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(n°368), p22 - Palais de la découverte

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22 \ DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010


Les étincelles jaillissent dans un vacarme sous 1,5 million<br />

<strong>de</strong> volts délivrés par le résonateur Tes<strong>la</strong> du <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong>. © <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong>.<br />

Matière & Énergie<br />

L’ÉLECTROMAGNÉTISME<br />

AU PALAIS<br />

DE LA DÉCOUVERTE<br />

Les b.a.-ba <strong>de</strong> l’électromagnétisme, établis il y a près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents ans,<br />

ne sont toujours pas connus <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité du public, malgré les années sco<strong>la</strong>ires. Le <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong> apporte une offre unique au mon<strong>de</strong> pour un établissement<br />

<strong>de</strong> vulgarisation scientifique : <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> redécouvrir ces expériences spectacu<strong>la</strong>ires<br />

et simples à comprendre.<br />

PAR KAMIL FADEL, RESPONSABLE DU DÉPARTEMENT DE PHYSIQUE DU PALAIS DE LA DÉCOUVERTE<br />

Jusqu’à l’invention <strong>de</strong> <strong>la</strong> pile<br />

par l’Italien Alessandro Volta<br />

(1745-1827 ; fig. 1a) en 1800, les<br />

recherches scientifiques en électricité<br />

concernent surtout les<br />

phénomènes électrostatiques. Le<br />

courant électrique, débité par <strong>la</strong> pile,<br />

ouvre un nouveau chapitre <strong>de</strong> recherches<br />

pour les scientifiques. C’est justement<br />

en expérimentant avec ce courant<br />

que le Danois Hans-Christian Œrsted<br />

(1777-1851 ; fig. 1b) établit en 1820 un<br />

« pont » entre électricité et magnétisme,<br />

inaugurant ainsi <strong>la</strong> science <strong>de</strong> l’électro-<br />

magnétisme dont André-Marie Ampère<br />

(1775-1836 ; fig. 1c) é<strong>la</strong>bore <strong>la</strong> théorie.<br />

Malgré son génie, ce <strong>de</strong>rnier passe<br />

à côté d’une gran<strong>de</strong> <strong>découverte</strong> que l’on<br />

doit au Britannique Michael Faraday<br />

(1791-1867 ; fig. 1d) : <strong>la</strong> mise en évi<strong>de</strong>nce<br />

en 1831 du phénomène d’« induction<br />

électromagnétique » où un courant<br />

électrique est engendré sans pile,<br />

à partir d’un champ magnétique.<br />

Vingt trois ans plus tard, Léon Foucault<br />

(1819-1868 ; fig. 1e), célèbre pour son<br />

Figure 1a. Alessandro Volta (1745-1827) et sa pile. Figure 1b. Hans-Christian Œrsted (1777-1851) et son assistant découvrent<br />

l’électromagnétisme. Figure 1c. André-Marie Ampère (1745-1827). Figure 1d. Michael Faraday (1791-1867) tenant un aimant.<br />

Figure 1e. Léon Foucault (1819-1868). De gauche à droite © <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong> .<br />

DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010 \ 23


a) b) c)<br />

-<br />

Sens du courant<br />

+<br />

Sens <strong>de</strong> migration <strong>de</strong>s électrons<br />

- Pile +<br />

Figure 2a. Représentation <strong>de</strong> l’atome avec le noyau entouré d’électrons. Figure 2b. Mouvement d’un électron libre dans un métal.<br />

Figure 2c. À l’agitation électronique <strong>de</strong> <strong>la</strong> figure 2b, se superpose un mouvement <strong>de</strong> dérive dû à <strong>la</strong> tension appliquée par <strong>la</strong> pile.<br />

