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l'anémie nutritionnelle - Sight and Life

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l’anémie nut utritionnellele<br />

Edité par<br />

Jane<br />

Badham<br />

Michael<br />

B. Zimmermann<br />

Klaus<br />

Kraemerer<br />

SIGHT<br />

AND LIFE<br />

PRESSE


Le guide de<br />

l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>


Le guide de<br />

l’anémie<br />

<strong>nutritionnelle</strong><br />

Edité par<br />

Jane Badham<br />

JB Consultancy, Johannesbourg, Afrique du Sud<br />

Michael B. Zimmermann<br />

Institut fédéral de technologie, Zurich, Suisse<br />

Klaus Kraemer<br />

SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse<br />

SIGHT AND LIFE<br />

Presse


4<br />

Enoncé de mission de SIGHT AND LIFE<br />

SIGHT AND LIFE est une initiative humanitaire de DSM. Elle vise à assurer une amélioration significative et viable<br />

en nutrition humaine et santé en encourageant des partenariats entre universités et agences gouvernementales et intergouvernementales,<br />

en générant et en échangeant des informations scientifiques et en formant des réseaux durables.<br />

Copyright© SIGHT AND LIFE 2007<br />

Tous droits réservés. Les publications de SIGHT AND LIFE peuvent être obtenues auprès de:<br />

SIGHT AND LIFE Presse<br />

c/o SIGHT AND LIFE / DSM Nutritional Products Ltd<br />

PO Box 2116, 4002 Bâle<br />

Suisse<br />

Téléphone: +41 61 815 8756<br />

Fax: +41 61 815 8190<br />

Email: info@sight<strong>and</strong>life.org<br />

Site Internet: www.sight<strong>and</strong>life.org<br />

Les dem<strong>and</strong>es d’autorisation pour reproduire ou traduire les publications de SIGHT AND LIFE doivent être soumises<br />

à l’adresse ci-dessus.<br />

Les avis, textes, tableaux et figures contenus dans cette publication ne représentent pas nécessairement le point de vue<br />

de SIGHT AND LIFE et sont sous l’unique responsabilité de leurs auteurs. La mention des marques et sociétés<br />

ne signifie pas qu’elles sont approuvées par SIGHT AND LIFE. Toutes les précautions raisonnables ont été prises<br />

par SIGHT AND LIFE pour vérifier le contenu de cette publication. Cependant, celle-ci ne constitue ou ne fournit<br />

pas de conseil scientifique ou médical et est distribuée sans garantie d’aucune sorte, qu’elle soit exprimée ou<br />

tacite. Le lecteur sera le seul responsable de toute interprétation ou usage des contenus ci-dessous. En aucun cas,<br />

SIGHT AND LIFE ne sera passible de dommage suite à la confiance du lecteur quant à ces contenus ou à leur usage.<br />

Le papier utilisé dans ce livre est sans acide et correspond aux directives établies pour assurer sa permanence et sa<br />

durabilité.<br />

Photo de couverture par Ulla Lohmann, Allemagne<br />

Graphisme de la couverture par Graphic art studio, Grenzach-Wyhlen, Allemagne<br />

Composition et impression par Burger Druck, Waldkich, Allemagne<br />

Traduction par Isabelle Lestienne-Deloze, Paris, France<br />

ISBN 3-906412-46-6


Préface 5<br />

PREFACE AU GUIDE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />

Deux cent millions d’enfants de moins de cinq ans,<br />

vivant principalement en Afrique subsaharienne et en<br />

Asie du Sud, n’atteignent pas leurs pleines performances<br />

cognitives, motrices et socio-affectives en raison de<br />

carences en micronutriments et d’une mauvaise stimulation.<br />

Ces enfants échoueront probablement dans leur scolarité,<br />

ne parviendront pas à atteindre pleinement leur<br />

possibilité financière et demeureront piégés dans le cycle<br />

de la pauvreté. Une réalité tragique.<br />

En mai 2002, l'assemblée générale des Nations Unies a à<br />

nouveau souligné que le contrôle de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

devrait être l’un des buts de développement global<br />

accompli dans les premières années de ce nouveau millénaire.<br />

Malheureusement, peu de progrès ont été rapportés<br />

depuis dans la lutte globale contre l’anémie et les données<br />

de l’OMS montrent que 818 millions de femmes et<br />

d’enfants de moins de cinq ans sont toujours affectés par<br />

ce problème de santé publique, et ce, principalement<br />

dans les pays en développement. Environ un million<br />

d'entre eux meurent chaque année. Cela montre toute<br />

l’ampleur du problème et met en exergue le besoin urgent<br />

d’action.<br />

SIGHT AND LIFE a toujours soutenu les interventions<br />

concernant les questions de malnutrition en micronutriments,<br />

dont la carence en fer et les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s,<br />

et a, de fait, souhaité publier un livre sur le sujet. En<br />

un seul volume, celui-ci met pour la première fois en<br />

lumière tous les facteurs critiques entourant l’anémie,<br />

avec les contributions des principaux scientifiques dans<br />

leurs expertises respectives. Chaque chapitre traite en<br />

détail d'une question spécifique. Il est devenu clair que le<br />

contrôle efficace de l’anémie exige des solutions intégrées,<br />

établies en fonction des possibilités et des besoins<br />

particuliers à chaque pays. Les composantes d'une telle<br />

approche comprennent la supplémentation en micronutriments<br />

des groupes les plus vulnérables (en particulier<br />

les enfants et les femmes en âge de procréer), la fortification<br />

des aliments, la diversification et l’éducation alimentaires,<br />

ainsi que la prévention des maladies telles que<br />

le paludisme, les infections causées par les nématodes, et<br />

autres infections endémiques chroniques. Mais t<strong>and</strong>is<br />

que chacune de ses composantes peut aider à réduire le<br />

poids de l’anémie, aucune n'est capable de réaliser à elle<br />

seule l’ampleur de la tâche.<br />

Le but de ce guide est de vous donner un résumé complet<br />

concernant les questions clés, en partant des données de<br />

prévalence et des statistiques, jusqu’à l’économie, en<br />

passant par le diagnostic, les conséquences fonctionnelles<br />

et les informations de base sur chacun des micronutriments<br />

supposés être impliqués, directement ou indirectement,<br />

dans <strong>l'anémie</strong>.<br />

Ce guide ne contient pas toute l'information et ne donne<br />

pas toutes les réponses, mais son intention est de délivrer<br />

une vue d'ensemble des dernières avancées scientifiques<br />

et des défis auxquels le monde a à faire face, t<strong>and</strong>is que<br />

nous organisons, effectuons et dirigeons des interventions,<br />

afin de régler ce qui est indubitablement le plus<br />

gr<strong>and</strong> problème nutritionnel actuel.<br />

Nous sommes confiants dans le fait que l'information, la<br />

connaissance et l’éclairage que vous apporteront ce<br />

guide, vous permettront de devenir une partie de la solution<br />

en vous engageant activement afin de soutenir, programmer<br />

ou mener des recherches qui feront la différence.<br />

Jane Badham<br />

Michael B. Zimmermann<br />

Klaus Kraemer


6<br />

Editeurs<br />

A PROPOS DES EDITEURS<br />

JANE BADHAM<br />

Jane est diététicienne et possède un master en nutrition<br />

de l’université du Nord-Ouest, campus Potchefstroom,<br />

en Afrique du Sud. Elle est actuellement directrice générale<br />

de JB Consultancy, une agence de communication et<br />

stratégie santé qui conseille l'industrie pharmaceutique,<br />

l’industrie agroalimentaire, les organisations humanitaires<br />

et les médias. Jane est également directrice du programme<br />

gouvernemental "5-a-Day for Better Health<br />

TRUST" en Afrique du Sud, qui encourage la consommation<br />

de fruits et légumes. Elle participe au comité de<br />

direction de l’Alliance internationale des fruits et légumes<br />

(IFAVA), ainsi qu’à l’équipe d'organisation de l’African<br />

Nutrition Leadership Program (ANLP).<br />

MICHAEL ZIMMERMANN<br />

Michael a obtenu son doctorat en médecine à l’école universitaire<br />

de médecine à V<strong>and</strong>erbilt et son master en<br />

sciences de la nutrition à l'université de Californie à Berkeley,<br />

toutes deux aux Etats-Unis. Il est actuellement<br />

directeur de recherche au laboratoire de nutrition<br />

humaine de l'Institut fédéral de technologie (ETH), à<br />

Zurich en Suisse, professeur invité à l’université de<br />

Wageningen aux Pays-Bas, et gère la chaire internationale<br />

santé et micronutriments doté par Unilever. Les<br />

recherches de Michael se concentrent sur la nutrition et le<br />

métabolisme, dont les effets des carences en micronutriments<br />

sur la fonction thyroïdienne, ce qui lui a rapporté<br />

de nombreuses récompenses.<br />

KLAUS KRAEMER<br />

Klaus a obtenu son doctorat en sciences de la nutrition à<br />

l'université de Giessen, en Allemagne. Il est actuellement<br />

secrétaire général de SIGHT AND LIFE, une initiative<br />

humanitaire de la société DSM impliquée dans nombre<br />

d'activités visant à assurer une amélioration significative<br />

et viable en nutrition, santé et bien-être de l’Homme.<br />

Klaus a plus de vingt ans d'expérience en recherche dans<br />

le domaine de la santé et de l’innocuité des vitamines,<br />

minéraux, caroténoïdes, et nutraceutiques. Il travaille au<br />

sein de plusieurs sociétés professionnelles consacrées à<br />

la nutrition, aux vitamines et aux antioxydants, a publié<br />

beaucoup d'articles scientifiques et coédité cinq livres.<br />

Auteurs ayant contribué au Livre sur l’Anémie<br />

Nutritionnelle (Nutritional Anemia Book)


Contributeurs 7<br />

CONTRIBUTEURS<br />

HAROLD ALDERMAN<br />

Banque Mondiale, région Afrique, Washington DC,<br />

Etats-Unis; halderman@worldbank.org<br />

JANE BADHAM<br />

JB Consultancy, consultante en communication et<br />

stratégie sanitaire, Johannesbourg, Afrique du Sud;<br />

jbconsultancy@mweb.co.za<br />

HANS-KONRAD BIESALSKI<br />

Institut de Biochimie et de Nutrition, Université de<br />

Hohenheim, Hohenheim, Allemagne;<br />

biesal@uni-hohenheim.de<br />

MARTIN BLOEM<br />

Programme Alimentaire Mondial (PAM), Rome, Italie;<br />

martin.bloem@wfp.org<br />

TOMMASO CAVALLI-SFORZA<br />

Nutrition et Hygiène des Aliments, Bureau Régional<br />

du Pacifique Occidental, Organisation Mondiale de la<br />

Santé (OMS), Manille, Philippines;<br />

cavalli-sforzat@wpro.who.int<br />

MARY COGSWELL<br />

Division Nutrition et Activité Physique, Centre de<br />

prévention et de contrôle des maladies (CDC), Atlanta,<br />

Etats-Unis<br />

IAN DARNTON-HILL<br />

Section Nutrition, UNICEF, New York, Etats-Unis;<br />

idarntonhill@unicef.org<br />

OMAR DARY<br />

Projet A2Z, Academy for Educational Development,<br />

Washington DC, Etats-Unis; odary@aed.org<br />

BRUNO DE BENOIST<br />

OMS, Genève, Suisse; debenoistb@who.int<br />

SASKIA DE PEE<br />

PAM, Rome, Italie; sdepee@compuserve.com<br />

INES EGLI<br />

Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, Institut<br />

Fédéral Suisse de Technologie (ETH), Zurich, Suisse;<br />

ines.egli@ilw.agrl.ethz.ch<br />

JÜRGEN ERHARDT<br />

Université d’Indonésie, SEAMEO-TROPMED,<br />

Jarkarta, Indonésie; erhardtj@gmx.de<br />

ALISON D. GERNAND<br />

Bloomberg School of Public Health, Université Johns<br />

Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; agern<strong>and</strong>@jhsph.edu<br />

GARY R. GLEASON<br />

Friedman School of Nutrition Science <strong>and</strong> Policy,<br />

Université Tufts, Boston, Etats-Unis;<br />

ggleason@inffoundation.org<br />

EVA HERTRAMPF DÌAZ<br />

Institut de Nutrition et des Technologies Alimentaires<br />

(INTA), Université du Chili, Santiago, Chili;<br />

ehertram@inta.cl<br />

SUSAN HORTON<br />

Université Wilfrid Laurier, Waterloo, Canada;<br />

shorton@wlu.ca<br />

RICHARD HURRELL<br />

Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, ETH,<br />

Zurich, Suisse; richard.hurrell@ilw.agrl.ethz.ch<br />

ALAN JACKSON<br />

Institut de Nutrition Humaine, Université de<br />

Southampton, Southampton, UK; aaj@soton.ac.uk<br />

AFAF KAMAL-ELDIN<br />

Département des Sciences Alimentaires, Université<br />

Suédoise des Sciences Agricoles, Uppsala, Suède;<br />

afaf.kamal-eldin@lmv.slu.se<br />

KLAUS KRAEMER<br />

SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse;<br />

klaus.kraemer@sight<strong>and</strong>life.org<br />

SEAN LYNCH<br />

Eastern Virginia Medical school, Norfolk, Etats-Unis;<br />

srlynch@visi.net<br />

M.G. VENKATESH MANNAR<br />

The Micronutrient Initiative, Ottawa, Canada;<br />

vmannar@micronutrient.org


8<br />

Contributeurs<br />

ERIN MCLEAN<br />

OMS, Genève, Suisse; mcleane@who.int<br />

REGINA MOENCH-PFANNER<br />

Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN),<br />

Genève, Suisse; rmoenchpfanner@gaingeneva.org;<br />

CHRISTINE A. NORTHROP-CLEWES<br />

Northern Irel<strong>and</strong> Centre for Food <strong>and</strong> Health (NICHE),<br />

Université d’Ulster, Corelaine, UK;<br />

c.clewes@ulster.ac.uk<br />

MANUEL OLIVARES<br />

INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;<br />

molivare@inta.cl<br />

NEAL PARAGAS<br />

Institut de Nutrition Humaine, Université Columbia,<br />

New York, Etats-Unis; np2014@columbia.edu<br />

KLAUS SCHÜMANN<br />

Université Technique de Munich, Freising, Allemagne;<br />

kschuemann@schuemann-muc.de<br />

JOHN M. SCOTT<br />

Ecole de Biochimie et Immunologie, Trinity College,<br />

Dublin, Irl<strong>and</strong>e; jscott@tcd.ie<br />

NEVIN SCRIMSHAW<br />

International Nutrition Foundation, Boston, Etats-Unis;<br />

nevin@cyperportal.net<br />

RICHARD SEMBA<br />

Ecole de Médecine, Université Johns Hopkins,<br />

Baltimore, Etats-Unis; rdsemba@jhmi.edu<br />

NOEL SOLOMONS<br />

Centre d’Etudes pour l’Affaiblissement Sensoriel,<br />

le Vieillissement et le Métabolisme (CeSSIAM),<br />

Guatemala City, Guatemala; cessiam@guate.net.gt<br />

ALFRED SOMMER<br />

Bloomberg School of Public Health,<br />

Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis;<br />

asommer@jhsph.edu<br />

ELISABETH STOECKLIN<br />

R & D Nutrion Humaine et Santé, DSM Nuttritional<br />

Products Ltd, Kaiseraugst, Suisse;<br />

elisabeth.stoeklin@dsm.com<br />

BRIAN THOMPSON<br />

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et<br />

l’agriculture (FAO), Rome, Italie;<br />

brian.thompson@fao.org<br />

DAVID THURNHAM<br />

NICHE, Université d’Ulster, Corelaine, UK;<br />

di.thurnham@ulster.ac.uk<br />

MELODY C. TONDEUR<br />

Division Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition,<br />

Hôpital des Enfants Malades, Toronto, Canada;<br />

melody.tondeur@sickkids.ca<br />

MARET G. TRABER<br />

Linus Pauling Institute, Départment des Sciences<br />

Alimentaires et de l’Exercice, Université d’Etat<br />

de l’Orégon, Corvallis, Etats-Unis;<br />

maret.traber@oregonstate.edu;<br />

RICARDO UAUY<br />

INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;<br />

ricardo.uauy@lshtm.ac.uk<br />

KEITH P. WEST<br />

Bloomberg School of Public Health, Université Johns<br />

Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; kwest@jhsph.edu<br />

DANIEL WOJDYLA<br />

Ecole de Statistique, Université Nationale de Rosario,<br />

Argentine<br />

MICHAEL ZIMMERMANN<br />

Laboratoire de Nutrition Humaine, ETH, Zurich, Suisse;<br />

michael.zimmermann@ilw.agrl.ethz.ch<br />

STANLEY ZLOTKIN<br />

Département de Pédiatrie, Sciences Nutritionnelles<br />

et Santé Publique, Université de Toronto, Canada;<br />

stanley.zlotkin@sickkids.ca


Sommaire 9<br />

SOMMAIRE<br />

Préface 5<br />

A propos des éditeurs 6<br />

Contributeurs 7<br />

Sommaire 9<br />

CHAPTIRE 1 Prévalence mondiale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants d’âge préscolaire,<br />

les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer<br />

Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell, Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla 11<br />

CHAPTIRE 2 La gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> en situation d’urgence<br />

Venkatesh Mannar 12<br />

CHAPTIRE 3 Economie de gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

Harold Alderman et Susan Horton 13<br />

CHAPTIRE 4 Diagnostic de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>: évaluation en laboratoire du statut en fer<br />

Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt 15<br />

CHAPTIRE 5 Vue d'ensemble de la signification fonctionnelle de la carence en fer<br />

Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw 16<br />

CHAPTIRE 6 Métabolisme du fer<br />

Sean Lynch 18<br />

CHAPTIRE 7 Optimisation de la biodisponibilité du fer des composés utilisés pour<br />

la fortification des aliments<br />

Richard Hurrell et Ines Egli 21<br />

CHAPTIRE 8 Interactions avec le cuivre et le zinc dans l’anémie:<br />

une perspective de santé publique<br />

Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy 22<br />

CHAPTIRE 9 Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: les vitamines du groupe B<br />

John M. Scott 24<br />

CHAPTIRE 10<br />

CHAPTIRE 11<br />

CHAPTIRE 12<br />

CHAPTIRE 13<br />

La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

Keith P. West, Jr., Alison D. Gern<strong>and</strong> et Alfred Sommer 26<br />

La place du stress oxydatif et de la vitamine E dans l’anémie<br />

Maret G. Traber et Afaf Kamal-Eldin 28<br />

Le sélénium<br />

Richard Semba 30<br />

Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre,<br />

et zinc dans l'étiologie de l’anémie<br />

Michael Zimmermann 31


10<br />

Sommaire<br />

CHAPTIRE 14<br />

CHAPTIRE 15<br />

CHAPTIRE 16<br />

CHAPTIRE 17<br />

CHAPTIRE 18<br />

CHAPTIRE 19<br />

CHAPTIRE 20<br />

CHAPTIRE 21<br />

CHAPTIRE 22<br />

L’anémie en situation de dénutrition sévère (malnutrition)<br />

Alan Jackson 32<br />

Infection et étiologie de l’anémie<br />

David Thurnham et Christine Northrop-Clewes 34<br />

Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />

Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner et Richard Semba 36<br />

Approches gagnantes: les Sprinkles<br />

Stanley Zlotkin et Melody Tondeur 40<br />

Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

Klaus Schümann et Noel W. Solomons 41<br />

Importance et limitations de la fortification des aliments dans la<br />

gestion des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

Omar Dary 47<br />

Approches alimentaires de lutte contre la carence en fer<br />

Brian Thompson 48<br />

Perspectives globales : accélérer les progrès en prévenant et<br />

en contrôlant l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

Ian Darnton-Hill, Neal Paragas et Tommaso Cavalli-Sforza 50<br />

Conclusions et perspectives de recherche<br />

Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham 53


1 · Prévalence mondiale de <strong>l'anémie</strong> 11<br />

1<br />

PREVALENCE MONDIALE DE L'ANEMIE<br />

CHEZ LES ENFANTS D’AGE PRESCOLAIRE,<br />

LES FEMMES ENCEINTES ET LES FEMMES<br />

EN AGE DE PROCREER<br />

Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell,<br />

Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

L'anémie constitue un vaste problème de santé publique<br />

associé à un risque accru de morbidité et de mortalité,<br />

surtout pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. Il<br />

s’agit d’une maladie aux causes multiples, à la fois <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

(carences en vitamines et en minéraux) et non<br />

<strong>nutritionnelle</strong>s (infections), qui surviennent fréquemment<br />

en parallèle. On suppose qu'un des facteurs de contribution<br />

les plus courants est le manque de fer, et l’anémie<br />

résultant de cette carence en fer est considérée<br />

comme l’un des dix principaux contributeurs au poids<br />

global des maladies.<br />

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) possède<br />

parmi ses m<strong>and</strong>ats la mission d’informer ses Etats Membres<br />

de la situation de santé globale dans le monde. Il a<br />

été décidé de mettre à jour les estimations concernant <strong>l'anémie</strong><br />

et de fournir une image actuelle de la situation, en<br />

particulier chez les groupes de population à haut risque.<br />

Cela a été réalisé par la production d’estimations des prévalences<br />

d'anémie, au niveau global et au niveau des<br />

régions Nations Unies (NU), chez les enfants d’âge préscolaire,<br />

les femmes enceintes et les femmes en âge de<br />

procréer. Les données ont été rassemblées entre 1993 et<br />

2005, en utilisant soit l'étude nationale représentative la<br />

plus récente du pays, soit au moins deux études représentatives<br />

des pays frontaliers. Qu<strong>and</strong> les données d’un pays<br />

n’étaient pas disponibles, la prévalence d'anémie a été<br />

estimée à partir d’équations de régression utilisant l’Indice<br />

de Développement Humain des Nations Unies (United<br />

Nations Human Development Index) et les indicateurs<br />

de santé provenant de la base de données<br />

statistiques de la santé mondiale (WHOSIS). La couverture<br />

variait selon les régions NU et était plus importante<br />

en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique, t<strong>and</strong>is que<br />

l’Europe et l’Océanie avaient une couverture inférieure.<br />

Les estimations sont basées sur les 192 Etats membres de<br />

l’OMS, et représentent ainsi 99,8 % de la population globale.<br />

Que savons-nous de la prévalence globale<br />

de <strong>l'anémie</strong><br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants<br />

d’âge préscolaire est de 47,4 %.<br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />

enceintes est de 41,8 %.<br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />

hors grossesse est de 30,2 %.<br />

• Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans<br />

grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie, et<br />

plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,<br />

vivent en Asie.<br />

• La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de<br />

population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus<br />

affectés est plus important en Asie.<br />

• En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %<br />

des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse<br />

sont anémiques.<br />

• Plus de la moitié de la population mondiale des<br />

enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes<br />

réside dans des pays où <strong>l'anémie</strong> représente un problème<br />

de santé publique sévère.<br />

• Les pays présentant un problème de santé publique<br />

sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique<br />

latine et aux Caraïbes.<br />

• L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées<br />

par l’anémie et, comme il s’agit également des<br />

régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre<br />

anémie et développement.<br />

• L'anémie est trois fois plus rép<strong>and</strong>ue en Europe qu’en<br />

Amérique du Nord, peut être en raison du fait que<br />

l'Europe inclut des pays avec différents profils<br />

sociaux et économiques, ou du fait d’une faible couverture<br />

des données relatives à l’Europe comparée<br />

aux données recueillies pour l’Amérique du Nord, ou<br />

peut être aussi en raison de la forte proportion d’aliments<br />

fortifiés en fer en Amérique Nord et donc des<br />

forts apports en fer issus de ces aliments.<br />

A noter que ces estimations ne sont pas quantitativement<br />

comparables aux estimations antérieures puisque les<br />

méthodologies utilisées sont différentes. Elles présentent<br />

des limites mais sont basées sur les meilleures informations<br />

disponibles, ce qui en fait un bon point de départ<br />

pour suivre les avancements de la suppression de l’anémie.<br />

A partir de ces estimations, l’ampleur de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

ou de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est difficile à évaluer<br />

puisque la plupart des études utilisées ne concernaient<br />

pas les causes de <strong>l'anémie</strong> et se limitaient uniquement à la<br />

mesure des taux d’hémoglobine.


12 2 · Action urgente requise en faveur de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

Quelle est la direction à suivre<br />

D’une manière générale, presque la moitié des enfants<br />

d’âge préscolaire et des femmes enceintes et près d'un<br />

tiers des femmes hors grossesse souffrent d'anémie.<br />

Comme les estimations représentent une large part de la<br />

population, il est possible qu'elles reflètent la prévalence<br />

globale réelle de <strong>l'anémie</strong> au sein de ces groupes. Cependant,<br />

les estimations des régions NU peuvent être plus<br />

précises pour certaines populations et certaines zones<br />

géographiques en raison de la variabilité considérable de<br />

la couverture selon les régions.<br />

Pour les enfants de moins de deux ans, <strong>l'anémie</strong> représente<br />

une source d’inquiétude majeure, car leur croissance<br />

rapide exige des besoins en fer importants que l’alimentation<br />

échoue souvent à couvrir, notamment dans<br />

les pays à faibles revenus.<br />

Afin de profiter du plein usage de ces données de prévalence,<br />

les informations concernant les causes de l’anémie<br />

devraient être collectées dans chacune des études ciblant<br />

cette pathologie. Ainsi, les interventions visant à prévenir<br />

<strong>l'anémie</strong> pourront être mieux adaptées à la situation<br />

locale et être, par conséquent, plus efficaces.<br />

Quel est le message clé<br />

L'anémie reste un souci de santé publique considérable.<br />

Ces nouvelles estimations sont susceptibles de refléter la<br />

situation actuelle et constituent un bon point de départ<br />

pour suivre les avancées générales dans le domaine. Les<br />

futures études doivent inclure des données sur les causes<br />

de <strong>l'anémie</strong>, car leur absence altère notre capacité à<br />

résoudre cet important problème de santé publique.<br />

LES FAITS:<br />

• Les enfants préscolaires sont âgés de 0 à 4,99 ans, les<br />

femmes hors grossesse sont celles ayant entre 15 et<br />

49,99 ans, et aucun âge n'a été défini pour les femmes<br />

enceintes.<br />

• Les limites de concentration en hémoglobine fixées<br />

par l’OMS pour définir l’anémie sont de 110 g/l pour<br />

les enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes,<br />

et de 120 g/l pour les femmes hors grossesse.<br />

• La prévalence de <strong>l'anémie</strong> en tant que problème de<br />

santé publique est catégorisée par l’OMS comme suit:<br />

• < 5 % - pas de problème<br />

• 5−19 % - problème de santé publique léger<br />

• 20−39 % - problème de santé publique modéré<br />

• > 40 % - problème de santé publique sévère.<br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les enfants<br />

d’âge préscolaire est de 47,4 %.<br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />

enceintes est de 41,8 %.<br />

• La prévalence globale de <strong>l'anémie</strong> chez les femmes<br />

hors grossesse est de 30,2 %.<br />

• Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans<br />

grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie et<br />

plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,<br />

vivent en Asie.<br />

• La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de<br />

population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus<br />

affectés est plus important en Asie.<br />

• En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %<br />

des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse<br />

sont anémiques.<br />

• Plus de la moitié de la population mondiale des<br />

enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes<br />

résident dans des pays où <strong>l'anémie</strong> représente un problème<br />

de santé publique sévère.<br />

• Les pays présentant un problème de santé publique<br />

sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique<br />

latine et aux Caraïbes.<br />

• L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées<br />

par l’anémie et, comme il s’agit également des<br />

régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre<br />

anémie et développement.<br />

• L'anémie est trois fois plus rép<strong>and</strong>ue en Europe qu’en<br />

Amérique du Nord.<br />

2<br />

ACTION URGENTE REQUISE EN FAVEUR<br />

DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />

Venkatesh Mannar<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Le but des Nations Unies de réduire d’un tiers la prévalence<br />

de <strong>l'anémie</strong> d’ici à 2010 est loin d’être atteint. L'anémie<br />

<strong>nutritionnelle</strong> reste fréquente dans beaucoup<br />

de pays du monde et son éradication au travers d’interventions<br />

efficaces doit constituer une priorité en termes<br />

d’attention et d’action. Une carence en fer précoce dans<br />

l’enfance a un impact négatif significatif sur le développement<br />

physique et intellectuel de l’enfant. Il y a eu une<br />

intensification des efforts dans plusieurs pays ce qui<br />

donne de l’espoir sur le fait que les interventions peuvent<br />

représenter des réussites viables. Il est toutefois admis<br />

qu'il n'existe pas de solutions faciles et que les interventions<br />

efficaces possèdent leurs inconvénients, mais il<br />

semblerait que le manque de priorité des politiques à sup-


3 · Influence de l’économie sur l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

