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Cardio N° 4 - Septembre 2005 & Sp rt LA REVUE PRATIQUE DE LA CARDIOLOGIE DE L’EFFORT ÉVÉNEMENT Le suivi cardiovasculaire des tennismen MISE AU POINT Pathologie vasculaire et sport : revue pour une démarche clinique ANALYSE D’ARTICLE Dépistage cardiovasculaire : consensus européen CONGRÈS XV e Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie Dossier pratique ALTITUDE ET SPORT ADAPTATION, PATHOLOGIES ET PRISE EN CHARGE ■ Physiologie de l’hypoxie d’altitude : adaptations cardiovasculaires ■ Médicaments cardiovasculaires : peut-on prédire leur effet en altitude ? ■ Pathologies cardiaques en altitude : risques ■ Prise en charge sur le terrain d’un accident cardiaque grave
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<strong>Cardio</strong><br />
N° 4 - Septembre 2005<br />
& Sp rt<br />
LA REVUE PRATIQUE DE LA CARDIOLOGIE DE L’EFFORT<br />
ÉVÉNEMENT<br />
Le suivi<br />
cardiovasculaire<br />
des tennismen<br />
MISE AU POINT<br />
Pathologie vasculaire<br />
<strong>et</strong> sport : revue pour<br />
une démarche clinique<br />
ANALYSE D’ARTICLE<br />
Dépistage<br />
cardiovasculaire :<br />
consensus européen<br />
CONGRÈS<br />
XV e Journées<br />
Européennes de<br />
la Société Française<br />
de <strong>Cardio</strong>logie<br />
Dossier<br />
pratique<br />
ALTITUDE ET SPORT<br />
ADAPTATION, PATHOLOGIES ET PRISE EN CHARGE<br />
■ Physiologie de l’hypoxie d’altitude : adaptations cardiovasculaires<br />
■ Médicaments cardiovasculaires : peut-on prédire leur eff<strong>et</strong> en altitude ?<br />
■ Pathologies cardiaques en altitude : risques<br />
■ Prise en charge sur le terrain d’un accident cardiaque grave
édito<br />
L’été est fini<br />
Les belles journées à Roland Garros,<br />
Wimbledon <strong>et</strong> Flushing Meadow sont<br />
maintenant terminées.<br />
Avec elles, les conditions climatiques<br />
si propices aux jeux de ballons, à<br />
la baignade ou aux randonnées en<br />
montagne. Ces dernières sont de plus en<br />
plus prisées par nos contemporains.<br />
Mais si les cordées vers les somm<strong>et</strong>s<br />
enneigés ou les simples promenades<br />
familiales en moyenne montagne<br />
existent depuis longtemps, les<br />
cardiologues du sport se trouvent<br />
confrontés depuis peu à une nouvelle<br />
population : les coureurs <strong>et</strong> cyclistes<br />
d’altitude, qui recherchent électivement<br />
les cumuls de dénivelés les plus<br />
importants, dans des conditions<br />
météorologiques très sollicitantes <strong>et</strong><br />
souvent bien loin de la première USIC.<br />
Intégrer l’hypoxie, le froid, la fatigue <strong>et</strong><br />
la déshydratation dans notre décision<br />
d’aptitude, voilà un joli challenge cardiologique…<br />
<strong>et</strong> médico-légal…<br />
Mais revenons à nos beaux jours.<br />
L’été a donc incité la plupart d’entre nous<br />
à pratiquer c<strong>et</strong>te activité physique qui,<br />
depuis la fin des années 80, en prévention<br />
primaire comme en prévention secondaire,<br />
accumule patiemment les preuves de ses<br />
bienfaits.<br />
Comme souvent, il aura fallu du temps<br />
pour que nous prenions conscience de<br />
l’évidence : l’effort , à certaines conditions,<br />
est souhaitable pour chacun d’entre nous,<br />
coronarien ou non, insuffisant cardiaque<br />
ou non, valvulaire ou non.<br />
Et le bénéfice est sans commune mesure<br />
avec le reste de nos thérapeutiques.<br />
Car enfin, quel médicament, quelle<br />
prothèse perm<strong>et</strong> à la fois de lutter contre<br />
le stress <strong>et</strong> d’améliorer la variabilité<br />
sinusale, la pression artérielle, l’index de<br />
masse corporelle, l’insulino-sensibilité,<br />
le HDL-cholestérol ?<br />
Et au vu des dernières publications, il<br />
paraît clair que le champ des bénéfices<br />
est loin d’être exploré en totalité.<br />
SOMMAIRE<br />
ÉVÉNEMENT p. 4<br />
Le suivi cardiovasculaire des joueurs de tennis de haut niveau<br />
● Entr<strong>et</strong>ien avec Dany-Michel Marcad<strong>et</strong>, médecin cardiologue<br />
référent de la FFT<br />
Pr François Carré (Rennes)<br />
DOSSIER<br />
Altitude <strong>et</strong> <strong>Sport</strong><br />
Adaptations, pathologies <strong>et</strong> prise en charge<br />
Introduction<br />
p. 9<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Strasbourg)<br />
Physiologie de l’hypoxie d’altitude : adaptations<br />
cardiovasculaires<br />
Pr Jean-Paul Richal<strong>et</strong> (Bobigny)<br />
Médicaments cardiovasculaires : peut-on prédire leur eff<strong>et</strong> en<br />
altitude ?<br />
Dr Laurent Monassier (Strasbourg)<br />
Pathologies cardiaques en altitude : risques, traitements <strong>et</strong> prise<br />
en charge<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Strasbourg)<br />
<strong>Sport</strong> en altitude : que faire avant un trekking ?<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Strasbourg)<br />
MISE AU POINT p. 25<br />
Pathologie vasculaire <strong>et</strong> sport : revue pour<br />
une démarche clinique<br />
Dr Pierre Abraham (Angers)<br />
ANALYSE D’ARTICLE p. 31<br />
Dépistage cardiovasculaire : consensus européen<br />
pour les jeunes sportifs<br />
Pr François Carré (Rennes)<br />
Dernier point, il n’est jamais trop tard, en<br />
prévention primaire comme en<br />
prévention secondaire, pour encaisser<br />
les dividendes d’une activité physique.<br />
Alors, pour paraphraser un de nos<br />
grands auteurs, nous pourrions dire<br />
« Rien ne sert de partir à point, il faut<br />
courir ».<br />
Vous avez couru, nagé, sauté, gambadé…<br />
C’était l’été… Mais en automne <strong>et</strong> en<br />
hiver, continuez…<br />
Dr Laurent Chevalier<br />
Clinique du <strong>Sport</strong>, Bordeaux-Mérignac<br />
CONGRÈS p. 35<br />
XV e Journées Européennes de la Société Française<br />
de <strong>Cardio</strong>logie, Paris 2005<br />
Dr Marc Ferrière (Montpellier), Pr Hervé Douard (Pessac)<br />
AGENDA p. 38<br />
<strong>Cardio</strong><br />
&Sp rt<br />
•Rédacteur en Chef : Pr François Carré. Rédacteur en chef adjoint : Pr Hervé Douard.<br />
•Comité de rédaction : Dr Laurent Chevalier, Dr Stéphane Doutreleau, Dr Marc Ferrière, Dr Jean-Claude Verdier.<br />
•Comité scientifique : Dr Jacques Tricoire, Dr Pascal Poncel<strong>et</strong>, Dr Richard Brion, Dr Alain Ducardonn<strong>et</strong>, Dr Elisa Pedroni, Dr Jean-Michel Chevallier, Dr Thierry<br />
Laporte, Pr Dominique Midy, Dr Pierre Dumoulin, Pr Philippe Mabo, Dr Catherine Montpère, Dr Philippe Vernoch<strong>et</strong>, Dr Sonia Corone, Pr Alain Cohen-Solal,<br />
Pr Patrice Virot, Dr François Marçon, Pr Jean-Paul Broust<strong>et</strong>, Dr Vincent Lafay, Dr Jean Gauthier, Dr Dany Marcad<strong>et</strong>, Dr Richard Amor<strong>et</strong>ti.<br />
Distribué par les Laboratoires Menarini France.<br />
1, rue du Jura, SILIC 528, 94633 Rungis Cedex - Tél. : 01 45 60 77 20 - Fax : 01 46 87 94 31<br />
Edition Expressions Santé S.A. - Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier •Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu •Rédacteur : Marjorie Andrès<br />
•Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan •Chef de Production <strong>et</strong> Fabrication : Gracia Bejjani •Maqu<strong>et</strong>te : Christine Lecomte<br />
Photo de couverture : DPPI •Impression : Imprimerie de Compiègne, 60205 Compiègne - ISSN : en cours.<br />
3<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
événement<br />
Le suivi cardiovasculaire<br />
des joueurs de tennis<br />
de haut niveau<br />
Entr<strong>et</strong>ien avec Dany-Michel Marcad<strong>et</strong>,<br />
médecin cardiologue référent<br />
de la Fédération Française de Tennis<br />
La saison de tennis terminée, <strong>Cardio</strong> <strong>et</strong> <strong>Sport</strong> fait le point, dans un entr<strong>et</strong>ien avec le Dr Dany-Michel Marcad<strong>et</strong>, cardiologue<br />
