l'anémie nutritionnelle - Sight and Life
l'anémie nutritionnelle - Sight and Life
l'anémie nutritionnelle - Sight and Life
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l’anémie nut utritionnellele<br />
Edité par<br />
Jane<br />
Badham<br />
Michael<br />
B. Zimmermann<br />
Klaus<br />
Kraemerer<br />
SIGHT<br />
AND LIFE<br />
PRESSE
Le guide de<br />
l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>
Le guide de<br />
l’anémie<br />
<strong>nutritionnelle</strong><br />
Edité par<br />
Jane Badham<br />
JB Consultancy, Johannesbourg, Afrique du Sud<br />
Michael B. Zimmermann<br />
Institut fédéral de technologie, Zurich, Suisse<br />
Klaus Kraemer<br />
SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse<br />
SIGHT AND LIFE<br />
Presse
4<br />
Enoncé de mission de SIGHT AND LIFE<br />
SIGHT AND LIFE est une initiative humanitaire de DSM. Elle vise à assurer une amélioration significative et viable<br />
en nutrition humaine et santé en encourageant des partenariats entre universités et agences gouvernementales et intergouvernementales,<br />
en générant et en échangeant des informations scientifiques et en formant des réseaux durables.<br />
Copyright© SIGHT AND LIFE 2007<br />
Tous droits réservés. Les publications de SIGHT AND LIFE peuvent être obtenues auprès de:<br />
SIGHT AND LIFE Presse<br />
c/o SIGHT AND LIFE / DSM Nutritional Products Ltd<br />
PO Box 2116, 4002 Bâle<br />
Suisse<br />
Téléphone: +41 61 815 8756<br />
Fax: +41 61 815 8190<br />
Email: info@sight<strong>and</strong>life.org<br />
Site Internet: www.sight<strong>and</strong>life.org<br />
Les dem<strong>and</strong>es d’autorisation pour reproduire ou traduire les publications de SIGHT AND LIFE doivent être soumises<br />
à l’adresse ci-dessus.<br />
Les avis, textes, tableaux et figures contenus dans cette publication ne représentent pas nécessairement le point de vue<br />
de SIGHT AND LIFE et sont sous l’unique responsabilité de leurs auteurs. La mention des marques et sociétés<br />
ne signifie pas qu’elles sont approuvées par SIGHT AND LIFE. Toutes les précautions raisonnables ont été prises<br />
par SIGHT AND LIFE pour vérifier le contenu de cette publication. Cependant, celle-ci ne constitue ou ne fournit<br />
pas de conseil scientifique ou médical et est distribuée sans garantie d’aucune sorte, qu’elle soit exprimée ou<br />
tacite. Le lecteur sera le seul responsable de toute interprétation ou usage des contenus ci-dessous. En aucun cas,<br />
SIGHT AND LIFE ne sera passible de dommage suite à la confiance du lecteur quant à ces contenus ou à leur usage.<br />
Le papier utilisé dans ce livre est sans acide et correspond aux directives établies pour assurer sa permanence et sa<br />
durabilité.<br />
Photo de couverture par Ulla Lohmann, Allemagne<br />
Graphisme de la couverture par Graphic art studio, Grenzach-Wyhlen, Allemagne<br />
Composition et impression par Burger Druck, Waldkich, Allemagne<br />
Traduction par Isabelle Lestienne-Deloze, Paris, France<br />
ISBN 3-906412-46-6
Préface 5<br />
PREFACE AU GUIDE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />
Deux cent millions d’enfants de moins de cinq ans,<br />
vivant principalement en Afrique subsaharienne et en<br />
Asie du Sud, n’atteignent pas leurs pleines performances<br />
cognitives, motrices et socio-affectives en raison de<br />
carences en micronutriments et d’une mauvaise stimulation.<br />
Ces enfants échoueront probablement dans leur scolarité,<br />
ne parviendront pas à atteindre pleinement leur<br />
possibilité financière et demeureront piégés dans le cycle<br />
de la pauvreté. Une réalité tragique.<br />
En mai 2002, l'assemblée générale des Nations Unies a à<br />
nouveau souligné que le contrôle de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
devrait être l’un des buts de développement global<br />
accompli dans les premières années de ce nouveau millénaire.<br />
Malheureusement, peu de progrès ont été rapportés<br />
depuis dans la lutte globale contre l’anémie et les données<br />
de l’OMS montrent que 818 millions de femmes et<br />
d’enfants de moins de cinq ans sont toujours affectés par<br />
ce problème de santé publique, et ce, principalement<br />
dans les pays en développement. Environ un million<br />
d'entre eux meurent chaque année. Cela montre toute<br />
l’ampleur du problème et met en exergue le besoin urgent<br />
d’action.<br />
SIGHT AND LIFE a toujours soutenu les interventions<br />
concernant les questions de malnutrition en micronutriments,<br />
dont la carence en fer et les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s,<br />
et a, de fait, souhaité publier un livre sur le sujet. En<br />
un seul volume, celui-ci met pour la première fois en<br />
lumière tous les facteurs critiques entourant l’anémie,<br />
avec les contributions des principaux scientifiques dans<br />
leurs expertises respectives. Chaque chapitre traite en<br />
détail d'une question spécifique. Il est devenu clair que le<br />
contrôle efficace de l’anémie exige des solutions intégrées,<br />
établies en fonction des possibilités et des besoins<br />
particuliers à chaque pays. Les composantes d'une telle<br />
approche comprennent la supplémentation en micronutriments<br />
des groupes les plus vulnérables (en particulier<br />
les enfants et les femmes en âge de procréer), la fortification<br />
des aliments, la diversification et l’éducation alimentaires,<br />
ainsi que la prévention des maladies telles que<br />
le paludisme, les infections causées par les nématodes, et<br />
autres infections endémiques chroniques. Mais t<strong>and</strong>is<br />
que chacune de ses composantes peut aider à réduire le<br />
poids de l’anémie, aucune n'est capable de réaliser à elle<br />
seule l’ampleur de la tâche.<br />
Le but de ce guide est de vous donner un résumé complet<br />
concernant les questions clés, en partant des données de<br />
prévalence et des statistiques, jusqu’à l’économie, en<br />
passant par le diagnostic, les conséquences fonctionnelles<br />
et les informations de base sur chacun des micronutriments<br />
supposés être impliqués, directement ou indirectement,<br />
dans <strong>l'anémie</strong>.<br />
Ce guide ne contient pas toute l'information et ne donne<br />
pas toutes les réponses, mais son intention est de délivrer<br />
une vue d'ensemble des dernières avancées scientifiques<br />
et des défis auxquels le monde a à faire face, t<strong>and</strong>is que<br />
nous organisons, effectuons et dirigeons des interventions,<br />
afin de régler ce qui est indubitablement le plus<br />
gr<strong>and</strong> problème nutritionnel actuel.<br />
Nous sommes confiants dans le fait que l'information, la<br />
connaissance et l’éclairage que vous apporteront ce<br />
guide, vous permettront de devenir une partie de la solution<br />
en vous engageant activement afin de soutenir, programmer<br />
ou mener des recherches qui feront la différence.<br />
Jane Badham<br />
Michael B. Zimmermann<br />
Klaus Kraemer
6<br />
Editeurs<br />
A PROPOS DES EDITEURS<br />
JANE BADHAM<br />
Jane est diététicienne et possède un master en nutrition<br />
de l’université du Nord-Ouest, campus Potchefstroom,<br />
en Afrique du Sud. Elle est actuellement directrice générale<br />
de JB Consultancy, une agence de communication et<br />
stratégie santé qui conseille l'industrie pharmaceutique,<br />
l’industrie agroalimentaire, les organisations humanitaires<br />
et les médias. Jane est également directrice du programme<br />
gouvernemental "5-a-Day for Better Health<br />
TRUST" en Afrique du Sud, qui encourage la consommation<br />
de fruits et légumes. Elle participe au comité de<br />
direction de l’Alliance internationale des fruits et légumes<br />
(IFAVA), ainsi qu’à l’équipe d'organisation de l’African<br />
Nutrition Leadership Program (ANLP).<br />
MICHAEL ZIMMERMANN<br />
Michael a obtenu son doctorat en médecine à l’école universitaire<br />
de médecine à V<strong>and</strong>erbilt et son master en<br />
sciences de la nutrition à l'université de Californie à Berkeley,<br />
toutes deux aux Etats-Unis. Il est actuellement<br />
directeur de recherche au laboratoire de nutrition<br />
humaine de l'Institut fédéral de technologie (ETH), à<br />
Zurich en Suisse, professeur invité à l’université de<br />
Wageningen aux Pays-Bas, et gère la chaire internationale<br />
santé et micronutriments doté par Unilever. Les<br />
recherches de Michael se concentrent sur la nutrition et le<br />
métabolisme, dont les effets des carences en micronutriments<br />
sur la fonction thyroïdienne, ce qui lui a rapporté<br />
de nombreuses récompenses.<br />
KLAUS KRAEMER<br />
Klaus a obtenu son doctorat en sciences de la nutrition à<br />
l'université de Giessen, en Allemagne. Il est actuellement<br />
secrétaire général de SIGHT AND LIFE, une initiative<br />
humanitaire de la société DSM impliquée dans nombre<br />
d'activités visant à assurer une amélioration significative<br />
et viable en nutrition, santé et bien-être de l’Homme.<br />
Klaus a plus de vingt ans d'expérience en recherche dans<br />
le domaine de la santé et de l’innocuité des vitamines,<br />
minéraux, caroténoïdes, et nutraceutiques. Il travaille au<br />
sein de plusieurs sociétés professionnelles consacrées à<br />
la nutrition, aux vitamines et aux antioxydants, a publié<br />
beaucoup d'articles scientifiques et coédité cinq livres.<br />
Auteurs ayant contribué au Livre sur l’Anémie<br />
Nutritionnelle (Nutritional Anemia Book)
Contributeurs 7<br />
CONTRIBUTEURS<br />
HAROLD ALDERMAN<br />
Banque Mondiale, région Afrique, Washington DC,<br />
Etats-Unis; halderman@worldbank.org<br />
JANE BADHAM<br />
JB Consultancy, consultante en communication et<br />
stratégie sanitaire, Johannesbourg, Afrique du Sud;<br />
jbconsultancy@mweb.co.za<br />
HANS-KONRAD BIESALSKI<br />
Institut de Biochimie et de Nutrition, Université de<br />
Hohenheim, Hohenheim, Allemagne;<br />
biesal@uni-hohenheim.de<br />
MARTIN BLOEM<br />
Programme Alimentaire Mondial (PAM), Rome, Italie;<br />
martin.bloem@wfp.org<br />
TOMMASO CAVALLI-SFORZA<br />
Nutrition et Hygiène des Aliments, Bureau Régional<br />
du Pacifique Occidental, Organisation Mondiale de la<br />
Santé (OMS), Manille, Philippines;<br />
cavalli-sforzat@wpro.who.int<br />
MARY COGSWELL<br />
Division Nutrition et Activité Physique, Centre de<br />
prévention et de contrôle des maladies (CDC), Atlanta,<br />
Etats-Unis<br />
IAN DARNTON-HILL<br />
Section Nutrition, UNICEF, New York, Etats-Unis;<br />
idarntonhill@unicef.org<br />
OMAR DARY<br />
Projet A2Z, Academy for Educational Development,<br />
Washington DC, Etats-Unis; odary@aed.org<br />
BRUNO DE BENOIST<br />
OMS, Genève, Suisse; debenoistb@who.int<br />
SASKIA DE PEE<br />
PAM, Rome, Italie; sdepee@compuserve.com<br />
INES EGLI<br />
Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, Institut<br />
Fédéral Suisse de Technologie (ETH), Zurich, Suisse;<br />
ines.egli@ilw.agrl.ethz.ch<br />
JÜRGEN ERHARDT<br />
Université d’Indonésie, SEAMEO-TROPMED,<br />
Jarkarta, Indonésie; erhardtj@gmx.de<br />
ALISON D. GERNAND<br />
Bloomberg School of Public Health, Université Johns<br />
Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; agern<strong>and</strong>@jhsph.edu<br />
GARY R. GLEASON<br />
Friedman School of Nutrition Science <strong>and</strong> Policy,<br />
Université Tufts, Boston, Etats-Unis;<br />
ggleason@inffoundation.org<br />
EVA HERTRAMPF DÌAZ<br />
Institut de Nutrition et des Technologies Alimentaires<br />
(INTA), Université du Chili, Santiago, Chili;<br />
ehertram@inta.cl<br />
SUSAN HORTON<br />
Université Wilfrid Laurier, Waterloo, Canada;<br />
shorton@wlu.ca<br />
RICHARD HURRELL<br />
Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, ETH,<br />
Zurich, Suisse; richard.hurrell@ilw.agrl.ethz.ch<br />
ALAN JACKSON<br />
Institut de Nutrition Humaine, Université de<br />
Southampton, Southampton, UK; aaj@soton.ac.uk<br />
AFAF KAMAL-ELDIN<br />
Département des Sciences Alimentaires, Université<br />
Suédoise des Sciences Agricoles, Uppsala, Suède;<br />
afaf.kamal-eldin@lmv.slu.se<br />
KLAUS KRAEMER<br />
SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse;<br />
klaus.kraemer@sight<strong>and</strong>life.org<br />
SEAN LYNCH<br />
Eastern Virginia Medical school, Norfolk, Etats-Unis;<br />
srlynch@visi.net<br />
M.G. VENKATESH MANNAR<br />
The Micronutrient Initiative, Ottawa, Canada;<br />
vmannar@micronutrient.org
8<br />
Contributeurs<br />
ERIN MCLEAN<br />
OMS, Genève, Suisse; mcleane@who.int<br />
REGINA MOENCH-PFANNER<br />
Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN),<br />
Genève, Suisse; rmoenchpfanner@gaingeneva.org;<br />
CHRISTINE A. NORTHROP-CLEWES<br />
Northern Irel<strong>and</strong> Centre for Food <strong>and</strong> Health (NICHE),<br />
Université d’Ulster, Corelaine, UK;<br />
c.clewes@ulster.ac.uk<br />
MANUEL OLIVARES<br />
INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;<br />
molivare@inta.cl<br />
NEAL PARAGAS<br />
Institut de Nutrition Humaine, Université Columbia,<br />
New York, Etats-Unis; np2014@columbia.edu<br />
KLAUS SCHÜMANN<br />
Université Technique de Munich, Freising, Allemagne;<br />
kschuemann@schuemann-muc.de<br />
JOHN M. SCOTT<br />
Ecole de Biochimie et Immunologie, Trinity College,<br />
Dublin, Irl<strong>and</strong>e; jscott@tcd.ie<br />
NEVIN SCRIMSHAW<br />
International Nutrition Foundation, Boston, Etats-Unis;<br />
nevin@cyperportal.net<br />
RICHARD SEMBA<br />
Ecole de Médecine, Université Johns Hopkins,<br />
Baltimore, Etats-Unis; rdsemba@jhmi.edu<br />
NOEL SOLOMONS<br />
Centre d’Etudes pour l’Affaiblissement Sensoriel,<br />
le Vieillissement et le Métabolisme (CeSSIAM),<br />
Guatemala City, Guatemala; cessiam@guate.net.gt<br />
ALFRED SOMMER<br />
Bloomberg School of Public Health,<br />
Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis;<br />
asommer@jhsph.edu<br />
ELISABETH STOECKLIN<br />
R & D Nutrion Humaine et Santé, DSM Nuttritional<br />
Products Ltd, Kaiseraugst, Suisse;<br />
elisabeth.stoeklin@dsm.com<br />
BRIAN THOMPSON<br />
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et<br />
l’agriculture (FAO), Rome, Italie;<br />
brian.thompson@fao.org<br />
DAVID THURNHAM<br />
NICHE, Université d’Ulster, Corelaine, UK;<br />
di.thurnham@ulster.ac.uk<br />
MELODY C. TONDEUR<br />
Division Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition,<br />
Hôpital des Enfants Malades, Toronto, Canada;<br />
melody.tondeur@sickkids.ca<br />
MARET G. TRABER<br />
Linus Pauling Institute, Départment des Sciences<br />
Alimentaires et de l’Exercice, Université d’Etat<br />
de l’Orégon, Corvallis, Etats-Unis;<br />
maret.traber@oregonstate.edu;<br />
RICARDO UAUY<br />
INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;<br />
ricardo.uauy@lshtm.ac.uk<br />
KEITH P. WEST<br />
Bloomberg School of Public Health, Université Johns<br />
Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; kwest@jhsph.edu<br />
DANIEL WOJDYLA<br />
Ecole de Statistique, Université Nationale de Rosario,<br />
Argentine<br />
MICHAEL ZIMMERMANN<br />
Laboratoire de Nutrition Humaine, ETH, Zurich, Suisse;<br />
michael.zimmermann@ilw.agrl.ethz.ch<br />
STANLEY ZLOTKIN<br />
Département de Pédiatrie, Sciences Nutritionnelles<br />
et Santé Publique, Université de Toronto, Canada;<br />
stanley.zlotkin@sickkids.ca
Sommaire 9<br />
SOMMAIRE<br />
Préface 5<br />
A propos des éditeurs 6<br />
Contributeurs 7<br />
Sommaire 9<br />
CHAPTIRE 1 Prévalence mondiale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants d’âge préscolaire,<br />
les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer<br />
Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell, Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla 11<br />
CHAPTIRE 2 La gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> en situation d’urgence<br />
Venkatesh Mannar 12<br />
CHAPTIRE 3 Economie de gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
Harold Alderman et Susan Horton 13<br />
CHAPTIRE 4 Diagnostic de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>: évaluation en laboratoire du statut en fer<br />
Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt 15<br />
CHAPTIRE 5 Vue d'ensemble de la signification fonctionnelle de la carence en fer<br />
Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw 16<br />
CHAPTIRE 6 Métabolisme du fer<br />
Sean Lynch 18<br />
CHAPTIRE 7 Optimisation de la biodisponibilité du fer des composés utilisés pour<br />
la fortification des aliments<br />
Richard Hurrell et Ines Egli 21<br />
CHAPTIRE 8 Interactions avec le cuivre et le zinc dans l’anémie:<br />
une perspective de santé publique<br />
Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy 22<br />
CHAPTIRE 9 Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: les vitamines du groupe B<br />
John M. Scott 24<br />
CHAPTIRE 10<br />
CHAPTIRE 11<br />
CHAPTIRE 12<br />
CHAPTIRE 13<br />
La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
Keith P. West, Jr., Alison D. Gern<strong>and</strong> et Alfred Sommer 26<br />
La place du stress oxydatif et de la vitamine E dans l’anémie<br />
Maret G. Traber et Afaf Kamal-Eldin 28<br />
Le sélénium<br />
Richard Semba 30<br />
Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre,<br />
et zinc dans l'étiologie de l’anémie<br />
Michael Zimmermann 31
10<br />
Sommaire<br />
CHAPTIRE 14<br />
CHAPTIRE 15<br />
CHAPTIRE 16<br />
CHAPTIRE 17<br />
CHAPTIRE 18<br />
CHAPTIRE 19<br />
CHAPTIRE 20<br />
CHAPTIRE 21<br />
CHAPTIRE 22<br />
L’anémie en situation de dénutrition sévère (malnutrition)<br />
Alan Jackson 32<br />
Infection et étiologie de l’anémie<br />
David Thurnham et Christine Northrop-Clewes 34<br />
Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />
Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner et Richard Semba 36<br />
Approches gagnantes: les Sprinkles<br />
Stanley Zlotkin et Melody Tondeur 40<br />
Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
Klaus Schümann et Noel W. Solomons 41<br />
Importance et limitations de la fortification des aliments dans la<br />
gestion des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
Omar Dary 47<br />
Approches alimentaires de lutte contre la carence en fer<br />
Brian Thompson 48<br />
Perspectives globales : accélérer les progrès en prévenant et<br />
en contrôlant l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
Ian Darnton-Hill, Neal Paragas et Tommaso Cavalli-Sforza 50<br />
Conclusions et perspectives de recherche<br />
Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham 53
1 · Prévalence mondiale de <strong>l'anémie</strong> 11<br />
1<br />
PREVALENCE MONDIALE DE L'ANEMIE<br />
CHEZ LES ENFANTS D’AGE PRESCOLAIRE,<br />
LES FEMMES ENCEINTES ET LES FEMMES<br />
EN AGE DE PROCREER<br />
Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell,<br />
Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
L'anémie constitue un vaste problème de santé publique<br />
associé à un risque accru de morbidité et de mortalité,<br />
surtout pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. Il<br />
s’agit d’une maladie aux causes multiples, à la fois <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
(carences en vitamines et en minéraux) et non<br />
<strong>nutritionnelle</strong>s (infections), qui surviennent fréquemment<br />
en parallèle. On suppose qu'un des facteurs de contribution<br />
les plus courants est le manque de fer, et l’anémie<br />
résultant de cette carence en fer est considérée<br />
comme l’un des dix principaux contributeurs au poids<br />
global des maladies.<br />
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) possède<br />
parmi ses m<strong>and</strong>ats la mission d’informer ses Etats Membres<br />
de la situation de santé globale dans le monde. Il a<br />
été décidé de mettre à jour les estimations concernant <strong>l'anémie</strong><br />
et de fournir une image actuelle de la situation, en<br />
particulier chez les groupes de population à haut risque.<br />
Cela a été réalisé par la production d’estimations des prévalences<br />
d'anémie, au niveau global et au niveau des<br />
régions Nations Unies (NU), chez les enfants d’âge préscolaire,<br />
les femmes enceintes et les femmes en âge de<br />
procréer. Les données ont été rassemblées entre 1993 et<br />
2005, en utilisant soit l'étude nationale représentative la<br />
plus récente du pays, soit au moins deux études représentatives<br />
des pays frontaliers. Qu<strong>and</strong> les données d’un pays<br />
n’étaient pas disponibles, la prévalence d'anémie a été<br />
estimée à partir d’équations de régression utilisant l’Indice<br />
de Développement Humain des Nations Unies (United<br />
Nations Human Development Index) et les indicateurs<br />
de santé provenant de la base de données<br />
statistiques de la santé mondiale (WHOSIS). La couverture<br />
variait selon les régions NU et était plus importante<br />
en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique, t<strong>and</strong>is que<br />
l’Europe et l’Océanie avaient une couverture inférieure.<br />
Les estimations sont basées sur les 192 Etats membres de<br />
l’OMS, et représentent ainsi 99,8 % de la population globale.<br />
Que savons-nous de la prévalence globale<br />
de <strong>l'anémie</strong><br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants<br />
d’âge préscolaire est de 47,4 %.<br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />
enceintes est de 41,8 %.<br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />
hors grossesse est de 30,2 %.<br />
• Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans<br />
grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie, et<br />
plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,<br />
vivent en Asie.<br />
• La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de<br />
population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus<br />
affectés est plus important en Asie.<br />
• En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %<br />
des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse<br />
sont anémiques.<br />
• Plus de la moitié de la population mondiale des<br />
enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes<br />
réside dans des pays où <strong>l'anémie</strong> représente un problème<br />
de santé publique sévère.<br />
• Les pays présentant un problème de santé publique<br />
sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique<br />
latine et aux Caraïbes.<br />
• L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées<br />
par l’anémie et, comme il s’agit également des<br />
régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre<br />
anémie et développement.<br />
• L'anémie est trois fois plus rép<strong>and</strong>ue en Europe qu’en<br />
Amérique du Nord, peut être en raison du fait que<br />
l'Europe inclut des pays avec différents profils<br />
sociaux et économiques, ou du fait d’une faible couverture<br />
des données relatives à l’Europe comparée<br />
aux données recueillies pour l’Amérique du Nord, ou<br />
peut être aussi en raison de la forte proportion d’aliments<br />
fortifiés en fer en Amérique Nord et donc des<br />
forts apports en fer issus de ces aliments.<br />
A noter que ces estimations ne sont pas quantitativement<br />
comparables aux estimations antérieures puisque les<br />
méthodologies utilisées sont différentes. Elles présentent<br />
des limites mais sont basées sur les meilleures informations<br />
disponibles, ce qui en fait un bon point de départ<br />
pour suivre les avancements de la suppression de l’anémie.<br />
A partir de ces estimations, l’ampleur de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
ou de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est difficile à évaluer<br />
puisque la plupart des études utilisées ne concernaient<br />
pas les causes de <strong>l'anémie</strong> et se limitaient uniquement à la<br />
mesure des taux d’hémoglobine.