13<br />

primer l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> constitue l'inquiétude<br />

majeure. Il y a une urgence à agir.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Au cours des dix dernières années, il y a eu des développements<br />

clés:<br />

• Plus de consensus techniques<br />

• Une meilleure compréhension des conditions nécessaires<br />

à une supplémentation efficace<br />

• Une connaissance et une expérience suffisantes (surtout<br />

chez les femmes enceintes) pour concevoir et<br />

mettre en œuvre des programmes efficaces<br />

• Des directives techniques et par programme pour une<br />

planification efficace<br />

• Une meilleure information sur la stabilité et la biodisponibilité<br />

des composés de fer<br />

• Une reconnaissance par l'industrie alimentaire de la<br />

nécessité de la fortification<br />

• La faisabilité de la double fortification du sel<br />

• La technologie pour fortifier le riz en fer et en acide<br />

folique<br />

• Une augmentation des travaux parvenant à une amélioration<br />

variétale des principales cultures<br />

• Une plus gr<strong>and</strong>e connaissance du lien entre statut en<br />

fer et infection.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Les inquiétudes sont que bien que l’efficacité de la supplémentation<br />

en fer ait été montrée lors d’expériences<br />

contrôlées, la supplémentation sur le terrain ne semble<br />

pas apporter une amélioration significative de la prévalence<br />

de <strong>l'anémie</strong>. De plus, les données soutenant la fortification<br />

des aliments à gr<strong>and</strong>e échelle manquent encore<br />

et n'ont pas été systématiquement documentées.<br />

Il semble que des progrès seraient réalisés uniquement si:<br />

1. Les questions clés sont abordées et des instructions<br />

consensuelles développées<br />

2. Des ponts sont construits entre science/technologie et<br />

acteurs de terrain<br />

3. L'application de la supplémentation sur le terrain est<br />

renforcée<br />

4. La fortification universelle des aliments de base avec<br />

des niveaux considérables de nutriments est entièrement<br />

acceptée<br />

5. Des moyens créatifs d'augmentation de la teneur en<br />

fer de l'alimentation sont explorés<br />

6. Une amélioration de l'absorption du fer provenant de<br />

l'alimentation est recherchée<br />

7. Il y a une meilleure compréhension des interactions<br />

entre micronutriments et autres composants alimentaires,<br />

et aussi des autres causes de <strong>l'anémie</strong><br />

8. Un marketing social et un changement des comportements<br />

d’aide sont encouragés<br />

9. Il y a une combinaison d’une bonne réglementation et<br />

d’une éducation publique solide et appropriée<br />

10. Une approche multi-interventions est acceptée si elle<br />

inclut des apports nutritionnels adéquats (supplémentation,<br />

fortification, modification alimentaire, biofortification)<br />

et une réduction des infections concomitantes<br />

11. Il y a plus de soutien concluant à tous les niveaux,<br />

formant des alliances stratégiques et un engagement<br />

pour l’action<br />

12. Il y a des soutiens solides à l’échelle mondiale pour<br />

pousser l'action vers l’avant.<br />

Quel est le message clé<br />

Il y a un besoin urgent d’action, mais cette action doit<br />

considérer plusieurs facteurs pour réussir et rester viable.<br />

LES FAITS:<br />

• La carence en fer pourrait empêcher 40 à 60 % des<br />

enfants des pays en développement d’atteindre leur<br />

pleine capacité mentale.<br />

• L’OMS répertorie la carence en fer parmi les dix risques<br />

les plus sérieux dans les pays où la mortalité<br />

infantile est élevée et associée à une forte mortalité<br />

des adultes.<br />

• Les interventions visant la déficience en fer font partie<br />

des interventions de santé publique les plus rentables.<br />

• Le rapport coûts-bénéfices des programmes concernant<br />

le fer est estimé à 200:1.<br />

• Parmi une liste de 17 investissements possibles pour<br />

le développement, les retours sur investissements des<br />

programmes concernant les micronutriments sont en<br />

deuxième position juste derrière les programmes de<br />

lutte contre le SIDA.<br />

3<br />

INFLUENCE DE L’ECONOMIE SUR L’ANEMIE<br />

NUTRITIONNELLE<br />

Harold Alderman et Susan Horton<br />

Pourquoi l’évaluation économique est-elle<br />

importante<br />

Les gains économiques provenant de l’intérêt porté à<br />

toute déficience en micronutriment viennent à la fois des<br />

réductions de coût et d’une productivité accrue. Ils


14<br />

3 · Influence de l’économie sur l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

incluent une baisse de la mortalité, une réduction des<br />

dépenses de soin, une baisse de la morbidité, une amélioration<br />

de la productivité et des bénéfices intergénérationnels<br />

au travers d’une amélioration de la santé. Dans le cas<br />

de l’anémie ferriprive, l’évaluation économique nécessite<br />

de déterminer les coûts de la carence en fer en<br />

dollars, afin d’estimer les conséquences dans une unité<br />

de mesure commune aux autres dem<strong>and</strong>es de ressources<br />

publiques (concernant à la fois les interventions de santé<br />

et hors du domaine de la santé). Ceci est en contraste<br />

avec le calcul de l’efficacité d'un programme en terme<br />

d’augmentation de l'espérance de vie ou d’années de vie<br />

corrigées du facteur invalidité (“disability-adjusted life<br />

years”, DALY).<br />

Il se révèle également important d’évaluer l'impact économique<br />

des interventions en termes de coûts et de bénéfices.<br />

Il y a plusieurs questions cruciales à considérer<br />

lorsque l’on réalise des évaluations économiques:<br />

• L’intervention peut avoir plus d'un résultat (p.ex. une<br />

intervention sur les femmes enceintes peut à la fois<br />

réduire les petits poids de naissance et la mortalité<br />

maternelle via une modification du taux d'hémoglobine<br />

de la mère);<br />

• Certaines interventions n’affectent pas seulement l’anémie,<br />

mais ont aussi d’autres conséquences sur la<br />

santé et sur l’économie (p.ex. la vermifugation peut<br />

être efficace pour améliorer les taux d’hémoglobine<br />

ainsi que l’absorption de la vitamine A);<br />

• La mesure de la rentabilité via le résultat d'intérêt<br />

final (p.ex. la mortalité) coûte habituellement trop<br />

cher et prend trop de temps; on lui préfère donc souvent<br />

l’utilisation d’indicateurs directs (p.ex. la proportion<br />

d’anémiques ou le taux d’hémoglobine);<br />

• La rentabilité varie selon l'échelle du programme<br />

(p.ex. les coûts peuvent diminuer avec le temps s’il<br />

existe des coûts fixes pouvant être étendus sur de plus<br />

gr<strong>and</strong>s programmes);<br />

• Il y a des distinctions entre coûts publics et coûts privés<br />

(p.ex. le coût d'un dollar venant des revenus du<br />

gouvernement est généralement supérieur à celui<br />

d’un dollar pour l'économie).<br />

Comment les bénéfices économiques de gestion de<br />

<strong>l'anémie</strong> sont-ils évalués<br />

Deux approches clés sont utilisées:<br />

1. Le calcul des gains attendus en termes économiques<br />

si un cas d'anémie était évité. Cette approche est<br />

utile pour effectuer des comparaisons des coûts d'intervention.<br />

2. L’estimation de l'impact sur le PNB si les taux d'anémie<br />

pouvaient être réduits. Cette approche mesure les<br />

gains individuels et crée une motivation plus forte<br />

pour changer la volonté politique.<br />

Les résultats des bénéfices économiques peuvent être<br />

présentés en coûts, soit en terme de productivité, donnant<br />

des estimations de sensibilité, soit en termes de DALY,<br />

qui sont ensuite convertis en dollars.<br />

Chaque approche possède ses avantages et ses inconvénients.<br />

Il est important de reconnaître que placer des chiffres<br />

précis sur la valeur économique implique de poser<br />

une série d’hypothèses et exige de s’adapter au contexte<br />

spécifique du pays. Par ailleurs, toutes ces approches<br />

mesurent différents concepts et ne peuvent donc pas être<br />

directement comparées.<br />

Quels sont les coûts économiques d'une réduction de<br />

l’anémie<br />

Qu’elle soit estimée en coût par DALY épargné, ou en<br />

rapport coûts-bénéfices calculé, la fortification en fer est<br />

l’une des interventions de santé publique disponibles les<br />

plus intéressantes.<br />

• Le coût de la fortification par personne et par an se<br />

situe entre 0,10 et 1,00 $ US.<br />

• La fortification maison est relativement nouvelle et<br />

soulève de formidables promesses pour certains groupes<br />

de population, d’autant que les coûts peuvent se<br />

révéler intermédiaires entre la fortification et la supplémentation.<br />

• Les coûts de supplémentation par personne sont estimés<br />

autour de 2,00 à 5,00 $ US; à noter cependant<br />

que, souvent, les coûts rapportés ne couvrent pas<br />

complètement les coûts personnels, ce qui conduit à<br />

des programmes décevants. La recherche opérationnelle<br />

est nécessaire à la conception de programmes<br />

qui soient rentables sur le terrain.<br />

• Dans une étude, le coût de la vermifugation périodique<br />

a été estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter<br />

la participation scolaire d'un enfant. Un programme<br />

combinant vermifugation et supplémentation a<br />

estimé en utilisant plusieurs hypothèses que l'intervention<br />

pourrait mener à un résultat supplémentaire<br />

attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.<br />

L’importance de la vermifugation a peut-être été<br />

négligée, car elle fonctionne en synergie avec la fortification<br />

et la supplémentation.<br />

• Il y a peu d'études ayant montré la rentabilité des<br />

jardins potagers et de l’augmentation de l’élevage de<br />

petits animaux.<br />

• Les approches de biofortification sont prometteuses,<br />

mais supposent de larges coûts fixes de recherche;<br />

néanmoins, les coûts différentiels d’opération pour la


4 · Evaluation en laboratoire de la teneur en fer 15<br />

production d’une récolte présentant une disponibilité<br />

augmentée du fer dépassent peu les coûts généraux<br />

des productions habituelles. En utilisant diverses<br />

hypothèses, la stratégie pourrait fournir une valeur<br />

globale en terme d’avantages nutritionnels de plus de<br />

694 millions de $ US, ce qui représente un rapport<br />

coûts-bénéfices de 19 ou un retour interne de 29 %.<br />

Quels sont les résultats des évaluations économiques<br />

qui ont été entreprises<br />

Il est clair (voir LES FAITS ci-dessous) que <strong>l'anémie</strong>, à<br />

tous les stades de la vie, fait peser un lourd poids sur la<br />

santé et a un impact négatif potentiel fort sur la productivité<br />

et donc sur le revenu et le PIB. La perte totale par<br />

personne résultant d’altérations physiques et cognitives<br />

s’élève à des milliards par an, ce qui est considérable<br />

comparé aux modestes coûts de réduction de l’anémie<br />

<strong>nutritionnelle</strong>.<br />

Quel est le message clé<br />

Les études d'impact économique montrent que gérer <strong>l'anémie</strong><br />

<strong>nutritionnelle</strong> peut avoir un effet significatif sur la<br />

productivité, le revenu et le poids que représente la santé.<br />

La détermination de l’impact économique total (gain<br />

économique et rentabilité) de toute intervention exige<br />

une connaissance experte et doit se baser sur les spécificités<br />

du programme, du pays et sur les mesures souhaitées<br />

pour le résultat.<br />

LES FAITS:<br />

• Une étude a estimé que, dans les pays en développement,<br />

un cinquième de la mortalité périnatale et un<br />

dixième de la mortalité maternelle seraient attribuables<br />

à la carence en fer.<br />

• On estime que 1,5 % des morts à travers le monde<br />

sont attribuables au déficit en fer.<br />

• En termes de DALY, <strong>l'anémie</strong> représente également<br />

35 millions de perte d’années de vie en bonne santé<br />

(2,5 % de perte globale de DALY).<br />

• Les interventions basées sur le fer chez l’adulte ont<br />

montré une productivité accrue d’environ 5 % dans le<br />

domaine des travaux manuels légers et jusqu’à 17 %<br />

dans celui des travaux manuels lourds.<br />

• Une étude indonésienne a montré des effets positifs<br />

sur le revenu des travailleurs autonomes s’élevant à<br />

20 % pour les hommes et à 6 % pour les femmes.<br />

• Une série d'études indique qu’une variation de quotient<br />

intellectuel d’un demi écart-type se répercute sur<br />

le salaire de la région à hauteur de 5 %.<br />

• On peut déduire des effets de l’anémie sur le développement<br />

cognitif que cette pathologie réduit potentiellement<br />

le salaire des adultes de 2,5 %.<br />

• Le coût de la fortification par personne et par an se<br />

situe entre 0,10 et 1,00 $ US, avec un rapport coûtsbénéfices<br />

allant de 6:1 (bénéfices physiques des adultes)<br />

à 9:1 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés<br />

des enfants).<br />

• On estime que les coûts de la supplémentation par<br />

personne se situent entre 2,00 et 5,00 $ US; notons<br />

toutefois que ces coûts ne couvrent souvent pas complètement<br />

les coûts personnels.<br />

• Les programmes de supplémentation sont 5 fois plus<br />

coûteux que la fortification en termes de DALY.<br />

• Dans une étude, le coût de la vermifugation a été<br />

estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter la participation<br />

scolaire d’un enfant.<br />

• On estime que les programmes combinant vermifugation<br />

et supplémentation pourraient avoir des répercutions<br />

positives sur les salaires, avec un bénéfice<br />

attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.<br />

4<br />

EVALUATION EN LABORATOIRE<br />

DE LA TENEUR EN FER<br />

Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

La nutrition joue un rôle important dans <strong>l'anémie</strong> et, de<br />

tous les nutriments impliqués, le fer se trouve être l’élément<br />

le plus crucial. Par conséquent, l’évaluation de la<br />

teneur en fer est bien souvent essentielle au diagnostic de<br />

<strong>l'anémie</strong>. En général, la carence en fer se met en place via<br />

trois étapes consécutives: épuisement des réserves en fer,<br />

érythropoïèse et anémie ferriprive. Ces trois étapes peuvent<br />

être analysées sur le plan biochimique par une<br />

mesure de l'hémoglobine (Hb), de la ferritine et du récepteur<br />

soluble à la transferrine (sTfR). Bien qu'il existe des<br />

indicateurs cliniques et que l'évaluation des apports en<br />

fer puisse être utile, le diagnostic repose principalement<br />

sur ces marqueurs biochimiques, qui sont les seuls à présenter<br />

la spécificité et la sensibilité nécessaires. Malheureusement,<br />

les méthodes permettant de les mesurer coûtent<br />

cher et sont, pour la plupart, difficiles à réaliser.<br />

A quel point les différents indicateurs<br />

biochimiques sont-ils précis et utiles<br />

Il y a trois indicateurs importants pour mesurer le statut<br />

en fer:<br />

1. L’hémoglobine (Hb): la mesure de l’Hb est essentie-


16<br />

5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale<br />

lle au diagnostic de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong> et fait partie<br />

des méthodes les plus courantes, les plus faciles et<br />

les moins onéreuses. Des kits sont disponibles chez<br />

différents fabricants et il existe également de petits<br />

hémoglobinomètres portables utilisables sur le<br />

terrain. La mesure de l’Hb n'est cependant pas très<br />

sensible, ni très spécifique à la carence en fer (seul le<br />

troisième stade affecte la synthèse d’Hb). Ainsi, pour<br />

déterminer si le déficit en fer est responsable de l’anémie,<br />

il est habituellement nécessaire d'inclure d'autres<br />

indicateurs.<br />

2. La ferritine: la ferritine est actuellement considérée<br />

comme le plus important indicateur du statut en fer,<br />

car sa concentration chute dès le premier stade de la<br />

déficience en ce minéral. Par conséquent, il s’agit de<br />

l'indicateur le plus sensible et le coût des kits de<br />

dosage ELISA de la ferritine ou d’autres méthodes de<br />

mesure est relativement bas. A noter toutefois que<br />

beaucoup de facteurs, dont l’infection et l’inflammation,<br />

peuvent augmenter la concentration en ferritine,<br />

de sorte qu’une valeur haute n'indique pas nécessairement<br />

une bonne teneur en fer. De fait, il est important<br />

de mesurer également les paramètres d’infection<br />

aiguë (protéine c-réactive, PCR) et chronique (glycoprotéine-α1,<br />

GPA).<br />

3. Le récepteur soluble à la transferrine (sTfR): la<br />

mesure de cet indicateur est de plus en plus utilisée<br />

pour identifier la carence en fer dans des situations où<br />

l’infection fait rage, car il est bien moins influencé<br />

par ce paramètre infectieux que les autres indicateurs.<br />

Il n'est pas aussi sensible que la ferritine, mais plus<br />

que l’Hb. Jusqu'à présent, il n’existe pas de st<strong>and</strong>ard<br />

certifié au niveau international et chaque méthode/kit<br />

possède ses propres valeurs seuils. Les mesures du<br />

sTfR sont encore beaucoup plus chères que celles de<br />

la ferritine. Le rapport sTfR sur ferritine constitue<br />

l’indicateur le plus sensible du statut en fer, puisqu’il<br />

permet le calcul des réserves en fer en mg par kg de<br />

poids corporel. Par conséquent, il constitue l’étalon<br />

or de la moelle osseuse qui fait défaut dans la définition<br />

de la déficience en fer.<br />

En plus de ces indicateurs, les trois suivants peuvent parfois<br />

se révéler également intéressants:<br />

1. La saturation en fer de la transferrine plasmatique et<br />

le volume globulaire moyen (VGM): ces paramètres<br />

sont des indicateurs bien établis et relativement peu<br />

coûteux à mesurer, mais utiles uniquement dans des<br />

conditions cliniques où le matériel pour leur détermination<br />

est disponible.<br />

2. L’hématocrite: cet indicateur est très facile à mesurer<br />

mais, puisqu’il est encore moins sensible que l’Hb<br />

pour identifier la déficience en fer, il n’est pas très<br />

utile pour diagnostiquer l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />

3. Zn-protoporphyrine (ZnPP): il s’agit d’une mesure<br />

simple, robuste et utile au dépistage de la carence en<br />

fer, mais elle exige un appareil spécial. A noter que le<br />

plomb, même à des niveaux normaux d’exposition<br />

environnementale peut augmenter la concentration en<br />

ZnPP. Néanmoins, dans la plupart des cas, cela ne<br />

pose pas de problème.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Il est généralement admis que la combinaison de l’Hb,<br />

de la ferritine, du sTfR et des paramètres d'infection (PCR,<br />

GPA) constitue le meilleur indicateur pour mesurer le statut<br />

en fer, mais quatre éléments clés restent à améliorer au<br />

niveau des recherches en cours: la réduction des coûts; l’amélioration<br />

du débit des mesures; l’augmentation de leur<br />

sensibilité/spécificité et de leur robustesse.<br />

Un autre défi majeur est de collecter le sang sur le terrain<br />

aussi facilement et de manière aussi fiable que possible.<br />

La collecte des échantillons sanguins sur papier-filtre est<br />

une alternative aux échantillons veineux car elle ne<br />

nécessite pas de centrifugation, de congélation ou de<br />

transport respectant la chaîne du froid. Malheureusement,<br />

les tâches de sang séchées présentent des limites et<br />

exigent que des protocoles stricts soient respectés.<br />

Quel est le message clé<br />

La combinaison de l’Hb, de la ferritine, du sTfR et des<br />

paramètres d'infection (PCR, GPA) constitue le meilleur<br />

indicateur pour mesurer le statut en fer. Mais, pour assurer<br />

la mise en oeuvre et l’exactitude des interventions, en<br />

particulier dans les pays en développement, des recherches<br />

supplémentaires sont nécessaires afin de réduire le<br />

coût des mesures, d’améliorer leur robustesse et de trouver<br />

des méthodes de terrain plus faciles.<br />

5<br />

VUE D'ENSEMBLE DE LA SIGNIFICATION<br />

FONCTIONNELLE DE L’ANEMIE PAR<br />

CARENCE MARTIALE<br />

Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

L'anémie ferriprive est la déficience en micronutriment<br />

et même, plus globalement, la déficience <strong>nutritionnelle</strong> la


5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale 17<br />

plus rép<strong>and</strong>ue dans le monde. Il existe trois stades différents<br />

de déficit en fer. Le premier, l’épuisement des réserves<br />

en fer, n’a pas de conséquence fonctionnelle. Cependant,<br />

lorsque ces réserves sont épuisées et que les tissus<br />

commencent à manquer de fer, la situation conduit à une<br />

déficience. Les effets négatifs pour les individus déficients<br />

en fer, mais qui ne souffrent pas directement d’anémie,<br />

incluent une altération des capacités cognitives,<br />

une diminution de la capacité physique, et une baisse de<br />

l’immunité. Il y a donc des conséquences délétères à la<br />

carence en fer avant même que l’anémie ferriprive n’apparaisse.<br />

Lorsqu’elle est sévère, cette étape finale peut<br />

s’avérer fatale.<br />

Pendant la grossesse, l’anémie ferriprive est rép<strong>and</strong>ue car<br />

la mère a besoin de fer supplémentaire pour fabriquer le<br />

sang nécessaire à l’expansion de son volume sanguin<br />

(augmentation de ± 20 %) et aussi pour assurer les<br />

besoins du placenta et du foetus en plein développement.<br />

Ainsi, pendant la seconde moitié de la grossesse, bien<br />

qu’il ait été montré que les femmes enceintes absorbaient<br />

plus de fer provenant de la nourriture, même chez les<br />

femmes en bonne santé, les besoins en fer sont très difficiles<br />

à couvrir par l’alimentation. L'anémie pendant la<br />

grossesse est associée à une augmentation de la morbidité<br />

et de la mortalité de la mère et de l'enfant, et à de<br />

petits poids de naissance. Chez les mères anémiques, les<br />

grossesses arrivent 30−45 % moins souvent à un terme<br />

favorable, et les nouveaux-nés des mères anémiques ont<br />

moins de chances de disposer de réserves normales en fer<br />

- ils commencent donc leur vie avec un h<strong>and</strong>icap.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

La réduction de l’anémie ferriprive à la naissance et dans<br />

la petite enfance a bénéficié d’une intensité considérable<br />

en raison de son association avec une altération des performances<br />

psychomotrices, ainsi que des modifications<br />

comportementales qu’elle engendre. Bien que certains<br />

déficits du développement puissent être corrigés par un<br />

traitement à base de fer, les études les plus récentes suggèrent<br />

que des différences d'adaptations cognitives et<br />

sociales demeurent, et sont susceptibles de devenir permanentes.<br />

Le risque de carence en fer est élevé après la<br />

naissance et au cours de la petite enfance, car les réserves<br />

reçues à la naissance sont utilisées pour assurer les fonctions<br />

normales et la croissance, t<strong>and</strong>is que seuls environ<br />

50 % des besoins en fer d'un enfant de 6 mois peuvent<br />

être couverts par le lait maternel. Ainsi, l’allaitement<br />

maternel continu ne fournira que la moitié du fer nécessaire<br />

à l'enfant et, pour beaucoup d'enfants, l'autre moitié<br />

(+ 4 mg / jour) devra provenir d’aliments de complément<br />

fortifiés ou d’une supplémentation si <strong>l'anémie</strong> veut être<br />

évitée. Cette situation se révèle encore plus grave chez<br />

les enfants de petits poids de naissance, ce qui est fréquent<br />

lorsque la mère est malnutrie pendant la grossesse.<br />

Ainsi, l’OMS et l'UNICEF recomm<strong>and</strong>ent que les<br />

enfants de petits poids de naissance dans les populations<br />

présentant de hauts niveaux d'anémie reçoivent des suppléments<br />

de fer à partir de 2 mois et jusqu'à 24 mois.<br />

Lorsque les enfants gr<strong>and</strong>issent et commencent leur scolarité,<br />

des études ont montré que les anémiques présentaient<br />

les performances les plus faibles. Cela conduit à de<br />

sérieuses implications quant à l'efficacité de l'éducation,<br />

surtout dans les pays en développement où <strong>l'anémie</strong> est<br />

très rép<strong>and</strong>ue.<br />

Contrer la déficience en fer et la carence martiale de la<br />

grossesse à la naissance de l’enfant et tout au long de son<br />

enfance s’avère donc crucial, et les interventions doivent<br />

donc commencer très tôt dans le cycle de vie.<br />

La recherche montre également l'impact du statut en fer<br />

sur:<br />

• La capacité physique – la carence en fer réduit les<br />

performances physiques ce qui a notamment été<br />

constaté chez les travailleurs agricoles.<br />

• La morbidité due au rôle du fer dans plusieurs mécanismes<br />

biologiques impliqués dans la réponse immunitaire<br />

aux infections. Il reste néanmoins quelques<br />

sujets à discussion et quelques questions non résolues,<br />

en particulier en ce qui concerne les relations<br />

entre la supplémentation en fer des jeunes enfants non<br />

déficients en fer et le paludisme. Des recherches supplémentaires<br />

sont nécessaires. Les nouvelles recomm<strong>and</strong>ations<br />

de l’OMS sont que l’anémie ferriprive<br />

devrait être dépistée chez les jeunes enfants dans les<br />

régions où le paludisme est endémique avant que l’on<br />

ne leur donne des suppléments de fer. Il y a moins de<br />

controverses au regard des autres infections, mais la<br />

prudence est encore de rigueur. Les preuves indiquent<br />

une baisse de la résistance à l’infection chez les individus<br />

déficients en fer. Cependant, s’ils sont sévèrement<br />

malnutris et anémiques, les mécanismes corporels<br />

qui privent les agents pathogènes de fer peuvent<br />

être perturbés par un surplus de ce minéral (en particulier<br />

en administration parentérale). Dans ces circonstances,<br />

avant que le système immunitaire ne se<br />

soit remis des effets de la carence en fer, les pathogènes<br />

peuvent se développer de manière explosive avec<br />

des effets désastreux pour l'individu.<br />

• La régulation de la température – la carence en fer<br />

sévère abaisse la capacité du corps à maintenir sa<br />

température dans un environnement froid.<br />

• L’excès de fer et les maladies chroniques - des inquié-


18<br />

6 · Métabolisme du fer<br />

tudes ont été soulevées au sujet de relations possibles<br />

entre réserves en fer élevées et maladies cardiovasculaires<br />

ou cancers. Bien que les études entreprises ne<br />

soient pas concluantes, elles indiquent le besoin de<br />

recherches complémentaires dans ce domaine.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

En général, les effets négatifs de la carence en fer sur la<br />

santé, la capacité physique, les performances au travail,<br />

les performances cognitives et le comportement peuvent<br />

être corrigés en apportant du fer en quantité et sous une<br />

forme appropriées. Les stratégies pour assurer un apport<br />

adéquat en fer incluent une combinaison de la promotion<br />

d’une alimentation diversifiée avec des aliments riches<br />

en fer, une fortification en micronutriments des aliments<br />

de base et une fortification ciblée ou une supplémentation<br />

en fer pour les groupes de population à haut risque<br />

ou ayant des besoins particulièrement élevés. Si l’anémie<br />

ferriprive modérée à sévère apparaît dans la petite<br />

enfance, les effets sur la cognition peuvent être irréversibles.<br />

Le fer devrait être regardé comme une épée à double<br />

tranchant, dont le manque mais aussi l’excès peuvent<br />

avoir des conséquences délétères considérables sur un<br />

individu.<br />

Quel est le message clé<br />

Les conséquences fonctionnelles de la carence en fer et<br />

ses impacts économiques et sociaux à long terme ont<br />

mené à un objectif global de réduction de la prévalence<br />

d'anémie de 30 % entre 2000 et 2010. En 2007, il n’y a<br />

pas eu de progrès substantiel dans la plupart des pays en<br />

développement, et <strong>l'anémie</strong> ferriprive devrait toujours<br />

être considérée comme une priorité surtout dans les groupes<br />

de population à haut risque: femmes enceintes, nouveaux-nés<br />

et jeunes enfants. Il existe néanmoins quelques<br />

régions où la prudence est de rigueur, afin d’éviter<br />

un impact potentiellement négatif des interventions.<br />

LES FAITS:<br />

• Dans beaucoup de pays en développement, on estime<br />

qu’une femme enceinte sur deux, et que plus d'un<br />

enfant d’âge préscolaire sur trois, sont anémiques.<br />

• Dans les pays où la consommation de vi<strong>and</strong>e est faible,<br />

jusqu'à 90 % des femmes sont ou deviennent anémiques<br />

pendant leur grossesse.<br />

• On estime que 800 000 décès à travers le monde sont<br />

attribuables à l’anémie ferriprive qui reste parmi les<br />

quinze principaux facteurs de contribution au poids<br />

global de la maladie.<br />

• Lorsqu’elle est exprimée en DALY, l’anémie ferriprive<br />

représente 25 millions ou 2,4 % du total des<br />

DALY.<br />

• Le corps d’un homme normal contient au total ± 4,0 g<br />

de fer et une femme normale en moyenne 2,5 g.<br />

• Approximativement 73 % du fer de l’organisme se<br />

trouve dans l'hémoglobine des globules rouges circulants<br />

et dans la myoglobine du muscle, 12 % dans<br />

les protéines de stockage du fer, et 15 % dans des<br />

douzaines d'enzymes particulièrement importantes<br />

car essentielles au fonctionnement de toutes les cellules<br />

et de tous les tissus. En dessous des niveaux normaux<br />

d'hémoglobine, la capacité au travail physique<br />

est corrélée linéairement à ce niveau d'hémoglobine.<br />

Cette relation est particulièrement significative lorsque<br />

la concentration en hémoglobine chute en dessous<br />

de 100 g/L, taux qui se trouve 20 à 40 g/L en<br />

dessous de la limite inférieure pour les adultes normaux.<br />

• L'anémie modérée est définie par un taux d’hémoglobine<br />

de 70−90 g/L, et l’anémie sévère par un taux<br />

d’hémoglobine inférieur à 70 g/L.<br />

• Chez les mères anémiques, les grossesses arrivent<br />

30−45 % moins souvent à un terme favorable, et leurs<br />

nouveaux-nés ont moins de chances de disposer de<br />

réserves normales en fer.<br />

• L’objectif global au niveau national est de réduire<br />

la prévalence de <strong>l'anémie</strong>, dont la carence en fer, de<br />

30 % entre 2000 et 2010. Dans la plupart des pays en<br />

développement, le rythme des progrès obtenus jusqu’en<br />

2007 devra être accéléré pour espérer atteindre<br />

ce but.<br />

6<br />

METABOLISME DU FER<br />

Sean Lynch<br />

Que savons-nous<br />

Le fer joue un rôle vital dans le transport et le stockage de<br />

l'oxygène, le métabolisme oxydatif, la prolifération<br />

cellulaire et beaucoup d'autres processus physiologiques.<br />

Mais il a aussi une propriété centrale qui lui permet de<br />

recruter les donneurs d'électrons et de participer aux processus<br />

redox. Cette propriété explique également sa toxicité<br />

potentielle au travers de la génération de radicaux<br />

libres. En outre, le fer est un nutriment essentiel à tous les<br />

organismes pathogènes connus. Librement disponible, le<br />

fer peut gr<strong>and</strong>ement augmenter leur virulence. Par conséquent,<br />

il n’est pas surprenant que le corps humain a finement<br />

régulé les processus d’absorption, de transport et de


6 · Métabolisme du fer 19<br />

stockage du fer, qui assurent une réserve disponible pour<br />

la croissance et le fonctionnement cellulaires. Dans le<br />

même temps, ces processus limitent sa participation aux<br />

réactions générant des radicaux libres potentiellement<br />

toxiques. Ils évitent également que les pathogènes aient<br />

un accès direct au fer.<br />

Approximativement 75 % du fer de l’organisme est présent<br />

au sein de composés métaboliquement actifs. Les 25<br />

% restants constituent une réserve dynamique continuellement<br />

renouvelée. Cette réserve assure une provision<br />

adéquate pour le fonctionnement normal des organes en<br />

dépit des variations à court terme liées à son absorption<br />

ou aux pertes de l’organisme. Elle répond également aux<br />

dem<strong>and</strong>es urgentes qu<strong>and</strong> les besoins sont augmentés.<br />

Les réserves de fer qui ont été utilisées sont alors remplacées<br />

progressivement grâce à une absorption accrue. Le<br />

pool de transferrine circulante répond quant à lui pratiquement<br />

à tous les besoins fonctionnels. Il n’équivaut<br />

qu’à environ 3 mg de fer chez les adultes, mais une quantité<br />

dix fois supérieure (± 35 mg) circule chaque jour<br />

dans ce pool, dont environ 80 % destiné à la production<br />

de globules rouges. La majeure partie du fer transféré de<br />

la réserve dynamique au pool de transferrine circulante<br />

provient du fer récupéré suite au traitement de l'hémoglobine<br />

des globules rouges ayant atteint la fin de leur vie<br />

d’une durée d’environ quatre mois. Le fer absorbé entre<br />

également dans ce pool, mais il ne représente que 1−1,5<br />

mg par jour. La libération du fer dans la circulation est<br />

finement régulée en fonction des besoins. Elle peut être<br />

divisée ou multipliée plusieurs fois. Quoi qu’il en soit,<br />

chez les individus normaux présentant des réserves de fer<br />

adéquates, la saturation en fer de la transferrine (la proportion<br />

de la protéine qui transporte du fer à un instant<br />

donné) est maintenue autour de 35 %.<br />

Quelles sont les récentes avancées ayant amélioré<br />

notre compréhension du métabolisme du fer<br />

La découverte récente d'un petit peptide cationique riche<br />

en cystéine, appelé hepcidine, produit par le foie, circulant<br />

dans le plasma et excrété par les urines, a révolutionné<br />

notre compréhension de la régulation de l’absorption<br />

et du stockage du fer. L’hepcidine semble avoir un<br />

rôle fondamental dans l’assurance du maintien des réserves<br />

ferriques à un niveau optimal, dans la régulation de<br />

l’approvisionnement en fer de l’ensemble des cellules de<br />

l’organisme en fonction de leurs besoins fonctionnels et<br />

dans le blocage de l'absorption du fer inutile au niveau de<br />

l'intestin. Ce peptide agit comme un régulateur négatif de<br />

la libération des réserves et de l’absorption intestinale.<br />

De hauts niveaux d’hepcidine réduisent le taux de libération<br />

du fer de réserve et son absorption intestinale, via<br />

une liaison au seul exportateur de fer cellulaire connu, la<br />

ferroportine, et provoquant sa dégradation. L'expression<br />

de l'hepcidine est induite indépendamment par l'accumulation<br />

du fer de réserve et par l’inflammation. Elle est<br />

supprimée qu<strong>and</strong> les réserves en fer sont épuisées, et par<br />

l’anémie, l’hypoxémie et l’érythropoïèse accélérée.<br />

L’hepcidine permet aux tissus de l’organisme de recevoir<br />

la bonne quantité de fer pour couvrir leurs besoins fonctionnels.<br />

Cependant, toutes les cellules ont également la<br />

capacité de réguler leur propre économie de fer interne en<br />

augmentant ou en diminuant l'expression des récepteurs<br />

à la transferrine, lesquels sont indispensables à la récupération<br />

par les cellules du fer issu du pool de transferrine<br />

circulante.<br />

Depuis longtemps, il est connu que la balance en fer est<br />

maintenue par le contrôle de l’absorption. Néanmoins,<br />

des avancées considérables dans notre compréhension<br />

des processus de régulation de l'absorption ont eu lieu<br />

récemment. L'absorption se produit tout d’abord au<br />

niveau de l'intestin grêle, via les entérocytes mûrs situés<br />

au sommet des villosités duodénales. Deux transporteurs,<br />

le transporteur apical spécifique HCP1 (Heme Carrier<br />

Protein 1) et le transporteur de métal divalent DMT1<br />

(Divalent Metal Transporter 1), semblent modérer l'entrée<br />

de la majeure partie, si ce n’est de tout, le fer alimentaire<br />

dans les cellules de la muqueuse intestinale. Le<br />

fer héminique est toujours aisément absorbé. Les molécules<br />

d'hème intactes sont transportées dans les entérocytes.<br />

Cependant, l'hème ne représente qu’une petite partie<br />

du fer alimentaire, même pour les personnes qui mangent<br />

beaucoup de vi<strong>and</strong>e ou de poisson. Le fer est majoritairement<br />

présent sous d'autres formes communément regroupées<br />

sous le terme de fer non héminique. Ce fer est transporté<br />

dans les entérocytes par le DMT1, mais il doit<br />

d’abord être solubilisé et réduit à l'état ferreux. De plus,<br />

dans l’alimentation, divers facteurs, et en particulier les<br />

phytates et les polyphénols, peuvent empêcher la liaison<br />

entre le fer non héminique et le DMT1, avec comme conséquence<br />

une absorption inhibée. La possibilité que des<br />

récepteurs spécifiques à d'autres formes de fer alimentaire<br />

aient un rôle significatif dans l'absorption nécessite<br />

de plus amples éclaircissements. Comme indiqué ci-dessus,<br />

l’absorption est régulée par la ferroportine via le<br />

contrôle des exportations du fer depuis les entérocytes du<br />

duodénum jusqu’au pool de transferrine circulante. Ces<br />

entérocytes ont une courte durée de vie et le fer qui n'est<br />

pas transféré à la circulation est perdu lorsque les cellules<br />

exfolient. L'absorption du fer non héminique est également<br />

régulée au moment de l’entrée dans les entérocytes<br />

par des modifications de l'expression du DMT1.