référent de la Fédération Française de Tennis, sur le suivi médical <strong>et</strong> plus particulièrement cardiovasculaire, des<br />
“tennismen” en France.<br />
Propos recueillis par le Pr François Carré, Hôpital Pontchaillou, Rennes<br />
<strong>Cardio</strong> & <strong>Sport</strong> : Dr Marcad<strong>et</strong>, pouvezvous<br />
nous préciser votre fonction <strong>et</strong><br />
vos responsabilités au sein de la Fédération<br />
Française de Tennis ?<br />
Dany-Michel Marcad<strong>et</strong> : Le service<br />
médical de la Fédération Française de<br />
Tennis a été restructuré il y a trois ans.<br />
Je suis chargé des bilans cardiologiques<br />
annuels, suivant la réglementation<br />
actuelle pour les joueurs de<br />
haut niveau, mais le service reste<br />
ouvert aux joueurs professionnels.<br />
Bien entendu, j’interviens aussi sur<br />
demande devant l’apparition de<br />
symptômes, par exemple.<br />
C&S : Comment est structuré le suivi<br />
médical des “tennismen” actuellement,<br />
en particulier dans le<br />
domaine cardiovasculaire ?<br />
DMM : Le service médical comprend<br />
des médecins salariés à temps partiel<br />
(endocrinologue, nutritionniste, psychologue,<br />
rhumatologue) <strong>et</strong> des médecins<br />
vacataires (dentiste, ophtalmologiste,<br />
cardiologue). Le directeur médical<br />
<strong>et</strong> les kinésithérapeutes sont<br />
salariés. Une fois les bilans réalisés, nous<br />
nous réunissons avec les entraîneurs à<br />
l’occasion d’un staff pour faire le point<br />
sur l’état de santé des joueurs.<br />
Le centre médical est dans l’enceinte<br />
du stade Roland Garros, sous le court<br />
Suzanne Lenglen. Nous disposons de<br />
plusieurs salles de consultations <strong>et</strong> le<br />
cabin<strong>et</strong> de cardiologie est équipé d’un<br />
matériel d’épreuve d’effort avec ergocycle,<br />
tapis roulant, matériel d’analyse<br />
des échanges gazeux <strong>et</strong> d’un échocardiographe<br />
qui nous est prêté pendant<br />
les périodes de bilan. Les locaux des<br />
kinésithérapeutes sont équipés de tout<br />
le matériel nécessaire à la rééducation<br />
post-traumatique <strong>et</strong> à l’exploration de la<br />
force musculaire, en particulier isocinétique.<br />
Un laboratoire d’analyses biologiques<br />
est aussi rattaché au centre,<br />
mais il se trouve à l’extérieur du stade<br />
Roland Garros. Pendant les Internationaux<br />
de Roland Garros, un autre poste<br />
médical est ouvert sous le court central.<br />
C&S : Quel est le contenu de base<br />
<strong>et</strong> la périodicité du suivi cardiovasculaire<br />
des “tennismen” ?<br />
DMM : Le bilan cardiovasculaire<br />
comprend un interrogatoire, un examen<br />
physique, un ECG de repos 12<br />
dérivations, une échocardiographie<br />
<strong>et</strong> une épreuve d’effort avec analyse<br />
des gaz expirés, pour dépister<br />
d’éventuelles pathologies <strong>et</strong> vérifier<br />
l’absence de contre-indication à la<br />
pratique du tennis de haut niveau.<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
4
Nous voyons les joueurs au moins une<br />
fois par an, mais nous sommes parfois<br />
amenés à les contrôler après une interruption<br />
prolongée pour une blessure,<br />
pour réévaluer une anomalie cardiaque<br />
éventuelle ou dès qu’ils présentent<br />
un symptôme particulier. Si<br />
besoin, je prends en charge le joueur<br />
pour la réalisation d’examens complémentaires<br />
lorsqu’ils sont indiqués.<br />
Ma deuxième fonction est de communiquer<br />
avec les entraîneurs <strong>et</strong> les<br />
préparateurs physiques, pour leur<br />
transm<strong>et</strong>tre les données de l’épreuve<br />
d’effort <strong>et</strong>, en particulier, les paramètres<br />
utiles pour individualiser l’entraînement,<br />
c’est-à-dire la vitesse<br />
maximale aérobie (VMA) <strong>et</strong> les valeurs<br />
de fréquence cardiaque aux “seuils”.<br />
Nous comptons beaucoup sur les<br />
entraîneurs <strong>et</strong> les préparateurs physiques<br />
pour appliquer les recommandations<br />
que nous donnons en<br />
fonction des résultats du bilan. Ces<br />
recommandations concernent aussi<br />
les règles élémentaires d’hygiène de<br />
vie <strong>et</strong>, en particulier, la nutrition. Il faut<br />
encore se battre pour réduire le<br />
nombre de pizzas <strong>et</strong> de “Mac do” <strong>et</strong><br />
c’est souvent l’entraîneur qui vérifie<br />
les plateaux au self <strong>et</strong> ce qu’il y a dans<br />
les armoires ! Nous constatons, malheureusement,<br />
que même dans c<strong>et</strong>te<br />
population, il est très difficile d’avoir<br />
une alimentation équilibrée <strong>et</strong> les<br />
fruits, les légumes <strong>et</strong> les protides sont<br />
souvent oubliés. Il a ainsi fallu un<br />
énorme travail pour modifier les idées<br />
fortement ancrées dans les esprits,<br />
comme par exemple ne jamais manger<br />
de viande la veille d’un match.<br />
C&S : Quels sont les “tennismen”<br />
concernés par ce suivi ?<br />
DMM : Nous nous occupons de tous<br />
les joueurs de haut niveau, c’est-à-dire<br />
des joueurs qui ont été proposés par le<br />
Directeur Technique National <strong>et</strong> mis sur<br />
une liste par le ministère de la Jeunesse,<br />
Test d’effort avec mesure des gaz expirés chez une jeune joueuse du groupe Espoir.<br />
des <strong>Sport</strong>s <strong>et</strong> de la Vie Associative. Nous<br />
suivons aussi les groupes “Espoirs”, les<br />
joueurs de Coupe Davis <strong>et</strong> les joueuses<br />
de la Fed Cup.<br />
C&S : Qu’en est-il des professionnels ?<br />
En eff<strong>et</strong>, au même titre que les autres<br />
sports professionnels, ils ne sont pas<br />
concernés par le suivi obligatoire<br />
récemment instauré par le ministère<br />
de la Jeunesse, des <strong>Sport</strong>s <strong>et</strong> de la<br />
Vie Associative (arrêté de février<br />
2004). Ont-ils un suivi cardiovasculaire<br />
minimal imposé par l’ATP<br />
ou le WTA, comme celui que la ligue<br />
de football professionnel est en train<br />
de m<strong>et</strong>tre en place en France ?<br />
DMM : Les joueurs professionnels qui<br />
le désirent, bénéficient du même suivi<br />
que celui des autres joueurs. Nous<br />
sommes sollicités pour certaines missions,<br />
comme l’année dernière pendant<br />
les Internationaux de Roland<br />
Garros, où nous avons ouvert une<br />
consultation libre <strong>et</strong> gratuite pour l’ensemble<br />
des joueurs du circuit (examen<br />
clinique, ECG de repos <strong>et</strong> échocardiographie).<br />
De plus, nous sommes d’astreinte<br />
pendant les tournois majeurs<br />
(Roland Garros bien sûr, Open de<br />
Bercy, Open Gaz de France <strong>et</strong> le Tournoi<br />
des Vétérans à Roland Garros).<br />
C&S : A quel âge, en moyenne, les<br />
joueurs entrent-ils dans le centre de<br />
formation Roland Garros ? Quelle est la<br />
charge, le type de travail physique d’un<br />
joueur de tennis du centre <strong>et</strong> comment<br />
gère-t-il sa scolarité ?<br />
DMM : La plupart des jeunes joueurs<br />
entrent à partir de 11 ans dans le centre<br />
de formation Roland Garros <strong>et</strong> ils suivent<br />
leurs études en parallèle. Dans la<br />
préparation physique, la part du foncier<br />
est de 50 % en période hivernale, contre<br />
20 % le reste du temps. La plus grande<br />
part étant donnée au travail technique <strong>et</strong><br />
à la compétition. On se rend compte<br />
que, vu l’emploi du temps d’un joueur,<br />
il lui est difficile de “caser son jogging”<br />
entre les entraînements, les matchs, le<br />
travail technique <strong>et</strong> les études.<br />
>>><br />
événement<br />
5 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
événement<br />
>>><br />
C&S : Dans votre structure, quel<br />
type de protocole utilisez-vous pour<br />