De gauche à droite © M. Vergès.<br />

expérience du pendule (1851), découvre<br />

ce que l’on appelle aujourd’hui les<br />

« courants <strong>de</strong> Foucault ». Ces courants<br />

sont employés <strong>de</strong> nos jours dans <strong>de</strong> très<br />

nombreuses applications, al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s<br />

cuisinières à induction, au tri <strong>de</strong>s<br />

déchets, en passant par le freinage <strong>de</strong>s<br />

véhicules lourds…<br />

LA MATIÈRE<br />

La matière est faite <strong>de</strong> grains, les atomes.<br />

On se représente chacun <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers<br />

comme constitué <strong>de</strong> trois autres particules<br />

: <strong>de</strong>s protons et <strong>de</strong>s neutrons<br />

rassemblés en un paquet, le noyau<br />

atomique, autour duquel évoluent <strong>de</strong>s<br />

électrons (fig. 2a). Intéressons-nous à <strong>la</strong><br />

matière à l’état soli<strong>de</strong>, par exemple à un<br />

morceau <strong>de</strong> craie et à un morceau <strong>de</strong><br />

cuivre. D’un point <strong>de</strong> vue électrique, <strong>la</strong><br />

différence essentielle entre ces <strong>de</strong>ux<br />

matériaux rési<strong>de</strong> dans le fait que dans le<br />

cuivre certains électrons se « ba<strong>la</strong><strong>de</strong>nt »<br />

d’un atome à un autre, alors que ce<strong>la</strong><br />

n’est pas possible dans <strong>la</strong> craie : électriquement<br />

par<strong>la</strong>nt, le cuivre est un<br />

conducteur comme tous les métaux,<br />

alors que <strong>la</strong> craie est un iso<strong>la</strong>nt. Pour<br />

fixer les idées, un gramme <strong>de</strong> cuivre est<br />

constitué <strong>de</strong> 10 22 atomes <strong>de</strong> cuivre soit<br />

dix mille milliards <strong>de</strong> milliards d’atomes.<br />

Chacun <strong>de</strong> ces atomes possédant 29 électrons,<br />

il y a 29.10 22 électrons dans un<br />

gramme <strong>de</strong> cuivre. Tous ces électrons<br />

n’ont pas le privilège <strong>de</strong> pouvoir voyager.<br />

Grossièrement, chaque atome va <strong>la</strong>isser<br />

libre seulement un <strong>de</strong> ses 29 électrons, si<br />

bien que dans un morceau <strong>de</strong> cuivre, il y<br />

a autant d’« électrons libres » qu’il y a<br />

d’atomes <strong>de</strong> cuivre, soit 10 22 par gramme.<br />

Examinons à présent <strong>de</strong> très près le<br />

morceau <strong>de</strong> cuivre. À <strong>la</strong> manière <strong>de</strong>s<br />

atomes ou <strong>de</strong>s molécules d’un gaz<br />

confiné dans un ballon <strong>de</strong> baudruche, les<br />

10 22 électrons libres contenus dans le<br />

morceau sont en perpétuelle agitation et<br />

effectuent un « mouvement brownien »,<br />

parcourant <strong>de</strong>s trajectoires en zigzag en<br />

raison <strong>de</strong>s innombrables collisions qu’ils<br />

subissent contre les atomes qu’ils<br />

rencontrent au hasard sur leur chemin<br />

(fig. 2b). La vitesse moyenne d’agitation<br />

<strong>de</strong>s électrons libres à <strong>la</strong> température<br />

ambiante est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 1 000 km/s et<br />

<strong>la</strong> distance qu’un électron parcourt librement<br />

entre <strong>de</strong>ux collisions successives<br />

ou « libre parcourt moyen » est <strong>de</strong> l’ordre<br />

<strong>de</strong> 10 -7 mètre dans le cuivre, soit<br />

0,1 millième <strong>de</strong> millimètre… Cette<br />

distance, très petite à notre échelle, est<br />

immense à l’échelle <strong>de</strong> l’électron, lequel<br />

parcourt une distance égale à 1 000<br />

diamètres atomiques entre <strong>de</strong>ux collisions.<br />

Le diamètre d’un atome étant<br />

100 000 fois supérieur à <strong>la</strong> taille « c<strong>la</strong>ssique<br />