20<br />

6 · Métabolisme du fer<br />

Quels sont les besoins en fer<br />

au cours de la vie humaine<br />

Le fer se trouve dans pratiquement tous les aliments. L’apport<br />

en fer alimentaire est donc relié à l’apport énergétique.<br />

Les besoins en fer sont plus élevés dans les deuxième et<br />

troisième trimestres de grossesse. Ce besoin est couvert par<br />

l’utilisation des réserves de la mère, accumulées avant la<br />

conception et pendant le premier trimestre du fait de l’arrêt<br />

des menstruations, ainsi que par l’augmentation marquée<br />

de l’absorption au cours du deuxième et du troisième trimestres.<br />

Les besoins sont également élevés chez les jeunes<br />

enfants en particulier entre 6 et 18 mois. Une fois que les<br />

réserves en fer de la naissance sont épuisées, le statut en fer<br />

des jeunes enfants dépend des aliments de complément car<br />

la teneur en fer du lait humain est faible. Malheureusement,<br />

dans beaucoup de pays en développement, les aliments de<br />

complément traditionnels sont de piètres sources de fer biodisponible.<br />

Par conséquent, les enfants de 6 à 18 mois sont<br />

fréquemment déficients en ce minéral. Les besoins sont<br />

accrus au cours de la poussée de croissance durant l’adolescence<br />

et dès le début des menstruations chez les filles.<br />

Enfin, les femmes en âge de procréer sont à risque de déficience<br />

en fer en raison de leurs pertes en fer menstruelles.<br />

Les besoins sont moindres chez les hommes et les femmes<br />

ménopausées.<br />

Quels troubles du bilan ferrique<br />

peut-on rencontrer<br />

Les trois désordres courants du bilan ferrique sont la<br />

déficience, la surcharge en fer et <strong>l'anémie</strong> inflammatoire<br />

(également appelée anémie des maladies chroniques).<br />

1. La déficience en fer reste la carence en micronutriment<br />

la plus rép<strong>and</strong>ue à travers le monde. Elle constitue<br />

toujours une condition acquise résultant d'une alimentation<br />

contenant trop peu de fer biodisponible.<br />

Dans les pays en développement, les aliments traditionnels<br />

contiennent généralement de gr<strong>and</strong>es quantités<br />

d'inhibiteurs de l'absorption du fer, notamment des<br />

phytates et des polyphénols. De plus les observations<br />

récentes indiquent que les maladies qui affectent le<br />

duodénum, en particulier les infections à H. pylori et<br />

les maladies coeliaques, pourraient être plus rép<strong>and</strong>ues<br />

que ce qui est alors soupçonné et qu'elles pourraient<br />

avoir une importante contribution. De nouvelles<br />

recherches sont nécessaires pour confirmer ces<br />

observations et établir leur pertinence potentielle<br />

quant à la prévention des déficiences en fer alimentaire.<br />

Enfin, les maladies causant des pertes sanguines,<br />

en particulier les infections à ankylostomes, contribuent<br />

de manière importante à la forte prévalence<br />

des carences en fer dans beaucoup de pays en développement.<br />

2. La surcharge en fer est beaucoup moins fréquente<br />

que la carence. La surcharge systémique primaire<br />

(hémochromatose) résulte presque toujours d'une<br />

spécificité génétique affectant l’hepcidine ou la ferroportine<br />

et perturbant, de fait, la régulation du transport<br />

du fer. La forme courante de surcharge en fer<br />

chez les Caucasiens, l’hémochromatose HFE, résulte<br />

d'un déficit relatif en hepcidine. La surcharge en fer<br />

secondaire se produit lors d’une thalassémie et d’une<br />

anémie sidéroblastique car le traitement de ces situations<br />

pathologiques exige des transfusions de sang<br />

répétées, et l’érythropoïèse accélérée, caractéristique<br />

de ces troubles, réduit l'expression de l'hepcidine.<br />

3. L'anémie inflammatoire est caractérisée par une<br />

baisse de la libération du fer de réserve, une absorption<br />

réduite, de faibles concentrations plasmatiques<br />

en fer et en transferrine, une restriction de l’approvisionnement<br />

en fer disponible pour la production de<br />

globules rouges et une anémie légère ou modérée.<br />

L'expression accrue de l'hepcidine explique presque<br />

toutes les conséquences de cette pathologie, généralement<br />

considérée comme une adaptation de l'hôte pour<br />

répondre à la présence de pathogènes et rendre le fer<br />

moins disponible.<br />

Quel est le message clé<br />

Des avancées majeures ont été réalisées dans la compréhension<br />

de la physiologie du métabolisme du fer chez<br />

l’humain et la physiopathologie des troubles qui lui sont<br />

associés, même si beaucoup de questions restent encore<br />

sans réponse. La recherche dans ce domaine est donc<br />

indispensable. La connaissance gagnée a toutefois fourni<br />

un socle scientifique solide permettant d’élaborer des<br />

approches de lutte contre la déficience <strong>nutritionnelle</strong> en<br />

fer.<br />

LES FAITS:<br />

• Les êtres humains disposent normalement de 40 à<br />

50 mg de fer/kg de poids corporel.<br />

• Approximativement 75 % du fer de l’organisme est<br />

présent au sein de composés métaboliquement actifs;<br />

les 25 % restants constituent une réserve dynamique<br />

renouvelée continuellement.<br />

• L’approvisionnement en fer des cellules de l’organisme<br />

est rigoureusement régulé par le contrôle de<br />

l'absorption et la libération des réserves.<br />

• L’hepcidine a un rôle central dans le contrôle de la<br />

balance en fer.<br />

• La carence et la surcharge en fer, ainsi que l’anémie<br />

inflammatoire, constituent les troubles du métabolisme<br />

du fer les plus courants. La déficience en fer


7 · Optimisation de la biodisponibilité du fer 21<br />

résulte d’une alimentation contenant des teneurs en<br />

fer biodisponible insuffisantes pour satisfaire les<br />

besoins; la surcharge primaire en fer est causée par<br />

des mutations génétiques héréditaires conduisant à<br />

une dysrégulation de l'hepcidine ou à des altérations<br />

des récepteurs ferroportine; <strong>l'anémie</strong> inflammatoire<br />

est le résultat d’une expression accrue de l'hepcidine<br />

induite par les cytokines inflammatoires.<br />

7<br />

OPTIMISATION DE LA BIODISPONIBILITE<br />

DU FER DES COMPOSES UTILISES POUR<br />

LA FORTIFICATION DES ALIMENTS<br />

Richard Hurrell et Ines Egli<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Dans toute intervention de fortification, il est difficile<br />

d'assurer l'efficacité des fortifiants utilisés. La biodisponibilité<br />

s’avère d’une importance cruciale pour atteindre<br />

cette efficacité. Il a été montré que la biodisponibilité des<br />

composés ferriques par rapport au sulfate ferreux (valeur<br />

de biodisponibilité relative, VBR) était utile pour la classification<br />

de leur potentialité à fortifier les aliments.<br />

Cependant, l'efficacité des aliments fortifiés en fer<br />

dépend, non seulement, de l’absorption absolue du composé<br />

de fer qui est influencée par sa VBR, mais aussi, par<br />

la quantité de fortifiant ajoutée, le statut en fer du consommateur<br />

et la présence dans le repas d'inhibiteurs<br />

(p.ex. acide phytique) ou d’activateurs de l'absorption du<br />

fer (p.ex. acide ascorbique).<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Concernant la fortification des aliments, l'OMS a publié<br />

des directives qui incluent des recomm<strong>and</strong>ations sur les<br />

composés de fer à privilégier et un protocole pour déterminer<br />

les niveaux de fortification en fer.<br />

Quels sont les composés ferriques recomm<strong>and</strong>és<br />

Bien qu'un ordre de préférence pour les composés ferriques<br />

ait été communiqué par l’OMS, il doit être noté que<br />

la préférence doit également dépendre du véhicule utilisé,<br />

et les directives listent donc les composés les plus<br />

appropriés à ajouter aux différents véhicules: farines de<br />

céréales, aliments à base de céréales, produits laitiers,<br />

produits du cacao, condiments. Chaque composé possède<br />

aussi des avantages et des inconvénients spécifiques qui<br />

doivent être évalués individuellement.<br />

Le fer électrolytique est la seule poudre de fer élémentaire<br />

recomm<strong>and</strong>ée. Le fer atomisé et les poudres de fer<br />

réduites au dioxyde de carbone ne sont pas recomm<strong>and</strong>és<br />

notamment en raison de leur VBR basse. Le fer réduit à<br />

l’hydrogène et les poudres de fer carbonylique pourraient<br />

être recomm<strong>and</strong>és lorsqu’ils seront mieux documentés.<br />

Par ailleurs, le NaFeEDTA (fer EDTA) n’est pas recomm<strong>and</strong>é<br />

pour la fortification des aliments de complément<br />

car il existe trop peu d’études chez les jeunes enfants, le<br />

comité d’experts commun FAO/OMS sur les additifs alimentaires<br />

a donc posé des limites le concernant dans ses<br />

recomm<strong>and</strong>ations.<br />

Quelle est l’importance de la<br />

biodisponibilité relative (VBR)<br />

La VBR est importante pour classer les différents composés<br />

de fer par rapport au sulfate ferreux dont la VBR<br />

est fixée à 100. Ce classement se base sur la capacité du<br />

composé ferrique à intégrer l’hémoglobine chez les rats<br />

anémiques ou, plus récemment, sur l’évaluation de l’absorption<br />

du fer chez l’homme par des techniques isotopiques.<br />

Ainsi, quatre catégories de composés ferriques ont<br />

été développées. Chaque catégorie et chaque composé<br />

présente des avantages et des inconvénients qui doivent<br />

être considérés individuellement, en se basant spécifiquement<br />

sur le véhicule sélectionné pour la fortification.<br />

Les caractéristiques des composés peuvent également<br />

varier selon la méthode de fabrication, et leur VBR peut<br />

être influencée par le véhicule alimentaire et le statut en<br />

fer du sujet, ce qui amène parfois de façon inattendue à<br />

des VBR particulièrement basses.<br />

• Catégorie 1: facilement soluble dans l'eau et avec une<br />

VBR proche de 100 chez les adultes. Malheureusement,<br />

les composés de cette catégorie ont tendance à<br />

causer des changements de couleur et de saveur inacceptables.<br />

Ils incluent le sulfate ferreux, le gluconate<br />

ferreux, le lactate ferreux et le citrate ferrique d’ammonium.<br />

• Catégorie 2: faiblement soluble dans l'eau mais facile<br />

à dissoudre dans l'acide dilué des sucs gastriques, il a<br />

donc une VBR de 100. Ces composés causent moins<br />

de modifications organoleptiques du fait de leur faible<br />

solubilité dans l’eau. Cette catégorie inclut le<br />

fumarate ferreux et le succinate ferreux.<br />

• Catégorie 3: insoluble dans l'eau et faiblement soluble<br />

dans l’acide dilué, causant donc peu de modifications<br />

sensorielles, mais ayant une VBR inférieure et<br />

plus variable. Cette catégorie inclut le pyrophosphate<br />

ferrique, le pyrophosphate ferrique micronisé dispersible<br />

(MDFP), l’orthophosphate ferrique et les composés<br />

de fer élémentaire.<br />

• Catégorie 4: l'avantage de ces composés réside dans


22<br />

8 · Interactions avec le cuivre et le zinc<br />

le fait, qu’en présence d'acide phytique, ils ont une<br />

VBR 2 à 3 fois supérieure à celle du sulfate ferreux.<br />

Ils sont cependant plus enclins à provoquer des modifications<br />

sensorielles que les composés des catégories<br />

2 ou 3. Cette catégorie inclut les chélates d'acides<br />

aminés et le NaFeEDTA.<br />

Comment peut-on augmenter la biodisponibilité<br />

du fer utilisé pour la fortification<br />

Il y a cinq voies majeures pour améliorer la biodisponibilité<br />

du fer à ajouter aux aliments:<br />

1. L'acide ascorbique est le composé le plus communément<br />

ajouté pour l'amélioration de l'absorption du fer,<br />

mais il est sujet à des pertes en cas de traitement et de<br />

stockage. L’acide ascorbique agit de manière dose<br />

dépendante et la recomm<strong>and</strong>ation générale est un rapport<br />

molaire acide ascorbique sur fer de 2:1 pour les<br />

produits à faible teneur en phytates et de 4:1 pour les<br />

produits riches en phytates.<br />

2. L'acide érythorbique est un stéréoisomère de l'acide<br />

ascorbique qui semble avoir un effet encore meilleur,<br />

mais il est plus sensible à l’oxydation ce qui peut<br />

limiter son utilité.<br />

3. Les acides organiques, bien qu'ils augmentent l'absorption<br />

du fer, ne représentent pas une option (à l'exception<br />

possible des jus de fruits), car les gr<strong>and</strong>es<br />

quantités requises pour cet effet provoquent des<br />

modifications de saveur inacceptables dans la plupart<br />

des véhicules.<br />

4. Les complexes EDTA, Na 2 EDTA et CaNa 2 EDTA<br />

sont des additifs alimentaires acceptés qui pourraient<br />

être utilisés pour augmenter l’absorption du fer des<br />

composés hydrosolubles.<br />

5. La dégradation de l’acide phytique (un inhibiteur fort<br />

de l'absorption du fer), par l'addition de phytases exogènes<br />

ou par l'activation de phytases natives dans les<br />

grains de céréales en milieu aqueux et en conditions<br />

de pH et de température contrôlées, peut constituer<br />

une technique appropriée pour les aliments de complément<br />

à faible coût à base de céréales et de légumineuses.<br />

Quels niveaux de fortification recomm<strong>and</strong>e-t-on<br />

Lorsque l’on définit des niveaux de fortification, la clé<br />

réside dans la connaissance de la composition de l'alimentation<br />

habituelle, afin d’estimer la biodisponibilité<br />

du fer à 5, 10 ou 15 %, et de posséder une information<br />

détaillée sur les apports alimentaires en fer dans la population<br />

ciblée. Le but ultime est de calculer la quantité de<br />

nutriment supplémentaire requis au quotidien, afin que<br />

seulement 2,5 % de la population ciblée ait un apport<br />

inférieur au besoin moyen estimé (BME). Qu<strong>and</strong> de<br />

hauts niveaux de fortification sont exigés pour atteindre<br />

l’objectif visé, il faut également prendre soin de s’assurer<br />

que les autres groupes de population ne dépassent pas les<br />

limites supérieures.<br />

A noter que la méthode servant à déterminer le BME ne<br />

devrait pas être utilisée pour estimer la prévalence d’apports<br />

en fer inadéquats, puisque les apports en fer de certains<br />

sous-groupes de population (p.ex. les femmes<br />

réglées et les enfants) ne sont pas distribués normalement.<br />

Dans ces groupes de population, il est recomm<strong>and</strong>é<br />

d’utiliser l'approche complète fondée sur les probabilités<br />

(full probability approach) afin de définir le niveau de<br />

fortification. L’OMS fournit des tables de probabilité<br />

pour cela.<br />

Quel est le message clé<br />

Techniquement, nous savons maintenant comment concevoir<br />

une alimentation efficacement fortifiée en fer.<br />

Cette connaissance est disponible dans les directives de<br />

l’OMS. Lorsque l’on conçoit un aliment fortifié en fer, le<br />

fabricant de l’aliment doit choisir le composé de fer présentant<br />

la plus haute VBR, ne causant aucun changement<br />

sensoriel ou seulement des changements limités dans l’aliment,<br />

et qui soit rentable. En parallèle, le niveau de fortification<br />

devrait être basé sur les besoins et les habitudes<br />

alimentaires du consommateur. Les infections rép<strong>and</strong>ues<br />

et les déficiences concomitantes en d'autres micronutriments<br />

peuvent entraver son efficacité. Par ailleurs, il ne<br />

doit pas être oublié qu'une fabrication, un système de distribution,<br />

un contrôle qualité et des procédures de suivi<br />

efficaces, ainsi que des mesures de santé interactives et<br />

un bon marketing social, doivent également être mis en<br />

place pour que l’intervention soit un succès.<br />

8<br />

INTERACTIONS AVEC LE CUIVRE ET LE<br />

ZINC DANS L’ANEMIE: UNE PERSPECTIVE<br />

DE SANTE PUBLIQUE<br />

Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Le cuivre et le zinc sont des nutriments essentiels et des<br />

carences en ces deux minéraux conduisent à <strong>l'anémie</strong>.<br />

Les études expérimentales ont montré un effet inhibiteur<br />

du zinc sur l’absorption du fer et il a été proposé que ces<br />

deux micronutriments rivalisent pour une voie d’absorp-


8 · Interactions avec le cuivre et le zinc 23<br />

tion commune, toutefois les mécanismes exacts impliqués<br />

dans cette interaction au niveau de l'absorption ne<br />

sont pas encore totalement compris. Il a également été<br />

démontré que de fortes doses de zinc inhibent l'absorption<br />

du cuivre et peuvent produire un déficit en ce dernier<br />

élément, ce qui pourrait indirectement affecter le statut<br />

en fer et mener à l’anémie. Le zinc et le cuivre ont une<br />

interaction antagoniste au sein de l'érythrocyte. La pertinence<br />

de ces interactions en terme de santé publique a été<br />

considérée comme limitée dans le passé, mais des études<br />

récentes montrent qu’une supplémentation combinant fer<br />

et zinc est moins efficace qu’une simple supplémentation<br />

en fer seul pour réduire la prévalence de <strong>l'anémie</strong> et améliorer<br />

le statut en fer. A noter que certaines études n'ont<br />

pas confirmé cet effet potentiellement nuisible du zinc, et<br />

que trois études, portant sur des sujets vraisemblablement<br />

déficients en fer et en zinc, ont démontré une augmentation<br />

plus importante de l'hémoglobine après une<br />

supplémentation combinée en ces deux minéraux qu'avec<br />

une supplémentation en fer ou en zinc seul.<br />

Dans les pays en développement, la carence en fer coexiste<br />

avec des déficiences en d’autres micronutriments<br />

et avec les infections, et les récentes recherches montrent<br />

que les carences en cuivre et en zinc pourraient constituer<br />

un facteur contribuant à augmenter la fréquence des<br />

infections. De plus, les infections aiguës sont une cause<br />

reconnue d'anémie légère à modérée. La résistance aux<br />

infections se détermine par une fonction immunitaire<br />

saine, et le cuivre et le zinc sont tous deux nécessaires<br />

au bon fonctionnement du système immunitaire. En plus<br />

des altérations du système immunitaire, la déficience en<br />

zinc peut contribuer à une sensibilité accrue aux pathogènes<br />

et plusieurs études ont montré une incidence plus<br />

élevée de diarrhées et d’infections aiguës des voies<br />

respiratoires inférieures dans les cas de carence en zinc.<br />

Il a également été prouvé que la supplémentation en<br />

zinc pouvait réduire l’incidence du paludisme. Cependant,<br />

un effet immunosuppresseur a été observé à des<br />

doses très élevées de supplémentation en zinc, mais cela<br />

peut être en partie expliqué par une déficience secondaire<br />

en cuivre induite par un excès de zinc. La neutropénie<br />

est une manifestation clinique fréquente d’une carence<br />

en cuivre, ce qui pourrait être le lien entre une<br />

fréquence accrue d'infections sévères des voies respiratoires<br />

inférieures décrites chez les enfants déficients en<br />

cuivre.<br />

La modification des marqueurs du statut en fer concorde<br />

avec la sévérité du processus infectieux. Cette connaissance<br />

a conduit à l’utilisation du dosage du récepteur à la<br />

transferrine sérique pour aider à l'interprétation du statut<br />

en fer dans les populations présentant une forte proportion<br />

d'infections.<br />

Quel est l'essentiel du métabolisme du cuivre<br />

Le cuivre est un oligoélément essentiel, principalement<br />

absorbé au niveau du duodénum par un mécanisme qui<br />

n’est pas encore complètement compris, mais la forme<br />

chimique du cuivre dans la lumière de l’intestin affecte<br />

gr<strong>and</strong>ement son absorption. L'absorption apparente varie<br />

de 15 à 80 % (habituellement entre 40 et 60 %) et est<br />

déterminée par l’hôte et par des facteurs liés à l’alimentation<br />

(apports et statut nutritionnel), dont certains restent<br />

à définir. Lorsque sa solubilité augmente, le cuivre est<br />

absorbé plus efficacement, et il semble que les protéines<br />

animales, le lait humain et l’histidine rehaussent son<br />

absorption, t<strong>and</strong>is que le lait de vache, le zinc, l’acide<br />

ascorbique et les phytates la diminuent.<br />

La carence en cuivre est habituellement la conséquence<br />

de faibles réserves à la naissance, d’apports en cuivre alimentaire<br />

inadéquats, d’une absorption faible et de<br />

besoins accrus induits par une croissance rapide ou des<br />

pertes en cuivre augmentées, et résulte souvent de facteurs<br />

multiples. La carence en cuivre acquise est un<br />

syndrome clinique se manifestant principalement chez<br />

les enfants, et plus fréquemment chez les enfants prématurés<br />

(surtout ceux de très faible poids de naissance) et<br />

ceux recevant exclusivement une alimentation à base de<br />

lait de vache, et devrait être soupçonné chez les enfants<br />

sujets à des épisodes diarrhéiques prolongés ou récurrents.<br />

Il semblerait que la cause la plus commune de<br />

déficience clinique manifeste soit une réserve en cuivre<br />

insuffisante pendant la récupération <strong>nutritionnelle</strong> chez<br />

les enfants malnutris. De forts apports oraux en zinc et en<br />

fer réduisent l’absorption du cuivre et pourraient prédisposer<br />

à une carence. Les manifestations cliniques courantes<br />

sont l’anémie (92 %), la neutropénie (84 %) et des<br />

malformations osseuses. Les changements hématologiques<br />

sont attribués à plusieurs mécanismes et sont complètement<br />

annulés par une supplémentation en cuivre,<br />

mais restent insensibles à une thérapie basée uniquement<br />

sur le fer.<br />

Le manque de cuivre alimentaire et des imperfections<br />

génétiques touchant au métabolisme du cuivre ont des<br />

effets significatifs sur le métabolisme du fer et la résistance<br />

des globules rouges au stress oxydatif, ce qui peut<br />

contribuer au poids de <strong>l'anémie</strong>. De plus, le cuivre est<br />

également associé à des altérations des défenses de l’hôte<br />

ce qui pourrait augmenter le risque d’anémie consécutive<br />

à une infection. Le manque de cuivre pourrait être intégré<br />

au diagnostic différentiel de l’anémie non réceptive à la


24<br />

9 · Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: Les vitamines du groupe B<br />

supplémentation en fer. L’excès de cuivre peut également<br />

contribuer à l’anémie en induisant l’hémolyse.<br />

Quel est l'essentiel du métabolisme du zinc<br />

Le zinc est présent en gr<strong>and</strong>e quantité dans les cellules,<br />

ce qui rend difficile l’étude des mécanismes dépendants<br />

du zinc pour déterminer sa fonction physiologique.<br />

Néanmoins, il est clair que le zinc joue un rôle central<br />

dans la croissance, la différenciation et le métabolisme<br />

cellulaires. Le résultat de la grossesse, la croissance et le<br />

développement du fœtus, la croissance verticale, la sensibilité<br />

aux infections et le développement neurocomportemental<br />

sont autant de fonctions cruciales affectées par le<br />

statut en zinc. Le zinc est absorbé au niveau de l’intestin<br />

grêle: une absorption affectée par la forme chimique du<br />

zinc et la présence d’inhibiteurs et d’activateurs, et qui<br />

s’adapte aux besoins physiologiques. La teneur corporelle<br />

totale en zinc se situe entre 1,5 et 2,5 g et est déterminée<br />

par les apports alimentaires, le statut nutritionnel en<br />

zinc et la biodisponibilité du zinc dans l’alimentation.<br />

Les principales causes de déficience en zinc sont de faibles<br />

apports, des besoins accrus, une malabsorption, des<br />

pertes augmentées et une utilisation altérée. Les premières<br />

descriptions de sujets sévèrement carencés en zinc<br />

comprenaient l’anémie, mais ceci pourrait venir d’une<br />

déficience en fer associée ou de l’effet particulier du zinc<br />

sur la maturation des globules rouges. Le mécanisme<br />

d’érythropoïèse altérée n’est pas encore pleinement compris.<br />

La carence en zinc peut contribuer au poids de l’anémie<br />

en altérant l’érythropoïèse et en réduisant la résistance<br />

des globules rouges au stress oxydatif, affaiblissant les<br />

défenses de l’hôte. De plus, de fortes doses de supplémentation<br />

en zinc interfèrent avec les absorptions du cuivre<br />

et du fer, et peut également nuire à la mobilisation du<br />

fer et aux réponses immunitaires.<br />

Quel est le message clé<br />

Bien que la pertinence potentielle des interactions entre<br />

le zinc, le cuivre et le fer en terme de santé publique reste<br />

indéterminée, ces minéraux ont un impact très probable<br />

sur le poids de <strong>l'anémie</strong>, directement et indirectement via<br />

l’infection, et ne doivent pas être ignorés dans le cadre<br />

des interventions <strong>nutritionnelle</strong>s de lutte contre <strong>l'anémie</strong>.<br />

9<br />

ANEMIE NUTRITIONNELLE:<br />

LES VITAMINES DU GROUPE B<br />

John M. Scott<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Bien que <strong>l'anémie</strong> dans les pays en développement soit<br />

majoritairement due à la déficience en fer, une partie<br />

pourrait être attribuable à un manque de vitamines du<br />

groupe B, en particulier en vitamine B 9 (folates) et en<br />

vitamine B 12 . Cette anémie est macrocytaire, mais avec<br />

présence, dans la moelle osseuse, de précurseurs anormaux<br />

des globules rouges, appelés mégaloblastes. La<br />

présence concomitante d’une déficience en fer conduit à<br />

une anémie souvent normocytaire. Cela peut entraîner<br />

des problèmes de diagnostic et, par conséquent, ce qui est<br />

attribué à une pure déficience en fer peut fréquemment se<br />

révéler partiellement dû à une carence en folates ou en<br />

vitamine B 12 , et la véritable prévalence de ces carences<br />

en vitamines B est donc difficile à établir.<br />

Certains nutriments ne présentent pas de risque de<br />

carence en raison de leur niveau adéquat dans la plupart<br />

des régimes. D'autres, en revanche, présentent des risques<br />

particuliers pour certains individus et sous certaines<br />

conditions. Pour les vitamines du groupe B, il y a un<br />

large spectre de risques entre la biotine et l’acide pantothénique<br />

rarement déficients dans l’alimentation, t<strong>and</strong>is<br />

que les carences en vitamine B 12 et en folates causent<br />

d’importantes préoccupations. Ces deux vitamines ont<br />

plusieurs répercussions clés sur la santé, notamment au<br />

cours de la grossesse, à la fois pour la mère et pour l’enfant<br />

à naître. En effet, les développements de l'embryon<br />

et du foetus peuvent être retardés par une carence en vitamine<br />

B 9 ou B 12 . Un développement cognitif altéré et des<br />

mortalités et morbidités augmentées à l’âge adulte sont<br />

également des causes d’inquiétude, en plus des cas parfaitement<br />

prouvés de risque accru de spina bifida, défauts<br />

du tube neural (DTN) et autres défauts de naissance.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Vers la fin du 19 e siècle, il a été admis qu'une anémie<br />

macrocytaire, avec un nombre de globules rouges circulants<br />

supérieur à la normale, accompagnée de précurseurs<br />

d’hématies anormaux dans la moelle osseuse, était<br />

le résultat d’une déficience en folates ou en vitamine B 12 ,<br />

et que ces deux déficiences étaient interreliées en raison<br />

de leur interdépendance biochimique. Le traitement de la<br />

carence en folates, avec des folates alimentaires ou plus


9 · Anémie <strong>nutritionnelle</strong>: Les vitamines du groupe B 25<br />

communément via une forme d’acide folique de<br />

synthèse, et le traitement de la carence en vitamine B 12 ,<br />

avec de la vitamine B 12 , produisent habituellement une<br />

totale rémission de <strong>l'anémie</strong>. Cependant, dans le cas<br />

d’une carence en vitamine B 12 ayant déjà conduit à une<br />

neuropathie avancée, il pourra demeurer des dommages<br />

résiduels. Généralement, la carence en vitamine B 12<br />

résulte soit d'une déficience alimentaire directe (courante<br />

chez les végétaliens), soit d’une malabsorption due à une<br />

absence d’acide gastrique ou à un facteur intrinsèque<br />

nécessaire à l’absorption. La déficience <strong>nutritionnelle</strong><br />

peut être traitée soit par fortification, soit par supplémentation,<br />

comme peut l’être une atrophie gastrique. La<br />

malabsorption due à un manque de facteur intrinsèque<br />

exige un traitement parentéral.<br />

Il y a une inquiétude majeure concernant le fait qu’une<br />

déficience en vitamine B 12 puisse être malencontreusement<br />

prise pour une déficience en folates et donc être<br />

traitée avec de l'acide folique. En effet, cela résulterait en<br />

une biosynthèse d’ADN normalisée donnant l'impression<br />

que <strong>l'anémie</strong> a été traitée avec succès. Cependant, cela ne<br />

traiterait pas la neuropathie qui nécessite un apport en<br />

vitamine B 12 ; de fait, la neuropathie progresserait vers un<br />

stade plus avancé et irréversible. Le fait de masquer une<br />

déficience en vitamine B 12 par une supplémentation en<br />

acide folique est un phénomène dose-dépendant, supposé<br />

ne pas se produire pour des apports inférieurs à 1000 µg<br />

(ou 1,0 mg) d'acide folique par jour.<br />

Dans les pays en développement, la prévalence d'anémie<br />

mégaloblastique pourrait être sous-diagnostiquée en raison<br />

de la prévalence concomitante très fréquente de la<br />

carence en fer.<br />

Que savons-nous au sujet des folates<br />

Les folates, composés dérivés de l’acide folique, sont<br />

instables, incomplètement biodisponibles et ne se trouvent<br />

pas en gr<strong>and</strong>e densité dans les aliments, exception<br />

faite du foie, mais qui n’occupe pas une gr<strong>and</strong>e place<br />

dans la plupart des régimes alimentaires. Les meilleures<br />

sources de folates sont les légumes, mais dans les pays en<br />

développement, des apports alimentaires insuffisants<br />

sont courants, d’où une forte prévalence de carence en<br />

folates. De plus, il y a une forte augmentation des besoins<br />

en cette vitamine au cours de la grossesse et de l’allaitement.<br />

Aggravant encore davantage le problème: un polymorphisme<br />

touchant une des enzymes dépendantes de la<br />

vitamine B 9 a été récemment découvert. Or, ce polymorphisme,<br />

très rép<strong>and</strong>u dans certaines populations, augmente<br />

les besoins en folates jusqu’à 30 %; ce qui veut<br />

dire que la carence en folates, à la fois dans les pays<br />

développés et en développement, est courante et doit être<br />

particulièrement prise en considération avant et pendant<br />

la grossesse. Par conséquent, la supplémentation en acide<br />

folique avant, pendant et après la grossesse est maintenant<br />

reconnue comme essentielle indépendamment du<br />

statut nutritionnel de la femme. Il y a quelques inquiétudes<br />

concernant le fait que de hauts niveaux de supplémentation<br />

en acide folique puissent accélérer la croissance<br />

de tumeurs existantes, citées le plus fréquemment<br />

au sujet du cancer colorectal, mais cela pourrait également<br />

être le cas pour d'autres cancers. Les experts recomm<strong>and</strong>ent<br />

que des recherches complémentaires soient<br />

menées, mais estiment que les preuves sont actuellement<br />

insuffisantes pour justifier un arrêt de la fortification en<br />

acide folique. Celle-ci est obligatoire dans plus de 40<br />

pays et envisagée par beaucoup d'autres, principalement<br />

sous l’impulsion des politiques de santé publique afin de<br />

prévenir les DTN.<br />

Que savons-nous au sujet de la vitamine B 12 <br />

La vitamine B 12 entre dans la chaîne alimentaire de<br />

l’homme exclusivement au travers des sources animales<br />

via la vi<strong>and</strong>e, le lait, les produits laitiers et les oeufs. Sa<br />

synthèse est totalement absente chez les végétaux de tout<br />

genre, elle ne se retrouve donc dans de tels aliments<br />

qu’en cas de contamination bactérienne ou de fermentation,<br />

puisque les enzymes nécessaires à sa synthèse sont<br />

uniquement présentes dans les bactéries et quelques<br />

algues. Pour ces raisons, les végétariens, et plus particulièrement<br />

les végétaliens, sont à haut risque d’apports alimentaires<br />

insuffisants. Dans beaucoup de pays en développement,<br />

les personnes ayant de faibles apports en<br />

aliments d’origine animale, en raison d’un manque d'accessibilité<br />

et d’un coût élevé, présentent également un<br />

haut risque de carence en vitamine B 12 .<br />

Contrairement aux folates, dans la plupart des régimes<br />

les niveaux de vitamine B 12 dépassent l’apport journalier<br />

recomm<strong>and</strong>é (AJR) et il est donc surprenant que la<br />

carence en cette vitamine soit aussi rép<strong>and</strong>ue. Cette prévalence<br />