les tests d’effort ?<br />
DMM : Nous pratiquons essentiellement<br />
les tests sur tapis roulant. Le protocole<br />
a été établi en accord avec les<br />
entraîneurs, avec une pente fixe de 2 %<br />
<strong>et</strong> une vitesse variable. Quand le joueur<br />
n’est pas connu de notre service, on<br />
commence avec une vitesse de 6 (filles)<br />
ou 8 km/h (garçons), avec des paliers<br />
de 2 km/h toutes les deux minutes, jusqu’à<br />
10 km/h, puis par paliers de 1 km/h<br />
toutes les minutes. Lorsque nous disposons<br />
d’un test d’effort antérieur, on<br />
adapte le protocole de telle manière<br />
que la durée de l’effort soit d’environ<br />
10 à 12 minutes, avec des paliers de<br />
1 km/h au niveau du seuil pour obtenir<br />
une vitesse au seuil la plus précise<br />
possible. Le calcul direct de la VO 2 maximale<br />
est réalisé systématiquement.<br />
C&S : Utilisez-vous aussi des tests<br />
de terrain ?<br />
DMM : Oui, nous utilisons aussi des<br />
tests de terrain, pour obtenir les VMA<br />
comme le Vameval <strong>et</strong> le Luc Léger.<br />
Plus spécifique au tennis, le test “zigzag”<br />
étudie la vitesse de déplacement<br />
sur 10 mètres, avec de nombreux<br />
changements de direction. Les tests<br />
“multi-bonds” viennent compléter le<br />
test de détente vertical sur tapis de<br />
Bosco pratiqué au laboratoire. Enfin,<br />
des tests de musculation sur Ariel,<br />
mesurant la force, la vitesse <strong>et</strong> la puissance<br />
maximale développée complètent<br />
les données du Cybex.<br />
C&S : Pourriez-vous nous décrire les<br />
principales caractéristiques cardiovasculaires<br />
des “tennismen” ?<br />
DMM : Je peux vous résumer les statistiques<br />
relevées sur les 64 derniers<br />
joueurs que nous avons examinés.<br />
Tableau 1 • Résultats de l’examen clinique du cœur des joueurs de tennis<br />
de haut niveau.<br />
L’examen clinique est normal dans<br />
69 % des cas (Tab. 1). L’anomalie la plus<br />
fréquente est un souffle systolique, dans<br />
94 % des cas. Les autres anomalies<br />
(troubles du rythme, arythmie, souffles<br />
vasculaires) restent très modérées, soit<br />
2 à 5 % des cas.<br />
L’ECG de repos est normal dans 53 %<br />
des cas. Les modifications électriques<br />
les plus fréquentes concernent la repolarisation,<br />
avec les atypies classiquement<br />
décrites chez les sportifs dans<br />
36 % des cas. Dans 30 % des cas, un bloc<br />
de branche droit incompl<strong>et</strong> a été<br />
observé (Tab. 2). Chez un joueur, un<br />
aspect compatible avec un syndrome<br />
de Brugada a nécessité un test à la flécaïne,<br />
qui s’est révélé négatif. Enfin, on<br />
r<strong>et</strong>rouve une fois une arythmie supra<br />
Filles Garçons Total %<br />
(34) (30) (64)<br />
Normal 22 22 44 69<br />
Souffle systolique 7 2 9 14<br />
Souffle vasculaire 1 1 2 3<br />
Varice 1 1 2<br />
Tachycardie 1 1 2<br />
Spasme laryngé 1 1 2<br />
Asthme 2 1 3 5<br />
<strong>et</strong> ventriculaire (2 %), une fois un bloc<br />
de branche droit compl<strong>et</strong> (2 %) <strong>et</strong> une<br />
fois des ondes Q profondes dans le territoire<br />
inférieur (2 %). Dans ce dernier<br />
cas, l’échocardiographie a mis en évidence<br />
une insuffisance mitrale minime<br />
par prolapsus valvulaire mitral.<br />
L’épreuve d’effort, réalisée suivant le<br />
protocole décrit au-dessus, est normale<br />
dans 90 % des cas. Dans 8 % des cas, on<br />
r<strong>et</strong>rouve des extrasystoles ventriculaires<br />
sans critère de gravité, une fois un bloc<br />
auriculo-ventriculaire en récupération,<br />
un spasme laryngé <strong>et</strong> une crise<br />
d’asthme à l’effort.<br />
La VO 2 maximale moyenne est de<br />
59 ml/mn/kg chez les garçons, avec une<br />
VMA à 18 km/h <strong>et</strong> de 52 ml/mn/kg chez<br />
les filles avec une VMA à 17 km/h (Tab. 3).<br />
Tableau 2 • Résultats de l’ECG de repos chez les joueurs de tennis de haut<br />
niveau.<br />
Filles Garçons Total %<br />
(34) (30) (64)<br />
Normal 10 14 34 53<br />
Atypies Repolarisation 15 8 23 36<br />
BiD 9 10 19 30<br />
BBD 1 1 2<br />
ESV-ESSV 1 1 2<br />
Ondes Q 1 1 2<br />
Brugada 1 1 2<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
6
L’échocardiographie est normale dans<br />
39 % des cas. Des signes de cœur d’athlète<br />
sont observés fréquemment, en<br />
particulier chez les garçons, une hypertrophie<br />
ventriculaire gauche dans 33 %<br />
des cas. La masse ventriculaire gauche<br />
moyenne est de 137 g pour les garçons,<br />
contre 96 g pour les filles. Les autres<br />
anomalies les plus fréquentes concernent<br />
le massif auriculaire, un foramen<br />
ovale perméable spontanément visible<br />
(12 %) <strong>et</strong> un anévrisme du septum<br />
inter-auriculaire (12 %).<br />
Nous manquons de références<br />
publiées chez les joueurs de tennis de<br />
haut niveau pour comparer nos données.<br />
La fréquence des anomalies du<br />
massif auriculaire spontanément<br />
r<strong>et</strong>rouvées est comparable à celle de<br />
la population générale. Cependant,<br />
elle peut sembler importante pour des<br />
sportifs de haut niveau <strong>et</strong> nécessite, à<br />
notre avis, de plus amples investigations<br />
pour savoir si elle peut être en<br />
rapport avec le sport pratiqué <strong>et</strong> en<br />
particulier les phases d’apnée brèves<br />
répétées qui accompagnent les gestes<br />
de frappe de la balle.<br />
C&S : Lors d’un tournoi de tennis<br />
de haut niveau, comme les Internationaux<br />
de Roland Garros, exist<strong>et</strong>-il<br />
une surveillance médicale<br />
spécifique pour les spectateurs <strong>et</strong>/ou<br />
pour les joueurs ?<br />
DMM : Pendant les tournois, il y a deux<br />
services médicaux, un pour le public <strong>et</strong><br />
un pour les joueurs. Dans le service des<br />
joueurs, ce sont des médecins vacataires<br />
qui assurent une présence pour traiter<br />
essentiellement des problèmes de traumatologie.<br />
Il n’y a pas de consultation<br />
cardiologique, mais je reste d’astreinte<br />
téléphonique pour les joueurs <strong>et</strong> les<br />
entraîneurs, pas pour le public. Tout le<br />
matériel de réanimation nécessaire est<br />
disponible sur le site du tournoi <strong>et</strong> une<br />
convention est passée en cardiologie<br />
avec l’Hôpital Ambroise Paré à Boulogne,<br />
pour la gestion des urgences cardiologiques<br />
éventuelles.<br />
C&S : Les joueurs participants<br />
doivent-ils présenter un certificat<br />
médical <strong>et</strong> bénéficient-ils d’une visite<br />
pré-tournoi, comme avant le Tour de<br />
France cycliste ?<br />
DMM : Le certificat médical est très probablement<br />
demandé mais, malheureusement,<br />
il n’y a pas de visite pré-tournoi.<br />
C&S : Enfin, il est fréquent de voir<br />
des compétitions de tennis dites de<br />
“masters” ou vétérans. Ces joueurs,<br />
parfois d’un âge respectable,<br />
doivent-ils présenter un certificat<br />
médical avant de participer au<br />
tournoi <strong>et</strong> bénéficient-ils d’un suivi<br />
cardiovasculaire minimal ?<br />
DMM : Avant chaque tournoi, un certificat<br />
médical est présenté, mais il<br />
n’existe pas de réel suivi des vétérans.<br />
Le suivi médical est seulement pour le<br />
haut niveau <strong>et</strong> les professionnels, les<br />
amateurs doivent se prendre en charge<br />
eux-mêmes. Il y a deux ans, nous avons<br />
Tableau 3 • Résultats de la mesure de VO 2 chez les joueurs de tennis de<br />
haut niveau.<br />
VO 2 VMA Seuil<br />
Ml/mn/kg km/h %<br />
Garçons 59 ± 8 18 ± 2 74 ± 12<br />
Filles 52 ± 8 17 ± 1 73 ± 11<br />
organisé une consultation gratuite (examen<br />
clinique <strong>et</strong> ECG de repos avec<br />
mesure de la pression artérielle) pendant<br />
les Championnats de France des<br />
vétérans. Seulement 25% des joueurs<br />
se sont présentés ! Certains joueurs<br />