» <strong>de</strong> l’électron, ce <strong>de</strong>rnier parcourt<br />

entre <strong>de</strong>ux collisions une distance égale<br />

à 100 millions <strong>de</strong> fois son propre<br />

diamètre… comme si une voiture <strong>de</strong><br />

4 mètres, rou<strong>la</strong>nt au hasard, entrait en<br />

collision tous les 400 000 km ! La sécurité<br />

routière ne s’en porterait que mieux.<br />

24 \ DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010


Matière & Énergie<br />

Figure 3a. Fluctuations <strong>de</strong> tension aux bornes d’une résistance électrique à température ambiante.<br />

Figure 3b. À –196°C les fluctuations sont plus faibles en raison d’une agitation électronique plus faible.<br />

De gauche à droite © A. Dinca.<br />

Pour mieux se représenter les choses,<br />

imaginons à présent un fil <strong>de</strong> cuivre et<br />

concentrons notre pensée sur une<br />

section <strong>de</strong> ce fil. À chaque instant, autant<br />

d’électrons traversent par hasard cette<br />

section dans un sens que d’autres le font<br />

en sens opposé, si bien que ces <strong>de</strong>ux flux<br />

se compensent « tout juste » à <strong>de</strong> toutes<br />

petites fluctuations instantanées près<br />

dont on conçoit aisément l’existence. Ces<br />

<strong>de</strong>rnières sont négligeables mais néanmoins<br />

mesurables (fig. 3a et 3b). Par<br />

secon<strong>de</strong>, il y a autant <strong>de</strong> fluctuations en<br />

faveur d’un sens que d’autres en faveur<br />

du sens opposé, si bien qu’en moyenne,<br />

le flux net d’électrons est nul : le courant<br />

électrique est nul.<br />

LE COURANT ÉLECTRIQUE<br />

Connectons à présent l’extrémité gauche<br />

du fil à <strong>la</strong> borne négative d’une pile et l’extrémité<br />

droite à <strong>la</strong> borne positive : nous<br />

observerons alors qu’il y a davantage<br />

d’électrons qui traversent <strong>la</strong> section <strong>de</strong><br />

gauche à droite que d’électrons qui le font<br />

<strong>de</strong> droite à gauche : l’intensité du courant<br />

électrique n’est plus nulle. Si ce déséquilibre<br />

<strong>de</strong> flux à travers <strong>la</strong> section correspond<br />

à 6,25.10 18 électrons par secon<strong>de</strong>,<br />

c’est que l’intensité du courant vaut un<br />

Ampère. Pour <strong>de</strong>s raisons historiques, le<br />

sens que l’on assigne au courant n’est pas<br />

celui dans lequel migrent les électrons<br />

mais le sens opposé (fig. 2c). Compte tenu<br />

du nombre extrêmement élevé d’électrons<br />

présents dans chaque millimètre cube <strong>de</strong><br />

cuivre, pour évacuer 6,25.10 18 d’entre eux<br />

en une secon<strong>de</strong> – correspondant à un<br />

Ampère - il suffit que <strong>la</strong> vitesse avec<br />

<strong>la</strong>quelle les électrons migrent <strong>de</strong> gauche à<br />

droite soit <strong>de</strong> 0,06 millimètre par secon<strong>de</strong>,<br />

soit 20 centimètres par heure, si <strong>la</strong> section<br />

du fil vaut un millimètre carré. Ainsi,<br />

<strong>la</strong> vitesse <strong>de</strong> migration <strong>de</strong>s électrons,<br />

ou « vitesse <strong>de</strong> dérive », proportionnelle à<br />

<strong>la</strong> tension (au voltage), est généralement<br />

C’est en 1820 que le Danois<br />

H.-C. Œrsted découvre ce qu’il<br />

cherchait à mettre en évi<strong>de</strong>nce<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs années : un lien<br />

entre électricité et magnétisme.<br />

DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010 \ 25


a)<br />

b)<br />

Sens du courant<br />

Figure 4a. Orientation <strong>de</strong>s petites boussoles en l’absence <strong>de</strong> courant dans le bobinage. © A. Masson. Figure 4b. Orientation <strong>de</strong>s boussoles<br />

lorsque le bobinage est traversé pas un courant ; <strong>la</strong> flèche indique le sens du courant. Avec un courant en sens opposé, les boussoles<br />