12 2 · Action urgente requise en faveur de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
Quelle est la direction à suivre<br />
D’une manière générale, presque la moitié des enfants<br />
d’âge préscolaire et des femmes enceintes et près d'un<br />
tiers des femmes hors grossesse souffrent d'anémie.<br />
Comme les estimations représentent une large part de la<br />
population, il est possible qu'elles reflètent la prévalence<br />
globale réelle de <strong>l'anémie</strong> au sein de ces groupes. Cependant,<br />
les estimations des régions NU peuvent être plus<br />
précises pour certaines populations et certaines zones<br />
géographiques en raison de la variabilité considérable de<br />
la couverture selon les régions.<br />
Pour les enfants de moins de deux ans, <strong>l'anémie</strong> représente<br />
une source d’inquiétude majeure, car leur croissance<br />
rapide exige des besoins en fer importants que l’alimentation<br />
échoue souvent à couvrir, notamment dans<br />
les pays à faibles revenus.<br />
Afin de profiter du plein usage de ces données de prévalence,<br />
les informations concernant les causes de l’anémie<br />
devraient être collectées dans chacune des études ciblant<br />
cette pathologie. Ainsi, les interventions visant à prévenir<br />
<strong>l'anémie</strong> pourront être mieux adaptées à la situation<br />
locale et être, par conséquent, plus efficaces.<br />
Quel est le message clé<br />
L'anémie reste un souci de santé publique considérable.<br />
Ces nouvelles estimations sont susceptibles de refléter la<br />
situation actuelle et constituent un bon point de départ<br />
pour suivre les avancées générales dans le domaine. Les<br />
futures études doivent inclure des données sur les causes<br />
de <strong>l'anémie</strong>, car leur absence altère notre capacité à<br />
résoudre cet important problème de santé publique.<br />
LES FAITS:<br />
• Les enfants préscolaires sont âgés de 0 à 4,99 ans, les<br />
femmes hors grossesse sont celles ayant entre 15 et<br />
49,99 ans, et aucun âge n'a été défini pour les femmes<br />
enceintes.<br />
• Les limites de concentration en hémoglobine fixées<br />
par l’OMS pour définir l’anémie sont de 110 g/l pour<br />
les enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes,<br />
et de 120 g/l pour les femmes hors grossesse.<br />
• La prévalence de <strong>l'anémie</strong> en tant que problème de<br />
santé publique est catégorisée par l’OMS comme suit:<br />
• < 5 % - pas de problème<br />
• 5−19 % - problème de santé publique léger<br />
• 20−39 % - problème de santé publique modéré<br />
• > 40 % - problème de santé publique sévère.<br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants<br />
d’âge préscolaire est de 47,4 %.<br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />
enceintes est de 41,8 %.<br />
• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />
hors grossesse est de 30,2 %.<br />
• Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans<br />
grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie et<br />
plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,<br />
vivent en Asie.<br />
• La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de<br />
population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus<br />
affectés est plus important en Asie.<br />
• En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %<br />
des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse<br />
sont anémiques.<br />
• Plus de la moitié de la population mondiale des<br />
enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes<br />
résident dans des pays où <strong>l'anémie</strong> représente un problème<br />
de santé publique sévère.<br />
• Les pays présentant un problème de santé publique<br />
sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique<br />
latine et aux Caraïbes.<br />
• L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées<br />
par l’anémie et, comme il s’agit également des<br />
régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre<br />
anémie et développement.<br />
• L'anémie est trois fois plus rép<strong>and</strong>ue en Europe qu’en<br />
Amérique du Nord.<br />
2<br />
ACTION URGENTE REQUISE EN FAVEUR<br />
DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />
Venkatesh Mannar<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Le but des Nations Unies de réduire d’un tiers la prévalence<br />
de <strong>l'anémie</strong> d’ici à 2010 est loin d’être atteint. L'anémie<br />
<strong>nutritionnelle</strong> reste fréquente dans beaucoup<br />
de pays du monde et son éradication au travers d’interventions<br />
efficaces doit constituer une priorité en termes<br />
d’attention et d’action. Une carence en fer précoce dans<br />
l’enfance a un impact négatif significatif sur le développement<br />
physique et intellectuel de l’enfant. Il y a eu une<br />
intensification des efforts dans plusieurs pays ce qui<br />
donne de l’espoir sur le fait que les interventions peuvent<br />
représenter des réussites viables. Il est toutefois admis<br />
qu'il n'existe pas de solutions faciles et que les interventions<br />
efficaces possèdent leurs inconvénients, mais il<br />
semblerait que le manque de priorité des politiques à sup-
3 · Influence de l’économie sur l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
13<br />
primer l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> constitue l'inquiétude<br />
majeure. Il y a une urgence à agir.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Au cours des dix dernières années, il y a eu des développements<br />
clés:<br />
• Plus de consensus techniques<br />
• Une meilleure compréhension des conditions nécessaires<br />
à une supplémentation efficace<br />
• Une connaissance et une expérience suffisantes (surtout<br />
chez les femmes enceintes) pour concevoir et<br />
mettre en œuvre des programmes efficaces<br />
• Des directives techniques et par programme pour une<br />
planification efficace<br />
• Une meilleure information sur la stabilité et la biodisponibilité<br />
des composés de fer<br />
• Une reconnaissance par l'industrie alimentaire de la<br />
nécessité de la fortification<br />
• La faisabilité de la double fortification du sel<br />
• La technologie pour fortifier le riz en fer et en acide<br />
folique<br />
• Une augmentation des travaux parvenant à une amélioration<br />
variétale des principales cultures<br />
• Une plus gr<strong>and</strong>e connaissance du lien entre statut en<br />
fer et infection.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Les inquiétudes sont que bien que l’efficacité de la supplémentation<br />
en fer ait été montrée lors d’expériences<br />
contrôlées, la supplémentation sur le terrain ne semble<br />
pas apporter une amélioration significative de la prévalence<br />
de <strong>l'anémie</strong>. De plus, les données soutenant la fortification<br />
des aliments à gr<strong>and</strong>e échelle manquent encore<br />
et n'ont pas été systématiquement documentées.<br />
Il semble que des progrès seraient réalisés uniquement si:<br />
1. Les questions clés sont abordées et des instructions<br />
consensuelles développées<br />
2. Des ponts sont construits entre science/technologie et<br />
acteurs de terrain<br />
3. L'application de la supplémentation sur le terrain est<br />
renforcée<br />
4. La fortification universelle des aliments de base avec<br />
des niveaux considérables de nutriments est entièrement<br />
acceptée<br />
5. Des moyens créatifs d'augmentation de la teneur en<br />
fer de l'alimentation sont explorés<br />
6. Une amélioration de l'absorption du fer provenant de<br />
l'alimentation est recherchée<br />
7. Il y a une meilleure compréhension des interactions<br />
entre micronutriments et autres composants alimentaires,<br />
et aussi des autres causes de <strong>l'anémie</strong><br />
8. Un marketing social et un changement des comportements<br />
d’aide sont encouragés<br />
9. Il y a une combinaison d’une bonne réglementation et<br />
d’une éducation publique solide et appropriée<br />
10. Une approche multi-interventions est acceptée si elle<br />
inclut des apports nutritionnels adéquats (supplémentation,<br />
fortification, modification alimentaire, biofortification)<br />
et une réduction des infections concomitantes<br />
11. Il y a plus de soutien concluant à tous les niveaux,<br />
formant des alliances stratégiques et un engagement<br />
pour l’action<br />
12. Il y a des soutiens solides à l’échelle mondiale pour<br />
pousser l'action vers l’avant.<br />
Quel est le message clé<br />
Il y a un besoin urgent d’action, mais cette action doit<br />
considérer plusieurs facteurs pour réussir et rester viable.<br />
LES FAITS:<br />
• La carence en fer pourrait empêcher 40 à 60 % des<br />
enfants des pays en développement d’atteindre leur<br />
pleine capacité mentale.<br />
• L’OMS répertorie la carence en fer parmi les dix risques<br />
les plus sérieux dans les pays où la mortalité<br />
infantile est élevée et associée à une forte mortalité<br />
des adultes.<br />
• Les interventions visant la déficience en fer font partie<br />
des interventions de santé publique les plus rentables.<br />
• Le rapport coûts-bénéfices des programmes concernant<br />
le fer est estimé à 200:1.<br />
• Parmi une liste de 17 investissements possibles pour<br />
le développement, les retours sur investissements des<br />
programmes concernant les micronutriments sont en<br />
deuxième position juste derrière les programmes de<br />
lutte contre le SIDA.<br />
3<br />
INFLUENCE DE L’ECONOMIE SUR L’ANEMIE<br />
NUTRITIONNELLE<br />
Harold Alderman et Susan Horton<br />
Pourquoi l’évaluation économique est-elle<br />
importante<br />
Les gains économiques provenant de l’intérêt porté à<br />
toute déficience en micronutriment viennent à la fois des<br />
réductions de coût et d’une productivité accrue. Ils
14<br />
3 · Influence de l’économie sur l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
incluent une baisse de la mortalité, une réduction des<br />
dépenses de soin, une baisse de la morbidité, une amélioration<br />
de la productivité et des bénéfices intergénérationnels<br />
au travers d’une amélioration de la santé. Dans le cas<br />
de l’anémie ferriprive, l’évaluation économique nécessite<br />
de déterminer les coûts de la carence en fer en<br />
dollars, afin d’estimer les conséquences dans une unité<br />
de mesure commune aux autres dem<strong>and</strong>es de ressources<br />
publiques (concernant à la fois les interventions de santé<br />
et hors du domaine de la santé). Ceci est en contraste<br />
avec le calcul de l’efficacité d'un programme en terme<br />
d’augmentation de l'espérance de vie ou d’années de vie<br />
corrigées du facteur invalidité (“disability-adjusted life<br />
years”, DALY).<br />
Il se révèle également important d’évaluer l'impact économique<br />
des interventions en termes de coûts et de bénéfices.<br />
Il y a plusieurs questions cruciales à considérer<br />
lorsque l’on réalise des évaluations économiques:<br />
• L’intervention peut avoir plus d'un résultat (p.ex. une<br />
intervention sur les femmes enceintes peut à la fois<br />
réduire les petits poids de naissance et la mortalité<br />
maternelle via une modification du taux d'hémoglobine<br />
de la mère);<br />
• Certaines interventions n’affectent pas seulement l’anémie,<br />
mais ont aussi d’autres conséquences sur la<br />
santé et sur l’économie (p.ex. la vermifugation peut<br />
être efficace pour améliorer les taux d’hémoglobine<br />
ainsi que l’absorption de la vitamine A);<br />
• La mesure de la rentabilité via le résultat d'intérêt<br />
final (p.ex. la mortalité) coûte habituellement trop<br />
cher et prend trop de temps; on lui préfère donc souvent<br />
l’utilisation d’indicateurs directs (p.ex. la proportion<br />
d’anémiques ou le taux d’hémoglobine);<br />
• La rentabilité varie selon l'échelle du programme<br />
(p.ex. les coûts peuvent diminuer avec le temps s’il<br />
existe des coûts fixes pouvant être étendus sur de plus<br />
gr<strong>and</strong>s programmes);<br />
• Il y a des distinctions entre coûts publics et coûts privés<br />
(p.ex. le coût d'un dollar venant des revenus du<br />
gouvernement est généralement supérieur à celui<br />
d’un dollar pour l'économie).<br />
Comment les bénéfices économiques de gestion de<br />
<strong>l'anémie</strong> sont-ils évalués<br />
Deux approches clés sont utilisées:<br />
1. Le calcul des gains attendus en termes économiques<br />
si un cas d'anémie était évité. Cette approche est<br />
utile pour effectuer des comparaisons des coûts d'intervention.<br />
2. L’estimation de l'impact sur le PNB si les taux d'anémie<br />
pouvaient être réduits. Cette approche mesure les<br />
gains individuels et crée une motivation plus forte<br />
pour changer la volonté politique.<br />
Les résultats des bénéfices économiques peuvent être<br />
présentés en coûts, soit en terme de productivité, donnant<br />
des estimations de sensibilité, soit en termes de DALY,<br />
qui sont ensuite convertis en dollars.<br />
Chaque approche possède ses avantages et ses inconvénients.<br />
Il est important de reconnaître que placer des chiffres<br />
précis sur la valeur économique implique de poser<br />
une série d’hypothèses et exige de s’adapter au contexte<br />
spécifique du pays. Par ailleurs, toutes ces approches<br />
mesurent différents concepts et ne peuvent donc pas être<br />
directement comparées.<br />
Quels sont les coûts économiques d'une réduction de<br />
l’anémie<br />
Qu’elle soit estimée en coût par DALY épargné, ou en<br />
rapport coûts-bénéfices calculé, la fortification en fer est<br />
l’une des interventions de santé publique disponibles les<br />
plus intéressantes.<br />
• Le coût de la fortification par personne et par an se<br />
situe entre 0,10 et 1,00 $ US.<br />
• La fortification maison est relativement nouvelle et<br />
soulève de formidables promesses pour certains groupes<br />
de population, d’autant que les coûts peuvent se<br />
révéler intermédiaires entre la fortification et la supplémentation.<br />
• Les coûts de supplémentation par personne sont estimés<br />
autour de 2,00 à 5,00 $ US; à noter cependant<br />
que, souvent, les coûts rapportés ne couvrent pas<br />
complètement les coûts personnels, ce qui conduit à<br />
des programmes décevants. La recherche opérationnelle<br />
est nécessaire à la conception de programmes<br />
qui soient rentables sur le terrain.<br />
• Dans une étude, le coût de la vermifugation périodique<br />
a été estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter<br />
la participation scolaire d'un enfant. Un programme<br />
combinant vermifugation et supplémentation a<br />
estimé en utilisant plusieurs hypothèses que l'intervention<br />
pourrait mener à un résultat supplémentaire<br />
attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.<br />
L’importance de la vermifugation a peut-être été<br />
négligée, car elle fonctionne en synergie avec la fortification<br />
et la supplémentation.<br />
• Il y a peu d'études ayant montré la rentabilité des<br />
jardins potagers et de l’augmentation de l’élevage de<br />
petits animaux.<br />
• Les approches de biofortification sont prometteuses,<br />
mais supposent de larges coûts fixes de recherche;<br />
néanmoins, les coûts différentiels d’opération pour la
4 · Evaluation en laboratoire de la teneur en fer 15<br />
production d’une récolte présentant une disponibilité<br />
augmentée du fer dépassent peu les coûts généraux<br />
des productions habituelles. En utilisant diverses<br />
hypothèses, la stratégie pourrait fournir une valeur<br />
globale en terme d’avantages nutritionnels de plus de<br />
694 millions de $ US, ce qui représente un rapport<br />
coûts-bénéfices de 19 ou un retour interne de 29 %.<br />
Quels sont les résultats des évaluations économiques<br />
qui ont été entreprises<br />
Il est clair (voir LES FAITS ci-dessous) que <strong>l'anémie</strong>, à<br />
tous les stades de la vie, fait peser un lourd poids sur la<br />
santé et a un impact négatif potentiel fort sur la productivité<br />
et donc sur le revenu et le PIB. La perte totale par<br />
personne résultant d’altérations physiques et cognitives<br />
s’élève à des milliards par an, ce qui est considérable<br />
comparé aux modestes coûts de réduction de l’anémie<br />
<strong>nutritionnelle</strong>.<br />
Quel est le message clé<br />
Les études d'impact économique montrent que gérer <strong>l'anémie</strong><br />
<strong>nutritionnelle</strong> peut avoir un effet significatif sur la<br />
productivité, le revenu et le poids que représente la santé.<br />
La détermination de l’impact économique total (gain<br />
économique et rentabilité) de toute intervention exige<br />
une connaissance experte et doit se baser sur les spécificités<br />
du programme, du pays et sur les mesures souhaitées<br />
pour le résultat.<br />
LES FAITS:<br />
• Une étude a estimé que, dans les pays en développement,<br />
un cinquième de la mortalité périnatale et un<br />
dixième de la mortalité maternelle seraient attribuables<br />
à la carence en fer.<br />
• On estime que 1,5 % des morts à travers le monde<br />
sont attribuables au déficit en fer.<br />
• En termes de DALY, <strong>l'anémie</strong> représente également<br />
35 millions de perte d’années de vie en bonne santé<br />
(2,5 % de perte globale de DALY).<br />
• Les interventions basées sur le fer chez l’adulte ont<br />
montré une productivité accrue d’environ 5 % dans le<br />
domaine des travaux manuels légers et jusqu’à 17 %<br />
dans celui des travaux manuels lourds.<br />
• Une étude indonésienne a montré des effets positifs<br />
sur le revenu des travailleurs autonomes s’élevant à<br />
20 % pour les hommes et à 6 % pour les femmes.<br />
• Une série d'études indique qu’une variation de quotient<br />
intellectuel d’un demi écart-type se répercute sur<br />
le salaire de la région à hauteur de 5 %.<br />
• On peut déduire des effets de l’anémie sur le développement<br />
cognitif que cette pathologie réduit potentiellement<br />
le salaire des adultes de 2,5 %.<br />
• Le coût de la fortification par personne et par an se<br />
situe entre 0,10 et 1,00 $ US, avec un rapport coûtsbénéfices<br />
allant de 6:1 (bénéfices physiques des adultes)<br />
à 9:1 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés<br />
des enfants).<br />
• On estime que les coûts de la supplémentation par<br />
personne se situent entre 2,00 et 5,00 $ US; notons<br />
toutefois que ces coûts ne couvrent souvent pas complètement<br />
les coûts personnels.<br />
• Les programmes de supplémentation sont 5 fois plus<br />
coûteux que la fortification en termes de DALY.<br />
• Dans une étude, le coût de la vermifugation a été<br />
estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter la participation<br />
scolaire d’un enfant.<br />
• On estime que les programmes combinant vermifugation<br />
et supplémentation pourraient avoir des répercutions<br />
positives sur les salaires, avec un bénéfice<br />
attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.<br />
4<br />
EVALUATION EN LABORATOIRE<br />
DE LA TENEUR EN FER<br />
Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
La nutrition joue un rôle important dans <strong>l'anémie</strong> et, de<br />
tous les nutriments impliqués, le fer se trouve être l’élément<br />
le plus crucial. Par conséquent, l’évaluation de la<br />
teneur en fer est bien souvent essentielle au diagnostic de<br />
<strong>l'anémie</strong>. En général, la carence en fer se met en place via<br />
trois étapes consécutives: épuisement des réserves en fer,<br />
érythropoïèse et anémie ferriprive. Ces trois étapes peuvent<br />
être analysées sur le plan biochimique par une<br />
mesure de l'hémoglobine (Hb), de la ferritine et du récepteur<br />
soluble à la transferrine (sTfR). Bien qu'il existe des<br />
indicateurs cliniques et que l'évaluation des apports en<br />
fer puisse être utile, le diagnostic repose principalement<br />
sur ces marqueurs biochimiques, qui sont les seuls à présenter<br />
la spécificité et la sensibilité nécessaires. Malheureusement,<br />
les méthodes permettant de les mesurer coûtent<br />
cher et sont, pour la plupart, difficiles à réaliser.<br />
A quel point les différents indicateurs<br />
biochimiques sont-ils précis et utiles<br />
Il y a trois indicateurs importants pour mesurer le statut<br />
en fer:<br />
1. L’hémoglobine (Hb): la mesure de l’Hb est essentie-
16<br />
5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale<br />
lle au diagnostic de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong> et fait partie<br />
des méthodes les plus courantes, les plus faciles et<br />
les moins onéreuses. Des kits sont disponibles chez<br />
différents fabricants et il existe également de petits<br />
hémoglobinomètres portables utilisables sur le<br />
terrain. La mesure de l’Hb n'est cependant pas très<br />
sensible, ni très spécifique à la carence en fer (seul le<br />
troisième stade affecte la synthèse d’Hb). Ainsi, pour<br />
déterminer si le déficit en fer est responsable de l’anémie,<br />
il est habituellement nécessaire d'inclure d'autres<br />
indicateurs.<br />
2. La ferritine: la ferritine est actuellement considérée<br />
comme le plus important indicateur du statut en fer,<br />
car sa concentration chute dès le premier stade de la<br />
déficience en ce minéral. Par conséquent, il s’agit de<br />
l'indicateur le plus sensible et le coût des kits de<br />
dosage ELISA de la ferritine ou d’autres méthodes de<br />
mesure est relativement bas. A noter toutefois que<br />
beaucoup de facteurs, dont l’infection et l’inflammation,<br />
peuvent augmenter la concentration en ferritine,<br />
de sorte qu’une valeur haute n'indique pas nécessairement<br />
une bonne teneur en fer. De fait, il est important<br />
de mesurer également les paramètres d’infection<br />
aiguë (protéine c-réactive, PCR) et chronique (glycoprotéine-α1,<br />
GPA).<br />
3. Le récepteur soluble à la transferrine (sTfR): la<br />
mesure de cet indicateur est de plus en plus utilisée<br />
pour identifier la carence en fer dans des situations où<br />
l’infection fait rage, car il est bien moins influencé<br />
par ce paramètre infectieux que les autres indicateurs.<br />
Il n'est pas aussi sensible que la ferritine, mais plus<br />
que l’Hb. Jusqu'à présent, il n’existe pas de st<strong>and</strong>ard<br />
certifié au niveau international et chaque méthode/kit<br />
possède ses propres valeurs seuils. Les mesures du<br />
sTfR sont encore beaucoup plus chères que celles de<br />
la ferritine. Le rapport sTfR sur ferritine constitue<br />
l’indicateur le plus sensible du statut en fer, puisqu’il<br />
permet le calcul des réserves en fer en mg par kg de<br />
poids corporel. Par conséquent, il constitue l’étalon<br />
or de la moelle osseuse qui fait défaut dans la définition<br />
de la déficience en fer.<br />
En plus de ces indicateurs, les trois suivants peuvent parfois<br />
se révéler également intéressants:<br />
1. La saturation en fer de la transferrine plasmatique et<br />
le volume globulaire moyen (VGM): ces paramètres<br />
sont des indicateurs bien établis et relativement peu<br />
coûteux à mesurer, mais utiles uniquement dans des<br />
conditions cliniques où le matériel pour leur détermination<br />
est disponible.<br />
2. L’hématocrite: cet indicateur est très facile à mesurer<br />
mais, puisqu’il est encore moins sensible que l’Hb<br />
pour identifier la déficience en fer, il n’est pas très<br />
utile pour diagnostiquer l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />
3. Zn-protoporphyrine (ZnPP): il s’agit d’une mesure<br />
simple, robuste et utile au dépistage de la carence en<br />
fer, mais elle exige un appareil spécial. A noter que le<br />
plomb, même à des niveaux normaux d’exposition<br />
environnementale peut augmenter la concentration en<br />
ZnPP. Néanmoins, dans la plupart des cas, cela ne<br />
pose pas de problème.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Il est généralement admis que la combinaison de l’Hb,<br />
de la ferritine, du sTfR et des paramètres d'infection (PCR,<br />
GPA) constitue le meilleur indicateur pour mesurer le statut<br />
en fer, mais quatre éléments clés restent à améliorer au<br />
niveau des recherches en cours: la réduction des coûts; l’amélioration<br />
du débit des mesures; l’augmentation de leur<br />
sensibilité/spécificité et de leur robustesse.<br />
Un autre défi majeur est de collecter le sang sur le terrain<br />
aussi facilement et de manière aussi fiable que possible.<br />
La collecte des échantillons sanguins sur papier-filtre est<br />
une alternative aux échantillons veineux car elle ne<br />
nécessite pas de centrifugation, de congélation ou de<br />
transport respectant la chaîne du froid. Malheureusement,<br />
les tâches de sang séchées présentent des limites et<br />
exigent que des protocoles stricts soient respectés.<br />
Quel est le message clé<br />
La combinaison de l’Hb, de la ferritine, du sTfR et des<br />
paramètres d'infection (PCR, GPA) constitue le meilleur<br />
indicateur pour mesurer le statut en fer. Mais, pour assurer<br />
la mise en oeuvre et l’exactitude des interventions, en<br />
particulier dans les pays en développement, des recherches<br />
supplémentaires sont nécessaires afin de réduire le<br />
coût des mesures, d’améliorer leur robustesse et de trouver<br />
des méthodes de terrain plus faciles.<br />
5<br />
VUE D'ENSEMBLE DE LA SIGNIFICATION<br />
FONCTIONNELLE DE L’ANEMIE PAR<br />
CARENCE MARTIALE<br />
Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
L'anémie ferriprive est la déficience en micronutriment<br />
et même, plus globalement, la déficience <strong>nutritionnelle</strong> la
5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale 17<br />
plus rép<strong>and</strong>ue dans le monde. Il existe trois stades différents<br />
de déficit en fer. Le premier, l’épuisement des réserves<br />
en fer, n’a pas de conséquence fonctionnelle. Cependant,<br />
lorsque ces réserves sont épuisées et que les tissus<br />
commencent à manquer de fer, la situation conduit à une<br />
déficience. Les effets négatifs pour les individus déficients<br />
en fer, mais qui ne souffrent pas directement d’anémie,<br />
incluent une altération des capacités cognitives,<br />
une diminution de la capacité physique, et une baisse de<br />
l’immunité. Il y a donc des conséquences délétères à la<br />
carence en fer avant même que l’anémie ferriprive n’apparaisse.<br />
Lorsqu’elle est sévère, cette étape finale peut<br />
s’avérer fatale.<br />
Pendant la grossesse, l’anémie ferriprive est rép<strong>and</strong>ue car<br />
la mère a besoin de fer supplémentaire pour fabriquer le<br />
sang nécessaire à l’expansion de son volume sanguin<br />
(augmentation de ± 20 %) et aussi pour assurer les<br />
besoins du placenta et du foetus en plein développement.<br />
Ainsi, pendant la seconde moitié de la grossesse, bien<br />
qu’il ait été montré que les femmes enceintes absorbaient<br />
plus de fer provenant de la nourriture, même chez les<br />
femmes en bonne santé, les besoins en fer sont très difficiles<br />
à couvrir par l’alimentation. L'anémie pendant la<br />
grossesse est associée à une augmentation de la morbidité<br />
et de la mortalité de la mère et de l'enfant, et à de<br />
petits poids de naissance. Chez les mères anémiques, les<br />
grossesses arrivent 30−45 % moins souvent à un terme<br />
favorable, et les nouveaux-nés des mères anémiques ont<br />
moins de chances de disposer de réserves normales en fer<br />
- ils commencent donc leur vie avec un h<strong>and</strong>icap.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
La réduction de l’anémie ferriprive à la naissance et dans<br />
la petite enfance a bénéficié d’une intensité considérable<br />
en raison de son association avec une altération des performances<br />
psychomotrices, ainsi que des modifications<br />
comportementales qu’elle engendre. Bien que certains<br />
déficits du développement puissent être corrigés par un<br />
traitement à base de fer, les études les plus récentes suggèrent<br />
que des différences d'adaptations cognitives et<br />
sociales demeurent, et sont susceptibles de devenir permanentes.<br />
Le risque de carence en fer est élevé après la<br />
naissance et au cours de la petite enfance, car les réserves<br />
reçues à la naissance sont utilisées pour assurer les fonctions<br />
normales et la croissance, t<strong>and</strong>is que seuls environ<br />
50 % des besoins en fer d'un enfant de 6 mois peuvent<br />
être couverts par le lait maternel. Ainsi, l’allaitement<br />
maternel continu ne fournira que la moitié du fer nécessaire<br />
à l'enfant et, pour beaucoup d'enfants, l'autre moitié<br />
(+ 4 mg / jour) devra provenir d’aliments de complément<br />
fortifiés ou d’une supplémentation si <strong>l'anémie</strong> veut être<br />
évitée. Cette situation se révèle encore plus grave chez<br />
les enfants de petits poids de naissance, ce qui est fréquent<br />
lorsque la mère est malnutrie pendant la grossesse.<br />
Ainsi, l’OMS et l'UNICEF recomm<strong>and</strong>ent que les<br />
enfants de petits poids de naissance dans les populations<br />
présentant de hauts niveaux d'anémie reçoivent des suppléments<br />
de fer à partir de 2 mois et jusqu'à 24 mois.<br />
Lorsque les enfants gr<strong>and</strong>issent et commencent leur scolarité,<br />
des études ont montré que les anémiques présentaient<br />
les performances les plus faibles. Cela conduit à de<br />
sérieuses implications quant à l'efficacité de l'éducation,<br />
surtout dans les pays en développement où <strong>l'anémie</strong> est<br />
très rép<strong>and</strong>ue.<br />
Contrer la déficience en fer et la carence martiale de la<br />
grossesse à la naissance de l’enfant et tout au long de son<br />
enfance s’avère donc crucial, et les interventions doivent<br />
donc commencer très tôt dans le cycle de vie.<br />
La recherche montre également l'impact du statut en fer<br />
sur:<br />
• La capacité physique – la carence en fer réduit les<br />
performances physiques ce qui a notamment été<br />
constaté chez les travailleurs agricoles.<br />
• La morbidité due au rôle du fer dans plusieurs mécanismes<br />
biologiques impliqués dans la réponse immunitaire<br />
aux infections. Il reste néanmoins quelques<br />
sujets à discussion et quelques questions non résolues,<br />
en particulier en ce qui concerne les relations<br />
entre la supplémentation en fer des jeunes enfants non<br />
déficients en fer et le paludisme. Des recherches supplémentaires<br />
sont nécessaires. Les nouvelles recomm<strong>and</strong>ations<br />
de l’OMS sont que l’anémie ferriprive<br />
devrait être dépistée chez les jeunes enfants dans les<br />
régions où le paludisme est endémique avant que l’on<br />
ne leur donne des suppléments de fer. Il y a moins de<br />
controverses au regard des autres infections, mais la<br />
prudence est encore de rigueur. Les preuves indiquent<br />
une baisse de la résistance à l’infection chez les individus<br />
déficients en fer. Cependant, s’ils sont sévèrement<br />
malnutris et anémiques, les mécanismes corporels<br />
qui privent les agents pathogènes de fer peuvent<br />
être perturbés par un surplus de ce minéral (en particulier<br />
en administration parentérale). Dans ces circonstances,<br />
avant que le système immunitaire ne se<br />
soit remis des effets de la carence en fer, les pathogènes<br />
peuvent se développer de manière explosive avec<br />
des effets désastreux pour l'individu.<br />
• La régulation de la température – la carence en fer<br />
sévère abaisse la capacité du corps à maintenir sa<br />
température dans un environnement froid.<br />
• L’excès de fer et les maladies chroniques - des inquié-
18<br />
6 · Métabolisme du fer<br />
tudes ont été soulevées au sujet de relations possibles<br />
entre réserves en fer élevées et maladies cardiovasculaires<br />
ou cancers. Bien que les études entreprises ne<br />
soient pas concluantes, elles indiquent le besoin de<br />
recherches complémentaires dans ce domaine.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
En général, les effets négatifs de la carence en fer sur la<br />
santé, la capacité physique, les performances au travail,<br />
les performances cognitives et le comportement peuvent<br />
être corrigés en apportant du fer en quantité et sous une<br />
forme appropriées. Les stratégies pour assurer un apport<br />
adéquat en fer incluent une combinaison de la promotion<br />
d’une alimentation diversifiée avec des aliments riches<br />
en fer, une fortification en micronutriments des aliments<br />
de base et une fortification ciblée ou une supplémentation<br />
en fer pour les groupes de population à haut risque<br />
ou ayant des besoins particulièrement élevés. Si l’anémie<br />
ferriprive modérée à sévère apparaît dans la petite<br />
enfance, les effets sur la cognition peuvent être irréversibles.<br />
Le fer devrait être regardé comme une épée à double<br />
tranchant, dont le manque mais aussi l’excès peuvent<br />
avoir des conséquences délétères considérables sur un<br />
individu.<br />
Quel est le message clé<br />
Les conséquences fonctionnelles de la carence en fer et<br />
ses impacts économiques et sociaux à long terme ont<br />
mené à un objectif global de réduction de la prévalence<br />
d'anémie de 30 % entre 2000 et 2010. En 2007, il n’y a<br />
pas eu de progrès substantiel dans la plupart des pays en<br />
développement, et <strong>l'anémie</strong> ferriprive devrait toujours<br />
être considérée comme une priorité surtout dans les groupes<br />
de population à haut risque: femmes enceintes, nouveaux-nés<br />
et jeunes enfants. Il existe néanmoins quelques<br />
régions où la prudence est de rigueur, afin d’éviter<br />
un impact potentiellement négatif des interventions.<br />
LES FAITS:<br />
• Dans beaucoup de pays en développement, on estime<br />
qu’une femme enceinte sur deux, et que plus d'un<br />
enfant d’âge préscolaire sur trois, sont anémiques.<br />
• Dans les pays où la consommation de vi<strong>and</strong>e est faible,<br />
jusqu'à 90 % des femmes sont ou deviennent anémiques<br />
pendant leur grossesse.<br />
• On estime que 800 000 décès à travers le monde sont<br />
attribuables à l’anémie ferriprive qui reste parmi les<br />
quinze principaux facteurs de contribution au poids<br />
global de la maladie.<br />
• Lorsqu’elle est exprimée en DALY, l’anémie ferriprive<br />
représente 25 millions ou 2,4 % du total des<br />
DALY.<br />
• Le corps d’un homme normal contient au total ± 4,0 g<br />
de fer et une femme normale en moyenne 2,5 g.<br />
• Approximativement 73 % du fer de l’organisme se<br />
trouve dans l'hémoglobine des globules rouges circulants<br />
et dans la myoglobine du muscle, 12 % dans<br />
les protéines de stockage du fer, et 15 % dans des<br />
douzaines d'enzymes particulièrement importantes<br />
car essentielles au fonctionnement de toutes les cellules<br />
et de tous les tissus. En dessous des niveaux normaux<br />
d'hémoglobine, la capacité au travail physique<br />
est corrélée linéairement à ce niveau d'hémoglobine.<br />
Cette relation est particulièrement significative lorsque<br />
la concentration en hémoglobine chute en dessous<br />
de 100 g/L, taux qui se trouve 20 à 40 g/L en<br />
dessous de la limite inférieure pour les adultes normaux.<br />
• L'anémie modérée est définie par un taux d’hémoglobine<br />
de 70−90 g/L, et l’anémie sévère par un taux<br />
d’hémoglobine inférieur à 70 g/L.<br />
• Chez les mères anémiques, les grossesses arrivent<br />
30−45 % moins souvent à un terme favorable, et leurs<br />
nouveaux-nés ont moins de chances de disposer de<br />
réserves normales en fer.<br />
• L’objectif global au niveau national est de réduire<br />
la prévalence de <strong>l'anémie</strong>, dont la carence en fer, de<br />
30 % entre 2000 et 2010. Dans la plupart des pays en<br />
développement, le rythme des progrès obtenus jusqu’en<br />
2007 devra être accéléré pour espérer atteindre<br />
ce but.<br />
6<br />
METABOLISME DU FER<br />
Sean Lynch<br />
Que savons-nous<br />
Le fer joue un rôle vital dans le transport et le stockage de<br />
l'oxygène, le métabolisme oxydatif, la prolifération<br />
cellulaire et beaucoup d'autres processus physiologiques.<br />
Mais il a aussi une propriété centrale qui lui permet de<br />
recruter les donneurs d'électrons et de participer aux processus<br />
redox. Cette propriété explique également sa toxicité<br />
potentielle au travers de la génération de radicaux<br />
libres. En outre, le fer est un nutriment essentiel à tous les<br />
organismes pathogènes connus. Librement disponible, le<br />
fer peut gr<strong>and</strong>ement augmenter leur virulence. Par conséquent,<br />
il n’est pas surprenant que le corps humain a finement<br />
régulé les processus d’absorption, de transport et de
6 · Métabolisme du fer 19<br />
stockage du fer, qui assurent une réserve disponible pour<br />
la croissance et le fonctionnement cellulaires. Dans le<br />
même temps, ces processus limitent sa participation aux<br />
réactions générant des radicaux libres potentiellement<br />
toxiques. Ils évitent également que les pathogènes aient<br />
un accès direct au fer.<br />
Approximativement 75 % du fer de l’organisme est présent<br />
au sein de composés métaboliquement actifs. Les 25<br />
% restants constituent une réserve dynamique continuellement<br />
renouvelée. Cette réserve assure une provision<br />
adéquate pour le fonctionnement normal des organes en<br />
dépit des variations à court terme liées à son absorption<br />
ou aux pertes de l’organisme. Elle répond également aux<br />
dem<strong>and</strong>es urgentes qu<strong>and</strong> les besoins sont augmentés.<br />
Les réserves de fer qui ont été utilisées sont alors remplacées<br />
progressivement grâce à une absorption accrue. Le<br />
pool de transferrine circulante répond quant à lui pratiquement<br />
à tous les besoins fonctionnels. Il n’équivaut<br />
qu’à environ 3 mg de fer chez les adultes, mais une quantité<br />
dix fois supérieure (± 35 mg) circule chaque jour<br />
dans ce pool, dont environ 80 % destiné à la production<br />
de globules rouges. La majeure partie du fer transféré de<br />
la réserve dynamique au pool de transferrine circulante<br />
provient du fer récupéré suite au traitement de l'hémoglobine<br />
des globules rouges ayant atteint la fin de leur vie<br />
d’une durée d’environ quatre mois. Le fer absorbé entre<br />
également dans ce pool, mais il ne représente que 1−1,5<br />
mg par jour. La libération du fer dans la circulation est<br />
finement régulée en fonction des besoins. Elle peut être<br />
divisée ou multipliée plusieurs fois. Quoi qu’il en soit,<br />
chez les individus normaux présentant des réserves de fer<br />
adéquates, la saturation en fer de la transferrine (la proportion<br />
de la protéine qui transporte du fer à un instant<br />
donné) est maintenue autour de 35 %.<br />
Quelles sont les récentes avancées ayant amélioré<br />
notre compréhension du métabolisme du fer<br />
La découverte récente d'un petit peptide cationique riche<br />
en cystéine, appelé hepcidine, produit par le foie, circulant<br />
dans le plasma et excrété par les urines, a révolutionné<br />
notre compréhension de la régulation de l’absorption<br />
et du stockage du fer. L’hepcidine semble avoir un<br />
rôle fondamental dans l’assurance du maintien des réserves<br />
ferriques à un niveau optimal, dans la régulation de<br />
l’approvisionnement en fer de l’ensemble des cellules de<br />
l’organisme en fonction de leurs besoins fonctionnels et<br />
dans le blocage de l'absorption du fer inutile au niveau de<br />
l'intestin. Ce peptide agit comme un régulateur négatif de<br />
la libération des réserves et de l’absorption intestinale.<br />
De hauts niveaux d’hepcidine réduisent le taux de libération<br />
du fer de réserve et son absorption intestinale, via<br />
une liaison au seul exportateur de fer cellulaire connu, la<br />
ferroportine, et provoquant sa dégradation. L'expression<br />
de l'hepcidine est induite indépendamment par l'accumulation<br />
du fer de réserve et par l’inflammation. Elle est<br />
supprimée qu<strong>and</strong> les réserves en fer sont épuisées, et par<br />
l’anémie, l’hypoxémie et l’érythropoïèse accélérée.<br />
L’hepcidine permet aux tissus de l’organisme de recevoir<br />
la bonne quantité de fer pour couvrir leurs besoins fonctionnels.<br />
Cependant, toutes les cellules ont également la<br />
capacité de réguler leur propre économie de fer interne en<br />
augmentant ou en diminuant l'expression des récepteurs<br />
à la transferrine, lesquels sont indispensables à la récupération<br />
par les cellules du fer issu du pool de transferrine<br />
circulante.<br />
Depuis longtemps, il est connu que la balance en fer est<br />
maintenue par le contrôle de l’absorption. Néanmoins,<br />
des avancées considérables dans notre compréhension<br />
des processus de régulation de l'absorption ont eu lieu<br />
récemment. L'absorption se produit tout d’abord au<br />
niveau de l'intestin grêle, via les entérocytes mûrs situés<br />
au sommet des villosités duodénales. Deux transporteurs,<br />
le transporteur apical spécifique HCP1 (Heme Carrier<br />
Protein 1) et le transporteur de métal divalent DMT1<br />
(Divalent Metal Transporter 1), semblent modérer l'entrée<br />
de la majeure partie, si ce n’est de tout, le fer alimentaire<br />
dans les cellules de la muqueuse intestinale. Le<br />
fer héminique est toujours aisément absorbé. Les molécules<br />
d'hème intactes sont transportées dans les entérocytes.<br />
Cependant, l'hème ne représente qu’une petite partie<br />
du fer alimentaire, même pour les personnes qui mangent<br />
beaucoup de vi<strong>and</strong>e ou de poisson. Le fer est majoritairement<br />
présent sous d'autres formes communément regroupées<br />
sous le terme de fer non héminique. Ce fer est transporté<br />
dans les entérocytes par le DMT1, mais il doit<br />
d’abord être solubilisé et réduit à l'état ferreux. De plus,<br />
dans l’alimentation, divers facteurs, et en particulier les<br />
phytates et les polyphénols, peuvent empêcher la liaison<br />
entre le fer non héminique et le DMT1, avec comme conséquence<br />
une absorption inhibée. La possibilité que des<br />
récepteurs spécifiques à d'autres formes de fer alimentaire<br />
aient un rôle significatif dans l'absorption nécessite<br />
de plus amples éclaircissements. Comme indiqué ci-dessus,<br />
l’absorption est régulée par la ferroportine via le<br />
contrôle des exportations du fer depuis les entérocytes du<br />
duodénum jusqu’au pool de transferrine circulante. Ces<br />
entérocytes ont une courte durée de vie et le fer qui n'est<br />
pas transféré à la circulation est perdu lorsque les cellules<br />
exfolient. L'absorption du fer non héminique est également<br />
régulée au moment de l’entrée dans les entérocytes<br />
par des modifications de l'expression du DMT1.