présentaient des pathologies cardiovasculaires<br />
(bloc de branche gauche <strong>et</strong><br />
hypertension artérielle surtout), voire<br />
parfois des symptômes ayant nécessité<br />
la pratique d’une épreuve d’effort. Ainsi,<br />
je me souviens d’un vétéran qui présentait<br />
une hypertension artérielle, une<br />
douleur thoracique d’effort, un bloc de<br />
branche gauche <strong>et</strong> des lésions à la coronarographie.<br />
Il s’était pourtant inscrit<br />
au tournoi ! Il a bien sûr eu une contreindication<br />
à la poursuite du championnat.<br />
Je pense qu’une information, voire<br />
une éducation, doit être faite auprès des<br />
joueurs plus âgés. En eff<strong>et</strong>, la plupart se<br />
croient immunisés contre la maladie,<br />
en particulier cardiovasculaire. Il faut<br />
aussi insister sur l’importance du certificat<br />
médical de non contre-indication.<br />
Dans c<strong>et</strong>te population, il doit comporter<br />
un interrogatoire, un examen physique<br />
<strong>et</strong> au minimum un ECG de repos,<br />
voire, à mon avis, une épreuve d’effort.<br />
Les joueurs ont trop tendance à considérer<br />
le certificat médical comme une<br />
formalité administrative qui peut faire<br />
obstacle à leur désir de jouer. Je me souviens<br />
du cas de ce joueur persistant dans<br />
la volonté de continuer la compétition,<br />
alors que nous lui avions trouvé une<br />
contre-indication. Un bilan hémodynamique<br />
s’imposait en raison de la<br />
symptomatologie (dyspnée) qu’il présentait<br />
<strong>et</strong> en raison d’un aspect d’infarctus<br />
sur l’ECG de repos avec une<br />
fraction d’éjection à 35 % à l’échographie.<br />
Le comble est que ce joueur était<br />
médecin !<br />
Nous réfléchissons actuellement au<br />
niveau de la Fédération Française de<br />
Tennis aux examens qui seront obligatoirement<br />
demandés aux joueurs<br />
vétérans pour l’obtention de leur<br />
certificat médical de non contreindication.<br />
❚<br />
événement<br />
7 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
DOSSIER<br />
DOSSIER<br />
dossier<br />
Altitude <strong>et</strong> <strong>Sport</strong><br />
Adaptations, pathologies <strong>et</strong> prise en charge<br />
<br />
à l’hypoxie, Université Paris 13, Bobigny)<br />
<br />
Inserm U715, Strasbourg)<br />
<br />
<br />
Introduction<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Hôpital civil, Strasbourg)<br />
Physiologie de l’hypoxie d’altitude :<br />
adaptations cardiovasculaires<br />
Pr Jean-Paul Richal<strong>et</strong> (Hôpital Avicenne, Laboratoire Réponses cellulaires <strong>et</strong> fonctionnelles<br />
Médicaments cardiovasculaires :<br />
peut-on prédire leur eff<strong>et</strong> en altitude ?<br />
Dr Laurent Monassier (Laboratoire de Neurobiologie <strong>et</strong> Pharmacologie <strong>Cardio</strong>vasculaire,<br />
Pathologies cardiaques en altitude :<br />
risques, traitements <strong>et</strong> prise en charge<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Hôpital civil, Strasbourg)<br />
<strong>Sport</strong> en altitude :<br />
que faire avant un trekking ?<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Hôpital civil, Strasbourg)<br />
p. 10<br />
p. 10<br />
p. 14<br />
p. 20<br />
p. 23<br />
MOTS CLÉS<br />
Altitude, sport, compétition, entraînement, hypoxie,<br />
physiologie, pathologies cardiaques, pharmacologie,<br />
capacité d’effort, trekking, contre-indications<br />
9<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
dossier<br />
DOSSIER<br />
DOSSIER<br />
>>><br />
>>><br />
La montagne est un milieu “hostile”, qui associe à des<br />
dangers d’ordre climatique ou liés au terrain une<br />
raréfaction en oxygène. L’hypoxémie qu’elle<br />
entraîne, qui s’accentue avec l’altitude, est à l’origine<br />
d’adaptations initialement cardioventilatoires. La présence<br />
d’une pathologie cardiovasculaire peut donc logiquement<br />
interférer avec ces phénomènes d’acclimatation<br />
ou s’aggraver avec l’altitude.<br />
La montagne n’est plus réservée aux professionnels ou à une<br />
élite. De plus en plus de personnes pratiquent les sports de<br />
montagne, la randonnée ou le trekking de haute altitude.<br />
Cela va généralement bien au-delà de la pratique d’un sport<br />
ou d’une activité physique. Il s’agit là de personnes passionnées<br />
qui, malgré un événement cardiovasculaire, souhaitent,<br />
Introduction<br />
Dr Stéphane Doutreleau<br />
dans la mesure du possible, repartir en montagne.<br />
De plus en plus de patients, conscients <strong>et</strong> informés des<br />
risques liés à l’altitude, viennent consulter <strong>et</strong> demander<br />
des conseils. La réponse que l’on peut leur apporter est<br />
difficile parce que les études faites chez les patients porteurs<br />
de cardiopathies sont peu nombreuses. En plus, nos<br />
patients prennent souvent plusieurs médicaments dont<br />
l’efficacité peut être modulée en altitude <strong>et</strong>/ou interférer<br />
avec l’acclimatation.<br />
Autant de questions auxquelles plusieurs spécialistes vont<br />
essayer d’apporter des éléments de réponses.<br />
En eff<strong>et</strong>, si beaucoup de choses restent à montrer, la<br />
connaissance des mécanismes de l’adaptation à l’hypoxie<br />
<strong>et</strong> la modélisation des eff<strong>et</strong>s des médicaments en altitude<br />
peuvent perm<strong>et</strong>tre de donner des conseils adaptés.<br />
<br />
Physiologie de l’hypoxie<br />
d’altitude : adaptations<br />
cardiovasculaires<br />
Pr Jean-Paul Richal<strong>et</strong> (Hôpital Avicenne, Laboratoire Réponses cellulaires <strong>et</strong> fonctionnelles à<br />
l’hypoxie, Université Paris 13, Bobigny)<br />
à l’environnement<br />
de haute altitude<br />
L’exposition<br />
entraîne des réactions cardiovasculaires<br />
variables dans le<br />
temps. Nous donnerons d’abord une<br />
définition biologique de l’altitude,<br />
en fonction de l’importance des<br />
eff<strong>et</strong>s ressentis <strong>et</strong> des capacités de<br />
survie (1).<br />
En basse altitude (jusqu’à 1 000 m<br />
environ), aucun eff<strong>et</strong> n’est ressenti, ni<br />
au repos ni à l’exercice. Il faut noter<br />
cependant que chez certaines personnes<br />
souffrant d’affection s’accompagnant<br />
déjà d’une hypoxémie<br />
au niveau de la mer (cardiopathies<br />
avec shunt droit-gauche), l’altitude<br />
de 1 000 m peut aggraver les symptômes.<br />
En moyenne altitude (1 000 à<br />
2 000 m), le sportif ressent un eff<strong>et</strong><br />
sur la performance maximale. Ainsi,<br />
la consommation maximale d’oxygène<br />
diminue. En haute altitude<br />
(entre 2 000 <strong>et</strong> 5 500 m environ), les<br />
eff<strong>et</strong>s immédiats de l’hypoxie (hyperventilation,<br />
tachycardie) sont ressentis<br />
pour des exercices d’intensité de<br />
plus en plus faible, puis au repos. En<br />
très haute altitude (au-delà de 5 500 m<br />
environ), la vie humaine permanente<br />
est, semble-t-il, impossible.<br />
Cependant, l’homme est capable, par<br />
des ajustements appropriés, de vivre<br />
<strong>et</strong> même d’avoir une activité physique<br />
parfois intense à ces altitudes.<br />
Ceci nécessite un temps incompressible<br />
d’acclimatation.<br />
De l’air ambiant jusqu’à la mitochondrie,<br />
le flux d’O 2 dépend des gradients<br />
successifs de pression d’O 2 <strong>et</strong> des<br />
débits de gaz ou de sang qui transportent<br />
l’O 2 . En altitude, la pression d’O 2<br />
<strong>et</strong> donc les gradients d’O 2 diminuent<br />
à tous les niveaux. Ainsi, pour maintenir<br />
un flux d’O 2 adéquat au niveau<br />
cellulaire, les débits ventilatoire <strong>et</strong> cardiaque<br />
doivent augmenter pour compenser<br />
la baisse des gradients d’O 2 .<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
10
DOSSIER<br />
% ou b/min<br />
120<br />
