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No. 4 - Mars 2009 (pdf) - Master Arbitrage & Commerce International

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CHRONIQUE<br />

DROIT DE<br />

L’ARBITRAGE<br />

CHRONIQUE DE DROIT DE L’ARBITRAGE N O 4<br />

Par le <strong>Master</strong> professionnel <strong>Arbitrage</strong> et commerce international<br />

de l’Université de Versailles-Saint-Quentin<br />

Sous la direction de Thomas Clay, directeur du <strong>Master</strong> et<br />

doyen de la faculté de droit et de science politique de<br />

Versailles-Saint-Quentin<br />

PLAN :<br />

I. L’extension de la clause compromissoire au dirigeant associé de la société partie<br />

au contrat qui la contient, par Alexis Constantin<br />

II. Quand incompétence et absence d’indépendance s’additionnent, par Mohamed<br />

Madkour<br />

III. Les conséquences de la nullité de l’acte de mission sur la validité de la sentence<br />

partielle, par A. Mourre et A. Vagenheim<br />

IV. De quelques incertitudes quant à la règle de non-révision des sentences<br />

arbitrales, par Caroline Catino<br />

V. L’affirmation du contrôle formel de l’accomplissement de sa mission par l’amiable<br />

compositeur, par Loïc Coutelier<br />

VI. Bruxelles I, anti-suit injunctions et arbitrage : touché, coulé !, par Sandrine<br />

Clavel<br />

VII. La responsabilité des arbitres au regard de la longueur d’un arbitrage : respect<br />

du délai et obligation de diligence, par Louis Degos<br />

Après une période calme, la jurisprudence s’est soudainement<br />

accélérée au tournant de l’année <strong>2009</strong>, avec une série d’arrêts<br />

importants, de la Cour de cassation comme de la Cour d’appel. L’une et<br />

l’autre ont rivalisé d’ingéniosité pour clarifier un certain nombre de<br />

questions qui le méritaient. C’est le cas en particulier de la distinction<br />

enfin faite entre la convention d’arbitrage et le contrat d’arbitre,<br />

sachant que l’absence d’indépendance de l’arbitre ne peut affecter que<br />

celui-ci et non celui-là (CA Paris, 9 octobre 2008). C’est le cas aussi du<br />

contrôle de la mission d’amiable compositeur dont la première<br />

chambre civile énonce, un an après avoir semblé penser le contraire,<br />

qu’il ne peut être que formel (Cass. civ. 1 re , 17 décembre 2008). C’est<br />

le cas encore des arrêts qui reprennent des solutions établies, et les<br />

prolongent dans des situations inédites, qu’il s’agisse de l’extension de<br />

la clause compromissoire au dirigeant de société (Cass. civ. 1 re ,<br />

22 octobre 2008) ou d’indépendance de l’arbitre à l’égard des conseils<br />

dans une affaire où le Tribunal arbitral avait réussi l’exploit d’être à la<br />

fois non indépendant et hors délai (CA Paris,18 décembre 2008).<br />

Cependant deux arrêts de la Cour d’appel de Paris ne suscitent pas le<br />

même enthousiasme, l’un dans lequel les juges parisiens sont<br />

véritablement entrés dans le raisonnement de l’arbitre pour le<br />

déclarer compétent alors que celui-ci s’était considéré incompétent<br />

(CA Paris, 22 mai 2008) et l’autre qui rejette la responsabilité civile<br />

d’arbitres particulièrement peu diligents (CA Paris, 6 novembre 2006).<br />

Enfin, l’arbitrage continue à séduire puisque la Cour de justice des<br />

Communautés européennes vient de décider dans un arrêt très récent<br />

et déjà très remarqué (CJCE, 10 février <strong>2009</strong>) que le règlement de<br />

Bruxelles I pouvait lui être indirectement applicable par le jeu subtil<br />

des injonctions anti-suit. La critique qui s’abat contre cette décision est<br />

déjà impressionnante d’unanimisme. On en trouvera ici la première<br />

expression, particulièrement autorisée.<br />

Thomas CLAY<br />

En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 06/03(11H50) - N o pa179770.sgm - 1


C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

I. L’EXTENSION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE AU DIRIGEANT ASSOCIÉ<br />

DE LA SOCIÉTÉ PARTIE AU CONTRAT QUI LA CONTIENT<br />

Cass. civ. 1 re , 22 octobre 2008 : X c/ Système U<br />

Lorsque le règlement intérieur d’une société prévoit que la<br />

personnalité et l’activité d’une société, personne morale, partie à<br />

ce règlement intérieur, se confondent avec la personnalité et<br />

l’activité de celui ou de ceux qui la contrôlent directement ou<br />

indirectement, et la dirigent, il doit en être déduit que le dirigeant<br />

d’une société signataire de ce règlement intérieur a<br />

nécessairement adhéré à titre personnel à celui-ci et accepté<br />

d’être lié par les clauses le concernant directement en tant que<br />

dirigeant social, particulièrement la clause d’arbitrage.<br />

MOTS-CLÉS<br />

Clause compromissoire insérée dans les statuts d’une coopérative. Société<br />

adhérente. Associé de la société adhérente ayant la qualité de dirigeant.<br />

Extension de la clause à l’associé ou au dirigeant associé non formellement<br />

partie au contrat.<br />

(1) Cass. civ. 1 re , 22 octobre 2008, X c/ Système U, JCP<br />

G 2008. I. 222, § 2, obs. J. Ortscheidt ; Juris-Data<br />

n o 2008-045519.<br />

Conformément à la règle de droit<br />

commun de l’effet relatif des<br />

contrats (C. civ., art. 1165), la<br />

convention d’arbitrage n’oblige en<br />

principe que ceux qui y sont parties, c’està-dire<br />

ceux qui l’ont acceptée et ceux qui<br />

viennent aux droits de l’un des contractants.<br />

Néanmoins, la complexité des relations<br />

économiques conduit souvent soit à<br />

la rédaction d’une pluralité de contrats,<br />

soit à ce que plusieurs personnes interviennent<br />

à un titre ou à un autre, à un<br />

stade ou à un autre, dans la situation<br />

contractuelle.<br />

NOTE<br />

Le problème, bien connu, soulevé dans<br />

ces différentes hypothèses se ramène alors<br />

au point de savoir si une convention d’arbitrage<br />

unique peut déployer ses effets à<br />

l’égard de personnes qui ne sont pas, à<br />

strictement parler, les contractants originaires,<br />

ou à l’égard de contrats qui se<br />

présentent comme distincts de celui auquel<br />

la clause se rapporte.<br />

Le présent arrêt rendu par la première<br />

chambre civile de la Cour de cassation<br />

illustre bien cette question délicate (1).<br />

En l’espèce, la société Codistal était adhérente<br />

d’une société coopérative Système<br />

U jusqu’en décembre 1995, date à<br />

laquelle elle s’en est retirée. En sa qualité<br />

d’associée de la coopérative, elle en avait<br />

accepté le règlement intérieur, lequel<br />

contenait, d’une part, une clause de<br />

préemption permettant à la coopérative<br />

de se porter acquéreur en priorité des titres<br />

des sociétés adhérentes et, d’autre<br />

part, une clause compromissoire. En 1999,<br />

M. X, dirigeant et associé de la société<br />

Codistal, a quitté ses fonctions et a vendu<br />

la totalité des actions représentant le capital<br />

social de celle-ci. La coopérative Système<br />

U a alors exercé le droit de préemption<br />

susvisé et, pour régler le litige, mis<br />

en œuvre la procédure d’arbitrage, en<br />

soutenant que tant la clause de préemption<br />

que la clause compromissoire étaient<br />

opposables à M. X.<br />

La Cour d’appel de Montpellier a accueilli<br />

le recours en annulation formé par<br />

le dirigeant aux motifs qu’il n’était « pas<br />

associé de la coopérative, en nom personnel<br />

», qu’il n’était donc « pas partie, per-<br />

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........................................................................................................................................................................<br />

sonnellement, à l’acte prévoyant la<br />

clause compromissoire » et ne pouvait<br />

se voir opposer la clause compromissoire,<br />

à l’occasion de la<br />

vente de ses parts dans la société adhérente,<br />

seule partie au règlement intérieur,<br />

et aux statuts ».<br />

La Cour de cassation a censuré cette décision,<br />

au visa d’un obscur « alinéa 2-1 »<br />

de l’article 1484 du Code de procédure<br />

civile, en relevant « qu’en statuant ainsi,<br />

alors qu’en application de l’article 3 du<br />

règlement intérieur de la société Système<br />

U, selon lequel la personnalité et l’activité<br />

d’une société, personne morale, se<br />

confondent avec la personnalité et l’activité<br />

de celui ou de ceux qui la contrôlent<br />

directement ou indirectement et la dirigent,<br />

M. X avait nécessairement adhéré à<br />

titre personnel à ce règlement et accepté<br />

d’être lié par les clauses le concernant<br />

directement en tant que dirigeant social,<br />

particulièrement la clause d’arbitrage et<br />

celle relative au droit de préemption ».<br />

De fait, le règlement intérieur de la coopérative<br />

prévoyait en son article 3 que<br />

« sont des parties concernées par les présentes<br />

dispositions chaque société ayant<br />

la qualité d’associé de la coopérative ainsi<br />

que le ou les dirigeants actionnaires ou<br />

associés de la société coopérative, ainsi<br />

que tout mandataire social et/ou actionnaire<br />

ou associé détenant directement des<br />

actions ou parts d’une ou plusieurs sociétés<br />

associées de la coopérative ».<br />

En vérité, il n’est pas rare qu’un contractant<br />

conclut une convention avec une société<br />

en considération de la personne de<br />

ses associés, notamment contrôlaires. C’est<br />

ce que le professeur Catherine Prieto appelle<br />

l’intuitus socii (2).<br />

La situation est très fréquente dans les<br />

relations de distribution, qu’il s’agisse de<br />

la franchise ou de la distribution exclusive<br />

ou sélective, et a fortiori lorsque cette<br />

distribution est organisée en un réseau<br />

qu’il convient de préserver et de protéger<br />

contre certaines perturbations.<br />

Dans ces hypothèses, il est nécessaire de<br />

traduire en droit cette prise en compte<br />

réaliste et logique du caractère déterminant<br />

de la personne de ceux qui ont le<br />

pouvoir d’imposer leur volonté au sein de<br />

la personne morale cocontractante ou<br />

membre du réseau.<br />

Cela fait bien longtemps qu’existent des<br />

clauses qui imposent certaines obligations<br />

aux associés de contrôle d’une personne<br />

morale, ou qui tirent certaines<br />

conséquences de leur changement. On les<br />

trouve aussi bien dans des conventions<br />

bipartites que dans des accords plus collectifs,<br />

tels que des statuts de sociétés. La<br />

loi elle-même ne méconnaît pas cet intuitus<br />

socii parfois nécessaire, comme en<br />

témoigne par exemple l’article L. 227-17<br />

du Code de commerce qui prévoit que<br />

peut être exclue d’une société par actions<br />

simplifiée la société associée dont le<br />

contrôle vient à être modifié.<br />

Certes, en principe, les conséquences de<br />

droit se produisent directement à l’égard<br />

de la personne morale cocontractante, et<br />

non à l’égard de ses associés, à moins<br />

qu’ils n’aient personnellement souscrit<br />

des engagements.<br />

L’arrêt rapporté témoignerait donc, sous<br />

cet angle, d’une extension remarquable<br />

de ces conséquences juridiques au-delà<br />

des seuls signataires.<br />

Les effets de droit en cause concernent en<br />

l’espèce tant le droit de préemption que<br />

la soumission d’un éventuel litige à l’arbitrage.<br />

Il n’y a guère de raison de les<br />

distinguer l’un de l’autre, car il nous semble<br />

que les ressorts contractuels sousjacents<br />

sont identiques : la solution posée<br />

par la Cour de cassation résulte en effet<br />

de l’articulation, tout à la fois, de l’existence<br />

d’aménagements conventionnels entre<br />

les parties et du constat de l’acceptation<br />

tacite des tiers. L’on se bornera simplement<br />

à rappeler que le droit de l’arbitrage<br />

semble de plus en plus se détacher<br />

des pures solutions du droit des obligations,<br />

pour tendre vers une autonomie<br />

justifiée par la nécessité de son effet utile,<br />

de son efficacité. La fin y justifierait parfois,<br />

d’une certaine manière, les moyens.<br />

De sorte que si l’extension de la clause de<br />

(2) C. Prieto, La société contractante, préface de J.<br />

Mestre, PU Aix-<strong>Mars</strong>eille, 1994, spéc. p. 412 et s.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(3) Ch. Seraglini, in J. Béguin et M. Menjucq (ss la dir.),<br />