s’orienteraient en sens opposé. © A. Masson.<br />

très faible. Bien entendu, il ne faut pas<br />

confondre cette vitesse <strong>de</strong> dérive avec<br />

<strong>la</strong> vitesse d’agitation qui, elle, est extrêmement<br />

élevée : ce<strong>la</strong> reviendrait à<br />

imaginer un nuage <strong>de</strong> moucherons où<br />

chacun <strong>de</strong>s moucherons virevolte à<br />

une vitesse <strong>de</strong> 1 mètre par secon<strong>de</strong>,<br />

le « gaz » <strong>de</strong> moucherons — correspon-<br />

dant au courant — avançant lui-même <strong>de</strong><br />

1 mètre en 100 000 ans... Le signal électrique,<br />

quant à lui, voyage à environ<br />

300 000 km/s.<br />

ÉLECTROMAGNÉTISME<br />

Volta invente <strong>la</strong> pile en 1800. À partir <strong>de</strong><br />

cette date, les physiciens sont capables<br />

26 \ DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010


Matière & Énergie<br />

a)<br />

Sens du<br />

courant<br />

Attraction<br />

b)<br />

Sens du<br />

courant<br />

Répulsion<br />

Figure 5. C’est<br />

dans les années<br />

1820 que l’on<br />

découvre que<br />

<strong>de</strong>ux courants<br />

électriques <strong>de</strong><br />

même sens<br />

s’attirent (5a),<br />

alors qu’ils se<br />

repoussent si<br />

leurs sens sont<br />

opposés (5b).<br />

© M. Vergès.<br />

a) b)<br />

Figure 6. Deux bobinages suspendus non parcourus par un courant (a). Les mêmes bobinages parcourus par<br />

<strong>de</strong>ux courants <strong>de</strong> même sens (b). © A. Masson.<br />

d’expérimenter avec le courant électrique.<br />

Bien sûr, ce n’est que très tardivement, au<br />

début du XX e siècle, que <strong>la</strong> nature microscopique<br />

du courant électrique – telle que<br />

nous l’avons présentée – est établie. De<br />

1800 à 1900, pério<strong>de</strong> durant <strong>la</strong>quelle les<br />

fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l’électromagnétisme sont<br />

mis sur pied, l’existence <strong>de</strong>s électrons est<br />

inconnue. En 1820, le Danois H.-C. Œrsted<br />

découvre enfin ce qu’il cherchait à mettre<br />

en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années par<br />

conviction personnelle et philosophique :<br />

un lien entre électricité et magnétisme.<br />

Il constate en effet que le branchement<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux extrémités d’un fil électrique<br />

aux <strong>de</strong>ux bornes d’une pile s’accompagne<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> perturbation d’une aiguille<br />

<strong>de</strong> boussole p<strong>la</strong>cée non loin du fil<br />

parcouru par le courant (fig. 4a, 4b). Une<br />

boussole étant perturbée par le champ<br />

magnétique d’un aimant, ce<strong>la</strong> <strong>la</strong>issait<br />

supposer qu’un tel champ accompagne<br />

non seulement les aimants, mais également<br />

le courant électrique. En fait, bien<br />

que l’expérience ait été réalisée par<br />

H.-C. Œrsted, c’est A.-M. Ampère qui<br />

comprend que <strong>la</strong> propriété magnétique<br />

appartient au « courant électrique » luimême<br />

(et non au fil parcouru par le<br />

courant), en un mot qu’il existe un électromagnétisme,<br />

le sens du champ magnétique<br />

dépendant du sens du courant<br />

(fig. 4b).<br />

ÉLECTRODYNAMIQUE<br />

Une semaine après <strong>la</strong> réception à Paris <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> nouvelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong> <strong>de</strong><br />