110<br />
100<br />
90<br />
80<br />
70<br />
0 5000 5500 6000 6500 7000 5000<br />
8000 8848 0<br />
> La fréquence cardiaque<br />
L’activité sympathique augmente en<br />
hypoxie, comme en témoigne l’augmentation<br />
de l’activité nerveuse mesurée<br />
directement dans le nerf tibial ou<br />
péronier (2). La concentration plasmatique<br />
de noradrénaline augmente rapidement<br />
puis se stabilise, voire diminue<br />
après 2 à 3 semaines, mais reste toujours<br />
supérieure à sa valeur du niveau<br />
de la mer (3, 4). La fonction chronotrope<br />
cardiaque est fortement stimulée<br />
en altitude. Il faut différencier ce qui se<br />
passe en hypoxie aiguë (quelques jours)<br />
<strong>et</strong> en hypoxie prolongée ou chronique.<br />
En hypoxie aiguë, la fréquence cardiaque<br />
de repos augmente de façon<br />
proportionnelle au degré d’hypoxémie<br />
(Fig. 1). A chaque niveau absolu d’exercice,<br />
la fréquence cardiaque est plus<br />
élevée en altitude. En hypoxie prolongée,<br />
la fréquence cardiaque de repos <strong>et</strong><br />
à l’exercice modéré diminue progressivement<br />
avec l’acclimatation, mais reste<br />
supérieure aux valeurs correspondantes<br />
de normoxie. A l’exercice maximal,<br />
la fréquence cardiaque diminue à<br />
partir d’environ 3 000 m (Fig. 2).<br />
La diminution de la fréquence cardiaque<br />
maximale en hypoxie prolongée<br />
constitue certainement un facteur limitant<br />
du transport de l’oxygène à l’exercice<br />
maximal, car le débit cardiaque<br />
diminue de façon parallèle à la fré-<br />
5750<br />
7000<br />
6500<br />
60<br />
0 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35<br />
jour dans le caisson hypobare<br />
6500<br />
altitude<br />
Figure 1 • Variations de la saturation artérielle en oxygène <strong>et</strong> de la fréquence<br />
cardiaque en fonction de l’altitude. Données de l’Opération Everest COMEX, 1997 (20).<br />
quence, le volume d’éjection systolique<br />
variant peu en altitude. Ainsi, la quantité<br />
maximale d’oxygène apportée par le<br />
sang vers les tissus diminue.<br />
Ce phénomène de limitation de la fréquence<br />
cardiaque maximale est lié à une<br />
diminution de la réponse chronotrope<br />
cardiaque à la stimulation adrénergique,<br />
comme si l’altitude avait un eff<strong>et</strong><br />
“ß-bloquant” sur le cœur. Il a été mis sur<br />
le compte d’une hyperactivation parasympathique<br />
(5, 6), mais il s’agit surtout<br />
d’un phénomène de désensibilisation<br />
des récepteurs ß-adrénergiques (4, 7).<br />
Ainsi, on note une baisse en hypoxie de la<br />
réponse chronotrope cardiaque, soit lors<br />
d’une activation adrénergique endogène<br />
(exercice), soit d’une stimulation exogène<br />
par perfusion d’isoprénaline (8, 9). De<br />
plus, la densité des récepteurs ß-adrénergiques<br />
diminue en hypoxie, soit sur<br />
des lymphocytes chez l’homme (4, 7), soit<br />
sur des myocytes chez le rat (10). C<strong>et</strong>te<br />
désensibilisation des ß-récepteurs n’est<br />
pas complètement réversible par l’inhalation<br />
d’oxygène (9, 11). Il semble que ce<br />
phénomène soit lié à une modification de<br />
la transduction du signal au sein des ß-<br />
récepteurs adrénergiques (12). Il serait lié<br />
d’une part, à la stimulation chronique des<br />
ß-récepteurs liée à l’activation permanente<br />
du système sympathique, d’autre<br />
part à un eff<strong>et</strong> spécifique de l’hypoxie sur<br />
les récepteurs cardiaques <strong>et</strong> les protéines<br />
G régulatrices (12).<br />
Sa<br />
Fc<br />
C<strong>et</strong>te atténuation des propriétés chronotropes<br />
cardiaques maximales peut<br />
limiter la performance physique<br />
maximale, mais peut être également<br />
considérée comme un mécanisme protecteur<br />
du myocarde. En eff<strong>et</strong>, la<br />
fréquence cardiaque est l’un des principaux<br />
déterminants de la consommation<br />
d’oxygène du myocarde <strong>et</strong> une<br />
hypoxie sévère pourrait être incompatible<br />
avec la fourniture d’oxygène au<br />
myocarde nécessaire à une tachycardie<br />
intense (4). Ainsi, l’organisme choisit de<br />
limiter ses performances physiques<br />
pour protéger le cœur, organe vital, par<br />
une véritable autorégulation.<br />
> Le débit cardiaque<br />
<strong>et</strong> la contractilité<br />
myocardique<br />
Le volume d’éjection systolique varie<br />
peu en altitude. Au repos ou à l’exercice,<br />
il a tendance à augmenter ou à rester<br />
stable en hypoxie aiguë <strong>et</strong> à diminuer<br />
en hypoxie chronique. C<strong>et</strong>te diminution<br />
est à m<strong>et</strong>tre en relation avec une<br />
baisse du r<strong>et</strong>our veineux, comme en<br />
témoigne la diminution des pressions<br />
dans l’oreill<strong>et</strong>te droite (13). Le débit cardiaque<br />
augmente au repos <strong>et</strong>, pour des<br />
exercices modérés, diminue à l’exercice<br />
maximal en hypoxie prolongée.<br />
Le cœur ne semble pas souffrir en altitude,<br />
même en altitude extrême. Ainsi,<br />
des échocardiographies réalisées en<br />
FRÉQUENCE CARDIAQUE (b/min)<br />
200<br />
180<br />
160<br />
140<br />
120<br />
100<br />
80<br />
60<br />
40<br />
repos, hypoxie aiguë<br />
max, hypoxie aiguë<br />
0 1 2 3 4 5 6 7 8<br />
ALTITUDE 5km<br />
dossier<br />
Figure 2 • Variations schématiques de la fréquence<br />
cardiaque de repos <strong>et</strong> à l’exercice maximal en hypoxie<br />
aiguë (trait plein) <strong>et</strong> prolongée (trait pointillé)<br />
en fonction de l’altitude (1).<br />
9<br />
max, hypoxie prolongée<br />
repos, hypoxie prolongée<br />
>>><br />
11 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
dossier<br />
DOSSIER<br />
>>><br />
altitude simulée jusqu’à 8 848 m, montrent<br />
une augmentation des indices de<br />
contractilité, liée à l’activation du système<br />
sympathique : à 7 500 m, la fraction<br />
d’éjection augmente de 6 % au<br />
repos <strong>et</strong> de 10 % à l’exercice (14). La<br />
relation de Starling, évaluée par la<br />
courbe volume d’éjection/pression<br />
capillaire bloquée, n’est pas altérée en<br />
altitude (13). Des échographies cardiaques,<br />
réalisées jusqu’à l’altitude<br />
équivalente de 8 848 m lors de l’Opération<br />
Everest III, n’ont pas montré de<br />
modifications significatives de la fraction<br />
d’éjection (Fig. 3). Le diamètre télédiastolique<br />
du VG était plus faible en<br />
altitude, traduisant une diminution du<br />
remplissage VG, portant sur le remplissage<br />
précoce au profit du rôle joué par<br />
la contraction auriculaire (comme en<br />
témoigne la baisse du rapport de vitesse<br />
maximale de l’onde E sur l’onde A).<br />
C<strong>et</strong>te diminution est probablement liée<br />
à une gêne du remplissage du VG, du<br />
fait de la dilatation du VD qui refoule le<br />
septum vers la gauche (15).<br />
L’électrocardiogramme<br />
L’électrocardiogramme ne montre pas<br />
de modification notable outre les<br />
conséquences directes de la tachycardie<br />
<strong>et</strong> de l’hypertension artérielle pulmonaire,<br />
avec la surcharge ventriculaire<br />
droite qu’elle induit : axe droit (107° à<br />
8 800 m), augmentation de l’amplitude<br />
de l’onde P <strong>et</strong> des ondes T aplaties ou<br />
inversées en précordiales droites. Par<br />
ailleurs, quelques troubles du rythme à<br />
type d’extrasystoles ventriculaires, des<br />
bradyarythmies nocturnes ont pu être<br />
occasionnellement notés (16-18).<br />
Aucun signe électrique de souffrance<br />
myocardique n’a jamais été noté chez<br />
un suj<strong>et</strong> sain en haute altitude.<br />
La pression artérielle<br />
A<br />
(%)<br />
C<br />
(mm)<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
NM<br />
NM<br />
Fraction d’éjection VG<br />
FRACTION D'ÉJÉCTION VG<br />
5000<br />
DIAMÈTRE TÉLÉDIASTOLIQUE VG<br />