a été attribuée à la présence d'hypochlorhydrie<br />

due à une atrophie gastrique et à l'absence d'acide favorisant<br />

la libération de la vitamine B 12 des aliments. De<br />

telles hypochlorhydries sont censées se produire dans des<br />

proportions considérables au sein de toutes les populations,<br />

et plus spécifiquement chez les personnes âgées<br />

chez qui la prévalence peut aller jusqu’à 30 %. Il a également<br />

été suggéré que cette atrophie gastrique pourrait<br />

être plus fréquente dans certains groupes ethniques. La<br />

carence en vitamine B 12 , par suite d'une absorption altérée,<br />

peut aussi être le résultat d'une anémie pernicieuse<br />

qui constitue une maladie auto-immune spécifique rédui-


26<br />

10 · La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

sant, ou éventuellement supprimant, l'absorption active<br />

de la vitamine B 12 de l'alimentation. Sa prévalence semble<br />

varier entre 1 et 4,3 %, mais globalement elle est relativement<br />

faible comparée à celle de l’atrophie gastrique.<br />

L'effet négatif de sa malabsorption concerne la vitamine<br />

B 12 liée aux composés alimentaires et non la vitamine<br />

B 12 libre contenue dans les suppléments ou dans les aliments<br />

fortifiés. Les sujets souffrant d’anémie pernicieuse<br />

doivent recourir à l’injection pour obtenir de la vitamine<br />

B 12 .<br />

Quid des autres vitamines du groupe B<br />

Des apports extrêmement faibles en riboflavine (vitamine<br />

B 2 ), pyridoxine (vitamine B 6 ), acide nicotinique<br />

(vitamine B 1 ), thiamine et acide pantothénique peuvent<br />

provoquer des carences en nutriments classés comme<br />

essentiels; cependant, la prévention et la conséquence de<br />

carences ou de réserves insuffisantes en folates et en vitamine<br />

B 12 constituent de loin les questions de santé publique<br />

les plus importantes.<br />

Quel est le message clé<br />

Il semblerait qu’il faille accorder, dans le cadre de la lutte<br />

contre l’anémie, une attention supplémentaire au statut<br />

en folates et peut-être aussi en vitamine B 12 des individus,<br />

et notamment des femmes enceintes et allaitantes.<br />

Les résultats des essais d'intervention semblent indiquer<br />

que le fer donné quotidiennement avec d’autres micronutriments<br />

serait plus efficace pour contrer l’anémie. Il est<br />

impossible d’identifier quel composant d’une préparation<br />

multivitaminique peut, par sa nature même, entraîner<br />

une réponse; cependant la fortification avec de faibles<br />

doses d’acide folique et de vitamine B 12 offre un moyen<br />

intéressant et rentable pour réduire les DTN et supprimer<br />

l’anémie mégaloblastique dans les pays en développement.<br />

LES FAITS:<br />

• La supplémentation en acide folique avant, pendant et<br />

après la contraception, peut réduire la prévalence de<br />

spina bifida et d'autres défauts du tube neural de plus<br />

de moitié, et peut-être même jusqu’aux trois-quarts.<br />

• Le fait de masquer une déficience en vitamine B 12 par<br />

une supplémentation en acide folique est un phénomène<br />

dose-dépendant, supposé ne pas se produire<br />

pour des apports inférieurs à 1000 µg (ou 1,0 mg)<br />

d'acide folique par jour.<br />

• Le niveau maximum d’apport tolérable pour l'acide<br />

folique est fixé à 1000 µg.<br />

• La recherche au Canada montre que la fortification en<br />

folates à hauteur de 100 µg/jour entraîne 50 à 70 %<br />

de réduction de la prévalence de DTN.<br />

• La détection d’une carence en folates peut s’effectuer<br />

en dosant le taux de folates sériques ou, de préférence,<br />

le taux de folates des globules rouges, mais les<br />

niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit<br />

diagnostiquée.<br />

• La détection d’une carence en vitamine B 12 peut<br />

s’effectuer en dosant le taux de vitamine B 12 sérique<br />

ou comme recomm<strong>and</strong>é plus récemment l’holotranscobalamine,<br />

mais, comme pour les folates, les<br />

niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit<br />

diagnostiquée.<br />

• Les biomarqueurs du statut, tels que l'homocystéine<br />

sérique ou l'acide méthylmalonique, sont utiles, mais<br />

ne permettent pas d’établir une conclusion définitive,<br />

et sont en général peu disponibles.<br />

• La carence en vitamine B 12 est un problème sévère<br />

dans le sous-continent Indien, au Mexique, en Amérique<br />

centrale, en Amérique du Sud et dans certaines<br />

régions d'Afrique.<br />

• Il est rapporté que la prévalence d'anémie pernicieuse<br />

pourrait être de 1 à 4,3 %, mais l'atrophie gastrique<br />

se révèle bien plus fréquente et considérée comme<br />

courante chez les personnes âgées (jusqu’à 30 %).<br />

10<br />

LA VITAMINE A DANS<br />

L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />

Keith P. West, Jr., Alison D. Gern<strong>and</strong> et Alfred Sommer<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Au-delà du fer, <strong>l'anémie</strong> peut être causée ou aggravée par<br />

nombre de déficiences <strong>nutritionnelle</strong>s. En particulier, la<br />

carence en vitamine A peut conditionner le métabolisme<br />

du fer à plusieurs niveaux au cours de son parcours<br />

interne et dans le système réticulo-endothélial en augmentant<br />

le risque d’érythropoïèse et d’anémie par manque<br />

de fer. Bien que controversés, il existe quatre mécanismes<br />

plausibles par lesquels la vitamine A peut affecter<br />

le risque d’anémie: en influençant le stockage du fer dans<br />

les tissus et sa libération dans la circulation; en ayant un<br />

effet régulateur direct sur l’érythropoïèse; en modifiant la<br />

séquestration et la libération du fer, associées à la réponse<br />

aux infections, dans les tissus; et en exerçant un effet sur<br />

l’absorption du fer. La majorité des preuves corrobore<br />

plutôt les deux premiers mécanismes. Par conséquent, le<br />

contrôle de la carence en vitamine A, qui coexiste sou-


10 · La vitamine A dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> 27<br />

vent avec la déficience en fer dans les populations sousalimentées,<br />

peut être important dans la prévention de l’anémie,<br />

qu’elle soit attribuable à la malnutrition ou à l’inflammation<br />

associée à l’infection.<br />

La vitamine A possède deux fonctions de base. La première<br />

est celle d'un cofacteur dont le rôle consiste à<br />

maintenir le bon fonctionnement des cellules photoréceptrices<br />

cônes du fond de l’oeil et permettre la vision en<br />

condition de faible luminosité. Une déficience en vitamine<br />

A peut donc mener à une perte de vision nocturne.<br />

La seconde, susceptible d’expliquer les divers effets de la<br />

vitamine A sur l’hématopoïèse, implique la régulation de<br />

la transcription nucléaire et la synthèse protéique qui<br />

affectent la croissance, la différenciation, le métabolisme<br />

et la longévité cellulaires. Son rôle se révèle plus évident<br />

au sein des couches internes de l’épithélium de l'oeil qui<br />

deviennent sèches (kératinisées) du fait d’un manque de<br />

vitamine A ce qui, dans sa forme la plus sévère, mène à la<br />

xérophtalmie. Cependant, la vitamine A aide également à<br />

réguler le fonctionnement de beaucoup d'autres types<br />

cellulaires, dont ceux impliqués dans l'immunité, la<br />

croissance osseuse et la production de globules rouges.<br />

Ces nombreuses fonctions affectées par une carence en<br />

vitamine A (CVA) ont diverses conséquences sur la santé,<br />

regroupées en une catégorie de troubles (TCVA) qui<br />

incluent la xérophtalmie et la cécité qui en résulte, une<br />

sévérité accrue des infections, l’anémie, un ralentissement<br />

de la croissance et même la mortalité. En raison de<br />

son étendue et de sa sévérité, la déficience en vitamine A<br />

reste la principale cause de cécité pédiatrique et un déterminant<br />

nutritionnel majeur d'infections sévères et de<br />

mortalité chez les enfants des pays en voie de développement.<br />

De plus, la carence en vitamine A de la mère s’élève<br />

au rang des principaux problèmes de santé publique.<br />

Les degrés et les conditions sous lesquels le déficit en<br />

vitamine A peut également contribuer à l’anémie sont<br />

bien moins appréciés, ce qui ajoute de l'importance à sa<br />

prévention.<br />

La carence en vitamine A résulte d'une alimentation chroniquement<br />

pauvre en aliments riches en vitamine A préformée<br />

ou en caroténoïdes, ses composés précurseurs<br />

(notamment le β-carotène). Les aliments sources de vitamine<br />

A préformée sont le foie, l’huile du foie de morue,<br />

le lait, le fromage et les aliments fortifiés, t<strong>and</strong>is que les<br />

principales sources de caroténoïdes provitamines A sont<br />

les fruits jaunes, les tubercules oranges et jaunes, et les<br />

légumes à feuilles vert foncé.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Sur une échelle globale, d’énormes avancées ont été réalisées<br />

pour réduire le poids de la carence en vitamine A et<br />

les risques induits en termes de cécité et de mortalité chez<br />

les enfants. Il est parfaitement admis qu’une réduction<br />

concomitante du risque d'anémie constitue un bénéfice<br />

pour le contrôle de la santé publique, en dépit de preuve<br />

substantielle reliant ces deux conditions. Des études cliniques<br />

datant de la première moitié du siècle dernier, et<br />

nombre d’études observationnelles dans les pays en<br />

développement datant du milieu du 20e siècle, indiquent<br />

une corrélation positive logique s’étalant de 0,2 à 0,9<br />

entre rétinol sérique et concentration sanguine en hémoglobine.<br />

Au cours d’une étude dans les années 1970, huit<br />

hommes privés de vitamine A sur une période de plusieurs<br />

mois ont développé une anémie ne répondant pas<br />

au fer mais réactive à une réplétion en vitamine A, suggérant<br />

que la vitamine A serait nécessaire à l’obtention<br />

d’une bonne réponse hématologique au fer. Des études<br />

postérieures chez des enfants et des femmes anémiques<br />

ont révélé de piètres réponses de l'hémoglobine au fer<br />

dans le cas d’un statut limite ou déficient en vitamine A,<br />

et des réponses de l'hémoglobine notablement améliorées<br />

avec de la vitamine A seule ou associée au fer. La supplémentation<br />

en vitamine A semble stimuler le métabolisme<br />

du fer par des voies susceptibles d’améliorer la<br />

production ou la survie des globules rouges. Cette approche<br />

semble également capable d'exercer des effets positifs<br />

sur les taux d'hémoglobine et réduire le risque d'anémie<br />

dans les populations déficientes en vitamine A. En<br />

présence d'infections, telles que les infections à ankylostomes,<br />

le paludisme, la tuberculose ou le VIH, chacune<br />

étant susceptible d’affecter le métabolisme de la vitamine<br />

A et du fer provoquant par là des effets hématologiques<br />

inconnus, la vitamine A peut s’avérer moins efficace dans<br />

le contrôle de l’anémie. Aussi, le léger effet de cette vitamine<br />

sur l’hématopoïèse peut être perceptible dans les<br />

populations <strong>nutritionnelle</strong>ment équilibrées.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

La carence en vitamine A continue à représenter un problème<br />

nutritionnel majeur dans le monde en développement,<br />

affectant la vision, la résistance aux infections, la<br />

croissance et la survie. Elle est de plus en plus reconnue<br />

comme une cause contribuant à <strong>l'anémie</strong>. Les interventions<br />

visant à réduire l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> chez les<br />

femmes et les enfants devraient considérer la prévention<br />

des autres déficiences alimentaires pouvant accroître les<br />

effets de la prophylaxie du fer, tels que ceux de la vitamine<br />

A. La reconnaissance de ce lien pourrait stimuler la<br />

co-évaluation des statuts en fer et en vitamine A lors de<br />

l’examen de l’anémie dans les populations à haut risque.<br />

Les chercheurs devraient continuer à élucider les interactions<br />

entre la vitamine A et le fer. T<strong>and</strong>is que l’on peut


28<br />

11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie<br />

supposer réduire le risque d’infection sévère grâce à la<br />

vitamine A, son effet dans la réduction des anémies d'infection<br />

exige encore des travaux, puisque son influence<br />

sur le métabolisme du fer peut être brouillé par le type et<br />

la sévérité des infections, chez les individus malades ou<br />

au sein d’une population. La recherche continuant son<br />

cours, grâce aux interventions basées sur la vitamine A,<br />

les professionnels de terrain peuvent globalement s'attendre<br />

à une hausse du statut hématologique des populations<br />

carencées et anémiques. Néanmoins, il doit être gardé à<br />

l'esprit qu’il ne faut attendre de la vitamine A qu’elle ait<br />

un effet majeur sur l’anémie du fait des déficiences directes<br />

en fer, des infections par les nématodes, du paludisme,<br />

et des autres causes d’inflammation chronique<br />

modérée à sévère.<br />

Quel est le message clé<br />

La supplémentation en vitamine A, seule ou en combinaison<br />

avec du fer, est susceptible de réduire le poids de<br />

<strong>l'anémie</strong> dans les régions où la carence en vitamine A<br />

constitue un problème de santé publique. Cette supplémentation<br />

a prouvé son efficacité à doses fortes, à un<br />

rythme occasionnel, hebdomadaire ou quotidien, et via<br />

l’alimentation en consommant des aliments fortifiés en<br />

vitamine A. Les effets sont plus clairs en l’absence de<br />

maladie infectieuse et dans les populations <strong>nutritionnelle</strong>ment<br />

déficientes.<br />

LES FAITS:<br />

• La carence en vitamine A est la principale cause de<br />

cécité pédiatrique et représente un déterminant nutritionnel<br />

majeur d’infection sévère et de mortalité chez<br />

les enfants des pays en voie de développement.<br />

• On estime que 125 à 130 millions d’enfants d’âge<br />

préscolaire sont déficients en vitamine A et que 20<br />

millions de femmes enceintes ont un statut en vitamine<br />

A limité ou déficient.<br />

• Les troubles de la carence en vitamine A incluent la<br />

xérophtalmie, une sévérité accrue des infections, une<br />

faible croissance, l’anémie et une augmentation de la<br />

mortalité.<br />

• La vitamine A affecte les niveaux d'hémoglobine car<br />

elle est impliquée dans le métabolisme du fer et la<br />

production des globules rouges.<br />

• La carence en vitamine A contribue à l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>,<br />

probablement en restreignant l'utilisation<br />

du fer pour la fabrication de l'hémoglobine.<br />

• La supplémentation en vitamine A peut réduire le risque<br />

d’anémie légère à modérée dans les populations<br />

déficientes en vitamine A et anémiques.<br />

• Les avantages hématopoïétiques de la vitamine A ont<br />

plus de chances d’être constatés lorsque <strong>l'anémie</strong> n'est<br />

pas due à des maladies infectieuses sévères telles que<br />

les infections à ankylostomes, le paludisme, le VIH et<br />

la tuberculose.<br />

11<br />

LA PLACE DU STRESS OXYDATIF ET DE LA<br />

VITAMINE E DANS L’ANEMIE<br />

Maret Traber et Afaf Kamal-Eldin<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

L'anémie peut être la conséquence d'un ensemble de déficiences<br />

<strong>nutritionnelle</strong>s, de troubles héréditaires et/ou<br />

d'infections ou d’expositions à certaines toxines et à des<br />

médicaments. L'anémie peut conduire à divers problèmes<br />

de santé, puisque l'oxygène requis par l’organisme<br />

est transporté par les globules rouges, et que le stress<br />

oxydatif, combinaison d’une surproduction d'espèces<br />

réactives de l'oxygène et d’un potentiel antioxydant<br />

altéré, peut être généré par le fer libéré des globules rouges<br />

endommagés. Le stress oxydatif est associé à l’anémie.<br />

De plus, l'érythrocyte constitue un site majeur de<br />

localisation des défenses antioxydantes dans le sang, car<br />

il contient les antioxydants intracellulaires enzymatiques.<br />

Les antioxydants de faibles poids moléculaires, en<br />

particulier les vitamines C et E, fournissent une protection<br />

supplémentaire significative.<br />

Qu'est-ce que le stress oxydatif<br />

Le stress oxydatif représente un déséquilibre entre, d’une<br />

part, la production de radicaux libres et d’espèces réactives<br />

de l'oxygène et, d’autre part, la protection par les<br />

enzymes antioxydantes et les antioxydants de faibles<br />

poids moléculaires. Un radical libre est une espèce chimique<br />

contenant un ou plusieurs électrons non-couplés,<br />

capables d'exister de manière indépendante. Une espèce<br />

possédant un électron non-couplé a tendance à réagir très<br />

rapidement avec d'autres molécules, et donc à causer<br />

des altérations radicalaires. Les radicaux libres peuvent<br />

endommager littéralement toutes les molécules y compris<br />

les protéines, l’ADN, les glucides et les lipides. La<br />

peroxydation des lipides est particulièrement dangereuse,<br />

car il s’agit d’une chaîne de réactions produisant<br />

des radicaux.<br />

Qu’est-ce que la vitamine E et<br />

comment fonctionne-t-elle<br />

Le terme de vitamine E fait référence au groupe de huit


11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie 29<br />

composés phytochimiques manifestant l'activité antioxydante<br />

de l’α-tocophérol, mais seul ce dernier permet de<br />

couvrir les besoins humains en cette vitamine. La vitamine<br />

E, notamment l’α-tocophérol aux propriétés liposolubles<br />

et anti-oxygènes, est un puissant désactivateur de<br />

radicaux peroxyl. Elle stoppe la peroxydation lipidique.<br />

Chez les êtres humains, la déficience en vitamine E se<br />

produit par suite d’une malabsorption des lipides, car<br />

l'absorption de la vitamine E est, non seulement, dépendante<br />

de l’apport en graisse de l’alimentation, mais<br />

également, des mécanismes d’absorption des lipides.<br />

Contrairement à d'autres vitamines liposolubles possédant<br />

des protéines de transport plasmatiques spécifiques,<br />

les diverses formes de vitamine E sont transportées dans<br />

le plasma de manière non spécifique par les lipoprotéines.<br />

Il y a plusieurs moyens par lesquels les tissus<br />

peuvent obtenir de la vitamine E; néanmoins, les mécanismes<br />

de libération de l’α-tocophérol des tissus sont<br />

inconnus. De plus, aucun organe n'est réputé fonctionner<br />

comme un organe de stockage pour l’α-tocophérol. Contrairement<br />

à d’autres vitamines liposolubles, la vitamine<br />

E ne s’accumule pas dans le foie à des niveaux toxiques,<br />

ce qui suggère que son excrétion et son métabolisme sont<br />

importants pour prévenir des effets délétères. La carence<br />

en vitamine E se produit du fait de caractères génétiques<br />

anormaux touchant à l’α-tocophérol (résultant en un<br />

syndrome nommé AVED ou Ataxie avec déficit isolé en<br />

vitamine E) et par suite de divers syndromes de malabsorption<br />

des graisses. Le principal symptôme de déficience<br />

est une neuropathie périphérique, mais <strong>l'anémie</strong><br />

représente également une conséquence de niveaux en<br />

vitamine E inadéquats. A la fois l’anémie et la neuropathie<br />

périphérique semblent se produire suite à des dégradations<br />

radicalaires du fait d’un manque d’α-tocophérol.<br />

Quel est le rôle de la vitamine E<br />

chez le sujet malnutri<br />

Le statut en vitamine E peut être mis à mal au cours de<br />

l’anémie par suite d’un stress oxydatif accru causé par<br />

l’hémolyse des érythrocytes. En dépit d’une gr<strong>and</strong>e<br />

diversité, le stress oxydatif constitue le dénominateur<br />

commun à tous les types d'anémie.<br />

Une protéine hépatique est nécessaire au maintien de<br />

concentrations plasmatiques normales en α-tocophérol,<br />

et ce n'est donc pas surprenant que des symptômes de<br />

déficience en cette vitamine aient été rapportés chez des<br />

enfants ayant des apports alimentaires sévèrement restreints,<br />

ce qui ne limite pas seulement les apports en vitamine<br />

E, mais également ceux en protéines nécessaires à<br />

la synthèse de la protéine hépatique nécessaire au métabolisme<br />

de la vitamine. Le degré auquel la carence en<br />

vitamine E est associée au kwashiorkor et/ou au marasme<br />

n'est pas clair, car l'évaluation du statut en vitamine E chez<br />

les enfants malnutris reste difficile, et il n'est donc pas<br />

certain qu’une supplémentation en cette vitamine soit salutaire,<br />

à moins que le problème métabolique soit résolu.<br />

Dans les cas d'anémie ferriprive, non seulement il y a une<br />

production réduite en hémoglobine et en d’autres protéines<br />

contenant du fer, mais les membranes de l'érythrocyte<br />

sont également plus sensibles à l’oxydation. Les<br />

recherches ont montré que la supplémentation en fer chez<br />

des individus déficients pouvait augmenter le stress oxydatif,<br />

mais le traitement avec une combinaison de fer et<br />

de vitamines A, C et E donnait de bons résultats en terme<br />

de normalisation de ce stress.<br />

Que peut-on dire de la vitamine E dans le cadre<br />

de la thalassémie et des maladies drépanocytaires<br />

Thalassémie et maladies drépanocytaires constituent des<br />

désordres héréditaires liés à l'hémoglobine et causant l’anémie.<br />

Environ 90 millions de personnes à travers le monde<br />

portent des gènes défectueux entraînant la thalassémie. Une<br />

anémie légère à sévère, associée aux conséquences d’une<br />

thalassémie, résulte d’un stress oxydatif, et certains recomm<strong>and</strong>ent<br />

la supplémentation en vitamines C et E des personnes<br />

possédant ce profil. Le stress oxydatif se manifeste<br />

également dans la drépanocytose, une maladie inflammatoire<br />

chronique, pour laquelle la supplémentation en vitamine<br />

E peut présenter un avantage.<br />

Que peut-on dire de la vitamine E<br />

dans le cadre du paludisme<br />

Le paludisme est endémique dans beaucoup de parties<br />

du monde et les recherches montrent que l’on trouve<br />

des taux élevés de biomarqueurs du stress oxydatif dans<br />

les érythrocytes infectés par le paludisme, et que ces taux<br />

diminuent lorsque l'individu se remet. Les conclusions de<br />

nombreuses études suggèrent que des défenses antioxydantes<br />

améliorées sont utiles pour augmenter les réponses<br />

immunitaires appropriées. Cependant, de façon<br />

intéressante, la recherche met également en évidence<br />

qu'un niveau de stress oxydatif peut être important pendant<br />

le traitement du paludisme, bien qu'il contribue<br />

négativement à la santé générale en induisant peut-être<br />

une anémie résultant de la destruction des globules rouges.<br />

Ainsi, l'individu peut bénéficier d’une supplémentation<br />

postérieure en vitamine E.<br />

La vitamine E a-t-elle un rôle à jouer<br />

dans le VIH et le sida<br />

L'anémie est courante dans les cas de VIH / sida et <strong>l'anémie</strong><br />

sévère est associée à un risque accru de mortalité.


30<br />

12 · Le sélénium<br />

Une récente revue d’essais cliniques suggère qu'il n’existe<br />

actuellement aucune stratégie thérapeutique utile<br />

pour diminuer l’anémie dans le cadre d’une infection au<br />

VIH et, en dépit de résultats positifs, il y a peu d'interventions<br />

avec des antioxydants suggérant que, depuis les<br />

premières données rapportées, leur succès reste limité.<br />

Néanmoins, il a été montré que la vitamine E pouvait<br />

améliorer la réponse immunitaire de l'hôte, et il est donc<br />

raisonnable d’envisager qu’une supplémentation en vitamines<br />

C et E pourrait se révéler bénéfique pour soutenir<br />

la fonction immunitaire au cours de différentes maladies<br />

infectieuses.<br />

Quel est le message clé<br />

De nombreux types d'anémie sont associés à un statut faible<br />

en vitamine E. T<strong>and</strong>is que la déficience peut être causée<br />

par de mauvais apports alimentaires, les anémies<br />

pourraient également résulter d’un transport altéré de la<br />

vitamine E vers les tissus ou d’une augmentation du<br />

stress oxydatif. Cela met en exergue le besoin crucial,<br />

non seulement de supplémentation en vitamine E, mais<br />

également de soutien alimentaire adéquat tenant compte<br />

de tous les nutriments.<br />

LES FAITS:<br />

• Le terme de vitamine E fait référence au groupe de<br />

huit composés phytochimiques venant de l'alimentation<br />

et manifestant l'activité antioxydante de l’α-tocophérol,<br />

mais seul l’α-tocophérol lui-même permet de<br />

couvrir les besoins humains en vitamine E.<br />

• Le Food <strong>and</strong> Nutrition Board des Etats-Unis a défini<br />

la limite inférieure de l’α-tocophérol plasmatique à<br />

12 µmol/L chez les adultes sains et normaux.<br />

• Il a été montré que les enfants ayant un taux d’α-tocophérol<br />

plasmatique de 8 µmol/L en raison d’une malnutrition<br />

présentaient des malformations neurologiques<br />

sensibles à la vitamine E.<br />

• Environ 90 millions de personnes à travers le monde<br />

portent des gènes défectueux conduisant à la thalassémie.<br />

• Le paludisme explique environ 2,7 millions de morts<br />

par an et il y a environ 500 millions d’épisodes rapportés<br />

chaque année.<br />

12<br />

LE SELENIUM<br />

Richard Semba<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

L'anémie est courante chez les sujets âgés et la prévalence<br />

de l’anémie augmente avec l’âge s’associant à de<br />

nombreux effets délétères. Environ un tiers des anémies<br />

se manifestant dans les populations à haut risque ne<br />

trouve pas d’explication, et la déficience en sélénium<br />

pourrait potentiellement en expliquer une partie. Le rapport<br />

entre le statut en sélénium et <strong>l'anémie</strong> n'est pas<br />

encore bien caractérisé chez les êtres humains. La déficience<br />

en sélénium devrait être considérée comme une<br />

cause possible d'anémie qui exige de plus amples investigations<br />

pour une confirmation.<br />

Le sélénium est un oligo-élément essentiel et un constituant<br />

normal de l'alimentation. L’apport alimentaire varie<br />

gr<strong>and</strong>ement à travers le monde car les niveaux de sélénium<br />

naturels dans les aliments reflètent les concentrations<br />

du sol. Les sources alimentaires les plus riches en<br />

sélénium sont les abats et les fruits de mer. Dans les tissus<br />

humains, il est principalement présent sous forme de<br />

deux acides aminés en contenant. Ses fonctions biochimiques<br />

sont liées à son rôle dans les sélénoprotéines, et<br />

plusieurs de celles-ci sont des enzymes antioxydantes.<br />

L'absorption du sélénium n'est pas régulée et seulement<br />

50−100 % du sélénium alimentaire est absorbé. En général,<br />

des apports insuffisants n'ont pas de répercussions<br />

cliniques évidentes, bien que des niveaux faibles aient été<br />

associés à une sensibilité accrue au stress oxydatif et à un<br />

plus haut risque de cancer et même de maladies coronariennes.<br />

Le besoin en sélénium pour la prévention des<br />

maladies chroniques n'a toutefois pas encore été définitivement<br />

déterminé.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

La recherche a montré que de faibles niveaux de sélénium<br />

sériques semblaient être indépendamment associés à l’anémie<br />

chez les sujets âgés (> 65 ans). De plus, une forte corrélation<br />

entre de faibles concentrations plasmatiques en sélénium<br />

et en hémoglobine a également été observée dans des<br />

études sur le même type de population. Néanmoins, la<br />

direction de l'association n'est pas claire, mais pourrait<br />

potentiellement être liée au rôle du sélénium dans le maintien<br />

d'une concentration optimale en glutathion peroxydase,<br />

un antioxydant clé des érythrocytes, ou à une inflammation<br />

et à un stress oxydatif augmentés.


13 · Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre et zinc 31<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Les observations d'une association entre des niveaux de<br />

sélénium faibles et l’anémie chez les sujets âgés, hommes<br />

et femmes, soulèvent une question de santé publique<br />

potentiellement importante: la carence en sélénium a-telle<br />

été négligée en tant que cause dans <strong>l'anémie</strong> Des<br />

recherches supplémentaires sont nécessaires, afin d’établir<br />

la pertinence du rôle potentiel du sélénium dans la<br />

pathogénèse de <strong>l'anémie</strong>.<br />

Quel est le message clé<br />

La recherche montre que le sélénium peut être associé à<br />

l’anémie, mais des travaux plus centrés dans ce domaine<br />

sont nécessaires afin d’établir la pertinence de ce lien.<br />

13<br />

INTERACTIONS ENTRE FER ET VITAMINE A,<br />

RIBOFLAVINE, CUIVRE ET ZINC<br />

DANS L'ETIOLOGIE DE L'ANEMIE<br />

Michael Zimmermann<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

On estime qu'environ la moitié des cas d'anémie est due à<br />

une déficience en fer et le reste à d’autres causes, comme<br />

d'autres carences <strong>nutritionnelle</strong>s, des troubles infectieux,<br />

des hémoglobinopathies et des différences ethniques des<br />

niveaux normaux d’Hb. La prévalence de <strong>l'anémie</strong> est<br />

particulièrement élevée dans les pays en développement<br />

où les déficiences en micronutriments coexistent souvent.<br />

Une déficience en un micronutriment peut influencer<br />

l'absorption, le métabolisme et/ou l’excrétion d’un<br />

autre micronutriment. Les interactions entre déficience<br />

en fer et en quatre autres micronutriments - vitamine A,<br />

riboflavine (vitamine B 2 ), cuivre et zinc – représentent<br />

un intérêt particulier dans <strong>l'anémie</strong>.<br />

Il y a de nombreuses années que le lien entre la déficience<br />

en vitamine A et <strong>l'anémie</strong> a été reconnu mais, bien<br />

qu'améliorer le statut en vitamine A augmente souvent le<br />

taux d'hémoglobine et réduise l’anémie, le mécanisme<br />

exact reste incertain. Bien que les données d'études cliniques<br />

chez l’homme soient équivoques, la déficience en<br />

riboflavine peut également altérer l’érythropoïèse et contribuer<br />

à l’anémie. De plus, il est également connu que la<br />

déficience en cuivre joue négativement sur l’absorption<br />

du fer alimentaire, mais puisque les carences en cuivre<br />

sont rares dans la population générale, cette interaction<br />

ne constitue pas une priorité de santé publique. Enfin,<br />

bien que les données ne mettent pas en évidence le rôle<br />

de la déficience en zinc dans <strong>l'anémie</strong>, les carences en fer<br />

et en zinc coexistent souvent et les suppléments contenant<br />

ces deux minéraux pourraient donc être intéressants<br />

pour les populations vulnérables. On note cependant que<br />

plusieurs études ont suggéré que la supplémentation en<br />

zinc pourrait réduire l'efficacité du fer.<br />

Que savons-nous du lien entre déficience<br />

en fer et en vitamine A<br />

La déficience en vitamine A affecte plus de 30 % de la<br />

population globale et les groupes les plus vulnérables<br />

sont les femmes en âge de procréer, les nouveau-nés et<br />

les enfants, également les plus vulnérables à l’anémie. En<br />

général, les enquêtes dans les pays en développement ont<br />

rapporté des corrélations positives entre concentrations<br />

en rétinol sérique et en hémoglobine, avec des associations<br />

plus fortes dans les populations ayant un statut plus<br />

faible en vitamine A. Cependant, les données des études<br />

humaines s’intéressant à l'influence de la vitamine A sur<br />

l’absorption sont ambiguës, et indiquent que des recherches<br />

complémentaires sont nécessaires afin de clarifier<br />

l'effet réel de cette vitamine sur l’absorption du fer. De<br />

plus, le mécanisme par lequel la vitamine A exerce son<br />

effet sur l’érythropoïèse reste vague, bien que plusieurs<br />

mécanismes aient été proposés. Des études d'intervention<br />

suggèrent que, dans les régions où les apports en vitamine<br />

A et en fer sont faibles, une double fortification ou<br />

supplémentation serait plus efficace pour contrôler l’anémie<br />

qu’un apport en vitamine A ou en fer seul.<br />

Que savons-nous du lien entre déficience<br />

en fer et en riboflavine<br />

La riboflavine est exigée dans beaucoup de voies métaboliques.<br />

La déficience en riboflavine est courante dans<br />

les régions où les apports en produits laitiers et en vi<strong>and</strong>e<br />

sont faibles, et où les enfants d’âge scolaire constituent<br />

un groupe à haut risque de carence. Il semble que la<br />

carence en cette vitamine B puisse, en plus de ses autres<br />

symptômes, altérer l’érythropoïèse et contribuer à l’anémie<br />

des suites de plusieurs mécanismes ayant été proposés.<br />

Même si ces mécanismes ont été étudiés chez l’animal,<br />

il y a peu de données humaines. Les données des<br />

études qui ont été menées suggèrent que l'effet du<br />

statut en riboflavine sur l'hémoglobine est variable et<br />

peut être contredit par l'étiologie multifactorielle de <strong>l'anémie</strong>.<br />

A noter que les données de nombreux travaux,<br />

contrairement aux études pionnières, ne soutiennent pas<br />

l’idée d’un effet nuisible de la déficience en riboflavine<br />

sur l’anémie.