20<br />
6 · Métabolisme du fer<br />
Quels sont les besoins en fer<br />
au cours de la vie humaine<br />
Le fer se trouve dans pratiquement tous les aliments. L’apport<br />
en fer alimentaire est donc relié à l’apport énergétique.<br />
Les besoins en fer sont plus élevés dans les deuxième et<br />
troisième trimestres de grossesse. Ce besoin est couvert par<br />
l’utilisation des réserves de la mère, accumulées avant la<br />
conception et pendant le premier trimestre du fait de l’arrêt<br />
des menstruations, ainsi que par l’augmentation marquée<br />
de l’absorption au cours du deuxième et du troisième trimestres.<br />
Les besoins sont également élevés chez les jeunes<br />
enfants en particulier entre 6 et 18 mois. Une fois que les<br />
réserves en fer de la naissance sont épuisées, le statut en fer<br />
des jeunes enfants dépend des aliments de complément car<br />
la teneur en fer du lait humain est faible. Malheureusement,<br />
dans beaucoup de pays en développement, les aliments de<br />
complément traditionnels sont de piètres sources de fer biodisponible.<br />
Par conséquent, les enfants de 6 à 18 mois sont<br />
fréquemment déficients en ce minéral. Les besoins sont<br />
accrus au cours de la poussée de croissance durant l’adolescence<br />
et dès le début des menstruations chez les filles.<br />
Enfin, les femmes en âge de procréer sont à risque de déficience<br />
en fer en raison de leurs pertes en fer menstruelles.<br />
Les besoins sont moindres chez les hommes et les femmes<br />
ménopausées.<br />
Quels troubles du bilan ferrique<br />
peut-on rencontrer<br />
Les trois désordres courants du bilan ferrique sont la<br />
déficience, la surcharge en fer et <strong>l'anémie</strong> inflammatoire<br />
(également appelée anémie des maladies chroniques).<br />
1. La déficience en fer reste la carence en micronutriment<br />
la plus rép<strong>and</strong>ue à travers le monde. Elle constitue<br />
toujours une condition acquise résultant d'une alimentation<br />
contenant trop peu de fer biodisponible.<br />
Dans les pays en développement, les aliments traditionnels<br />
contiennent généralement de gr<strong>and</strong>es quantités<br />
d'inhibiteurs de l'absorption du fer, notamment des<br />
phytates et des polyphénols. De plus les observations<br />
récentes indiquent que les maladies qui affectent le<br />
duodénum, en particulier les infections à H. pylori et<br />
les maladies coeliaques, pourraient être plus rép<strong>and</strong>ues<br />
que ce qui est alors soupçonné et qu'elles pourraient<br />
avoir une importante contribution. De nouvelles<br />
recherches sont nécessaires pour confirmer ces<br />
observations et établir leur pertinence potentielle<br />
quant à la prévention des déficiences en fer alimentaire.<br />
Enfin, les maladies causant des pertes sanguines,<br />
en particulier les infections à ankylostomes, contribuent<br />
de manière importante à la forte prévalence<br />
des carences en fer dans beaucoup de pays en développement.<br />
2. La surcharge en fer est beaucoup moins fréquente<br />
que la carence. La surcharge systémique primaire<br />
(hémochromatose) résulte presque toujours d'une<br />
spécificité génétique affectant l’hepcidine ou la ferroportine<br />
et perturbant, de fait, la régulation du transport<br />
du fer. La forme courante de surcharge en fer<br />
chez les Caucasiens, l’hémochromatose HFE, résulte<br />
d'un déficit relatif en hepcidine. La surcharge en fer<br />
secondaire se produit lors d’une thalassémie et d’une<br />
anémie sidéroblastique car le traitement de ces situations<br />
pathologiques exige des transfusions de sang<br />
répétées, et l’érythropoïèse accélérée, caractéristique<br />
de ces troubles, réduit l'expression de l'hepcidine.<br />
3. L'anémie inflammatoire est caractérisée par une<br />
baisse de la libération du fer de réserve, une absorption<br />
réduite, de faibles concentrations plasmatiques<br />
en fer et en transferrine, une restriction de l’approvisionnement<br />
en fer disponible pour la production de<br />
globules rouges et une anémie légère ou modérée.<br />
L'expression accrue de l'hepcidine explique presque<br />
toutes les conséquences de cette pathologie, généralement<br />
considérée comme une adaptation de l'hôte pour<br />
répondre à la présence de pathogènes et rendre le fer<br />
moins disponible.<br />
Quel est le message clé<br />
Des avancées majeures ont été réalisées dans la compréhension<br />
de la physiologie du métabolisme du fer chez<br />
l’humain et la physiopathologie des troubles qui lui sont<br />
associés, même si beaucoup de questions restent encore<br />
sans réponse. La recherche dans ce domaine est donc<br />
indispensable. La connaissance gagnée a toutefois fourni<br />
un socle scientifique solide permettant d’élaborer des<br />
approches de lutte contre la déficience <strong>nutritionnelle</strong> en<br />
fer.<br />
LES FAITS:<br />
• Les êtres humains disposent normalement de 40 à<br />
50 mg de fer/kg de poids corporel.<br />
• Approximativement 75 % du fer de l’organisme est<br />
présent au sein de composés métaboliquement actifs;<br />
les 25 % restants constituent une réserve dynamique<br />
renouvelée continuellement.<br />
• L’approvisionnement en fer des cellules de l’organisme<br />
est rigoureusement régulé par le contrôle de<br />
l'absorption et la libération des réserves.<br />
• L’hepcidine a un rôle central dans le contrôle de la<br />
balance en fer.<br />
• La carence et la surcharge en fer, ainsi que l’anémie<br />
inflammatoire, constituent les troubles du métabolisme<br />
du fer les plus courants. La déficience en fer
7 · Optimisation de la biodisponibilité du fer 21<br />
résulte d’une alimentation contenant des teneurs en<br />
fer biodisponible insuffisantes pour satisfaire les<br />
besoins; la surcharge primaire en fer est causée par<br />
des mutations génétiques héréditaires conduisant à<br />
une dysrégulation de l'hepcidine ou à des altérations<br />
des récepteurs ferroportine; <strong>l'anémie</strong> inflammatoire<br />
est le résultat d’une expression accrue de l'hepcidine<br />
induite par les cytokines inflammatoires.<br />
7<br />
OPTIMISATION DE LA BIODISPONIBILITE<br />
DU FER DES COMPOSES UTILISES POUR<br />
LA FORTIFICATION DES ALIMENTS<br />
Richard Hurrell et Ines Egli<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Dans toute intervention de fortification, il est difficile<br />
d'assurer l'efficacité des fortifiants utilisés. La biodisponibilité<br />
s’avère d’une importance cruciale pour atteindre<br />
cette efficacité. Il a été montré que la biodisponibilité des<br />
composés ferriques par rapport au sulfate ferreux (valeur<br />
de biodisponibilité relative, VBR) était utile pour la classification<br />
de leur potentialité à fortifier les aliments.<br />
Cependant, l'efficacité des aliments fortifiés en fer<br />
dépend, non seulement, de l’absorption absolue du composé<br />
de fer qui est influencée par sa VBR, mais aussi, par<br />
la quantité de fortifiant ajoutée, le statut en fer du consommateur<br />
et la présence dans le repas d'inhibiteurs<br />
(p.ex. acide phytique) ou d’activateurs de l'absorption du<br />
fer (p.ex. acide ascorbique).<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Concernant la fortification des aliments, l'OMS a publié<br />
des directives qui incluent des recomm<strong>and</strong>ations sur les<br />
composés de fer à privilégier et un protocole pour déterminer<br />
les niveaux de fortification en fer.<br />
Quels sont les composés ferriques recomm<strong>and</strong>és<br />
Bien qu'un ordre de préférence pour les composés ferriques<br />
ait été communiqué par l’OMS, il doit être noté que<br />
la préférence doit également dépendre du véhicule utilisé,<br />
et les directives listent donc les composés les plus<br />
appropriés à ajouter aux différents véhicules: farines de<br />
céréales, aliments à base de céréales, produits laitiers,<br />
produits du cacao, condiments. Chaque composé possède<br />
aussi des avantages et des inconvénients spécifiques qui<br />
doivent être évalués individuellement.<br />
Le fer électrolytique est la seule poudre de fer élémentaire<br />
recomm<strong>and</strong>ée. Le fer atomisé et les poudres de fer<br />
réduites au dioxyde de carbone ne sont pas recomm<strong>and</strong>és<br />
notamment en raison de leur VBR basse. Le fer réduit à<br />
l’hydrogène et les poudres de fer carbonylique pourraient<br />
être recomm<strong>and</strong>és lorsqu’ils seront mieux documentés.<br />
Par ailleurs, le NaFeEDTA (fer EDTA) n’est pas recomm<strong>and</strong>é<br />
pour la fortification des aliments de complément<br />
car il existe trop peu d’études chez les jeunes enfants, le<br />
comité d’experts commun FAO/OMS sur les additifs alimentaires<br />
a donc posé des limites le concernant dans ses<br />
recomm<strong>and</strong>ations.<br />
Quelle est l’importance de la<br />
biodisponibilité relative (VBR)<br />
La VBR est importante pour classer les différents composés<br />
de fer par rapport au sulfate ferreux dont la VBR<br />
est fixée à 100. Ce classement se base sur la capacité du<br />
composé ferrique à intégrer l’hémoglobine chez les rats<br />
anémiques ou, plus récemment, sur l’évaluation de l’absorption<br />
du fer chez l’homme par des techniques isotopiques.<br />
Ainsi, quatre catégories de composés ferriques ont<br />
été développées. Chaque catégorie et chaque composé<br />
présente des avantages et des inconvénients qui doivent<br />
être considérés individuellement, en se basant spécifiquement<br />
sur le véhicule sélectionné pour la fortification.<br />
Les caractéristiques des composés peuvent également<br />
varier selon la méthode de fabrication, et leur VBR peut<br />
être influencée par le véhicule alimentaire et le statut en<br />
fer du sujet, ce qui amène parfois de façon inattendue à<br />
des VBR particulièrement basses.<br />
• Catégorie 1: facilement soluble dans l'eau et avec une<br />
VBR proche de 100 chez les adultes. Malheureusement,<br />
les composés de cette catégorie ont tendance à<br />
causer des changements de couleur et de saveur inacceptables.<br />
Ils incluent le sulfate ferreux, le gluconate<br />
ferreux, le lactate ferreux et le citrate ferrique d’ammonium.<br />
• Catégorie 2: faiblement soluble dans l'eau mais facile<br />
à dissoudre dans l'acide dilué des sucs gastriques, il a<br />
donc une VBR de 100. Ces composés causent moins<br />
de modifications organoleptiques du fait de leur faible<br />
solubilité dans l’eau. Cette catégorie inclut le<br />
fumarate ferreux et le succinate ferreux.<br />
• Catégorie 3: insoluble dans l'eau et faiblement soluble<br />
dans l’acide dilué, causant donc peu de modifications<br />
sensorielles, mais ayant une VBR inférieure et<br />
plus variable. Cette catégorie inclut le pyrophosphate<br />
ferrique, le pyrophosphate ferrique micronisé dispersible<br />
(MDFP), l’orthophosphate ferrique et les composés<br />
de fer élémentaire.<br />
• Catégorie 4: l'avantage de ces composés réside dans
22<br />
8 · Interactions avec le cuivre et le zinc<br />
le fait, qu’en présence d'acide phytique, ils ont une<br />
VBR 2 à 3 fois supérieure à celle du sulfate ferreux.<br />
Ils sont cependant plus enclins à provoquer des modifications<br />
sensorielles que les composés des catégories<br />
2 ou 3. Cette catégorie inclut les chélates d'acides<br />
aminés et le NaFeEDTA.<br />
Comment peut-on augmenter la biodisponibilité<br />
du fer utilisé pour la fortification<br />
Il y a cinq voies majeures pour améliorer la biodisponibilité<br />
du fer à ajouter aux aliments:<br />
1. L'acide ascorbique est le composé le plus communément<br />
ajouté pour l'amélioration de l'absorption du fer,<br />
mais il est sujet à des pertes en cas de traitement et de<br />
stockage. L’acide ascorbique agit de manière dose<br />
dépendante et la recomm<strong>and</strong>ation générale est un rapport<br />
molaire acide ascorbique sur fer de 2:1 pour les<br />
produits à faible teneur en phytates et de 4:1 pour les<br />
produits riches en phytates.<br />
2. L'acide érythorbique est un stéréoisomère de l'acide<br />
ascorbique qui semble avoir un effet encore meilleur,<br />
mais il est plus sensible à l’oxydation ce qui peut<br />
limiter son utilité.<br />
3. Les acides organiques, bien qu'ils augmentent l'absorption<br />
du fer, ne représentent pas une option (à l'exception<br />
possible des jus de fruits), car les gr<strong>and</strong>es<br />
quantités requises pour cet effet provoquent des<br />
modifications de saveur inacceptables dans la plupart<br />
des véhicules.<br />
4. Les complexes EDTA, Na 2 EDTA et CaNa 2 EDTA<br />
sont des additifs alimentaires acceptés qui pourraient<br />
être utilisés pour augmenter l’absorption du fer des<br />
composés hydrosolubles.<br />
5. La dégradation de l’acide phytique (un inhibiteur fort<br />
de l'absorption du fer), par l'addition de phytases exogènes<br />
ou par l'activation de phytases natives dans les<br />
grains de céréales en milieu aqueux et en conditions<br />
de pH et de température contrôlées, peut constituer<br />
une technique appropriée pour les aliments de complément<br />
à faible coût à base de céréales et de légumineuses.<br />
Quels niveaux de fortification recomm<strong>and</strong>e-t-on<br />
Lorsque l’on définit des niveaux de fortification, la clé<br />
réside dans la connaissance de la composition de l'alimentation<br />
habituelle, afin d’estimer la biodisponibilité<br />
du fer à 5, 10 ou 15 %, et de posséder une information<br />
détaillée sur les apports alimentaires en fer dans la population<br />
ciblée. Le but ultime est de calculer la quantité de<br />
nutriment supplémentaire requis au quotidien, afin que<br />
seulement 2,5 % de la population ciblée ait un apport<br />
inférieur au besoin moyen estimé (BME). Qu<strong>and</strong> de<br />
hauts niveaux de fortification sont exigés pour atteindre<br />
l’objectif visé, il faut également prendre soin de s’assurer<br />
que les autres groupes de population ne dépassent pas les<br />
limites supérieures.<br />
A noter que la méthode servant à déterminer le BME ne<br />
devrait pas être utilisée pour estimer la prévalence d’apports<br />
en fer inadéquats, puisque les apports en fer de certains<br />
sous-groupes de population (p.ex. les femmes<br />
réglées et les enfants) ne sont pas distribués normalement.<br />
Dans ces groupes de population, il est recomm<strong>and</strong>é<br />
d’utiliser l'approche complète fondée sur les probabilités<br />
(full probability approach) afin de définir le niveau de<br />
fortification. L’OMS fournit des tables de probabilité<br />
pour cela.<br />
Quel est le message clé<br />
Techniquement, nous savons maintenant comment concevoir<br />
une alimentation efficacement fortifiée en fer.<br />
Cette connaissance est disponible dans les directives de<br />
l’OMS. Lorsque l’on conçoit un aliment fortifié en fer, le<br />
fabricant de l’aliment doit choisir le composé de fer présentant<br />
la plus haute VBR, ne causant aucun changement<br />
sensoriel ou seulement des changements limités dans l’aliment,<br />
et qui soit rentable. En parallèle, le niveau de fortification<br />
devrait être basé sur les besoins et les habitudes<br />
alimentaires du consommateur. Les infections rép<strong>and</strong>ues<br />
et les déficiences concomitantes en d'autres micronutriments<br />
peuvent entraver son efficacité. Par ailleurs, il ne<br />
doit pas être oublié qu'une fabrication, un système de distribution,<br />
un contrôle qualité et des procédures de suivi<br />
efficaces, ainsi que des mesures de santé interactives et<br />
un bon marketing social, doivent également être mis en<br />
place pour que l’intervention soit un succès.<br />
8<br />
INTERACTIONS AVEC LE CUIVRE ET LE<br />
ZINC DANS L’ANEMIE: UNE PERSPECTIVE<br />
DE SANTE PUBLIQUE<br />
Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Le cuivre et le zinc sont des nutriments essentiels et des<br />
carences en ces deux minéraux conduisent à <strong>l'anémie</strong>.<br />
Les études expérimentales ont montré un effet inhibiteur<br />
du zinc sur l’absorption du fer et il a été proposé que ces<br />
deux micronutriments rivalisent pour une voie d’absorp-
8 · Interactions avec le cuivre et le zinc 23<br />
tion commune, toutefois les mécanismes exacts impliqués<br />
dans cette interaction au niveau de l'absorption ne<br />
sont pas encore totalement compris. Il a également été<br />
démontré que de fortes doses de zinc inhibent l'absorption<br />
du cuivre et peuvent produire un déficit en ce dernier<br />
élément, ce qui pourrait indirectement affecter le statut<br />
en fer et mener à l’anémie. Le zinc et le cuivre ont une<br />
interaction antagoniste au sein de l'érythrocyte. La pertinence<br />
de ces interactions en terme de santé publique a été<br />
considérée comme limitée dans le passé, mais des études<br />
récentes montrent qu’une supplémentation combinant fer<br />
et zinc est moins efficace qu’une simple supplémentation<br />
en fer seul pour réduire la prévalence de <strong>l'anémie</strong> et améliorer<br />
le statut en fer. A noter que certaines études n'ont<br />
pas confirmé cet effet potentiellement nuisible du zinc, et<br />
que trois études, portant sur des sujets vraisemblablement<br />
déficients en fer et en zinc, ont démontré une augmentation<br />
plus importante de l'hémoglobine après une<br />
supplémentation combinée en ces deux minéraux qu'avec<br />
une supplémentation en fer ou en zinc seul.<br />
Dans les pays en développement, la carence en fer coexiste<br />
avec des déficiences en d’autres micronutriments<br />
et avec les infections, et les récentes recherches montrent<br />
que les carences en cuivre et en zinc pourraient constituer<br />
un facteur contribuant à augmenter la fréquence des<br />
infections. De plus, les infections aiguës sont une cause<br />
reconnue d'anémie légère à modérée. La résistance aux<br />
infections se détermine par une fonction immunitaire<br />
saine, et le cuivre et le zinc sont tous deux nécessaires<br />
au bon fonctionnement du système immunitaire. En plus<br />
des altérations du système immunitaire, la déficience en<br />
zinc peut contribuer à une sensibilité accrue aux pathogènes<br />
et plusieurs études ont montré une incidence plus<br />
élevée de diarrhées et d’infections aiguës des voies<br />
respiratoires inférieures dans les cas de carence en zinc.<br />
Il a également été prouvé que la supplémentation en<br />
zinc pouvait réduire l’incidence du paludisme. Cependant,<br />
un effet immunosuppresseur a été observé à des<br />
doses très élevées de supplémentation en zinc, mais cela<br />
peut être en partie expliqué par une déficience secondaire<br />
en cuivre induite par un excès de zinc. La neutropénie<br />
est une manifestation clinique fréquente d’une carence<br />
en cuivre, ce qui pourrait être le lien entre une<br />
fréquence accrue d'infections sévères des voies respiratoires<br />
inférieures décrites chez les enfants déficients en<br />
cuivre.<br />
La modification des marqueurs du statut en fer concorde<br />
avec la sévérité du processus infectieux. Cette connaissance<br />
a conduit à l’utilisation du dosage du récepteur à la<br />
transferrine sérique pour aider à l'interprétation du statut<br />
en fer dans les populations présentant une forte proportion<br />
d'infections.<br />
Quel est l'essentiel du métabolisme du cuivre<br />
Le cuivre est un oligoélément essentiel, principalement<br />
absorbé au niveau du duodénum par un mécanisme qui<br />
n’est pas encore complètement compris, mais la forme<br />
chimique du cuivre dans la lumière de l’intestin affecte<br />
gr<strong>and</strong>ement son absorption. L'absorption apparente varie<br />
de 15 à 80 % (habituellement entre 40 et 60 %) et est<br />
déterminée par l’hôte et par des facteurs liés à l’alimentation<br />
(apports et statut nutritionnel), dont certains restent<br />
à définir. Lorsque sa solubilité augmente, le cuivre est<br />
absorbé plus efficacement, et il semble que les protéines<br />
animales, le lait humain et l’histidine rehaussent son<br />
absorption, t<strong>and</strong>is que le lait de vache, le zinc, l’acide<br />
ascorbique et les phytates la diminuent.<br />
La carence en cuivre est habituellement la conséquence<br />
de faibles réserves à la naissance, d’apports en cuivre alimentaire<br />
inadéquats, d’une absorption faible et de<br />
besoins accrus induits par une croissance rapide ou des<br />
pertes en cuivre augmentées, et résulte souvent de facteurs<br />
multiples. La carence en cuivre acquise est un<br />
syndrome clinique se manifestant principalement chez<br />
les enfants, et plus fréquemment chez les enfants prématurés<br />
(surtout ceux de très faible poids de naissance) et<br />
ceux recevant exclusivement une alimentation à base de<br />
lait de vache, et devrait être soupçonné chez les enfants<br />
sujets à des épisodes diarrhéiques prolongés ou récurrents.<br />
Il semblerait que la cause la plus commune de<br />
déficience clinique manifeste soit une réserve en cuivre<br />
insuffisante pendant la récupération <strong>nutritionnelle</strong> chez<br />
les enfants malnutris. De forts apports oraux en zinc et en<br />
fer réduisent l’absorption du cuivre et pourraient prédisposer<br />
à une carence. Les manifestations cliniques courantes<br />
sont l’anémie (92 %), la neutropénie (84 %) et des<br />
malformations osseuses. Les changements hématologiques<br />
sont attribués à plusieurs mécanismes et sont complètement<br />
annulés par une supplémentation en cuivre,<br />
mais restent insensibles à une thérapie basée uniquement<br />
sur le fer.<br />
Le manque de cuivre alimentaire et des imperfections<br />
génétiques touchant au métabolisme du cuivre ont des<br />
effets significatifs sur le métabolisme du fer et la résistance<br />
des globules rouges au stress oxydatif, ce qui peut<br />
contribuer au poids de <strong>l'anémie</strong>. De plus, le cuivre est<br />
également associé à des altérations des défenses de l’hôte<br />
ce qui pourrait augmenter le risque d’anémie consécutive<br />
à une infection. Le manque de cuivre pourrait être intégré<br />
au diagnostic différentiel de l’anémie non réceptive à la
24<br />
9 · Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: Les vitamines du groupe B<br />
supplémentation en fer. L’excès de cuivre peut également<br />
contribuer à l’anémie en induisant l’hémolyse.<br />
Quel est l'essentiel du métabolisme du zinc<br />
Le zinc est présent en gr<strong>and</strong>e quantité dans les cellules,<br />
ce qui rend difficile l’étude des mécanismes dépendants<br />
du zinc pour déterminer sa fonction physiologique.<br />
Néanmoins, il est clair que le zinc joue un rôle central<br />
dans la croissance, la différenciation et le métabolisme<br />
cellulaires. Le résultat de la grossesse, la croissance et le<br />
développement du fœtus, la croissance verticale, la sensibilité<br />
aux infections et le développement neurocomportemental<br />
sont autant de fonctions cruciales affectées par le<br />
statut en zinc. Le zinc est absorbé au niveau de l’intestin<br />
grêle: une absorption affectée par la forme chimique du<br />
zinc et la présence d’inhibiteurs et d’activateurs, et qui<br />
s’adapte aux besoins physiologiques. La teneur corporelle<br />
totale en zinc se situe entre 1,5 et 2,5 g et est déterminée<br />
par les apports alimentaires, le statut nutritionnel en<br />
zinc et la biodisponibilité du zinc dans l’alimentation.<br />
Les principales causes de déficience en zinc sont de faibles<br />
apports, des besoins accrus, une malabsorption, des<br />
pertes augmentées et une utilisation altérée. Les premières<br />
descriptions de sujets sévèrement carencés en zinc<br />
comprenaient l’anémie, mais ceci pourrait venir d’une<br />
déficience en fer associée ou de l’effet particulier du zinc<br />
sur la maturation des globules rouges. Le mécanisme<br />
d’érythropoïèse altérée n’est pas encore pleinement compris.<br />
La carence en zinc peut contribuer au poids de l’anémie<br />
en altérant l’érythropoïèse et en réduisant la résistance<br />
des globules rouges au stress oxydatif, affaiblissant les<br />
défenses de l’hôte. De plus, de fortes doses de supplémentation<br />
en zinc interfèrent avec les absorptions du cuivre<br />
et du fer, et peut également nuire à la mobilisation du<br />
fer et aux réponses immunitaires.<br />
Quel est le message clé<br />
Bien que la pertinence potentielle des interactions entre<br />
le zinc, le cuivre et le fer en terme de santé publique reste<br />
indéterminée, ces minéraux ont un impact très probable<br />
sur le poids de <strong>l'anémie</strong>, directement et indirectement via<br />
l’infection, et ne doivent pas être ignorés dans le cadre<br />
des interventions <strong>nutritionnelle</strong>s de lutte contre <strong>l'anémie</strong>.<br />
9<br />
ANEMIE NUTRITIONNELLE:<br />
LES VITAMINES DU GROUPE B<br />
John M. Scott<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Bien que <strong>l'anémie</strong> dans les pays en développement soit<br />
majoritairement due à la déficience en fer, une partie<br />
pourrait être attribuable à un manque de vitamines du<br />
groupe B, en particulier en vitamine B 9 (folates) et en<br />
vitamine B 12 . Cette anémie est macrocytaire, mais avec<br />
présence, dans la moelle osseuse, de précurseurs anormaux<br />
des globules rouges, appelés mégaloblastes. La<br />
présence concomitante d’une déficience en fer conduit à<br />
une anémie souvent normocytaire. Cela peut entraîner<br />
des problèmes de diagnostic et, par conséquent, ce qui est<br />
attribué à une pure déficience en fer peut fréquemment se<br />
révéler partiellement dû à une carence en folates ou en<br />
vitamine B 12 , et la véritable prévalence de ces carences<br />
en vitamines B est donc difficile à établir.<br />
Certains nutriments ne présentent pas de risque de<br />
carence en raison de leur niveau adéquat dans la plupart<br />
des régimes. D'autres, en revanche, présentent des risques<br />
particuliers pour certains individus et sous certaines<br />
conditions. Pour les vitamines du groupe B, il y a un<br />
large spectre de risques entre la biotine et l’acide pantothénique<br />
rarement déficients dans l’alimentation, t<strong>and</strong>is<br />
que les carences en vitamine B 12 et en folates causent<br />
d’importantes préoccupations. Ces deux vitamines ont<br />
plusieurs répercussions clés sur la santé, notamment au<br />
cours de la grossesse, à la fois pour la mère et pour l’enfant<br />
à naître. En effet, les développements de l'embryon<br />
et du foetus peuvent être retardés par une carence en vitamine<br />
B 9 ou B 12 . Un développement cognitif altéré et des<br />
mortalités et morbidités augmentées à l’âge adulte sont<br />
également des causes d’inquiétude, en plus des cas parfaitement<br />
prouvés de risque accru de spina bifida, défauts<br />
du tube neural (DTN) et autres défauts de naissance.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Vers la fin du 19 e siècle, il a été admis qu'une anémie<br />
macrocytaire, avec un nombre de globules rouges circulants<br />
supérieur à la normale, accompagnée de précurseurs<br />
d’hématies anormaux dans la moelle osseuse, était<br />
le résultat d’une déficience en folates ou en vitamine B 12 ,<br />
et que ces deux déficiences étaient interreliées en raison<br />
de leur interdépendance biochimique. Le traitement de la<br />
carence en folates, avec des folates alimentaires ou plus
9 · Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: Les vitamines du groupe B 25<br />
communément via une forme d’acide folique de<br />
synthèse, et le traitement de la carence en vitamine B 12 ,<br />
avec de la vitamine B 12 , produisent habituellement une<br />
totale rémission de <strong>l'anémie</strong>. Cependant, dans le cas<br />
d’une carence en vitamine B 12 ayant déjà conduit à une<br />
neuropathie avancée, il pourra demeurer des dommages<br />
résiduels. Généralement, la carence en vitamine B 12<br />
résulte soit d'une déficience alimentaire directe (courante<br />
chez les végétaliens), soit d’une malabsorption due à une<br />
absence d’acide gastrique ou à un facteur intrinsèque<br />
nécessaire à l’absorption. La déficience <strong>nutritionnelle</strong><br />
peut être traitée soit par fortification, soit par supplémentation,<br />
comme peut l’être une atrophie gastrique. La<br />
malabsorption due à un manque de facteur intrinsèque<br />
exige un traitement parentéral.<br />
Il y a une inquiétude majeure concernant le fait qu’une<br />
déficience en vitamine B 12 puisse être malencontreusement<br />
prise pour une déficience en folates et donc être<br />
traitée avec de l'acide folique. En effet, cela résulterait en<br />
une biosynthèse d’ADN normalisée donnant l'impression<br />
que <strong>l'anémie</strong> a été traitée avec succès. Cependant, cela ne<br />
traiterait pas la neuropathie qui nécessite un apport en<br />
vitamine B 12 ; de fait, la neuropathie progresserait vers un<br />
stade plus avancé et irréversible. Le fait de masquer une<br />
déficience en vitamine B 12 par une supplémentation en<br />
acide folique est un phénomène dose-dépendant, supposé<br />
ne pas se produire pour des apports inférieurs à 1000 µg<br />
(ou 1,0 mg) d'acide folique par jour.<br />
Dans les pays en développement, la prévalence d'anémie<br />
mégaloblastique pourrait être sous-diagnostiquée en raison<br />
de la prévalence concomitante très fréquente de la<br />
carence en fer.<br />
Que savons-nous au sujet des folates<br />
Les folates, composés dérivés de l’acide folique, sont<br />
instables, incomplètement biodisponibles et ne se trouvent<br />
pas en gr<strong>and</strong>e densité dans les aliments, exception<br />
faite du foie, mais qui n’occupe pas une gr<strong>and</strong>e place<br />
dans la plupart des régimes alimentaires. Les meilleures<br />
sources de folates sont les légumes, mais dans les pays en<br />
développement, des apports alimentaires insuffisants<br />
sont courants, d’où une forte prévalence de carence en<br />
folates. De plus, il y a une forte augmentation des besoins<br />
en cette vitamine au cours de la grossesse et de l’allaitement.<br />
Aggravant encore davantage le problème: un polymorphisme<br />
touchant une des enzymes dépendantes de la<br />
vitamine B 9 a été récemment découvert. Or, ce polymorphisme,<br />
très rép<strong>and</strong>u dans certaines populations, augmente<br />
les besoins en folates jusqu’à 30 %; ce qui veut<br />
dire que la carence en folates, à la fois dans les pays<br />
développés et en développement, est courante et doit être<br />
particulièrement prise en considération avant et pendant<br />
la grossesse. Par conséquent, la supplémentation en acide<br />
folique avant, pendant et après la grossesse est maintenant<br />
reconnue comme essentielle indépendamment du<br />
statut nutritionnel de la femme. Il y a quelques inquiétudes<br />
concernant le fait que de hauts niveaux de supplémentation<br />
en acide folique puissent accélérer la croissance<br />
de tumeurs existantes, citées le plus fréquemment<br />
au sujet du cancer colorectal, mais cela pourrait également<br />
être le cas pour d'autres cancers. Les experts recomm<strong>and</strong>ent<br />
que des recherches complémentaires soient<br />
menées, mais estiment que les preuves sont actuellement<br />
insuffisantes pour justifier un arrêt de la fortification en<br />
acide folique. Celle-ci est obligatoire dans plus de 40<br />
pays et envisagée par beaucoup d'autres, principalement<br />
sous l’impulsion des politiques de santé publique afin de<br />
prévenir les DTN.<br />
Que savons-nous au sujet de la vitamine B 12 <br />
La vitamine B 12 entre dans la chaîne alimentaire de<br />
l’homme exclusivement au travers des sources animales<br />
via la vi<strong>and</strong>e, le lait, les produits laitiers et les oeufs. Sa<br />
synthèse est totalement absente chez les végétaux de tout<br />
genre, elle ne se retrouve donc dans de tels aliments<br />
qu’en cas de contamination bactérienne ou de fermentation,<br />
puisque les enzymes nécessaires à sa synthèse sont<br />
uniquement présentes dans les bactéries et quelques<br />
algues. Pour ces raisons, les végétariens, et plus particulièrement<br />
les végétaliens, sont à haut risque d’apports alimentaires<br />
insuffisants. Dans beaucoup de pays en développement,<br />
les personnes ayant de faibles apports en<br />
aliments d’origine animale, en raison d’un manque d'accessibilité<br />
et d’un coût élevé, présentent également un<br />
haut risque de carence en vitamine B 12 .<br />
Contrairement aux folates, dans la plupart des régimes<br />
les niveaux de vitamine B 12 dépassent l’apport journalier<br />
recomm<strong>and</strong>é (AJR) et il est donc surprenant que la<br />
carence en cette vitamine soit aussi rép<strong>and</strong>ue. Cette prévalence<br />
a été attribuée à la présence d'hypochlorhydrie<br />
due à une atrophie gastrique et à l'absence d'acide favorisant<br />
la libération de la vitamine B 12 des aliments. De<br />
telles hypochlorhydries sont censées se produire dans des<br />