5000<br />
7000<br />
CONDITION<br />
7000<br />
CONDITION<br />
8000 RNM<br />
Diamètre télédiastolique<br />
8000<br />
RNM<br />
p < 0.05 vs NM<br />
p < 0.05 vs NM<br />
liques à l’exercice en hypoxie prolongée<br />
(19). Certaines études trouvent une<br />
pression artérielle légèrement augmentée<br />
dès le début du séjour, mais<br />
d’autres études ne trouvent aucune<br />
variation des pressions systémiques,<br />
même après un séjour prolongé en<br />
hypoxie sévère (20).<br />
• La pression artérielle pulmonaire<br />
La pression artérielle pulmonaire (PAP)<br />
augmente en altitude. La vasoconstriction<br />
pulmonaire hypoxique, décrite par<br />
Von Euler en 1946, induit une hypertension<br />
artérielle pulmonaire (HTAP).<br />
C<strong>et</strong>te HTAP est particulièrement marquée<br />
à l’exercice en hypoxie (13). Elle<br />
est également majorée par la position<br />
allongée, en particulier au cours du<br />
sommeil. La PAP s’élève après<br />
quelques minutes <strong>et</strong> se stabilise en<br />
12 à 24 heures. Elle augmente avec<br />
l’altitude, mais peut être très variable<br />
suivant les individus. A 4 500 m, la PAP<br />
est le double de sa valeur du niveau de<br />
(mmHg)<br />
(%)<br />
50<br />
35<br />
30<br />
20<br />
45<br />
40<br />
25<br />
3<br />
2,5<br />
2<br />
1,5<br />
1<br />
0,5<br />
PRESSION ARTÉRIELLE PULMONAIRE SYSTOLIQUE<br />
NM<br />
NM<br />
5000<br />
RAPPORT VITESSE MAX E/A<br />
5000<br />
7000<br />
CONDITION<br />
7000<br />
CONDITION<br />
8000 RNM<br />
8000 RNM<br />
p < 0.05 vs NM<br />
p < 0.05 vs NM<br />
Figure 3 • Fonction cardiaque en haute altitude : données échocardiographiques<br />
obtenues lors de l’Opération Everest COMEX (2,18). A : fraction d’éjection (VG) ;<br />
B : pression artérielle pulmonaire systolique ; C : diamètre télédiastolique (VG) ;<br />
D : rapport vitesse max E/A.<br />
NM : niveau de la mer ; RNM : r<strong>et</strong>our au niveau de la mer après 30 jours en caisson<br />
hypobare.<br />
B<br />
D<br />
Pression artérielle pulmonaire<br />
systolique<br />
Rapport vitesse max E/A<br />
• La pression artérielle systémique<br />
Elle varie peu en altitude. On note<br />
cependant une tendance à une élévation<br />
des pressions systoliques <strong>et</strong> diastola<br />
mer. La PAP mesurée par échographie<br />
lors de l’Opération Everest III<br />
(COMEX’97) montre une augmentation<br />
avec l’altitude (15). La pression ne<br />
semble pas revenue à la valeur de base,<br />
pour tous les suj<strong>et</strong>s, un jour après le<br />
r<strong>et</strong>our en normoxie (Fig. 3B).<br />
En hypoxie chronique, l’inhalation<br />
d’oxygène entraîne une diminution<br />
du débit cardiaque <strong>et</strong> de la PAP, les<br />
résistances pulmonaires ne variant<br />
pas : ceci signifie que s’installent des<br />
modifications structurelles à type de<br />
muscularisation des artérioles d’environ<br />
500 µm de diamètre, comme chez<br />
le résident de haute altitude. L’HTAP<br />
r<strong>et</strong>entit sur la fonction ventriculaire<br />
droite, en créant une hypertrophie<br />
(qui semble cependant limitée chez<br />
l’homme, alors qu’elle est très importante<br />
chez le rat). Elle peut également<br />
r<strong>et</strong>entir indirectement sur le remplissage<br />
ventriculaire gauche, par interaction<br />
entre les deux ventricules. Au<br />
niveau de la mer, la PAP, élevée chez le<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
12
DOSSIER<br />
fo<strong>et</strong>us, chute brusquement après la<br />
naissance ; en altitude, la PAP du nouveau-né<br />
ne diminue que très lentement,<br />
car le stimulus hypoxique de la vie in<br />
utero persiste. Ce phénomène pourrait<br />
expliquer l’incidence importante de<br />
décompensation de pathologies cardiaques<br />
chez les nouveau-nés de certaines<br />
populations vivant en altitude<br />
(Chinois vivant au Tib<strong>et</strong>). Le rôle de<br />
l’HTAP dans la genèse de l’œdème pulmonaire<br />
hypoxique est primordial (1).<br />
La circulation<br />
• La circulation coronaire<br />
La circulation coronaire réagit à l’hypoxie<br />
aiguë par une vasodilatation dont<br />
le médiateur pourrait être l’adénosine.<br />
En hypoxie chronique <strong>et</strong> chez le résident<br />
de haute altitude, le débit coronaire<br />
diminue (21).<br />
• La circulation cérébrale<br />
La circulation cérébrale est le siège d’un<br />
conflit entre la vasodilatation induite<br />
par l’hypoxie <strong>et</strong> la vasoconstriction<br />
induite par l’hypocapnie. La résultante<br />
va dans le sens d’une augmentation du<br />
débit cérébral pendant les 3 premiers<br />
jours en altitude, suivie d’un r<strong>et</strong>our progressif<br />
aux valeurs de base (22, 23).<br />
> En conclusion<br />
Au total, le système cardiovasculaire<br />
est aux avant-postes dans les processus<br />
d’ajustement à l’hypoxie<br />
aiguë <strong>et</strong> chronique, particulièrement<br />
lors de l’exercice musculaire. La stimulation<br />
permanente du système<br />
adrénergique est le mécanisme principal<br />
de mise en jeu de ce système.<br />
Cependant, des mécanismes de protection<br />
du cœur se m<strong>et</strong>tent en place<br />
très rapidement, qui font que le<br />
cœur sain est capable de supporter<br />
des hypoxémies très sévères sans<br />
dommage, pour peu que l’acclimatation<br />
soit progressive. ❚<br />
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residents at sea level and high altitude. J Appl Physiol 1974 ; 36 : 169-72.<br />
20. Richal<strong>et</strong> JP, Robach P, Jarrot S <strong>et</strong> al. Operation Everest III (COMEX ‘97) : effects of<br />
prolonged and progressive hypoxia on humans during a simulated ascent to 8 848 m<br />
in a hypobaric chamber. In Hypoxia: Into the next Millenium, Roach RC, Wagner PD<br />
and Hack<strong>et</strong>t PH eds. Kluwer Academic/Plenum Pub, New York, 1999 : 297-317.<br />
21. Mor<strong>et</strong> PR. Coronary blood flow and myocardial m<strong>et</strong>abolism in man at high altitude.<br />
In : High altitude physiology : Cardiac and RespiratoIy Aspects, Porter R, Knight<br />
J. Edinburg : Churchill Livingstone, 1971 ; 131-48.<br />
22. Court-Payen M, Ter Minassian A, Olsen NV <strong>et</strong> al. The effect of isradipine in acute<br />
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23. Severinghaus JW, Chiodi H, Eger EI 2 nd <strong>et</strong> al. Cerebral blood flow in man at high<br />
altitude. Role of cerebrospinal flow pH in normalization of flow in chronic hypocapnia.<br />
Circ Res 1966 ; 19 : 274-82.<br />
dossier<br />
13 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
dossier<br />
DOSSIER<br />
>>><br />
Médicaments<br />
cardiovasculaires :<br />
peut-on prédire leur eff<strong>et</strong><br />
en altitude ?<br />
Dr Laurent Monassier (Laboratoire de Neurobiologie <strong>et</strong> Pharmacologie <strong>Cardio</strong>vasculaire,<br />
Inserm U715, Strasbourg)<br />
Si on a tendance à réfléchir sur le<br />
risque d’aggravation d’une pathologie<br />
cardiovasculaire du fait de<br />
l’altitude <strong>et</strong> donc de l’hypoxie, la majoration<br />
d’un risque médicamenteux n’est<br />
que rarement abordée. Or, un travail<br />
précurseur, publié en 1988 par une<br />
équipe russe (1), chez des malades insuffisants<br />
cardiaques, avait révelé des<br />
risques d’intoxication digitalique deux<br />
fois supérieur en altitude qu’au niveau<br />
de la mer.<br />
Le problème de la pharmacologie en<br />
altitude est complexe, dans la mesure<br />
où de nombreuses adaptations physiologiques<br />
sont susceptibles de<br />
modifier l’efficacité des médicaments,<br />
soit pour des raisons de pharmacocinétique,<br />
soit pour des<br />
variations de la réponse des cibles,<br />
c’est-à-dire de la pharmacodynamie.<br />
Cependant, très peu de groupes de<br />
recherche s’en sont rigoureusement<br />