32<br />

14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère<br />

Que savons-nous du lien entre déficience<br />

en fer et en cuivre<br />

La déficience en cuivre est une cause rare d'anémie et le<br />

moyen par lequel cette déficience provoque un état anémique<br />

est incertain. Il est cependant admis que <strong>l'anémie</strong><br />

en résultant est sensible à une supplémentation alimentaire<br />

en cuivre, mais pas en fer. Il est constaté que, bien<br />

que la déficience en cuivre réduise l’absorption du fer<br />

alimentaire et conduise à une anémie ferriprive, elle reste<br />

rare dans la population générale et il est donc peu probable<br />

qu’elle soit d'importance pour la santé publique.<br />

Que savons-nous du lien entre déficience<br />

en fer et en zinc<br />

L'anémie ferriprive résulte fréquemment d’une faible<br />

absorption du fer alimentaire due à des apports en vi<strong>and</strong>e<br />

faibles et à des apports élevés en inhibiteurs (p.ex. phytates,<br />

polyphénols). De façon intéressante, ces mêmes<br />

facteurs alimentaires diminuent la biodisponibilité du<br />

zinc. Même si les données ne permettent pas d’affirmer<br />

que la déficience en zinc joue un rôle dans <strong>l'anémie</strong>, les<br />

déficiences en fer et en zinc coexistent souvent et les<br />

suppléments contenant ces deux minéraux pourraient<br />

être intéressants pour les groupes de population vulnérables.<br />

Cependant, il est à noter que plusieurs études ont<br />

suggéré qu’une supplémentation concomitante en zinc<br />

pouvait réduire l'efficacité du fer, et quelques études indiquent<br />

que, lorsque les suppléments de zinc sont donnés<br />

avec les suppléments de fer, le statut en fer ne s'améliore<br />

pas autant que lorsque le fer est donné seul. Des recherches<br />

complémentaires sont donc absolument nécessaires<br />

pour clarifier l'effet du zinc adjoint à une supplémentation<br />

en fer.<br />

Quel est le message clé<br />

La prévalence de <strong>l'anémie</strong> est particulièrement élevée<br />

dans les pays en développement où coexistent souvent<br />

plusieurs carences en micronutriments, et une déficience<br />

en un micronutriment peut influencer le statut d'un autre.<br />

Bien que de plus amples investigations soient exigées, la<br />

vitamine A, la riboflavine, le cuivre et le zinc peuvent<br />

être importants, parallèlement au fer, lors de la lutte contre<br />

l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />

14<br />

L’ANEMIE EN SITUATION DE DENUTRITION<br />

SEVERE (MALNUTRITION)<br />

Alan Jackson<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

L'anémie se trouve habituellement être une particularité<br />

associée à beaucoup de situations pathologiques. Dans la<br />

plupart des cas, la malnutrition sévère s’accompagne<br />

d’une anémie qui constitue une part inhérente au processus<br />

d'adaptation réductive associé à la perte de poids, à la<br />

réduction de la masse maigre et à la présence d'oedème.<br />

Cependant, la cause spécifique de <strong>l'anémie</strong> est également<br />

rendue complexe par les déficiences associées en micronutriments<br />

spécifiques, la destruction accrue des globules<br />

rouges et la suppression progressive de la formation<br />

de nouvelles cellules sanguines, résultant de la réponse<br />

inflammatoire aux infections multiples. Ainsi, <strong>l'anémie</strong><br />

associée à une dénutrition sévère, ou à une malnutrition<br />

avec oedème pendant l’enfance ou à l'âge adulte, n'est<br />

pas spécifique, mais s’accompagne habituellement d’une<br />

incapacité à utiliser efficacement le fer, et donc à augmenter<br />

la quantité de fer présent sous forme de réserve ou<br />

sous forme libre dans l’organisme. Une thérapie impliquant<br />

du fer à ce stade augmente la mortalité. Etant<br />

donné la complexité des interactions possibles dans les<br />

conditions établies, il peut s’avérer très difficile de déterminer<br />

l’enchaînement par lequel un facteur a pu servir de<br />

déclencheur, puis a interagi avec d'autres facteurs, qui par<br />

la suite ont contribué à l’anémie et y ont joué un rôle<br />

secondaire.<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor marastique,<br />

carence protéique, déficiences énergétique et protéino-énergétique,<br />

ont tous été utilisés à différents<br />

moments pour décrire ce qui est maintenant qualifié de<br />

dénutrition sévère ou sans oedème. Il y a un consensus<br />

émergent sur le fait qu’il existe deux caractéristiques<br />

clés permettant de définir l'essence des processus sousjacents<br />

menant à un état malnutri, sans qu’elles soient<br />

nécessairement spécifiques aux aspects détaillés des<br />

multiples causes complexes également sous-jacentes:<br />

1. Un apport alimentaire inadéquat dû, soit à un manque<br />

d’appétit, soit à une disponibilité limitée en nourriture,<br />

conduit à un syndrome d’émaciation avec une<br />

perte de poids relative et associée à un ensemble de<br />

changements adaptatifs complexes au niveau des différents<br />

tissus et organes.


14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère 33<br />

2. La présence d'une pathologie spécifique sous-jacente,<br />

tel qu'une infection ou une alimentation de faible qualité,<br />

ensemble et séparément, peut prédisposer à un<br />

apport alimentaire réduit et pose, de plus, des problèmes<br />

d’intégrité métabolique qui favorisent la formation<br />

d'oedème.<br />

Il existe quatre processus clés qui contribuent ensemble<br />

et séparément à l’anémie:<br />

1. L’adaptation réductive<br />

L'anémie traduit un aspect de l'adaptation de l’organisme<br />

à une réduction des apports alimentaires et à<br />

une diminution de l’activité métabolique. Elle devrait<br />

être différenciée de <strong>l'anémie</strong> associée à des troubles<br />

chroniques. L’érythropoïèse, à un stade précoce, peut<br />

être normale ou aggravée par un taux d’hémoglobine<br />

inférieur résultant d'une réduction de la durée de vie<br />

des globules rouges. Dans les stades plus tardifs, plus<br />

avancés, lorsque le métabolisme des tissus chute,<br />

l'érythropoïèse n’est plus stimulée et la masse cellulaire<br />

hématique décroît.<br />

2. Les déficiences en nutriments spécifiques<br />

La multiplication et la différenciation des précurseurs<br />

d’hématies avec la formation d'érythrocytes matures<br />

qui apparaissent finalement dans la circulation est un<br />

processus complexe qui nécessite le plein approvisionnement<br />

en nutriments et en intermédiaires métaboliques.<br />

Un manque en un seul de ces éléments<br />

nutritifs limitera la formation de globules rouges, leur<br />

intégrité structurelle et leur capacité fonctionnelle. En<br />

sus des besoins des autres cellules, les globules rouges<br />

ont un besoin spécifique en ces nutriments qui<br />

sont directement impliqués dans la formation d'hémoglobine.<br />

3. L’infection<br />

Il y a une interaction complexe entre infection et<br />

nutrition insuffisante qui se prédisposent l’une et<br />

l’autre et s’aggravent mutuellement. Dans la malnutrition<br />

sévère, les effets de l'infection sur l’anémie<br />

peuvent être directement mis en rapport avec une<br />

infection spécifique ou indirectement avec une<br />

réponse inflammatoire ou immunitaire plus générale.<br />

Ces éléments, ensemble et séparément, limiteront la<br />

disponibilité des nutriments pour la formation des<br />

globules rouges et augmenteront la probabilité d'anémie.<br />

4. L’hémolyse, dommage pro-oxydant<br />

L'environnement hostile auquel l’hématie est exposée<br />

reflète ce à quoi doivent faire face toutes les autres<br />

cellules de l’organisme. La sensibilité exacerbée de<br />

l’hématie aux dommages pro-oxydants la prédispose<br />

à une durée de vie raccourcie qui augmente l’importance<br />

de la conservation du fer sous une forme inoffensive.<br />

Une augmentation du fer de réserve et/ou du<br />

fer intracellulaire libre peut provoquer un stress prooxydant<br />

et induire une pathologie cellulaire. Une augmentation<br />

de la perte en globules rouges, en réponse<br />

à toute limitation de la production de ces cellules,<br />

conduit inévitablement à une réduction de la masse<br />

des hématies et à une augmentation du fer de réserve.<br />

L’anémie, en tant que réduction de la masse de globules<br />

rouges circulants, peut résulter d'un changement d’équilibre<br />

entre les taux de synthèse et de destruction des globules<br />

rouges, en supposant qu’il n’y ait aucune perte<br />

externe de sang. La réduction de la synthèse des globules<br />

rouges peut faire partie de la réponse adaptative générale,<br />

ou bien venir d’une contrainte concernant la disponibilité<br />

énergétique ou un nutriment spécifique. Les modifications<br />

du taux de destruction résulteraient quant à elles de<br />

la production de cellules de faible qualité, plus vulnérables,<br />

et donc plus susceptibles d'avoir une durée de vie<br />

raccourcie en raison d’un environnement hostile engendré<br />

par des perturbations infectieuses, <strong>nutritionnelle</strong>s ou<br />

métaboliques.<br />

Dans le cas de la synthèse des globules rouges, il peut y<br />

avoir de sévères changements au niveau de la moelle<br />

osseuse, mais ceux-ci semblent être potentiellement<br />

réversibles en totalité à l’aide d’un traitement réussi et<br />

d’un bon rétablissement. Cependant, même après une<br />

récupération pondérale, il semble qu’il y ait besoin d’un<br />

temps supplémentaire pour arriver à une restauration<br />

complète de la formation des globules rouges, ce qui<br />

entraîne une contrainte progressive sur l’érythropoïèse.<br />

Pendant le stade aigu de la maladie, il y a une accélération<br />

progressive de la formation de globules rouges, mais<br />

associée à une contrainte concernant l'utilisation efficace<br />

du fer disponible. La présence notable de dépôts de fer<br />

dans le système réticulo-endothélial, notamment au<br />

niveau de la moelle, du foie et de la rate, constitue une<br />

caractéristique importante de cette étape qui doit être<br />

mise en exergue. Ces dépôts peuvent être visibles via<br />

l’hémosidérine, ou en utilisant des techniques appropriées<br />

permettant d’identifier le fer libre. Cela rend problématique<br />

l'identification et la caractérisation de la<br />

"déficience en fer" et entraîne d’importantes implications<br />

pour son traitement.<br />

Quel est le traitement requis<br />

La probabilité qu'un individu meurt d'une période de<br />

dénutrition sévère ou survive avec une chance raisonnable<br />

de rétablissement dépend, non seulement, de ce qui<br />

est fait en termes de soins immédiats, mais aussi beau-


34<br />

15 · Infection et étiologie de <strong>l'anémie</strong><br />

coup, de l'ordre dans lequel les différentes interventions<br />

sont menées. L'identification et la classification des stades<br />

de malnutrition sévère se basent sur deux caractéristiques:<br />

la perte de poids relatif et la présence d'oedème.<br />

Les approches de traitement inappropriées sont celles<br />

qui se concentrent sur la guérison de l'oedème via l’usage<br />

de diurétiques, la correction de l’émaciation via l’approvisionnement<br />

en nourriture, ou le traitement des caractéristiques<br />

biochimiques anormales du sang par l’apport<br />

direct de nutriments spécifiques. Il est maintenant admis<br />

que chacune de ces approches contribue au risque d’une<br />

augmentation de la mortalité, à moins qu’une attention<br />

spécifique ne soit prêtée à la correction des dommages<br />

cellulaires associés aux carences et aux déséquilibres<br />

complexes en nutriments. Bien que <strong>l'anémie</strong> puisse être<br />

liée à la déficience en fer et qu’elle possède beaucoup des<br />

spécificités visibles de cette carence, le problème qui se<br />

pose à court terme relève plus d’une incapacité à utiliser<br />

efficacement le fer de l’organisme, que d’un déficit<br />

immédiat. Une thérapie avec du fer à ce stade augmente<br />

la mortalité. Avec un traitement approprié, lorsque les<br />

infections sont contrôlées et que les déficiences en nutriments<br />

spécifiques sont corrigées, les compétences cellulaires<br />

réapparaissent. La masse maigre peut être progressivement<br />

restaurée et la masse de globules rouges accrue,<br />

t<strong>and</strong>is que le fer entrera dans la composition de l’hémosidérine<br />

et de la ferritine. À certains stades du processus de<br />

rétablissement, le fer de réserve est susceptible d'être<br />

insuffisant pour satisfaire la dem<strong>and</strong>e, dans ce cas une<br />

situation plus classique de déficience en fer apparaît et la<br />

supplémentation en fer devient nécessaire et appropriée.<br />

Quel est le message clé<br />

Les preuves accumulées montrent que <strong>l'anémie</strong> liée à la<br />

malnutrition sévère représente, d’une part, une conséquence<br />

de multiples facteurs et, d’autre part, une interaction<br />

entre l’adaptation à un apport alimentaire inadéquat<br />

et l'impact d'autres stress associés à l’infection ou à un<br />

déséquilibre alimentaire. Les contraintes concernant l'utilisation<br />

efficace du fer entraînent une augmentation du<br />

fer inutilisé, en dépit d'une absence d’augmentation du<br />

poids total de fer dans l’organisme. Dans cette situation,<br />

la supplémentation en fer est dangereuse. Afin d’éviter de<br />

causer plus de mal que de bien, il est donc essentiel de<br />

comprendre le contexte général de <strong>l'anémie</strong> liée à la malnutrition<br />

sévère et de s’assurer de l’usage d'interventions<br />

appropriées aux moments opportuns.<br />

LES FAITS:<br />

• Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor<br />

marastique, carence protéique, déficiences énergétique<br />

et protéino-énergétique, ont tous été utilisés à différents<br />

moments pour décrire ce qui est maintenant<br />

qualifié de dénutrition sévère ou sans oedème.<br />

• Les nouveau-nés et les enfants qui souffrent de<br />

malnutrition sévère ont fréquemment des taux d’hémoglobine<br />

ou d’hématocrites modérément réduits,<br />

respectivement 80 à 100 g/L et 30 % à 35 %.<br />

• En moyenne, la durée de vie normale d'un globule<br />

rouge est de 120 jours, mais elle peut être beaucoup<br />

plus courte chez les enfants malnutris.<br />

• En dépit d'un faible taux d’hémoglobine, il y a une<br />

augmentation à la fois du fer stocké et du fer cellulaire<br />

libre, et la supplémentation en fer augmente la<br />

mortalité.<br />

15<br />

INFECTION ET ETIOLOGIE DE L'ANEMIE<br />

David Thurnham et Christine Northrop-Clewes<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Anémie et maladies sont très fréquentes dans les pays en<br />

développement. On sait que la réponse inflammatoire à la<br />

maladie stimule une série de modifications dans le métabolisme<br />

du fer qui conduisent à l’anémie si l'inflammation<br />

se prolonge. On note néanmoins qu’un statut insuffisant<br />

en fer résultant d’une inflammation ne représente<br />

pas une véritable déficience en fer, mais plutôt une redistribution<br />

du fer qui peut prédominer en dépit de réserves<br />

normales.<br />

Les nouveau-nés sont précisément exposés à l’infection<br />

et à l’inflammation, et il s’avère alors nécessaire de développer<br />

leur système immunitaire. Cependant, des expositions<br />

trop fréquentes augmenteront le risque d'anémie.<br />

Les infections parasitaires contribuent également à l’inflammation<br />

et à l’anémie. Ainsi, dans les pays en développement<br />

où il y a de fortes prévalences de diarrhées, de<br />

vomissements, de fièvre, de paludisme et d’infections par<br />

des helminthes, <strong>l'anémie</strong> est courante. Les tentatives de<br />

réduction de la prévalence d'anémie ont été progressives<br />

pendant plus de deux décennies, mais la situation est<br />

encore courante. L’une des raisons de cet échec apparent<br />

pourrait venir de l’hypothèse selon laquelle la "déficience<br />

en fer" serait la seule cause d’anémie. Or, aujourd’hui,<br />

il est largement admis que l’anémie constitue une<br />

conséquence à la fois de l'inflammation et d’un apport en<br />

fer alimentaire biodisponible insuffisant.


15 · Infection et étiologie de <strong>l'anémie</strong> 35<br />

Qu'a-t-il été accompli<br />

Il y a maintenant une meilleure reconnaissance du fait<br />

que les infections sont responsables d’une gr<strong>and</strong>e partie<br />

des anémies dans les pays en développement, par conséquent,<br />

il est accepté que l’infection et la réponse inflammatoire<br />

peuvent également jouer un rôle initiateur important.<br />

L’exposition fréquente à des maladies endémiques<br />

encourage une réponse inflammatoire ainsi qu’un statut<br />

en fer insuffisant, et augmente le risque d'anémie en altérant<br />

la synthèse d’érythrocytes et/ou en raccourcissant la<br />

durée de vie des globules rouges. Le fait que cela s’accompagne<br />

d’une déficience en fer métabolique dépendra<br />

de la capacité de l’individu à conserver des réserves en<br />

fer via l’absorption, les pertes et la biodisponibilité du fer<br />

alimentaire, afin de maintenir un taux d'hémoglobine<br />

normal. Il doit également être gardé en mémoire que la<br />

maladie réduit l'appétit – plus fréquemment un individu<br />

est malade, plus il est susceptible d’être malnutri.<br />

Quel est le rapport entre infection et anémie<br />

Les nouveau-nés sont rarement anémiques à la naissance.<br />

Les conditions d’hypoxie relative in utero conduisent à<br />

de fortes concentrations en hémoglobine à la naissance,<br />

mais lorsque l'oxygénation du sang de l’enfant s’améliore,<br />

l'érythropoïèse cesse et les concentrations en hémoglobine<br />

chutent au cours des deux premiers mois de la<br />

vie. A l'âge de 4 à 6 mois, les réserves en fer sont limitées<br />

ou épuisées, et l’apport et la biodisponibilité du fer alimentaire<br />

deviennent critiques. Jusqu'à 4 mois, le lait<br />

maternel est la principale source de fer alimentaire et de<br />

facteurs immunitaires protecteurs pour la croissance des<br />

enfants, mais lorsque la consommation d’aliments de<br />

complément augmente, l’exposition aux pathogènes de<br />

l'environnement augmente également, de même que la<br />

fréquence de lutte contre les maladies. De tels jeunes<br />

enfants sont dépendants de bonnes sources de fer alimentaire<br />

pour maintenir leur statut hématologique, puisque<br />

l'absorption du fer sera minime pendant les périodes d’anorexie<br />

et bloquée par la fièvre et l’inflammation. Bien<br />

que la fréquence des épisodes infectieux décline avec le<br />

développement de l'immunité humorale et l’augmentation<br />

des apports alimentaires chez les enfants plus âgés,<br />

ceux-ci sont moins influencés par les maladies infectieuses,<br />

mais le maintien des réserves en fer peut être mis en<br />

danger par les pertes. Le fer de l’organisme est précieusement<br />

conservé, mais le risque de schistosomiase ou<br />

d’ankylostomiase augmente avec l’âge, et les parasites à<br />

l’origine de ces pathologies peuvent causer des saignements<br />

chroniques et des pertes en fer. Ainsi, les maladies<br />

infectieuses, les parasites intestinaux et une alimentation<br />

pauvre se cumulent et privent les enfants de fer dès leur<br />

petite enfance. Les recherches montrent que même une<br />

anémie légère altère les capacités cognitives, augmente<br />

le risque de naissance prématurée et réduit la productivité.<br />

Il apparaît donc clairement qu'il est possible que<br />

l’inflammation puisse être un facteur étiologique clé responsable<br />

de l'initiation et de la présence continue de <strong>l'anémie</strong><br />

dans les pays en développement.<br />

L’élévation du taux de protéines de phase aiguë (PPA)<br />

sert de marqueur de l’inflammation subclinique. Trois de<br />

ces protéines sont particulièrement utiles. La protéine c-<br />

réactive (PCR) et l’antichymotrypsine-α1 (ACT) sont les<br />

marqueurs les plus précis de l’inflammation; ils augmentent<br />

au cours des six premières heures de l’infection,<br />

atteignent leurs concentrations maximales en 24-48 heures<br />

et chutent habituellement lorsque les signes cliniques<br />

commencent à apparaître. Les concentrations en glycoprotéine-acide-α1<br />

(GPA, également connue sous le nom<br />

d’orosomucoïde) sont beaucoup plus lentes à augmenter<br />

et n’atteignent leur concentration maximale qu’au bout<br />

de 2 à 5 jours après l’infection et constituent donc plus un<br />

marqueur chronique de l’inflammation. Là où ces protéines<br />

sont augmentées, elles indiquent que le métabolisme<br />

du fer est altéré et que ces modifications causées par l’inflammation<br />

peuvent contribuer à la prévalence d'anémie<br />

dans la population. En utilisant ces protéines, il est possible<br />

d'identifier au sein d’une population apparemment<br />

saine les personnes pouvant incuber une maladie, celles<br />

s'étant récemment remis d'une maladie ou celles en convalescence<br />

plus tardive.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

• Infection et inflammation jouent un rôle important<br />

dans l'étiologie de <strong>l'anémie</strong>, et il est recomm<strong>and</strong>é que<br />

les protéines de la phase aiguë PCR et GPA soient<br />

contrôlées avant et après supplémentation et mesurées<br />

parallèlement à la ferritine.<br />

• La recherche a montré que dans la plupart des cas, les<br />

suppléments de fer donnent de petits avantages et<br />

augmentent même la prévalence d'infections. Ceci<br />

peut maintenant être expliqué grâce à notre connaissance<br />

de l'inflammation. Si l’anémie chez les personnes<br />

apparemment en bonne santé est principalement<br />

due à une inflammation subclinique, cela explique<br />

pourquoi la supplémentation en fer est si peu efficace<br />

pour faire baisser la prévalence d'anémie, étant donné<br />

que le fer ne guérit pas les infections. De plus, le fer<br />

alimentaire supplémentaire, donné à des enfants<br />

exposés à des infections fréquentes, peut perturber<br />

l’équilibre délicat entre les cytokines pro- et antiinflammatoires.<br />

• La recherche montre que les suppléments de vitamine<br />

A réduisent un peu l'inflammation et permettent la


36<br />

16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />

mobilisation du fer pour restaurer l’hématopoïèse; la<br />

supplémentation en vitamine A devrait donc précéder<br />

la supplémentation en fer.<br />

• La recherche doit déterminer si les vers, tels que l’Ascaris,<br />

contribuent à l’anémie via l’inflammation et il<br />

est également nécessaire de déterminer si l’hepcidine<br />

récemment découverte, qui augmente avec l’inflammation<br />

et bloque l’absorption et la mobilisation du<br />

fer, est produite localement dans l’intestin.<br />

Quel est le message clé<br />

L’infection et l'inflammation jouent un rôle important<br />

dans l’étiologie de <strong>l'anémie</strong> et ne doivent être<br />

négligées dans aucune intervention. Les suppléments de<br />

fer doivent être donnés avec prudence, mais le risque<br />

de conséquences délétères peut être modifié par le statut<br />

en vitamine A. Il semblerait donc prudent que les interventions<br />

basées sur le fer soient précédées par des<br />

supplémentations en vitamine A, avec ou sans traitement<br />

anti-helminthe, selon les conditions locales. La voie de<br />

l'infection et de l’inflammation est relativement nouvelle<br />

et son effet sur l’anémie nécessite plus de recherches.<br />

LES FAITS:<br />

• On estime que 2 milliards de personnes à travers le<br />

monde sont anémiques.<br />

• Dans les pays en développement, 40−50 % des<br />

enfants de moins de 14 ans et des femmes en âge de<br />

procréer souffrent d’anémie.<br />

• Les enfants âgés de 5 à 14 ans et les femmes enceintes<br />

présentent le plus haut risque d'anémie avec une<br />

prévalence respectivement estimée à 48 et 52 %.<br />

• Globalement, on estime que 200 millions de personnes<br />

sont infectées par la schistosomiase et que 600<br />

millions d’autres vivent dans des régions endémiques.<br />

• On estime que 1,3 milliard de personnes sont globalement<br />

affectées par des ankylostomes.<br />

• On estime que 900 millions de personnes dans le<br />

monde sont infectées par la trichocéphalose.<br />

• Approximativement 1500 millions de personnes sont<br />

globalement infectées par l’Ascaris.<br />

16<br />

MONTER DES PROGRAMMES POUR<br />

PREVENIR PLUS EFFICACEMENT L’ANEMIE<br />

Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner<br />

et Richard Semba<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Le Sommet Mondial pour les Enfants de 1990 a fixé des<br />

objectifs pour l’élimination des déficiences en micronutriments,<br />

notamment à cause de leur forte prévalence et<br />

de leurs conséquences sévères dans les pays en développement<br />

dont certains commencent à émerger. Un progrès<br />

substantiel a été réalisé dans le combat contre la carence<br />

en vitamine A (CVA) et des progrès similaires, voire<br />

supérieurs, ont été réalisés pour combattre les troubles<br />

liés à la déficience en iode (TDI). Cependant, la connaissance<br />

de l’impact de l’anémie ferriprive sur le développement<br />

mental est relativement récent; ainsi, combattre<br />

cette anémie auprès des jeunes enfants ne représentait<br />

pas un but majeur lors du sommet mondial, et les progrès<br />

dans son élimination ont donc pris du retard.<br />

Pourquoi le contrôle de <strong>l'anémie</strong><br />

ferriprive a-t-il pris du retard<br />

Il y a eu plusieurs raisons suggérées pour expliquer que le<br />

contrôle de la carence en fer et de <strong>l'anémie</strong> n’ait pas été<br />

appliqué à gr<strong>and</strong>e échelle. Ces raisons incluent: la focalisation<br />

sur ce qui devrait être exigé pour appliquer l'approche<br />

privilégiée de façon à augmenter l’observance et<br />

la couverture de l’intervention; l’évaluation de suppléments<br />

alternatifs et de fréquences d’administration des<br />

doses améliorant l’observance et donc l’impact; et l’évaluation<br />

de ce qui devrait être communiqué à ceux qui<br />

somment d’accélérer le contrôle de l’anémie ferriprive.<br />

Cependant, il semblerait que le coeur du problème soit<br />

qu'il existe, au niveau global comme au niveau des pays,<br />

un manque de moyen pour s’assurer que des mesures<br />

efficaces sont appliquées. La situation peut, par conséquent,<br />

être en gr<strong>and</strong>e partie due au fait que des composants<br />

opérationnels du contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive<br />

sont bien moins développés en comparaison de la recherche<br />

et développement (R&D), et que ces deux aspects ne<br />

sont pas suffisamment reliés par la communication. La<br />

communication comprend le fait de générer un soutien<br />

politique, ainsi que de financer et de motiver l’acceptation<br />

de meilleures pratiques <strong>nutritionnelle</strong>s auprès des<br />

familles et des communautés, au travers de programmes<br />

d’éducation et de promotion de la santé. Un programme<br />

équilibré avec des composantes interconnectées est


16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie 37<br />

nécessaire pour assurer une réduction efficace de <strong>l'anémie</strong><br />

ferriprive.<br />

Pourquoi la communication concernant le contrôle<br />

de l’anémie ferriprive est-elle difficile<br />

Dans le cas du contrôle de la CVA et des TDI, l'approche<br />

utilisée est celle dite de "la balle orientée", dans laquelle on<br />

accentue simplement l’usage respectivement de capsules<br />

de vitamine A et de sel iodé. Dans le cas de <strong>l'anémie</strong> ferriprive,<br />

en revanche, le concept de l’intervention et la stratégie<br />

de mise en oeuvre ne sont pas les mêmes pour chaque<br />

situation et nécessitent d'impliquer plusieurs secteurs.<br />

Quels sont les problèmes concernant l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

et quelles sont les solutions envisageables<br />

Anémie versus déficience en fer<br />

Problème: <strong>l'anémie</strong> n’est pas seulement due à une déficience<br />

en fer et la déficience en fer ne mène pas toujours<br />

à l’anémie.<br />

Contexte: En raison de ce problème, il y a eu un débat<br />

progressif au sujet de ce que devrait être le but de l'intervention<br />

- seulement réduire la déficience en fer et l’anémie<br />

ferriprive ou réduire également l’anémie due à d'autres<br />

causes, telles que le paludisme, les infestations par<br />

les helminthes, les déficiences en d'autres micronutriments<br />

etc. Parce qu'une approche efficace exige une connaissance<br />

des causes fondamentales de <strong>l'anémie</strong>, rassembler<br />

les données sur ces causes est prioritaire et, la<br />

plupart du temps, aucune action n'est menée jusqu'à ce<br />

que celles-ci soient claires.<br />

Solution: Se concentrer sur les faits suivants devrait faciliter<br />

la prise de décisions concernant les programmes à<br />

appliquer:<br />

• Plus de 2 milliards de personnes sont anémiques et les<br />

estimations du nombre de personnes affectées par la<br />

déficience en fer sont encore plus élevées. Par conséquent,<br />

il est improbable qu’une population puisse être<br />

affectée par une anémie qui ne serait pas due dans une<br />

certaine mesure à une déficience en fer, ni que la déficience<br />

en fer soit la seule cause à sous-tendre <strong>l'anémie</strong>.<br />

• Les besoins en fer pendant l’enfance et la grossesse<br />

sont si élevés qu’il est pratiquement impossible de les<br />

couvrir via l'alimentation seule. Ces besoins peuvent<br />

être couverts uniquement par l'alimentation lorsque<br />

celle-ci contient une quantité significative d’aliments<br />

fortifiés et de fer héminique provenant d’aliments<br />

d’origine animale. Ainsi, la déficience en fer chez les<br />

personnes de ces tranches d'âge est pratiquement<br />

obligatoire et la question n'est pas de savoir si une<br />

intervention avec du fer, un mélange de multi-micronutriments<br />

et/ou un contrôle de l'infection aura un<br />

impact sur la déficience en fer et l’anémie, mais plutôt<br />

d’identifier quelle stratégie sera la plus efficace.<br />

Au lieu de déterminer l'ampleur précise à laquelle<br />

chaque facteur joue un rôle, l’attention devrait se concentrer<br />

sur l’identification des causes connues pour<br />

être les plus importantes, tout en surveillant l'impact<br />

de ces mesures sur la déficience en fer et l’anémie<br />

dans la population, afin d’ajuster et de bien calibrer le<br />

programme. Le raisonnement justifiant cela: ne rien<br />

faire nuit plus que ne pas traiter tous les cas, uniquement<br />

parce que certaines causes ne sont pas encore<br />

identifiées.<br />

Nutrition, santé, développement ou<br />

conséquences économiques<br />

Problème: Depuis longtemps, la supplémentation en fer<br />

a été promue en tant que moyen pour prévenir et traiter l’anémie,<br />

un terme très médical qui n’évoquait pas gr<strong>and</strong><br />

chose à l’esprit des décideurs politiques et des gouvernements<br />

soucieux de stimuler la croissance économique etc.<br />

Contexte: L'anémie a été décrite comme un état dans<br />

lequel l'oxygène est transporté en quantité insuffisante à<br />

travers l’organisme et les personnes souffrant d'anémie<br />

comme étant plus facilement fatiguées (léthargiques),<br />

ayant une productivité au travail plus faible et de moins<br />

bons résultats scolaires, t<strong>and</strong>is que <strong>l'anémie</strong> sévère augmentait<br />

le risque de mortalité maternelle. Cette description<br />

s’appuyait principalement sur la compréhension des<br />

nutritionnistes et des professionnels du corps médical.<br />

Cependant, les conséquences sur les capacités mentales<br />

actuelles et futures des enfants, sur le développement<br />

d'une nation, ainsi que les conséquences économiques<br />

n'étaient pas suffisamment mises en avant auprès des différents<br />

secteurs concernés, tels que celui du bien-être<br />

économique de l'enfant, de l'éducation etc.<br />

Solution: Le fait que les dégâts causés par la déficience<br />

en fer sur les capacités mentales d'un jeune enfant sont<br />

irréversibles pour le restant de sa vie, et que le PIB chute<br />

lorsque la déficience en fer et l’anémie ne sont pas traitées,<br />

devrait constituer les messages clés pour mobiliser<br />

l'action sur la lutte contre la déficience en fer et l’anémie<br />

auprès des divers secteurs.<br />

Approches de santé publique médicales<br />

versus alimentaires<br />

Problème: Qu<strong>and</strong> <strong>l'anémie</strong> est considérée comme un<br />

problème médical, les solutions cherchées pour traiter ce


38<br />

16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie<br />

problème se concentrent sur une approche médicale.<br />

Ceci implique d’identifier, avant d'agir, la cause précise<br />

pour chaque population; de donner les nutriments<br />

manquants à fortes doses, afin de traiter au lieu de prévenir<br />

l’anémie; et de délivrer des messages ciblés sur le<br />

traitement d’un problème perçu ou présumé.<br />

Contexte: Puisque la déficience en fer et l’anémie sont si<br />

rép<strong>and</strong>ues, l'existence du problème peut être supposée et<br />

l’action devrait donc être menée en conséquence. Cependant,<br />

dans le même temps, il est difficile d’appliquer cela<br />

à un niveau individuel du fait que la plupart des personnes<br />

souffrant d'anémie ou de déficience en fer n'en est pas<br />

informée, et est donc moins susceptible de prendre des<br />

suppléments pendant une longue période, alors même<br />

que ces personnes perçoivent qu’un tel traitement améliorerait<br />

nettement leur condition.<br />

Solution: Parce qu'un tiers de la population mondiale<br />

souffre de déficience en fer et d’anémie, à l'origine en<br />

raison de leur alimentation qui ne suffit pas à satisfaire<br />

leurs besoins, une approche alimentaire visant à augmenter<br />

les apports en fer et en d’autres micronutriments de la<br />

population entière, et ciblant en particulier les groupes<br />

les plus à risque, se révèle être l’approche ayant le plus de<br />

sens. De tels apports augmentés devraient être maintenus<br />

pendant une longue période et perçus comme une voie<br />

pour promouvoir une bonne santé et protéger le développement<br />

cognitif. De plus, en augmentant les apports en<br />

fer de tout le monde et en utilisant une approche basée<br />

sur l’alimentation, les femmes entameront leur grossesse<br />

avec des réserves plus élevées, qui réduiront la marge<br />

entre besoins et apports pendant la grossesse. Le plus<br />

gr<strong>and</strong> défi d'une approche alimentaire est de trouver un<br />

moyen d’augmenter suffisamment les apports des groupes<br />

les plus à risque, les jeunes enfants et les femmes<br />

enceintes. Le meilleur moyen d’assurer la consommation<br />

d'une quantité de micronutriments suffisamment élevée<br />

est d’ajouter des fortifiants dans le bol alimentaire d’un<br />

individu, une stratégie connue sous le nom de fortification<br />

maison.<br />

Peu d'expériences réussies ont été décrites<br />

Problème: Les expériences de supplémentation en fer et<br />

acide folique pendant la grossesse sont mitigées et les<br />

décideurs semblent toujours y réfléchir à deux fois avant<br />

de s’engager plus avant dans des programmes de contrôle<br />

de <strong>l'anémie</strong> ferriprive chez les femmes enceintes et/ou les<br />

jeunes enfants. C’est pourquoi il y a peu d'expériences<br />

décrivant des programmes réussis, notamment chez les<br />

jeunes enfants.<br />

Contexte: La plupart des recherches sur la déficience en<br />

fer et l’anémie ont été menées par des institutions académiques<br />

et se sont donc concentrées sur l’acquisition de<br />

nouvelles connaissances concernant la faisabilité technique<br />

des interventions, plutôt que sur leur faisabilité<br />

opérationnelle. La conséquence de cela semble être que<br />

l’attente personnelle des scientifiques à propos du programme<br />

est de conclure sur ce qui est le mieux, t<strong>and</strong>is<br />

qu’ils vont chercher à améliorer les interventions potentielles<br />

et tester de nouvelles préparations, de nouveaux<br />

protocoles de mesure, des combinaisons de micronutriments<br />

etc. En même temps, les programmes qui sont<br />

menés sur une base régulière ne laissent souvent pas<br />

assez de place à l’organisation et à l’évaluation, et ne se<br />

révèlent donc pas très efficaces pour communiquer sur<br />

les succès et les leçons à en tirer.<br />

Solution: Il devrait y avoir un plus gr<strong>and</strong> lien entre la<br />

communauté scientifique R&D et ceux mettant en œuvre<br />

les programmes afin, d’une part, de s’assurer que le plus<br />

gr<strong>and</strong> investissement est bien mis dans l’évaluation de la<br />

faisabilité opérationnelle des interventions prometteuses<br />

et, d’autre part, de surveiller et d’évaluer entièrement<br />

leur mise en oeuvre. Ces expériences devraient être<br />

appliquées à une échelle suffisamment importante. Les<br />

projets mis en application sont souvent trop petits et les<br />

conclusions qui en sont tirées ne permettent pas de les<br />

appliquer à plus gr<strong>and</strong>e échelle, à une province entière ou<br />

