Télécharger - Médecins du Monde

Pourquoi Médecins du Monde demande la suppression de l’obligation de domiciliation
Avant la mise en place de la CMU en 2000, les difficultés d’accès aux soins des personnes à très bas revenus étaient telles
que l’obstacle de la domiciliation apparaissait moins clairement, perdu au milieu des autres difficultés (obtenir bon par bon
le droit à une consultation médicale…).
De plus, l’aide médicale départementale était gérée par les conseils généraux et il était donc clair qu’il fallait savoir lequel
devait prendre à sa charge le coût de la prestation.
Lors de la préparation de la loi CMU, les associations ont manqué de vigilance sur ce point : nous n’avons alors pas remis
en cause le système même de la domiciliation comme s’il faisait partie de notre quotidien pour toujours.
En fait, dès les premiers mois d’application de la CMU, nous l’avons regretté. Le dispositif CMU comme AME étant désormais
national, il n’y avait plus de raison de déterminer le lieu de résidence pour obtenir l’accès aux soins.
Nous avons alors, année après année, analysé quelles étaient les principales difficultés dans l’accès aux soins des personnes
vivant dans la précarité.
L’obstacle de la domiciliation, loin de régresser, est en constante augmentation ces dernières années et constitue de loin le
premier frein à l’accès aux soins (tableau 26).
Tableau 26 : Evolution de la proportion de patients ayant besoin d’une domiciliation et de patients sans domiciliation entre 2000 et
2005 le jour de la première consultation à Médecins du Monde
2000 2001 2002 2003 2004 2005
% % % % % %
Besoin d’une domiciliation 40.6 33.5 30.0 35.0 46.0 50.4
N’ont pas obtenu de domiciliation 45.3 49.5 55.0 57.3 68.0 75.6
NOMBRE TOTAL DE PATIENTS 27 227 25 627 24 682 19 863 20 641 22 099
C’est ainsi que nous notons une progression constante du nombre de personnes qui ne peuvent pas même demander la
CMU ou l’AME du simple fait de la domiciliation.
L’accès aux soins doit primer sur une mesure administrative et ce n’est pas le cas.
L’expérience montre plusieurs cas :
1) la personne n’a effectivement aucun domicile : elle n’a aucune preuve de domicile ; elle a toutefois besoin
de recevoir son courrier
2) la personne squatte et n’a donc aucune preuve de son domicile
3) la personne est hébergée et les hébergeants ne veulent ou ne peuvent pas lui donner une attestation d’hébergement
: elle a besoin d’une domiciliation
Dans le cas où les personnes sont hébergées par des tiers, elles ne peuvent pas risquer de se retrouver à la rue en donnant
leur adresse d’hébergement contre la volonté de l’hébergeant.
Cela est d’autant plus vrai que les hébergeants risquent des problèmes avec la justice s’ils hébergent des personnes sans
titre de séjour (voir les arrestations de personnes à Calais qui avaient hébergé des migrants).
Par ailleurs, la domiciliation systématique dans les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), prévue par la loi, n’a jamais
été effective. Les CCAS dépendent des Mairies. Les Maires peuvent demander à leur CCAS de n’accepter que certaines personnes
et donc de demander des preuves de résidence sur leur territoire communal (comme c’est déjà le cas souvent).
Et on revient au premier problème : les personnes ayant besoin de domiciliation n’ont pas de preuve de leur domicile.
Notre équipe de Saint-Denis a mené une enquête auprès des CCAS du département de la Seine Saint-Denis. Elle
montre que fin 2005, seuls 7 CCAS sur les 25 du département font des domiciliations :
- Aubervilliers pour les personnes suivies par le CCAS
- Bagnolet pour les personnes ayant habité la commune
- La Courneuve
- Les Lilas si les personnes ont un lien avec la ville
- Livry-Gargan si les personnes y ont une adresse
- St Ouen
- Stains
039