préoccupés en analysant l’ensemble<br />
du problème, qui doit intégrer l’altitude<br />
à laquelle on va, la vitesse à<br />
laquelle on monte, le temps pendant<br />
lequel on y reste <strong>et</strong> l’ensemble des<br />
paramètres pharmacocinétiques <strong>et</strong><br />
pharmacodynamiques qui régissent<br />
l’efficacité de chacun des produits<br />
étudiés. De plus, dans le cas de l’appareil<br />
cardiovasculaire, l’altitude pro-<br />
duit des adaptations qui peuvent<br />
indirectement influencer l’eff<strong>et</strong> d’un<br />
traitement ciblant c<strong>et</strong> appareil. Ainsi,<br />
comme nous le verrons plus loin, l’altitude<br />
peut induire une tachycardie<br />
qui se verrait ajoutée à l’eff<strong>et</strong> d’un<br />
produit tachycardisant. Il s’agit là<br />
d’une interaction non pas pharmacologique,<br />
mais simplement fonctionnelle.<br />
C’est ainsi qu’il faudrait<br />
quasiment faire une étude clinique<br />
pour chaque produit cardiovasculaire<br />
avant de pouvoir répondre correctement<br />
à la question qui nous préoccupe<br />
: « Existe-t-il un risque de voir<br />
l’efficacité thérapeutique <strong>et</strong>/ou la<br />
toxicité d’un médicament modifiée<br />
du fait d’une montée en altitude ? ».<br />
Dans ce bref article, nous allons tenter<br />
de discuter trois principales questions<br />
:<br />
1. En quoi l’altitude affecte-t-elle la<br />
pharmacocinétique des médicaments<br />
?<br />
2. Quelle est l’influence de l’altitude<br />
sur la pharmacodynamie, c’est-à-dire<br />
des eff<strong>et</strong>s sur leurs cibles, des produits<br />
utilisés à des fins thérapeutiques<br />
cardiovasculaires ?<br />
3. Est-ce que l’adaptation à l’altitude<br />
conduit elle-même à des interactions<br />
fonctionnelles avec les médicaments<br />
cardiovasculaires ?<br />
> Modifications<br />
de la pharmacocinétique<br />
Eff<strong>et</strong>s de l’altitude<br />
sur la résorption<br />
La perte de poids associée à une anorexie<br />
est un phénomène couramment<br />
observé en altitude, particulièrement<br />
au dessus de 5 000 m (2). C<strong>et</strong>te perte<br />
de poids peut être observée en dépit<br />
d’un apport calorique normal <strong>et</strong> il est<br />
donc normal de se demander si elle<br />
ne pourrait pas, au moins en partie,<br />
provenir d’une réduction de la<br />
résorption intestinale. Les résultats<br />
du peu d’études réalisées semblent<br />
montrer que des expositions à des<br />
altitudes élevées (habituellement<br />
plus de 6 000 m) pourraient aboutir à<br />
une réduction de la résorption intestinale<br />
des sucres (3). Il est cependant<br />
peu probable que des modifications<br />
de pharmacocinétique des médicaments<br />
cardiovasculaires puissent être<br />
dues à des anomalies de la résorption<br />
intestinale, en particulier à moins de<br />
5 000 m d’altitude.<br />
Eff<strong>et</strong> du premier passage<br />
Indépendamment de la structure chimique<br />
des médicaments, qui n’est pas<br />
affectée par l’altitude, l’eff<strong>et</strong> de premier<br />
passage est majoritairement hépatique<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
14
DOSSIER<br />
Tableau 1 • Aspects de métabolisme hépatique <strong>et</strong> de liaison aux protéines<br />
plasmatiques de quelques médicaments cardiovasculaires.<br />
Produits Métabolisme hépatique Liaison<br />
aux protéines<br />
plasmatiques<br />
Digoxine Faible 20 %<br />
Périndopril Activation (prodrogue) < 30 %<br />
Enalapril Activation (prodrogue) 50-60 %<br />
Lisinopril Non Non<br />
Losartan CYP2C9 (activation) 99 %<br />
Valsartan Non 94-97 %<br />
Propranolol CYP1A2, 2C19, 2D6, 3A4, 5, 7 90 %<br />
Métoprolol CYP2D6 10 %<br />
Carvédilol CYP2D6 98-99 %<br />
Diltiazem CYP3A4, 5, 7 80-85 %<br />
Vérapamil CYP1A2 <strong>et</strong> 3A4, 5, 7 90 %<br />
Nifédipine CYP3A4, 5, 7 90-95 %<br />
Molsidomine Activation (prodrogue) 10 %<br />
Amiodarone Non Non<br />
Flécaïnide Désacétylation (75 %) 40 %<br />
Aspirine Désacétylation (100 %) 95 %<br />
Clopidogrel Activation CYP2B6, 3A4 94-98 %<br />
Fluindione 65 % 97 %<br />
Acénocoumarol 100 % (métab. actifs) 97 %<br />
Furosémide Faible 96-98 %<br />
Hydrochlorothiazide Non 40 %<br />
Atorvastatine CYP3A4 (métab. actifs) 95 %<br />
Simvastatine Hydroxylation (métab. actif) 90 %<br />
<strong>et</strong> dépend du taux de fixation du produit<br />
aux protéines plasmatiques <strong>et</strong> aux<br />
globules rouges (plus il est fixé, moins<br />
il sera capté par les hépatocytes), ainsi<br />
que de l’activité des systèmes enzymatiques<br />
du foie. L’exposition à des<br />
altitudes d’environ 4 000 m est connue<br />
pour induire une augmentation de la<br />
concentration plasmatique des protéines,<br />
passant en partie par une<br />
réduction du volume circulant <strong>et</strong> une<br />
polyglobulie dès que la durée du séjour<br />
dépasse 5 à 7 jours (4, 5). On ne serait<br />
donc pas surpris de voir modifiée la<br />
pharmacocinétique des produits hautement<br />
fixés dans le compartiment<br />
sanguin.<br />
• Sur les caractéristiques cinétiques<br />
Ce problème a été étudié pour le furosémide,<br />
chez des suj<strong>et</strong>s placés au niveau<br />
de la mer puis en montagne, de<br />
manière aiguë ou prolongée. Il est lié à<br />
près de 98 % aux protéines plasmatiques,<br />
mais n’a pas de fixation érythrocytaire.<br />
En altitude, en dépit de<br />
l’augmentation des protéines circulantes,<br />
la fixation du furosémide passe<br />
de 97,2 % au niveau de la mer à 95,1 %<br />
après 15 heures à 3 600 m <strong>et</strong> 91,1 % chez<br />
des volontaires vivant en altitude depuis<br />
plus de 6 mois (6). La fraction libre, biologiquement<br />
active, du furosémide est<br />
donc multipliée par 3, ce qui est tout a<br />
fait considérable. Ce résultat, a priori<br />
contradictoire, provient probablement<br />
d’une réduction encore inexpliquée de<br />
l’affinité des protéines circulantes pour<br />
ce composé, avec, pour conséquence<br />
directe, une majoration de son excrétion<br />
rénale. Il est donc probable que son<br />
efficacité diurétique soit augmentée en<br />
altitude, mais la démonstration de c<strong>et</strong>te<br />
hypothèse reste à faire.<br />
Si on considère des produits à fixation<br />
strictement érythrocitaire (lithium), la<br />
polyglobulie d’altitude aboutit à une<br />
majoration de la fixation entraînant une<br />
réduction de la clairance <strong>et</strong> une prolongation<br />
du temps de demi-vie d’élimination<br />
(7).<br />
En ce qui concerne les produits à<br />
fixation partagée entre les protéines<br />
<strong>et</strong> les globules, les résultats sont plus<br />
complexes. Une analyse de ce type a<br />
été effectuée pour l’acétazolamide, le<br />
diurétique recommandé en prévention<br />
du mal des montagnes (8, 9).<br />
L’altitude provoquerait une augmentation<br />
de sa liaison globulaire, associée<br />
à une réduction de sa fixation<br />
aux protéines plasmatiques. Au total,<br />
la chronologie de son excrétion urinaire<br />
n’apparaît pas grandement<br />
modifiée, elle semble juste être un<br />
peu plus rapide au début, avec abaissement<br />
du taux résiduel.<br />
En concusion, le risque pricipal posé<br />
par l’altitude est l’augmentation de la<br />
fraction libre pour les produits très fixés<br />
aux protéines plasmatiques, avec<br />
réduction du temps de demi-vie d’élimination,<br />
mais aussi risque de majoration<br />
de l’eff<strong>et</strong> thérapeutique <strong>et</strong> de la<br />
toxicité (Tab. 1).<br />
dossier<br />
>>><br />
15 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
DOSSIER<br />
>>><br />
dossier<br />
• Sur l’activité des cytochromes<br />
L’hypoxie chronique peut aussi affecter<br />
l’activité des cytochromes (CYP) hépatiques.<br />
En eff<strong>et</strong>, l’exposition de rats à<br />
une hypoxie conduisant à maintenir<br />