à un pays.<br />

Communiquer et interpréter les nouveaux<br />

résultats de recherche et les exceptions<br />

Problème: Les nouveaux résultats et rapports de recherche,<br />

dans les cas où aucun avantage n’a été trouvé, ou<br />

même, où des effets négatifs de la supplémentation en<br />

fer ou en multi-micronutriments ont été constatés, conduisent<br />

souvent à la conclusion que ces suppléments<br />

devraient être évités pour tout le monde à cause du risque<br />

de conséquences négatives.<br />

Contexte: Scrimshaw a suggéré les idées fausses suivantes<br />

qui pourraient entraver la mise en œuvre de programmes:<br />

• Le mythe selon lequel la déficience en fer est plus difficile<br />

à prévenir que les TDI et la CVA. Ceci se base<br />

en gr<strong>and</strong>e partie sur le fait que, pour l’instant, peu de<br />

programmes réussis ont été appliqués pour le contrôle<br />

de la déficience en fer, comparé au contrôle de celles<br />

en vitamine A et en iode.<br />

• Le mythe selon lequel la supplémentation en fer peut<br />

augmenter la sévérité des infections. Trois articles ont<br />

examiné la preuve de cette considération et ont conclu<br />

que seuls les très jeunes enfants (moins de deux


16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie 39<br />

mois), les enfants sévèrement malnutris présentant<br />

des complications cliniques, et les enfants des régions<br />

où le paludisme est très endémique et où aucun bon<br />

programme de contrôle de cette maladie n’a été<br />

appliqué, ne devraient pas recevoir de suppléments à<br />

doses élevées en fer (> 10 mg / jour). Les aliments<br />

fortifiés peuvent être prodigués aux enfants dans les<br />

régions à haute endémicité du paludisme. Au jour<br />

d’aujourd’hui, il n’y a pas assez d’arguments pour<br />

savoir si les fortifiants maisons, dont la plupart fournissent<br />

10−12,5 mg de fer à mélanger avec un repas,<br />

sont sûrs dans ces régions à haute endémicité du<br />

paludisme et, par conséquent, il a été recomm<strong>and</strong>é<br />

que ceux-ci ne soient fournis que dans des circonstances<br />

parfaitement contrôlées. L'augmentation des<br />

diarrhées constatée chez les enfants ayant reçu du fer<br />

était trop faible pour avoir une signification clinique.<br />

• La supposition selon laquelle les thalassémies et<br />

autres hémoglobinopathies constituent des contreindications<br />

à la supplémentation en fer. Dans certaines<br />

régions du monde, <strong>l'anémie</strong> est rendue complexe<br />

par la thalassémie et les hémoglobinopathies. Dans<br />

les cas sévères de thalassémie, il peut y avoir une<br />

surcharge en fer. La supplémentation habituelle en<br />

fer pendant la grossesse dans les régions à fortes prévalences<br />

de thalassémie et d'hémoglobinopathies<br />

donne des réponses hématologiques extrêmement<br />

variables. Cependant, il ne semble pas y avoir de<br />

rapport concernant les complications qui surviennent<br />

avec la supplémentation habituelle en fer pendant<br />

la grossesse, complications liées à la thalassémie et<br />

aux hémoglobinopathies dans la population.<br />

• L'idée selon laquelle le dépistage est nécessaire<br />

avant la supplémentation à cause de la prévalence<br />

d’hémochromatose. La prévalence d’homozygotes<br />

pour l’hémochromatose est très faible (< 0,5 %) et<br />

le gène pour la forme classique d’hémochromatose<br />

est rép<strong>and</strong>u uniquement dans les populations dont<br />

les origines ancestrales se trouvent en Europe du<br />

Nord. Quant au risque de surcharge en fer chez les<br />

personnes souffrant d’hémochromatose, les experts<br />

ne pensent pas qu’il s’agisse d’une raison pour<br />

supprimer le fer pour les personnes à risque de<br />

carence qui vivent dans les pays en développement.<br />

• La découverte selon laquelle la fortification et la<br />

supplémentation en fer pourraient augmenter le risque<br />

de maladie coronaire et de cancer. Une relation<br />

possible entre statut en fer et risque de maladie cardiovasculaire<br />

et de cancer a été le sujet de plusieurs<br />

études d'observation récentes. Jusqu'ici, il n’y a aucun<br />

argument valable montrant l’existence d’une telle<br />

relation ou un éventuel rapport causal.<br />

Solution: Il s’avère plus important de ne pas perdre de<br />

vue les très fortes prévalences de déficience en fer et d’anémie,<br />

ou leurs graves conséquences et la cause<br />

sous-jacente qui est une alimentation défectueuse. Les<br />

conclusions de la recherche devraient être entièrement<br />

examinées et leur applicabilité à la situation des différentes<br />

populations évaluées. En effet, elles devraient permettre<br />

de régler avec précision et de mettre en oeuvre<br />

plus efficacement les programmes de contrôle de la<br />

déficience en fer et de <strong>l'anémie</strong>, au lieu de stopper des<br />

programmes, ce qui se traduit par le fait que la majorité<br />

de la population est laissée sans traitement à cause d'une<br />

minorité qui pourrait présenter une légère augmentation<br />

du risque. Cette situation s'est produite récemment en<br />

réponse à la découverte d'une mortalité plus élevée chez<br />

les enfants, dans une région où le paludisme est hautement<br />

endémique, alors qu’ils étaient supplémentés en fer<br />

en absence de mesure de contrôle du paludisme. Que<br />

l’augmentation du risque fût faible, que ces découvertes<br />

n'aient pas été observées dans une région différente où la<br />

transmission du paludisme était sous contrôle en utilisant<br />

des moustiquaires de lit traitées et en traitant les cas suspects,<br />

ajouté au fait que le paludisme était très fortement<br />

endémique dans la région, n’a pas suscité beaucoup d’intérêt<br />

dans les discussions qui ont suivi la publication de<br />

ces résultats.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Puisque les prévalences de déficience en fer et d’anémie<br />

sont aussi fortes et que les conséquences pour les individus<br />

et les populations sont si sévères, le point central devrait<br />

être de mettre en œuvre des programmes de contrôle. L’argumentation<br />

devrait se concentrer sur les avantages pour le<br />

développement précoce de l'enfant et donc sa réussite ultérieure<br />

dans la vie et l’augmentation de sa productivité qui,<br />

au final, bénéficient à l'économie de la nation.<br />

Les programmes devraient promouvoir une approche<br />

alimentaire, incluant la fortification des aliments de<br />

base et des condiments pour la population générale, ainsi<br />

qu’une fortification maison pour les groupes cibles<br />

spécifiques, puisque ces programmes sont:<br />

• plus viables,<br />

• moins perçus comme le traitement d'une condition,<br />

• applicables dans les régions endémiques au<br />

paludisme.<br />

Qu<strong>and</strong> un programme à gr<strong>and</strong>e échelle est rendu effectif,<br />

il est essentiel que sa couverture, son observance et son<br />

efficacité soient évaluées.<br />

Quel est le message clé<br />

Le contrôle de la déficience en fer et de l’anémie a pris


40<br />

17 · Approches gagnantes – les sprinkles<br />

du retard par rapport à ceux des TDI et de la CVA. Ce<br />

contrôle devrait être accéléré en se concentrant sur le fait<br />

que l’alimentation de beaucoup de personnes n’apporte<br />

pas une quantité de fer adéquate, ce qui doit être résolu<br />

au travers d’une approche alimentaire incluant une fortification<br />

(maison) et, en parallèle, mais ne dépendant<br />

pas de celle-ci, des méthodes de lutte contre les autres<br />

causes d’anémie. Les conséquences de <strong>l'anémie</strong> et de<br />

la déficience en fer sur le développement cognitif, la<br />

productivité et le développement économique doivent<br />

être mises en exergue. Et pour avancer le plus efficacement<br />

possible, les programmes et les politiques devraient<br />

être entièrement surveillés, évalués et communiqués.<br />

17<br />

APPROCHES GAGNANTES – LES SPRINKLES<br />

Stanley Zlotkin et Mélody Tondeur<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Les recomm<strong>and</strong>ations actuelles INACG/OMS/UNICEF<br />

sont de fournir une supplémentation quotidienne en fer<br />

à tous les enfants de poids de naissance normal dans les<br />

premières années de vie, à partir de 6 mois, là où la prévalence<br />

d'anémie est inférieure à 40 %, et de continuer la<br />

supplémentation jusqu'à 24 mois qu<strong>and</strong> la prévalence est<br />

supérieure ou égale à 40 %. Le problème est qu’il existe<br />

peu d’options pour supplémenter en fer les nouveau-nés<br />

et les jeunes enfants. Les sirops (au sulfate ferreux) ont<br />

été la première stratégie, mais le goût désagréable et<br />

métallique, la coloration sombre des dents et la gêne<br />

abdominale qu’ils provoquaient ont rendu l’adhésion<br />

difficile. De plus, des problèmes techniques de courte<br />

durée de conservation, de coût de transport élevé et de<br />

difficulté à administrer correctement les gouttes ont<br />

entravé la réussite des interventions. Le concept de fortification<br />

maison est arrivé il y a une dizaine d’années,<br />

lorsque le contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est devenu<br />

une priorité, t<strong>and</strong>is que les interventions alors disponibles<br />

semblaient ne pas être efficaces pour atteindre les<br />

populations les plus vulnérables. Cela a conduit au développement<br />

de Sprinkles qui sont des sachets unidoses<br />

contenant un mélange de micronutriments en poudre à<br />

mélanger directement dans la nourriture. Les études<br />

montrent une bonne efficacité des Sprinkles qui sont<br />

bien tolérés et faciles à administrer. Actuellement, il y a<br />

deux formulations facilement disponibles – la "formulation<br />

pour l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>" (nutritional anemia<br />

formulation) et la "formulation complète en micronutriments"<br />

(complete micronutrient formulation), mais d'autres<br />

micronutriments peuvent y être ajoutés selon les conditions<br />

locales. La contribution des Sprinkles à une<br />

bonne alimentation complémentaire a été examinée au<br />

travers de la promotion actuelle de pratiques de sevrage<br />

appropriées, auprès des femmes enceintes et allaitantes,<br />

et des zones d'aide humanitaire et des actions d'urgence.<br />

Qu’a-t-il été accompli<br />

Le problème de <strong>l'anémie</strong> ferriprive chez les enfants a<br />

en gr<strong>and</strong>e partie disparu en Amérique du Nord suite à la<br />

fortification des aliments vendus dans le commerce, en<br />

fer et en d’autres micronutriments essentiels. Malheureusement,<br />

fortifier les aliments du commerce a eu un succès<br />

limité dans les pays en développement puisque les aliments<br />

achetés en magasin, notamment ceux destinés aux<br />

jeunes enfants, ne sont pas très disponibles ou accessibles.<br />

Des sachets unidoses de micronutriments en poudre<br />

(Sprinkles) ont été développés pour résoudre les problèmes<br />

et les limitations des interventions de fortification<br />

traditionnelle. Le fer (fumarate ferreux) est encapsulé à<br />

l’intérieur d’une fine couche de lipides qui lui empêche<br />

d’interagir avec la nourriture, limitant ainsi les modifications<br />

de goût, de couleur et de texture des aliments.<br />

D’autres micronutriments peuvent être ajoutés au fer,<br />

en fonction des déficiences et des besoins locaux. Les<br />

personnels soignants peuvent également être facilement<br />

renseignés sur leur usage et ces fortifiants peuvent être<br />

ajoutés à tout aliment semi-solide, après cuisson et avant<br />

de servir. De plus, le concept est applicable via des programmes<br />

et aucune barrière culturelle n'a été identifiée.<br />

Des études avec des isotopes stables ont été menées pour<br />

évaluer la biodisponibilité du fer et du zinc encapsulés.<br />

Des études basées sur des communautés dans plusieurs<br />

pays, impliquant des nouveau-nés et des enfants anémiques<br />

et non-anémiques, ont évalué l'efficacité, la biodisponibilité,<br />

la dose, l’acceptabilité et la sécurité des Sprinkles.<br />

Les résultats montrent que:<br />

• L’emballage en unidose et la distribution d'une quantité<br />

limitée préviennent la prise de doses excessives,<br />

ainsi un enfant devrait consommer beaucoup de<br />

sachets (plus de 20 / jour) avant que ne se pose un<br />

problème de toxicité. Le risque de surdose est donc<br />

inférieur comparé aux préparations liquides.<br />

• Les nouveau-nés souffrant d’anémie ferriprive absorbent<br />

le fer des Sprinkles environ deux fois aussi efficacement<br />

que les nouveau-nés déficients en fer et<br />

non-anémiques.<br />

• La dose de fer de 12,5 mg recomm<strong>and</strong>ée par l’OMS<br />

est efficace et suffisante.


18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 41<br />

• Les sprinkles contenant 12,5 mg de fer donné pendant<br />

2 mois sont appropriés à la réduction de <strong>l'anémie</strong>,<br />

mais cette prise devrait être répétée plus d'une fois par<br />

an (c-à-d. 2 mois tous les 6 mois).<br />

• Le seul effet secondaire rapporté est le noircissement<br />

des selles, ce qui est normal puisque la majorité du fer<br />

est excrétée avec les selles.<br />

• Une moyenne de 70 % des sachets requis a été<br />

consommée, indiquant un haut niveau d'acceptation.<br />

• Les Sprinkles sont efficaces pour prévenir et traiter<br />

l’anémie.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

L'impact du fer sur l’accroissement de la sévérité des<br />

infections, à la fois parasitaires (paludisme) et bactériennes,<br />

reste une question importante mais non résolue.<br />

On considère que si l'absorption rapide du fer dépasse<br />

la capacité de liaison à la transferrine, il existe une possibilité<br />

d’augmentation de la prolifération des pathogènes<br />

(via le fer libre non lié à la transferrine). La forme et la<br />

dose de fer influera sur le taux d'absorption. On suppose<br />

que la forme encapsulée du fer dans les Sprinkles, et<br />

le fait qu'ils sont ajoutés aux aliments, conduira à une<br />

alternative plus sûre pour les autres formes de supplémentation<br />

en fer. Cependant, des recherches sont encore<br />

nécessaires.<br />

La recherche et développement des Sprinkles pour les<br />

femmes enceintes et allaitantes est en cours, tout comme<br />

leur utilisation pour l’aide humanitaire et pour l’alimentation<br />

d'urgence.<br />

Le succès des Sprinkles et l’échelle des interventions<br />

dans lesquelles les utiliser tiennent à deux éléments clés:<br />

premièrement, définir des méthodes de distribution viables<br />

qui permettent d’atteindre les populations les plus<br />

vulnérables dans les pays sous-développés, et, deuxièmement,<br />

s'assurer que les interventions bénéficient également<br />

d’une stratégie de marketing social. Le partenariat<br />

avec les organisations spécialisées dans ces régions est<br />

décisif.<br />

Le plus gr<strong>and</strong> défi pour le futur sera de plaider pour l’adoption<br />

des Sprinkles dans les politiques <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

des pays sous-développés.<br />

Quel est le message clé<br />

La fortification maison, qui utilise des sachets unidoses<br />

contenant un mélange de micronutriments en poudre et<br />

directement mélangé dans la nourriture (Sprinkles),<br />

constitue une voie sûre et efficace pour atteindre les<br />

groupes vulnérables dans les pays sous-développés et<br />

vaincre la plupart des limitations des interventions traditionnelles<br />

visant à lutter contre l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />

LES FAITS:<br />

• Les experts OMS/UNICEF estiment que plus de 750<br />

millions d’enfants dans le monde souffrent de carence<br />

en fer et d’anémie.<br />

• Les symptômes de toxicité du fer se produisent qu<strong>and</strong><br />

les apports se situent entre 20 et 60 mg de fer par kg<br />

de poids corporel.<br />

• Une étude a montré que les Sprinkles sont rentables,<br />

avec une valeur par DALY sauvé estimée à 12,20 $<br />

US et un coût par mort évité de 406 $.<br />

• Les avantages cognitifs s’associent à la prévention de<br />

<strong>l'anémie</strong> ferriprive et sont estimés à 37 $ gagnés pour<br />

chaque $ dépensé, lorsqu’ils sont traduits en réussite<br />

académique et en emploi au final à l’âge adulte.<br />

18<br />

SECURITE DES INTERVENTIONS<br />

DE REDUCTION DES ANEMIES<br />

NUTRITIONNELLES<br />

Klaus Schümann et Noel W. Solomons<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Les anémies sont rép<strong>and</strong>ues dans les pays en développement<br />

et étaient autrefois considérées comme découlant<br />

de déficiences nutritives. Toutefois, il est maintenant<br />

reconnu que de plus en plus d'anémies n’ont pas d'origine<br />

<strong>nutritionnelle</strong> et proviennent plutôt des suites d’une<br />

maladie chronique ou d’une hémoglobinopathie. Par<br />

conséquent, il est important de considérer la sécurité, soit<br />

thérapeutique, soit prophylactique, des interventions de<br />

santé publique et des interventions cliniques, de même<br />

que les avantages que présente l'allègement des déficiences<br />

en prodiguant des nutriments, puisqu’il peut également<br />

y avoir des risques associés chez les individus ayant<br />

suffisamment ou trop de ce nutriment. Le principe primordial<br />

de tout programme d’intervention reste de s’assurer<br />

qu'il ne cause pas de tort.<br />

Les problèmes d’innocuité surviennent parce qu’une<br />

exposition excessive aux vitamines et aux minéraux<br />

impliqués dans l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> peut provoquer,<br />

directement ou indirectement, des conséquences délétères,<br />

et même des effets toxiques. Inquiétude majeure: des<br />

individus spécifiques, ou des sous-groupes au sein d’une


42<br />

18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

population, peuvent, soit se trouver excessivement exposés<br />

à des micronutriments via des suppléments ou des<br />

aliments fortifiés dans leur alimentation habituelle, soit<br />

avoir des réactions idiosyncrasiques à d'autres mesures<br />

impliquées dans le contrôle de santé publique de <strong>l'anémie</strong>.<br />

Il est donc clair que protéger la santé de la population<br />

implique à la fois de réduire le risque d'anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

et de protéger les individus des possibles<br />

conséquences délétères des interventions.<br />

Il est admis que les professionnels de terrain et les autorités<br />

de santé publique doivent s’assurer de certaines normes,<br />

de façon à garantir la sécurité de toute intervention.<br />

Il est capital de considérer les trois stratégies majeures<br />

d'interventions:<br />

1. La supplémentation<br />

Les suppléments peuvent contenir plus que les<br />

besoins physiologiques journaliers en un nutriment,<br />

en particulier pour le fer. De plus, les questions de<br />

contrôle qualité quant à la fabrication, aux excédents<br />

et aux dosages sont importantes. Dans le cas de la<br />

supplémentation en fer, il est capital d'éviter de nouveaux<br />

déséquilibres qui peuvent survenir suite à des<br />

effets corrosifs induits par le fer, ou des dommages<br />

oxydatifs résultant de la prise involontaire d’une dose<br />

excessive.<br />

2. La fortification<br />

Qu<strong>and</strong> des nutriments exogènes sont placés dans<br />

la nourriture, la variation de consommation des<br />

aliments fortifiés au sein d’une population devient<br />

importante. Par exemple, pour l’huile de cuisson ou le<br />

sucre, il peut y avoir un ratio quantitatif de dix entre<br />

les personnes en consommant le plus et celles en consommant<br />

le moins. Par conséquent, il est important<br />

que le niveau de fortification fournisse un taux d’exposition<br />

sûr pour la distribution de consommateurs la<br />

plus large.<br />

3. La diversification alimentaire<br />

L'intervention visant à promouvoir les aliments<br />

comme source de nutriments n'est pas sans poser des<br />

problèmes de sécurité potentiels, et peut encourager<br />

un modèle alimentaire moins sain en augmentant les<br />

apports alimentaires et donc le risque de maladie<br />

chronique. Des apports perturbés en vi<strong>and</strong>e rouge,<br />

source naturelle de fer biodisponible, pourrait, par<br />

exemple, augmenter le risque de cancer du côlon et<br />

beaucoup de maladies associées à une forte consommation<br />

de graisses saturées.<br />

Toute intervention doit être ciblée. Le groupe présentant<br />

l’apport moyen le plus bas devrait être la cible inhérente<br />

des programmes d'intervention portant sur les micronutriments.<br />

Il est important de noter que, chercher à augmenter<br />

l’apport moyen de la population peut se révéler<br />

inefficace (dissémination des ressources là où elles ne<br />

sont pas nécessaires et ne ciblant pas ceux qui en ont le<br />

plus besoin) et même potentiellement dangereux (poussant<br />

certains à la limite supérieure de la distribution, avec<br />

un apport encore plus élevé qu’habituellement). Dans<br />

tout programme d'intervention, il est crucial qu'il y ait<br />

une évaluation diagnostique et une surveillance.<br />

FER<br />

Quelles sont les préoccupations<br />

d’innocuité concernant le fer<br />

Par la nature de ses caractéristiques physicochimiques et<br />

de ses interactions biologiques avec les autres composés,<br />

le fer présente un ensemble de défis pour que son application<br />

soit sûre:<br />

• Effets gastro-intestinaux: les doses de fer auxquelles<br />

les individus peuvent être exposés quotidiennement<br />

via la combinaison des aliments, des fortifiants dans<br />

l'alimentation et des suppléments, sont particulièrement<br />

importantes. Les limites supérieures d’apports<br />

tolérables en fonction de l'âge ont été fixées aux<br />

Etats-Unis. Elles sont de 40 mg/jour dans l'enfance et<br />

l’adolescence, puis de 45 mg/jour à l’âge adulte. La<br />

plupart des effets secondaires communs des préparations<br />

de fer orales sont d’ordre gastro-intestinal: nausée,<br />

vomissement et incommodité épigastrique; et le<br />

niveau d'effet délétère observé le plus faible pour une<br />

seule dose a été placé entre 50 et 60 mg. L’apport en<br />

fer oral provoque également une coloration noire<br />

inoffensive des selles et, chez environ 6 % des individus,<br />

diarrhée ou constipation sont également possibles.<br />

• Effets athérogéniques: il y a eu quelques observations<br />

controversées quant à une corrélation entre apport en<br />

fer alimentaire et risque d’infarctus aigu du myocarde,<br />

mais cette association pourrait également être<br />

liée à la consommation concomitante du repas et donc<br />

à l’apport en graisse saturée et en cholestérol.<br />

• Effets de l'inflammation: la supplémentation en fer<br />

augmente les indicateurs de stress oxydatif.<br />

• Infections bactériennes: le problème de cet aspect est<br />

que le fer constitue un nutriment nécessaire aux<br />

mécanismes de défense à la fois des pathogènes et de<br />

l'hôte. Cependant, il semblerait que la supplémentation<br />

en fer oral chez les enfants déficients soit majoritairement<br />

bénéfique et réduise la prévalence d'infection.


18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 43<br />

Que devrait-on considérer concernant<br />

la supplémentation en fer<br />

• La supplémentation thérapeutique en fer utilise des<br />

doses orales élevées, entre 50 et 400 mg/jour de fer;<br />

elle peut être gérée individuellement et devrait être<br />

continuellement ajustée en fonction de la dem<strong>and</strong>e.<br />

• Il est essentiel que toute intervention sur le fer soit<br />

accompagnée d’un traitement des infections par les<br />

vers.<br />

• La supplémentation prophylactique en fer dans deux<br />

sous-groupes de population, d’une part, les femmes<br />

enceintes et, d’autre part, les nouveau-nés et jeunes<br />

enfants de 6 à 24 mois, est recomm<strong>and</strong>ée au niveau<br />

international.<br />

• La distribution prénatale de fer et d’acide folique<br />

combinés en comprimé est très importante.<br />

• La supplémentation complète de tous les jeunes<br />

enfants peut être problématique, car la dose n'est souvent<br />

pas contrôlée et adaptée aux changements de<br />

besoins des enfants déficients et, chez les enfants<br />

ayant un bon statut en fer, il y a un risque accru de<br />

déséquilibres causés par un excès de fer. De récents<br />

travaux de recherche sur la supplémentation en fer<br />

dans des régions endémiques au paludisme lui ont<br />

attribué une augmentation inquiétante de l’incidence<br />

d'effets délétères et de mort. La supplémentation en<br />

fer chez les enfants déficients dans les régions endémiques<br />

au paludisme n’est donc pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />

Quid de la fortification en fer<br />

La fortification des formules infantiles et des aliments<br />

de complément est courante depuis longtemps, mais le<br />

nombre et la diversité d'autres aliments contenant du fer<br />

ajouté (des aliments de base traditionnels jusqu’aux boissons<br />

et aux condiments) augmentent. Contrairement aux<br />

aliments de base qui contribuent seulement à une fraction<br />

des besoins journaliers d'un individu, les formules infantiles<br />

et les aliments de complément fortifiés fournissent jusqu'à<br />

100 % des apports journaliers d’un jeune enfant, et<br />

doivent donc être formulés avec un fer de densité et de biodisponibilité<br />

appropriées. Il est important de noter que deux<br />

densités de fortification différentes sont exigées pour les<br />

enfants de 6 à 24 mois, afin d’éviter une surexposition dans<br />

la tranche d'âge la plus haute. La fortification des grains de<br />

céréale est obligatoire dans beaucoup de pays et les niveaux<br />

d'ajout se situent autour de 20 à 50 mg/kg selon le composé<br />

de fer utilisé, et fournissent généralement au maximum<br />

22 % des besoins journaliers en fer. A noter que l'augmentation<br />

involontaire de l'exposition au sodium peut être<br />

une préoccupation qu<strong>and</strong> les condiments sont fortifiés. Les<br />

directives de l’OMS sur la fortification des aliments en<br />

micronutriments sont d’un gr<strong>and</strong> intérêt.<br />

Quid de la biofortification en fer<br />

La biofortification fait référence à la modification génétique<br />

des cultures alimentaires hautement énergétiques<br />

telles que riz, blé, maïs, pommes de terre et manioc. Cette<br />

technologie utilise les techniques de sélection systématique<br />

ou génétique pour développer des cultures de base<br />

riches en micronutriments. Contrairement aux autres<br />

méthodes, les besoins en traitement centralisé et en logistique<br />

complexe sont évités. Le fait que le sol contienne<br />

suffisamment d'oligoéléments constitue un prérequis à<br />

une biofortification réussie, ce qui peut nécessiter une<br />

fertilisation afin d’éviter un épuisement du sol. Il existe<br />

également des controverses concernant la modification<br />

génétique qui peut être réalisée par sélection conventionnelle<br />

ou pour optimiser les teneurs et la disponibilité en<br />

micronutriments.<br />

Quid de la diversification <strong>nutritionnelle</strong><br />

pour augmenter l’apport en fer<br />

Encourager les populations à diversifier leur alimentation<br />

pour y inclure des sources plus riches en certains<br />

micronutriments largement déficients constitue une stratégie<br />

importante, particulièrement pertinente lorsqu’il<br />

s’agit du fer. Encourager les jardins individuels ou scolaires<br />

ne présente généralement pas de risque d'excès du<br />

fait des faibles teneurs en fer dans les fruits et légumes et<br />

de sa faible biodisponibilité. D'autres interventions<br />

encouragent l’augmentation de la consommation de<br />

vi<strong>and</strong>e via l’élevage de petits ruminants ou la subvention<br />

de l’achat de vi<strong>and</strong>e, ainsi que de volaille et de poisson.<br />

