la</strong> Suisse pittoresque et<br />

déplorant <strong>la</strong> banalité de l’architecture qui se développe. Si l’ouvrage met en avant des préoccupations<br />

d’ordre esthétique, le texte exprime souvent en arrière p<strong>la</strong>n un scepticisme plus profond, lié au<br />

changement de <strong>la</strong> société en elle-même. « Les idées égalitaires qui tourmentent les sociétés actuelles<br />

veulent, de plus en plus, que <strong>la</strong> maison du pauvre prenne autant que possible l’aspect de celle du<br />

riche. » 42 La critique faite à l’architecture en dissimule une autre, faite à <strong>la</strong> société.<br />

Un autre auteur, Charles Melley, 43 dont le discours est proche de celui de G. Fatio, critique les<br />

procédés -dont le ciment- qui permettent à un moindre prix d’imiter les décorations auparavant<br />

réservées aux maisons fastueuses, brouil<strong>la</strong>nt ainsi les conceptions du beau et du <strong>la</strong>id, de l’authenticité<br />

et du pastiche. Les inquiétudes, sont donc aussi d’ordre identitaire et social. Notons aussi que <strong>la</strong><br />

révolution industrielle implique une immigration étrangère qui attise une xénophobie grandissante.<br />

Beaucoup d’ouvriers étrangers sont amenés à travailler dans <strong>la</strong> <strong>construction</strong> des bâtiments :entre<br />

autochtones et immigrés, les tensions naissent sur les chantiers, éc<strong>la</strong>tant en conflits violents en cas<br />

d’accident.<br />

39 DELHUMEAU G., GUBLER J., LEGAULT R., SIMONNET C., in op. cit.<br />

40 E., in art. cit., pp. 201-205.<br />

41 Cf. GUBLER Jacques, Nationalisme et internationalisme dans l’architecture moderne de <strong>la</strong> Suisse, Lausanne, L’Age<br />

d’Homme, 1975.<br />

42 Propos de FATIO G. in GUBLER Jacques, in op. cit.<br />

43 MELLEY C. in GUBLER Jacques, in op. cit.<br />

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