proportions considérables au sein de toutes les populations,<br />
et plus spécifiquement chez les personnes âgées<br />
chez qui la prévalence peut aller jusqu’à 30 %. Il a également<br />
été suggéré que cette atrophie gastrique pourrait<br />
être plus fréquente dans certains groupes ethniques. La<br />
carence en vitamine B 12 , par suite d'une absorption altérée,<br />
peut aussi être le résultat d'une anémie pernicieuse<br />
qui constitue une maladie auto-immune spécifique rédui-
26<br />
10 · La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
sant, ou éventuellement supprimant, l'absorption active<br />
de la vitamine B 12 de l'alimentation. Sa prévalence semble<br />
varier entre 1 et 4,3 %, mais globalement elle est relativement<br />
faible comparée à celle de l’atrophie gastrique.<br />
L'effet négatif de sa malabsorption concerne la vitamine<br />
B 12 liée aux composés alimentaires et non la vitamine<br />
B 12 libre contenue dans les suppléments ou dans les aliments<br />
fortifiés. Les sujets souffrant d’anémie pernicieuse<br />
doivent recourir à l’injection pour obtenir de la vitamine<br />
B 12 .<br />
Quid des autres vitamines du groupe B<br />
Des apports extrêmement faibles en riboflavine (vitamine<br />
B 2 ), pyridoxine (vitamine B 6 ), acide nicotinique<br />
(vitamine B 1 ), thiamine et acide pantothénique peuvent<br />
provoquer des carences en nutriments classés comme<br />
essentiels; cependant, la prévention et la conséquence de<br />
carences ou de réserves insuffisantes en folates et en vitamine<br />
B 12 constituent de loin les questions de santé publique<br />
les plus importantes.<br />
Quel est le message clé<br />
Il semblerait qu’il faille accorder, dans le cadre de la lutte<br />
contre l’anémie, une attention supplémentaire au statut<br />
en folates et peut-être aussi en vitamine B 12 des individus,<br />
et notamment des femmes enceintes et allaitantes.<br />
Les résultats des essais d'intervention semblent indiquer<br />
que le fer donné quotidiennement avec d’autres micronutriments<br />
serait plus efficace pour contrer l’anémie. Il est<br />
impossible d’identifier quel composant d’une préparation<br />
multivitaminique peut, par sa nature même, entraîner<br />
une réponse; cependant la fortification avec de faibles<br />
doses d’acide folique et de vitamine B 12 offre un moyen<br />
intéressant et rentable pour réduire les DTN et supprimer<br />
l’anémie mégaloblastique dans les pays en développement.<br />
LES FAITS:<br />
• La supplémentation en acide folique avant, pendant et<br />
après la contraception, peut réduire la prévalence de<br />
spina bifida et d'autres défauts du tube neural de plus<br />
de moitié, et peut-être même jusqu’aux trois-quarts.<br />
• Le fait de masquer une déficience en vitamine B 12 par<br />
une supplémentation en acide folique est un phénomène<br />
dose-dépendant, supposé ne pas se produire<br />
pour des apports inférieurs à 1000 µg (ou 1,0 mg)<br />
d'acide folique par jour.<br />
• Le niveau maximum d’apport tolérable pour l'acide<br />
folique est fixé à 1000 µg.<br />
• La recherche au Canada montre que la fortification en<br />
folates à hauteur de 100 µg/jour entraîne 50 à 70 %<br />
de réduction de la prévalence de DTN.<br />
• La détection d’une carence en folates peut s’effectuer<br />
en dosant le taux de folates sériques ou, de préférence,<br />
le taux de folates des globules rouges, mais les<br />
niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit<br />
diagnostiquée.<br />
• La détection d’une carence en vitamine B 12 peut<br />
s’effectuer en dosant le taux de vitamine B 12 sérique<br />
ou comme recomm<strong>and</strong>é plus récemment l’holotranscobalamine,<br />
mais, comme pour les folates, les<br />
niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit<br />
diagnostiquée.<br />
• Les biomarqueurs du statut, tels que l'homocystéine<br />
sérique ou l'acide méthylmalonique, sont utiles, mais<br />
ne permettent pas d’établir une conclusion définitive,<br />
et sont en général peu disponibles.<br />
• La carence en vitamine B 12 est un problème sévère<br />
dans le sous-continent Indien, au Mexique, en Amérique<br />
centrale, en Amérique du Sud et dans certaines<br />
régions d'Afrique.<br />
• Il est rapporté que la prévalence d'anémie pernicieuse<br />
pourrait être de 1 à 4,3 %, mais l'atrophie gastrique<br />
se révèle bien plus fréquente et considérée comme<br />
courante chez les personnes âgées (jusqu’à 30 %).<br />
10<br />
LA VITAMINE A DANS<br />
L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />
Keith P. West, Jr., Alison D. Gern<strong>and</strong> et Alfred Sommer<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Au-delà du fer, <strong>l'anémie</strong> peut être causée ou aggravée par<br />
nombre de déficiences <strong>nutritionnelle</strong>s. En particulier, la<br />
carence en vitamine A peut conditionner le métabolisme<br />
du fer à plusieurs niveaux au cours de son parcours<br />
interne et dans le système réticulo-endothélial en augmentant<br />
le risque d’érythropoïèse et d’anémie par manque<br />
de fer. Bien que controversés, il existe quatre mécanismes<br />
plausibles par lesquels la vitamine A peut affecter<br />
le risque d’anémie: en influençant le stockage du fer dans<br />
les tissus et sa libération dans la circulation; en ayant un<br />
effet régulateur direct sur l’érythropoïèse; en modifiant la<br />
séquestration et la libération du fer, associées à la réponse<br />
aux infections, dans les tissus; et en exerçant un effet sur<br />
l’absorption du fer. La majorité des preuves corrobore<br />
plutôt les deux premiers mécanismes. Par conséquent, le<br />
contrôle de la carence en vitamine A, qui coexiste sou-
10 · La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> 27<br />
vent avec la déficience en fer dans les populations sousalimentées,<br />
peut être important dans la prévention de l’anémie,<br />
qu’elle soit attribuable à la malnutrition ou à l’inflammation<br />
associée à l’infection.<br />
La vitamine A possède deux fonctions de base. La première<br />
est celle d'un cofacteur dont le rôle consiste à<br />
maintenir le bon fonctionnement des cellules photoréceptrices<br />
cônes du fond de l’oeil et permettre la vision en<br />
condition de faible luminosité. Une déficience en vitamine<br />
A peut donc mener à une perte de vision nocturne.<br />
La seconde, susceptible d’expliquer les divers effets de la<br />
vitamine A sur l’hématopoïèse, implique la régulation de<br />
la transcription nucléaire et la synthèse protéique qui<br />
affectent la croissance, la différenciation, le métabolisme<br />
et la longévité cellulaires. Son rôle se révèle plus évident<br />
au sein des couches internes de l’épithélium de l'oeil qui<br />
deviennent sèches (kératinisées) du fait d’un manque de<br />
vitamine A ce qui, dans sa forme la plus sévère, mène à la<br />
xérophtalmie. Cependant, la vitamine A aide également à<br />
réguler le fonctionnement de beaucoup d'autres types<br />
cellulaires, dont ceux impliqués dans l'immunité, la<br />
croissance osseuse et la production de globules rouges.<br />
Ces nombreuses fonctions affectées par une carence en<br />
vitamine A (CVA) ont diverses conséquences sur la santé,<br />
regroupées en une catégorie de troubles (TCVA) qui<br />
incluent la xérophtalmie et la cécité qui en résulte, une<br />
sévérité accrue des infections, l’anémie, un ralentissement<br />
de la croissance et même la mortalité. En raison de<br />
son étendue et de sa sévérité, la déficience en vitamine A<br />
reste la principale cause de cécité pédiatrique et un déterminant<br />
nutritionnel majeur d'infections sévères et de<br />
mortalité chez les enfants des pays en voie de développement.<br />
De plus, la carence en vitamine A de la mère s’élève<br />
au rang des principaux problèmes de santé publique.<br />
Les degrés et les conditions sous lesquels le déficit en<br />
vitamine A peut également contribuer à l’anémie sont<br />
bien moins appréciés, ce qui ajoute de l'importance à sa<br />
prévention.<br />
La carence en vitamine A résulte d'une alimentation chroniquement<br />
pauvre en aliments riches en vitamine A préformée<br />
ou en caroténoïdes, ses composés précurseurs<br />
(notamment le β-carotène). Les aliments sources de vitamine<br />
A préformée sont le foie, l’huile du foie de morue,<br />
le lait, le fromage et les aliments fortifiés, t<strong>and</strong>is que les<br />
principales sources de caroténoïdes provitamines A sont<br />
les fruits jaunes, les tubercules oranges et jaunes, et les<br />
légumes à feuilles vert foncé.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Sur une échelle globale, d’énormes avancées ont été réalisées<br />
pour réduire le poids de la carence en vitamine A et<br />
les risques induits en termes de cécité et de mortalité chez<br />
les enfants. Il est parfaitement admis qu’une réduction<br />
concomitante du risque d'anémie constitue un bénéfice<br />
pour le contrôle de la santé publique, en dépit de preuve<br />
substantielle reliant ces deux conditions. Des études cliniques<br />
datant de la première moitié du siècle dernier, et<br />
nombre d’études observationnelles dans les pays en<br />
développement datant du milieu du 20e siècle, indiquent<br />
une corrélation positive logique s’étalant de 0,2 à 0,9<br />
entre rétinol sérique et concentration sanguine en hémoglobine.<br />
Au cours d’une étude dans les années 1970, huit<br />
hommes privés de vitamine A sur une période de plusieurs<br />
mois ont développé une anémie ne répondant pas<br />
au fer mais réactive à une réplétion en vitamine A, suggérant<br />
que la vitamine A serait nécessaire à l’obtention<br />
d’une bonne réponse hématologique au fer. Des études<br />
postérieures chez des enfants et des femmes anémiques<br />
ont révélé de piètres réponses de l'hémoglobine au fer<br />
dans le cas d’un statut limite ou déficient en vitamine A,<br />
et des réponses de l'hémoglobine notablement améliorées<br />
avec de la vitamine A seule ou associée au fer. La supplémentation<br />
en vitamine A semble stimuler le métabolisme<br />
du fer par des voies susceptibles d’améliorer la<br />
production ou la survie des globules rouges. Cette approche<br />
semble également capable d'exercer des effets positifs<br />
sur les taux d'hémoglobine et réduire le risque d'anémie<br />
dans les populations déficientes en vitamine A. En<br />
présence d'infections, telles que les infections à ankylostomes,<br />
le paludisme, la tuberculose ou le VIH, chacune<br />
étant susceptible d’affecter le métabolisme de la vitamine<br />
A et du fer provoquant par là des effets hématologiques<br />
inconnus, la vitamine A peut s’avérer moins efficace dans<br />
le contrôle de l’anémie. Aussi, le léger effet de cette vitamine<br />
sur l’hématopoïèse peut être perceptible dans les<br />
populations <strong>nutritionnelle</strong>ment équilibrées.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
La carence en vitamine A continue à représenter un problème<br />
nutritionnel majeur dans le monde en développement,<br />
affectant la vision, la résistance aux infections, la<br />
croissance et la survie. Elle est de plus en plus reconnue<br />
comme une cause contribuant à <strong>l'anémie</strong>. Les interventions<br />
visant à réduire l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> chez les<br />
femmes et les enfants devraient considérer la prévention<br />
des autres déficiences alimentaires pouvant accroître les<br />
effets de la prophylaxie du fer, tels que ceux de la vitamine<br />
A. La reconnaissance de ce lien pourrait stimuler la<br />
co-évaluation des statuts en fer et en vitamine A lors de<br />
l’examen de l’anémie dans les populations à haut risque.<br />
Les chercheurs devraient continuer à élucider les interactions<br />
entre la vitamine A et le fer. T<strong>and</strong>is que l’on peut
28<br />
11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie<br />
supposer réduire le risque d’infection sévère grâce à la<br />
vitamine A, son effet dans la réduction des anémies d'infection<br />
exige encore des travaux, puisque son influence<br />
sur le métabolisme du fer peut être brouillé par le type et<br />
la sévérité des infections, chez les individus malades ou<br />
au sein d’une population. La recherche continuant son<br />
cours, grâce aux interventions basées sur la vitamine A,<br />
les professionnels de terrain peuvent globalement s'attendre<br />
à une hausse du statut hématologique des populations<br />
carencées et anémiques. Néanmoins, il doit être gardé à<br />
l'esprit qu’il ne faut attendre de la vitamine A qu’elle ait<br />
un effet majeur sur l’anémie du fait des déficiences directes<br />
en fer, des infections par les nématodes, du paludisme,<br />
et des autres causes d’inflammation chronique<br />
modérée à sévère.<br />
Quel est le message clé<br />
La supplémentation en vitamine A, seule ou en combinaison<br />
avec du fer, est susceptible de réduire le poids de<br />
<strong>l'anémie</strong> dans les régions où la carence en vitamine A<br />
constitue un problème de santé publique. Cette supplémentation<br />
a prouvé son efficacité à doses fortes, à un<br />
rythme occasionnel, hebdomadaire ou quotidien, et via<br />
l’alimentation en consommant des aliments fortifiés en<br />
vitamine A. Les effets sont plus clairs en l’absence de<br />
maladie infectieuse et dans les populations <strong>nutritionnelle</strong>ment<br />
déficientes.<br />
LES FAITS:<br />
• La carence en vitamine A est la principale cause de<br />
cécité pédiatrique et représente un déterminant nutritionnel<br />
majeur d’infection sévère et de mortalité chez<br />
les enfants des pays en voie de développement.<br />
• On estime que 125 à 130 millions d’enfants d’âge<br />
préscolaire sont déficients en vitamine A et que 20<br />
millions de femmes enceintes ont un statut en vitamine<br />
A limité ou déficient.<br />
• Les troubles de la carence en vitamine A incluent la<br />
xérophtalmie, une sévérité accrue des infections, une<br />
faible croissance, l’anémie et une augmentation de la<br />
mortalité.<br />
• La vitamine A affecte les niveaux d'hémoglobine car<br />
elle est impliquée dans le métabolisme du fer et la<br />
production des globules rouges.<br />
• La carence en vitamine A contribue à l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>,<br />
probablement en restreignant l'utilisation<br />
du fer pour la fabrication de l'hémoglobine.<br />
• La supplémentation en vitamine A peut réduire le risque<br />
d’anémie légère à modérée dans les populations<br />
déficientes en vitamine A et anémiques.<br />
• Les avantages hématopoïétiques de la vitamine A ont<br />
plus de chances d’être constatés lorsque <strong>l'anémie</strong> n'est<br />
pas due à des maladies infectieuses sévères telles que<br />
les infections à ankylostomes, le paludisme, le VIH et<br />
la tuberculose.<br />
11<br />
LA PLACE DU STRESS OXYDATIF ET DE LA<br />
VITAMINE E DANS L’ANEMIE<br />
Maret Traber et Afaf Kamal-Eldin<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
L'anémie peut être la conséquence d'un ensemble de déficiences<br />
<strong>nutritionnelle</strong>s, de troubles héréditaires et/ou<br />
d'infections ou d’expositions à certaines toxines et à des<br />
médicaments. L'anémie peut conduire à divers problèmes<br />
de santé, puisque l'oxygène requis par l’organisme<br />
est transporté par les globules rouges, et que le stress<br />
oxydatif, combinaison d’une surproduction d'espèces<br />
réactives de l'oxygène et d’un potentiel antioxydant<br />
altéré, peut être généré par le fer libéré des globules rouges<br />
endommagés. Le stress oxydatif est associé à l’anémie.<br />
De plus, l'érythrocyte constitue un site majeur de<br />
localisation des défenses antioxydantes dans le sang, car<br />
il contient les antioxydants intracellulaires enzymatiques.<br />
Les antioxydants de faibles poids moléculaires, en<br />
particulier les vitamines C et E, fournissent une protection<br />
supplémentaire significative.<br />
Qu'est-ce que le stress oxydatif<br />
Le stress oxydatif représente un déséquilibre entre, d’une<br />
part, la production de radicaux libres et d’espèces réactives<br />
de l'oxygène et, d’autre part, la protection par les<br />
enzymes antioxydantes et les antioxydants de faibles<br />
poids moléculaires. Un radical libre est une espèce chimique<br />
contenant un ou plusieurs électrons non-couplés,<br />
capables d'exister de manière indépendante. Une espèce<br />
possédant un électron non-couplé a tendance à réagir très<br />
rapidement avec d'autres molécules, et donc à causer<br />
des altérations radicalaires. Les radicaux libres peuvent<br />
endommager littéralement toutes les molécules y compris<br />
les protéines, l’ADN, les glucides et les lipides. La<br />
peroxydation des lipides est particulièrement dangereuse,<br />
car il s’agit d’une chaîne de réactions produisant<br />
des radicaux.<br />
Qu’est-ce que la vitamine E et<br />
comment fonctionne-t-elle<br />
Le terme de vitamine E fait référence au groupe de huit
11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie 29<br />
composés phytochimiques manifestant l'activité antioxydante<br />
de l’α-tocophérol, mais seul ce dernier permet de<br />
couvrir les besoins humains en cette vitamine. La vitamine<br />
E, notamment l’α-tocophérol aux propriétés liposolubles<br />
et anti-oxygènes, est un puissant désactivateur de<br />
radicaux peroxyl. Elle stoppe la peroxydation lipidique.<br />
Chez les êtres humains, la déficience en vitamine E se<br />
produit par suite d’une malabsorption des lipides, car<br />
l'absorption de la vitamine E est, non seulement, dépendante<br />
de l’apport en graisse de l’alimentation, mais<br />
également, des mécanismes d’absorption des lipides.<br />
Contrairement à d'autres vitamines liposolubles possédant<br />
des protéines de transport plasmatiques spécifiques,<br />
les diverses formes de vitamine E sont transportées dans<br />
le plasma de manière non spécifique par les lipoprotéines.<br />
Il y a plusieurs moyens par lesquels les tissus<br />
peuvent obtenir de la vitamine E; néanmoins, les mécanismes<br />
de libération de l’α-tocophérol des tissus sont<br />
inconnus. De plus, aucun organe n'est réputé fonctionner<br />
comme un organe de stockage pour l’α-tocophérol. Contrairement<br />
à d’autres vitamines liposolubles, la vitamine<br />
E ne s’accumule pas dans le foie à des niveaux toxiques,<br />
ce qui suggère que son excrétion et son métabolisme sont<br />
importants pour prévenir des effets délétères. La carence<br />
en vitamine E se produit du fait de caractères génétiques<br />
anormaux touchant à l’α-tocophérol (résultant en un<br />
syndrome nommé AVED ou Ataxie avec déficit isolé en<br />
vitamine E) et par suite de divers syndromes de malabsorption<br />
des graisses. Le principal symptôme de déficience<br />
est une neuropathie périphérique, mais <strong>l'anémie</strong><br />
représente également une conséquence de niveaux en<br />
vitamine E inadéquats. A la fois l’anémie et la neuropathie<br />
périphérique semblent se produire suite à des dégradations<br />
radicalaires du fait d’un manque d’α-tocophérol.<br />
Quel est le rôle de la vitamine E<br />
chez le sujet malnutri<br />
Le statut en vitamine E peut être mis à mal au cours de<br />
l’anémie par suite d’un stress oxydatif accru causé par<br />
l’hémolyse des érythrocytes. En dépit d’une gr<strong>and</strong>e<br />
diversité, le stress oxydatif constitue le dénominateur<br />
commun à tous les types d'anémie.<br />
Une protéine hépatique est nécessaire au maintien de<br />
concentrations plasmatiques normales en α-tocophérol,<br />
et ce n'est donc pas surprenant que des symptômes de<br />
déficience en cette vitamine aient été rapportés chez des<br />
enfants ayant des apports alimentaires sévèrement restreints,<br />
ce qui ne limite pas seulement les apports en vitamine<br />
E, mais également ceux en protéines nécessaires à<br />
la synthèse de la protéine hépatique nécessaire au métabolisme<br />
de la vitamine. Le degré auquel la carence en<br />
vitamine E est associée au kwashiorkor et/ou au marasme<br />
n'est pas clair, car l'évaluation du statut en vitamine E chez<br />
les enfants malnutris reste difficile, et il n'est donc pas<br />
certain qu’une supplémentation en cette vitamine soit salutaire,<br />
à moins que le problème métabolique soit résolu.<br />
Dans les cas d'anémie ferriprive, non seulement il y a une<br />
production réduite en hémoglobine et en d’autres protéines<br />
contenant du fer, mais les membranes de l'érythrocyte<br />
sont également plus sensibles à l’oxydation. Les<br />
recherches ont montré que la supplémentation en fer chez<br />
des individus déficients pouvait augmenter le stress oxydatif,<br />
mais le traitement avec une combinaison de fer et<br />
de vitamines A, C et E donnait de bons résultats en terme<br />
de normalisation de ce stress.<br />
Que peut-on dire de la vitamine E dans le cadre<br />
de la thalassémie et des maladies drépanocytaires<br />
Thalassémie et maladies drépanocytaires constituent des<br />
désordres héréditaires liés à l'hémoglobine et causant l’anémie.<br />
Environ 90 millions de personnes à travers le monde<br />
portent des gènes défectueux entraînant la thalassémie. Une<br />
anémie légère à sévère, associée aux conséquences d’une<br />
thalassémie, résulte d’un stress oxydatif, et certains recomm<strong>and</strong>ent<br />
la supplémentation en vitamines C et E des personnes<br />
possédant ce profil. Le stress oxydatif se manifeste<br />
également dans la drépanocytose, une maladie inflammatoire<br />
chronique, pour laquelle la supplémentation en vitamine<br />
E peut présenter un avantage.<br />
Que peut-on dire de la vitamine E<br />
dans le cadre du paludisme<br />
Le paludisme est endémique dans beaucoup de parties<br />
du monde et les recherches montrent que l’on trouve<br />
des taux élevés de biomarqueurs du stress oxydatif dans<br />
les érythrocytes infectés par le paludisme, et que ces taux<br />
diminuent lorsque l'individu se remet. Les conclusions de<br />
nombreuses études suggèrent que des défenses antioxydantes<br />
améliorées sont utiles pour augmenter les réponses<br />
immunitaires appropriées. Cependant, de façon<br />
intéressante, la recherche met également en évidence<br />
qu'un niveau de stress oxydatif peut être important pendant<br />
le traitement du paludisme, bien qu'il contribue<br />
négativement à la santé générale en induisant peut-être<br />
une anémie résultant de la destruction des globules rouges.<br />
Ainsi, l'individu peut bénéficier d’une supplémentation<br />
postérieure en vitamine E.<br />
La vitamine E a-t-elle un rôle à jouer<br />
dans le VIH et le sida<br />
L'anémie est courante dans les cas de VIH / sida et <strong>l'anémie</strong><br />
sévère est associée à un risque accru de mortalité.
30<br />
12 · Le sélénium<br />
Une récente revue d’essais cliniques suggère qu'il n’existe<br />
actuellement aucune stratégie thérapeutique utile<br />
pour diminuer l’anémie dans le cadre d’une infection au<br />
VIH et, en dépit de résultats positifs, il y a peu d'interventions<br />
avec des antioxydants suggérant que, depuis les<br />
premières données rapportées, leur succès reste limité.<br />
Néanmoins, il a été montré que la vitamine E pouvait<br />
améliorer la réponse immunitaire de l'hôte, et il est donc<br />
raisonnable d’envisager qu’une supplémentation en vitamines<br />
C et E pourrait se révéler bénéfique pour soutenir<br />
la fonction immunitaire au cours de différentes maladies<br />
infectieuses.<br />
Quel est le message clé<br />
De nombreux types d'anémie sont associés à un statut faible<br />
en vitamine E. T<strong>and</strong>is que la déficience peut être causée<br />
par de mauvais apports alimentaires, les anémies<br />
pourraient également résulter d’un transport altéré de la<br />
vitamine E vers les tissus ou d’une augmentation du<br />
stress oxydatif. Cela met en exergue le besoin crucial,<br />
non seulement de supplémentation en vitamine E, mais<br />
également de soutien alimentaire adéquat tenant compte<br />
de tous les nutriments.<br />
LES FAITS:<br />
• Le terme de vitamine E fait référence au groupe de<br />
huit composés phytochimiques venant de l'alimentation<br />
et manifestant l'activité antioxydante de l’α-tocophérol,<br />
mais seul l’α-tocophérol lui-même permet de<br />
couvrir les besoins humains en vitamine E.<br />
• Le Food <strong>and</strong> Nutrition Board des Etats-Unis a défini<br />
la limite inférieure de l’α-tocophérol plasmatique à<br />
12 µmol/L chez les adultes sains et normaux.<br />
• Il a été montré que les enfants ayant un taux d’α-tocophérol<br />
plasmatique de 8 µmol/L en raison d’une malnutrition<br />
présentaient des malformations neurologiques<br />
sensibles à la vitamine E.<br />
• Environ 90 millions de personnes à travers le monde<br />
portent des gènes défectueux conduisant à la thalassémie.<br />
• Le paludisme explique environ 2,7 millions de morts<br />
par an et il y a environ 500 millions d’épisodes rapportés<br />
chaque année.<br />
12<br />
LE SELENIUM<br />
Richard Semba<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
L'anémie est courante chez les sujets âgés et la prévalence<br />
de l’anémie augmente avec l’âge s’associant à de<br />
nombreux effets délétères. Environ un tiers des anémies<br />
se manifestant dans les populations à haut risque ne<br />
trouve pas d’explication, et la déficience en sélénium<br />
pourrait potentiellement en expliquer une partie. Le rapport<br />
entre le statut en sélénium et <strong>l'anémie</strong> n'est pas<br />
encore bien caractérisé chez les êtres humains. La déficience<br />
en sélénium devrait être considérée comme une<br />
cause possible d'anémie qui exige de plus amples investigations<br />
pour une confirmation.<br />
Le sélénium est un oligo-élément essentiel et un constituant<br />
normal de l'alimentation. L’apport alimentaire varie<br />
gr<strong>and</strong>ement à travers le monde car les niveaux de sélénium<br />
naturels dans les aliments reflètent les concentrations<br />
du sol. Les sources alimentaires les plus riches en<br />
sélénium sont les abats et les fruits de mer. Dans les tissus<br />
humains, il est principalement présent sous forme de<br />
deux acides aminés en contenant. Ses fonctions biochimiques<br />
sont liées à son rôle dans les sélénoprotéines, et<br />
plusieurs de celles-ci sont des enzymes antioxydantes.<br />
L'absorption du sélénium n'est pas régulée et seulement<br />
50−100 % du sélénium alimentaire est absorbé. En général,<br />
des apports insuffisants n'ont pas de répercussions<br />
cliniques évidentes, bien que des niveaux faibles aient été<br />
associés à une sensibilité accrue au stress oxydatif et à un<br />
plus haut risque de cancer et même de maladies coronariennes.<br />
Le besoin en sélénium pour la prévention des<br />
maladies chroniques n'a toutefois pas encore été définitivement<br />
déterminé.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
La recherche a montré que de faibles niveaux de sélénium<br />
sériques semblaient être indépendamment associés à l’anémie<br />
chez les sujets âgés (> 65 ans). De plus, une forte corrélation<br />
entre de faibles concentrations plasmatiques en sélénium<br />
et en hémoglobine a également été observée dans des<br />
études sur le même type de population. Néanmoins, la<br />
direction de l'association n'est pas claire, mais pourrait<br />
potentiellement être liée au rôle du sélénium dans le maintien<br />
d'une concentration optimale en glutathion peroxydase,<br />
un antioxydant clé des érythrocytes, ou à une inflammation<br />
et à un stress oxydatif augmentés.
13 · Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre et zinc 31<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Les observations d'une association entre des niveaux de<br />
sélénium faibles et l’anémie chez les sujets âgés, hommes<br />
et femmes, soulèvent une question de santé publique<br />
potentiellement importante: la carence en sélénium a-telle<br />
été négligée en tant que cause dans <strong>l'anémie</strong> Des<br />
recherches supplémentaires sont nécessaires, afin d’établir<br />
la pertinence du rôle potentiel du sélénium dans la<br />
pathogénèse de <strong>l'anémie</strong>.<br />
Quel est le message clé<br />
La recherche montre que le sélénium peut être associé à<br />
l’anémie, mais des travaux plus centrés dans ce domaine<br />
sont nécessaires afin d’établir la pertinence de ce lien.<br />
13<br />
INTERACTIONS ENTRE FER ET VITAMINE A,<br />
RIBOFLAVINE, CUIVRE ET ZINC<br />
DANS L'ETIOLOGIE DE L'ANEMIE<br />
Michael Zimmermann<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
On estime qu'environ la moitié des cas d'anémie est due à<br />
une déficience en fer et le reste à d’autres causes, comme<br />
d'autres carences <strong>nutritionnelle</strong>s, des troubles infectieux,<br />
des hémoglobinopathies et des différences ethniques des<br />
niveaux normaux d’Hb. La prévalence de <strong>l'anémie</strong> est<br />
particulièrement élevée dans les pays en développement<br />
où les déficiences en micronutriments coexistent souvent.<br />
Une déficience en un micronutriment peut influencer<br />
l'absorption, le métabolisme et/ou l’excrétion d’un<br />
autre micronutriment. Les interactions entre déficience<br />
en fer et en quatre autres micronutriments - vitamine A,<br />
riboflavine (vitamine B 2 ), cuivre et zinc – représentent<br />
un intérêt particulier dans <strong>l'anémie</strong>.<br />
Il y a de nombreuses années que le lien entre la déficience<br />
en vitamine A et <strong>l'anémie</strong> a été reconnu mais, bien<br />
qu'améliorer le statut en vitamine A augmente souvent le<br />
taux d'hémoglobine et réduise l’anémie, le mécanisme<br />
exact reste incertain. Bien que les données d'études cliniques<br />
chez l’homme soient équivoques, la déficience en<br />
riboflavine peut également altérer l’érythropoïèse et contribuer<br />
à l’anémie. De plus, il est également connu que la<br />
déficience en cuivre joue négativement sur l’absorption<br />
du fer alimentaire, mais puisque les carences en cuivre<br />
sont rares dans la population générale, cette interaction<br />
ne constitue pas une priorité de santé publique. Enfin,<br />
bien que les données ne mettent pas en évidence le rôle<br />
de la déficience en zinc dans <strong>l'anémie</strong>, les carences en fer<br />
et en zinc coexistent souvent et les suppléments contenant<br />
ces deux minéraux pourraient donc être intéressants<br />
pour les populations vulnérables. On note cependant que<br />
plusieurs études ont suggéré que la supplémentation en<br />
zinc pourrait réduire l'efficacité du fer.<br />
Que savons-nous du lien entre déficience<br />
en fer et en vitamine A<br />
La déficience en vitamine A affecte plus de 30 % de la<br />
population globale et les groupes les plus vulnérables<br />
sont les femmes en âge de procréer, les nouveau-nés et<br />
les enfants, également les plus vulnérables à l’anémie. En<br />
général, les enquêtes dans les pays en développement ont<br />
rapporté des corrélations positives entre concentrations<br />
en rétinol sérique et en hémoglobine, avec des associations<br />
plus fortes dans les populations ayant un statut plus<br />
faible en vitamine A. Cependant, les données des études<br />
humaines s’intéressant à l'influence de la vitamine A sur<br />
l’absorption sont ambiguës, et indiquent que des recherches<br />
complémentaires sont nécessaires afin de clarifier<br />
l'effet réel de cette vitamine sur l’absorption du fer. De<br />
plus, le mécanisme par lequel la vitamine A exerce son<br />
effet sur l’érythropoïèse reste vague, bien que plusieurs<br />
mécanismes aient été proposés. Des études d'intervention<br />
suggèrent que, dans les régions où les apports en vitamine<br />
A et en fer sont faibles, une double fortification ou<br />
supplémentation serait plus efficace pour contrôler l’anémie<br />
qu’un apport en vitamine A ou en fer seul.<br />
Que savons-nous du lien entre déficience<br />
en fer et en riboflavine<br />
La riboflavine est exigée dans beaucoup de voies métaboliques.<br />
La déficience en riboflavine est courante dans<br />
les régions où les apports en produits laitiers et en vi<strong>and</strong>e<br />
sont faibles, et où les enfants d’âge scolaire constituent<br />
un groupe à haut risque de carence. Il semble que la<br />
carence en cette vitamine B puisse, en plus de ses autres<br />
symptômes, altérer l’érythropoïèse et contribuer à l’anémie<br />
des suites de plusieurs mécanismes ayant été proposés.<br />
Même si ces mécanismes ont été étudiés chez l’animal,<br />
il y a peu de données humaines. Les données des<br />
études qui ont été menées suggèrent que l'effet du<br />
statut en riboflavine sur l'hémoglobine est variable et<br />
peut être contredit par l'étiologie multifactorielle de <strong>l'anémie</strong>.<br />
A noter que les données de nombreux travaux,<br />
contrairement aux études pionnières, ne soutiennent pas<br />
l’idée d’un effet nuisible de la déficience en riboflavine<br />
sur l’anémie.