Droit du commerce international. LexisNexis, coll.<br />

Traités, 2005, spéc. n o 2529. Sur l’ensemble de la<br />

question : J. El-Ahdab, La clause compromissoire et<br />

les tiers. Thèse Paris I (ss la dir.) Y. Guyon, dact.,<br />

soutenue le 27 juin 2003 (à paraître en <strong>2009</strong> aux PU<br />

Aix-<strong>Mars</strong>eille).<br />

(4) Cass. com., 8 novembre 2005, Tinnes, Rev. arb.<br />

2006.709, note F.-X. Train.<br />

(5) M. Hérail, Contribution à l’étude du lien coopératif<br />

au sein des sociétés coopératives. Thèse Rennes I (ss<br />

la dir.) XXX, dact., 1999, spéc. n os 261 et s.<br />

(6) V. sur ces questions et leurs liens avec l’arbitrage :<br />

D. Cohen, <strong>Arbitrage</strong> et société, préface de B. Oppetit.<br />

LGDJ, coll. Bibliothèque du droit privé, T. 229, 1993,<br />

spéc. n os 486 et s. ; et, du même auteur, L’engagement<br />

des sociétés à l’arbitrage, Rev. arb. 2006.35, spéc.<br />

n os 65 et s.<br />

(7) Cass. com., 8 novembre 2005, Tinnes, préc.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

préemption doit être retenue, a<br />

fortiori pourrait-on dire, celle de<br />

la clause compromissoire doit-elle<br />

s’imposer.<br />

S’agissant plus spécialement du problème<br />

de l’extension de l’effet obligatoire d’une<br />

clause compromissoire à une tierce personne,<br />

qui est celui qui nous retiendra<br />

présentement, il convient de rappeler,<br />

d’une part, que les parties peuvent en<br />

effet aménager contractuellement la portée<br />

de leur convention d’arbitrage et,<br />

d’autre part, que la jurisprudence admet<br />

qu’un tiers peut avoir tacitement accepté<br />

d’y adhérer et ainsi de s’y trouver soumis.<br />

Ces solutions relatives à l’arbitrage interne<br />

sont d’ailleurs pour l’instant moins<br />

libérales que les solutions retenues en matière<br />

d’arbitrage international, lequel envisage<br />

plus favorablement encore l’extension<br />

de l’effet obligatoire de la clause<br />

compromissoire (3).<br />

L’arrêt illustre bien cette articulation des<br />

aménagements contractuels et de l’acceptation<br />

tacite d’un tiers.<br />

Tout d’abord, la convention principale<br />

(ici un règlement intérieur d’une société<br />

coopérative, parfois les statuts mêmes de<br />

la société) (4) manifeste expressément en<br />

l’espèce la prise en compte de l’intuitus<br />

socii (ou d’un affectio cooperatis dans une<br />

société coopérative), c’est-à-dire d’une<br />

forme particulière d’intuitus personae renforcé,<br />

en l’érigeant en élément déterminant<br />

non seulement dans les rapports juridiques<br />

entre la coopérative et les sociétés<br />

qui y sont associées, mais également<br />

entre la première et les associés de ces<br />

dernières (5), quand bien même existerait<br />

l’écran que constitue la personnalité juridique<br />

de celles-ci.<br />

La convention perce le voile de la personnalité<br />

morale, ce qui est parfaitement<br />

possible et licite, en dehors même des cas<br />

où c’est le juge qui s’en charge, sur le<br />

fondement de la fraude, de la fictivité ou<br />

de la confusion des patrimoines (6).<br />

Ensuite, les associés, expressément qualifiés<br />

de parties au contrat alors même<br />

qu’ils n’en sont pas formellement les signataires,<br />

sont présumés connaître et accepter<br />

les dispositions de la convention<br />

principale, qu’il s’agisse du droit de<br />

préemption sur leurs propres titres ou de<br />

la clause compromissoire.<br />

Cette présomption n’est pas si choquante,<br />

à bien des égards. D’une part, parce que<br />

ces aménagements contractuels sont on ne<br />

peut plus classiques, pour ne pas dire de<br />

style, dans les coopératives de distribution<br />

et plus généralement dans les conventions<br />

cadres régissant l’organisation des réseaux<br />

de distribution. D’autre part, parce que si<br />

la personne morale a adhéré à la coopérative,<br />

c’est nécessairement que ses associés<br />

principaux l’ont voulu, l’hypothèse d’un<br />

dirigeant non associé ayant pris une telle<br />

initiative sans leur en référer étant aussi<br />

peu plausible que susceptible à notre sens<br />

de modifier la solution retenue par la Cour<br />

régulatrice.<br />

Il en va évidemment de même, de plus<br />

fort pourrait-on dire, lorsque ces tiers<br />

sont en outre les dirigeants de la personne<br />

morale adhérente. Et il semble<br />

d’ailleurs qu’une telle présomption<br />

connaisse un certain renforcement en jurisprudence.<br />

Car là où la Cour de cassation, dans une<br />

affaire similaire rendue il y a quelques<br />

années (7), avait justifié une solution identique<br />

en se fondant sur le fait que le dirigeant<br />

associé avait nécessairement eu<br />

connaissance des dispositions litigieuses,<br />

et les avait non moins nécessairement acceptées,<br />

la Haute cour, dans l’arrêt rapporté,<br />

retient le fait que ce même personnage<br />

avait « nécessairement adhéré à<br />

titre personnel » aux dites dispositions.<br />

L’éviction d’une recherche, même superficielle,<br />

de la connaissance et de l’acceptation<br />

du tiers est le grand apport de cette<br />

décision.<br />

Alexis CONSTANTIN<br />

Agrégé des Facultés de droit<br />

Professeur à l’Université Rennes I<br />

Centre de droit des affaires, du patrimoine<br />

et de la tesponsabilité (CDA-PR)<br />

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II. QUAND INCOMPÉTENCE ET ABSENCE D’INDÉPENDANCE<br />

S’ADDITIONNENT<br />

CA Paris, 18 décembre 2008 : SARL Avelines conseil<br />

Considérant que l’exercice des fonctions d’arbitre suppose un lien<br />

de confiance avec les parties qui doit être préservé pendant toute la<br />

durée de l’arbitrage ; qu’à cet égard l’arbitre a l’obligation<br />

d’informer les parties de tout fait ou de toute relation ne<br />

présentant pas un caractère notoire susceptible de troubler son<br />

indépendance d’esprit ou pouvant raisonnablement aux yeux des<br />

parties avoir une incidence sur son jugement, son impartialité ou<br />

son indépendance envers l’une ou l’autre de celles-ci.<br />

MOTS-CLÉS<br />

Indépendance de l’arbitre. Relations avec les conseils. Obligation de révélation.<br />

Convention d’arbitrage expirée.<br />

Cette décision vient s’ajouter à la<br />

liste de celles qui renforcent le<br />

principe de procès équitable dans<br />

l’arbitrage, aussi bien interne qu’international,<br />

tant ad hoc qu’institutionnel<br />

(8), et qui examine la question délicate<br />

des relations entre arbitre et conseils des<br />

parties.<br />

NOTE<br />

Les faits remontent au 1 er mars 2004,<br />

lorsque Jean Masuy et la société Avelines<br />

conseil ont conclu un contrat qui a suscité<br />

des difficultés relatives au paiement<br />

du prix. Les parties ont mis en œuvre la<br />

clause compromissoire prévue dans le<br />

contrat et un Tribunal arbitral, par une<br />

sentence du 28 novembre 2006, a<br />

condamné la société Avelines conseil.<br />

Cette dernière a alors intenté un recours<br />

en annulation sur le fondement des articles<br />

5, 1452, 1460, 1464, 1474, 1484, et<br />

1486 du Code de procédure civile, et 6.1<br />

de la CEDH. Les moyens d’annulation<br />

invoqués étaient la composition irrégulière<br />

du Tribunal arbitral, l’expiration de<br />

la convention d’arbitrage et le non-respect<br />

de la mission conférée aux arbitres<br />

(CPC, art. 1484-3°).<br />

La Cour d’appel de Paris répond en commençant<br />

par souligner à juste titre « que<br />

la renonciation des parties stipulée dans<br />

l’article 1 er de l’acte de mission à se prévaloir<br />

de tout moyen relatif à une quelconque<br />

irrégularité dans la désignation<br />

des arbitres doit être réputée non écrite<br />

en application de l’article 1484, alinéa 1 er<br />

du Code de procédure civile ». Et il est<br />

vrai que cette stipulation, outre qu’elle ne<br />

saurait être valable, pouvait légitimement<br />

apparaître suspecte.<br />

Dès lors, la composition irrégulière du<br />

Tribunal arbitral peut être accueillie favorablement<br />

par la Cour, qui précise :<br />

« Qu’en l’espèce, force est de constater<br />

qu’il n’a pas été satisfait à cette obligation<br />

d’information, la société Avelines<br />

conseil ayant été laissée dans l’ignorance<br />

du lien professionnel étroit existant entre<br />

la fille de l’un des arbitres et le conseil<br />

(qui l’avait choisi) ».<br />

De fait, l’ignorance par la société Avelines<br />

de l’existence d’une cause de récusation<br />

au moment de la désignation du Tribunal<br />

arbitral, en l’espèce le lien professionnel<br />

étroit existant entre la fille de l’un des<br />

arbitres et le conseil, est de nature à rendre<br />

inopérante la renonciation à invoquer<br />

cette exception de procédure. À plusieurs<br />

reprises déjà, au nom du respect des exi-<br />

(8) Sur l’ensemble de la question Th. Clay,<br />

L’indépendance et l’impartialité de l’arbitre et les<br />

règles du procès équitable, in J. van Compernolle et G.<br />

Tarzia (ss la dir.), L’impartialité du juge et de l’arbitre,<br />

Étude de droit comparé. Bruylant, 2006, p. 199.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(9) CA Paris, 29 janvier 2004, Société Serf, D. 2004,<br />

somm. 3182, obs. Th. Clay ; JCP G 2004. I. 179, § 5, obs.<br />

Ch. Seraglini ; Rev. arb. 2005. 709 (1 re esp.), note M.<br />

Henry ; CA Paris, 12 décembre 1996, Société<br />

Commercial Agraria Hermanos Lucena, Rev. arb. 1998.<br />

699, obs. D. Bureau ; RDAI 1999. 240, obs. Ch. Imhoos.<br />

(10) Sur l’ensemble de la question, cf. M. Henry, Le<br />

devoir d’indépendance de l’arbitre, préface de P.<br />

Mayer. Avant-propos de J.-D. Bredin, coll. Bibliothèque<br />

du droit privé, T. 352, 1993, spéc. n os 276-289.<br />

(11) A. El-Kosheri et K. Y. Youssef in L’indépendance<br />

des arbitres internationaux : le point de vue d’un<br />

arbitre, Bull. de la CCI, supplément spécial 2007, p. 43,<br />

spéc. p. 57.<br />

(12) La Cour d’appel de Bruxelles a pourtant refusé de<br />

sanctionner le cas d’un arbitre qui intervenait<br />

directement comme conseil au sein du cabinet où il<br />

était consultant pour ce même client dans un autre<br />

contentieux très semblable au motif que la<br />

« psychologie » de l’individu varierait selon qu’il est<br />

avocat ou arbitre, y compris pour une même partie (CA<br />

Bruxelles, 29 octobre 2007, LPA 2008, n os 60-61, p. 17,<br />

note T. Kaïssi ; D. 2008. 3114, obs. Th. Clay).<br />

(13) Pour un cas de dispense de révélation, en raison<br />

de l’insignifiance du lien litigieux, cf. l’arrêt de la Cour<br />

d’appel de Paris du 13 mars 2008 (CA Paris, 13 mars<br />

2008, CETIM, D. 2008, pan. 3114 et 3116, obs. Th. Clay).<br />

(14) Exemple : Cour suprême de Suède 19 novembre<br />

2007, LPA 2008, n o 199, p. 9, note M. Henry ; D. 2008.<br />

3114, obs. Th. Clay.<br />

(15) CA Paris, 12 février <strong>2009</strong>, SA J&P Avax, Global<br />

Arbitration Review, 18 février <strong>2009</strong> ; Rev. arb. <strong>2009</strong>,<br />

n o 1, note Th. Clay (à paraître) ; LPA <strong>2009</strong>, note M.<br />

Henry (à paraître).<br />

(16) CA Paris, 28 novembre 2002, Société Voith Turbo<br />

GmbH, Rev. arb. 2003.445, note Ch. Belloc ; D. 2003,<br />

somm. 2473, obs. Th. Clay ; JCP G 2003. I. 164, § 3, obs.<br />

Ch. Seraglini.<br />

(17) Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard.<br />

Dalloz, coll. <strong>No</strong>uvelle bibliothèque de thèses, vol. 2,<br />

2001, spéc. n o 383.<br />

(18) Affaires L’Oréal (CA Paris, 9 avril 1992, Rev. arb.<br />

1996. 483 (2 e esp.), obs. Ph. Fouchard, p. 325, spéc.<br />

n os 11, 18, 28, 35, 56, 61 et 72 et s. ; Riv. dell’arb. 1993.<br />

103, note A. Di Blase ; D. 1992, inf. rap., p. 173, et Raoul<br />

Duval ; CA Paris, 2 juillet 1992, Rev. arb. 1996. 411 (1 re<br />

esp.), obs. Ph. Fouchard, p. 325, spéc. n os 19, 31, 65, et<br />

73 et s. ; CA Paris, 6 décembre 1994, Rev. arb. 1996.<br />

411 (3 e esp.), obs. Ph. Fouchard, p. 325, spéc. n os 19, 31,<br />

65, et 73 et s. ; Gaz. Pal. 1995. 1, jur., p. 207, et la note ;<br />

JCP G 1995. I. 3891, § 16, obs L. Cadiet ; Cass. civ. 1 re .,<br />

16 décembre 1997 (1 er arrêt), Rev. arb. 1999. 253 ; Gaz.<br />

Pal. du 2 juillet 1998, jur., p. 29, note B. Sagon.<br />

(19) Cass. civ. 1 re , 6 décembre 2005, Bull. civ. I, n o 462 ;<br />

JCP G 2006. II. 10066, note Th. Clay ; Rev. arb. 2006.<br />

126, note Ch. Jarrosson ; D. 2006. 274, note P.-Y.<br />

Gautier ; RTD com. 2006. 299, obs. E. Loquin ; JCP E<br />

2006. 1284, note G. Chabot ; JCP E 2006. 1395, obs. J.<br />

Paillusseau ; RTD civ. 2006. 144, obs. Ph. Théry ; RLDC,<br />

avril 2006, p. 14, note F.-X. Train ; Rev. contrats 2006.<br />

812, obs. G. Viney ; D. 2006, pan. 3031, obs. Th. Clay ;<br />

D. 2006, inf. rap., p. 101 ; <strong>Arbitrage</strong>-adr, n o 881, obs. A.<br />

Hory ; SIAR 2006, n o 1, p. 149, note L. Degos.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

