Traits d'agences - Fnau
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Campagnes urbaines DOSSIER<br />
ENJEUX DE SOLIDARITÉ ENTRE<br />
LES ESPACES MÉTROPOLITAINS<br />
ET LEUR HINTERLAND<br />
Par Olivier PORTIER, analyste territorial, cabinet OPC<br />
Si incontestablement le processus de métropolisation se caractérise par un mouvement continu<br />
de polarisation des facteurs de production dans les grandes agglomérations, nous avons très<br />
largement tendance à oublier que ces dernières jouent également un rôle pivot dans le système<br />
de redistribution de richesses entre nos territoires.<br />
Les espaces métropolitains, machines<br />
à produire mais aussi à redistribuer la<br />
richesse<br />
Les espaces métropolitains constituent la<br />
clef de voûte du système de redistribution<br />
inter-territoriale de richesses. Illustrons cette<br />
idée à partir des seuls transferts de richesses<br />
se développant en raison de la dissociation<br />
croissante entre lieu de production et<br />
de résidence. Effectivement, les migrations<br />
domicile-travail sont à l'origine de puissants<br />
transferts de richesses des lieux de production<br />
vers les lieux de vie. Or s'il est fréquent<br />
d'entendre les élus locaux se féliciter<br />
que leur territoire assure un rôle de pôle<br />
d'activité, ils oublient généralement qu'assumer<br />
cette fonction peut se payer lourdement.<br />
Le cas le plus exemplaire est celui de<br />
la Communauté d’agglomération Seine-<br />
Défense, dans les Hauts-de-Seine. Principal<br />
pôle de production de richesses de notre<br />
pays, cette dernière subit une évasion de sa<br />
richesse produite de plus 5,9 milliards d'euros<br />
en attirant sur son périmètre des actifs<br />
de toute l'Ile- de-France et d'ailleurs.<br />
A contrario, elle ne capte « que » 1,2 milliard<br />
d'euros en envoyant ses actifs travailler<br />
ailleurs. Elle présente ainsi un solde<br />
négatif de - 4,6 milliards d'euros… Les<br />
espaces métropolitains ne sont donc pas<br />
nécessairement des ogres qui phagocytent<br />
et assèchent leur hinterland.<br />
Notamment parce que l'essentiel de ces<br />
transferts privés horizontaux s'organisent<br />
très majoritairement dans une logique de<br />
proximité. Par exemple, sur les 1,9 milliard<br />
d'euros que redistribue le territoire du Pôle<br />
métropolitain du Sillon Alpin, 1,4 milliard<br />
(soit 77,2 %) le sont en direction des communes<br />
situées à moins de 10 km.<br />
Les espaces métropolitains sont aussi<br />
des pôles de consommation<br />
Faut-il du coup inverser les termes de la<br />
réflexion et considérer que les territoires<br />
métropolitains se font parasiter<br />
par leur hinterland <br />
Evidemment non. Nous sommes<br />
ici dans un schéma résolument<br />
d'interdépendance, certes<br />
plus ou moins symétrique,<br />
mais non plus de stricte dépendance.<br />
Car la métropole a elle<br />
aussi besoin de son hinterland.<br />
Notamment parce que des<br />
mécanismes compensatoires<br />
largement ignorés se mettent<br />
en ordre de marche via les pratiques<br />
de consommation des<br />
habitants des périphéries.<br />
Les espaces métropolitains<br />
demeurent effectivement des<br />
pôles de consommation très<br />
attractifs à la fois pour leur<br />
population et pour celle de leur<br />
hinterland. Le processus de<br />
solidarité territoriale lié aux pratiques<br />
pendulaires s'inverse ici.<br />
La richesse afflue, sous la forme de dépenses<br />
de consommation, des périphéries en<br />
direction du centre. C'est en quelque sorte<br />
un retour à l'envoyeur.<br />
Une partie de la richesse qui a pu s'évader<br />
du pôle de production y est réinjectée<br />
sous une autre forme. Ce mécanisme<br />
est absolument central car la consommation,<br />
grande oubliée des politiques publiques<br />
locales et des analystes du développement<br />
territorial, contribue largement à<br />
la dynamique de l'emploi sur les territoires<br />
(plus de 65 % de leurs emplois en<br />
moyenne dépendent de la propension<br />
locale à consommer) et participe fortement<br />
à leur dynamique de développement.<br />
Un équilibre entre les métropoles et<br />
leurs hinterlands est à trouver<br />
Ces éléments ne constituent en aucun cas<br />
un plaidoyer inconditionnel pour la métropole<br />
mais un encouragement, d'une part,<br />
Les dynamiques de coopération métropolitaine du Sillon alpin.<br />
à reconsidérer les rapports qu'entretiennent,<br />
pour le dire vite, centre et périphérie<br />
et, d'autre part, à intégrer la question<br />
de la consommation dans le cadre de<br />
réflexion des acteurs publics locaux. La<br />
logique d'opposition qui prédomine encore<br />
aujourd'hui dans notre façon d'appréhender<br />
ces espaces demeure largement<br />
dépassée. Ils forment en effet de véritables<br />
systèmes. L’essentiel est donc de<br />
savoir comment arriver à équilibrer le fonctionnement<br />
du système, bien plus que<br />
de chercher à développer l'une de ses composantes<br />
au détriment de l'autre. A plus<br />
forte raison que l’optimisation des rapports<br />
de contigüité des métropoles françaises<br />
avec leur hinterland améliorera leur<br />
intégration dans l’espace discontinu et<br />
dominé par la connexité de la mondialisation,<br />
et favorisera du même coup l’essor<br />
de ces derniers.<br />
© AURG<br />
été 2013 traits d’agences 9