32<br />
14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère<br />
Que savons-nous du lien entre déficience<br />
en fer et en cuivre<br />
La déficience en cuivre est une cause rare d'anémie et le<br />
moyen par lequel cette déficience provoque un état anémique<br />
est incertain. Il est cependant admis que <strong>l'anémie</strong><br />
en résultant est sensible à une supplémentation alimentaire<br />
en cuivre, mais pas en fer. Il est constaté que, bien<br />
que la déficience en cuivre réduise l’absorption du fer<br />
alimentaire et conduise à une anémie ferriprive, elle reste<br />
rare dans la population générale et il est donc peu probable<br />
qu’elle soit d'importance pour la santé publique.<br />
Que savons-nous du lien entre déficience<br />
en fer et en zinc<br />
L'anémie ferriprive résulte fréquemment d’une faible<br />
absorption du fer alimentaire due à des apports en vi<strong>and</strong>e<br />
faibles et à des apports élevés en inhibiteurs (p.ex. phytates,<br />
polyphénols). De façon intéressante, ces mêmes<br />
facteurs alimentaires diminuent la biodisponibilité du<br />
zinc. Même si les données ne permettent pas d’affirmer<br />
que la déficience en zinc joue un rôle dans <strong>l'anémie</strong>, les<br />
déficiences en fer et en zinc coexistent souvent et les<br />
suppléments contenant ces deux minéraux pourraient<br />
être intéressants pour les groupes de population vulnérables.<br />
Cependant, il est à noter que plusieurs études ont<br />
suggéré qu’une supplémentation concomitante en zinc<br />
pouvait réduire l'efficacité du fer, et quelques études indiquent<br />
que, lorsque les suppléments de zinc sont donnés<br />
avec les suppléments de fer, le statut en fer ne s'améliore<br />
pas autant que lorsque le fer est donné seul. Des recherches<br />
complémentaires sont donc absolument nécessaires<br />
pour clarifier l'effet du zinc adjoint à une supplémentation<br />
en fer.<br />
Quel est le message clé<br />
La prévalence de <strong>l'anémie</strong> est particulièrement élevée<br />
dans les pays en développement où coexistent souvent<br />
plusieurs carences en micronutriments, et une déficience<br />
en un micronutriment peut influencer le statut d'un autre.<br />
Bien que de plus amples investigations soient exigées, la<br />
vitamine A, la riboflavine, le cuivre et le zinc peuvent<br />
être importants, parallèlement au fer, lors de la lutte contre<br />
l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />
14<br />
L’ANEMIE EN SITUATION DE DENUTRITION<br />
SEVERE (MALNUTRITION)<br />
Alan Jackson<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
L'anémie se trouve habituellement être une particularité<br />
associée à beaucoup de situations pathologiques. Dans la<br />
plupart des cas, la malnutrition sévère s’accompagne<br />
d’une anémie qui constitue une part inhérente au processus<br />
d'adaptation réductive associé à la perte de poids, à la<br />
réduction de la masse maigre et à la présence d'oedème.<br />
Cependant, la cause spécifique de <strong>l'anémie</strong> est également<br />
rendue complexe par les déficiences associées en micronutriments<br />
spécifiques, la destruction accrue des globules<br />
rouges et la suppression progressive de la formation<br />
de nouvelles cellules sanguines, résultant de la réponse<br />
inflammatoire aux infections multiples. Ainsi, <strong>l'anémie</strong><br />
associée à une dénutrition sévère, ou à une malnutrition<br />
avec oedème pendant l’enfance ou à l'âge adulte, n'est<br />
pas spécifique, mais s’accompagne habituellement d’une<br />
incapacité à utiliser efficacement le fer, et donc à augmenter<br />
la quantité de fer présent sous forme de réserve ou<br />
sous forme libre dans l’organisme. Une thérapie impliquant<br />
du fer à ce stade augmente la mortalité. Etant<br />
donné la complexité des interactions possibles dans les<br />
conditions établies, il peut s’avérer très difficile de déterminer<br />
l’enchaînement par lequel un facteur a pu servir de<br />
déclencheur, puis a interagi avec d'autres facteurs, qui par<br />
la suite ont contribué à l’anémie et y ont joué un rôle<br />
secondaire.<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor marastique,<br />
carence protéique, déficiences énergétique et protéino-énergétique,<br />
ont tous été utilisés à différents<br />
moments pour décrire ce qui est maintenant qualifié de<br />
dénutrition sévère ou sans oedème. Il y a un consensus<br />
émergent sur le fait qu’il existe deux caractéristiques<br />
clés permettant de définir l'essence des processus sousjacents<br />
menant à un état malnutri, sans qu’elles soient<br />
nécessairement spécifiques aux aspects détaillés des<br />
multiples causes complexes également sous-jacentes:<br />
1. Un apport alimentaire inadéquat dû, soit à un manque<br />
d’appétit, soit à une disponibilité limitée en nourriture,<br />
conduit à un syndrome d’émaciation avec une<br />
perte de poids relative et associée à un ensemble de<br />
changements adaptatifs complexes au niveau des différents<br />
tissus et organes.
14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère 33<br />
2. La présence d'une pathologie spécifique sous-jacente,<br />
tel qu'une infection ou une alimentation de faible qualité,<br />
ensemble et séparément, peut prédisposer à un<br />
apport alimentaire réduit et pose, de plus, des problèmes<br />
d’intégrité métabolique qui favorisent la formation<br />
d'oedème.<br />
Il existe quatre processus clés qui contribuent ensemble<br />
et séparément à l’anémie:<br />
1. L’adaptation réductive<br />
L'anémie traduit un aspect de l'adaptation de l’organisme<br />
à une réduction des apports alimentaires et à<br />
une diminution de l’activité métabolique. Elle devrait<br />
être différenciée de <strong>l'anémie</strong> associée à des troubles<br />
chroniques. L’érythropoïèse, à un stade précoce, peut<br />
être normale ou aggravée par un taux d’hémoglobine<br />
inférieur résultant d'une réduction de la durée de vie<br />
des globules rouges. Dans les stades plus tardifs, plus<br />
avancés, lorsque le métabolisme des tissus chute,<br />
l'érythropoïèse n’est plus stimulée et la masse cellulaire<br />
hématique décroît.<br />
2. Les déficiences en nutriments spécifiques<br />
La multiplication et la différenciation des précurseurs<br />
d’hématies avec la formation d'érythrocytes matures<br />
qui apparaissent finalement dans la circulation est un<br />
processus complexe qui nécessite le plein approvisionnement<br />
en nutriments et en intermédiaires métaboliques.<br />
Un manque en un seul de ces éléments<br />
nutritifs limitera la formation de globules rouges, leur<br />
intégrité structurelle et leur capacité fonctionnelle. En<br />
sus des besoins des autres cellules, les globules rouges<br />
ont un besoin spécifique en ces nutriments qui<br />
sont directement impliqués dans la formation d'hémoglobine.<br />
3. L’infection<br />
Il y a une interaction complexe entre infection et<br />
nutrition insuffisante qui se prédisposent l’une et<br />
l’autre et s’aggravent mutuellement. Dans la malnutrition<br />
sévère, les effets de l'infection sur l’anémie<br />
peuvent être directement mis en rapport avec une<br />
infection spécifique ou indirectement avec une<br />
réponse inflammatoire ou immunitaire plus générale.<br />
Ces éléments, ensemble et séparément, limiteront la<br />
disponibilité des nutriments pour la formation des<br />
globules rouges et augmenteront la probabilité d'anémie.<br />
4. L’hémolyse, dommage pro-oxydant<br />
L'environnement hostile auquel l’hématie est exposée<br />
reflète ce à quoi doivent faire face toutes les autres<br />
cellules de l’organisme. La sensibilité exacerbée de<br />
l’hématie aux dommages pro-oxydants la prédispose<br />
à une durée de vie raccourcie qui augmente l’importance<br />
de la conservation du fer sous une forme inoffensive.<br />
Une augmentation du fer de réserve et/ou du<br />
fer intracellulaire libre peut provoquer un stress prooxydant<br />
et induire une pathologie cellulaire. Une augmentation<br />
de la perte en globules rouges, en réponse<br />
à toute limitation de la production de ces cellules,<br />
conduit inévitablement à une réduction de la masse<br />
des hématies et à une augmentation du fer de réserve.<br />
L’anémie, en tant que réduction de la masse de globules<br />
rouges circulants, peut résulter d'un changement d’équilibre<br />
entre les taux de synthèse et de destruction des globules<br />
rouges, en supposant qu’il n’y ait aucune perte<br />
externe de sang. La réduction de la synthèse des globules<br />
rouges peut faire partie de la réponse adaptative générale,<br />
ou bien venir d’une contrainte concernant la disponibilité<br />
énergétique ou un nutriment spécifique. Les modifications<br />
du taux de destruction résulteraient quant à elles de<br />
la production de cellules de faible qualité, plus vulnérables,<br />
et donc plus susceptibles d'avoir une durée de vie<br />
raccourcie en raison d’un environnement hostile engendré<br />
par des perturbations infectieuses, <strong>nutritionnelle</strong>s ou<br />
métaboliques.<br />
Dans le cas de la synthèse des globules rouges, il peut y<br />
avoir de sévères changements au niveau de la moelle<br />
osseuse, mais ceux-ci semblent être potentiellement<br />
réversibles en totalité à l’aide d’un traitement réussi et<br />
d’un bon rétablissement. Cependant, même après une<br />
récupération pondérale, il semble qu’il y ait besoin d’un<br />
temps supplémentaire pour arriver à une restauration<br />
complète de la formation des globules rouges, ce qui<br />
entraîne une contrainte progressive sur l’érythropoïèse.<br />
Pendant le stade aigu de la maladie, il y a une accélération<br />
progressive de la formation de globules rouges, mais<br />
associée à une contrainte concernant l'utilisation efficace<br />
du fer disponible. La présence notable de dépôts de fer<br />
dans le système réticulo-endothélial, notamment au<br />
niveau de la moelle, du foie et de la rate, constitue une<br />
caractéristique importante de cette étape qui doit être<br />
mise en exergue. Ces dépôts peuvent être visibles via<br />
l’hémosidérine, ou en utilisant des techniques appropriées<br />
permettant d’identifier le fer libre. Cela rend problématique<br />
l'identification et la caractérisation de la<br />
"déficience en fer" et entraîne d’importantes implications<br />
pour son traitement.<br />
Quel est le traitement requis<br />
La probabilité qu'un individu meurt d'une période de<br />
dénutrition sévère ou survive avec une chance raisonnable<br />
de rétablissement dépend, non seulement, de ce qui<br />
est fait en termes de soins immédiats, mais aussi beau-
34<br />
15 · Infection et étiologie de <strong>l'anémie</strong><br />
coup, de l'ordre dans lequel les différentes interventions<br />
sont menées. L'identification et la classification des stades<br />
de malnutrition sévère se basent sur deux caractéristiques:<br />
la perte de poids relatif et la présence d'oedème.<br />
Les approches de traitement inappropriées sont celles<br />
qui se concentrent sur la guérison de l'oedème via l’usage<br />
de diurétiques, la correction de l’émaciation via l’approvisionnement<br />
en nourriture, ou le traitement des caractéristiques<br />
biochimiques anormales du sang par l’apport<br />
direct de nutriments spécifiques. Il est maintenant admis<br />
que chacune de ces approches contribue au risque d’une<br />
augmentation de la mortalité, à moins qu’une attention<br />
spécifique ne soit prêtée à la correction des dommages<br />
cellulaires associés aux carences et aux déséquilibres<br />
complexes en nutriments. Bien que <strong>l'anémie</strong> puisse être<br />
liée à la déficience en fer et qu’elle possède beaucoup des<br />
spécificités visibles de cette carence, le problème qui se<br />
pose à court terme relève plus d’une incapacité à utiliser<br />
efficacement le fer de l’organisme, que d’un déficit<br />
immédiat. Une thérapie avec du fer à ce stade augmente<br />
la mortalité. Avec un traitement approprié, lorsque les<br />
infections sont contrôlées et que les déficiences en nutriments<br />
spécifiques sont corrigées, les compétences cellulaires<br />
réapparaissent. La masse maigre peut être progressivement<br />
restaurée et la masse de globules rouges accrue,<br />
t<strong>and</strong>is que le fer entrera dans la composition de l’hémosidérine<br />
et de la ferritine. À certains stades du processus de<br />
rétablissement, le fer de réserve est susceptible d'être<br />
insuffisant pour satisfaire la dem<strong>and</strong>e, dans ce cas une<br />
situation plus classique de déficience en fer apparaît et la<br />
supplémentation en fer devient nécessaire et appropriée.<br />
Quel est le message clé<br />
Les preuves accumulées montrent que <strong>l'anémie</strong> liée à la<br />
malnutrition sévère représente, d’une part, une conséquence<br />
de multiples facteurs et, d’autre part, une interaction<br />
entre l’adaptation à un apport alimentaire inadéquat<br />
et l'impact d'autres stress associés à l’infection ou à un<br />
déséquilibre alimentaire. Les contraintes concernant l'utilisation<br />
efficace du fer entraînent une augmentation du<br />
fer inutilisé, en dépit d'une absence d’augmentation du<br />
poids total de fer dans l’organisme. Dans cette situation,<br />
la supplémentation en fer est dangereuse. Afin d’éviter de<br />
causer plus de mal que de bien, il est donc essentiel de<br />
comprendre le contexte général de <strong>l'anémie</strong> liée à la malnutrition<br />
sévère et de s’assurer de l’usage d'interventions<br />
appropriées aux moments opportuns.<br />
LES FAITS:<br />
• Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor<br />
marastique, carence protéique, déficiences énergétique<br />
et protéino-énergétique, ont tous été utilisés à différents<br />
moments pour décrire ce qui est maintenant<br />
qualifié de dénutrition sévère ou sans oedème.<br />
• Les nouveau-nés et les enfants qui souffrent de<br />
malnutrition sévère ont fréquemment des taux d’hémoglobine<br />
ou d’hématocrites modérément réduits,<br />
respectivement 80 à 100 g/L et 30 % à 35 %.<br />
• En moyenne, la durée de vie normale d'un globule<br />
rouge est de 120 jours, mais elle peut être beaucoup<br />
plus courte chez les enfants malnutris.<br />
• En dépit d'un faible taux d’hémoglobine, il y a une<br />
augmentation à la fois du fer stocké et du fer cellulaire<br />
libre, et la supplémentation en fer augmente la<br />
mortalité.<br />
15<br />
INFECTION ET ETIOLOGIE DE L'ANEMIE<br />
David Thurnham et Christine Northrop-Clewes<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Anémie et maladies sont très fréquentes dans les pays en<br />
développement. On sait que la réponse inflammatoire à la<br />
maladie stimule une série de modifications dans le métabolisme<br />
du fer qui conduisent à l’anémie si l'inflammation<br />
se prolonge. On note néanmoins qu’un statut insuffisant<br />
en fer résultant d’une inflammation ne représente<br />
pas une véritable déficience en fer, mais plutôt une redistribution<br />
du fer qui peut prédominer en dépit de réserves<br />
normales.<br />
Les nouveau-nés sont précisément exposés à l’infection<br />
et à l’inflammation, et il s’avère alors nécessaire de développer<br />
leur système immunitaire. Cependant, des expositions<br />
trop fréquentes augmenteront le risque d'anémie.<br />
Les infections parasitaires contribuent également à l’inflammation<br />
et à l’anémie. Ainsi, dans les pays en développement<br />
où il y a de fortes prévalences de diarrhées, de<br />
vomissements, de fièvre, de paludisme et d’infections par<br />
des helminthes, <strong>l'anémie</strong> est courante. Les tentatives de<br />
réduction de la prévalence d'anémie ont été progressives<br />
pendant plus de deux décennies, mais la situation est<br />
encore courante. L’une des raisons de cet échec apparent<br />
pourrait venir de l’hypothèse selon laquelle la "déficience<br />
en fer" serait la seule cause d’anémie. Or, aujourd’hui,<br />
il est largement admis que l’anémie constitue une<br />
conséquence à la fois de l'inflammation et d’un apport en<br />
fer alimentaire biodisponible insuffisant.
15 · Infection et étiologie de <strong>l'anémie</strong> 35<br />
Qu'a-t-il été accompli<br />
Il y a maintenant une meilleure reconnaissance du fait<br />
que les infections sont responsables d’une gr<strong>and</strong>e partie<br />
des anémies dans les pays en développement, par conséquent,<br />
il est accepté que l’infection et la réponse inflammatoire<br />
peuvent également jouer un rôle initiateur important.<br />
L’exposition fréquente à des maladies endémiques<br />
encourage une réponse inflammatoire ainsi qu’un statut<br />
en fer insuffisant, et augmente le risque d'anémie en altérant<br />
la synthèse d’érythrocytes et/ou en raccourcissant la<br />
durée de vie des globules rouges. Le fait que cela s’accompagne<br />
d’une déficience en fer métabolique dépendra<br />
de la capacité de l’individu à conserver des réserves en<br />
fer via l’absorption, les pertes et la biodisponibilité du fer<br />
alimentaire, afin de maintenir un taux d'hémoglobine<br />
normal. Il doit également être gardé en mémoire que la<br />
maladie réduit l'appétit – plus fréquemment un individu<br />
est malade, plus il est susceptible d’être malnutri.<br />
Quel est le rapport entre infection et anémie<br />
Les nouveau-nés sont rarement anémiques à la naissance.<br />
Les conditions d’hypoxie relative in utero conduisent à<br />
de fortes concentrations en hémoglobine à la naissance,<br />
mais lorsque l'oxygénation du sang de l’enfant s’améliore,<br />
l'érythropoïèse cesse et les concentrations en hémoglobine<br />
chutent au cours des deux premiers mois de la<br />
vie. A l'âge de 4 à 6 mois, les réserves en fer sont limitées<br />
ou épuisées, et l’apport et la biodisponibilité du fer alimentaire<br />
deviennent critiques. Jusqu'à 4 mois, le lait<br />
maternel est la principale source de fer alimentaire et de<br />
facteurs immunitaires protecteurs pour la croissance des<br />
enfants, mais lorsque la consommation d’aliments de<br />
complément augmente, l’exposition aux pathogènes de<br />
l'environnement augmente également, de même que la<br />
fréquence de lutte contre les maladies. De tels jeunes<br />
enfants sont dépendants de bonnes sources de fer alimentaire<br />
pour maintenir leur statut hématologique, puisque<br />
l'absorption du fer sera minime pendant les périodes d’anorexie<br />
et bloquée par la fièvre et l’inflammation. Bien<br />
que la fréquence des épisodes infectieux décline avec le<br />
développement de l'immunité humorale et l’augmentation<br />
des apports alimentaires chez les enfants plus âgés,<br />
ceux-ci sont moins influencés par les maladies infectieuses,<br />
mais le maintien des réserves en fer peut être mis en<br />
danger par les pertes. Le fer de l’organisme est précieusement<br />
conservé, mais le risque de schistosomiase ou<br />
d’ankylostomiase augmente avec l’âge, et les parasites à<br />
l’origine de ces pathologies peuvent causer des saignements<br />
chroniques et des pertes en fer. Ainsi, les maladies<br />
infectieuses, les parasites intestinaux et une alimentation<br />
pauvre se cumulent et privent les enfants de fer dès leur<br />
petite enfance. Les recherches montrent que même une<br />
anémie légère altère les capacités cognitives, augmente<br />
le risque de naissance prématurée et réduit la productivité.<br />
Il apparaît donc clairement qu'il est possible que<br />
l’inflammation puisse être un facteur étiologique clé responsable<br />
de l'initiation et de la présence continue de <strong>l'anémie</strong><br />
dans les pays en développement.<br />
L’élévation du taux de protéines de phase aiguë (PPA)<br />
sert de marqueur de l’inflammation subclinique. Trois de<br />
ces protéines sont particulièrement utiles. La protéine c-<br />
réactive (PCR) et l’antichymotrypsine-α1 (ACT) sont les<br />
marqueurs les plus précis de l’inflammation; ils augmentent<br />
au cours des six premières heures de l’infection,<br />
atteignent leurs concentrations maximales en 24-48 heures<br />
et chutent habituellement lorsque les signes cliniques<br />
commencent à apparaître. Les concentrations en glycoprotéine-acide-α1<br />
(GPA, également connue sous le nom<br />
d’orosomucoïde) sont beaucoup plus lentes à augmenter<br />
et n’atteignent leur concentration maximale qu’au bout<br />
de 2 à 5 jours après l’infection et constituent donc plus un<br />
marqueur chronique de l’inflammation. Là où ces protéines<br />
sont augmentées, elles indiquent que le métabolisme<br />
du fer est altéré et que ces modifications causées par l’inflammation<br />
peuvent contribuer à la prévalence d'anémie<br />
dans la population. En utilisant ces protéines, il est possible<br />
d'identifier au sein d’une population apparemment<br />
saine les personnes pouvant incuber une maladie, celles<br />
s'étant récemment remis d'une maladie ou celles en convalescence<br />
plus tardive.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
• Infection et inflammation jouent un rôle important<br />
dans l'étiologie de <strong>l'anémie</strong>, et il est recomm<strong>and</strong>é que<br />
les protéines de la phase aiguë PCR et GPA soient<br />
contrôlées avant et après supplémentation et mesurées<br />
parallèlement à la ferritine.<br />
• La recherche a montré que dans la plupart des cas, les<br />
suppléments de fer donnent de petits avantages et<br />
augmentent même la prévalence d'infections. Ceci<br />
peut maintenant être expliqué grâce à notre connaissance<br />
de l'inflammation. Si l’anémie chez les personnes<br />
apparemment en bonne santé est principalement<br />
due à une inflammation subclinique, cela explique<br />
pourquoi la supplémentation en fer est si peu efficace<br />
pour faire baisser la prévalence d'anémie, étant donné<br />
que le fer ne guérit pas les infections. De plus, le fer<br />
alimentaire supplémentaire, donné à des enfants<br />
exposés à des infections fréquentes, peut perturber<br />
l’équilibre délicat entre les cytokines pro- et antiinflammatoires.<br />
• La recherche montre que les suppléments de vitamine<br />
A réduisent un peu l'inflammation et permettent la
36<br />
16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />
mobilisation du fer pour restaurer l’hématopoïèse; la<br />
supplémentation en vitamine A devrait donc précéder<br />
la supplémentation en fer.<br />
• La recherche doit déterminer si les vers, tels que l’Ascaris,<br />
contribuent à l’anémie via l’inflammation et il<br />
est également nécessaire de déterminer si l’hepcidine<br />
récemment découverte, qui augmente avec l’inflammation<br />
et bloque l’absorption et la mobilisation du<br />
fer, est produite localement dans l’intestin.<br />
Quel est le message clé<br />
L’infection et l'inflammation jouent un rôle important<br />
dans l’étiologie de <strong>l'anémie</strong> et ne doivent être<br />
négligées dans aucune intervention. Les suppléments de<br />
fer doivent être donnés avec prudence, mais le risque<br />
de conséquences délétères peut être modifié par le statut<br />
en vitamine A. Il semblerait donc prudent que les interventions<br />
basées sur le fer soient précédées par des<br />
supplémentations en vitamine A, avec ou sans traitement<br />
anti-helminthe, selon les conditions locales. La voie de<br />
l'infection et de l’inflammation est relativement nouvelle<br />
et son effet sur l’anémie nécessite plus de recherches.<br />
LES FAITS:<br />
• On estime que 2 milliards de personnes à travers le<br />
monde sont anémiques.<br />
• Dans les pays en développement, 40−50 % des<br />
enfants de moins de 14 ans et des femmes en âge de<br />
procréer souffrent d’anémie.<br />
• Les enfants âgés de 5 à 14 ans et les femmes enceintes<br />
présentent le plus haut risque d'anémie avec une<br />
prévalence respectivement estimée à 48 et 52 %.<br />
• Globalement, on estime que 200 millions de personnes<br />
sont infectées par la schistosomiase et que 600<br />
millions d’autres vivent dans des régions endémiques.<br />
• On estime que 1,3 milliard de personnes sont globalement<br />
affectées par des ankylostomes.<br />
• On estime que 900 millions de personnes dans le<br />
monde sont infectées par la trichocéphalose.<br />
• Approximativement 1500 millions de personnes sont<br />
globalement infectées par l’Ascaris.<br />
16<br />
MONTER DES PROGRAMMES POUR<br />
PREVENIR PLUS EFFICACEMENT L’ANEMIE<br />
Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner<br />
et Richard Semba<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Le Sommet Mondial pour les Enfants de 1990 a fixé des<br />
objectifs pour l’élimination des déficiences en micronutriments,<br />
notamment à cause de leur forte prévalence et<br />
de leurs conséquences sévères dans les pays en développement<br />
dont certains commencent à émerger. Un progrès<br />
substantiel a été réalisé dans le combat contre la carence<br />
en vitamine A (CVA) et des progrès similaires, voire<br />
supérieurs, ont été réalisés pour combattre les troubles<br />
liés à la déficience en iode (TDI). Cependant, la connaissance<br />
de l’impact de l’anémie ferriprive sur le développement<br />
mental est relativement récent; ainsi, combattre<br />
cette anémie auprès des jeunes enfants ne représentait<br />
pas un but majeur lors du sommet mondial, et les progrès<br />
dans son élimination ont donc pris du retard.<br />
Pourquoi le contrôle de <strong>l'anémie</strong><br />
ferriprive a-t-il pris du retard<br />
Il y a eu plusieurs raisons suggérées pour expliquer que le<br />
contrôle de la carence en fer et de <strong>l'anémie</strong> n’ait pas été<br />
appliqué à gr<strong>and</strong>e échelle. Ces raisons incluent: la focalisation<br />
sur ce qui devrait être exigé pour appliquer l'approche<br />
privilégiée de façon à augmenter l’observance et<br />
la couverture de l’intervention; l’évaluation de suppléments<br />
alternatifs et de fréquences d’administration des<br />
doses améliorant l’observance et donc l’impact; et l’évaluation<br />
de ce qui devrait être communiqué à ceux qui<br />
somment d’accélérer le contrôle de l’anémie ferriprive.<br />
Cependant, il semblerait que le coeur du problème soit<br />
qu'il existe, au niveau global comme au niveau des pays,<br />
un manque de moyen pour s’assurer que des mesures<br />
efficaces sont appliquées. La situation peut, par conséquent,<br />
être en gr<strong>and</strong>e partie due au fait que des composants<br />
opérationnels du contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive<br />
sont bien moins développés en comparaison de la recherche<br />
et développement (R&D), et que ces deux aspects ne<br />
sont pas suffisamment reliés par la communication. La<br />
communication comprend le fait de générer un soutien<br />
politique, ainsi que de financer et de motiver l’acceptation<br />
de meilleures pratiques <strong>nutritionnelle</strong>s auprès des<br />
familles et des communautés, au travers de programmes<br />
d’éducation et de promotion de la santé. Un programme<br />
équilibré avec des composantes interconnectées est
16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie 37<br />
nécessaire pour assurer une réduction efficace de <strong>l'anémie</strong><br />
ferriprive.<br />
Pourquoi la communication concernant le contrôle<br />
de l’anémie ferriprive est-elle difficile<br />
Dans le cas du contrôle de la CVA et des TDI, l'approche<br />
utilisée est celle dite de "la balle orientée", dans laquelle on<br />
accentue simplement l’usage respectivement de capsules<br />
de vitamine A et de sel iodé. Dans le cas de <strong>l'anémie</strong> ferriprive,<br />
en revanche, le concept de l’intervention et la stratégie<br />
de mise en oeuvre ne sont pas les mêmes pour chaque<br />
situation et nécessitent d'impliquer plusieurs secteurs.<br />
Quels sont les problèmes concernant l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
et quelles sont les solutions envisageables<br />
Anémie versus déficience en fer<br />
Problème: <strong>l'anémie</strong> n’est pas seulement due à une déficience<br />
en fer et la déficience en fer ne mène pas toujours<br />
à l’anémie.<br />
Contexte: En raison de ce problème, il y a eu un débat<br />
progressif au sujet de ce que devrait être le but de l'intervention<br />
- seulement réduire la déficience en fer et l’anémie<br />
ferriprive ou réduire également l’anémie due à d'autres<br />
causes, telles que le paludisme, les infestations par<br />
les helminthes, les déficiences en d'autres micronutriments<br />
etc. Parce qu'une approche efficace exige une connaissance<br />
des causes fondamentales de <strong>l'anémie</strong>, rassembler<br />
les données sur ces causes est prioritaire et, la<br />
plupart du temps, aucune action n'est menée jusqu'à ce<br />
que celles-ci soient claires.<br />
Solution: Se concentrer sur les faits suivants devrait faciliter<br />
la prise de décisions concernant les programmes à<br />
appliquer:<br />
• Plus de 2 milliards de personnes sont anémiques et les<br />
estimations du nombre de personnes affectées par la<br />
déficience en fer sont encore plus élevées. Par conséquent,<br />
il est improbable qu’une population puisse être<br />
affectée par une anémie qui ne serait pas due dans une<br />
certaine mesure à une déficience en fer, ni que la déficience<br />
en fer soit la seule cause à sous-tendre <strong>l'anémie</strong>.<br />
• Les besoins en fer pendant l’enfance et la grossesse<br />
sont si élevés qu’il est pratiquement impossible de les<br />
couvrir via l'alimentation seule. Ces besoins peuvent<br />
être couverts uniquement par l'alimentation lorsque<br />
celle-ci contient une quantité significative d’aliments<br />
fortifiés et de fer héminique provenant d’aliments<br />
d’origine animale. Ainsi, la déficience en fer chez les<br />
personnes de ces tranches d'âge est pratiquement<br />
obligatoire et la question n'est pas de savoir si une<br />
intervention avec du fer, un mélange de multi-micronutriments<br />
et/ou un contrôle de l'infection aura un<br />
impact sur la déficience en fer et l’anémie, mais plutôt<br />
d’identifier quelle stratégie sera la plus efficace.<br />
Au lieu de déterminer l'ampleur précise à laquelle<br />
chaque facteur joue un rôle, l’attention devrait se concentrer<br />
sur l’identification des causes connues pour<br />
être les plus importantes, tout en surveillant l'impact<br />
de ces mesures sur la déficience en fer et l’anémie<br />
dans la population, afin d’ajuster et de bien calibrer le<br />
programme. Le raisonnement justifiant cela: ne rien<br />
faire nuit plus que ne pas traiter tous les cas, uniquement<br />
parce que certaines causes ne sont pas encore<br />
identifiées.<br />
Nutrition, santé, développement ou<br />
conséquences économiques<br />
Problème: Depuis longtemps, la supplémentation en fer<br />
a été promue en tant que moyen pour prévenir et traiter l’anémie,<br />
un terme très médical qui n’évoquait pas gr<strong>and</strong><br />
chose à l’esprit des décideurs politiques et des gouvernements<br />
soucieux de stimuler la croissance économique etc.<br />
Contexte: L'anémie a été décrite comme un état dans<br />
lequel l'oxygène est transporté en quantité insuffisante à<br />
travers l’organisme et les personnes souffrant d'anémie<br />
comme étant plus facilement fatiguées (léthargiques),<br />
ayant une productivité au travail plus faible et de moins<br />
bons résultats scolaires, t<strong>and</strong>is que <strong>l'anémie</strong> sévère augmentait<br />
le risque de mortalité maternelle. Cette description<br />
s’appuyait principalement sur la compréhension des<br />
nutritionnistes et des professionnels du corps médical.<br />
Cependant, les conséquences sur les capacités mentales<br />
actuelles et futures des enfants, sur le développement<br />
d'une nation, ainsi que les conséquences économiques<br />
n'étaient pas suffisamment mises en avant auprès des différents<br />
secteurs concernés, tels que celui du bien-être<br />
économique de l'enfant, de l'éducation etc.<br />
Solution: Le fait que les dégâts causés par la déficience<br />
en fer sur les capacités mentales d'un jeune enfant sont<br />
irréversibles pour le restant de sa vie, et que le PIB chute<br />
lorsque la déficience en fer et l’anémie ne sont pas traitées,<br />
devrait constituer les messages clés pour mobiliser<br />
l'action sur la lutte contre la déficience en fer et l’anémie<br />
auprès des divers secteurs.<br />
Approches de santé publique médicales<br />
versus alimentaires<br />
Problème: Qu<strong>and</strong> <strong>l'anémie</strong> est considérée comme un<br />
problème médical, les solutions cherchées pour traiter ce
38<br />
16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />
problème se concentrent sur une approche médicale.<br />
Ceci implique d’identifier, avant d'agir, la cause précise<br />
pour chaque population; de donner les nutriments<br />
manquants à fortes doses, afin de traiter au lieu de prévenir<br />
l’anémie; et de délivrer des messages ciblés sur le<br />
traitement d’un problème perçu ou présumé.<br />
Contexte: Puisque la déficience en fer et l’anémie sont si<br />
rép<strong>and</strong>ues, l'existence du problème peut être supposée et<br />
l’action devrait donc être menée en conséquence. Cependant,<br />
dans le même temps, il est difficile d’appliquer cela<br />
à un niveau individuel du fait que la plupart des personnes<br />
souffrant d'anémie ou de déficience en fer n'en est pas<br />
informée, et est donc moins susceptible de prendre des<br />
suppléments pendant une longue période, alors même<br />
que ces personnes perçoivent qu’un tel traitement améliorerait<br />
nettement leur condition.<br />
Solution: Parce qu'un tiers de la population mondiale<br />
souffre de déficience en fer et d’anémie, à l'origine en<br />
raison de leur alimentation qui ne suffit pas à satisfaire<br />
leurs besoins, une approche alimentaire visant à augmenter<br />
les apports en fer et en d’autres micronutriments de la<br />
population entière, et ciblant en particulier les groupes<br />
les plus à risque, se révèle être l’approche ayant le plus de<br />
sens. De tels apports augmentés devraient être maintenus<br />
pendant une longue période et perçus comme une voie<br />
pour promouvoir une bonne santé et protéger le développement<br />
cognitif. De plus, en augmentant les apports en<br />
fer de tout le monde et en utilisant une approche basée<br />
sur l’alimentation, les femmes entameront leur grossesse<br />
avec des réserves plus élevées, qui réduiront la marge<br />
entre besoins et apports pendant la grossesse. Le plus<br />
gr<strong>and</strong> défi d'une approche alimentaire est de trouver un<br />
moyen d’augmenter suffisamment les apports des groupes<br />
les plus à risque, les jeunes enfants et les femmes<br />
enceintes. Le meilleur moyen d’assurer la consommation<br />
d'une quantité de micronutriments suffisamment élevée<br />
est d’ajouter des fortifiants dans le bol alimentaire d’un<br />
individu, une stratégie connue sous le nom de fortification<br />
maison.<br />
Peu d'expériences réussies ont été décrites<br />
Problème: Les expériences de supplémentation en fer et<br />
acide folique pendant la grossesse sont mitigées et les<br />
décideurs semblent toujours y réfléchir à deux fois avant<br />
de s’engager plus avant dans des programmes de contrôle<br />
de <strong>l'anémie</strong> ferriprive chez les femmes enceintes et/ou les<br />
jeunes enfants. C’est pourquoi il y a peu d'expériences<br />
décrivant des programmes réussis, notamment chez les<br />
jeunes enfants.<br />
Contexte: La plupart des recherches sur la déficience en<br />
fer et l’anémie ont été menées par des institutions académiques<br />
et se sont donc concentrées sur l’acquisition de<br />
nouvelles connaissances concernant la faisabilité technique<br />
des interventions, plutôt que sur leur faisabilité<br />
opérationnelle. La conséquence de cela semble être que<br />
l’attente personnelle des scientifiques à propos du programme<br />
est de conclure sur ce qui est le mieux, t<strong>and</strong>is<br />
qu’ils vont chercher à améliorer les interventions potentielles<br />
et tester de nouvelles préparations, de nouveaux<br />
protocoles de mesure, des combinaisons de micronutriments<br />
etc. En même temps, les programmes qui sont<br />
menés sur une base régulière ne laissent souvent pas<br />
assez de place à l’organisation et à l’évaluation, et ne se<br />
révèlent donc pas très efficaces pour communiquer sur<br />
les succès et les leçons à en tirer.<br />
Solution: Il devrait y avoir un plus gr<strong>and</strong> lien entre la<br />
communauté scientifique R&D et ceux mettant en œuvre<br />
les programmes afin, d’une part, de s’assurer que le plus<br />
gr<strong>and</strong> investissement est bien mis dans l’évaluation de la<br />
faisabilité opérationnelle des interventions prometteuses<br />
et, d’autre part, de surveiller et d’évaluer entièrement<br />
leur mise en oeuvre. Ces expériences devraient être<br />
appliquées à une échelle suffisamment importante. Les<br />
projets mis en application sont souvent trop petits et les<br />
conclusions qui en sont tirées ne permettent pas de les<br />
appliquer à plus gr<strong>and</strong>e échelle, à une province entière ou<br />
à un pays.<br />
Communiquer et interpréter les nouveaux<br />
résultats de recherche et les exceptions<br />
Problème: Les nouveaux résultats et rapports de recherche,<br />
dans les cas où aucun avantage n’a été trouvé, ou<br />
même, où des effets négatifs de la supplémentation en<br />
fer ou en multi-micronutriments ont été constatés, conduisent<br />
souvent à la conclusion que ces suppléments<br />
devraient être évités pour tout le monde à cause du risque<br />
de conséquences négatives.<br />
Contexte: Scrimshaw a suggéré les idées fausses suivantes<br />
qui pourraient entraver la mise en œuvre de programmes:<br />
• Le mythe selon lequel la déficience en fer est plus difficile<br />
à prévenir que les TDI et la CVA. Ceci se base<br />
en gr<strong>and</strong>e partie sur le fait que, pour l’instant, peu de<br />
programmes réussis ont été appliqués pour le contrôle<br />
de la déficience en fer, comparé au contrôle de celles<br />
en vitamine A et en iode.<br />
• Le mythe selon lequel la supplémentation en fer peut<br />
augmenter la sévérité des infections. Trois articles ont<br />
examiné la preuve de cette considération et ont conclu<br />
que seuls les très jeunes enfants (moins de deux