gences du procès équitable et de la<br />

confiance nécessaire due aux parties,<br />

cette solution a été adoptée<br />

par cette même Cour (9).<br />

La confiance se trouverait en effet trompée<br />

par une occultation de l’un des motifs<br />

de récusation d’un arbitre. Cette seule<br />

occultation atteint directement le devoir<br />

d’indépendance (10), « véritable clé de<br />

voûte de sa mission juridictionnelle »<br />

(11). Sans parler de la sérénité indispensable<br />

à l’office juridictionnel et qui se<br />

trouve perturbée dès lors qu’existe des<br />

liens professionnels étroits entre le conseil<br />

d’une des parties et la fille de l’arbitre<br />

qu’il a choisi. Il serait en effet illusoire<br />

d’admettre qu’en l’espèce l’arbitre ait pu<br />

s’abstraire de tout liens psychologiques<br />

qui, consciemment ou inconsciemment,<br />

peuvent peser sur sa décision (12). Mais<br />

même si l’arbitre croyait être doté de cette<br />

aptitude exceptionnelle à la neutralité,<br />

cela ne le dispenserait pas de son obligation<br />

de révéler l’existence d’un lien avec<br />

le conseil de l’une des parties, lien qui en<br />

l’espèce n’était ni insignifiant ni suffisamment<br />

mineur (13).<br />

D’ailleurs, l’existence d’un lien entre arbitre<br />

et conseil est de plus en plus souvent<br />

sanctionné par les juridictions judiciaires<br />

européennes (14), comme vient<br />

encore de le faire la Cour d’appel de Paris<br />

à l’égard d’une sentence arbitrale internationale<br />

rendue à Paris sous l’égide de la<br />

CCI (15). L’obligation de révélation joue<br />

un rôle de plus en plus central dans l’examen<br />

de l’indépendance de l’arbitre si<br />

même elle ne l’a pas remplacé totalement.<br />

Celle-ci, consacrée par l’article<br />

1452, alinéa 2 du Code de procédure<br />

civile s’apprécie, selon la jurisprudence<br />

française (y compris la décision commentée),<br />

au regard à la fois de la notoriété de<br />

la situation critiquée et de son incidence<br />

raisonnablement prévisible sur le jugement<br />

de l’arbitre (16).<br />

Or l’arbitre n’est pas obligé de révéler<br />

tout lien ou contact qu’il aurait pu avoir<br />

avec les parties ou leurs conseils. L’arbitre,<br />

en effet, doit analyser ces relations et<br />

décider de révéler ce qu’il croit pouvoir<br />

être perçu par les parties comme pouvant<br />

mettre en cause son indépendance, et il<br />

en est le seul interprète (17).<br />

Le silence de l’arbitre, intentionnel ou<br />

non, sur un fait qui aurait dû être révélé<br />

ne met pas seulement sa crédibilité en<br />

cause mais, elle prive aussi les parties de<br />

leur droit à de récusation, ce faisant l’œuvre<br />

de l’arbitre, c’est-à-dire la sentence,<br />

est considérée comme défectueuse et sera<br />

sanctionnée.<br />

Si cette nullité n’est pas nécessairement<br />

gênante pour un arbitre qui en a pris le<br />

risque, la question qui se pose est celle de<br />

savoir si la décision sanctionne réellement<br />

le comportement de cet arbitre ou<br />

plutôt la partie qui l’a choisi <br />

Toutefois, il est toujours possible d’agir<br />

en responsabilité civile personnelle contre<br />

des arbitres particulièrement négligents<br />

(18). En l’espèce, une telle action pourrait<br />

avoir deux motifs car, outre la déclaration<br />

d’indépendance pour le moins incomplète,<br />

les arbitres ont également laissé<br />

courir le délai pour rendre leur sentence<br />

si bien que celle-ci l’a été deux jours après<br />

le terme prévu, ce qui constitue, selon la<br />

Cour d’appel de Paris, un autre moyen<br />

d’annulation de la sentence arbitrale soumise<br />

à son contrôle. En rendant la sentence<br />

en retard, sans solliciter de prorogation<br />

ni au juge d’appui, ni aux parties,<br />

les arbitres ont collectivement manqué à<br />

leur obligation de résultat pesant sur le<br />

tribunal à cet égard (19) et dont l’annulation<br />

de la sentence constituerait le préjudice<br />

qui pourrait leur être reproché.<br />

Mohamed MADKOUR<br />

Ancien étudiant du <strong>Master</strong> professionnel <strong>Arbitrage</strong><br />

et commerce international<br />

Doctorant<br />

Avocat au Barreau du Caire<br />

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III. LES CONSÉQUENCES DE LA NULLITÉ DE L’ACTE DE MISSION SUR LA<br />

VALIDITÉ DE LA SENTENCE ARBITRALE<br />

CA Paris, 9 octobre 2008 : SAS France Quick<br />

Considérant que le recours en annulation n’est ouvert que dans les<br />

seuls cas limitativement énumérés à l’article 1502 du Code de<br />

procédure civile ; qu’aucun de ces cas d’ouverture n’envisage la<br />

nullité de l’acte de mission dont il n’est pas prétendu qu’il serait en<br />

réalité la convention d’arbitrage, les liens contractuels établis avec<br />

l’arbitre démissionnaire de ses fonctions étant une question<br />

différente de celle de la validité de la convention d’arbitrage ;<br />

Considérant qu’une partie est irrecevable, en vertu de la règle de<br />

l’estoppel, à venir solliciter devant la Cour l’annulation de la<br />

sentence en raison de la méconnaissance du principe de<br />

collégialité et de la nullité de l’acte de mission alors qu’elle a<br />

elle-même saisi le Tribunal arbitral en vertu de la clause<br />

compromissoire, a signé l’avenant à l’acte de mission replaçant<br />

l’arbitre démissionnaire et a participé à l’arbitrage.<br />

MOTS-CLÉS<br />

Clause compromissoire. Contrat d’arbitre. Indépendance. Obligation de<br />

révélation. Acte de Mission. Estoppel. Ordre public.<br />

Si la jurisprudence concernant la<br />

mission et les pouvoirs de l’arbitre<br />

est fournie, il n’existe que peu de<br />

décisions concernant les relations<br />

entre les arbitres et les parties. L’arrêt<br />

reproduit ci-dessus mérite donc qu’on s’y<br />

arrête. Celui-ci opère de façon intéressante<br />

la distinction entre la convention<br />

d’arbitrage et le contrat d’arbitre (20).<br />

Le litige opposait la société France Quick<br />

à la société La Marocaine des Loisirs<br />

(MDL), à propos de trois contrats de<br />

franchise au Maroc de la marque Quick.<br />

À la suite de la résiliation de ces contrats,<br />

une procédure d’arbitrage fut mise en<br />

œuvre en vertu des clauses compromissoires<br />

que ceux-ci contenaient, et un tribunal<br />

ad hoc rendit une sentence partielle<br />

sur sa compétence, renvoyant l’appréciation<br />

du caractère fautif de la rupture<br />

à la sentence finale. Un premier recours<br />

en annulation fut dirigé contre cette<br />

sentence partielle, qui fut rejeté par un<br />

arrêt du 28 février 2008 de la Cour d’appel<br />

Paris (décision actuellement frappée<br />

NOTE<br />

de pourvoi). Le Tribunal arbitral rendit<br />

ensuite une sentence finale jugeant que la<br />

société Quick avait résilié le contrat à<br />

bon droit et condamnant la société MDL<br />

à lui régler diverses sommes à titre d’indemnité<br />

contractuelle de résiliation et en<br />

réparation du préjudice résultant de la<br />

poursuite illicite de l’exploitation des restaurants.<br />

Le recours dirigé contre cette seconde sentence<br />

était principalement fondé sur la nullité<br />

de l’acte de mission en raison d’une<br />

absence d’indépendance de l’arbitre initialement<br />

nommé par la société Quick. Ce<br />

dernier était l’avocat de cette société en<br />

Algérie et n’avait révélé cette circonstance<br />

que tardivement, ce qui avait conduit à son<br />

remplacement au sein du tribunal. La recourante<br />

faisait donc valoir que l’acte de<br />

mission signé par les parties et par cet arbitre<br />

était frappé de nullité en raison de<br />

cette absence d’indépendance, nullité qui<br />

n’avait pu être couverte par la ratification<br />

ultérieure de l’acte de mission par l’arbitre<br />

(cette fois indépendant) nommé en rem-<br />

(20) À propos de laquelle : Th. Clay, L’arbitre, réface de<br />

Ph. Fouchard. Dalloz, coll. <strong>No</strong>uvelle bibliothèque de<br />

thèses, vol. 2, 2001, spéc. n os 588 et s. ; Ph. Fouchard,<br />

Le statut de l’arbitre dans la jurisprudence française,<br />

Rev. arb., 1996.325 ; K. Lionnet, The Arbitrator’s<br />

Contract, Arb. Intern., vol. 15, n o 2, 1999. La<br />

dénomination « contrat d’arbitre » se retrouve<br />

textuellement dans un arrêt ultérieur de la même<br />

Cour, cf. CA Paris, 6 novembre 2008, D. 2008, pan.<br />

p. 3115, obs. Th. Clay ; LPA <strong>2009</strong>, infra, note L. Degos ;<br />

Gaz. Pal., Cah. Arb. <strong>2009</strong>/1, à paraître.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(21) Cass. civ. 1 re , 6 juillet 2005, Golshani, Bull. civ. I,<br />

n o 302 ; Rev. arb. 2005. 993, note Ph. Pinsolle ; RCDIP<br />

2006 .602, note H. Muir-Watt ; Clunet 2006. 608, note M.<br />

Behar-Touchais ; D. 2006. 1424, note E. Agostini ;<br />

D. 2005, pan. 3060, obs. Th. Clay ; Gaz. Pal. du 25 février<br />

2006, p. 18, obs. F.-X. Train ; Lettre des juristes<br />

d’affaires du 12 septembre 2005, n o 753, p. 1, obs. E.<br />

Kleiman. Adde, Ph. Pinsolle, Distinction entre le<br />

principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans<br />

le commerce international, Clunet 1998, p. 905 et, cette<br />

chronique, S. Clavel , Variations sur le principe de<br />

l’estoppel dans l’arbitrage international, LPA 2008,<br />

n os 60-61, p. 30.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

placement du premier. La recourante<br />

soutenait en effet que la validité<br />

de son consentement devait<br />

s’apprécier au moment de la formation<br />

du contrat d’arbitre. Elle prétendait<br />

également que la nullité de l’acte de<br />

mission découlant du défaut d’indépendance<br />

de l’arbitre signataire affectait nécessairement<br />

les sentences arbitrales, soit à la<br />

fois la sentence partielle à laquelle l’arbitre<br />

démissionnaire avait concouru et la sentence<br />

finale.<br />

La Cour rejette le recours en se fondant<br />

notamment sur la règle de l’estoppel. On<br />

sait en effet, notamment depuis l’arrêt Golshani<br />

(21), qu’une partie est irrecevable à<br />

invoquer devant le juge de l’annulation un<br />

vice affectant l’instance arbitrale qui aurait<br />

pu être invoqué devant les arbitres. Ainsi,<br />

le fait pour la société MDL d’avoir participé<br />

à l’instance et d’avoir signé l’avenant<br />

à l’acte de mission confirmant la nomination<br />

du nouvel arbitre faisait obstacle à<br />

l’invocation d’une prétendue nullité de<br />

l’acte de mission découlant d’un défaut<br />

d’indépendance du tribunal. Il s’agit là<br />

d’une solution désormais classique.<br />

La motivation de l’arrêt concernant le<br />

vice du consentement est plus novatrice :<br />

« le recours en annulation n’est ouvert<br />

que dans les seuls cas limitativement énumérés<br />

à l’article 1502 du Code de procédure<br />

civile ; qu’aucun de ces cas d’ouverture<br />

n’envisage la nullité de l’acte de mission<br />

dont il n’est pas prétendu par la société<br />

MDL qu’il serait en réalité la convention<br />

d’arbitrage, les liens contractuels établis<br />

avec M. K., démissionnaire de ses<br />

fonctions [...] étant une question différente<br />

de celle de la validité de la convention<br />

d’arbitrage [...] ».<br />

Cette motivation appelle deux observations.<br />

En premier lieu, la cour distingue clairement<br />

les liens contractuels unissant les<br />

parties de ceux liant les parties aux arbitres.<br />

L’acte de mission, qui présente par<br />

rapport à la clause compromissoire la particularité<br />

de lier non seulement les parties<br />

entre elles mais aussi les parties et les<br />

arbitres, est donc un instrumentum qui<br />

renferme deux conventions qu’il importe<br />

de ne pas confondre : une convention<br />

d’arbitrage et un contrat d’arbitre. Il découle<br />

logiquement de l’indépendance entre<br />

ces deux conventions que la révocation<br />

ou destitution d’un arbitre n’affecte<br />

pas nécessairement la convention d’arbitrage.<br />

Il pourrait cependant en aller autrement<br />

si le consentement des parties à l’arbitrage<br />

a été donné en fonction de la personne<br />

des arbitres signataires. Un tel cas<br />

de figure, sans doute exceptionnel, suppose<br />

d’une part que le consentement des<br />

parties à l’arbitrage résulte de l’acte de<br />

mission lui-même (ce qui n’est pas le cas<br />

lorsque celui-ci se greffe sur une clause<br />

compromissoire, comme dans le cas d’espèce).<br />

Il faut d’autre part que les parties<br />

aient expressément manifesté leur volonté<br />

de conditionner leur soumission à l’arbitrage<br />

à l’identité des arbitres. L’article<br />

1687 du Code judiciaire belge dispose<br />

ainsi que le décès ou l’empêchement de<br />

l’arbitre nommément désigné dans la<br />

convention d’arbitrage met fin à cette<br />

dernière.<br />

En second lieu, on observera avec la Cour<br />

que les conséquences de la nullité éventuelle<br />

de l’acte de mission sur l’instance<br />

arbitrale ne sont pas les mêmes selon que<br />

le consentement des parties à l’arbitrage<br />

résulte ou non de cette convention. Lorsque<br />

l’acte de mission se limite à préciser<br />

les conditions d’organisation d’un arbitrage<br />

déjà prévu par une clause compromissoire,<br />

sa nullité éventuelle ne saurait<br />

entraîner la nullité de la sentence sur le<br />

fondement de l’article 1502-1 du Code<br />

de procédure civile. Dans le cas inverse,<br />

la question peut en revanche se poser.<br />

Alexis MOURRE<br />

Avocat au Barreau de Paris<br />

Castaldi Mourre & Partners<br />

Alexandre VAGENHEIM<br />

Doctorant à l’Université Paris I<br />

(Panthéon-Sorbonne I)<br />

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IV. DE QUELQUES INCERTITUDES QUANT À LA RÈGLE DE NON-RÉVISION<br />

DES SENTENCES ARBITRALES<br />

CA Paris, 22 mai et 25 septembre 2008 : La Joseph Abela Family Foundation<br />

MOTS-CLÉS<br />

Convention d’arbitrage. Portée ratione personae. Pouvoirs du juge de<br />

l’annulation. Recherche de tous les éléments de droit et de fait. Succession de<br />

sentences. Sentence partielle annulée. Droit d’accès à un tribunal. Article 6<br />

