Didactique, philosophie, transparence et séduction - Depositum

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106 La didactique d'Isocrate Qu'en est-il maintenant de la didactique élaborée par Isocrate Rappelons tout d'abord que cet orateur athénien, qui manquait de voix, est considéré comme un professeur d'éloquence et non comme un philosophe même s' il revendique ce titre. Soucieux d 'efficacité, c'est lui qui a contribué à former l'intelligentsia de l'époque. «À prendre les choses en gros, s'exclame Marrou (1965, p . 132), c 'est Isocrate, ce n'est pas Platon, qui a été l'éducateur de la Grèce du IVème siècle et, après elle, du monde hellénistique puis romain». S'il nous intéresse, c'est parce que la rhétorique conserve des liens étroits avec la philosophie. Certains médecins de l'époque, pour donner un certain vernis à leur technique, se sont ouverts à l'art du beau discours afin de s'insérer dans le monde de la communication sociale et les philosophes qui voudront se faire entendre ne pourront faire autrement que de maîtriser cet art. Malgré les scrupules de certains, la pratique de l'enseignement de la philosophie, elle aussi. n'a pu se faire sans une certaine dimension oratoire. Le cursus des études, qu'Isocrate préconise. pourrait ressembler à celui de Platon si on écarte l'accent mis par ce dernier sur les mathématiques. Tous les élèves d'Isocrate comme ceux de Platon devront préalablement passer par le grammatiste chargé de l'éducation primaire et donc de l'apprentissage fastidieux mais nécessaire de la lecture et de l'écriture. Après viendra le grammatikos qui initiera l'élève au résumé de texte, à l'étude des classiques, aux techniques élémentaires de la composition écrite et orale. Cet apprentissage conduira ensuite au KritiKos qui aidera les étudiants à dégager la moralité des textes. Cette critique les mettra en condition d'aborder la dialectique et la rhétorique. Cependant la

107 dialectique. perçue essentiellement comme éristique par Isocrate. constitue. non la fin du parcours éducatif comme le voulait Platon. mais seulement la gymnastique intellectuelle préparatoire à l'apprentissage d'une rhétorique reine. Cette dernière serait réservée aux élèves les plus doués, ne craignant pas l'effort. possédant une mémoire à toute épreuve, une diction claire. capables d'improvisation et parés d'une riche culture. La culture oratoire constitue pour Isocrate ce qui nous distingue des bêtes. des barbares et ce qui fait la supériorité d'Athènes sur les autres cités grecques. Il veut pour ses élèves des sujets utiles à la cité et à l'humanité et non des thèmes qui rappellent les jeux spéculatifs des sophistes. Son art s'efforce de rendre la vérité morale communicable et non la perdre dans des discours ésotériques et ténébreux. Quelle est la méthode d'apprentissage préconisée par Isocrate Peu enclin à la spéculation théorique. il donne quelques informations succinctes. présente un exemple, décompose ensuite les parties du discours à la manière du pédotribe et invite ses élèves à se mettre à l'oeuvre. Chaque mois, précise Pietri (1985, p. 163). «un concours permet de contr61er les progrès de chacun .... Tout l'enseignement s'organise autour d'un idéal d'eulogio, du beau discours». Sur la lancée d'Isocrate. la rhétorique acquiert ses lettres de noblesses dans le monde grec et latin et va engendrer autour d'elle une série de productions didactiques mettant l'accent sur des recettes techniques de plus en plus méticuleuses. Après la formalisation que fait subir Aristote à cette discipline. on essaiera de tout codifier. de l'improvisation verbale jusqu'à la posture avec le mouvement même des mains et des doigts. Comme le fait remarquer Marrou (1965. p.300). le «danger. et l'école hellénistique ne manqua pas d'y succomber. était que la possession d'une technique aussi

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dialectique. perçue essentiellement comme éristique par Isocrate. constitue. non la<br />

fin du parcours éducatif comme le voulait Platon. mais seulement la gymnastique<br />

intellectuelle préparatoire à l'apprentissage d'une rhétorique reine. C<strong>et</strong>te dernière<br />

serait réservée aux élèves les plus doués, ne craignant pas l'effort. possédant une<br />

mémoire à toute épreuve, une diction claire. capables d'improvisation <strong>et</strong> parés<br />

d'une riche culture. La culture oratoire constitue pour Isocrate ce qui nous distingue<br />

des bêtes. des barbares <strong>et</strong> ce qui fait la supériorité d'Athènes sur les autres cités<br />

grecques. Il veut pour ses élèves des suj<strong>et</strong>s utiles à la cité <strong>et</strong> à l'humanité <strong>et</strong> non<br />

des thèmes qui rappellent les jeux spéculatifs des sophistes. Son art s'efforce de<br />

rendre la vérité morale communicable <strong>et</strong> non la perdre dans des discours<br />

ésotériques <strong>et</strong> ténébreux.<br />

Quelle est la méthode d'apprentissage préconisée par Isocrate Peu enclin<br />

à la spéculation théorique. il donne quelques informations succinctes. présente un<br />

exemple, décompose ensuite les parties du discours à la manière du pédotribe <strong>et</strong><br />

invite ses élèves à se m<strong>et</strong>tre à l'oeuvre. Chaque mois, précise Pi<strong>et</strong>ri (1985, p. 163).<br />

«un concours perm<strong>et</strong> de contr61er les progrès de chacun .... Tout l'enseignement<br />

s'organise autour d'un idéal d'eulogio, du beau discours». Sur la lancée d'Isocrate.<br />

la rhétorique acquiert ses l<strong>et</strong>tres de noblesses dans le monde grec <strong>et</strong> latin <strong>et</strong> va<br />

engendrer autour d'elle une série de productions didactiques m<strong>et</strong>tant l'accent sur<br />

des rec<strong>et</strong>tes techniques de plus en plus méticuleuses. Après la formalisation que fait<br />

subir Aristote à c<strong>et</strong>te discipline. on essaiera de tout codifier. de l'improvisation<br />

verbale jusqu'à la posture avec le mouvement même des mains <strong>et</strong> des doigts.<br />

Comme le fait remarquer Marrou (1965. p.300). le «danger. <strong>et</strong> l'école hellénistique<br />

ne manqua pas d'y succomber. était que la possession d'une technique aussi

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