16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie 39<br />
mois), les enfants sévèrement malnutris présentant<br />
des complications cliniques, et les enfants des régions<br />
où le paludisme est très endémique et où aucun bon<br />
programme de contrôle de cette maladie n’a été<br />
appliqué, ne devraient pas recevoir de suppléments à<br />
doses élevées en fer (> 10 mg / jour). Les aliments<br />
fortifiés peuvent être prodigués aux enfants dans les<br />
régions à haute endémicité du paludisme. Au jour<br />
d’aujourd’hui, il n’y a pas assez d’arguments pour<br />
savoir si les fortifiants maisons, dont la plupart fournissent<br />
10−12,5 mg de fer à mélanger avec un repas,<br />
sont sûrs dans ces régions à haute endémicité du<br />
paludisme et, par conséquent, il a été recomm<strong>and</strong>é<br />
que ceux-ci ne soient fournis que dans des circonstances<br />
parfaitement contrôlées. L'augmentation des<br />
diarrhées constatée chez les enfants ayant reçu du fer<br />
était trop faible pour avoir une signification clinique.<br />
• La supposition selon laquelle les thalassémies et<br />
autres hémoglobinopathies constituent des contreindications<br />
à la supplémentation en fer. Dans certaines<br />
régions du monde, <strong>l'anémie</strong> est rendue complexe<br />
par la thalassémie et les hémoglobinopathies. Dans<br />
les cas sévères de thalassémie, il peut y avoir une<br />
surcharge en fer. La supplémentation habituelle en<br />
fer pendant la grossesse dans les régions à fortes prévalences<br />
de thalassémie et d'hémoglobinopathies<br />
donne des réponses hématologiques extrêmement<br />
variables. Cependant, il ne semble pas y avoir de<br />
rapport concernant les complications qui surviennent<br />
avec la supplémentation habituelle en fer pendant<br />
la grossesse, complications liées à la thalassémie et<br />
aux hémoglobinopathies dans la population.<br />
• L'idée selon laquelle le dépistage est nécessaire<br />
avant la supplémentation à cause de la prévalence<br />
d’hémochromatose. La prévalence d’homozygotes<br />
pour l’hémochromatose est très faible (< 0,5 %) et<br />
le gène pour la forme classique d’hémochromatose<br />
est rép<strong>and</strong>u uniquement dans les populations dont<br />
les origines ancestrales se trouvent en Europe du<br />
Nord. Quant au risque de surcharge en fer chez les<br />
personnes souffrant d’hémochromatose, les experts<br />
ne pensent pas qu’il s’agisse d’une raison pour<br />
supprimer le fer pour les personnes à risque de<br />
carence qui vivent dans les pays en développement.<br />
• La découverte selon laquelle la fortification et la<br />
supplémentation en fer pourraient augmenter le risque<br />
de maladie coronaire et de cancer. Une relation<br />
possible entre statut en fer et risque de maladie cardiovasculaire<br />
et de cancer a été le sujet de plusieurs<br />
études d'observation récentes. Jusqu'ici, il n’y a aucun<br />
argument valable montrant l’existence d’une telle<br />
relation ou un éventuel rapport causal.<br />
Solution: Il s’avère plus important de ne pas perdre de<br />
vue les très fortes prévalences de déficience en fer et d’anémie,<br />
ou leurs graves conséquences et la cause<br />
sous-jacente qui est une alimentation défectueuse. Les<br />
conclusions de la recherche devraient être entièrement<br />
examinées et leur applicabilité à la situation des différentes<br />
populations évaluées. En effet, elles devraient permettre<br />
de régler avec précision et de mettre en oeuvre<br />
plus efficacement les programmes de contrôle de la<br />
déficience en fer et de <strong>l'anémie</strong>, au lieu de stopper des<br />
programmes, ce qui se traduit par le fait que la majorité<br />
de la population est laissée sans traitement à cause d'une<br />
minorité qui pourrait présenter une légère augmentation<br />
du risque. Cette situation s'est produite récemment en<br />
réponse à la découverte d'une mortalité plus élevée chez<br />
les enfants, dans une région où le paludisme est hautement<br />
endémique, alors qu’ils étaient supplémentés en fer<br />
en absence de mesure de contrôle du paludisme. Que<br />
l’augmentation du risque fût faible, que ces découvertes<br />
n'aient pas été observées dans une région différente où la<br />
transmission du paludisme était sous contrôle en utilisant<br />
des moustiquaires de lit traitées et en traitant les cas suspects,<br />
ajouté au fait que le paludisme était très fortement<br />
endémique dans la région, n’a pas suscité beaucoup d’intérêt<br />
dans les discussions qui ont suivi la publication de<br />
ces résultats.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Puisque les prévalences de déficience en fer et d’anémie<br />
sont aussi fortes et que les conséquences pour les individus<br />
et les populations sont si sévères, le point central devrait<br />
être de mettre en œuvre des programmes de contrôle. L’argumentation<br />
devrait se concentrer sur les avantages pour le<br />
développement précoce de l'enfant et donc sa réussite ultérieure<br />
dans la vie et l’augmentation de sa productivité qui,<br />
au final, bénéficient à l'économie de la nation.<br />
Les programmes devraient promouvoir une approche<br />
alimentaire, incluant la fortification des aliments de<br />
base et des condiments pour la population générale, ainsi<br />
qu’une fortification maison pour les groupes cibles<br />
spécifiques, puisque ces programmes sont:<br />
• plus viables,<br />
• moins perçus comme le traitement d'une condition,<br />
• applicables dans les régions endémiques au<br />
paludisme.<br />
Qu<strong>and</strong> un programme à gr<strong>and</strong>e échelle est rendu effectif,<br />
il est essentiel que sa couverture, son observance et son<br />
efficacité soient évaluées.<br />
Quel est le message clé<br />
Le contrôle de la déficience en fer et de l’anémie a pris
40<br />
17 · Approches gagnantes – les sprinkles<br />
du retard par rapport à ceux des TDI et de la CVA. Ce<br />
contrôle devrait être accéléré en se concentrant sur le fait<br />
que l’alimentation de beaucoup de personnes n’apporte<br />
pas une quantité de fer adéquate, ce qui doit être résolu<br />
au travers d’une approche alimentaire incluant une fortification<br />
(maison) et, en parallèle, mais ne dépendant<br />
pas de celle-ci, des méthodes de lutte contre les autres<br />
causes d’anémie. Les conséquences de <strong>l'anémie</strong> et de<br />
la déficience en fer sur le développement cognitif, la<br />
productivité et le développement économique doivent<br />
être mises en exergue. Et pour avancer le plus efficacement<br />
possible, les programmes et les politiques devraient<br />
être entièrement surveillés, évalués et communiqués.<br />
17<br />
APPROCHES GAGNANTES – LES SPRINKLES<br />
Stanley Zlotkin et Mélody Tondeur<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Les recomm<strong>and</strong>ations actuelles INACG/OMS/UNICEF<br />
sont de fournir une supplémentation quotidienne en fer<br />
à tous les enfants de poids de naissance normal dans les<br />
premières années de vie, à partir de 6 mois, là où la prévalence<br />
d'anémie est inférieure à 40 %, et de continuer la<br />
supplémentation jusqu'à 24 mois qu<strong>and</strong> la prévalence est<br />
supérieure ou égale à 40 %. Le problème est qu’il existe<br />
peu d’options pour supplémenter en fer les nouveau-nés<br />
et les jeunes enfants. Les sirops (au sulfate ferreux) ont<br />
été la première stratégie, mais le goût désagréable et<br />
métallique, la coloration sombre des dents et la gêne<br />
abdominale qu’ils provoquaient ont rendu l’adhésion<br />
difficile. De plus, des problèmes techniques de courte<br />
durée de conservation, de coût de transport élevé et de<br />
difficulté à administrer correctement les gouttes ont<br />
entravé la réussite des interventions. Le concept de fortification<br />
maison est arrivé il y a une dizaine d’années,<br />
lorsque le contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est devenu<br />
une priorité, t<strong>and</strong>is que les interventions alors disponibles<br />
semblaient ne pas être efficaces pour atteindre les<br />
populations les plus vulnérables. Cela a conduit au développement<br />
de Sprinkles qui sont des sachets unidoses<br />
contenant un mélange de micronutriments en poudre à<br />
mélanger directement dans la nourriture. Les études<br />
montrent une bonne efficacité des Sprinkles qui sont<br />
bien tolérés et faciles à administrer. Actuellement, il y a<br />
deux formulations facilement disponibles – la "formulation<br />
pour l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>" (nutritional anemia<br />
formulation) et la "formulation complète en micronutriments"<br />
(complete micronutrient formulation), mais d'autres<br />
micronutriments peuvent y être ajoutés selon les conditions<br />
locales. La contribution des Sprinkles à une<br />
bonne alimentation complémentaire a été examinée au<br />
travers de la promotion actuelle de pratiques de sevrage<br />
appropriées, auprès des femmes enceintes et allaitantes,<br />
et des zones d'aide humanitaire et des actions d'urgence.<br />
Qu’a-t-il été accompli<br />
Le problème de <strong>l'anémie</strong> ferriprive chez les enfants a<br />
en gr<strong>and</strong>e partie disparu en Amérique du Nord suite à la<br />
fortification des aliments vendus dans le commerce, en<br />
fer et en d’autres micronutriments essentiels. Malheureusement,<br />
fortifier les aliments du commerce a eu un succès<br />
limité dans les pays en développement puisque les aliments<br />
achetés en magasin, notamment ceux destinés aux<br />
jeunes enfants, ne sont pas très disponibles ou accessibles.<br />
Des sachets unidoses de micronutriments en poudre<br />
(Sprinkles) ont été développés pour résoudre les problèmes<br />
et les limitations des interventions de fortification<br />
traditionnelle. Le fer (fumarate ferreux) est encapsulé à<br />
l’intérieur d’une fine couche de lipides qui lui empêche<br />
d’interagir avec la nourriture, limitant ainsi les modifications<br />
de goût, de couleur et de texture des aliments.<br />
D’autres micronutriments peuvent être ajoutés au fer,<br />
en fonction des déficiences et des besoins locaux. Les<br />
personnels soignants peuvent également être facilement<br />
renseignés sur leur usage et ces fortifiants peuvent être<br />
ajoutés à tout aliment semi-solide, après cuisson et avant<br />
de servir. De plus, le concept est applicable via des programmes<br />
et aucune barrière culturelle n'a été identifiée.<br />
Des études avec des isotopes stables ont été menées pour<br />
évaluer la biodisponibilité du fer et du zinc encapsulés.<br />
Des études basées sur des communautés dans plusieurs<br />
pays, impliquant des nouveau-nés et des enfants anémiques<br />
et non-anémiques, ont évalué l'efficacité, la biodisponibilité,<br />
la dose, l’acceptabilité et la sécurité des Sprinkles.<br />
Les résultats montrent que:<br />
• L’emballage en unidose et la distribution d'une quantité<br />
limitée préviennent la prise de doses excessives,<br />
ainsi un enfant devrait consommer beaucoup de<br />
sachets (plus de 20 / jour) avant que ne se pose un<br />
problème de toxicité. Le risque de surdose est donc<br />
inférieur comparé aux préparations liquides.<br />
• Les nouveau-nés souffrant d’anémie ferriprive absorbent<br />
le fer des Sprinkles environ deux fois aussi efficacement<br />
que les nouveau-nés déficients en fer et<br />
non-anémiques.<br />
• La dose de fer de 12,5 mg recomm<strong>and</strong>ée par l’OMS<br />
est efficace et suffisante.
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 41<br />
• Les sprinkles contenant 12,5 mg de fer donné pendant<br />
2 mois sont appropriés à la réduction de <strong>l'anémie</strong>,<br />
mais cette prise devrait être répétée plus d'une fois par<br />
an (c-à-d. 2 mois tous les 6 mois).<br />
• Le seul effet secondaire rapporté est le noircissement<br />
des selles, ce qui est normal puisque la majorité du fer<br />
est excrétée avec les selles.<br />
• Une moyenne de 70 % des sachets requis a été<br />
consommée, indiquant un haut niveau d'acceptation.<br />
• Les Sprinkles sont efficaces pour prévenir et traiter<br />
l’anémie.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
L'impact du fer sur l’accroissement de la sévérité des<br />
infections, à la fois parasitaires (paludisme) et bactériennes,<br />
reste une question importante mais non résolue.<br />
On considère que si l'absorption rapide du fer dépasse<br />
la capacité de liaison à la transferrine, il existe une possibilité<br />
d’augmentation de la prolifération des pathogènes<br />
(via le fer libre non lié à la transferrine). La forme et la<br />
dose de fer influera sur le taux d'absorption. On suppose<br />
que la forme encapsulée du fer dans les Sprinkles, et<br />
le fait qu'ils sont ajoutés aux aliments, conduira à une<br />
alternative plus sûre pour les autres formes de supplémentation<br />
en fer. Cependant, des recherches sont encore<br />
nécessaires.<br />
La recherche et développement des Sprinkles pour les<br />
femmes enceintes et allaitantes est en cours, tout comme<br />
leur utilisation pour l’aide humanitaire et pour l’alimentation<br />
d'urgence.<br />
Le succès des Sprinkles et l’échelle des interventions<br />
dans lesquelles les utiliser tiennent à deux éléments clés:<br />
premièrement, définir des méthodes de distribution viables<br />
qui permettent d’atteindre les populations les plus<br />
vulnérables dans les pays sous-développés, et, deuxièmement,<br />
s'assurer que les interventions bénéficient également<br />
d’une stratégie de marketing social. Le partenariat<br />
avec les organisations spécialisées dans ces régions est<br />
décisif.<br />
Le plus gr<strong>and</strong> défi pour le futur sera de plaider pour l’adoption<br />
des Sprinkles dans les politiques <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
des pays sous-développés.<br />
Quel est le message clé<br />
La fortification maison, qui utilise des sachets unidoses<br />
contenant un mélange de micronutriments en poudre et<br />
directement mélangé dans la nourriture (Sprinkles),<br />
constitue une voie sûre et efficace pour atteindre les<br />
groupes vulnérables dans les pays sous-développés et<br />
vaincre la plupart des limitations des interventions traditionnelles<br />
visant à lutter contre l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />
LES FAITS:<br />
• Les experts OMS/UNICEF estiment que plus de 750<br />
millions d’enfants dans le monde souffrent de carence<br />
en fer et d’anémie.<br />
• Les symptômes de toxicité du fer se produisent qu<strong>and</strong><br />
les apports se situent entre 20 et 60 mg de fer par kg<br />
de poids corporel.<br />
• Une étude a montré que les Sprinkles sont rentables,<br />
avec une valeur par DALY sauvé estimée à 12,20 $<br />
US et un coût par mort évité de 406 $.<br />
• Les avantages cognitifs s’associent à la prévention de<br />
<strong>l'anémie</strong> ferriprive et sont estimés à 37 $ gagnés pour<br />
chaque $ dépensé, lorsqu’ils sont traduits en réussite<br />
académique et en emploi au final à l’âge adulte.<br />
18<br />
SECURITE DES INTERVENTIONS<br />
DE REDUCTION DES ANEMIES<br />
NUTRITIONNELLES<br />
Klaus Schümann et Noel W. Solomons<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Les anémies sont rép<strong>and</strong>ues dans les pays en développement<br />
et étaient autrefois considérées comme découlant<br />
de déficiences nutritives. Toutefois, il est maintenant<br />
reconnu que de plus en plus d'anémies n’ont pas d'origine<br />
<strong>nutritionnelle</strong> et proviennent plutôt des suites d’une<br />
maladie chronique ou d’une hémoglobinopathie. Par<br />
conséquent, il est important de considérer la sécurité, soit<br />
thérapeutique, soit prophylactique, des interventions de<br />
santé publique et des interventions cliniques, de même<br />
que les avantages que présente l'allègement des déficiences<br />
en prodiguant des nutriments, puisqu’il peut également<br />
y avoir des risques associés chez les individus ayant<br />
suffisamment ou trop de ce nutriment. Le principe primordial<br />
de tout programme d’intervention reste de s’assurer<br />
qu'il ne cause pas de tort.<br />
Les problèmes d’innocuité surviennent parce qu’une<br />
exposition excessive aux vitamines et aux minéraux<br />
impliqués dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> peut provoquer,<br />
directement ou indirectement, des conséquences délétères,<br />
et même des effets toxiques. Inquiétude majeure: des<br />
individus spécifiques, ou des sous-groupes au sein d’une
42<br />
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
population, peuvent, soit se trouver excessivement exposés<br />
à des micronutriments via des suppléments ou des<br />
aliments fortifiés dans leur alimentation habituelle, soit<br />
avoir des réactions idiosyncrasiques à d'autres mesures<br />
impliquées dans le contrôle de santé publique de <strong>l'anémie</strong>.<br />
Il est donc clair que protéger la santé de la population<br />
implique à la fois de réduire le risque d'anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
et de protéger les individus des possibles<br />
conséquences délétères des interventions.<br />
Il est admis que les professionnels de terrain et les autorités<br />
de santé publique doivent s’assurer de certaines normes,<br />
de façon à garantir la sécurité de toute intervention.<br />
Il est capital de considérer les trois stratégies majeures<br />
d'interventions:<br />
1. La supplémentation<br />
Les suppléments peuvent contenir plus que les<br />
besoins physiologiques journaliers en un nutriment,<br />
en particulier pour le fer. De plus, les questions de<br />
contrôle qualité quant à la fabrication, aux excédents<br />
et aux dosages sont importantes. Dans le cas de la<br />
supplémentation en fer, il est capital d'éviter de nouveaux<br />
déséquilibres qui peuvent survenir suite à des<br />
effets corrosifs induits par le fer, ou des dommages<br />
oxydatifs résultant de la prise involontaire d’une dose<br />
excessive.<br />
2. La fortification<br />
Qu<strong>and</strong> des nutriments exogènes sont placés dans<br />
la nourriture, la variation de consommation des<br />
aliments fortifiés au sein d’une population devient<br />
importante. Par exemple, pour l’huile de cuisson ou le<br />
sucre, il peut y avoir un ratio quantitatif de dix entre<br />
les personnes en consommant le plus et celles en consommant<br />
le moins. Par conséquent, il est important<br />
que le niveau de fortification fournisse un taux d’exposition<br />
sûr pour la distribution de consommateurs la<br />
plus large.<br />
3. La diversification alimentaire<br />
L'intervention visant à promouvoir les aliments<br />
comme source de nutriments n'est pas sans poser des<br />
problèmes de sécurité potentiels, et peut encourager<br />
un modèle alimentaire moins sain en augmentant les<br />
apports alimentaires et donc le risque de maladie<br />
chronique. Des apports perturbés en vi<strong>and</strong>e rouge,<br />
source naturelle de fer biodisponible, pourrait, par<br />
exemple, augmenter le risque de cancer du côlon et<br />
beaucoup de maladies associées à une forte consommation<br />
de graisses saturées.<br />
Toute intervention doit être ciblée. Le groupe présentant<br />
l’apport moyen le plus bas devrait être la cible inhérente<br />
des programmes d'intervention portant sur les micronutriments.<br />
Il est important de noter que, chercher à augmenter<br />
l’apport moyen de la population peut se révéler<br />
inefficace (dissémination des ressources là où elles ne<br />
sont pas nécessaires et ne ciblant pas ceux qui en ont le<br />
plus besoin) et même potentiellement dangereux (poussant<br />
certains à la limite supérieure de la distribution, avec<br />
un apport encore plus élevé qu’habituellement). Dans<br />
tout programme d'intervention, il est crucial qu'il y ait<br />
une évaluation diagnostique et une surveillance.<br />
FER<br />
Quelles sont les préoccupations<br />
d’innocuité concernant le fer<br />
Par la nature de ses caractéristiques physicochimiques et<br />
de ses interactions biologiques avec les autres composés,<br />
le fer présente un ensemble de défis pour que son application<br />
soit sûre:<br />
• Effets gastro-intestinaux: les doses de fer auxquelles<br />
les individus peuvent être exposés quotidiennement<br />
via la combinaison des aliments, des fortifiants dans<br />
l'alimentation et des suppléments, sont particulièrement<br />
importantes. Les limites supérieures d’apports<br />
tolérables en fonction de l'âge ont été fixées aux<br />
Etats-Unis. Elles sont de 40 mg/jour dans l'enfance et<br />
l’adolescence, puis de 45 mg/jour à l’âge adulte. La<br />
plupart des effets secondaires communs des préparations<br />
de fer orales sont d’ordre gastro-intestinal: nausée,<br />
vomissement et incommodité épigastrique; et le<br />
niveau d'effet délétère observé le plus faible pour une<br />
seule dose a été placé entre 50 et 60 mg. L’apport en<br />
fer oral provoque également une coloration noire<br />
inoffensive des selles et, chez environ 6 % des individus,<br />
diarrhée ou constipation sont également possibles.<br />
• Effets athérogéniques: il y a eu quelques observations<br />
controversées quant à une corrélation entre apport en<br />
fer alimentaire et risque d’infarctus aigu du myocarde,<br />
mais cette association pourrait également être<br />
liée à la consommation concomitante du repas et donc<br />
à l’apport en graisse saturée et en cholestérol.<br />
• Effets de l'inflammation: la supplémentation en fer<br />
augmente les indicateurs de stress oxydatif.<br />
• Infections bactériennes: le problème de cet aspect est<br />
que le fer constitue un nutriment nécessaire aux<br />
mécanismes de défense à la fois des pathogènes et de<br />
l'hôte. Cependant, il semblerait que la supplémentation<br />
en fer oral chez les enfants déficients soit majoritairement<br />
bénéfique et réduise la prévalence d'infection.
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 43<br />
Que devrait-on considérer concernant<br />
la supplémentation en fer<br />
• La supplémentation thérapeutique en fer utilise des<br />
doses orales élevées, entre 50 et 400 mg/jour de fer;<br />
elle peut être gérée individuellement et devrait être<br />
continuellement ajustée en fonction de la dem<strong>and</strong>e.<br />
• Il est essentiel que toute intervention sur le fer soit<br />
accompagnée d’un traitement des infections par les<br />
vers.<br />
• La supplémentation prophylactique en fer dans deux<br />
sous-groupes de population, d’une part, les femmes<br />
enceintes et, d’autre part, les nouveau-nés et jeunes<br />
enfants de 6 à 24 mois, est recomm<strong>and</strong>ée au niveau<br />
international.<br />
• La distribution prénatale de fer et d’acide folique<br />
combinés en comprimé est très importante.<br />
• La supplémentation complète de tous les jeunes<br />
enfants peut être problématique, car la dose n'est souvent<br />
pas contrôlée et adaptée aux changements de<br />
besoins des enfants déficients et, chez les enfants<br />
ayant un bon statut en fer, il y a un risque accru de<br />
déséquilibres causés par un excès de fer. De récents<br />
travaux de recherche sur la supplémentation en fer<br />
dans des régions endémiques au paludisme lui ont<br />
attribué une augmentation inquiétante de l’incidence<br />
d'effets délétères et de mort. La supplémentation en<br />
fer chez les enfants déficients dans les régions endémiques<br />
au paludisme n’est donc pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />
Quid de la fortification en fer<br />
La fortification des formules infantiles et des aliments<br />
de complément est courante depuis longtemps, mais le<br />
nombre et la diversité d'autres aliments contenant du fer<br />
ajouté (des aliments de base traditionnels jusqu’aux boissons<br />
et aux condiments) augmentent. Contrairement aux<br />
aliments de base qui contribuent seulement à une fraction<br />
des besoins journaliers d'un individu, les formules infantiles<br />
et les aliments de complément fortifiés fournissent jusqu'à<br />
100 % des apports journaliers d’un jeune enfant, et<br />
doivent donc être formulés avec un fer de densité et de biodisponibilité<br />
appropriées. Il est important de noter que deux<br />
densités de fortification différentes sont exigées pour les<br />
enfants de 6 à 24 mois, afin d’éviter une surexposition dans<br />
la tranche d'âge la plus haute. La fortification des grains de<br />
céréale est obligatoire dans beaucoup de pays et les niveaux<br />
d'ajout se situent autour de 20 à 50 mg/kg selon le composé<br />
de fer utilisé, et fournissent généralement au maximum<br />
22 % des besoins journaliers en fer. A noter que l'augmentation<br />
involontaire de l'exposition au sodium peut être<br />
une préoccupation qu<strong>and</strong> les condiments sont fortifiés. Les<br />
directives de l’OMS sur la fortification des aliments en<br />
micronutriments sont d’un gr<strong>and</strong> intérêt.<br />
Quid de la biofortification en fer<br />
La biofortification fait référence à la modification génétique<br />
des cultures alimentaires hautement énergétiques<br />
telles que riz, blé, maïs, pommes de terre et manioc. Cette<br />
technologie utilise les techniques de sélection systématique<br />
ou génétique pour développer des cultures de base<br />
riches en micronutriments. Contrairement aux autres<br />
méthodes, les besoins en traitement centralisé et en logistique<br />
complexe sont évités. Le fait que le sol contienne<br />
suffisamment d'oligoéléments constitue un prérequis à<br />
une biofortification réussie, ce qui peut nécessiter une<br />
fertilisation afin d’éviter un épuisement du sol. Il existe<br />
également des controverses concernant la modification<br />
génétique qui peut être réalisée par sélection conventionnelle<br />
ou pour optimiser les teneurs et la disponibilité en<br />
micronutriments.<br />
Quid de la diversification <strong>nutritionnelle</strong><br />
pour augmenter l’apport en fer<br />
Encourager les populations à diversifier leur alimentation<br />
pour y inclure des sources plus riches en certains<br />
micronutriments largement déficients constitue une stratégie<br />
importante, particulièrement pertinente lorsqu’il<br />
s’agit du fer. Encourager les jardins individuels ou scolaires<br />
ne présente généralement pas de risque d'excès du<br />
fait des faibles teneurs en fer dans les fruits et légumes et<br />
de sa faible biodisponibilité. D'autres interventions<br />
encouragent l’augmentation de la consommation de<br />
vi<strong>and</strong>e via l’élevage de petits ruminants ou la subvention<br />
de l’achat de vi<strong>and</strong>e, ainsi que de volaille et de poisson.<br />
La consommation excessive de fer est improbable, et la<br />
sécurité de l'intervention dépend des conditions sanitaires<br />
et des conséquences à long terme des maladies chroniques<br />
associées à des apports en vi<strong>and</strong>e élevés.<br />
Quelle est l’influence du retardement du pincement<br />
du cordon ombilical sur la teneur en fer du sang<br />
La recherche montre que retarder le clampage du cordon<br />
ombilical constitue une mesure prophylactique efficace,<br />
permettant d’augmenter jusqu'à 50 % le statut en fer à la<br />
naissance et offrant la possibilité de plus longues périodes<br />
d'allaitement. Il y a cependant des inquiétudes quant<br />
à une augmentation du risque d’hyperbilirubinémie, mais<br />
les différentes méta-analyses montrent des résultats<br />
contradictoires.<br />
VITAMINE B 12<br />
Quid de l’innocuité de la vitamine B 12 <br />
La vitamine B 12 est associée à l’anémie et son absence<br />
résulte en une anémie hypoproliférative avec présence de<br />
gros globules rouges macrocytaires immatures dans la
44<br />
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
circulation. La vitamine B 12 est remarquable pour sa<br />
gr<strong>and</strong>e marge d’innocuité et aucune limite supérieure<br />
d’apport tolérable en fonction de l'âge n'a été fixée. Le<br />
traitement traditionnel de <strong>l'anémie</strong> mégaloblastique par<br />
carence en vitamine B 12 est une unique dose intramusculaire<br />
d’environ 200 µg de cyanocobalamine parentérale.<br />
La seule préoccupation importante d’innocuité entourant<br />
ces injections concerne les infections virales transmissibles<br />
par le sang et l'usage d’aiguilles stériles à manipuler<br />
prudemment. Par ailleurs, des doses orales de 1000−<br />
2000 µg de cyanocobalamine se sont également révélées<br />
efficaces.<br />
La supplémentation prophylactique en vitamine B 12 est<br />
pratiquement inconnue en tant que mesure de politique<br />
de santé, en revanche, la fortification en vitamine B 12 est<br />
pratiquée.<br />
ACIDE FOLIQUE<br />
Que devrait-on envisager concernant les folates<br />
Les folates ont un rapport à la fois primaire et secondaire<br />
avec l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>. Il est important de noter que<br />
les recomm<strong>and</strong>ations journalières pour les apports n’ont<br />
pas été fixées à un niveau permettant uniquement sa<br />
fonction hématologique, mais à un niveau plus élevé<br />
pour la prévention des défauts du tube neural. Un apport<br />
excessif en folates est associé à des conséquences délétères<br />
et l'inquiétude majeure concerne la possibilité de<br />
masquage d’une déficience sous-jacente en vitamine<br />
B 12 .<br />
Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en folates,<br />
un programme de supplémentation quotidienne à des<br />
doses de 500−5000 µg peut être prescrit et il est prudent<br />
de donner de la vitamine B 12 dans le même temps. Qu<strong>and</strong><br />
l'acide folique est donné en intervention prophylactique,<br />
on cible les groupes à risque de défauts du tube neural et<br />
la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en<br />
combinaison avec du fer, ou avec du fer et d’autres<br />
micronutriments. La supplémentation habituelle en fer et<br />
acide folique dans les populations présentant un fort taux<br />
de paludisme n’est pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />
La fortification en acide folique est largement pratiquée<br />
et l’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel<br />
comestible comme étant la quantité maximale à ajouter<br />
pour la fortification des aliments de base, et un maximum<br />
de 27 µg d'acide folique par portion de 40 kcal de produit<br />
pour les autres aliments fortifiés vendus dans le commerce.<br />
VITAMINE A<br />
Quelles sont les questions clés autour<br />
de l’innocuité de la vitamine A<br />
Intrinsèquement, la carence en vitamine A n'est pas une<br />
cause d'anémie <strong>nutritionnelle</strong>; cependant, il a été montré<br />
qu’un statut adéquat en vitamine A avait un rôle annexe<br />
dans l’optimisation de l’utilisation du fer. La limite supérieure<br />
d’apport tolérable quotidien a été fixée à 10 000 IU<br />
(3030 µg d’équivalent rétinol). L’exposition totale à la<br />
vitamine A devrait être limitée à une dose cumulative<br />
permettant de maintenir une concentration en vitamine A<br />
hépatique inférieure à 300 µg/g, ce que l’on estime être le<br />
seuil de toxicité. La consommation journalière régulière<br />
de 30 mg de vitamine A sous forme rétinoïde est associée<br />
à une toxicité chronique.<br />
Maintenir des apports élevés en β-carotène (un caroténoïde<br />
provitamine A) produit une coloration jauneorange<br />
de la peau, inoffensive d’un point de vue dermatologique.<br />
Certains travaux de recherche ont montré un<br />
risque de mort augmenté lorsque du β-carotène isolé était<br />
utilisé en suppléments journaliers à une dose de 30−50<br />
mg au cours d’essais cliniques sur des individus prédisposés<br />
au cancer du poumon (fumeurs, ouvriers travaillant<br />
en contact avec l'amiante).<br />
Quid de la supplémentation et de la fortification<br />
en vitamine A<br />
La supplémentation en vitamine A fait partie du régime<br />
pour la réhabilitation intensive des enfants souffrant de<br />
malnutrition protéino-énergétique sévère. Un enregistrement<br />
strict est exigé. On ne recomm<strong>and</strong>e plus de donner<br />
des suppléments à forte dose de vitamine A aux femmes<br />
allaitantes après l'accouchement afin d’assurer la teneur<br />
en vitamine A du lait.<br />
L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la fortification<br />
en vitamine A des aliments de base, bien que<br />
cette fortification soit courante. Il est suggéré qu’une<br />
telle fortification devrait fournir au moins 15 % des<br />
besoins quotidiens en vitamine A du groupe cible, mais<br />
ne devrait pas excéder 30 %. Pour les produits du commerce,<br />
l’OMS recomm<strong>and</strong>e une addition maximale de 60<br />
µg de vitamine A par portion de 40 kcal.<br />
Y a-t-il un rôle pour la biofortification<br />
en vitamine A<br />
La biofortification est un axe de recherche naissant dans<br />
les interventions visant les micronutriments et sa promotion<br />
est coordonnée par l'initiative Harvest Plus. Des<br />
variétés de carottes et de patates douces riches en provi-
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 45<br />
tamine A ont été développées et l'exposition à ces formes<br />
de β-carotène devrait être sûre pour la population.<br />
RIBOFLAVINE<br />
Y a-t-il des problèmes d’innocuité avec<br />
la riboflavine<br />
Le carence en riboflavine n'est pas une cause d'anémie<br />
<strong>nutritionnelle</strong>, cependant, comme la vitamine A, la riboflavine<br />
est un nutriment utile pour maximiser la réplétion,<br />
arbitrée par le fer, d'une pleine masse de globules<br />
rouges. Puisqu’il n’y a aucun effet délétère associé à la<br />
riboflavine, aucune limite supérieure d’apport tolérable<br />
quotidien ne lui a été assignée.<br />
Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg sont<br />
utilisées pour traiter les individus atteints d’hyporiboflavinose.<br />
Généralement, la riboflavine est également<br />
ajoutée aux suppléments multinutriments et à la<br />
fortification des céréales principales auxquelles on ajoute<br />
typiquement une concentration allant jusqu'à 200 mg/kg<br />
de farines de céréale.<br />
CUIVRE<br />
Quelles sont les questions d’innocuité<br />
en rapport avec le cuivre<br />
La déficience sévère en cuivre produit une anémie<br />
hypochromique microcytaire, mais ne représente pas un<br />
problème de santé publique, puisque la carence en cuivre<br />
primaire est rarement constatée et se produit presque<br />
exclusivement chez les nouveau-nés et les jeunes enfants<br />
nourris avec des laits formulés à faible teneur en cuivre,<br />
ou chez des adultes sous nutrition totalement entérale ou<br />
parentérale. L'anémie secondaire à une déficience en cuivre<br />
pourrait cependant être mise en rapport avec les interventions<br />
utilisant du zinc à des niveaux supérieurs aux<br />
limites tolérables.<br />
Le cuivre est un puissant émétique, provoquant des nausées<br />
et des vomissements qu<strong>and</strong> il est ingéré, même en<br />
faible quantité, et un apport chronique excessif a été<br />
associé à une élévation anormale du taux de cholestérol<br />
LDL. La limite supérieure d’apport tolérable quotidien<br />
est fixée à 10 mg pour les adultes aux États-Unis, contre<br />
5 mg dans l’Union Européenne.<br />
L'anémie par déficience en cuivre a été traitée avec succès<br />
à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous forme<br />
de sulfate, chez les adultes et les jeunes enfants, et des<br />
quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses divisées,<br />
sûres et tolérables pour les adultes. Ainsi, là où du zinc<br />
est donné à forte dose, le cuivre devrait entrer dans la<br />
formulation du supplément, afin de prévenir un déséquilibre<br />
des apports en cuivre par le zinc.<br />
INTERVENTIONS AVEC DE MULTIPLES<br />
MICRONUTRIMENTS<br />
Que devrait-on considérer concernant l’innocuité des<br />
interventions avec de multiples micronutriments<br />
Du fait que les déficiences en nutriments se trouvent<br />
souvent combinées, il y a eu un glissement d’une fortification<br />
en un seul nutriment vers des interventions avec<br />
de multiples micronutriments. Les recherches, menées<br />
dans le domaine génésique et chez les enfants, ont montré<br />
des effets contradictoires des supplémentations multinutriments<br />
et il semblerait que des interactions à la fois<br />
biologiques et nutriment-nutriment en soient responsables.<br />
Des recherches complémentaires sont nécessaires,<br />
car la combinaison de plusieurs nutriments compliquent<br />
l’attribution de conséquences positives ou négatives sur<br />
la santé, de combinaisons spécifiques, dans des conditions<br />
spécifiques.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Des études récentes montrant un effet négatif de la<br />
supplémentation en fer dans les régions endémiques au<br />
paludisme suggèrent que, d’une part, des travaux de<br />
recherche sont nécessaires dans le domaine, afin de<br />
développer et de tester des procédures adéquates et économiques<br />
pour la détermination du statut en fer à gr<strong>and</strong>e<br />
échelle, et nous rappelle, d’autre part, que les programmes<br />
d'intervention peuvent avoir des conséquences négatives.<br />
Le contrôle de la sécurité est un point crucial. Dans<br />
toute intervention de fortification, le profil de risque de<br />
la population devrait être estimé avec soin et mis à jour<br />
régulièrement.<br />
Quel est le message clé<br />
Les interventions de contrôle de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
sont conçues dans le but d’obtenir un résultat positif sur<br />
la santé publique. Il reste néanmoins possible de menacer<br />
des vies et de nuire à la réputation des programmes d'intervention.<br />
Les recherches en cours dans tous les domaines<br />
d'intervention (supplémentation, fortification et<br />
diversification alimentaire), utilisant des formulations<br />
avec un seul ou plusieurs nutriments, doivent donc continuer.<br />
Les responsables politiques et les professionnels<br />
de santé publique se doivent d’être intransigeants avec le<br />
principe selon lequel chaque programme d'intervention<br />
doit être sûr pour tous les consommateurs et doit conduire<br />
à une amélioration ou à un maintien de la santé<br />
globale.