CESDH. Violation flagrante, effective et concrète de l’ordre public international.<br />

Considérant que le juge de l’annulation contrôle la décision du<br />

Tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les<br />

éléments de droit et de fait tels qu’ils résultent du dossier<br />

permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage et<br />

d’en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée<br />

aux arbitres (1 re décision).<br />

Mais considérant que l’atteinte à l’ordre public international doit<br />

constituer dans une violation manifeste d’une règle de droit<br />

considérée comme essentielle ou d’un principe fondamental et doit<br />

être flagrante, effective et concrète (2 e décision).<br />

L’affaire Abela, au cœur de laquelle<br />

se trouve une réussite commerciale<br />

familiale, propose un épisode<br />

arbitral et judiciaire des plus<br />

intéressants quant à la portée du principe<br />

de non-révision des sentences arbitrales.<br />

Il convient d’en rappeler les faits les plus<br />

importants qui ont conduit aux deux arrêts<br />

rendus par la première chambre C de<br />

la Cour d’appel de Paris ici commentés<br />

(22).<br />

À la fin des années 1970, les trois frères<br />

de la famille Abela (originaire du Liban),<br />

décident de regrouper l’ensemble de leurs<br />

sociétés sous une holding constituée au<br />

Liechtenstein, la Société Albert Abela (ciaprès<br />

la SAA), détenue majoritairement<br />

par Albert Abela, et minoritairement par<br />

ses deux frères Edwin et Joseph. Après<br />

qu’Edwin ait cédé ses parts à ses deux<br />

frères, ceux-ci ont créé des fondations familiales<br />

auxquelles ils ont à leur tour cédé<br />

leurs parts de la SAA. Ainsi la Fondation<br />

Albert Abela, actionnaire majoritaire détenait<br />

85 % du capital de la SAA alors<br />

NOTE<br />

que la Fondation Joseph Abela, actionnaire<br />

minoritaire, détenait 15 %. Lors du<br />

décès d’Albert Abela en 1998, les fortes<br />

divergences d’opinions entre ses ayantdroits,<br />

à savoir ses deux fils (Marlon Pietro<br />

et Albert Martin) et sa femme (Bärbel),<br />

quant à l’avenir de la société, conduisirent<br />

à la conclusion d’une « convention<br />

de règlement » entre ces derniers, la fondation<br />

familiale Albert Abela et la SAA<br />

afin de vendre des actifs de la SAA. A la<br />

suite de l’approbation de la cession de ces<br />

actifs par les organes sociaux de la SAA,<br />

et ce malgré l’opposition de la fondation<br />

familiale Joseph Abela, actionnaire minoritaire,<br />

celui-ci agit non seulement contre<br />

l’actionnaire majoritaire, la fondation familiale<br />

Albert Abela, mais également<br />

contre ses bénéficiaires afin de faire annuler<br />

ladite cession et obtenir des dommages-intérêts.<br />

Pour ce faire, l’actionnaire<br />

minoritaire de la SAA se fonda sur<br />

la clause compromissoire contenue dans<br />

les statuts de la SAA, prévoyant que tout<br />

litige relatif à la société survenant entre<br />

(22) CA Paris, 22 mai 2008, Rev. arb. 2008.730, note<br />

F.-X. Train ; JCP G 2008. I. 222, § 7, obs. Ch. Seraglini ;<br />

D. 2008, pan. 3117, obs. Th. Clay ; CA Paris,<br />

25 septembre 2008, JCP G 2008. I. 222, § 7, obs. Ch.<br />

Seraglini ; D. 2008, pan. 3117, obs. Th. Clay. Sur cette<br />

affaire, cf. aussi A. Pinna, L’annulation d’une sentence<br />

arbitrale partielle, Rev. arb. 2008.615, spéc. n os 25 et s.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(23) Th. Clay, obs. sous l’arrêt, préc.<br />

(24) CA Paris 18 novembre 2004, Thales, RCDIP<br />

2006.104, note S. Bollée ; JCP G 2005. II. 10039, note G.<br />

Chabot ; Rev. Lamy de la concurrence 2005, n o 2, p. 68,<br />

note E. Barbier de La Serre et C. <strong>No</strong>urissat ; Clunet<br />

2005.357, note A. Mourre ; D. 2005, pan. 3058 et 3059,<br />

obs. Th. Clay ; JCP G 2005. I. 134, § 8, obs. Ch.<br />

Seraglini ; Gaz. Pal. du 22 octobre 2005, p. 5, obs. Ch.<br />

Seraglini ; RTD com. 2005.263, obs. E. Loquin ;<br />

Concurrences. Revue des droits de la concurrence,<br />

2005, n o 1, p. 1, obs. Cl. Lucas de Leyssac ; Rev. arb.<br />

2005.751, obs. p. 529 de L. G. Radicati di Brozolo ;<br />

Journ. of intern. arb., vol. 22 n o 3, 2005.239, note D.<br />

Bensaude ; SIAR 2005, vol. 2, p. 209, note D. de Groot.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

elle et ses actionnaires ou entre ses actionnaires<br />

uniquement serait tranché par<br />

voie d’arbitrage sous l’égide la CCI. Suivant<br />

cette procédure, trois sentences arbitrales<br />

furent rendues. Les deux dernières,<br />

en date des 22 juin 2006 et 14 février<br />

2007, ont chacune fait l’objet d’un recours<br />

en annulation devant la Cour d’appel<br />

de Paris intentés par la fondation familiale<br />

Joseph Abela.<br />

Dans le premier arrêt, la Cour d’appel de<br />

Paris annule la seconde sentence partielle<br />

au motif que les arbitres n’ont pas respecté<br />

la mission qui leur incombait, en se<br />

déclarant incompétents à l’égard des bénéficiaires<br />

de la fondation familiale Albert<br />

Abela, codéfendeurs à la procédure arbitrale,<br />

sur le fondement de l’article 1502,<br />

alinéa 3 du Code de procédure civile. La<br />

Cour affirme ainsi que : « le juge de l’annulation<br />

contrôle la décision du Tribunal<br />

arbitral sur sa compétence en recherchant<br />

tous les éléments de droit et de fait tels<br />

qu’ils résultent du dossier permettant d’apprécier<br />

la portée de la convention d’arbitrage<br />

et d’en déduire les conséquences sur<br />

le respect de la mission confiée aux arbitres<br />

».<br />

Avec un tel attendu, il semble que les<br />

juges parisiens, non seulement se plongent<br />

dans le raisonnement des arbitres<br />

mais aussi substituent leur propre appréciation<br />

des faits à celles des arbitres, en<br />

dépit de la règle de l’interdiction de la<br />

révision au fond des sentences arbitrales.<br />

Par conséquent, il a pu être écrit que cet<br />

arrêt a marqué, temporairement, une régression<br />

du droit français de l’arbitrage<br />

international en ce que les juges de la<br />

Cour d’appel s’étaient comportés en juges<br />

du procès et non en juge de la sentence,<br />

se prononçant sur son mal jugé, ce<br />

qui selon les termes de l’article 1502 du<br />

Code de procédure civile ne constitue pas<br />

une cause d’annulation (23).<br />

Mais l’affaire Abela ne se termine pas ici.<br />

En effet, le 25 septembre 2008, la Cour<br />

d’appel de Paris rend un second arrêt qui<br />

rejette le recours en annulation formé à<br />

l’encontre de la troisième sentence, lequel<br />

se fondait sur la contrariété alléguée de<br />

ladite sentence à l’ordre public international<br />

selon la disposition de l’article 1502,<br />

alinéa 5 du Code de procédure civile. La<br />

recourante entendait faire annuler la sentence<br />

en ce que déclarant prescrites des<br />

actions qui ne l’étaient pas, celle-ci violait<br />

son droit d’accès à un tribunal, garanti<br />

par l’article 6 de la Convention européenne<br />

des droits de l’homme. Ainsi la<br />

Cour d’appel de Paris, contrôlant la<br />

conformité de la sentence à l’ordre public<br />

international procédural, rejeta le moyen<br />

en reprenant la formule de la jurisprudence<br />

Thales (24) et dont les termes méritent<br />

d’être ici reproduits : « Mais considérant<br />

que l’atteinte à l’ordre public international<br />

doit constituer dans une violation<br />

manifeste d’une règle de droit considérée<br />

comme essentielle ou d’un principe<br />

fondamental et doit être flagrante, effective<br />

et concrète », tout en rappelant expressément<br />

que la « révision au fond de la<br />

sentence arbitrale (...) est interdite au juge<br />

de l’annulation ». Voila qui semblait rétablir<br />

la situation quant aux limitations<br />

des pouvoirs du juge de l’annulation.<br />

Outre les difficultés pratiques dans lesquelles<br />

ces deux arrêts placent les membres<br />

de la famille Abela, qui sont désormais,<br />

en raison de l’annulation de la seconde<br />

sentence, de nouveau dans le processus<br />

arbitral et concernés par la troisième<br />

sentence, ces deux arrêts méritent<br />

une analyse plus approfondie en ce qui<br />

concerne leurs implications quant à la règle<br />

de la non révision au fond des sentences<br />

arbitrales. En effet, malgré une apparente<br />

divergence quant à l’étendue des<br />

pouvoirs du juge de l’annulation lors de<br />

son contrôle sur la sentence, il n’est pas<br />

certain que l’arrêt du 22 mai 2008 constitue<br />

sinon un revirement, du moins un<br />

surprenant retour en arrière qui aurait<br />

permis aux juges de la Cour d’appel de<br />

réviser la décision des arbitres qui leur<br />

était soumise. Il n’est pas non plus certain<br />

que cette « déviance » de jurisprudence<br />

ait été corrigée par le second arrêt<br />

du 25 septembre 2008.<br />

10 - Petites affiches - PLACARD 06/03(11H50) - N O PA179770.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................<br />

