31.12.2014 Views

Béton armé : la construction d'une image - CDH - EPFL

Béton armé : la construction d'une image - CDH - EPFL

Béton armé : la construction d'une image - CDH - EPFL

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

SHS – Histoire sociale et culturelle des technologies<br />

<strong>Béton</strong> <strong>armé</strong> : <strong>la</strong> <strong>construction</strong> d’une <strong>image</strong><br />

5.1 Les constructeurs et fournisseurs<br />

Dans un contexte socioculturel où prédomine encore fortement l’académisme qui fixe les règles des<br />

<strong>construction</strong>s en matériaux traditionnels (pierre, bois..), deux attitudes liées au béton <strong>armé</strong> se mêlent,<br />

les empiristes c’est-à-dire les entrepreneurs et constructeurs qui, par des séries d’essais, font leur<br />

propre validation de leurs procédés de <strong>construction</strong> 8 et les théoriciens, professeurs et autres<br />

scientifiques qui cherchent à codifier l’usage du matériau par l’établissement de modèles théoriques.<br />

Parmi les empiristes, essayons de comprendre le fonctionnement de <strong>la</strong> société de <strong>construction</strong> qui fera<br />

figure d’exception par sa portée mondiale : <strong>la</strong> firme Hennebique. En effet, l’expansion de cette<br />

entreprise joue un rôle essentiel dans <strong>la</strong> <strong>construction</strong> et <strong>la</strong> diffusion de l’<strong>image</strong> du béton, reflétant les<br />

mécanismes d’une importante avancée que mène Hennebique dans le domaine de <strong>la</strong> <strong>construction</strong>. En<br />

Suisse comme dans bon nombre de pays, <strong>la</strong> société occupe sans conteste une part dominante du<br />

marché.<br />

Son incroyable essor repose sur <strong>la</strong> simplicité de mise en œuvre de ses brevets et surtout <strong>la</strong> performance<br />

de son organisation hiérarchique. François Hennebique, ingénieur franco-belge, supervise ainsi un<br />

premier niveau d’agents de formation ingénieur, répartis en France, en Europe puis rapidement dans le<br />

monde entier 9 ; <strong>la</strong> Suisse est représentée par Samuel de Mollins. Puis ces agents dirigent un deuxième<br />

échelon de concessionnaires répartis par ville (A Lausanne, il s’agit de M. Ferrari) qui sont chargés de<br />

répandre le « <strong>la</strong>bel » et transmettre les données de calcul de chaque affaire conclue, au bureau central<br />

siégeant à Paris. Les publicités diffusées dans le BTSR montrent l’étendue de <strong>la</strong> couverture de son<br />

réseau de concessionnaires sur le territoire suisse. 10<br />

De plus, comme le précise C. Simonnet 11 , <strong>la</strong> force d’action de Hennebique réside dans <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce<br />

à <strong>la</strong> tête du réseau, d’un système de bureaux d’études ou « d’ingénieurs-conseils » qui reçoivent et<br />

traitent ces éléments de calcul issus des commandes. Leur tâche consiste en un travail d’anticipation<br />

propre à chaque projet pour fournir au client des devis et <strong>la</strong> garantie d’études préliminaires totalement<br />

détachées de <strong>la</strong> réalité des chantiers, une nouveauté par rapport aux manières de faire des constructeurs<br />

métalliques. La concurrence se joue désormais sur cette capacité des différentes firmes à assumer ces<br />

études préa<strong>la</strong>bles au projet qui fournissent au client une certaine légitimité de leur choix. C’est ainsi<br />

que tel ou tel brevet peut afficher sa pertinence et supériorité sur le marché puisque, bien souvent, pour<br />

le commanditaire, <strong>la</strong> supériorité technique de l’un ou l’autre ne s’exprime guère, du moins sur le p<strong>la</strong>n<br />

des applications.<br />

Pour l’exécution des projets, <strong>la</strong> société Hennebique signe des contrats avec des entreprises de<br />

<strong>construction</strong>s locales auxquelles elle confie un « droit d’exploitation, s’engageant en retour à fournir<br />

les éléments nécessaires à une mise en œuvre conforme 12 ».<br />

Ces entreprises de <strong>construction</strong> locale qui ne se démarquent pas par <strong>la</strong> propriété d’un brevet sont alors<br />

reléguées à un deuxième p<strong>la</strong>n sur le marché. Elles se voient effectivement comme diminuées de leur<br />

véritable pouvoir de <strong>construction</strong> puisqu’elles ne possèdent pas « d’exclusivité » pour l’application des<br />

brevets mais simplement un « droit d’exploitation » à renouveler à chaque projet…<br />

En ce sens, <strong>la</strong> puissante société Hennebique en p<strong>la</strong>ce a su s’organiser de manière à se prévaloir de<br />

toutes responsabilités notamment en cas d’accident 13 puisque, comme évoqué précédemment, <strong>la</strong><br />

séparation de <strong>la</strong> conception et de l’exécution <strong>la</strong>isse une grande part de responsabilités à l’entreprise<br />

intermédiaire… Dépassant alors le matériau lui-même, c’est peu à peu une expérience et <strong>la</strong> notoriété<br />

de <strong>la</strong> firme que l’on achète…<br />

8 SIMONNET Cyrille, Le béton : histoire d’un matériau. Economie, technique, architecture, Marseille, Ed. Parenthèse, 2005,<br />

pp. 79-80.<br />

9 (voir Image 2) « Le système Hennebique dans le monde », in Le <strong>Béton</strong> Armé, n° 69, février 1904, p<strong>la</strong>nche 1.<br />

10 (voir Image 3) Publicité de <strong>la</strong> société Hennebique, in BTSR, n°14, 1903.<br />

11 SIMONNET Cyrille, in op. cit., p. 66.<br />

12 SIMONNET Cyrille, in op. cit., p. 66.<br />

13 cf. partie 7 Un matériau mis à l’épreuve : l’impact des accidents sur l’opinion publique p.21.<br />

11

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!