Télécharger - Médecins du Monde
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pronostic à court et moyen termes. Nous avons dû parfois, face à la gravité de l’état d’un patient, organiser son transport<br />
vers l’hôpital soit en l’accompagnant, soit après avoir fait appel aux pompiers.<br />
Lors de ces tournées, beaucoup de soins infirmiers sont réalisés (nous ne les avons pas comptabilisés).<br />
Toutes ces personnes sont dans des logiques de survie et ont d’énormes difficultés à prendre en charge leur santé : leur errance,<br />
le sentiment d’abandon et de mésestime de soi qu’elles ressentent rendent souvent impossible un suivi médical à long terme,<br />
nous intervenons donc souvent dans leur urgence sans avoir comme objectif un suivi et encore moins l’insertion.<br />
Au delà <strong>du</strong> travail médical, nous effectuons un travail d’information et d’orientation auprès des personnes et surtout d’écoute.<br />
L’essentiel des orientations se fait vers notre centre de soins : compte tenu de l’absence de couverture maladie, il est parfois<br />
difficile d’orienter directement les patients vers les structures de droit commun. Si les personnes se présentent ensuite<br />
au Caso, l’équipe fera alors ce travail d’orientation lorsqu’il est possible.<br />
Un rôle d’écoute, exemple d’un témoignage recueilli par une autre équipe, celle <strong>du</strong> Bus de Lyon<br />
« Eh Mademoiselle ! Vous avez oublié mon cœur dans votre sac ! » Il est 19 heures, place Carnot. La quarantaine maghrébine,<br />
il apostrophe toutes les belles qui passent, toujours poli.Arrivent ensuite Colombo, bouche édentée, déjà un peu<br />
vieillard, les yeux clairs mais vitreux, puis Bastien, macédonien trentenaire, le cheveu dru et noir. Nous parlerons longtemps,<br />
de la Macédoine, de sa vie en France et en Allemagne, de sa femme et de ses trois enfants, de l’absence de<br />
papiers et de la galère quotidienne : un mois sans électricité, le travail au noir non payé…<br />
L’eau chauffe pour les cafés et il pleut sur la ville, un crachin froid. Un peu plus tard, nous partons marauder. Dans la<br />
gare au sous-sol,Wilhelm de Cologne et Izmet se partagent <strong>du</strong> gros rouge qui tâche. Nous proposons un café tandis<br />
que l’odeur d’alcool remplit l’atmosphère.Trois mots d’allemand et nous voilà partis à discuter : de là-bas, d’une vilaine<br />
blessure à la main, de la vie. Izmet intervient pour prouver que lui aussi parle allemand ou plus sûrement pour demander<br />
un peu de place dans la conversation.<br />
Retour dans le hall de la gare où un homme est accoudé à l’escalator, un sac de voyage jaune d’or à ses pieds. Il attend<br />
l’équipe <strong>du</strong> 115 qui ne passera pourtant que dans deux heures et demi. Nouvelle histoire de vie, la Bourgogne, sa cuisine<br />
et ses vins, une femme, des coups et une séparation. La dégringolade. La souffrance dans ce discours là se mue<br />
par moment en délire irrationnel.Arrivent de jeunes polonais sacs au dos. Ils savourent le café et le partage d’une langue<br />
en commun avec Eva, l’une des bénévoles. L’un d’eux, un peu plus tard dans la soirée, improvisera un concert de<br />
flûte à bec devant le bus. Originalité : il joue avec son nez. Cela amuse un court instant un enfant terrible aux yeux<br />
bleus comme des billes.<br />
Il est 22 heures, nous refermons le bus. Il a cessé de pleuvoir.<br />
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