Qu’entend-on exactement par<br />

principe de non-révision des sentences<br />

arbitrales (25) <br />

Deux conceptions sont généralement<br />

envisagées. La première conception<br />

de la règle de non-révision au fond des<br />

sentences arbitrales est une conception<br />

minimaliste (26) issue de la jurisprudence<br />

dite « plateau des Pyramides » (27) par<br />

laquelle la Cour de cassation énonce que<br />

« si la mission de la Cour d’appel, saisie<br />

en vertu des articles 1502 et 1504 du<br />

nouveau Code de procédure civile, est limitée<br />

a l’examen des vices énumérés par<br />

ces textes, aucune limitation n’est apportée<br />

au pouvoir de cette juridiction de rechercher<br />

en droit et en fait tous les éléments<br />

concernant les vices en question ».<br />

La similarité des termes employés par la<br />

Cour d’appel dans son arrêt du 22 mai<br />

2008 est donc ici évidente. Ainsi, cette<br />

dernière jurisprudence ne semble pas opérer<br />

un retour en arrière en la matière.<br />

Dans ce contexte, le juge de l’annulation<br />

peut donc revoir le raisonnement des arbitres.<br />

Il n’en reste pas moins, qu’à l’évidence<br />

un tel contrôle, bien qu’apparaissant<br />

contraire au principe de non révision<br />

au fond des sentences arbitrales ne contredit<br />

en rien les fondements textuels ainsi<br />

que leur application prétorienne.<br />

À l’inverse, la seconde conception de la<br />

règle de non-révision pose de larges restrictions<br />

aux pouvoirs du juge l’annulation<br />

et trouve une parfaite illustration<br />

dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris<br />

du 25 septembre 2008 rendu en matière<br />

de contrôle de la sentence à l’ordre public<br />

international. C’est ici que se situe le<br />

point de césure entre les deux conceptions<br />

ainsi qu’entre les deux jurisprudences.<br />

Selon cette conception, beaucoup<br />

plus radicale pour certains (28), les pouvoirs<br />

du juge de l’annulation sont restreints<br />

lorsqu’il recherche l’existence d’une<br />

violation de l’ordre public international<br />

sur le fondement de l’article 1502 du<br />

Code de procédure civile. C’est en ce sens<br />

que la Cour d’appel de Paris s’est déterminée<br />

dans l’arrêt du 25 septembre 2008,<br />

reprenant la célèbre formule de la jurisprudence<br />

Thales.<br />

En somme, les deux arrêts de la Cour<br />

d’appel rendus dans l’affaire Abela, loin<br />

d’être contradictoires, ne sont que le reflet<br />

de cette dualité dans le régime du<br />

contrôle des sentences arbitrales sur le<br />

fondement de l’article 1502 du Code de<br />

procédure civile. Cette position est<br />

d’ailleurs clairement exprimée par l’arrêt<br />

SNF (29) dans lequel la même Cour d’appel<br />

énonce que : « S’il est exact [...] qu’au<br />

titre de l’article 1502 du nouveau Code<br />

de procédure civile, la Cour d’appel exerce<br />

son pouvoir de contrôle sur les griefs énumérés<br />

par cet article en recherchant en<br />

droit et en fait, et sans aucune limitation,<br />

tous les éléments concernant l’existence<br />

des cas d’ouverture, s’agissant de la violation<br />

de l’ordre public international, la<br />

Cour, qui n’est pas juge du procès, mais<br />

de la sentence, n’exerce cette fois sur celle-ci<br />

qu’un contrôle extrinsèque ». Cet arrêt<br />

a été récemment confirmé par la Cour<br />

de cassation qui a rejeté le pourvoi formé<br />

à son encontre (30).<br />

Il ressort de ces différents arrêts que le<br />

contrôle du respect de l’ordre public international<br />

est plus lâche que le contrôle<br />

des autres motifs d’annulation des sentences<br />

arbitrales. Ne peut-on y voir un<br />

paradoxe s’agissant des règles qui constituent<br />

l’essence de l’ordre juridique du for<br />

que le juge de l’annulation est précisément<br />

chargé de protéger Ainsi il semble<br />

que le juge de l’annulation jouisse de<br />

pouvoirs plus limités lorsqu’il contrôle la<br />

conformité de la sentence au corps de<br />

règles les plus importantes du for, celles-là<br />

mêmes auxquelles il ne peut être<br />

dérogé. Le fait que ce soit à l’égard de<br />

l’ordre public international que le contrôle<br />

soit le moins strict constitue sans doute le<br />

point le plus critiquable de cette jurisprudence.<br />

Il semblerait plus judicieux, non pas d’inverser<br />

la tendance, mais de rééquilibrer<br />

les pouvoirs du juge de l’annulation dans<br />

le cadre du contrôle de la sentence, quels<br />

que soient les motifs invoqués. Rien à la<br />

(25) Sur la question, cf. V. Chantebout, Le principe de<br />

non-révision au fond des sentences arbitrales. Thèse<br />

de l’Université Paris II (ss la dir.) Ch. Jarrosson, dact.,<br />

soutenue le 6 avril 2007.<br />

(26) D. Holleaux , Les conséquences de la prohibition<br />

de la révision », Trav. com. fr. DIP 1980-1981.53 (à<br />

propos des jugements étrangers).<br />

(27) Cass. civ. 1 re , 6 janvier 1987, Rev. arb, 1987.469,<br />

note Ph. Leboulanger ; Clunet 1987. 638, note B.<br />

Goldman.<br />

(28) S. Bollée, Chronique de jurisprudence française,<br />

Rev. arb. 2007. 97.<br />

(29) CA Paris, 23 mars 2006, Société SNF, D. 2006, pan.<br />

3032 et 3033, obs. Th. Clay ; Rev. arb. 2007.100, obs. S.<br />

Bollée ; D. 2007, pan. 2571, obs. S. Bollée.<br />

(30) Cass. civ. 1 re , 4 juin 2008, D. 2008, AJ 1684, obs. X.<br />

Delpech ; JCP G 2008. I. 164, § 8, obs. Ch. Seraglini ;<br />

JCP G 2008, act. 430, note J. Ortscheidt ; LPA 2008,<br />

n o 199, p. 21, note P. Duprey ; Rev. arb. 2008.473, note I.<br />

Fadlallah ; RTD com. 2008. 518, obs. E. Loquin ; Clunet<br />

2008. 1107, note A. Mourre ; D. 2008, pan. 3118, obs. Th.<br />

Clay ; JCP G <strong>2009</strong>. I. 107, § 15, obs. D. Lawnicka ;<br />

<strong>Arbitrage</strong>-adr, n o 1468, obs. J. Ortscheidt ; Global<br />

Arbitration Review du 23 juin 2008.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

........................................................................................................................................................................<br />

lecture du texte ne semble pouvoir<br />

justifier une telle différence dans<br />

l’étendue des pouvoirs du juge de<br />

l’annulation (31). De plus, afin de<br />

préserver l’attractivité de l’arbitrage, choisi<br />

notamment pour éviter les juridictions<br />

étatiques, l’harmonisation des pouvoirs<br />

du juge de l’annulation ne peut être que<br />

souhaitable, et ce dans le sens d’un<br />

contrôle restreint qui ne permet pas au<br />

juge de se faire juge du procès et de revoir<br />

en fait et en droit le raisonnement<br />

du Tribunal arbitral.<br />

Enfin, il convient de noter qu’accorder<br />

un pouvoir étendu au juge l’annulation,<br />

lui permettant de réviser le fond de la<br />

sentence arbitrale, compromet sérieusement<br />

l’autorité de chose jugée dont elle<br />

bénéficie dès son prononcé (32). Ainsi, la<br />

règle de la non-révision au fond, telle<br />

qu’elle est appliquée en matière de contrôle<br />

de la conformité de la sentence à l’ordre<br />

public international se trouve justifiée<br />

du point de vue de l’autorité reconnue à<br />

la décision soumise au contrôle.<br />

Caroline CATINO<br />

Ancienne étudiante du <strong>Master</strong> professionnel<br />

arbitrage et commerce international<br />

LLM University College London<br />

V. L’AFFIRMATION DU CONTRÔLE FORMEL DE L’ACCOMPLISSEMENT DE SA<br />

MISSION PAR L’AMIABLE COMPOSITEUR<br />

Cass. civ. 1 re , 17 décembre 2008 : Société Odalys<br />

Le juge d’appel, lorsque les parties se sont réservées<br />

expressément cette possibilité, statue comme amiable<br />

compositeur lorsque l’arbitre avait cette mission. (...) En statuant<br />

ainsi, sans faire aucune référence à l’équité ou à la mission<br />

d’amiable compositeur qui lui avait été conférée, la Cour d’appel a<br />

violé les textes susvisés.<br />

MOTS-CLÉS<br />

Cour d’appel amiable compositeur. Contrôle de sa mission. Absence de<br />

référence expresse à l’équité.<br />

(31) S. Bollée, Chronique de jurisprudence française,<br />

op.cit., spéc. p. 104-105.<br />

(32) I. Fadlallah, note préc., spéc. p. 481.<br />

Dans son arrêt du 17 décembre<br />

2008, la première chambre civile<br />

de la Cour de cassation rappelle<br />

que, selon l’article 1483 du Code<br />

de procédure civile « le juge d’appel [...]<br />

statue comme amiable compositeur lorsque<br />

l’arbitre avait cette mission » et casse<br />

un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-<br />

Provence au motif que cette dernière ne<br />

faisait pas « référence à l’équité ou à la<br />

mission d’amiable compositeur qui lui<br />

avait été conférée ». Pour mieux comprendre<br />

et saisir les apports de cette décision,<br />

il convient de revenir sur le régime<br />

de l’amiable composition tel qu’envisagé<br />

NOTE<br />

par le Code de procédure civile et défini<br />

par une série de décisions jurisprudentielles<br />

dans laquelle s’inscrit cet arrêt.<br />

L’article 1474 du Code de procédure civile<br />

dispose que « [l]’arbitre tranche le<br />

litige conformément aux règles de droit, à<br />

moins que, dans la convention d’arbitrage,<br />

les parties ne lui aient conféré mission<br />

de statuer comme amiable compositeur.<br />

» Si une lecture rapide de cet article<br />

peut laisser penser qu’il existe deux types<br />

d’arbitrage antagonistes, la réalité est plus<br />

nuancée car si l’arbitre amiable compositeur<br />

a la possibilité de s’affranchir des<br />

règles de droit, il n’en a pas l’obligation.<br />

12 - Petites affiches - PLACARD 06/03(11H50) - N O PA179770.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................<br />