H.-C. Œrsted, A.-M. Ampère montre que<br />

DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010 \ 27


Bobine<br />

enroulée<br />

sur son<br />

support<br />

en bois<br />

Anneau<br />

<strong>de</strong> cuivre<br />

mobile<br />

suspendu<br />

+ -<br />

Pile<br />

Figure 7. Une <strong>découverte</strong> manquée. Après établissement du contact avec <strong>la</strong> pile, un courant<br />

permanent traverse <strong>la</strong> bobine. Ampère et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rive espèrent que ce courant en induira un second<br />

dans l’anneau en cuivre. Un courant induit apparaît effectivement, mais <strong>de</strong> manière instantanée et non<br />

permanente comment l’espèrent les <strong>de</strong>ux physiciens. Ce<strong>la</strong> se traduit par une très brève répulsion <strong>de</strong><br />

l’anneau par <strong>la</strong> bobine. La brièveté <strong>de</strong> <strong>la</strong> répulsion fait croire à tort aux physiciens qu’il s’agit d’un effet<br />

parasite et non du phénomène d’induction recherché ! © M. Vergès.<br />

les courants électriques exercent entre<br />

eux <strong>de</strong>s forces attractives ou répulsives<br />

selon leurs sens, très différentes <strong>de</strong> celles<br />

en oeuvre en électrostatique : <strong>de</strong>ux<br />

courants électriques <strong>de</strong> même sens s’attirent<br />

(fig. 5 et 6), tandis que <strong>de</strong>ux<br />

courants en sens opposés se repoussent<br />

via leurs champs magnétiques. C’est <strong>la</strong><br />

naissance <strong>de</strong> l’électrodynamique.<br />

INDUCTION ÉLECTROMAGNÉTIQUE<br />

Très vite, disent les physiciens, puisqu’un<br />

effet « électro-magnétique » existe, n’y<br />

aurait-il pas un effet inverse magnétoélectrique<br />

? En c<strong>la</strong>ir, puisqu’un courant<br />

électrique donne naissance à un champ<br />

magnétique, un champ magnétique ne<br />

pourrait-il pas donner naissance à un<br />

courant électrique ? On tente ainsi d’engendrer<br />

un courant électrique à l’ai<strong>de</strong> d’un<br />

champ magnétique. Comme ce <strong>de</strong>rnier<br />

peut lui-même résulter d’un courant électrique,<br />

les physiciens cherchent à engendrer<br />

à partir du champ magnétique d’un<br />

courant dans un circuit, un <strong>de</strong>uxième<br />

courant électrique dans un autre circuit.<br />

En 1820, A.-M. Ampère et Augustin Fresnel<br />

(1788-1827) annoncent chacun avoir réussi<br />

à induire un courant électrique à l’ai<strong>de</strong><br />

d’un champ magnétique ! Peu après, ils se<br />

rétractent en annonçant qu’il s’agissait<br />

d’une erreur. En 1822, A.-M. Ampère et<br />

Auguste <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rive (1801-1873) obtiennent<br />

par induction un courant secondaire à<br />

partir d’un courant primaire (fig. 7), mais<br />

ne comprennent pas qu’ils venaient <strong>de</strong><br />

découvrir ce qu’ils cherchaient : ils abandonnent,<br />

A.-M. Ampère se désintéresse<br />

même quelque peu du sujet ! Il s’agit là<br />

d’un épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s sciences qui<br />

mériterait à lui seul un article entier… Les<br />

années passent et les courants secondaires<br />

induits sont obtenus à plusieurs<br />

reprises : les auteurs passent comme<br />

A.-M. Ampère et A. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rive à côté <strong>de</strong><br />

leur propre <strong>découverte</strong>. Finalement,<br />

c’est M. Faraday qui en 1831 découvre et<br />

comprend qu’il a enfin trouvé ce que<br />

tout le mon<strong>de</strong> cherchait et ce que<br />

A.-M. Ampère avait même observé en<br />

28 \ DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010


Matière & Énergie<br />

a) b) c)<br />

Figure 8.Le montage est constitué d’un bobinage relié à un galvanomètre et d’un aimant que l’on peut<br />

dép<strong>la</strong>cer (a). Un courant prend naissance dans le bobinage lorsque l’on approche (b) ou l’on éloigne<br />

l’aimant (c). Le sens du courant serait inversé avec un aimant <strong>de</strong> po<strong>la</strong>rité inverse : approcher un pôle<br />