La consommation excessive de fer est improbable, et la<br />

sécurité de l'intervention dépend des conditions sanitaires<br />

et des conséquences à long terme des maladies chroniques<br />

associées à des apports en vi<strong>and</strong>e élevés.<br />

Quelle est l’influence du retardement du pincement<br />

du cordon ombilical sur la teneur en fer du sang<br />

La recherche montre que retarder le clampage du cordon<br />

ombilical constitue une mesure prophylactique efficace,<br />

permettant d’augmenter jusqu'à 50 % le statut en fer à la<br />

naissance et offrant la possibilité de plus longues périodes<br />

d'allaitement. Il y a cependant des inquiétudes quant<br />

à une augmentation du risque d’hyperbilirubinémie, mais<br />

les différentes méta-analyses montrent des résultats<br />

contradictoires.<br />

VITAMINE B 12<br />

Quid de l’innocuité de la vitamine B 12 <br />

La vitamine B 12 est associée à l’anémie et son absence<br />

résulte en une anémie hypoproliférative avec présence de<br />

gros globules rouges macrocytaires immatures dans la


44<br />

18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

circulation. La vitamine B 12 est remarquable pour sa<br />

gr<strong>and</strong>e marge d’innocuité et aucune limite supérieure<br />

d’apport tolérable en fonction de l'âge n'a été fixée. Le<br />

traitement traditionnel de <strong>l'anémie</strong> mégaloblastique par<br />

carence en vitamine B 12 est une unique dose intramusculaire<br />

d’environ 200 µg de cyanocobalamine parentérale.<br />

La seule préoccupation importante d’innocuité entourant<br />

ces injections concerne les infections virales transmissibles<br />

par le sang et l'usage d’aiguilles stériles à manipuler<br />

prudemment. Par ailleurs, des doses orales de 1000−<br />

2000 µg de cyanocobalamine se sont également révélées<br />

efficaces.<br />

La supplémentation prophylactique en vitamine B 12 est<br />

pratiquement inconnue en tant que mesure de politique<br />

de santé, en revanche, la fortification en vitamine B 12 est<br />

pratiquée.<br />

ACIDE FOLIQUE<br />

Que devrait-on envisager concernant les folates<br />

Les folates ont un rapport à la fois primaire et secondaire<br />

avec l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>. Il est important de noter que<br />

les recomm<strong>and</strong>ations journalières pour les apports n’ont<br />

pas été fixées à un niveau permettant uniquement sa<br />

fonction hématologique, mais à un niveau plus élevé<br />

pour la prévention des défauts du tube neural. Un apport<br />

excessif en folates est associé à des conséquences délétères<br />

et l'inquiétude majeure concerne la possibilité de<br />

masquage d’une déficience sous-jacente en vitamine<br />

B 12 .<br />

Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en folates,<br />

un programme de supplémentation quotidienne à des<br />

doses de 500−5000 µg peut être prescrit et il est prudent<br />

de donner de la vitamine B 12 dans le même temps. Qu<strong>and</strong><br />

l'acide folique est donné en intervention prophylactique,<br />

on cible les groupes à risque de défauts du tube neural et<br />

la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en<br />

combinaison avec du fer, ou avec du fer et d’autres<br />

micronutriments. La supplémentation habituelle en fer et<br />

acide folique dans les populations présentant un fort taux<br />

de paludisme n’est pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />

La fortification en acide folique est largement pratiquée<br />

et l’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel<br />

comestible comme étant la quantité maximale à ajouter<br />

pour la fortification des aliments de base, et un maximum<br />

de 27 µg d'acide folique par portion de 40 kcal de produit<br />

pour les autres aliments fortifiés vendus dans le commerce.<br />

VITAMINE A<br />

Quelles sont les questions clés autour<br />

de l’innocuité de la vitamine A<br />

Intrinsèquement, la carence en vitamine A n'est pas une<br />

cause d'anémie <strong>nutritionnelle</strong>; cependant, il a été montré<br />

qu’un statut adéquat en vitamine A avait un rôle annexe<br />

dans l’optimisation de l’utilisation du fer. La limite supérieure<br />

d’apport tolérable quotidien a été fixée à 10 000 IU<br />

(3030 µg d’équivalent rétinol). L’exposition totale à la<br />

vitamine A devrait être limitée à une dose cumulative<br />

permettant de maintenir une concentration en vitamine A<br />

hépatique inférieure à 300 µg/g, ce que l’on estime être le<br />

seuil de toxicité. La consommation journalière régulière<br />

de 30 mg de vitamine A sous forme rétinoïde est associée<br />

à une toxicité chronique.<br />

Maintenir des apports élevés en β-carotène (un caroténoïde<br />

provitamine A) produit une coloration jauneorange<br />

de la peau, inoffensive d’un point de vue dermatologique.<br />

Certains travaux de recherche ont montré un<br />

risque de mort augmenté lorsque du β-carotène isolé était<br />

utilisé en suppléments journaliers à une dose de 30−50<br />

mg au cours d’essais cliniques sur des individus prédisposés<br />

au cancer du poumon (fumeurs, ouvriers travaillant<br />

en contact avec l'amiante).<br />

Quid de la supplémentation et de la fortification<br />

en vitamine A<br />

La supplémentation en vitamine A fait partie du régime<br />

pour la réhabilitation intensive des enfants souffrant de<br />

malnutrition protéino-énergétique sévère. Un enregistrement<br />

strict est exigé. On ne recomm<strong>and</strong>e plus de donner<br />

des suppléments à forte dose de vitamine A aux femmes<br />

allaitantes après l'accouchement afin d’assurer la teneur<br />

en vitamine A du lait.<br />

L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la fortification<br />

en vitamine A des aliments de base, bien que<br />

cette fortification soit courante. Il est suggéré qu’une<br />

telle fortification devrait fournir au moins 15 % des<br />

besoins quotidiens en vitamine A du groupe cible, mais<br />

ne devrait pas excéder 30 %. Pour les produits du commerce,<br />

l’OMS recomm<strong>and</strong>e une addition maximale de 60<br />

µg de vitamine A par portion de 40 kcal.<br />

Y a-t-il un rôle pour la biofortification<br />

en vitamine A<br />

La biofortification est un axe de recherche naissant dans<br />

les interventions visant les micronutriments et sa promotion<br />

est coordonnée par l'initiative Harvest Plus. Des<br />

variétés de carottes et de patates douces riches en provi-


18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s 45<br />

tamine A ont été développées et l'exposition à ces formes<br />

de β-carotène devrait être sûre pour la population.<br />

RIBOFLAVINE<br />

Y a-t-il des problèmes d’innocuité avec<br />

la riboflavine<br />

Le carence en riboflavine n'est pas une cause d'anémie<br />

<strong>nutritionnelle</strong>, cependant, comme la vitamine A, la riboflavine<br />

est un nutriment utile pour maximiser la réplétion,<br />

arbitrée par le fer, d'une pleine masse de globules<br />

rouges. Puisqu’il n’y a aucun effet délétère associé à la<br />

riboflavine, aucune limite supérieure d’apport tolérable<br />

quotidien ne lui a été assignée.<br />

Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg sont<br />

utilisées pour traiter les individus atteints d’hyporiboflavinose.<br />

Généralement, la riboflavine est également<br />

ajoutée aux suppléments multinutriments et à la<br />

fortification des céréales principales auxquelles on ajoute<br />

typiquement une concentration allant jusqu'à 200 mg/kg<br />

de farines de céréale.<br />

CUIVRE<br />

Quelles sont les questions d’innocuité<br />

en rapport avec le cuivre<br />

La déficience sévère en cuivre produit une anémie<br />

hypochromique microcytaire, mais ne représente pas un<br />

problème de santé publique, puisque la carence en cuivre<br />

primaire est rarement constatée et se produit presque<br />

exclusivement chez les nouveau-nés et les jeunes enfants<br />

nourris avec des laits formulés à faible teneur en cuivre,<br />

ou chez des adultes sous nutrition totalement entérale ou<br />

parentérale. L'anémie secondaire à une déficience en cuivre<br />

pourrait cependant être mise en rapport avec les interventions<br />

utilisant du zinc à des niveaux supérieurs aux<br />

limites tolérables.<br />

Le cuivre est un puissant émétique, provoquant des nausées<br />

et des vomissements qu<strong>and</strong> il est ingéré, même en<br />

faible quantité, et un apport chronique excessif a été<br />

associé à une élévation anormale du taux de cholestérol<br />

LDL. La limite supérieure d’apport tolérable quotidien<br />

est fixée à 10 mg pour les adultes aux États-Unis, contre<br />

5 mg dans l’Union Européenne.<br />

L'anémie par déficience en cuivre a été traitée avec succès<br />

à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous forme<br />

de sulfate, chez les adultes et les jeunes enfants, et des<br />

quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses divisées,<br />

sûres et tolérables pour les adultes. Ainsi, là où du zinc<br />

est donné à forte dose, le cuivre devrait entrer dans la<br />

formulation du supplément, afin de prévenir un déséquilibre<br />

des apports en cuivre par le zinc.<br />

INTERVENTIONS AVEC DE MULTIPLES<br />

MICRONUTRIMENTS<br />

Que devrait-on considérer concernant l’innocuité des<br />

interventions avec de multiples micronutriments<br />

Du fait que les déficiences en nutriments se trouvent<br />

souvent combinées, il y a eu un glissement d’une fortification<br />

en un seul nutriment vers des interventions avec<br />

de multiples micronutriments. Les recherches, menées<br />

dans le domaine génésique et chez les enfants, ont montré<br />

des effets contradictoires des supplémentations multinutriments<br />

et il semblerait que des interactions à la fois<br />

biologiques et nutriment-nutriment en soient responsables.<br />

Des recherches complémentaires sont nécessaires,<br />

car la combinaison de plusieurs nutriments compliquent<br />

l’attribution de conséquences positives ou négatives sur<br />

la santé, de combinaisons spécifiques, dans des conditions<br />

spécifiques.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Des études récentes montrant un effet négatif de la<br />

supplémentation en fer dans les régions endémiques au<br />

paludisme suggèrent que, d’une part, des travaux de<br />

recherche sont nécessaires dans le domaine, afin de<br />

développer et de tester des procédures adéquates et économiques<br />

pour la détermination du statut en fer à gr<strong>and</strong>e<br />

échelle, et nous rappelle, d’autre part, que les programmes<br />

d'intervention peuvent avoir des conséquences négatives.<br />

Le contrôle de la sécurité est un point crucial. Dans<br />

toute intervention de fortification, le profil de risque de<br />

la population devrait être estimé avec soin et mis à jour<br />

régulièrement.<br />

Quel est le message clé<br />

Les interventions de contrôle de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

sont conçues dans le but d’obtenir un résultat positif sur<br />

la santé publique. Il reste néanmoins possible de menacer<br />

des vies et de nuire à la réputation des programmes d'intervention.<br />

Les recherches en cours dans tous les domaines<br />

d'intervention (supplémentation, fortification et<br />

diversification alimentaire), utilisant des formulations<br />

avec un seul ou plusieurs nutriments, doivent donc continuer.<br />

Les responsables politiques et les professionnels<br />

de santé publique se doivent d’être intransigeants avec le<br />

principe selon lequel chaque programme d'intervention<br />

doit être sûr pour tous les consommateurs et doit conduire<br />

à une amélioration ou à un maintien de la santé<br />

globale.


46<br />

18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s<br />

LES FAITS:<br />

• La carence en fer explique environ la moitié des<br />

anémies dans les pays en développement et l’on suggère<br />

que l'autre moitié proviendrait d’un manque de<br />

cuivre, zinc, folates ou vitamines A, B 2 , B 12 ou C.<br />

• Le principe primordial de toute intervention doit être<br />

"premièrement, ne pas faire de mal".<br />

• Les doses habituelles des suppléments nutritionnels<br />

sont:<br />

• 30−60 mg de fer pour un adulte de 70 kg,<br />

• un maximum de 120 mg de fer pendant la grossesse,<br />

• 2 mg de fer / kg pour les enfants.<br />

• En général, les effets secondaires du fer ne sont pas<br />

constatés après des apports oraux de 30−60 mg.<br />

• Une dose orale de 180−300 mg de fer / kg de poids<br />

corporel peut s’avérer mortelle pour les êtres<br />

humains, mais des doses orales inférieures à<br />

10−20 mg de fer/kg de poids corporel représentent<br />

un niveau de non-observation d’effet délétère (No<br />

observed adverse-effect-level, NOAEL).<br />

• Aux Etats-Unis, il existe des limites supérieures d’apport<br />

tolérable quotidien liés à l'âge pour le fer. La<br />

limite a été fixée à 40 mg/jour pour les nouveau-nés<br />

et les jeunes enfants, et à 45 mg/jour pour les adultes.<br />

• Les directives de l’OMS sur la fortification alimentaire<br />

en micronutriments fournissent une information<br />

détaillée sur les niveaux de fortification basés sur<br />

l’innocuité et les contraintes technologiques et financières.<br />

Elles peuvent être comm<strong>and</strong>ées sur le site Web<br />

de l’OMS.<br />

• Les directives de l’OMS suggèrent que l’on ne peut<br />

ajouter plus de 3 mg de fer fortifiant à une portion de<br />

50 g d’aliment solide ou à 250 ml de boisson – contribuant<br />

à un maximum de 22 % des besoins journaliers<br />

en fer fournis par une alimentation avec une disponibilité<br />

biologique élevée.<br />

• La supplémentation en fer dans les régions endémiques<br />

au paludisme n'est pas recomm<strong>and</strong>ée, en raison<br />

des résultats d'études récentes montrant une incidence<br />

accrue d'effets délétères et de mort.<br />

• Le traitement traditionnel de <strong>l'anémie</strong> mégaloblastique<br />

par carence en vitamine B 12 est une dose unique<br />

intramusculaire d’environ 200 µg de cyanocobalamine<br />

parentérale. Des doses orales de 1000−2000 µg<br />

de cyanocobalamine se sont également révélées efficaces.<br />

• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien pour<br />

les folates est fixée à 1000 µg/jour pour les adultes.<br />

• Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en<br />

folates, un programme de supplémentation quotidienne<br />

à des doses de 500 à 5000 µg peut être prescrit,<br />

et il est prudent de donner de la vitamine B 12<br />

dans le même temps.<br />

• L’acide folique donné en intervention prophylactique<br />

cible les groupes à risque de défauts du tube neural et<br />

la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en<br />

combinaison avec du fer ou du fer et d’autres micronutriments.<br />

A noter: la supplémentation habituelle en<br />

fer et acide folique dans les populations présentant un<br />

fort taux de paludisme n’est pas recomm<strong>and</strong>ée.<br />

• L’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel<br />

comestible comme la quantité maximale d’acide<br />

folique pouvant être ajoutée pour la fortification des<br />

aliments de base, et un maximum de 27 µg par portion<br />

de 40 kcal de produit pour les autres aliments<br />

fortifiés vendus dans le commerce.<br />

• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien a<br />

été fixée à 10 000 IU (3030 µg d’équivalent rétinol)<br />

pour la vitamine A.<br />

• L’exposition totale à la vitamine A devrait être limitée<br />

à une dose cumulative permettant de maintenir une<br />

concentration en vitamine A hépatique inférieure à<br />

300 µg/g, ce que l’on estime être le seuil de toxicité.<br />

• La consommation journalière régulière de 30 mg de<br />

vitamine A sous forme rétinoïde est associée à une<br />

toxicité chronique.<br />

• L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la<br />

fortification en vitamine A des aliments de base, mais<br />

il est suggéré qu’une telle fortification devrait fournir<br />

au moins 15 % des besoins quotidiens en vitamine A<br />

du groupe cible et ne devrait pas excéder 30 %.<br />

• Pour les produits du commerce, l’OMS recomm<strong>and</strong>e<br />

une addition maximale de vitamine A de 60 µg par<br />

portion de 40 kcal.<br />

• On ne recomm<strong>and</strong>e plus de donner des suppléments à<br />

forte dose de vitamine A aux femmes allaitantes après<br />

l'accouchement afin d’assurer la teneur en vitamine A<br />

du lait.<br />

• Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg de<br />

riboflavine sont utilisées pour traiter les individus<br />

atteints d’hyporiboflavinose.<br />

• Généralement, la riboflavine est également ajoutée<br />

aux suppléments multinutriments et dans la fortification<br />

des céréales principales, auxquelles on en ajoute<br />

typiquement une concentration allant jusqu'à 200<br />

mg/kg de farines de céréale.<br />

• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien est<br />

fixée à 10 mg pour les adultes aux Etats-Unis, contre<br />

5 mg dans l’Union Européenne.<br />

• L'anémie par carence en cuivre a été traitée avec succès<br />

à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous<br />

forme de sulfate chez les adultes et les jeunes enfants,<br />

et des quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses<br />

divisées, sûres et tolérables pour les adultes.


19 · Importance et limitations de la fortification des aliments 47<br />

• Là où du zinc est donné à forte dose, le cuivre devrait<br />

entrer dans la formulation du supplément, afin de<br />

prévenir un déséquilibre des apports en cuivre par le<br />

zinc.<br />

19<br />

IMPORTANCE ET LIMITATIONS DE<br />

LA FORTIFICATION DES ALIMENTS<br />

DANS LA GESTION DES ANEMIES<br />

NUTRITIONNELLES<br />

Omar Dary<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Deux approches principales sont utilisées pour contrôler<br />

les carences en micronutriments dans les populations:<br />

supplémentation et fortification alimentaire. Les suppléments<br />

sont très denses en vitamines et minéraux afin de<br />

fournir de gr<strong>and</strong>es quantités de nutriments en une ou<br />

quelques doses. Leur formulation peut être adaptée aux<br />

besoins d'un groupe de population spécifique. Ils sont<br />

conçus pour délivrer les quantités de micronutriments<br />

recomm<strong>and</strong>ées et éviter les interactions entre micronutriments<br />

et inhibiteurs de l'absorption. Leur consommation<br />

nécessite, cependant, une décision volontaire et éclairée,<br />

et les études montrent que son acceptation et la couverture<br />

de la population par la supplémentation sont faibles.<br />

Un aliment fortifié est un produit comestible fabriqué par<br />

l'industrie alimentaire avec une composition <strong>nutritionnelle</strong><br />

améliorée (ajout de vitamines et minéraux). La fortification<br />

alimentaire pourrait être considérée comme l’approche<br />

la plus favorable et la plus rentable si elle dispose<br />

du soutien des industriels. Néanmoins, même dans ces<br />

conditions, il y a beaucoup de facteurs susceptibles de<br />

limiter son utilisation potentielle et son efficacité.<br />

Il existe des directives de l’OMS pour la fortification alimentaire<br />

et celles-ci identifient trois approches:<br />

1. La fortification de masse – Addition de micronutriments<br />

aux aliments généralement consommés par<br />

la population générale. Fournit une meilleure couverture<br />

de la population, mais ne peut satisfaire que<br />

partiellement les besoins en micronutriments des<br />

sous-groupes à risque.<br />

2. La fortification ciblée – Elle se concentre sur la<br />

couverture spécifique des sous-groupes à risque.<br />

L’apport peut alors être suffisant pour satisfaire les<br />

besoins nutritionnels.<br />

3. La fortification en fonction du marché – Là où un<br />

fabricant alimentaire prend l’initiative de fortifier des<br />

produits afin d’augmenter ses ventes et ses profits.<br />

Permet une couverture très réduite dans les pays en<br />

développement.<br />

Il y a, de plus, un concept relativement nouveau, à savoir<br />

la fortification au niveau du ménage. Il s’agit de la consommation<br />

de suppléments alimentaires (habituellement<br />

sous forme de poudre) mélangés à la nourriture au cours<br />

des repas. Dans le cas de la fortification de masse, son<br />

principal avantage sur les autres interventions est qu'elle<br />

utilise déjà la distribution et les systèmes commerciaux<br />

existants et, par conséquent, le coût est fondamentalement<br />

restreint aux vitamines et minéraux ajoutés, ainsi<br />

qu’aux procédés de fortification.<br />

Contrôler l’anémie <strong>nutritionnelle</strong> dans le groupe cible des<br />

jeunes enfants de moins de 24 mois dem<strong>and</strong>e une attention<br />

et des produits spéciaux, tels que les aliments de complément<br />

(fortification ciblée) et les suppléments alimentaires<br />

spécifiques à l’âge. Mais un autre groupe important exige<br />

toute l’attention: les femmes en âge de procréer.<br />

Quelles sont les limitations possibles<br />

à la fortification de masse<br />

• La sélection du véhicule est un facteur extrêmement<br />

important à considérer. Le faible coût d’utilisation de<br />

la fortification de masse s’avère vrai dans un contexte<br />

industriel où l’aliment est produit par des centres de<br />

production officiels et centralisés.<br />

• Le facteur de dilution du fortifiant dans l’aliment doit<br />

être élevé,c-à-d. une petite quantité de fortifiants dans<br />

une gr<strong>and</strong>e quantité d’aliment.<br />

• L’augmentation du prix du produit due à la fortification<br />

devrait être minime, sinon il sera difficile d'obtenir<br />

l’acceptation du consommateur et d'établir une<br />

situation équitable parmi les producteurs.<br />

• La teneur en vitamines et en minéraux est déterminée<br />

à partir des individus qui consomment l’aliment en<br />

gr<strong>and</strong>e quantité, et donc l’apport supplémentaire<br />

en micronutriments donné aux individus les plus à<br />

risque, consommant fréquemment l’aliment en moins<br />

gr<strong>and</strong>e quantité, peut se révéler insuffisant si l’on<br />

n’utilise qu’un seul véhicule fortifié. Par conséquent,<br />

des mesures complémentaires peuvent aussi être<br />

nécessaires.<br />

• Des barrières technologiques peuvent limiter les<br />

niveaux et les formes de micronutriments à incorporer<br />

à des véhicules spécifiques, notamment en raison<br />

de changements organoleptiques indésirables. Il s’agit<br />

de la principale limitation à l’apport de quantités<br />

de fer suffisantes via les farines fortifiées.


48<br />

20 · Approches alimentaires<br />

Comment peut-on évaluer l'impact potentiel<br />

des interventions de fortification<br />

Les directives de l’OMS proposent des estimations des<br />

bénéfices potentiels à utiliser la proportion de la population<br />

située au-dessous et au-dessus des besoins moyens<br />

estimés (BME). Cependant, il est difficile d'estimer le<br />

profil de la distribution des BME dans les populations et<br />

il est donc suggéré qu'un calcul indirect des BME supplémentaires<br />

obtenus à partir des aliments fortifiées est<br />

valable. Comme norme, il est proposé qu’un aliment<br />

apportant au moins 20 % des BME pourrait être qualifié<br />

de bonne source et ceux en apportant 40 % comme excellente<br />

source. L'importance de la fortification de masse<br />

pourrait être estimée grâce au nombre absolu et relatif<br />

d'individus des groupes vulnérables atteignant ces catégories<br />

de BME.<br />

Quel est le rôle du contrôle<br />

et de la mise en application<br />

Le succès de toute intervention dépend d’abord de l'assurance<br />

que la(les) population(s) cible(s) reçoi(ven)t les<br />

micronutriments en quantité et qualité requises. Ceci<br />

rend essentielles les actions de contrôle et d'assurance<br />

qualité par les producteurs, ainsi que l’inspection et la<br />

mise en application par les autorités gouvernementales.<br />

Les valeurs de référence et les critères d’acceptation<br />

répondant à la réalité des programmes doivent être fixés,<br />

mais sont malheureusement fréquemment négligés dans<br />

l’organisation des programmes. Les micronutriments et<br />

les prémixes devraient être certifiés en termes de quantités<br />

et de qualité des micronutriments, d’innocuité microbiologique,<br />

et devraient être surveillés par les autorités<br />

gouvernementales.<br />

Quel est le message clé<br />

Les produits fortifiés ainsi que les suppléments<br />

alimentaires semblent être une voie raisonnable pour<br />

commencer à réduire l’anémie ferriprive dans les pays en<br />

développement. Cependant, le défi reste de s’assurer que<br />

de telles stratégies puissent être permanentes et viables.<br />

La fortification alimentaire doit relever plusieurs défis,<br />

mais ceux-ci peuvent être gagnés via la détermination de<br />

st<strong>and</strong>ards, le contrôle qualité, la certification, la surveillance<br />

et la mise en application par les gouvernements.<br />

LES FAITS:<br />

• Le coût total pour couvrir les besoins moyens estimés<br />

(BME) en la plupart des micronutriments (excepté<br />

en calcium et vitamine C) des femmes en âge de<br />

procréer se situe entre 0,25 et 1,00 $ US par an.<br />

• Dans la fortification de masse en condition réellement<br />

industrielle, approximativement 80−90 % du<br />

coût correspond à l’achat des micronutriments, à l'exception<br />

du riz pour lequel 50−90 % du coût est<br />

lié à la production de grains fortifiés.<br />

• Dans la supplémentation, le coût des micronutriments<br />

ne correspond qu’à 10−40 % du coût total. Cependant,<br />

la supplémentation exige un système de distribution,<br />

lequel est déjà en place dans la fortification de<br />

masse.<br />

• Le fer est un nutriment difficile à fournir via la fortification<br />

de masse, en particulier s’il s’agit de satisfaire<br />

les besoins des femmes en âge de procréer. Par<br />

conséquent, la fortification ciblée et la supplémentation<br />

préventive doivent être gardées à l'esprit pour la<br />

gestion complète des anémies <strong>nutritionnelle</strong>s.<br />

20<br />

APPROCHES ALIMENTAIRES<br />

DE LUTTE CONTRE LA CARENCE EN FER<br />

Brian Thompson<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

La carence en fer est un problème social et de santé<br />

publique, sérieux et rép<strong>and</strong>u. Bien que les taux de prévalence<br />

soient souvent plus élevés parmi les femmes et les<br />

enfants, la déficience en fer peut affecter la croissance, le<br />

développement et les performances de tous. L’échelle et<br />

l’ampleur du problème, combinés à l’impact fonctionnel<br />

qu’ont de telles déficiences sur la qualité de vie, du point<br />

de vue à la fois physiologique et socio-économique,<br />

nécessitent l'adoption urgente de mesures de contrôle<br />

connues et efficaces.<br />

Nous savons que, dans la majorité des cas, la cause principale<br />

de malnutrition en micronutriments est un apport<br />

alimentaire faible, à la fois en termes de quantité totale de<br />

nourriture consommée et de contribution d’aliments<br />

riches en micronutriments dans cette alimentation. Par<br />

conséquent, la FAO encourage un ensemble d’actions qui<br />

incitent une augmentation de l’apport, de l’accès et de la<br />

consommation d'une quantité, d’une qualité et d’une<br />

variété adéquates d’aliments, pour toutes les populations.<br />

Dans les pays en développement où les déficiences en<br />

micronutriments occupent une place prédominante dans<br />

un contexte d'insécurité alimentaire, couvrir les besoins<br />

totaux en énergie à partir d'une alimentation diversifiée et<br />

riche en micronutriments reste un défi majeur. Dans de<br />

tels cas, là où l'insécurité alimentaire est poussée par la


20 · Approches alimentaires 49<br />

pauvreté et le sous-développement agricole, la FAO concentre<br />

son soutien sur des stratégies basées sur l’alimentation,<br />

dont la diversification alimentaire et la fortification<br />

des aliments, visant à augmenter la disponibilité et la<br />

consommation d'une alimentation riche en micronutriments<br />

et <strong>nutritionnelle</strong>ment adéquate, constituée à partir<br />

d'une variété d’aliments disponibles, jusqu’à ceux dont la<br />

disponibilité est plus incertaine.<br />

De telles interventions, largement axées sur l’alimentation,<br />

ont tendance à être négligées en faveur de la<br />

fortification singulière et de programmes de supplémentation,<br />

intéressants par leur simplicité et leur rentabilité<br />

apparentes. En pratique, cependant, beaucoup de ces<br />

programmes s’avèrent difficile à gérer, plus cher que<br />

prévu pour être mis en oeuvre, et moins efficace que<br />

promis. Par conséquent, pour lutter contre les déficiences<br />

en fer et en d'autres micronutriments, nous avons besoin<br />

de nous assurer qu'une approche totalement exhaustive<br />

soit menée en attirant l’intérêt et le soutien du pays et<br />

des donateurs, et que la diversification alimentaire soit<br />

reconnue comme essentielle et ne soit pas laissée pour<br />

compte.<br />

Quelle est la direction à prendre<br />

La promotion de l'amélioration/diversification alimentaire,<br />

en plaçant au centre l’amélioration de l’apport en<br />

fer biodisponible, via une plus gr<strong>and</strong>e consommation de<br />

produits animaux et de fruits et légumes, notamment<br />

pour leurs apports en vitamine C, constitue l’intervention<br />

privilégiée, car elle peut mener à des améliorations viables,<br />

non seulement du statut en fer, mais aussi en d’autres<br />

micronutriments. Ni la supplémentation ni la fortification<br />

ne peuvent être efficaces à elle seule. Depuis que<br />

les approches alimentaires apportent de meilleures chances<br />

de réussite durable et d’application de gr<strong>and</strong>e envergure<br />

pour contrôler les déficiences en fer et en d'autres<br />

micronutriments, l’augmentation de la disponibilité et de<br />

la consommation d'une alimentation <strong>nutritionnelle</strong>ment<br />

adéquate doit être mise à l’ordre du jour des politiques de<br />

développement.<br />

Les déficiences en micronutriments doivent être prises en<br />

main en se concentrant sur un ensemble général de stratégies<br />

de renforcement mutuel incluant la diversification<br />

alimentaire, la fortification, la supplémentation, ainsi que<br />

des mesures de santé publique. Ces stratégies menées de<br />

front fournissent une couverture et un impact maximums,<br />

et cette approche complète doit être largement mise en<br />

œuvre, si l’on veut combattre et venir à bout de ce problème<br />

crucial.<br />

Littéralement tous les modèles alimentaires traditionnels<br />

peuvent satisfaire les besoins nutritionnels de la population.<br />

Cependant, une des principales causes d'anémie<br />

ferriprive dans les pays à faible revenu est la faible biodisponibilité<br />

du fer dans des régimes pauvres dont la<br />

base repose principalement sur les céréales et les tubercules,<br />

puisque ceux-ci contiennent de gr<strong>and</strong>es quantités<br />

d'inhibiteurs de l’absorption du fer. Ci-dessous se trouvent<br />

des actions pratiques et des interventions qui<br />

peuvent faciliter l'accès et la consommation d’une alimentation<br />

adéquate et nutritive, et donc augmenter<br />

la biodisponibilité du fer, notamment chez ceux pour<br />

qui la nourriture manque et chez les plus vulnérables<br />

aux déficiences:<br />

• Mettre en oeuvre un élevage commercial et la production<br />

de légumes et de fruits à gr<strong>and</strong>e échelle, pour<br />

fournir des aliments avec des micronutriments<br />

accessibles à prix raisonnables à tous les échelons<br />

de la population.<br />

• Stimuler le secteur agricole communautaire à petite<br />

échelle et encourager les sources alimentaires potentielles,<br />

parmi lesquels de nombreux légumes à<br />

feuilles et légumineuses contenant d’importantes<br />

quantités de fer, avec un intérêt spécial porté sur<br />

l’augmentation de la consommation de produits animaux<br />

ayant une biodisponibilité élevée du fer et<br />

contenant des composés riches en fer facilitant son<br />

absorption.<br />

• Augmenter la teneur en micronutriments des sols et<br />

des plantes pour améliorer la composition des aliments<br />

végétaux, et améliorer les pratiques agricoles<br />

pour augmenter les rendements.<br />

• Développer la sélection des cultures, via des modifications<br />

conventionnelles ou génétiques (biofortification),<br />

afin d’augmenter les teneurs en micronutriments<br />

des récoltes.<br />

• Introduire la diversification des cultures pour promouvoir<br />

des récoltes riches en micronutriments.<br />

• Discuter des règles qui interdisent le jardinage urbain<br />

ou qui réduisent la disponibilité ou la vente d’aliments<br />

frais par les vendeurs ambulants.<br />

• Examiner la rentabilité de la production, du traitement<br />

et de la vente des aliments riches en micronutriments.<br />

• Examiner les pratiques de traitement, de conservation<br />

et de préparation, qui réduisent les pertes, augmentent<br />

les composés alimentaires facilitant l’absorption et<br />

minimisent l'impact des inhibiteurs de l'absorption.<br />

• Faire des efforts d’éducation destinés à garantir une<br />

distribution appropriée de la nourriture au sein de la<br />

famille, étant donné les besoins des membres les<br />

plus vulnérables.


50<br />

21 · Perspectives globales<br />

• Développer des directives diététiques basées sur l’alimentation<br />

(Food Based Dietary Guidelines, FBDG)<br />

et des programmes publics d’éducation et de communication<br />

<strong>nutritionnelle</strong> pour provoquer des changements<br />

des comportements alimentaires.<br />

• Améliorer la qualité et la sécurité alimentaire, ainsi<br />

que fixer et mettre en vigueur des règles de contrôle<br />

qualité et d’hygiène.<br />

Quel est le message clé<br />

Les déficiences en micronutriments ne peuvent être<br />

vaincues qu’en menant une approche complète assurant<br />

que toutes les personnes ont accès et consomment des<br />

quantités adéquates d’aliments nutritifs. Ceci ne relèvera<br />

pas seulement le statut en fer, mais aussi les niveaux<br />

des autres micronutriments. La diversification et l’amélioration<br />

alimentaire constituent une part essentielle des<br />

stratégies alimentaires et une clé pour une réussite et un<br />

maintien à long terme des interventions visant l’anémie<br />

<strong>nutritionnelle</strong>. Cette approche est à relier au droit à la<br />

nourriture, une promesse dont l’accomplissement signifie<br />

que tout le monde doit pouvoir accéder à une alimentation<br />

variée, qui consiste en un ensemble d’aliments<br />

apportant toute l'énergie, ainsi que des macro et micronutriments<br />

en quantité suffisante, pour lui permettre d’être<br />

productif et en bonne santé.<br />

LES FAITS:<br />

• La sécurité alimentaire existe qu<strong>and</strong> tout le monde, à<br />

tout moment, dispose d’un accès physique, social<br />

et économique à des aliments nutritifs, sains et en<br />

quantité suffisante pour couvrir ses besoins et respecter<br />

ses préférences alimentaires, afin d’avoir une vie<br />

active et d’être en bonne santé.<br />

• Environ 854 millions de personnes ont faim, 20<br />

millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de<br />

malnutrition sévère et autour d’1 million d’enfants<br />

meurent chaque année des suites de la malnutrition.<br />

Plus de deux milliards de personnes - plus de 30 % de<br />

la population mondiale - est anémique.<br />

• L'Asie présente le nombre de cas d'anémie le plus<br />

élevé, t<strong>and</strong>is que l'Afrique possède les plus hauts<br />

taux de prévalence d'anémie chez les enfants d’âge<br />

préscolaire.<br />

• Les causes sous-jacentes de niveaux aussi élevés de<br />

malnutrition sont la pauvreté et le sous-développement<br />

agricole conduisant à l’insécurité alimentaire.<br />

Satisfaire les besoins énergétiques globaux et une<br />

diversité alimentaire constitue le défi majeur.<br />

• L’apport journalier recomm<strong>and</strong>é (AJR) en fer pour<br />

les hommes se situe entre 9 mg, dans les régimes avec<br />

une biodisponibilité du fer élevée, et 27 mg lorsque la<br />

biodisponibilité n’est que de 5 %. Chez les femmes<br />

avant la ménopause (âgées de 19 à 50 ans), l’AJR en<br />

fer est de 59 mg.<br />

• Les stratégies alimentaires, en augmentant la disponibilité<br />

et la consommation d’aliments riches en micronutriments<br />

et <strong>nutritionnelle</strong>ment adéquats, constituent des<br />

voies viables d'amélioration de la nutrition.<br />

• Le fer héminique des aliments issus de la chair<br />

animale (vi<strong>and</strong>e, volaille, poisson) est bien absorbé<br />

avec une absorption moyenne de 25 %, variant de<br />

40 % pendant une déficience en fer à 10 % lorsque<br />

les réserves en fer sont constituées.<br />

• Le fer non-héminique, présent dans les aliments d’origine<br />

végétale tels que les céréales, les légumes secs,<br />

les légumineuses, les graines, les noix et les légumes,<br />

ont un taux d'absorption de 2 à 10 % selon l’équilibre<br />

dans le repas entre inhibiteurs et facilitateurs de l'absorption<br />

du fer.<br />

• L’addition de légumes et de fruits contenant de l'acide<br />

ascorbique peut doubler ou tripler l'absorption du fer.<br />

Chaque repas devrait contenir de préférence au moins<br />

25 mg d'acide ascorbique.<br />

21<br />

PERSPECTIVES GLOBALES: ACCELERER<br />

LES PROGRES DE PREVENTION ET DE<br />

CONTROLE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE<br />

Ian Darnton-Hill, Neal Paragas<br />

et Tommaso Cavalli-Sforza<br />

Quel est le problème et que savons-nous<br />

Les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s, notamment l’anémie ferriprive,<br />

sont actuellement le plus gr<strong>and</strong> problème global de<br />

nutrition. Elles affectent principalement les femmes et<br />

les enfants, et ont un impact négatif significatif sur les<br />

chances de nombreuses nations d’améliorer leur développement<br />

économique et la santé de leur population.<br />

Malheureusement, dans la première décennie depuis que<br />

les Nations Unies se sont fixées comme objectif de<br />

réduire d’un tiers la carence en fer, aucun progrès n'a été<br />

réellement réalisé. Bien qu’il y ait peu de succès documentés<br />

concernant le traitement de ce problème à un<br />

niveau de santé publique dans les pays les moins riches,<br />

il y a de nombreuses années d'expériences via différents<br />

programmes et une vaste connaissance scientifique se<br />

trouve derrière la compréhension du complexe métabolisme<br />

du fer. De manière étonnante, beaucoup de choses


21 · Perspectives globales 51<br />

restent encore inconnues et de nouveaux aspects continuent<br />

à émerger de la recherche en cours.<br />

Les régimes alimentaires pauvres mènent à des niveaux<br />

élevés de carence en fer et en d’autres micronutriments et<br />

sont aggravés par des facteurs alimentaires inhibant, tels<br />

que les phytates, les fortes infestations par des parasites<br />

et des infections telles que le paludisme, ainsi que des<br />

facteurs socioculturels, dont la pauvreté et les différences<br />

homme/femme, chacun d’eux contribuant aux niveaux<br />

élevés d'anémie constatés dans les populations les plus<br />

pauvres.<br />

Comment le risque d'anémie est-il affecté par l’âge<br />

Les distributions normales d'hémoglobine varient en<br />

fonction de facteurs génétiques, de l’âge et du sexe, du<br />

stade de grossesse, de l’altitude et de la consommation de<br />

tabac. Ces variations affectent l'interprétation des valeurs<br />

d'hémoglobine et d'hématocrite. De plus, le risque d'anémie<br />

ferriprive varie tout au long du cycle de vie, avec<br />

plusieurs périodes de gr<strong>and</strong>e vulnérabilité. Cette variation<br />

est due aux changements des réserves ferriques, aux<br />

niveaux des apports et aux besoins liés à la croissance ou<br />

aux pertes en fer. Les groupes les plus vulnérables sont:<br />

• les enfants de 6 mois à 5 ans,<br />

• les femmes en âge de procréer,<br />

• les femmes enceintes,<br />

• les personnes âgées.<br />

Quelle est la raison clé de l'échec apparent<br />

de nombreux programmes visant à réduire<br />

la prévalence<br />

Une des raisons clés de l’échec des programmes est que<br />

beaucoup ont été conçus selon l’hypothèse que la seule<br />

cause d'anémie était la carence en fer. Mais, en réalité, il<br />

y a d’autres causes principales à <strong>l'anémie</strong>:<br />

• la déficience en fer alimentaire;<br />

• les maladies infectieuses comme le paludisme, les<br />

infections à ankylostomes, la schistosomiase, le<br />

VIH/sida, la tuberculose et d'autres maladies chroniques,<br />

dont presque toutes les maladies inflammatoires<br />

perdurant plusieurs mois et quelques malignités;<br />

• les déficiences en d'autres micronutriments clés<br />

dont les folates, la vitamine B 12 , la vitamine C, la vitamine<br />

A, les protéines, le cuivre et d'autres minéraux;<br />

• des facteurs héréditaires affectant les globules rouges,<br />

tels que la thalassémie;<br />

• une hémorragie aiguë sévère (telle que pouvant se<br />

produire à l'accouchement);<br />

• les pertes de sang chroniques (p.ex. dans l’ulcère<br />

gastroduodénal);<br />

• un traumatisme.<br />

Pour des programmes d'intervention efficaces et un<br />

contrôle adéquat de leur impact, la meilleure information<br />

est nécessaire, non seulement sur le statut en fer des<br />

populations, mais aussi sur les autres causes d'anémie.<br />

Même lorsque toutes les causes connues sont prises en<br />

considération, dans beaucoup de populations à haut risque,<br />

une gr<strong>and</strong>e proportion d'anémie reste inexpliquée.<br />

Pourquoi y a-t-il un manque d'information<br />

Une raison au manque d'informations sur les autres causes<br />

d'anémie est que seuls les dosages d’hémoglobine ou<br />

d'hématocrite peuvent être exécutés en routine sur le<br />

terrain, pendant que les multiples tests biochimiques plus<br />

précis sont en général menés uniquement dans les pays<br />

disposant des ressources adéquates, sous des conditions<br />

de recherche spécifiques. Des avancées en matière de<br />

méthodes de laboratoire à faible coût permettant la détermination<br />

des causes d'anémie, soit sur le terrain, soit plus<br />

tard en laboratoire, sans réfrigération des échantillons<br />

(tâches séchées), contribueraient gr<strong>and</strong>ement à une meilleure<br />