Il serait en effet réducteur de définir<br />

l’amiable composition par opposition<br />

à la mission classique de<br />

l’arbitre, selon laquelle il lui appartient<br />

de statuer en droit. Cela reviendrait<br />

à considérer que les décisions rendues<br />

en droit sont par essence inéquitables,<br />

ce qui, fort heureusement, est loin<br />

d’être le cas. Il se peut donc que l’amiable<br />

compositeur rende une décision en application<br />

de règles de droit, car la solution<br />

retenue par le droit applicable lui paraît<br />

comme étant la plus équitable, la plus<br />

juste (33).<br />

Comment vérifier, dans cette hypothèse,<br />

que l’arbitre ait bien respecté la volonté<br />

des parties et statue omnia petita alors<br />

même que celui-ci vise une ou plusieurs<br />

règles de droit La jurisprudence a tenté<br />

de répondre à cette question en plusieurs<br />

étapes.<br />

D’abord, dans un arrêt rendu le 20 mai<br />

1989 (34), la Cour d’appel de Paris a<br />

indiqué que le « défaut de référence expresse<br />

à l’équité ne [pouvait] à lui seul<br />

ouvrir le droit à l’annulation de la sentence<br />

[...] », si tant est que les motivations<br />

fassent état de la recherche d’une<br />

solution équitable.<br />

Ensuite, dans un célèbre arrêt du 15 février<br />

2001 (35), la deuxième chambre civile<br />

de la Cour de cassation est revenue<br />

sur la jurisprudence antérieure en imposant<br />

à l’arbitre amiable compositeur d’indiquer<br />

que l’application de règles de droit<br />

résultait de la recherche de l’équité. Si<br />

cette décision a d’abord fait souffler un<br />

« vent de panique sur l’amiable composition<br />

» (36), la jurisprudence a ensuite indiqué<br />

que le juge de l’annulation devait<br />

procéder à un contrôle purement formel<br />

du respect de sa mission par l’amiable<br />

compositeur (37). Le juge, qui n’avait<br />

plus à reprendre le raisonnement de l’arbitre<br />

pour constater s’il tendait vers<br />

l’équité et respectait ainsi la mission<br />

confiée par les parties, se contentait de<br />

noter que la sentence rendue comportait<br />

les termes équité ou amiable composition.<br />

Aussi minimaliste, voir simpliste,<br />

que cette solution puisse paraître, elle a<br />

pour mérite de tendre vers une plus grande<br />

autonomie de l’arbitrage puisqu’elle réduit<br />

d’autant la portée du contrôle opéré<br />

par le juge.<br />

Mais, par un arrêt en date du 28 novembre<br />

2007 (38), la première chambre civile<br />

de la Cour de cassation a fait mine de<br />

revenir sur cette jurisprudence efficace et<br />

constante depuis plus de six ans. Dans<br />

cette affaire, l’arbitre avait omis d’indiquer<br />

dans la sentence qu’il statuait en<br />

qualité d’amiable compositeur et que sa<br />

décision résultait de la recherche de l’équité.<br />

La Cour de cassation est alors entrée<br />

dans le raisonnement de l’arbitre et a<br />

confirmé l’argumentation de la Cour d’appel<br />

en décidant que « l’arbitre avait entendu<br />

faire référence à l’équité, malgré<br />

l’absence de mention explicite des pouvoirs<br />

conférés par les parties ». Si certains<br />

observateurs se sont réjouis d’une telle<br />

décision (39) qui évitait d’annuler la sentence<br />

au seul motif d’un certain formalisme<br />

aigu, d’autres n’ont pas manqué de<br />

relever qu’il s’agissait là d’une atteinte<br />

potentielle à l’autonomie de l’arbitrage<br />

au profit d’un pouvoir accru du juge du<br />

recours (40).<br />

Dans la décision ici reproduite, la première<br />

chambre civile semble revenir sur<br />

sa position de l’année dernière. Comme<br />

en réponse aux inquiétudes formulées par<br />

les commentateurs, la Cour de cassation<br />

vient censurer la Cour d’appel d’Aix-en-<br />

Provence pour ne pas avoir mentionné<br />

explicitement la nature de sa mission<br />

d’amiable compositeur, qu’elle tenait par<br />

l’effet dévolutif de l’appel de la sentence<br />

arbitrale interne (41). C’est pourquoi, si<br />

cet arrêt concerne le juge amiable compositeur,<br />

sa portée est plus large en ce<br />

qu’elle ressortit au régime de l’amiable<br />

composition dans son entier. En se prononçant<br />

pour un contrôle formel de l’accomplissement<br />

de sa mission par l’amiable<br />

compositeur, la première chambre civile<br />

se rallie à la position de la deuxième<br />

chambre civile, constante depuis 2001, et<br />

met fin à une divergence jurisprudentielle<br />

(33) En ce sens, cf. M. de Boisséson, Le droit français<br />

de l’arbitrage interne et international, préface de P.<br />

Bellet, GLN Joly, 1990, spéc. n os 354-377.<br />

(34) CA Paris 20 mai 1989, Rev. arb. 1989. 280, note L.<br />

Idot.<br />

(35) Cass. civ. 2 e , 15 février 2001, Halbout, Bull. civ. II,<br />

n o 26 ; Rev. arb. 2001. 135 (1 re esp.), note E. Loquin ;<br />

D. 2003, somm. 2474, obs. Th. Clay ; Dr. et patr., mai<br />

2001, p. 93, obs. J. Mestre ; D. 2001. 2780, note N.<br />

Rontchevsky ; Procédures 2001. 78, note R. Perrot ;<br />

JCP G 2002. II. 10038, note G. Chabot ; D. 2001. 978.<br />

(36) Th. Clay , Ce n’est pas tout d’être équitable, encore<br />

faut-il le savoir, note sous Cass. civ. 2 e , 15 février 2001,<br />

préc.<br />

(37) Cass. civ. 2 e , 10 juillet 2003, P. Pion, Bull. civ. II,<br />

n o 234 ; Rev. arb. 2003. 1361, obs. J.-G. Betto ; D. 2003,<br />

somm. 2474, obs. Th. Clay ; JCP G 2004. I. 119, § 4, obs.<br />

Ch. Seraglini ; JCP G 2003. IV. 2573. Adde E. Loquin,<br />

L’obligation faite au Tribunal arbitral investi des<br />

pouvoirs d’amiable compositeur de juger en équité :<br />

pour une défense de la jurisprudence de la Cour de<br />

cassation, note sous Cass. civ. 2 e , 26 juin 2003 et<br />

10 juillet 2003, RTD com. 2004. 252.<br />

(38) Cass. civ. 1 re , 28 novembre 2007, M. X c/ M. Y, Bull.<br />

civ. I, n o 369 ; Rev. arb. 2008.99, note V. Chantebout ;<br />

JCP G 2007, act. 612, obs. J. Béguin ; JCP G 2008. I.<br />

164, § 1 er , obs. J. Béguin ; D. 2008, pan. 187, obs. Th.<br />

Clay ; RTD com. 2008. 521, note E. Loquin ; LPA 2008,<br />

n os 60-61, p. 14, note L. Jaeger ; D. 2008, AJ 26, obs. X.<br />

Delpech.<br />

(39) V. Chantebout : note préc. ; J. Béguin : obs. préc.<br />

(40) Th. Clay, obs. préc. ; L. Jaeger, note préc. Adde O.<br />

Darcq, Quand les arbitres reçoivent une mission<br />

impossible, note sous CA Paris 11 octobre 2007, LPA<br />

2008, n os 60-61, p. 11.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

........................................................................................................................................................................<br />

à l’origine d’une certaine confusion<br />

chez les praticiens de l’arbitrage.<br />

Cette solution semble tendre<br />

vers une plus grande autonomie<br />

de l’arbitre.<br />

Lorsque les parties confèrent à l’arbitre le<br />

pouvoir de statuer en équité, elles s’en<br />

remettent à son appréciation de l’équité,<br />

à son jugement et à celui de personne<br />

d’autre. Si l’arbitre amiable compositeur<br />

rend une sentence en visant des règles de<br />

droit et pour peu que ses motivations<br />

soient obscures, le juge considérant que<br />

la solution n’est pas équitable pourrait<br />

être tenté de censurer la sentence. Le risque<br />

est donc que le juge substitue sa notion<br />

de l’équité à celle de l’arbitre au détriment<br />

de la volonté des parties. Si les<br />

parties ne prévoient pas que l’arbitre statuera<br />

à charge d’appel, il ne serait pas<br />

logique que le juge puisse rejuger le litige,<br />

même indirectement. Il ne doit y<br />

avoir « substitution du juge à l’arbitre »<br />

qu’en cas d’appel (42). En limitant le<br />

contrôle opéré par le juge au critère formel,<br />

la Cour de cassation évite que le<br />

juge puisse dénaturer la mission d’amiable<br />

composition fortement imprégné de<br />

l’intuitu personae de celui qui juge.<br />

On ne peut qu’approuver cet arrêt qui<br />

uniformise et clarifie la position de la<br />

Cour de cassation sur l’amiable composition.<br />

L’arbitrage tend ainsi vers plus<br />

d’autonomie et vers un plus grand respect<br />

de la volonté des parties. Aux arbitres<br />

de ne pas oublier la mention expresse<br />

de la nature de leur mission.<br />

Loïc COUTELIER<br />

Ancien étudiant du <strong>Master</strong> professionnel<br />

<strong>Arbitrage</strong> et commerce international (major)<br />

Conseiller adjoint au secrétariat de la Cour<br />

internationale d’arbitrage de la CCI (43)<br />

VI. BRUXELLES I, ANTI-SUIT INJUNCTIONS ET ARBITRAGE : TOUCHE,<br />

COULE !<br />

CJCE, 10 février <strong>2009</strong> : West Tankers (aff. n o C 185-07)<br />

MOTS-CLÉS<br />

Règlement n o 44/2001 « Bruxelles I ». Champ d’application. <strong>Arbitrage</strong>. Injonction<br />

anti-suit. Convention de New York. Compétence pour apprécier la validité d’une<br />

convention d’arbitrage.<br />

(41) Rappelons que les articles 1474, 1482 et 1483 du<br />

Code de procédure civile, pris dans leur ensemble,<br />

disposent que, lorsque les parties avaient conféré à<br />

l’arbitre la mission de statuer en équité, le juge du<br />

recours est lui aussi tenu de rendre une décision en<br />

qualité d’amiable compositeur. Le contrôle de<br />

l’accomplissement de sa mission par l’amiable<br />

compositeur est donc régi par les mêmes règles, qu’il<br />

s’agisse de l’arbitre amiable compositeur ou du juge<br />

amiable compositeur.<br />

(42) Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard.<br />

Dalloz, coll. <strong>No</strong>uvelle bibliothèque de thèses, vol. 2,<br />

2001, spéc. n os 209 et 210.<br />

(43) Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur.<br />

L’institution à laquelle il est lié ne saurait être tenue<br />

responsable d’éventuelles inexactitudes ou opinions<br />

figurant dans cet article.<br />

(44) V. en particulier les commentaires de G. Cuniberti,<br />

C. Kessedjian, H. Muir Watt, A. Dickinson, etc. postés<br />

sur http://conflictoflaws.net/.<br />

NOTE<br />

L’adoption, par une juridiction d’un État membre, d’une injonction<br />

visant à interdire à une personne d’engager ou de poursuivre une<br />

procédure devant les juridictions d’un autre État membre, au motif<br />

qu’une telle procédure serait contraire à une convention<br />

d’arbitrage, est incompatible avec le règlement CE n o 44/2001 du<br />

Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire,<br />

la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et<br />

commerciale.<br />

À peine l’encre sèche, l’arrêt West<br />

Tankers rendu par la Cour de justice<br />

des Communautés européennes<br />

le 10 février <strong>2009</strong> suscitait déjà<br />

des débats passionnés. Encore leterme débat<br />

est-il sans doute ici inapproprié, puisque<br />

les premiers commentaires (44) ont<br />

été unanimement hostiles à la décision<br />

prise par la Cour de justice des Communautés<br />

européennes. Cette décision interdit<br />

aux juridictions anglaises, sur le fondement<br />

du règlement « Bruxelles I », d’uti-<br />

14 - Petites affiches - PLACARD 06/03(11H50) - N O PA179770.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................<br />

liser leur fameuse injonction antisuit<br />

en qualité de juridictions du<br />

siège du Tribunal arbitral, aux fins<br />

d’ordonner la discontinuation<br />

d’une procédure initiée devant les juridictions<br />

d’un autre État membre en violation<br />

d’une convention d’arbitrage. Même<br />

si l’on voulait, pour équilibrer la discussion,<br />

tenter un commentaire mesuré, force<br />

est d’admettre que la Cour de justice ne<br />

nous en laisse guère le loisir. Il est certes<br />

permis de lui faire au moins crédit d’une<br />

certaine cohérence. La Haute juridiction<br />

avait déjà largement véhiculé dans son<br />

arrêt Gasser (45) l’idée que la clause attributive<br />

de juridiction ne justifie aucune<br />

prévalence du juge élu (46) sur le juge<br />

premier saisi, fût-ce en violation de la<br />

clause. Elle poursuit aujourd’hui son travail<br />

de sape des clauses de procédure : ce<br />

sont les conventions d’arbitrage qui sont<br />

sacrifiées sur l’autel de la sacro-sainte<br />

confiance mutuelle entre États membres.<br />

Il est certain que, par certains aspects, les<br />

injonctions anti-suit sont contestables<br />

(47). Mais c’est précisément lorsqu’elles<br />

sont utilisées au soutien de clauses de<br />

procédure (clause attributive de juridiction,<br />

clause compromissoire), et qu’elles<br />

constituent alors des mesures visant à<br />

contraindre les parties au respect des engagements<br />

contractuels souscrits par elles,<br />

qu’elles sont le plus convaincantes<br />

(48). Pourtant, même dans ce contexte<br />

spécifique, elles ne semblent pouvoir trouver<br />

grâce aux yeux de la Cour de justice<br />

des Communautés européennes. Car il<br />

est difficile de voir autre chose qu’une<br />

condamnation de principe de la mesure<br />

procédurale anglaise, dans cette (courte)<br />

décision dont la motivation répond, sans<br />

emporter l’adhésion, à deux questions : le<br />

prononcé d’une injonction anti-suit au<br />

soutien d’une convention d’arbitrage entre-t-il<br />

dans le domaine d’application du<br />

règlement « Bruxelles I » Y entrerait-il,<br />

le prononcé de cette injonction est-il possible<br />

<br />

I Le prononcé d’une injonction anti-suit<br />

au soutien d’une convention d’arbitrage<br />

entre-t-il dans le domaine d’application<br />

du règlement « Bruxelles I » La réponse<br />

est évidemment négative, ainsi que le relève<br />

d’ailleurs la Cour (§ 22 et 23), puisque<br />

le litige concerne au principal un<br />

point d’arbitrage (sanction du manquement<br />

à une convention d’arbitrage). Or<br />

l’arbitrage est exclu du champ d’application<br />

matériel du règlement par<br />

l’article 1 er § 2 (d) (49). Pourquoi les juges<br />

anglais devraient-ils alors apprécier<br />

leur « compétence » pour prononcer cette<br />

injonction en considération du règlement<br />

Parce que, répond la Cour (§ 24),<br />

suivant les conclusions de l’avocat général<br />

(50), cette procédure « empêche une juridiction<br />

d’un autre État membre d’exercer<br />

les compétences qui lui sont attribuées »<br />

par le règlement. Si ce n’est que précisément,<br />

en l’espèce, on peut douter que le<br />

règlement attribue une quelconque compétence<br />

au tribunal d’un autre État membre.<br />

Les États membres étant tous signataires<br />

de la Convention de New York<br />

(51), l’existence de la convention d’arbitrage,<br />

sauf nullité ou ineffectivité, prive<br />

toutes les juridictions étatiques de « compétence<br />

» au fond. En sorte que pour<br />

nombre d’auteurs, la seule apparence<br />

d’une convention d’arbitrage suffit à exclure<br />

l’application du règlement, au moins<br />

jusqu’à ce que les arbitres aient statué sur<br />

leur compétence (52). Le principe de<br />

confiance mutuelle s’oppose peut-être à<br />

ce que les juridictions d’un État membre<br />

substituent leur propre appréciation à<br />

celle que peuvent porter, sur leur compétence<br />

au sens du règlement, les juridictions<br />

des autres États (53). Mais lorsque<br />

comme en l’espèce, la question litigieuse<br />

sort du domaine d’application du règlement<br />

et ne fait par ailleurs l’objet d’aucune<br />

harmonisation au niveau communautaire<br />

(ce point est ici central, et l’on peut s’étonner<br />

que la Cour de justice des Communautés<br />

européennes ne l’ait même pas<br />

considéré), les États membres n’ont ni<br />

motif, ni obligation de se faire confiance.<br />

Ou alors il faudrait faire jouer la confiance<br />

mutuelle pour reconnaitre toutes les dé-<br />

(45) Auquel la décision ici commentée se réfère<br />

d’ailleurs expressément : CJCE, 9 décembre 2003,<br />

Gasser, aff. n o C-116/02, sur lequel v. en particulier les<br />

réflexions de T. C. Hartley, Choice of court<br />

agreements, lis pendens, human rights and the<br />

realities for international business : Reflections on<br />

the Gasser Case, in Le droit international privé : esprit<br />

et méthodes, Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde,<br />

Dalloz, 2005, p. 283.<br />

(46) Lequel est pourtant investi, aux termes exprès de<br />

l’article 23 du règlement, d’une compétence exclusive.<br />

(47) Ainsi que l’a d’ailleurs soutenu le signataire de ces<br />

lignes. V. en particulier S. Clavel, Anti-suit injunctions<br />

et arbitrage, Rev. arb. 2001.669, spéc. p. 674 et s. Plus<br />

généralement : S. Clavel, Le pouvoir d’injonction<br />

extraterritorial des juges pour le règlement des litiges<br />

privés internationaux, Thèse Paris-I (ss la dir.) P.<br />

Mayer, dact., 6 décembre 1999. Adde, sur le même<br />

sujet : E. Gaillard (ss la dir.), Anti-suit Injunctions in<br />

<strong>International</strong> Arbitrations. IAI Series on <strong>International</strong><br />