46<br />
18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />
LES FAITS:<br />
• La carence en fer explique environ la moitié des<br />
anémies dans les pays en développement et l’on suggère<br />
que l'autre moitié proviendrait d’un manque de<br />
cuivre, zinc, folates ou vitamines A, B 2 , B 12 ou C.<br />
• Le principe primordial de toute intervention doit être<br />
"premièrement, ne pas faire de mal".<br />
• Les doses habituelles des suppléments nutritionnels<br />
sont:<br />
• 30−60 mg de fer pour un adulte de 70 kg,<br />
• un maximum de 120 mg de fer pendant la grossesse,<br />
• 2 mg de fer / kg pour les enfants.<br />
• En général, les effets secondaires du fer ne sont pas<br />
constatés après des apports oraux de 30−60 mg.<br />
• Une dose orale de 180−300 mg de fer / kg de poids<br />
corporel peut s’avérer mortelle pour les êtres<br />
humains, mais des doses orales inférieures à<br />
10−20 mg de fer/kg de poids corporel représentent<br />
un niveau de non-observation d’effet délétère (No<br />
observed adverse-effect-level, NOAEL).<br />
• Aux Etats-Unis, il existe des limites supérieures d’apport<br />
tolérable quotidien liés à l'âge pour le fer. La<br />
limite a été fixée à 40 mg/jour pour les nouveau-nés<br />
et les jeunes enfants, et à 45 mg/jour pour les adultes.<br />
• Les directives de l’OMS sur la fortification alimentaire<br />
en micronutriments fournissent une information<br />
détaillée sur les niveaux de fortification basés sur<br />
l’innocuité et les contraintes technologiques et financières.<br />
Elles peuvent être comm<strong>and</strong>ées sur le site Web<br />
de l’OMS.<br />
• Les directives de l’OMS suggèrent que l’on ne peut<br />
ajouter plus de 3 mg de fer fortifiant à une portion de<br />
50 g d’aliment solide ou à 250 ml de boisson – contribuant<br />
à un maximum de 22 % des besoins journaliers<br />
en fer fournis par une alimentation avec une disponibilité<br />
biologique élevée.<br />
• La supplémentation en fer dans les régions endémiques<br />
au paludisme n'est pas recomm<strong>and</strong>ée, en raison<br />
des résultats d'études récentes montrant une incidence<br />
accrue d'effets délétères et de mort.<br />
• Le traitement traditionnel de <strong>l'anémie</strong> mégaloblastique<br />
par carence en vitamine B 12 est une dose unique<br />
intramusculaire d’environ 200 µg de cyanocobalamine<br />
parentérale. Des doses orales de 1000−2000 µg<br />
de cyanocobalamine se sont également révélées efficaces.<br />
• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien pour<br />
les folates est fixée à 1000 µg/jour pour les adultes.<br />
• Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en<br />
folates, un programme de supplémentation quotidienne<br />
à des doses de 500 à 5000 µg peut être prescrit,<br />
et il est prudent de donner de la vitamine B 12<br />
dans le même temps.<br />
• L’acide folique donné en intervention prophylactique<br />
cible les groupes à risque de défauts du tube neural et<br />
la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en<br />
combinaison avec du fer ou du fer et d’autres micronutriments.<br />
A noter: la supplémentation habituelle en<br />
fer et acide folique dans les populations présentant un<br />
fort taux de paludisme n’est pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />
• L’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel<br />
comestible comme la quantité maximale d’acide<br />
folique pouvant être ajoutée pour la fortification des<br />
aliments de base, et un maximum de 27 µg par portion<br />
de 40 kcal de produit pour les autres aliments<br />
fortifiés vendus dans le commerce.<br />
• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien a<br />
été fixée à 10 000 IU (3030 µg d’équivalent rétinol)<br />
pour la vitamine A.<br />
• L’exposition totale à la vitamine A devrait être limitée<br />
à une dose cumulative permettant de maintenir une<br />
concentration en vitamine A hépatique inférieure à<br />
300 µg/g, ce que l’on estime être le seuil de toxicité.<br />
• La consommation journalière régulière de 30 mg de<br />
vitamine A sous forme rétinoïde est associée à une<br />
toxicité chronique.<br />
• L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la<br />
fortification en vitamine A des aliments de base, mais<br />
il est suggéré qu’une telle fortification devrait fournir<br />
au moins 15 % des besoins quotidiens en vitamine A<br />
du groupe cible et ne devrait pas excéder 30 %.<br />
• Pour les produits du commerce, l’OMS recomm<strong>and</strong>e<br />
une addition maximale de vitamine A de 60 µg par<br />
portion de 40 kcal.<br />
• On ne recomm<strong>and</strong>e plus de donner des suppléments à<br />
forte dose de vitamine A aux femmes allaitantes après<br />
l'accouchement afin d’assurer la teneur en vitamine A<br />
du lait.<br />
• Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg de<br />
riboflavine sont utilisées pour traiter les individus<br />
atteints d’hyporiboflavinose.<br />
• Généralement, la riboflavine est également ajoutée<br />
aux suppléments multinutriments et dans la fortification<br />
des céréales principales, auxquelles on en ajoute<br />
typiquement une concentration allant jusqu'à 200<br />
mg/kg de farines de céréale.<br />
• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien est<br />
fixée à 10 mg pour les adultes aux Etats-Unis, contre<br />
5 mg dans l’Union Européenne.<br />
• L'anémie par carence en cuivre a été traitée avec succès<br />
à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous<br />
forme de sulfate chez les adultes et les jeunes enfants,<br />
et des quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses<br />
divisées, sûres et tolérables pour les adultes.
19 · Importance et limitations de la fortification des aliments 47<br />
• Là où du zinc est donné à forte dose, le cuivre devrait<br />
entrer dans la formulation du supplément, afin de<br />
prévenir un déséquilibre des apports en cuivre par le<br />
zinc.<br />
19<br />
IMPORTANCE ET LIMITATIONS DE<br />
LA FORTIFICATION DES ALIMENTS<br />
DANS LA GESTION DES ANEMIES<br />
NUTRITIONNELLES<br />
Omar Dary<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Deux approches principales sont utilisées pour contrôler<br />
les carences en micronutriments dans les populations:<br />
supplémentation et fortification alimentaire. Les suppléments<br />
sont très denses en vitamines et minéraux afin de<br />
fournir de gr<strong>and</strong>es quantités de nutriments en une ou<br />
quelques doses. Leur formulation peut être adaptée aux<br />
besoins d'un groupe de population spécifique. Ils sont<br />
conçus pour délivrer les quantités de micronutriments<br />
recomm<strong>and</strong>ées et éviter les interactions entre micronutriments<br />
et inhibiteurs de l'absorption. Leur consommation<br />
nécessite, cependant, une décision volontaire et éclairée,<br />
et les études montrent que son acceptation et la couverture<br />
de la population par la supplémentation sont faibles.<br />
Un aliment fortifié est un produit comestible fabriqué par<br />
l'industrie alimentaire avec une composition <strong>nutritionnelle</strong><br />
améliorée (ajout de vitamines et minéraux). La fortification<br />
alimentaire pourrait être considérée comme l’approche<br />
la plus favorable et la plus rentable si elle dispose<br />
du soutien des industriels. Néanmoins, même dans ces<br />
conditions, il y a beaucoup de facteurs susceptibles de<br />
limiter son utilisation potentielle et son efficacité.<br />
Il existe des directives de l’OMS pour la fortification alimentaire<br />
et celles-ci identifient trois approches:<br />
1. La fortification de masse – Addition de micronutriments<br />
aux aliments généralement consommés par<br />
la population générale. Fournit une meilleure couverture<br />
de la population, mais ne peut satisfaire que<br />
partiellement les besoins en micronutriments des<br />
sous-groupes à risque.<br />
2. La fortification ciblée – Elle se concentre sur la<br />
couverture spécifique des sous-groupes à risque.<br />
L’apport peut alors être suffisant pour satisfaire les<br />
besoins nutritionnels.<br />
3. La fortification en fonction du marché – Là où un<br />
fabricant alimentaire prend l’initiative de fortifier des<br />
produits afin d’augmenter ses ventes et ses profits.<br />
Permet une couverture très réduite dans les pays en<br />
développement.<br />
Il y a, de plus, un concept relativement nouveau, à savoir<br />
la fortification au niveau du ménage. Il s’agit de la consommation<br />
de suppléments alimentaires (habituellement<br />
sous forme de poudre) mélangés à la nourriture au cours<br />
des repas. Dans le cas de la fortification de masse, son<br />
principal avantage sur les autres interventions est qu'elle<br />
utilise déjà la distribution et les systèmes commerciaux<br />
existants et, par conséquent, le coût est fondamentalement<br />
restreint aux vitamines et minéraux ajoutés, ainsi<br />
qu’aux procédés de fortification.<br />
Contrôler l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> dans le groupe cible des<br />
jeunes enfants de moins de 24 mois dem<strong>and</strong>e une attention<br />
et des produits spéciaux, tels que les aliments de complément<br />
(fortification ciblée) et les suppléments alimentaires<br />
spécifiques à l’âge. Mais un autre groupe important exige<br />
toute l’attention: les femmes en âge de procréer.<br />
Quelles sont les limitations possibles<br />
à la fortification de masse<br />
• La sélection du véhicule est un facteur extrêmement<br />
important à considérer. Le faible coût d’utilisation de<br />
la fortification de masse s’avère vrai dans un contexte<br />
industriel où l’aliment est produit par des centres de<br />
production officiels et centralisés.<br />
• Le facteur de dilution du fortifiant dans l’aliment doit<br />
être élevé,c-à-d. une petite quantité de fortifiants dans<br />
une gr<strong>and</strong>e quantité d’aliment.<br />
• L’augmentation du prix du produit due à la fortification<br />
devrait être minime, sinon il sera difficile d'obtenir<br />
l’acceptation du consommateur et d'établir une<br />
situation équitable parmi les producteurs.<br />
• La teneur en vitamines et en minéraux est déterminée<br />
à partir des individus qui consomment l’aliment en<br />
gr<strong>and</strong>e quantité, et donc l’apport supplémentaire<br />
en micronutriments donné aux individus les plus à<br />
risque, consommant fréquemment l’aliment en moins<br />
gr<strong>and</strong>e quantité, peut se révéler insuffisant si l’on<br />
n’utilise qu’un seul véhicule fortifié. Par conséquent,<br />
des mesures complémentaires peuvent aussi être<br />
nécessaires.<br />
• Des barrières technologiques peuvent limiter les<br />
niveaux et les formes de micronutriments à incorporer<br />
à des véhicules spécifiques, notamment en raison<br />
de changements organoleptiques indésirables. Il s’agit<br />
de la principale limitation à l’apport de quantités<br />
de fer suffisantes via les farines fortifiées.
48<br />
20 · Approches alimentaires<br />
Comment peut-on évaluer l'impact potentiel<br />
des interventions de fortification<br />
Les directives de l’OMS proposent des estimations des<br />
bénéfices potentiels à utiliser la proportion de la population<br />
située au-dessous et au-dessus des besoins moyens<br />
estimés (BME). Cependant, il est difficile d'estimer le<br />
profil de la distribution des BME dans les populations et<br />
il est donc suggéré qu'un calcul indirect des BME supplémentaires<br />
obtenus à partir des aliments fortifiées est<br />
valable. Comme norme, il est proposé qu’un aliment<br />
apportant au moins 20 % des BME pourrait être qualifié<br />
de bonne source et ceux en apportant 40 % comme excellente<br />
source. L'importance de la fortification de masse<br />
pourrait être estimée grâce au nombre absolu et relatif<br />
d'individus des groupes vulnérables atteignant ces catégories<br />
de BME.<br />
Quel est le rôle du contrôle<br />
et de la mise en application<br />
Le succès de toute intervention dépend d’abord de l'assurance<br />
que la(les) population(s) cible(s) reçoi(ven)t les<br />
micronutriments en quantité et qualité requises. Ceci<br />
rend essentielles les actions de contrôle et d'assurance<br />
qualité par les producteurs, ainsi que l’inspection et la<br />
mise en application par les autorités gouvernementales.<br />
Les valeurs de référence et les critères d’acceptation<br />
répondant à la réalité des programmes doivent être fixés,<br />
mais sont malheureusement fréquemment négligés dans<br />
l’organisation des programmes. Les micronutriments et<br />
les prémixes devraient être certifiés en termes de quantités<br />
et de qualité des micronutriments, d’innocuité microbiologique,<br />
et devraient être surveillés par les autorités<br />
gouvernementales.<br />
Quel est le message clé<br />
Les produits fortifiés ainsi que les suppléments<br />
alimentaires semblent être une voie raisonnable pour<br />
commencer à réduire l’anémie ferriprive dans les pays en<br />
développement. Cependant, le défi reste de s’assurer que<br />
de telles stratégies puissent être permanentes et viables.<br />
La fortification alimentaire doit relever plusieurs défis,<br />
mais ceux-ci peuvent être gagnés via la détermination de<br />
st<strong>and</strong>ards, le contrôle qualité, la certification, la surveillance<br />
et la mise en application par les gouvernements.<br />
LES FAITS:<br />
• Le coût total pour couvrir les besoins moyens estimés<br />
(BME) en la plupart des micronutriments (excepté<br />
en calcium et vitamine C) des femmes en âge de<br />
procréer se situe entre 0,25 et 1,00 $ US par an.<br />
• Dans la fortification de masse en condition réellement<br />
industrielle, approximativement 80−90 % du<br />
coût correspond à l’achat des micronutriments, à l'exception<br />
du riz pour lequel 50−90 % du coût est<br />
lié à la production de grains fortifiés.<br />
• Dans la supplémentation, le coût des micronutriments<br />
ne correspond qu’à 10−40 % du coût total. Cependant,<br />
la supplémentation exige un système de distribution,<br />
lequel est déjà en place dans la fortification de<br />
masse.<br />
• Le fer est un nutriment difficile à fournir via la fortification<br />
de masse, en particulier s’il s’agit de satisfaire<br />
les besoins des femmes en âge de procréer. Par<br />
conséquent, la fortification ciblée et la supplémentation<br />
préventive doivent être gardées à l'esprit pour la<br />
gestion complète des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s.<br />
20<br />
APPROCHES ALIMENTAIRES<br />
DE LUTTE CONTRE LA CARENCE EN FER<br />
Brian Thompson<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
La carence en fer est un problème social et de santé<br />
publique, sérieux et rép<strong>and</strong>u. Bien que les taux de prévalence<br />
soient souvent plus élevés parmi les femmes et les<br />
enfants, la déficience en fer peut affecter la croissance, le<br />
développement et les performances de tous. L’échelle et<br />
l’ampleur du problème, combinés à l’impact fonctionnel<br />
qu’ont de telles déficiences sur la qualité de vie, du point<br />
de vue à la fois physiologique et socio-économique,<br />
nécessitent l'adoption urgente de mesures de contrôle<br />
connues et efficaces.<br />
Nous savons que, dans la majorité des cas, la cause principale<br />
de malnutrition en micronutriments est un apport<br />
alimentaire faible, à la fois en termes de quantité totale de<br />
nourriture consommée et de contribution d’aliments<br />
riches en micronutriments dans cette alimentation. Par<br />
conséquent, la FAO encourage un ensemble d’actions qui<br />
incitent une augmentation de l’apport, de l’accès et de la<br />
consommation d'une quantité, d’une qualité et d’une<br />
variété adéquates d’aliments, pour toutes les populations.<br />
Dans les pays en développement où les déficiences en<br />
micronutriments occupent une place prédominante dans<br />
un contexte d'insécurité alimentaire, couvrir les besoins<br />
totaux en énergie à partir d'une alimentation diversifiée et<br />
riche en micronutriments reste un défi majeur. Dans de<br />
tels cas, là où l'insécurité alimentaire est poussée par la
20 · Approches alimentaires 49<br />
pauvreté et le sous-développement agricole, la FAO concentre<br />
son soutien sur des stratégies basées sur l’alimentation,<br />
dont la diversification alimentaire et la fortification<br />
des aliments, visant à augmenter la disponibilité et la<br />
consommation d'une alimentation riche en micronutriments<br />
et <strong>nutritionnelle</strong>ment adéquate, constituée à partir<br />
d'une variété d’aliments disponibles, jusqu’à ceux dont la<br />
disponibilité est plus incertaine.<br />
De telles interventions, largement axées sur l’alimentation,<br />
ont tendance à être négligées en faveur de la<br />
fortification singulière et de programmes de supplémentation,<br />
intéressants par leur simplicité et leur rentabilité<br />
apparentes. En pratique, cependant, beaucoup de ces<br />
programmes s’avèrent difficile à gérer, plus cher que<br />
prévu pour être mis en oeuvre, et moins efficace que<br />
promis. Par conséquent, pour lutter contre les déficiences<br />
en fer et en d'autres micronutriments, nous avons besoin<br />
de nous assurer qu'une approche totalement exhaustive<br />
soit menée en attirant l’intérêt et le soutien du pays et<br />
des donateurs, et que la diversification alimentaire soit<br />
reconnue comme essentielle et ne soit pas laissée pour<br />
compte.<br />
Quelle est la direction à prendre<br />
La promotion de l'amélioration/diversification alimentaire,<br />
en plaçant au centre l’amélioration de l’apport en<br />
fer biodisponible, via une plus gr<strong>and</strong>e consommation de<br />
produits animaux et de fruits et légumes, notamment<br />
pour leurs apports en vitamine C, constitue l’intervention<br />
privilégiée, car elle peut mener à des améliorations viables,<br />
non seulement du statut en fer, mais aussi en d’autres<br />
micronutriments. Ni la supplémentation ni la fortification<br />
ne peuvent être efficaces à elle seule. Depuis que<br />
les approches alimentaires apportent de meilleures chances<br />
de réussite durable et d’application de gr<strong>and</strong>e envergure<br />
pour contrôler les déficiences en fer et en d'autres<br />
micronutriments, l’augmentation de la disponibilité et de<br />
la consommation d'une alimentation <strong>nutritionnelle</strong>ment<br />
adéquate doit être mise à l’ordre du jour des politiques de<br />
développement.<br />
Les déficiences en micronutriments doivent être prises en<br />
main en se concentrant sur un ensemble général de stratégies<br />
de renforcement mutuel incluant la diversification<br />
alimentaire, la fortification, la supplémentation, ainsi que<br />
des mesures de santé publique. Ces stratégies menées de<br />
front fournissent une couverture et un impact maximums,<br />
et cette approche complète doit être largement mise en<br />
œuvre, si l’on veut combattre et venir à bout de ce problème<br />
crucial.<br />
Littéralement tous les modèles alimentaires traditionnels<br />
peuvent satisfaire les besoins nutritionnels de la population.<br />
Cependant, une des principales causes d'anémie<br />
ferriprive dans les pays à faible revenu est la faible biodisponibilité<br />
du fer dans des régimes pauvres dont la<br />
base repose principalement sur les céréales et les tubercules,<br />
puisque ceux-ci contiennent de gr<strong>and</strong>es quantités<br />
d'inhibiteurs de l’absorption du fer. Ci-dessous se trouvent<br />
des actions pratiques et des interventions qui<br />
peuvent faciliter l'accès et la consommation d’une alimentation<br />
adéquate et nutritive, et donc augmenter<br />
la biodisponibilité du fer, notamment chez ceux pour<br />
qui la nourriture manque et chez les plus vulnérables<br />
aux déficiences:<br />
• Mettre en oeuvre un élevage commercial et la production<br />
de légumes et de fruits à gr<strong>and</strong>e échelle, pour<br />
fournir des aliments avec des micronutriments<br />
accessibles à prix raisonnables à tous les échelons<br />
de la population.<br />
• Stimuler le secteur agricole communautaire à petite<br />
échelle et encourager les sources alimentaires potentielles,<br />
parmi lesquels de nombreux légumes à<br />
feuilles et légumineuses contenant d’importantes<br />
quantités de fer, avec un intérêt spécial porté sur<br />
l’augmentation de la consommation de produits animaux<br />
ayant une biodisponibilité élevée du fer et<br />
contenant des composés riches en fer facilitant son<br />
absorption.<br />
• Augmenter la teneur en micronutriments des sols et<br />
des plantes pour améliorer la composition des aliments<br />
végétaux, et améliorer les pratiques agricoles<br />
pour augmenter les rendements.<br />
• Développer la sélection des cultures, via des modifications<br />
conventionnelles ou génétiques (biofortification),<br />
afin d’augmenter les teneurs en micronutriments<br />
des récoltes.<br />
• Introduire la diversification des cultures pour promouvoir<br />
des récoltes riches en micronutriments.<br />
• Discuter des règles qui interdisent le jardinage urbain<br />
ou qui réduisent la disponibilité ou la vente d’aliments<br />
frais par les vendeurs ambulants.<br />
• Examiner la rentabilité de la production, du traitement<br />
et de la vente des aliments riches en micronutriments.<br />
• Examiner les pratiques de traitement, de conservation<br />
et de préparation, qui réduisent les pertes, augmentent<br />
les composés alimentaires facilitant l’absorption et<br />
minimisent l'impact des inhibiteurs de l'absorption.<br />
• Faire des efforts d’éducation destinés à garantir une<br />
distribution appropriée de la nourriture au sein de la<br />
famille, étant donné les besoins des membres les<br />
plus vulnérables.
50<br />
21 · Perspectives globales<br />
• Développer des directives diététiques basées sur l’alimentation<br />
(Food Based Dietary Guidelines, FBDG)<br />
et des programmes publics d’éducation et de communication<br />
<strong>nutritionnelle</strong> pour provoquer des changements<br />
des comportements alimentaires.<br />
• Améliorer la qualité et la sécurité alimentaire, ainsi<br />
que fixer et mettre en vigueur des règles de contrôle<br />
qualité et d’hygiène.<br />
Quel est le message clé<br />
Les déficiences en micronutriments ne peuvent être<br />
vaincues qu’en menant une approche complète assurant<br />
que toutes les personnes ont accès et consomment des<br />
quantités adéquates d’aliments nutritifs. Ceci ne relèvera<br />
pas seulement le statut en fer, mais aussi les niveaux<br />
des autres micronutriments. La diversification et l’amélioration<br />
alimentaire constituent une part essentielle des<br />
stratégies alimentaires et une clé pour une réussite et un<br />
maintien à long terme des interventions visant l’anémie<br />
<strong>nutritionnelle</strong>. Cette approche est à relier au droit à la<br />
nourriture, une promesse dont l’accomplissement signifie<br />
que tout le monde doit pouvoir accéder à une alimentation<br />
variée, qui consiste en un ensemble d’aliments<br />
apportant toute l'énergie, ainsi que des macro et micronutriments<br />
en quantité suffisante, pour lui permettre d’être<br />
productif et en bonne santé.<br />
LES FAITS:<br />
• La sécurité alimentaire existe qu<strong>and</strong> tout le monde, à<br />
tout moment, dispose d’un accès physique, social<br />
et économique à des aliments nutritifs, sains et en<br />
quantité suffisante pour couvrir ses besoins et respecter<br />
ses préférences alimentaires, afin d’avoir une vie<br />
active et d’être en bonne santé.<br />
• Environ 854 millions de personnes ont faim, 20<br />
millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de<br />
malnutrition sévère et autour d’1 million d’enfants<br />
meurent chaque année des suites de la malnutrition.<br />
Plus de deux milliards de personnes - plus de 30 % de<br />
la population mondiale - est anémique.<br />
• L'Asie présente le nombre de cas d'anémie le plus<br />
élevé, t<strong>and</strong>is que l'Afrique possède les plus hauts<br />
taux de prévalence d'anémie chez les enfants d’âge<br />
préscolaire.<br />
• Les causes sous-jacentes de niveaux aussi élevés de<br />
malnutrition sont la pauvreté et le sous-développement<br />
agricole conduisant à l’insécurité alimentaire.<br />
Satisfaire les besoins énergétiques globaux et une<br />
diversité alimentaire constitue le défi majeur.<br />
• L’apport journalier recomm<strong>and</strong>é (AJR) en fer pour<br />
les hommes se situe entre 9 mg, dans les régimes avec<br />
une biodisponibilité du fer élevée, et 27 mg lorsque la<br />
biodisponibilité n’est que de 5 %. Chez les femmes<br />
avant la ménopause (âgées de 19 à 50 ans), l’AJR en<br />
fer est de 59 mg.<br />
• Les stratégies alimentaires, en augmentant la disponibilité<br />
et la consommation d’aliments riches en micronutriments<br />
et <strong>nutritionnelle</strong>ment adéquats, constituent des<br />
voies viables d'amélioration de la nutrition.<br />
• Le fer héminique des aliments issus de la chair<br />
animale (vi<strong>and</strong>e, volaille, poisson) est bien absorbé<br />
avec une absorption moyenne de 25 %, variant de<br />
40 % pendant une déficience en fer à 10 % lorsque<br />
les réserves en fer sont constituées.<br />
• Le fer non-héminique, présent dans les aliments d’origine<br />
végétale tels que les céréales, les légumes secs,<br />
les légumineuses, les graines, les noix et les légumes,<br />
ont un taux d'absorption de 2 à 10 % selon l’équilibre<br />
dans le repas entre inhibiteurs et facilitateurs de l'absorption<br />
du fer.<br />
• L’addition de légumes et de fruits contenant de l'acide<br />
ascorbique peut doubler ou tripler l'absorption du fer.<br />
Chaque repas devrait contenir de préférence au moins<br />
25 mg d'acide ascorbique.<br />
21<br />
PERSPECTIVES GLOBALES: ACCELERER<br />
LES PROGRES DE PREVENTION ET DE<br />
CONTROLE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />
Ian Darnton-Hill, Neal Paragas<br />
et Tommaso Cavalli-Sforza<br />
Quel est le problème et que savons-nous<br />
Les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s, notamment l’anémie ferriprive,<br />
sont actuellement le plus gr<strong>and</strong> problème global de<br />
nutrition. Elles affectent principalement les femmes et<br />
les enfants, et ont un impact négatif significatif sur les<br />
chances de nombreuses nations d’améliorer leur développement<br />
économique et la santé de leur population.<br />
Malheureusement, dans la première décennie depuis que<br />
les Nations Unies se sont fixées comme objectif de<br />
réduire d’un tiers la carence en fer, aucun progrès n'a été<br />
réellement réalisé. Bien qu’il y ait peu de succès documentés<br />
concernant le traitement de ce problème à un<br />
niveau de santé publique dans les pays les moins riches,<br />
il y a de nombreuses années d'expériences via différents<br />
programmes et une vaste connaissance scientifique se<br />
trouve derrière la compréhension du complexe métabolisme<br />
du fer. De manière étonnante, beaucoup de choses
21 · Perspectives globales 51<br />
restent encore inconnues et de nouveaux aspects continuent<br />
à émerger de la recherche en cours.<br />
Les régimes alimentaires pauvres mènent à des niveaux<br />
élevés de carence en fer et en d’autres micronutriments et<br />
sont aggravés par des facteurs alimentaires inhibant, tels<br />
que les phytates, les fortes infestations par des parasites<br />
et des infections telles que le paludisme, ainsi que des<br />
facteurs socioculturels, dont la pauvreté et les différences<br />
homme/femme, chacun d’eux contribuant aux niveaux<br />
élevés d'anémie constatés dans les populations les plus<br />
pauvres.<br />
Comment le risque d'anémie est-il affecté par l’âge<br />
Les distributions normales d'hémoglobine varient en<br />
fonction de facteurs génétiques, de l’âge et du sexe, du<br />
stade de grossesse, de l’altitude et de la consommation de<br />
tabac. Ces variations affectent l'interprétation des valeurs<br />
d'hémoglobine et d'hématocrite. De plus, le risque d'anémie<br />
ferriprive varie tout au long du cycle de vie, avec<br />
plusieurs périodes de gr<strong>and</strong>e vulnérabilité. Cette variation<br />
est due aux changements des réserves ferriques, aux<br />
niveaux des apports et aux besoins liés à la croissance ou<br />
aux pertes en fer. Les groupes les plus vulnérables sont:<br />
• les enfants de 6 mois à 5 ans,<br />
• les femmes en âge de procréer,<br />
• les femmes enceintes,<br />
• les personnes âgées.<br />
Quelle est la raison clé de l'échec apparent<br />
de nombreux programmes visant à réduire<br />
la prévalence<br />
Une des raisons clés de l’échec des programmes est que<br />
beaucoup ont été conçus selon l’hypothèse que la seule<br />
cause d'anémie était la carence en fer. Mais, en réalité, il<br />
y a d’autres causes principales à <strong>l'anémie</strong>:<br />
• la déficience en fer alimentaire;<br />
• les maladies infectieuses comme le paludisme, les<br />
infections à ankylostomes, la schistosomiase, le<br />
VIH/sida, la tuberculose et d'autres maladies chroniques,<br />
dont presque toutes les maladies inflammatoires<br />
perdurant plusieurs mois et quelques malignités;<br />
• les déficiences en d'autres micronutriments clés<br />
dont les folates, la vitamine B 12 , la vitamine C, la vitamine<br />
A, les protéines, le cuivre et d'autres minéraux;<br />
• des facteurs héréditaires affectant les globules rouges,<br />
tels que la thalassémie;<br />
• une hémorragie aiguë sévère (telle que pouvant se<br />
produire à l'accouchement);<br />
• les pertes de sang chroniques (p.ex. dans l’ulcère<br />
gastroduodénal);<br />
• un traumatisme.<br />
Pour des programmes d'intervention efficaces et un<br />
contrôle adéquat de leur impact, la meilleure information<br />
est nécessaire, non seulement sur le statut en fer des<br />
populations, mais aussi sur les autres causes d'anémie.<br />
Même lorsque toutes les causes connues sont prises en<br />
considération, dans beaucoup de populations à haut risque,<br />
une gr<strong>and</strong>e proportion d'anémie reste inexpliquée.<br />
Pourquoi y a-t-il un manque d'information<br />
Une raison au manque d'informations sur les autres causes<br />
d'anémie est que seuls les dosages d’hémoglobine ou<br />
d'hématocrite peuvent être exécutés en routine sur le<br />
terrain, pendant que les multiples tests biochimiques plus<br />
précis sont en général menés uniquement dans les pays<br />
disposant des ressources adéquates, sous des conditions<br />
de recherche spécifiques. Des avancées en matière de<br />
méthodes de laboratoire à faible coût permettant la détermination<br />
des causes d'anémie, soit sur le terrain, soit plus<br />
tard en laboratoire, sans réfrigération des échantillons<br />
(tâches séchées), contribueraient gr<strong>and</strong>ement à une meilleure<br />
évaluation des causes d'anémie et permettraient<br />
des interventions plus appropriées.<br />
Quels rôles jouent les secteurs public<br />
et privé dans la prévention de l’anémie<br />
Une des principales contraintes dans la lutte contre l’anémie<br />
et les autres déficiences en micronutriments réside<br />
dans la propension des gouvernements (et des donateurs)<br />
à investir suffisamment pour améliorer l’alimentation et<br />
réduire les inégalités sociales, ce qui exige des investissements<br />
à long terme afin d’améliorer l’approvisionnement,<br />
la distribution et la consommation d’aliments<br />
d'origine animale et végétale, et nécessite de cibler<br />
ceux qui sont dans le plus gr<strong>and</strong> besoin. De plus, les<br />
systèmes de santé dans les pays les plus affectés<br />
manquent sérieusement de ressources. Ces facteurs<br />
impliquent des problèmes d'accès et de coûts apparentés,<br />
puisque les plus forts taux de dénutrition affectent habituellement<br />
les populations des régions rurales éloignées,<br />
et que ces individus n’occupent en général pas le premier<br />
plan des inquiétudes de la classe politique urbaine. Par<br />
conséquent, il est important de garder la dénutrition à<br />
l’ordre du jour de la planification nationale, afin de renforcer<br />
la responsabilité du gouvernement pour qu’il<br />
offre, à l’ensemble de son peuple, une bonne santé et un<br />
bon statut nutritionnel. Il s’agit d’un exercice complexe<br />
qui requiert la collaboration des différentes sphères de la<br />
société - gouvernement national, gouvernement local,<br />
secteurs privés de l’alimentaire et de la santé, médias,<br />
associations de consommateurs et organismes communautaires.