évaluation des causes d'anémie et permettraient<br />

des interventions plus appropriées.<br />

Quels rôles jouent les secteurs public<br />

et privé dans la prévention de l’anémie<br />

Une des principales contraintes dans la lutte contre l’anémie<br />

et les autres déficiences en micronutriments réside<br />

dans la propension des gouvernements (et des donateurs)<br />

à investir suffisamment pour améliorer l’alimentation et<br />

réduire les inégalités sociales, ce qui exige des investissements<br />

à long terme afin d’améliorer l’approvisionnement,<br />

la distribution et la consommation d’aliments<br />

d'origine animale et végétale, et nécessite de cibler<br />

ceux qui sont dans le plus gr<strong>and</strong> besoin. De plus, les<br />

systèmes de santé dans les pays les plus affectés<br />

manquent sérieusement de ressources. Ces facteurs<br />

impliquent des problèmes d'accès et de coûts apparentés,<br />

puisque les plus forts taux de dénutrition affectent habituellement<br />

les populations des régions rurales éloignées,<br />

et que ces individus n’occupent en général pas le premier<br />

plan des inquiétudes de la classe politique urbaine. Par<br />

conséquent, il est important de garder la dénutrition à<br />

l’ordre du jour de la planification nationale, afin de renforcer<br />

la responsabilité du gouvernement pour qu’il<br />

offre, à l’ensemble de son peuple, une bonne santé et un<br />

bon statut nutritionnel. Il s’agit d’un exercice complexe<br />

qui requiert la collaboration des différentes sphères de la<br />

société - gouvernement national, gouvernement local,<br />

secteurs privés de l’alimentaire et de la santé, médias,<br />

associations de consommateurs et organismes communautaires.


52<br />

21 · Perspectives globales<br />

Le rôle que les industries alimentaires et de santé peuvent<br />

jouer est crucial pour toutes les stratégies clés, depuis les<br />

efforts pour améliorer l’approvisionnement, la distribution<br />

et la consommation d'aliments animaux et végétaux,<br />

jusqu’à la fortification et la supplémentation. La réduction<br />

de <strong>l'anémie</strong> sera très probablement atteinte via une<br />

combinaison des trois principales approches (supplémentation,<br />

fortification et diversification alimentaire), tout<br />

en s’intéressant également à la réduction des inégalités<br />

sociales – étant donné que les anémies résultent le plus<br />

souvent de la pauvreté.<br />

Fortification des aliments: elle peut offrir une solution<br />

partielle de moyen à long terme et représente probablement<br />

l’approche la plus rentable. Cependant, elle exige<br />

que les producteurs alimentaires travaillent avec des<br />

fournisseurs de premix de micronutriments, et que les<br />

consommateurs et la communauté de santé publique<br />

encouragent le gouvernement à adopter une législation et<br />

une réglementation, ainsi qu’à engager une communication<br />

efficace sur l'importance de cette approche via les<br />

médias, afin que la population l’accepte. Il y a eu à la<br />

fois des succès et des échecs en fortifiant les aliments en<br />

fer, et les aliments fortifiés commercialement ne sont<br />

pas toujours disponibles ou accessibles aux personnes<br />

les plus à risque.<br />

Supplémentation: ces programmes devraient être appréhendés<br />

comme une occasion d'encourager de meilleures<br />

alimentations, du fait qu’ils représentent la méthode la<br />

moins durable pour gérer les déficiences, qu’elles soient<br />

dues à des apports alimentaires inadéquats et/ou à d'autres<br />

facteurs.<br />

Interventions basées sur l’alimentation: le rôle de ces<br />

interventions dans la gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

n'a pas été clairement élucidé, mais il existe quelques<br />

travaux intéressants dans cette voie. La disponibilité,<br />

l’accessibilité et les apports limités en aliments d’origine<br />

animale au niveau des ménages, ainsi que le manque<br />

de connaissances quant à leur importance dans l'alimentation<br />

et pour la santé, contribuent à des alimentations de<br />

faible qualité qui ont un profond impact sur<br />

les apports en micronutriments essentiels qui jouent un<br />

rôle dans le statut en fer.<br />

Dans de nombreux cas, les secteurs privés et non-gouvernementaux<br />

peuvent avoir de multiples avantages dans<br />

le lancement d’interventions de soins médicaux, en plus<br />

des faibles aides gouvernementales. Les gouvernements<br />

doivent être tenus responsables du bien-être des plus<br />

pauvres. Dans les pays où les deux secteurs ont œuvré<br />

ensemble avec les communautés, nous rencontrons les<br />

plus gr<strong>and</strong>es chances de succès.<br />

Quelles sont les leçons clés à retenir<br />

De façon générale, les contraintes identifiées et les facteurs<br />

facilitateurs dans la gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong><br />

peuvent être regroupés comme suit:<br />

• facteurs socioculturels (pauvreté, discrimination<br />

homme/femme);<br />

• facteurs de prise en charge (ciblage, approches de<br />

supplémentation, de fortification et basées sur l’alimentation);<br />

• systèmes (de santé, marketing du secteur privé,<br />

logistique);<br />

• utilisateurs (accessibilité, observance).<br />

Il semblerait que pour les interventions réussies, les<br />

principaux facteurs exigés sont une logistique améliorée,<br />

une meilleure observance et une participation des différentes<br />

parties prenantes. De plus, toute intervention doit<br />

être considérée comme une simple partie d'une stratégie<br />

globale. Les approches intégrées au niveau des communautés<br />

exigent des combinaisons d’interventions incluant<br />

des actions de vermifugation de masse, d’éducation sanitaire,<br />

d’amélioration de l’approvisionnement en eau et du<br />

système sanitaire, ainsi qu’une supplémentation multiple<br />

en micronutriments.<br />

S’ils sont délivrés sous forme de suppléments, par fortification<br />

ou par d'autres canaux, y compris des programmes<br />

de réduction de la pauvreté, le fer et les autres micronutriments<br />

pertinents doivent faire l’objet d’évaluations<br />

réalistes, en termes d’accessibilité et de disponibilité.<br />

Ceci peut inclure l’évaluation de la viabilité des systèmes<br />

de santé, de la faisabilité du marketing social et de la portée<br />

de l'éducation sanitaire.<br />

Quelle est la direction à suivre<br />

Un statut en fer adéquat est nécessaire à une bonne santé<br />

générale, en particulier chez les nouveaux-nés, les jeunes<br />

enfants et les femmes enceintes. Le consensus de<br />

Copenhague a attribué une forte rentabilité aux programmes<br />

axés sur le fer et les autres micronutriments. Il y a<br />

maintenant des preuves significatives que l’absence de<br />

gestion de la déficience en fer et des autres anémies<br />

coûtera, aux pays concernés, jusqu'à 2 % de PNB et<br />

altèrera le développement intellectuel de leurs enfants<br />

et la future productivité économique nationale.<br />

La santé internationale et les partenaires nationaux<br />

doivent s’appuyer fermement sur ces déclarations, afin<br />

que des mesures et des approches cohérentes se renfor-


22 · Conclusions et perspectives de recherche 53<br />

cent l'une l'autre et que les interventions bien organisées<br />

et bien menées deviennent une réalité.<br />

Quel est le message clé<br />

Les anémies <strong>nutritionnelle</strong>s constituent actuellement le<br />

plus vaste problème global dans le domaine de la nutrition.<br />

Une approche complète basée sur des interventions<br />

multiples est nécessaire pour obtenir une réussite viable<br />

et doit inclure une amélioration des conditions sociales<br />

par des mesures d’allégement de la pauvreté, ainsi<br />

qu’une augmentation du nombre de mesures directes de<br />

fortification, de supplémentation et de perfectionnement<br />

des soins médicaux. Néanmoins, les pays doivent entamer<br />

les interventions eux-mêmes et ne devraient pas<br />

attendre que tous les aspects d'un programme soient en<br />

place, puisque chaque intervention individuelle aura des<br />

effets et que le besoin d’action est gr<strong>and</strong>.<br />

LES FAITS:<br />

• 200 millions d’enfants de moins de 5 ans n’atteignent<br />

pas leur total développement cognitif et socio-affectif,<br />

du fait de la dénutrition, dont la déficience en fer,<br />

et d’une mauvaise stimulation.<br />

• Le poids global attribué à <strong>l'anémie</strong> ferriprive s’élève<br />

à 841 000 morts et 35 057 000 DALY.<br />

• On estime que la valeur médiane des pertes de productivité<br />

dues à la déficience en fer est d’environ<br />

4,00 $ US par personne ou 0,9 % du PIB.<br />

• Il a été calculé que la productivité des ouvriers<br />

agricoles adultes anémiques, ou autres travailleurs<br />

manuels de force, était réduite de 1,5 % pour chaque<br />

1 % de baisse de leur concentration en hémoglobine<br />

au-dessous du seuil fixé pour une santé normale.<br />

• On estime que l'élimination de l’anémie sévère durant<br />

la grossesse réduit potentiellement de 13 % le poids<br />

de la maladie chez la mère.<br />

• On s’attend à ce que 2,5 % de toute population<br />

moyenne tombe en-dessous de la limite fixée par<br />

l’OMS pour le fer. Par conséquent, <strong>l'anémie</strong> ferriprive<br />

est considérée comme un problème de santé publique<br />

lorsque la prévalence des faibles concentrations en<br />

hémoglobine dépasse 5 % de la population.<br />

• L'anémie sévère durant la grossesse est définie par<br />

un taux d’hémoglobine inférieur à 70 g/L et requiert<br />

un traitement médical.<br />

• L'anémie très sévère est définie par un taux d’hémoglobine<br />

inférieur à 40 g/L et constitue une urgence<br />

médicale.<br />

• Les évaluations suggèrent que fortifier la farine avec du<br />

fer peut permettre d’augmenter de 5 % le Q.I. national,<br />

d’augmenter de 2 % le PIB national et d’éliminer<br />

60 000 décès de femmes enceintes chaque année.<br />

• Fortifier avec de l'acide folique peut réduire significativement<br />

les 200 000 cas de défauts du tube neural<br />

répertoriés chaque année chez les nouveaux-nés.<br />

22<br />

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES<br />

DE RECHERCHE<br />

Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham<br />

Introduction<br />

Il est peu probable d’atteindre l’objectif des Nations<br />

Unies de réduire d’un tiers la prévalence de l’anémie<br />

d’ici 2010. L'anémie <strong>nutritionnelle</strong> reste commune dans<br />

beaucoup de pays du monde et son éradication via des<br />

interventions efficaces doit être une priorité en termes<br />

d’attention et d’actions. L'anémie altère la croissance et<br />

le développement individuels, ainsi que le développement<br />

socio-économique, familial, communautaire et<br />

national. Malheureusement, sur les dernières décennies,<br />

peu de réussites ont été documentées concernant le traitement<br />

du problème à un niveau de santé publique, bien<br />

qu'il y ait maintenant une gr<strong>and</strong>e somme d'expériences<br />

par programme, ainsi qu’une vaste quantité croissante de<br />

données scientifiques et de nouvelles informations sur le<br />

métabolisme du fer et le rôle des autres éléments nutritifs<br />

dans l’étiologie de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>. Cependant,<br />

beaucoup de choses sont encore inconnues et nombre de<br />

nouvelles zones nécessitant l’attention et l’intérêt de la<br />

recherche continuent à émerger.<br />

Ce dernier chapitre vise à résumer quelques-unes des<br />

conclusions sorties des chapitres précédents, à attirer l'attention<br />

sur l’ampleur inchangée du problème et les implications<br />

économiques qui en résultent, et à déterminer<br />

les points cruciaux pour aller de l’avant dans la<br />

gestion de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>; et ce, en spécifiant<br />

les facteurs critiques pour les futures recherches sur les<br />

micronutriments et en identifiant les composantes clés,<br />

gages du réel fonctionnement des programmes et des<br />

interventions.<br />

Dimension du problème<br />

Précédemment, les estimations globales de la prévalence<br />

d'anémie n'incluaient pas de données nationales représentatives<br />

pour la Chine, qui représente environ 20 % de<br />

la population mondiale. Dans cet ouvrage, de nouvelles<br />

estimations globales sur la prévalence d’anémie chez les


54<br />

22 · Conclusions et perspectives de recherche<br />

enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes ou non<br />

ont été publiées, compilées par l’Organisation Mondiale<br />

de la Santé (OMS) dans le cadre de son système d’informations<br />

sur la nutrition minérale et vitaminique (Vitamin<br />

<strong>and</strong> Mineral Nutrition Information System, VMNIS).<br />

Les études prises en compte dans la base de données ont<br />

permis d’évaluer l’anémie en mesurant l’hémoglobine<br />

via la méthodologie st<strong>and</strong>ard et en excluant celles qui utilisaient<br />

les signes cliniques pour confirmer la prévalence<br />

d’anémie. Uniquement les données représentatives des<br />

pays ont été incluses dans l'analyse et ajustées en fonction<br />

des seuils fixés par l’OMS (Hb < 110 g/L pour les<br />

enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes et<br />

Hb < 120 g/L pour les femmes hors grossesse). Pour les<br />

enfants d’âge préscolaire et les femmes, les études nationales<br />

couvrent une large proportion de la population et<br />

les données indiquent un lourd poids global de <strong>l'anémie</strong>,<br />

bien que la proportion d'anémie sévère reste encore<br />

inconnue. L'analyse suggère que pratiquement 50 % des<br />

enfants d’âge préscolaire sont affectés dans le monde, les<br />

taux les plus élevés se trouvant en Afrique (64,6 %) et en<br />

Asie (47,7 %). Ce chiffre correspond à près de 300<br />

millions d’enfants de moins de cinq ans. La prévalence<br />

de <strong>l'anémie</strong> est de 41,8 % chez les femmes enceintes et de<br />

30,2 % chez celles non enceintes. Globalement, 818<br />

millions de femmes (enceintes ou non) et d’enfants de<br />

moins de cinq ans sont affectés par l’anémie. Les études<br />

concernant l’Asie du Sud indiquent des valeurs de prévalence<br />

beaucoup plus élevées chez les femmes enceintes<br />

et les adolescentes.<br />

Quatre messages clés peuvent être retenus de l'analyse:<br />

1. Un nombre plus élevé de pays devrait évaluer plus<br />

précisément la prévalence d'anémie au niveau national<br />

et également déterminer le degré de sévérité de<br />

<strong>l'anémie</strong>.<br />

2. Les pays devraient évaluer plus en détail la carence<br />

en fer, puisque que l’on ne connaît pas encore les<br />

parts d'anémie imputables à la déficience en fer et aux<br />

autres causes. Il est important de distinguer l’anémie<br />

due à des causes <strong>nutritionnelle</strong>s, de l’anémie conséquente<br />

à des infections endémiques chroniques (p.ex.<br />

paludisme, infections par des helminthes, VIH/sida).<br />

3. L'inflammation subclinique peut être très courante<br />

chez des personnes apparemment saines, et peut<br />

mener à une mauvaise classification de <strong>l'anémie</strong>.<br />

4. Une évaluation plus comparative des avantages et des<br />

inconvénients des méthodes actuellement disponibles<br />

pour la mesure du statut en fer (ferritine, sTfR et<br />

indicateurs d'infection/d’inflammation) est requise,<br />

en plus de la réduction des coûts de ces analyses, tout<br />

en maintenant leur précision.<br />

Fragilité et fatigue ont longtemps été associées uniquement<br />

à l’anémie ferriprive. Des travaux de recherche<br />

récents pointent cependant des conséquences fonctionnelles<br />

avant même le début des manifestations cliniques de<br />

<strong>l'anémie</strong>. Les études longitudinales indiquent qu’une<br />

déficience chronique en fer durant l’enfance retarde de<br />

manière permanente les développements cognitifs,<br />

moteurs, et socio-affectifs. Il s’agit d’une problématique<br />

particulièrement grave étant donné que plus de 200<br />

millions d’enfants de moins de cinq ans, vivant principalement<br />

en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, n’atteignent<br />

pas leur plein potentiel de développement cognitif<br />

et socio-affectif du fait de la malnutrition, comprenant<br />

les déficiences en fer et en iode, et d’une mauvaise stimulation.<br />

Ces enfants échoueront probablement à l’école,<br />

passeront à côté de leur possibilité de revenus et<br />

resteront donc dans le piège de la pauvreté. Il existe un<br />

consensus partagé par de nombreux scientifiques internationaux,<br />

au sein des universités ou des agences des<br />

NU, selon lequel une priorité nationale et globale devrait<br />

être donnée à la prévention de l’anémie, même légère,<br />

chez les nouveaux-nés et les jeunes enfants, du fait du<br />

risque d’altération de leur développement intellectuel.<br />

Le fait que, chez les enfants allaités, environ 50 % seulement<br />

de leurs besoins en fer puissent être couverts par le<br />

lait maternel pendant les six premiers mois, indiquant un<br />

besoin de supplémentation précoce chez tous les enfants,<br />

constitue également une préoccupation majeure.<br />

Dans le passé, le traitement des vastes conséquences de<br />

la carence en fer et de <strong>l'anémie</strong> se concentrait sur le problème<br />

médical, plutôt que sur les répercussions mentales<br />

et économiques. Le gain économique de la réduction de<br />

toute déficience en micronutriment vient à la fois de la<br />

réduction des coûts et de l’augmentation de la productivité.<br />

Ceci comprend une mortalité, une morbidité et des<br />

coûts de soins médicaux réduits, une productivité améliorée,<br />

ainsi que des avantages intergénérationnels au travers<br />

d’une meilleure santé globale. Il est clair que <strong>l'anémie</strong>,<br />

à tous les stades du cycle de vie, est associée à un<br />

poids significatif pour la santé et peut engendrer un fort<br />

impact négatif sur la productivité et donc également une<br />

perte de revenus et de produit intérieur brut (PIB); les<br />

estimations actuelles font état de pertes de plus de<br />

50 milliards $ US. La perte totale par personne due à des<br />

déficits physiques et cognitifs s’élève à des milliards par<br />

an, avec une différence significative qu<strong>and</strong> on la compare<br />

aux modestes coûts de diminution de l’anémie <strong>nutritionnelle</strong>.<br />

Nous avons tiré cinq conclusions clés de l'analyse:<br />

1. Les interventions basées sur le fer chez les adultes ont


22 · Conclusions et perspectives de recherche 55<br />

montré leurs impacts positifs sur la productivité,<br />

d’environ 5 % pour les travaux manuels légers et<br />

jusqu’à 17 % pour les travaux plus lourds.<br />

2. On peut en déduire que <strong>l'anémie</strong> réduit potentiellement<br />

les salaires à l’âge adulte (du fait de ses effets<br />

cognitifs) de 2,5 %.<br />

3. La fortification en fer est l’une des interventions de<br />

santé publique les plus intéressantes, en termes d’années<br />

de vie corrigées du facteur d’invalidité (DALY)<br />

épargnées ou de rapport coûts-bénéfices. Le coût par<br />

personne et par an de la fortification se situe entre<br />

0,10$ et 1,00 $ avec un rapport coûts-bénéfices de 1:6<br />

(bénéfices physiques des adultes) ou allant jusqu’à<br />

1:9 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés des<br />

enfants).<br />

4. Les coûts par personne de la supplémentation sont<br />

de 2,0 à 5,00 $, mais sont cinq fois plus chers que la<br />

fortification en termes de DALY, et on note que les<br />

résultats des programmes à gr<strong>and</strong>e échelle ont été<br />

décevants.<br />

5. Des recherches supplémentaires doivent être menées<br />

d'urgence, afin de quantifier la perte économique due<br />

au retard mental imputable à l’anémie ferriprive.<br />

Points critiques des recherches sur <strong>l'anémie</strong><br />

en rapport avec les micronutriments<br />

Il n'y a aucune solution facile pour vaincre le fléau que<br />

représente <strong>l'anémie</strong>. L'étiologie de <strong>l'anémie</strong> est complexe<br />

et multifactorielle et il semble que de multiples micronutriments<br />

(vitamines et minéraux) aient un rôle clair dans<br />

la prévention de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>, ainsi que dans<br />

l’amélioration globale de la nutrition et de la santé. Le<br />

défi est de créer des combinaisons optimales de micronutriments<br />

qui fonctionneront mieux ensemble et agiront en<br />

synergie. Aucune intervention unique ne parviendra à<br />

renverser ou à prévenir l’anémie dans une population.<br />

Cependant, il existe encore peu d'informations scientifiques<br />

concernant l’utilisation de multiples micronutriments<br />

dans la prévention de <strong>l'anémie</strong> <strong>nutritionnelle</strong>. De<br />

plus, les conclusions des premières études cliniques restent<br />

controversées et certaines nécessitent d’être interprétées<br />

avec prudence.<br />

Plusieurs facteurs doivent être considérés lorsque l’on<br />

organise des études en vue de futures interventions avec<br />

des aliments fortifiés ou des suppléments dans des populations<br />

avec des statuts nutritionnels et des états de santé<br />

altérés:<br />

1. Les facteurs nutritionnels<br />

L'impact de l'alimentation habituelle, dont les compositions<br />

en micro et macronutriments, devrait être<br />

évalué en priorité. Une alimentation de faible qualité,<br />

souvent due à des apports limités en aliments d’origine<br />

animale, mais également en fruits et légumes, est<br />

une des principales causes de déficiences multiples<br />

en micronutriments se produisant de manière cumulative<br />

et non isolée. En outre, la faible biodisponibilité<br />

des nutriments dans des régimes riches en aliments<br />

d’origine végétale contenant des composants, tels que<br />

les phytates et les polyphénols, limite l'absorption du<br />

fer et des autres oligoéléments.<br />

2. L’environnement sanitaire et les facteurs<br />

non nutritionnels<br />

Les maladies infectieuses telles que le paludisme, la<br />

tuberculose, le VIH/sida, les infections parasitaires et<br />

certaines inflammations chroniques, constituent d'autres<br />

facteurs contribuant à l’anémie et affaiblissant<br />

l’état nutritionnel et de santé. Par conséquent, il est<br />

important de prendre en compte l'environnement<br />

sanitaire global et de contrôler et/ou traiter toute<br />

maladie sous-jacente. Il est nécessaire qu’une approche<br />

d'interventions intégrées considère chaque<br />

groupe de population dans son contexte épidémiologique,<br />

socio-économique et culturel.<br />

3. La population ciblée<br />

Les segments de population les plus vulnérables sont<br />

les femmes enceintes et allaitantes, les nouveaux-nés,<br />

les jeunes enfants et les adolescentes. L'enfance est<br />

la tranche d'âge dans laquelle les déficiences en<br />

micronutriments commencent et progressent avec des<br />

conséquences potentiellement sévères pour la vie<br />

future, cependant une nutrition pauvre peut débuter in<br />

utero. Ainsi, une nutrition et un état de santé adéquats<br />

devraient constituer de fortes priorités pendant la<br />

grossesse et l’enfance. Le message est clair: une<br />

approche du cycle de vie prenant en compte les divers<br />

besoins des différentes populations ciblées est indispensable.<br />

4. Les apports recomm<strong>and</strong>és et la composition en<br />

micronutriments<br />

La dose optimale et la composition en micronutriments<br />

utiles à des interventions efficaces sont encore<br />

inconnues. Les risques potentiels d'interactions doivent<br />

être pris en compte lorsque les programmes de<br />

fortification des aliments ou de supplémentation sont<br />

entamés, notamment lorsqu’ils sont dirigés vers des<br />

groupes de population ayant un statut nutritionnel<br />

généralement faible. Les interactions entre plusieurs<br />

micronutriments (p.ex. fer, zinc, et autres minéraux,<br />

et facteurs antinutritionnels inhibant l’absorption du


56<br />

22 · Conclusions et perspectives de recherche<br />

fer) semblent être particulièrement importantes.<br />

Différentes combinaisons et doses, ainsi que de<br />

nouvelles formes d’administration des micronutriments,<br />

nécessitent encore d’être testées.<br />

5. La distribution via le système de santé<br />

Il est également important de prendre en considération<br />

les programmes de prévention existants, tels<br />

que les supplémentations avec de fortes doses de<br />

vitamine A, ou de fer et d’acide folique, et le<br />

contrôle des maladies parasitaires et du paludisme.<br />

Ces programmes doivent être intégrés et menés<br />

avec soin via de nouveaux essais cliniques.<br />

6. La durée<br />

Les résultats à long terme et l'efficacité ne sont<br />

cependant pas totalement définis en matière de nutrition,<br />

santé et bien-être général et devraient devenir<br />

prioritaires. Les points finaux des études à court et<br />

long termes varient significativement. Les résultats<br />

fonctionnels, comme l’identification de bons indicateurs<br />

des effets, sont nécessaires et devraient être<br />

définis comme finalités des études.<br />

Monter des programmes et des<br />

interventions qui marchent<br />

La connaissance scientifique concernant les interventions<br />

s’est étendue au delà du fer et un ensemble d'autres<br />

nutriments (tels que la vitamine A et de multiples micronutriments),<br />

de même que les maladies infectieuses et les<br />

infestations parasitaires, sont maintenant pris en compte.<br />

De plus, il est désormais reconnu que les interventions ne<br />

prennent pas toujours la tournure que l’on espérait, considérant,<br />

par exemple, les résultats montrant de possibles<br />

effets négatifs dans les régions endémiques au paludisme.<br />

Par ailleurs, il apparaît que les stratégies alimentaires,<br />

telles que la biofortification et la diversification<br />

alimentaire, sont également importantes. Il semblerait<br />

que, bien qu’un angle spécifique soit souvent privilégié<br />

ou une approche recomm<strong>and</strong>ée, le message clé devrait<br />

être que toutes les causes et les approches d’interventions<br />

admises et documentées doivent fonctionner ensemble,<br />

et que la supplémentation, la fortification (aliments et<br />

maison), la biofortification, les approches alimentaires,<br />

ainsi que les mesures de santé publique, doivent être<br />

appréhendées et pratiquées ensemble car elles sont complémentaires<br />

les unes aux autres. Pour le succès et la viabilité<br />

à long terme des programmes de contrôle de <strong>l'anémie</strong><br />

<strong>nutritionnelle</strong>, tous les facteurs et toutes les options<br />

doivent être regardés dans leur ensemble et ajustés, afin<br />

de s’adapter aux conditions locales et aux besoins spécifiques.<br />

Le contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive est différent de<br />

celui des autres déficiences connues, telles que les TCVA<br />

ou TDI, pour lesquelles les approches type 'balle orientée',<br />

respectivement avec des capsules ou une fortification,<br />

semblent fonctionner.<br />

Une statistique grave: en 2000, le nombre de suppléments<br />

de fer fournis par l’UNICEF aux pays en développement<br />

n’a permis de couvrir que 3 % de toutes les femmes<br />

enceintes dans ces pays - avant même de considérer<br />

l’observance. Le fait que les composantes opérationnelles<br />

du contrôle de <strong>l'anémie</strong> ferriprive sont bien moins<br />

développées que les efforts de recherche et développement,<br />

et que, en général, ni l'un ni l'autre de ces aspects<br />

ne sont liés à la communication, ce qui inclut le soutien<br />

politique, le financement, l’encouragement de l’acceptation<br />

de meilleures pratiques <strong>nutritionnelle</strong>s, l’éducation<br />

sanitaire et la promotion de la santé, pointe un obstacle<br />

majeur à atteindre les objectifs globaux. En réalité, le<br />

plus gr<strong>and</strong> défi ne se trouve probablement pas dans le<br />

besoin de recherches scientifiques supplémentaires, bien<br />

qu'il y ait encore beaucoup de questions sans réponse et<br />

de place pour des axes nouveaux ou renouvelés, mais<br />

plutôt dans le besoin de communication et d’interprétation<br />

des conclusions et des exceptions de la recherche,<br />

afin d’affiner les programmes.<br />

La communication de soutien doit se concentrer sur les<br />

avantages au cours du cycle de vie et sur l'impact associé<br />

des interventions sur l’amélioration de la productivité qui<br />

mènent, au final, à une poussée économique, à la fois des<br />

individus et des pays. Il y a deux moyens clés pour mobiliser<br />

l'action auprès des divers secteurs, en vue d’éradiquer<br />

la carence en fer et l’anémie: insister sur le fait que<br />

les dommages causés au développement intellectuel du<br />

fait de la déficience en fer dans la petite enfance sont irréversibles<br />

dans la vie future et quantifier la perte de PIB<br />

lorsque la carence en fer n’est pas traitée. Nous avons<br />

besoin de ponts efficaces entre science et technologie,<br />

entre fournisseurs de services et politiques et aussi décideurs<br />

financiers. Le problème n'est pas le manque de<br />

connaissances pour trouver des solutions sur mesure,<br />

mais plutôt un manque d’engagements politiques et<br />

financiers clairs pour entreprendre des interventions<br />

adaptées à l’ampleur du problème. Le problème est clairement<br />

décrit. Il reste à accepter le défi et à accélérer l'action.


SIGHT AND<br />

LIFE<br />

BP 211616<br />

4002<br />

Bâle<br />

Suisse<br />

www. w.sight<strong>and</strong>life.org<br />

Le but<br />

de ce guide<br />

est de vous<br />

donnerner un résumé complet<br />

concernant les questions<br />

clés, en partant<br />

des<br />

données<br />

de prévalence<br />

et des<br />

statistiques,<br />

jusqu’à<br />

l’économie, en passantsant par le diagnostic, les consé-<br />

quences<br />

fonctionnelleses et les informations de base<br />

sur<br />

chacun<br />

des micronutriments<br />

supposés<br />

être<br />

impliqués,<br />

directementent ou indirectement,<br />

dans <strong>l'anémie</strong>.<br />

Ce guide ne contient<br />

pas toutete l'information et ne<br />

donne<br />

pas toutes<br />

les<br />

réponses,<br />

mais<br />

son intentionntion est<br />

de délivrer une vue d'ensemble<br />

des dernières<br />

avan-<br />

cées scientifiques<br />

et des défis<br />

auxquels<br />

le monde<br />

a à<br />

faire face, t<strong>and</strong>is<br />

que nous organisons, effectuons et<br />

dirigeons<br />

des interventions, afin<br />

de régler ce qui est<br />

indubitablementent le plus gr<strong>and</strong> problème<br />

nutritionnel<br />

actuel.<br />

ISBN<br />

3-906412-46-6

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