Arbitration, n o 2, 2005 ; S. Bollée, Quelques remarques<br />

sur les injonctions anti-suit visant à protéger la<br />

compétence arbitrale (À l’occasion de l’arrêt The Front<br />

Comor de la Chambre des Lords) », Rev. arb.<br />

2007.223.<br />

(48) S. Clavel, op. cit., loc. cit., spéc. p. 678 ; v. aussi<br />

implicit. : E. Gaillard, Il est interdit d’interdire :<br />

réflexions sur l’utilisation des anti-suit injunctions<br />

dans l’arbitrage commercial international, Rev. arb.<br />

2004.47 ; et la résolution adoptée par l’Institut de droit<br />

international (2 septembre 2003, session de Bruges),<br />

sur « le recours à la doctrine du forum non conveniens<br />

et aux « anti-suit injunctions » : principes directeurs »,<br />

dans laquelle l’Institut vise comme situation justifiant<br />

l’usage de la mesure, la « violation d’un accord relatif<br />

au choix du tribunal ou d’un accord d’arbitrage ».<br />

(49) La Cour de justice des Communautés européennes<br />

ayant confirmé, par ses arrêts Marc Rich (CJCE,<br />

25 juillet 1991, aff. n o C-190/89) et Van Uden (CJCE,<br />

17 novembre 1998, aff. n o C-391/95), l’inapplicabilité du<br />

système communautaire aux litiges dont l’objet<br />

principal concerne l’arbitrage.<br />

(50) Opinion de l’avocat général Kokott, 4 septembre<br />

2008, § 34 et 35.<br />

(51) Dont l’article II-3 stipule : « Le tribunal d’un État<br />

contractant, saisi d’un litige sur une question au sujet<br />

de laquelle les parties ont conclu une convention au<br />

sens du présent article, renverra les parties à<br />

l’arbitrage, à la demande de l’une d’elles, à moins qu’il<br />

ne constate que ladite convention est caduque,<br />

inopérante ou non susceptible d’être appliquée ».<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(52) En ce sens, v. notamment B. Audit, L’arbitre, le<br />

juge et la Convention de Bruxelles, in<br />

L’internationalisation du droit, Mélanges en l’honneur<br />

d’Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 15 ; H.<br />

Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des<br />

jugements en Europe. règlement n o 44/2001,<br />

Conventions de Bruxelles et de Lugano. LGDJ, 3 e éd.,<br />

2002, spéc. n o 48. Cette discussion renvoie à une autre<br />

difficulté posée par l’arrêt, que nous n’évoquerons pas<br />

plus avant en dépit de son caractère central : la<br />

question « préalable » de la validité de la convention<br />

d’arbitrage à laquelle le juge italien doit répondre avant<br />

de statuer, le cas échéant, au fond, relève-t-elle du<br />

domaine d’application matériel du règlement au seul<br />

motif que la demande principale en relève C’est ce<br />

que retient la Cour de justice des Communautés<br />

européennes, répondant ainsi à l’interrogation des<br />

auteurs et prononçant contre la doctrine dominante,<br />

pour justifier que la mesure anglaise porte ici atteinte à<br />

une compétence protégée par le règlement.<br />

(53) C’est l’argument avancé dans l’arrêt Turner (CJCE,<br />

27 avril 2004, aff. n o C-159/02), qui interdit l’usage des<br />

injonctions anti-suit lorsque le système<br />

communautaire de compétence est applicable.<br />

(54) Lequel prévoit, aux termes du considérant 25 de<br />

son Préambule et de son article 71 qu’il n’affecte pas<br />

les conventions internationales souscrites par les États<br />

membres dans des matières spéciales.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

cisions rendues dans les autres États membres,<br />

même en dehors de la matière civile<br />

et commerciale couverte par le règlement.<br />

Il n’en a jamais été question...<br />

II Le prononcé d’une injonction antisuit<br />

au soutien d’une convention d’arbitrage<br />

est-il impossible dans le cadre du<br />

règlement « Bruxelles I » La House of<br />

Lords invoquait deux arguments pour tenter<br />

d’infléchir la position de la Cour de<br />

justice des Communautés européennes à<br />

l’endroit des injonctions anti-suit en matière<br />

d’arbitrage. D’une part, elle mettait<br />

en avant l’intérêt économique de l’instrument<br />

qui « contribuerait à la compétitivité<br />

de la Communauté européenne au<br />

regard des centres mondiaux d’arbitrage<br />

comme New York, Les Bermudes ou Singapour<br />

» (§ 17). On sait en effet l’attractivité<br />

que présentent, pour les opérateurs<br />

du commerce international, les places d’arbitrage<br />

dont le droit favorise l’effectivité<br />

des procédures arbitrales et des sentences<br />

en résultant. Avec cet argument, la juridiction<br />

anglaise invitait la Cour de justice<br />

des Communautés européennes à sortir<br />

de son rôle de pur gardien du règlement<br />

« Bruxelles I », pour embrasser des considérations<br />

de politique juridique et économique.<br />

La Cour de justice des Communautés<br />

européennes s’y refuse manifestement,<br />

puisqu’elle ne prend même pas<br />

la peine de considérer cette demande.<br />

D’autre part, la House of Lords se prévalait<br />

de la préférence devant être donnée à<br />

Convention de New York sur le règlement<br />

(54). On ne saurait être étonné que<br />

l’argument ne soit pas retenu. La Convention<br />

de New York, si elle impose aux<br />

États signataires de respecter les conventions<br />

d’arbitrage, ne les contraint pas à<br />

mettre en œuvre l’ensemble de leur arsenal<br />

procédural pour en garantir le respect<br />

par les États tiers ! Prononcer une injonction<br />

anti-suit au soutien d’une convention<br />

d’arbitrage ne constitue donc pas,<br />

pour le juge anglais, un engagement international.<br />

Si le juge italien décide de<br />

retenir sa compétence nonobstant la clause<br />

d’arbitrage, il lui reviendra de répondre<br />

de la violation de la Convention dont il<br />

se sera seul rendu responsable.<br />

Si ce n’est sur ce dernier point, la décision<br />

de la Cour de justice des Communautés<br />

européennes peine à convaincre.<br />

Elle étend excessivement le domaine d’application<br />

du règlement « Bruxelles I »,<br />

pour s’assurer de l’innocuité d’une mesure<br />

nationale que la Cour réprouve manifestement.<br />

Ce type d’arrêt apporte malheureusement<br />

de l’eau au moulin de ceux,<br />

nombreux, qui fustigent l’impérialisme<br />

du droit communautaire.<br />

Sandrine CLAVEL<br />

Professeur à l’Université de<br />

Versailles-Saint-Quentin<br />

Codirectrice du <strong>Master</strong> professionnel<br />

<strong>Arbitrage</strong> et commerce international<br />

Laboratoire Dante<br />

VII. LA RESPONSABILITÉ DES ARBITRES AU REGARD DE LA LONGUEUR<br />

D’UN ARBITRAGE : RESPECT DU DÉLAI ET OBLIGATION DE DILIGENCE<br />

CA Paris, 6 novembre 2008 : M. Charasse, Société CNCA-CEC<br />

MOTS-CLÉS<br />

Arbitre. Contrat d’arbitre. Responsabilité civile contractuelle. Détermination du<br />

délai d’arbitrage. Dépassement de délai. Absence de délai conventionnel fixé<br />

par les parties.<br />

Considérant qu’à défaut pour les parties d’enfermer la mission des<br />

arbitres dans des délais conventionnels, le Tribunal arbitral, en<br />

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conduisant la procédure et fixant de sa propre autorité les délais<br />

par voie d’ordonnance de procédure, a fait une interprétation de la<br />

clause de procédure relative au délai de l’arbitrage et [les parties]<br />

se sont abstenues pendant la durée de l’instance arbitrale de saisir<br />

le Tribunal arbitral d’une autre analyse critique de la clause, (...)<br />

aucune méconnaissance fautive du respect du délai d’arbitrage ne<br />

peut donc être imputée aux arbitres ;<br />

Considérant, sur le grief d’absence de diligence, que dans<br />

l’accomplissement de leur contrat d’arbitre, les arbitres engagent<br />

leur responsabilité civile à raison de leur inexécution ou mauvaise<br />

exécution qui leur serait imputable à faute ;<br />

Considérant que le calendrier de procédure a été fixé précisément<br />

puis réactualisé en fonction des nombreux incidents qui ont émaillé<br />

la procédure (...), que la procédure était complexe (...) et que<br />

l’antagonisme entre parties a perturbé le déroulement de<br />

l’instance (...), que par suite, [les appelants] n’établissent pas que<br />

[les arbitres] aient manqué à leur obligation de diligence.<br />

Le 1 er janvier 2000, le CNC, organisme<br />

public angolais, et la société<br />

française CNCA-CEC ont<br />

conclu un contrat de gestion d’un<br />

réseau mondial d’agents de ports maritimes<br />

pour la délivrance de certificats d’embarquement<br />

de marchandises destinées à<br />

l’Angola.<br />

Des difficultés étant survenues lors de la<br />

résiliation du contrat, la société CNCA-<br />

CEC et son liquidateur (ci-après désignés<br />

ensembles « la société CNCA-CEC ») ont<br />

formé une demande d’arbitrage et un<br />

procès-verbal est signé le 27 juin 2002<br />

(ou le 2 juillet 2002, l’arrêt indiquant<br />

deux dates à ce procès-verbal).<br />

Aux termes de ce procès-verbal les parties<br />

sont convenues que :<br />

« — la procédure sera régie par la loi du<br />

lieu de l’arbitrage, c’est-à-dire par les article<br />

1492 et suivants du nouveau Code<br />

de procédure civile, relatifs à l’arbitrage<br />

international ;<br />

— les parties conviennent également que<br />

le calendrier de la procédure au fond sera,<br />

dans la mesure du possible, arrêté à l’issue<br />

de l’audience du 25 juillet. Elles demandent<br />

enfin au Tribunal arbitral de<br />

dresser le présent procès-verbal ».<br />

NOTE<br />

Le 10 juin 2005, mécontente de l’allongement<br />

du délai d’arbitrage, résultant<br />

toutefois de nombreux incidents de procédure<br />

et de nombreuses péripéties, la société<br />

CNCA-CEC a demandé le dessaisissement<br />

du Tribunal arbitral en invoquant<br />

« pour la première fois », souligne<br />

la Cour d’appel, « le dépassement du délai<br />

légal et l’absence de prorogation par<br />

les parties depuis le 9 décembre 2004 ».<br />

Le CNC quant à lui sollicitait dans le<br />

même temps la démission du président<br />

du Tribunal arbitral. Le président refusant<br />

de démissionner, le CNC s’est alors<br />

associé à la demande de dessaisissement<br />

du Tribunal arbitral constitué, lequel a<br />

donc constaté qu’il était mis fin à sa mission<br />

le 16 septembre 2005.<br />

Un second Tribunal arbitral est alors constitué,<br />

il rendra sa sentence le 23 juin<br />

2008, tandis que dans l’intervalle la société<br />

CNCA-CEC assignait les arbitres<br />

composant le premier Tribunal arbitral<br />

les accusant d’inexécution contractuelle<br />

fautive dans l’accomplissement de leur<br />

mission d’arbitre. En conséquence la société<br />

CNCA-CEC demandait en réparation<br />

du préjudice subi le remboursement<br />

par les arbitres d’environ 300.000 T « in-<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

(55) TGI Paris, 10 octobre 2007, SNF c/ CCI,<br />

D. 2007.2916, note Th. Clay ; LPA 2008, n os 60-61, p. 32,<br />

note E. Loquin ; Rev. arb. 2007. 847, note Ch.<br />

Jarrosson ; D. 2008, pan. 190, obs. Th. Clay.<br />

........................................................................................................................................................................<br />