Nord revient à éloigner un pôle Sud. © A. Masson.<br />

1822 : l’induction électromagnétique.<br />

Reproduisons ici un extrait d’une lettre<br />

que A.-M. Ampère adresse à A. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rive<br />

en novembre 1833, à propos <strong>de</strong><br />

M. Faraday : vous avez pu voir dans son<br />

<strong>de</strong>rnier ouvrage qu'il reconnaît complètement <strong>la</strong><br />

réalité <strong>de</strong> l'expérience sur <strong>la</strong>quelle il avait cru<br />

pouvoir jeter <strong>de</strong>s doutes et par <strong>la</strong>quelle nous<br />

avons constaté, en 1822, <strong>la</strong> production <strong>de</strong>s<br />

courants électriques par influence : expériences<br />

répétées <strong>de</strong>puis plusieurs fois en public dans<br />

mes cours au Collège <strong>de</strong> France bien avant<br />

l'admirable travail fait sur ce sujet par l'illustre<br />

physicien ang<strong>la</strong>is. C'est lui qui a découvert<br />

que le courant produit par influence a lieu<br />

en sens opposé à celui du courant qui lui donne<br />

naissance, qu'il est instantané et que, quand<br />

l'action cesse, il y a un nouveau courant par<br />

influence qui est, au contraire, dans le même<br />

sens que le courant que l'on vient d'éloigner<br />

ou d'anéantir. C'est là, certes, une <strong>de</strong>s plus<br />

belles <strong>découverte</strong>s sur les phénomènes<br />

d'électro-dynamique ; mais ce n'est pas<br />

M. Faraday qui est l'auteur du fait même <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

L’induction d’un courant électrique<br />

tant recherchée et même obtenue à<br />

plusieurs reprises dans les années<br />

1820 est finalement <strong>découverte</strong> par<br />

Michael Faraday en 1831.<br />

DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010 \ 29


Figure 9. Expérience du p<strong>la</strong>teau vo<strong>la</strong>nt. Un<br />

p<strong>la</strong>teau en aluminium <strong>de</strong> 1 kg reste en lévitation<br />

au-<strong>de</strong>ssus d’un bobinage parcouru par un<br />

courant alternatif très intense. Une manière<br />

saisissante <strong>de</strong> « voir » les forces<br />

électromagnétiques en œuvre. Ici, elles<br />

s’exercent <strong>de</strong> manière répulsive entre les <strong>de</strong>ux<br />

courants très intenses <strong>de</strong> 1 000 et 5 000 ampères<br />

qui parcourent respectivement le bobinage et le<br />

p<strong>la</strong>teau. © A. Masson.<br />

Figure 10. Forces électromagnétiques en jeu<br />

dans le cadre <strong>de</strong> l’interaction d’un aimant et<br />

d’un supraconducteur refroidi dans <strong>de</strong> l’azote<br />

liqui<strong>de</strong> à –196°C. Expérience présentée en salle<br />

Matière et magnétisme.<br />

© <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong> / K. Fa<strong>de</strong>l.<br />

Figure 11. Parcouru par les courants <strong>de</strong> Foucault,<br />

le p<strong>la</strong>teau vo<strong>la</strong>nt chauffe à plusieurs centaines<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>grés. Les casseroles <strong>de</strong>s cuisinières à<br />

induction chauffent également essentiellement<br />

grâce à <strong>de</strong>s courants <strong>de</strong> Foucault qui prennent<br />

naissance en leur sein. Cependant, <strong>la</strong> physique<br />

du chauffage dans le cas <strong>de</strong>s cuisinières est plus<br />

complexe en raison du fond aimantable <strong>de</strong>s<br />

casseroles, par opposition au p<strong>la</strong>teau en<br />

aluminium (non ferromagnétique).<br />

© <strong>Pa<strong>la</strong>is</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong> / C. Rousselin.<br />

production du courant par influence, puisque<br />

nous avions obtenu ce courant en 1822.<br />

SENS DU COURANT INDUIT<br />

Le courant induit dans le circuit secondaire<br />

apparaît lorsque le champ magnétique<br />

à travers le circuit varie. Si ce champ<br />

est issu d’un aimant, afin <strong>de</strong> provoquer <strong>la</strong><br />