52<br />
21 · Perspectives globales<br />
Le rôle que les industries alimentaires et de santé peuvent<br />
jouer est crucial pour toutes les stratégies clés, depuis les<br />
efforts pour améliorer l’approvisionnement, la distribution<br />
et la consommation d'aliments animaux et végétaux,<br />
jusqu’à la fortification et la supplémentation. La réduction<br />
de <strong>l'anémie</strong> sera très probablement atteinte via une<br />
combinaison des trois principales approches (supplémentation,<br />
fortification et diversification alimentaire), tout<br />
en s’intéressant également à la réduction des inégalités<br />
sociales – étant donné que les anémies résultent le plus<br />
souvent de la pauvreté.<br />
Fortification des aliments: elle peut offrir une solution<br />
partielle de moyen à long terme et représente probablement<br />
l’approche la plus rentable. Cependant, elle exige<br />
que les producteurs alimentaires travaillent avec des<br />
fournisseurs de premix de micronutriments, et que les<br />
consommateurs et la communauté de santé publique<br />
encouragent le gouvernement à adopter une législation et<br />
une réglementation, ainsi qu’à engager une communication<br />
efficace sur l'importance de cette approche via les<br />
médias, afin que la population l’accepte. Il y a eu à la<br />
fois des succès et des échecs en fortifiant les aliments en<br />
fer, et les aliments fortifiés commercialement ne sont<br />
pas toujours disponibles ou accessibles aux personnes<br />
les plus à risque.<br />
Supplémentation: ces programmes devraient être appréhendés<br />
comme une occasion d'encourager de meilleures<br />
alimentations, du fait qu’ils représentent la méthode la<br />
moins durable pour gérer les déficiences, qu’elles soient<br />
dues à des apports alimentaires inadéquats et/ou à d'autres<br />
facteurs.<br />
Interventions basées sur l’alimentation: le rôle de ces<br />
interventions dans la gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
n'a pas été clairement élucidé, mais il existe quelques<br />
travaux intéressants dans cette voie. La disponibilité,<br />
l’accessibilité et les apports limités en aliments d’origine<br />
animale au niveau des ménages, ainsi que le manque<br />
de connaissances quant à leur importance dans l'alimentation<br />
et pour la santé, contribuent à des alimentations de<br />
faible qualité qui ont un profond impact sur<br />
les apports en micronutriments essentiels qui jouent un<br />
rôle dans le statut en fer.<br />
Dans de nombreux cas, les secteurs privés et non-gouvernementaux<br />
peuvent avoir de multiples avantages dans<br />
le lancement d’interventions de soins médicaux, en plus<br />
des faibles aides gouvernementales. Les gouvernements<br />
doivent être tenus responsables du bien-être des plus<br />
pauvres. Dans les pays où les deux secteurs ont œuvré<br />
ensemble avec les communautés, nous rencontrons les<br />
plus gr<strong>and</strong>es chances de succès.<br />
Quelles sont les leçons clés à retenir<br />
De façon générale, les contraintes identifiées et les facteurs<br />
facilitateurs dans la gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />
peuvent être regroupés comme suit:<br />
• facteurs socioculturels (pauvreté, discrimination<br />
homme/femme);<br />
• facteurs de prise en charge (ciblage, approches de<br />
supplémentation, de fortification et basées sur l’alimentation);<br />
• systèmes (de santé, marketing du secteur privé,<br />
logistique);<br />
• utilisateurs (accessibilité, observance).<br />
Il semblerait que pour les interventions réussies, les<br />
principaux facteurs exigés sont une logistique améliorée,<br />
une meilleure observance et une participation des différentes<br />
parties prenantes. De plus, toute intervention doit<br />
être considérée comme une simple partie d'une stratégie<br />
globale. Les approches intégrées au niveau des communautés<br />
exigent des combinaisons d’interventions incluant<br />
des actions de vermifugation de masse, d’éducation sanitaire,<br />
d’amélioration de l’approvisionnement en eau et du<br />
système sanitaire, ainsi qu’une supplémentation multiple<br />
en micronutriments.<br />
S’ils sont délivrés sous forme de suppléments, par fortification<br />
ou par d'autres canaux, y compris des programmes<br />
de réduction de la pauvreté, le fer et les autres micronutriments<br />
pertinents doivent faire l’objet d’évaluations<br />
réalistes, en termes d’accessibilité et de disponibilité.<br />
Ceci peut inclure l’évaluation de la viabilité des systèmes<br />
de santé, de la faisabilité du marketing social et de la portée<br />
de l'éducation sanitaire.<br />
Quelle est la direction à suivre<br />
Un statut en fer adéquat est nécessaire à une bonne santé<br />
générale, en particulier chez les nouveaux-nés, les jeunes<br />
enfants et les femmes enceintes. Le consensus de<br />
Copenhague a attribué une forte rentabilité aux programmes<br />
axés sur le fer et les autres micronutriments. Il y a<br />
maintenant des preuves significatives que l’absence de<br />
gestion de la déficience en fer et des autres anémies<br />
coûtera, aux pays concernés, jusqu'à 2 % de PNB et<br />
altèrera le développement intellectuel de leurs enfants<br />
et la future productivité économique nationale.<br />
La santé internationale et les partenaires nationaux<br />
doivent s’appuyer fermement sur ces déclarations, afin<br />
que des mesures et des approches cohérentes se renfor-
22 · Conclusions et perspectives de recherche 53<br />
cent l'une l'autre et que les interventions bien organisées<br />
et bien menées deviennent une réalité.<br />
Quel est le message clé<br />
Les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s constituent actuellement le<br />
plus vaste problème global dans le domaine de la nutrition.<br />
Une approche complète basée sur des interventions<br />
multiples est nécessaire pour obtenir une réussite viable<br />
et doit inclure une amélioration des conditions sociales<br />
par des mesures d’allégement de la pauvreté, ainsi<br />
qu’une augmentation du nombre de mesures directes de<br />
fortification, de supplémentation et de perfectionnement<br />
des soins médicaux. Néanmoins, les pays doivent entamer<br />
les interventions eux-mêmes et ne devraient pas<br />
attendre que tous les aspects d'un programme soient en<br />
place, puisque chaque intervention individuelle aura des<br />
effets et que le besoin d’action est gr<strong>and</strong>.<br />
LES FAITS:<br />
• 200 millions d’enfants de moins de 5 ans n’atteignent<br />
pas leur total développement cognitif et socio-affectif,<br />
du fait de la dénutrition, dont la déficience en fer,<br />
et d’une mauvaise stimulation.<br />
• Le poids global attribué à <strong>l'anémie</strong> ferriprive s’élève<br />
à 841 000 morts et 35 057 000 DALY.<br />
• On estime que la valeur médiane des pertes de productivité<br />
dues à la déficience en fer est d’environ<br />
4,00 $ US par personne ou 0,9 % du PIB.<br />
• Il a été calculé que la productivité des ouvriers<br />
agricoles adultes anémiques, ou autres travailleurs<br />
manuels de force, était réduite de 1,5 % pour chaque<br />
1 % de baisse de leur concentration en hémoglobine<br />
au-dessous du seuil fixé pour une santé normale.<br />
• On estime que l'élimination de l’anémie sévère durant<br />
la grossesse réduit potentiellement de 13 % le poids<br />
de la maladie chez la mère.<br />
• On s’attend à ce que 2,5 % de toute population<br />
moyenne tombe en-dessous de la limite fixée par<br />
l’OMS pour le fer. Par conséquent, <strong>l'anémie</strong> ferriprive<br />
est considérée comme un problème de santé publique<br />
lorsque la prévalence des faibles concentrations en<br />
hémoglobine dépasse 5 % de la population.<br />
• L'anémie sévère durant la grossesse est définie par<br />
un taux d’hémoglobine inférieur à 70 g/L et requiert<br />
un traitement médical.<br />
• L'anémie très sévère est définie par un taux d’hémoglobine<br />
inférieur à 40 g/L et constitue une urgence<br />
médicale.<br />
• Les évaluations suggèrent que fortifier la farine avec du<br />
fer peut permettre d’augmenter de 5 % le Q.I. national,<br />
d’augmenter de 2 % le PIB national et d’éliminer<br />
60 000 décès de femmes enceintes chaque année.<br />
• Fortifier avec de l'acide folique peut réduire significativement<br />
les 200 000 cas de défauts du tube neural<br />
répertoriés chaque année chez les nouveaux-nés.<br />
22<br />
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES<br />
DE RECHERCHE<br />
Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham<br />
Introduction<br />
Il est peu probable d’atteindre l’objectif des Nations<br />
Unies de réduire d’un tiers la prévalence de l’anémie<br />
d’ici 2010. L'anémie <strong>nutritionnelle</strong> reste commune dans<br />
beaucoup de pays du monde et son éradication via des<br />
interventions efficaces doit être une priorité en termes<br />
d’attention et d’actions. L'anémie altère la croissance et<br />
le développement individuels, ainsi que le développement<br />
socio-économique, familial, communautaire et<br />
national. Malheureusement, sur les dernières décennies,<br />
peu de réussites ont été documentées concernant le traitement<br />
du problème à un niveau de santé publique, bien<br />
qu'il y ait maintenant une gr<strong>and</strong>e somme d'expériences<br />
par programme, ainsi qu’une vaste quantité croissante de<br />
données scientifiques et de nouvelles informations sur le<br />
métabolisme du fer et le rôle des autres éléments nutritifs<br />
dans l’étiologie de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>. Cependant,<br />
beaucoup de choses sont encore inconnues et nombre de<br />
nouvelles zones nécessitant l’attention et l’intérêt de la<br />
recherche continuent à émerger.<br />
Ce dernier chapitre vise à résumer quelques-unes des<br />
conclusions sorties des chapitres précédents, à attirer l'attention<br />
sur l’ampleur inchangée du problème et les implications<br />
économiques qui en résultent, et à déterminer<br />
les points cruciaux pour aller de l’avant dans la<br />
gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>; et ce, en spécifiant<br />
les facteurs critiques pour les futures recherches sur les<br />
micronutriments et en identifiant les composantes clés,<br />
gages du réel fonctionnement des programmes et des<br />
interventions.<br />
Dimension du problème<br />
Précédemment, les estimations globales de la prévalence<br />
d'anémie n'incluaient pas de données nationales représentatives<br />
pour la Chine, qui représente environ 20 % de<br />
la population mondiale. Dans cet ouvrage, de nouvelles<br />
estimations globales sur la prévalence d’anémie chez les
54<br />
22 · Conclusions et perspectives de recherche<br />
enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes ou non<br />
ont été publiées, compilées par l’Organisation Mondiale<br />
de la Santé (OMS) dans le cadre de son système d’informations<br />
sur la nutrition minérale et vitaminique (Vitamin<br />
<strong>and</strong> Mineral Nutrition Information System, VMNIS).<br />
Les études prises en compte dans la base de données ont<br />
permis d’évaluer l’anémie en mesurant l’hémoglobine<br />
via la méthodologie st<strong>and</strong>ard et en excluant celles qui utilisaient<br />
les signes cliniques pour confirmer la prévalence<br />
d’anémie. Uniquement les données représentatives des<br />
pays ont été incluses dans l'analyse et ajustées en fonction<br />
des seuils fixés par l’OMS (Hb < 110 g/L pour les<br />
enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes et<br />
Hb < 120 g/L pour les femmes hors grossesse). Pour les<br />
enfants d’âge préscolaire et les femmes, les études nationales<br />
couvrent une large proportion de la population et<br />
les données indiquent un lourd poids global de <strong>l'anémie</strong>,<br />
bien que la proportion d'anémie sévère reste encore<br />
inconnue. L'analyse suggère que pratiquement 50 % des<br />
enfants d’âge préscolaire sont affectés dans le monde, les<br />
taux les plus élevés se trouvant en Afrique (64,6 %) et en<br />
Asie (47,7 %). Ce chiffre correspond à près de 300<br />
millions d’enfants de moins de cinq ans. La prévalence<br />
de <strong>l'anémie</strong> est de 41,8 % chez les femmes enceintes et de<br />
30,2 % chez celles non enceintes. Globalement, 818<br />
millions de femmes (enceintes ou non) et d’enfants de<br />
moins de cinq ans sont affectés par l’anémie. Les études<br />
concernant l’Asie du Sud indiquent des valeurs de prévalence<br />
beaucoup plus élevées chez les femmes enceintes<br />
et les adolescentes.<br />
Quatre messages clés peuvent être retenus de l'analyse:<br />
1. Un nombre plus élevé de pays devrait évaluer plus<br />
précisément la prévalence d'anémie au niveau national<br />
et également déterminer le degré de sévérité de<br />
<strong>l'anémie</strong>.<br />
2. Les pays devraient évaluer plus en détail la carence<br />
en fer, puisque que l’on ne connaît pas encore les<br />
parts d'anémie imputables à la déficience en fer et aux<br />
autres causes. Il est important de distinguer l’anémie<br />
due à des causes <strong>nutritionnelle</strong>s, de l’anémie conséquente<br />
à des infections endémiques chroniques (p.ex.<br />
paludisme, infections par des helminthes, VIH/sida).<br />
3. L'inflammation subclinique peut être très courante<br />
chez des personnes apparemment saines, et peut<br />
mener à une mauvaise classification de <strong>l'anémie</strong>.<br />
4. Une évaluation plus comparative des avantages et des<br />
inconvénients des méthodes actuellement disponibles<br />
pour la mesure du statut en fer (ferritine, sTfR et<br />
indicateurs d'infection/d’inflammation) est requise,<br />
en plus de la réduction des coûts de ces analyses, tout<br />
en maintenant leur précision.<br />
Fragilité et fatigue ont longtemps été associées uniquement<br />
à l’anémie ferriprive. Des travaux de recherche<br />
récents pointent cependant des conséquences fonctionnelles<br />
avant même le début des manifestations cliniques de<br />
<strong>l'anémie</strong>. Les études longitudinales indiquent qu’une<br />
déficience chronique en fer durant l’enfance retarde de<br />
manière permanente les développements cognitifs,<br />
moteurs, et socio-affectifs. Il s’agit d’une problématique<br />
particulièrement grave étant donné que plus de 200<br />
millions d’enfants de moins de cinq ans, vivant principalement<br />
en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, n’atteignent<br />
pas leur plein potentiel de développement cognitif<br />
et socio-affectif du fait de la malnutrition, comprenant<br />
les déficiences en fer et en iode, et d’une mauvaise stimulation.<br />
Ces enfants échoueront probablement à l’école,<br />
passeront à côté de leur possibilité de revenus et<br />
resteront donc dans le piège de la pauvreté. Il existe un<br />
consensus partagé par de nombreux scientifiques internationaux,<br />
au sein des universités ou des agences des<br />
NU, selon lequel une priorité nationale et globale devrait<br />
être donnée à la prévention de l’anémie, même légère,<br />
chez les nouveaux-nés et les jeunes enfants, du fait du<br />
risque d’altération de leur développement intellectuel.<br />
Le fait que, chez les enfants allaités, environ 50 % seulement<br />
de leurs besoins en fer puissent être couverts par le<br />
lait maternel pendant les six premiers mois, indiquant un<br />
besoin de supplémentation précoce chez tous les enfants,<br />
constitue également une préoccupation majeure.<br />
Dans le passé, le traitement des vastes conséquences de<br />
la carence en fer et de <strong>l'anémie</strong> se concentrait sur le problème<br />
médical, plutôt que sur les répercussions mentales<br />
et économiques. Le gain économique de la réduction de<br />
toute déficience en micronutriment vient à la fois de la<br />
réduction des coûts et de l’augmentation de la productivité.<br />
Ceci comprend une mortalité, une morbidité et des<br />
coûts de soins médicaux réduits, une productivité améliorée,<br />
ainsi que des avantages intergénérationnels au travers<br />
d’une meilleure santé globale. Il est clair que <strong>l'anémie</strong>,<br />
à tous les stades du cycle de vie, est associée à un<br />
poids significatif pour la santé et peut engendrer un fort<br />
impact négatif sur la productivité et donc également une<br />
perte de revenus et de produit intérieur brut (PIB); les<br />
estimations actuelles font état de pertes de plus de<br />
50 milliards $ US. La perte totale par personne due à des<br />
déficits physiques et cognitifs s’élève à des milliards par<br />
an, avec une différence significative qu<strong>and</strong> on la compare<br />
aux modestes coûts de diminution de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />
Nous avons tiré cinq conclusions clés de l'analyse:<br />
1. Les interventions basées sur le fer chez les adultes ont
22 · Conclusions et perspectives de recherche 55<br />
montré leurs impacts positifs sur la productivité,<br />
d’environ 5 % pour les travaux manuels légers et<br />
jusqu’à 17 % pour les travaux plus lourds.<br />
2. On peut en déduire que <strong>l'anémie</strong> réduit potentiellement<br />
les salaires à l’âge adulte (du fait de ses effets<br />
cognitifs) de 2,5 %.<br />
3. La fortification en fer est l’une des interventions de<br />
santé publique les plus intéressantes, en termes d’années<br />
de vie corrigées du facteur d’invalidité (DALY)<br />
épargnées ou de rapport coûts-bénéfices. Le coût par<br />
personne et par an de la fortification se situe entre<br />
0,10$ et 1,00 $ avec un rapport coûts-bénéfices de 1:6<br />
(bénéfices physiques des adultes) ou allant jusqu’à<br />
1:9 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés des<br />
enfants).<br />
4. Les coûts par personne de la supplémentation sont<br />
de 2,0 à 5,00 $, mais sont cinq fois plus chers que la<br />
fortification en termes de DALY, et on note que les<br />
résultats des programmes à gr<strong>and</strong>e échelle ont été<br />
décevants.<br />
5. Des recherches supplémentaires doivent être menées<br />
d'urgence, afin de quantifier la perte économique due<br />
au retard mental imputable à l’anémie ferriprive.<br />
Points critiques des recherches sur <strong>l'anémie</strong><br />
en rapport avec les micronutriments<br />
Il n'y a aucune solution facile pour vaincre le fléau que<br />
représente <strong>l'anémie</strong>. L'étiologie de <strong>l'anémie</strong> est complexe<br />
et multifactorielle et il semble que de multiples micronutriments<br />
(vitamines et minéraux) aient un rôle clair dans<br />
la prévention de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>, ainsi que dans<br />
l’amélioration globale de la nutrition et de la santé. Le<br />
défi est de créer des combinaisons optimales de micronutriments<br />
qui fonctionneront mieux ensemble et agiront en<br />
synergie. Aucune intervention unique ne parviendra à<br />
renverser ou à prévenir l’anémie dans une population.<br />
Cependant, il existe encore peu d'informations scientifiques<br />
concernant l’utilisation de multiples micronutriments<br />
dans la prévention de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>. De<br />
plus, les conclusions des premières études cliniques restent<br />
controversées et certaines nécessitent d’être interprétées<br />
avec prudence.<br />
Plusieurs facteurs doivent être considérés lorsque l’on<br />
organise des études en vue de futures interventions avec<br />
des aliments fortifiés ou des suppléments dans des populations<br />
avec des statuts nutritionnels et des états de santé<br />
altérés:<br />
1. Les facteurs nutritionnels<br />
L'impact de l'alimentation habituelle, dont les compositions<br />
en micro et macronutriments, devrait être<br />
évalué en priorité. Une alimentation de faible qualité,<br />
souvent due à des apports limités en aliments d’origine<br />
animale, mais également en fruits et légumes, est<br />
une des principales causes de déficiences multiples<br />
en micronutriments se produisant de manière cumulative<br />
et non isolée. En outre, la faible biodisponibilité<br />
des nutriments dans des régimes riches en aliments<br />
d’origine végétale contenant des composants, tels que<br />
les phytates et les polyphénols, limite l'absorption du<br />
fer et des autres oligoéléments.<br />
2. L’environnement sanitaire et les facteurs<br />
non nutritionnels<br />
Les maladies infectieuses telles que le paludisme, la<br />
tuberculose, le VIH/sida, les infections parasitaires et<br />
certaines inflammations chroniques, constituent d'autres<br />
facteurs contribuant à l’anémie et affaiblissant<br />
l’état nutritionnel et de santé. Par conséquent, il est<br />
important de prendre en compte l'environnement<br />
sanitaire global et de contrôler et/ou traiter toute<br />
maladie sous-jacente. Il est nécessaire qu’une approche<br />
d'interventions intégrées considère chaque<br />
groupe de population dans son contexte épidémiologique,<br />
socio-économique et culturel.<br />
3. La population ciblée<br />
Les segments de population les plus vulnérables sont<br />
les femmes enceintes et allaitantes, les nouveaux-nés,<br />
les jeunes enfants et les adolescentes. L'enfance est<br />
la tranche d'âge dans laquelle les déficiences en<br />
micronutriments commencent et progressent avec des<br />
conséquences potentiellement sévères pour la vie<br />
future, cependant une nutrition pauvre peut débuter in<br />
utero. Ainsi, une nutrition et un état de santé adéquats<br />
devraient constituer de fortes priorités pendant la<br />
grossesse et l’enfance. Le message est clair: une<br />
approche du cycle de vie prenant en compte les divers<br />
besoins des différentes populations ciblées est indispensable.<br />
4. Les apports recomm<strong>and</strong>és et la composition en<br />
micronutriments<br />
La dose optimale et la composition en micronutriments<br />
utiles à des interventions efficaces sont encore<br />
inconnues. Les risques potentiels d'interactions doivent<br />
être pris en compte lorsque les programmes de<br />
fortification des aliments ou de supplémentation sont<br />
entamés, notamment lorsqu’ils sont dirigés vers des<br />
groupes de population ayant un statut nutritionnel<br />
généralement faible. Les interactions entre plusieurs<br />
micronutriments (p.ex. fer, zinc, et autres minéraux,<br />
et facteurs antinutritionnels inhibant l’absorption du
56<br />
22 · Conclusions et perspectives de recherche<br />
fer) semblent être particulièrement importantes.<br />
Différentes combinaisons et doses, ainsi que de<br />
nouvelles formes d’administration des micronutriments,<br />
nécessitent encore d’être testées.<br />
5. La distribution via le système de santé<br />
Il est également important de prendre en considération<br />
les programmes de prévention existants, tels<br />
que les supplémentations avec de fortes doses de<br />
vitamine A, ou de fer et d’acide folique, et le<br />
contrôle des maladies parasitaires et du paludisme.<br />
Ces programmes doivent être intégrés et menés<br />
avec soin via de nouveaux essais cliniques.<br />
6. La durée<br />
Les résultats à long terme et l'efficacité ne sont<br />
cependant pas totalement définis en matière de nutrition,<br />
santé et bien-être général et devraient devenir<br />
prioritaires. Les points finaux des études à court et<br />
long termes varient significativement. Les résultats<br />
fonctionnels, comme l’identification de bons indicateurs<br />
des effets, sont nécessaires et devraient être<br />
définis comme finalités des études.<br />
Monter des programmes et des<br />
interventions qui marchent<br />
La connaissance scientifique concernant les interventions<br />
s’est étendue au delà du fer et un ensemble d'autres<br />
nutriments (tels que la vitamine A et de multiples micronutriments),<br />
de même que les maladies infectieuses et les<br />
infestations parasitaires, sont maintenant pris en compte.<br />
De plus, il est désormais reconnu que les interventions ne<br />
prennent pas toujours la tournure que l’on espérait, considérant,<br />
par exemple, les résultats montrant de possibles<br />
effets négatifs dans les régions endémiques au paludisme.<br />
Par ailleurs, il apparaît que les stratégies alimentaires,<br />
telles que la biofortification et la diversification<br />
alimentaire, sont également importantes. Il semblerait<br />
que, bien qu’un angle spécifique soit souvent privilégié<br />
ou une approche recomm<strong>and</strong>ée, le message clé devrait<br />
être que toutes les causes et les approches d’interventions<br />
admises et documentées doivent fonctionner ensemble,<br />
et que la supplémentation, la fortification (aliments et<br />
maison), la biofortification, les approches alimentaires,<br />
ainsi que les mesures de santé publique, doivent être<br />
appréhendées et pratiquées ensemble car elles sont complémentaires<br />
les unes aux autres. Pour le succès et la viabilité<br />
à long terme des programmes de contrôle de <strong>l'anémie</strong><br />
<strong>nutritionnelle</strong>, tous les facteurs et toutes les options<br />
doivent être regardés dans leur ensemble et ajustés, afin<br />
de s’adapter aux conditions locales et aux besoins spécifiques.<br />
Le contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est différent de<br />
celui des autres déficiences connues, telles que les TCVA<br />
ou TDI, pour lesquelles les approches type 'balle orientée',<br />
respectivement avec des capsules ou une fortification,<br />
semblent fonctionner.<br />
Une statistique grave: en 2000, le nombre de suppléments<br />
de fer fournis par l’UNICEF aux pays en développement<br />
n’a permis de couvrir que 3 % de toutes les femmes<br />
enceintes dans ces pays - avant même de considérer<br />
l’observance. Le fait que les composantes opérationnelles<br />
du contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive sont bien moins<br />
développées que les efforts de recherche et développement,<br />
et que, en général, ni l'un ni l'autre de ces aspects<br />
ne sont liés à la communication, ce qui inclut le soutien<br />
politique, le financement, l’encouragement de l’acceptation<br />
de meilleures pratiques <strong>nutritionnelle</strong>s, l’éducation<br />
sanitaire et la promotion de la santé, pointe un obstacle<br />
majeur à atteindre les objectifs globaux. En réalité, le<br />
plus gr<strong>and</strong> défi ne se trouve probablement pas dans le<br />
besoin de recherches scientifiques supplémentaires, bien<br />
qu'il y ait encore beaucoup de questions sans réponse et<br />
de place pour des axes nouveaux ou renouvelés, mais<br />
plutôt dans le besoin de communication et d’interprétation<br />
des conclusions et des exceptions de la recherche,<br />
afin d’affiner les programmes.<br />
La communication de soutien doit se concentrer sur les<br />
avantages au cours du cycle de vie et sur l'impact associé<br />
des interventions sur l’amélioration de la productivité qui<br />
mènent, au final, à une poussée économique, à la fois des<br />
individus et des pays. Il y a deux moyens clés pour mobiliser<br />
l'action auprès des divers secteurs, en vue d’éradiquer<br />
la carence en fer et l’anémie: insister sur le fait que<br />
les dommages causés au développement intellectuel du<br />
fait de la déficience en fer dans la petite enfance sont irréversibles<br />
dans la vie future et quantifier la perte de PIB<br />
lorsque la carence en fer n’est pas traitée. Nous avons<br />
besoin de ponts efficaces entre science et technologie,<br />
entre fournisseurs de services et politiques et aussi décideurs<br />
financiers. Le problème n'est pas le manque de<br />
connaissances pour trouver des solutions sur mesure,<br />
mais plutôt un manque d’engagements politiques et<br />
financiers clairs pour entreprendre des interventions<br />
adaptées à l’ampleur du problème. Le problème est clairement<br />
décrit. Il reste à accepter le défi et à accélérer l'action.
SIGHT AND<br />
LIFE<br />
BP 211616<br />
4002<br />
Bâle<br />
Suisse<br />
www. w.sight<strong>and</strong>life.org<br />
Le but<br />
de ce guide<br />
est de vous<br />
donnerner un résumé complet<br />
concernant les questions<br />
clés, en partant<br />
des<br />
données<br />
de prévalence<br />
et des<br />
statistiques,<br />
jusqu’à<br />
l’économie, en passantsant par le diagnostic, les consé-<br />
quences<br />
fonctionnelleses et les informations de base<br />
sur<br />
chacun<br />
des micronutriments<br />
supposés<br />
être<br />
impliqués,<br />
directementent ou indirectement,<br />
dans <strong>l'anémie</strong>.<br />
Ce guide ne contient<br />
pas toutete l'information et ne<br />
donne<br />
pas toutes<br />
les<br />
réponses,<br />
mais<br />
son intentionntion est<br />
de délivrer une vue d'ensemble<br />
des dernières<br />
avan-<br />
cées scientifiques<br />
et des défis<br />
auxquels<br />
le monde<br />
a à<br />
faire face, t<strong>and</strong>is<br />
que nous organisons, effectuons et<br />
dirigeons<br />
des interventions, afin<br />
de régler ce qui est<br />
indubitablementent le plus gr<strong>and</strong> problème<br />
nutritionnel<br />
actuel.<br />
ISBN<br />
3-906412-46-6