Didactique, philosophie, transparence et séduction - Depositum
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inviter au jeu de la culture, <strong>et</strong> ils y ont réussi. Leur réputation les précédait <strong>et</strong> ils ont<br />
contribué à créer un engouement pour la <strong>philosophie</strong>. Certes, ils prenaient appui<br />
sur certaines techniques mais leur art, justement, consistait à les dépasser avec<br />
virtuosité à l'image de l'expert de Tochon (1989) ou du joueur de jazz de Schon<br />
( 1985). Si Socrate <strong>et</strong> Platon se méfient des séductions faciles, ils utilisent eux aussi<br />
aussi des procédés de séduction (caractère érotique de la relation maître-disciple;<br />
Marrou, 1965), mais c<strong>et</strong>te fois, non dans un but ludique <strong>et</strong> esthétique, à la manière<br />
des sophistes, mais dans un but austère, sérieux, quasi-religieux, pour convertir les<br />
adeptes au monde de la vérité (Ni<strong>et</strong>zsche, Crépuscule des idoles) . C'est ce<br />
glissement d'une pédagogie bercée par le jeu des signes, des apparences à une<br />
pédagogie du sérieux que dénonce Daignault (1985). Si Isocrate, dans le monde<br />
hellénistique, l'emporte sur Platon, c'est parce que, à ses débuts, la rhétorique<br />
éloigne de la massivité de l'être. C'est «Ce qui nous différencie des barbares»,<br />
disait Isocrate. Certes, la <strong>philosophie</strong> se propose aussi une t6che émancipatrice,<br />
mais souvent, sa didactique s'est obstinée à réintroduire une autre forme de<br />
massivité ontologique, celle de l'apprentissage nécessaire d ' un savoir identifié à<br />
l'absolu, à l'être.<br />
Mais c<strong>et</strong>te rhétorique, issue des sophistes, mise en forme par Isocrate,<br />
conceptualisée par Aristote <strong>et</strong> adoptée par plusieurs écoles philosophiques de<br />
c<strong>et</strong>te période, s'est aussi transformée en son contraire pour devenir une<br />
mécanique sans transcendance, sans idées. C<strong>et</strong>te mécanique oratoire où tout est<br />
spécifié, où tout relève d'une technique apprise <strong>et</strong> transmissible, perd peu à peu<br />
de son charme <strong>et</strong> de son envoûtement, pour ne refléter que la mort de l'esprit,