dûment perçus » au titre d’honoraires<br />

d’arbitres.<br />

Par un jugement en date du 10 janvier<br />

2007 (55), le Tribunal de<br />

Grande instance de Paris débouta la société<br />

CNCA-CEC et la condamna à payer<br />

à chacun des arbitres, 1 T symbolique au<br />

titre de dommages et intérêts, et 5.000 T<br />

sur le fondement de l’article 700 du Code<br />

de procédure civile.<br />

La CNCA-CEC interjeta alors appel, soutenant<br />

tout à la fois que chacun des arbitres<br />

a commis une faute en ne respectant<br />

pas le délai d’arbitrage imparti, en ne<br />

contrôlant pas le déroulement de l’instance<br />

arbitrale et en manquant de diligence,<br />

tandis qu’elle, la société CNCA-<br />

CEC, aurait parfaitement exécuté ses obligations<br />

de partie à l’arbitrage.<br />

Dans l’arrêt ici rapporté, la Cour d’appel<br />

de Paris confirme le jugement rendu en<br />

première instance, et statue, d’une part,<br />

sur l’obligation de respecter le délai d’arbitrage<br />

et, d’autre part, sur l’obligation<br />

de diligence, ces deux obligations incombant<br />

bien aux arbitres et engageant bien<br />

leur responsabilité contractuelle à raison<br />

d’une inexécution ou mauvaise exécution<br />

fautive.<br />

I. Sur la fixation et le respect du<br />

délai d’arbitrage en matière<br />

internationale<br />

Pour l’appelante, la société CNCA-CEC,<br />

les parties avaient entendu soumettre l’arbitrage<br />

à la loi de procédure française de<br />

telle sorte que le délai légal de l’article<br />

1456 du Code de procédure civile devait<br />

s’appliquer sauf prorogation conventionnelle,<br />

laquelle ne pouvait être accordée<br />

par les arbitres eux-mêmes.<br />

En effet, conformément aux dispositions<br />

de l’article 1494 du Code de procédure<br />

civile, les parties peuvent régler la procédure,<br />

et donc le délai d’arbitrage, soit<br />

directement dans leur convention d’arbitrage<br />

soit par référence à un règlement,<br />

soit en la soumettant à une loi de procédure<br />

déterminée. S’agissant d’un arbitrage<br />

international (cette qualification<br />

n’étant pas contestée), aucun délai, légal<br />

ou conventionnel, n’est exigé : on se souvient<br />

à cet égard des arrêts Sonidep et<br />

Degrémont rendus tous deux le 15 juin<br />

1994 (56) qui ont apporté d’utiles précisions<br />

sur la détermination du délai d’arbitrage<br />

en matière internationale.<br />

Ainsi que le soulignait l’annotateur de ces<br />

arrêts, « une référence claire faite par les<br />

parties à la loi française sur l’arbitrage<br />

interne pour régir la procédure, comme<br />

une référence claire à un règlement d’arbitrage<br />

fixant à six mois le délai de reddition<br />

de la sentence, s’analyse en effet en<br />

une expression de la volonté des parties<br />

de limiter la mission des arbitres à cette<br />

durée par référence aux dispositions de<br />

l’article 1456 du [nouveau Code de procédure<br />

civile] » (57).<br />

Cependant un doute sur l’application directe<br />

du délai légal de l’article 1456 à l’arbitrage<br />

international était permis, car la<br />

formulation de la Cour de cassation dans<br />

l’arrêt Sonidep n’était pas si évidente :<br />

« L’arbitrage, en l’espèce, n’était pas soumis,<br />

par la volonté des parties, à la loi<br />

française, laquelle, d’ailleurs, n’exige pas,<br />

en matière d’arbitrage international, que<br />

les pouvoirs des arbitres soient enfermés,<br />

à défaut de délai conventionnel, dans un<br />

délai légal ».<br />

Dans l’arrêt ici rapporté, la Cour d’appel<br />

n’éclaire pas cette question restée en suspend,<br />

puisqu’elle considère, à raison selon<br />

nous, que la clause du procès-verbal<br />

ne désigne pas la loi française de procédure<br />

de l’arbitrage interne en se bornant<br />

à mentionner « la loi du lieu de l’arbitrage<br />

» et en spécifiant bien « c’est-à-dire<br />

par les articles 1492 et suivants du nouveau<br />

Code de procédure civile, relatifs à<br />

l’arbitrage international ». Exit donc la<br />

possibilité même de l’application du délai<br />

légal de six mois en l’espèce.<br />

Restait à savoir si, comme le soulevait la<br />

société CNCA-CEC, les arbitres pouvaient<br />

« auto-proroger » le délai de leur<br />

mission. La réponse est claire et a été<br />

fixée par l’arrêt Degrémont précité qui a<br />

énoncé que « le principe selon lequel le<br />

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........................................................................................................................................................................<br />

délai fixé par les parties, soit directement,<br />

soit par référence à un<br />

règlement d’arbitrage, et dans lequel<br />

les arbitres doivent accomplir<br />

leur mission, ne peut être prorogé par les<br />

arbitres eux-mêmes, traduit une exigence<br />

de l’ordre public aussi bien interne qu’international<br />

en ce qu’il est inhérent au<br />

caractère contractuel de l’arbitrage ». Il<br />

s’ensuit une obligation pour les arbitres<br />

de solliciter une prorogation judiciaire du<br />

délai d’arbitrage, à défaut d’accord des<br />

parties, qui a été rappelée par la Cour de<br />

cassation dans un arrêt remarqué de la<br />

première chambre civile du 6 décembre<br />

2005 (58), rendu certes en matière interne<br />

mais précisant que l’inexécution de<br />

cette obligation constituait une faute entraînant<br />

la mise en jeu de la responsabilité<br />

civile des arbitres.<br />

Cependant il ne s’agissait pas en l’espèce<br />

d’une question de prorogation de délai et<br />

la Cour d’appel ne se place de ce fait pas<br />

du tout sur le même terrain que la société<br />

CNCA-CEC.<br />

Le procès-verbal d’arbitrage prévoyait en<br />

effet que « le calendrier de procédure au<br />

fond sera, dans la mesure du possible,<br />

arrêté à l’issue de [la première] audience<br />

du 25 juillet ». Cette stipulation n’indique<br />

cependant pas par qui ce calendrier<br />

est-il « arrêté », elle n’indique pas non<br />

plus de délai global ou de date butoir<br />

fixant le dies a quo de la mission des arbitres.<br />

Faisant une interprétation de cette<br />

clause, les arbitres ont alors considéré être<br />

investis de tous pouvoirs pour fixer les<br />

délais de procédure et leur prorogation.<br />

L’examen des faits montre au surplus<br />

qu’un calendrier prévisionnel a certes été<br />

fixé dès la première audience et qu’à la<br />

suite de la reddition d’une première sentence<br />

le 26 août 2002, objet d’un recours<br />

en annulation, puis de nombreux incidents<br />

qui ont émaillé l’instance dont la<br />

démission du premier président du Tribunal<br />

arbitral en octobre 2003, d’autres<br />

délais ont successivement été fixés par le<br />

Tribunal arbitral (reconstitué) à l’issue<br />

des audiences du 30 janvier 2004, puis<br />

du 7 avril 2004, puis des 6 et 7 juillet<br />

2004, puis du 24 mars 2005, la clôture<br />

étant prononcée le 21 avril 2005, « pour<br />

une sentence prévisible avant le 30 septembre<br />

2005 ».<br />

La Cour considère donc, qu’à défaut pour<br />

les parties d’enfermer la mission des arbitres<br />

dans des délais conventionnels, le<br />

Tribunal arbitral, en conduisant la procédure<br />

et en fixant de sa propre autorité<br />

des délais, a fait une interprétation de la<br />

clause contenue dans le procès-verbal d’arbitrage<br />

sans que les parties, au cours de<br />

l’instance arbitrale (du moins jusque dans<br />

les six derniers mois précédant la demande<br />

de dessaisissement), ne contestent<br />

une telle interprétation de la clause en<br />

sorte que la société CNCA-CEC ne peut<br />

valablement se prévaloir a posteriori d’un<br />

quelconque manquement à l’obligation<br />

de respect du délai d’arbitrage, celui-ci<br />

n’étant finalement pas fixé...<br />

II. Sur l’obligation d’être<br />

« raisonnablement » diligent<br />

Toutefois, s’il « n’y a pas de limite dans<br />

le temps à la procédure arbitrale en droit<br />

international français de l’arbitrage, [...]<br />

il ne fait aucun doute que l’arbitre doit<br />

statuer dans des délais raisonnables » ainsi<br />

que l’énonce incidemment la Cour d’appel<br />

de Paris le 28 février 2008, sans s’expliquer<br />

plus avant (59).<br />

L’arrêt du 6 novembre 2008 apporte sur<br />

ce point quelques précisions à propos de<br />

l’exécution de ce qu’elle baptise ellemême<br />

le « contrat d’arbitre », comme elle<br />

l’avait fait un mois plus tôt (60), consacrant<br />

ainsi définitivement cette appellation<br />

proposée en doctrine (61). On sait,<br />

depuis l’arrêt de la Cour de cassation du<br />

6 décembre 2005 que les arbitres engagent<br />

leur responsabilité civile contractuelle<br />

à raison d’un manque de diligence<br />

qui leur serait imputable (62). Mais, en<br />

l’espèce, la Cour d’appel, si elle constate<br />

le retard, ne l’impute pas aux arbitres qui<br />

se voient donc déchargés de leur responsabilité.<br />

(56) Cass. civ. 1 re , 15 juin 1994, Société Sonidep, Rev.<br />

arb. 1995. 88 (1 re esp.), note E. Gaillard ; RTD com.<br />

1995.406, obs. de J.-Cl. Dubarry et E. Loquin ; 15 juin<br />

1994, Degrémont, Rev. arb. 1995. 88 (2 e esp.), note E.<br />

Gaillard ; RTD com. 1995.406, obs. J.-Cl. Dubarry et E.<br />

Loquin ; Rev. crit. DIP 1994.680, note D. Cohen.<br />

(57) E. Gaillard , Le contrôle du droit appliqué au fond<br />

par l’arbitre et la durée de la mission de l’arbitre<br />

international, note préc., spéc. p. 97 et 98.<br />

(58) Cass. civ. 1 re , 6 décembre 2005, Bull. civ. I, n o 462 ;<br />

JCP G 2006. II. 10066, note Th. Clay ; Rev. arb. 2006.126,<br />

note Ch. Jarrosson ; D. 2006.274, note P.-Y. Gautier ;<br />

RTD com. 2006.299, obs. E. Loquin ; JCP E 2006. 1284,<br />

note G. Chabot ; JCP E 2006. 1395, obs. J. Paillusseau ;<br />

RTD civ. 2006. 144, obs. Ph. Théry ; Rev. Lamy droit<br />

civil, avril 2006, p.14, note F.-X. Train ; Rev. contrats<br />

2006. 812, obs. G. Viney ; D. 2006, pan. 3031, obs. Th.<br />

Clay ; D. 2006, inf. rap., p. 101 ; <strong>Arbitrage</strong>-adr, n o 881,<br />

obs. A. Hory ; SIAR 2006, n o 1, p. 149, note L. Degos.<br />

(59) CA Paris, 28 février 2008, Liv Hidravlika DOO, LPA<br />

2008, n o 199, p. 3, note V.-L. Benabou ; Rev. arb.<br />

2008.712 note Tr. Azzi ; D. 2008.1325, note R. Meese ;<br />

RTD com. 2008. 516, note E. Loquin ; D. 2008, pan.<br />

3113, 3115 et 3116, obs. Th. Clay ; JCP E 2008. 1325,<br />

note Ch. Caron ; JCP G 2008. I. 164, § 6, obs. J. Béguin ;<br />

D. <strong>2009</strong>, pan. 457, obs. J. Raynard ; Propriétés<br />

industrielle <strong>2009</strong>. 2, note J. Raynard.<br />

(60) CA Paris 9 octobre 2008, SAS France Quick, LPA<br />

<strong>2009</strong>, dans ce numéro, note de A. Mourre et A.<br />

Vagenheim, cf. supra.<br />

(61) Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard.<br />

Dalloz, coll. <strong>No</strong>uvelle bibliothèque de thèses, vol. 2,<br />

2001, spéc. n os 608-622.<br />

(62) Cass. civ. 1 re , 6 décembre 2005, préc.<br />

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C HRONIQUE<br />

DROIT DE L’ARBITRAGE<br />

........................................................................................................................................................................<br />

Tout d’abord, la Cour relève les<br />

nombreux incidents de la procédure<br />

tels que le recours en annulation<br />

formé par la société CNCA-<br />

CEC contre la sentence préalable, les demandes<br />

de sursis à statuer du CNC en<br />

raison d’une procédure pénale angolaise,<br />

la démission pour raison de santé du premier<br />

président remplacé, faute d’accord<br />

entre les arbitres, par le juge d’appui, les<br />

difficultés de communication de pièces,<br />

les retards et demandes de délais supplémentaires<br />

dans le dépôt des mémoires, la<br />

demande de la société CNCA-CEC de<br />

dessaisissement du Tribunal arbitral requérant<br />

les observation du CNC, la demande<br />

faite au nouveau président de démissionner<br />

et finalement la demande d’un<br />

nouvel arbitrage. Ensuite, la Cour observe<br />

que la procédure était complexe : de<br />

nombreux mémoires, seize classeurs cartonnés<br />

de pièces, un rapport d’expertise<br />

accompagnés de seize volumes d’annexes<br />

et des consultations de professeurs de<br />

droit. Enfin, elle souligne que l’antagonisme<br />

entre les parties a perturbé le déroulement<br />

de l’instance.<br />

Quant à la demande de communication<br />

de pièces puis la demande de note en<br />

délibéré faites par le Tribunal arbitral<br />

après la clôture des débats et dont se plaignait<br />

la société CNCA-CEC, la Cour<br />

considère qu’elles relèvent de l’exercice<br />

du pouvoir juridictionnel des arbitres, et<br />

ne constituent pas de fautes dans l’exécution<br />

du contrat d’arbitre.<br />

Incidents de procédure, complexité de<br />

l’affaire et comportement des parties donc,<br />

une telle énumération n’est pas sans rappeler<br />

les critères d’appréciation de la responsabilité<br />

de l’État pour le fonctionnement<br />

défectueux du service public de la<br />

justice (63). Cependant contrairement au<br />

juge qui engage la responsabilité de l’État<br />

en cas de faute lourde, la responsabilité<br />

de l’arbitre pourra certainement être plus<br />

facilement engagée car l’arbitre est bien<br />

un « prestataire de service juridictionnel »<br />

(64), à la fois juge des parties et à la fois<br />

cocontractant avec les parties.<br />

Reste que les parties précisément contribuent<br />

par leur comportement au respect<br />

de délais raisonnables et donc influent<br />

directement ou indirectement sur l’exécution<br />

de l’obligation de diligence des arbitres,<br />

obligation de moyens dont l’exécution<br />

peut donc être mise à mal en raison<br />

de « circonstances étrangères ». Obligation<br />

de moyens enfin, car si l’arbitre,<br />

sans être ni trop lent ni trop pressé, se<br />

doit d’être raisonnablement diligent, il<br />

n’entre pas dans sa mission de rendre les<br />

parties « raisonnables » dans le respect des<br />

délais et dans la conduite de la procédure<br />

arbitrale.<br />

Louis DEGOS<br />

Avocat associé<br />

Eversheds LLP, Paris<br />

(63) C. org. jud., art. L. 141-1 (anc. art. L. 781-1).<br />

Exemple : CE, Ass., 28 juin 2002, req. n o 239575, Rec.<br />

Lebon.<br />

(64) F.-X. Train, L’arbitre, prestataire de service<br />

juridictionnel, note Cass. civ. 1 re , 6 décembre 2005,<br />

préc., spéc. n o 26.<br />

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