variation, il suffit d’approcher ou d’éloigner<br />

l’aimant du circuit (fig. 8a, 8b et 8c).<br />

Si le champ magnétique inducteur est<br />

issu d’un courant primaire dans un<br />

circuit maintenu immobile, il suffit que ce<br />

courant varie. En particulier, un courant<br />

induit apparaît momentanément dans le<br />

circuit secondaire, lorsque le courant<br />

primaire est établi ou coupé. C’est ce<br />

caractère momentané sur lequel insiste<br />

A.-M. Ampère dans sa lettre à A. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rive<br />

qui était inattendu pour les physiciens<br />

<strong>de</strong>s années 1820 : on cherchait à déceler<br />

un courant induit permanent… Quoi qu’il<br />

30 \ DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010


Matière & Énergie<br />

en soit, le courant induit circule toujours<br />

dans le sens tel que par son champ, il<br />

s’oppose à <strong>la</strong> variation du champ qui lui<br />

donne naissance (fig. 9 et 10). En c<strong>la</strong>ir, si le<br />

champ augmente parce que l’on<br />

approche un aimant du circuit, le courant<br />

induit apparaît et circule dans le sens tel<br />

qu’il s’oppose via son champ à l’augmentation<br />

du champ et donc à l’approche<br />

<strong>de</strong> l’aimant ; on assiste donc à une répulsion.<br />

Si au contraire le champ diminue,<br />

on observe une attraction qui s’oppose<br />

à l’éloignement. Ces faits sont bien<br />

illustrés dans les expériences proposées<br />

par Hassan Khlifi (voir Glissement en<br />

douceur p. 32).<br />

LES COURANTS DE FOUCAULT<br />

Lorsque les courants induits ne prennent<br />

pas naissance dans un fil élec-<br />

trique mais dans un feuillet métallique<br />

ou dans le corps d’un bloc métallique<br />

<strong>de</strong> sorte qu’il ne soit pas possible <strong>de</strong><br />

bien les localiser, on donne à ces<br />

courants induits le nom <strong>de</strong> courants <strong>de</strong><br />

Foucault. Les p<strong>la</strong>ques à induction <strong>de</strong>s<br />

cuisinières sont alimentées avec un<br />

courant alternatif qui change <strong>de</strong> sens<br />

quelques dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> fois<br />

par secon<strong>de</strong>. Comme <strong>la</strong> casserole,<br />

conductrice, plonge dans le champ<br />

magnétique variable <strong>de</strong>s courants<br />

primaires, ce<strong>la</strong> induit en son sein <strong>de</strong>s<br />

courants <strong>de</strong> Foucault qui l’échauffent.<br />

De nombreuses expériences, certaines<br />

en libre service, d’autres présentées lors<br />

<strong>de</strong>s exposés en électromagnétisme,<br />

mettent en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> manière spectacu<strong>la</strong>ire<br />

les effets <strong>de</strong>s courants <strong>de</strong><br />

Foucault (fig. 11). K. F.<br />

Kamil Fa<strong>de</strong>l<br />

Après une formation en<br />

biologie <strong>de</strong> l’évolution,<br />

Kamil Fa<strong>de</strong>l a poursuivi ses<br />

étu<strong>de</strong>s en physico-chimie<br />

molécu<strong>la</strong>ire, puis en histoire<br />

<strong>de</strong>s sciences. Entré au<br />

<strong>Pa<strong>la</strong>is</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>découverte</strong><br />

en 1989, il est actuellement<br />

responsable du<br />

département <strong>de</strong> physique.<br />

Par ailleurs, il est l’auteur<br />

<strong>de</strong> nombreux articles<br />

(Sciences et Avenir, C<strong>la</strong>rtés,<br />

At<strong>la</strong>s, Universalis) et d’un<br />

livre d’expériences faciles<br />

à réaliser <strong>de</strong>stiné aux<br />

animateurs <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong><br />

loisirs La physique amusante<br />

aux éditions Weka.<br />

DÉCOUVERTE N° 368 \ MAI-JUIN 2010 \ 31

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