des PaO 2 entre 35 <strong>et</strong> 50 mmHg, soit ce<br />
que l’on peut r<strong>et</strong>rouver lors de séjours<br />
aux alentours de 4 500 m d’altitude,<br />
aboutit à une réduction de l’activité<br />
puis de l’expression de CYP1A1,<br />
CYP1A2, CYP2B6, CYP2C9, CYP2C19 <strong>et</strong><br />
CYP2E1, alors que le CYP3A6 est surexprimé<br />
(10, 11). Ces résultats doivent<br />
être confirmés chez l’homme puisque,<br />
au contraire du rat, il a été montré que<br />
l’altitude pouvait majorer l’activité du<br />
CYP1A2 avec accélération du métabolisme<br />
de la caféine (12). Des médicaments<br />
cardiovasculaires métabolisés<br />
par ce cytochrome pourraient être<br />
concernés : la méxilétine <strong>et</strong> la propafénone<br />
ainsi que, pour une partie, le propranolol<br />
<strong>et</strong> le vérapamil, pourraient<br />
donc voir leur eff<strong>et</strong> de premier passage<br />
hépatique ainsi que leur métabolisme<br />
augmenté <strong>et</strong> donc, leur efficacité diminuée<br />
lors de séjours à des altitudes<br />
d’environ 4 000 m.<br />
En ce qui concerne le cas particulier du<br />
CYP1A2, il serait très intéressant de<br />
savoir comment son niveau d’expression<br />
varie dans d’autres tissus que le<br />
foie. Il semblerait que l’induction du<br />
CYP1A2 dans la paroi artérielle contribue<br />
à réduire les phénomènes de tolérance<br />
aux dérivés nitrés (13). Il est donc<br />
possible que l’altitude puisse participer<br />
à l’augmentation des eff<strong>et</strong>s de ces vasodilatateurs,<br />
comme cela a été suggéré<br />
en 1988 par une étude russe menée<br />
chez des malades insuffisants cardiaques<br />
en altitude (1).<br />
Distribution tissulaire<br />
L’altitude peut conduire à une perte de<br />
poids liée à une réduction de la masse<br />
grasse. C<strong>et</strong>te fonte peut être relativement<br />
rapide, d’autant plus que le séjour<br />
en montagne est bien souvent associé<br />
à une majoration de l’activité physique.<br />
Dans ce cadre, des substances lipo-<br />
philes <strong>et</strong> stockées dans le tissu adipeux<br />
pourraient voir leur concentration plasmatique<br />
augmenter. Ce problème doit<br />
être envisagé avec l’amiodarone, qui est<br />
une substance extrêmement fixée dans<br />
les tissus, dont le tissu adipeux, <strong>et</strong> pour<br />
laquelle la toxicité en altitude pourrait<br />
augmenter du fait d’une libération<br />
accrue.<br />
Elimination des médicaments<br />
Le rein participe à l’adaptation à l’altitude<br />
en synthétisant l’érythropoïétine<br />
<strong>et</strong> encontribuant à la régulation<br />
de l’équilibre hydrique <strong>et</strong> ionique<br />
(14, 15). Une exposition chronique à<br />
une altitude élevée (5 800 m) peut<br />
abaisser le débit rénal de près de 40 %<br />
(16). La clairance rénale des médicaments<br />
éliminés par c<strong>et</strong>te voie peut<br />
donc être diminuée en situation<br />
d’hypoxie prolongée, en particulier<br />
chez les malades présentant une<br />
dysfonction rénale préexistante.<br />
> Modifications<br />
de la pharmacodynamie<br />
Nous verrons ici les adaptations portant<br />
sur le système nerveux sympathique<br />
<strong>et</strong> sur la vasorelaxation<br />
dépendante de l’endothélium impliquant<br />
le monoxyde d’azote (NO).<br />
Des expositions brèves à des pressions<br />
partielles en oxygène réduites sont<br />
connues pour augmenter les concentrations<br />
plasmatiques d’adrénaline <strong>et</strong><br />
de noradrénaline (17). Ces augmentations<br />
sont intégralement responsables<br />
de la tachycardie d’altitude, car c<strong>et</strong>te<br />
dernière est totalement abolie par les<br />
β-bloquants. Ces médicaments cardiovasculaires<br />
sont donc responsables<br />
d’un blocage de la principale adaptation<br />
hémodynamique instantanée à<br />
l’altitude, avec pour conséquence une<br />
réduction des capacités à l’exercice plus<br />
importante que celle que l’on pourrait<br />
observer pour la même dose de produit<br />
au niveau de la mer.<br />
Lorsque l’hypoxie se prolonge, les<br />
modifications d’expression des protéines<br />
qui participent aux réponses<br />
adrénergiques vont être complexes,<br />
mais globalement contribuer à une<br />
réduction des réponses adrénergiques.<br />
Par une activation directe des<br />
chémorécepteurs, ainsi que par la stimulation<br />
de l’expression de la tyrosine<br />
hydroxylase (enzyme limitante<br />
de la biosynthèse des catécholamines)<br />
(18), l’hypoxie déclenche l’activation<br />
du système adrénergique<br />
mais, de manière intéressante, elle<br />
semble porter principalement sur la<br />
libération nerveuse de noradrénaline,<br />
plus que sur celle d’adrénaline<br />
par la glande médullo-surrénale.<br />
C<strong>et</strong>te libération de noradrénaline, en<br />
particulier cardiaque <strong>et</strong> artérielle, est<br />
probablement amplifiée par une<br />
désensibilisation des récepteurs α2-<br />
adrénergiques pré-synaptiques,<br />
comme cela a été récemment montré<br />
chez l’homme en altitude dans les<br />
plaqu<strong>et</strong>tes sanguines (17). Dans ce<br />
cas, des antihypertenseurs activant,<br />
au moins en partie, ces récepteurs<br />
(rilménidine, moxonidine, clonidine)<br />
pourraient voir leur activité thérapeutique<br />
diminuée en altitude. On ne<br />
peut actuellement ém<strong>et</strong>tre aucune<br />
hypothèse quant à un éventuel eff<strong>et</strong><br />
de l’altitude sur leurs eff<strong>et</strong>s antihypertenseurs<br />
centraux.<br />
Sur le versant post-synaptique, l’augmentation<br />
de la concentration<br />
synaptique de noradrénaline conduit<br />
à une désensibilisation des récepteurs<br />
β1 (19), alors que les β2 ne<br />
seraient pas affectés. C<strong>et</strong>te désensibilisation<br />
réceptorielle est associée à<br />
une répression de l’expression de la<br />
forme active de la protéine G s α, alors<br />
que les protéines G i voient leur<br />
niveau d’expression augmenté (20).<br />
Comme les récepteurs β1 sont exclusivement<br />
couplés à la protéine G s ,<br />
alors que les β2 le sont à G s <strong>et</strong> G i , la<br />
réponse cardiaque chronotrope <strong>et</strong><br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
16
DOSSIER<br />
A. niveau de la mer<br />
B. altitude<br />
Activation baroréflexe<br />
Stimulation de l’expression<br />
de la tyrosine hydroxylase<br />
+<br />
Noradrénaline<br />
+ +<br />
1<br />
Eff<strong>et</strong> β1 prédominant : Inotrope+,<br />
Chronotrope +<br />
-<br />
inotrope positive (due à l’augmentation<br />
de la production d’AMPc, suite à<br />
la stimulation de la G s ) diminue avec<br />
le temps, pour être remplacée par un<br />
eff<strong>et</strong> majoritaire de l’activation G i .<br />
Ainsi, les eff<strong>et</strong>s post-synaptiques cardiaques<br />
habituels de la noradrénaline<br />
disparaîtraient avec le temps,<br />
pour être remplacés par un eff<strong>et</strong><br />
paradoxal, masqué complètement au<br />
niveau de la mer (Fig. 1). Dans ce<br />
cadre, les β-bloquants vont empêcher<br />
les adaptations initiales, voire<br />
même fonctionner en synergie avec<br />
la désensibilisation, mais pourraient<br />
préserver la densité des récepteurs<br />
β1, lorsque ceux-ci désensibilisent<br />
puisque c<strong>et</strong>te dernière est la conséquence<br />
directe de la stimulation cactécholaminergique.<br />
D’autres récepteurs adrénergiques sont<br />
aussi concernés par les conséquences<br />
de l’altitude. En eff<strong>et</strong>, certains récepteurs<br />
α-adrénergiques (α 1a <strong>et</strong> α 1b ) possèdent,<br />
dans la région promotrice de leurs<br />
gènes, des zones régulées par l’hypoxie.<br />
Ainsi, l’expression du récepteur α 1a est<br />
Noradrénaline<br />
1<br />
α2<br />
Augmentation de la libération de noradrénaline,<br />
diminution de sa recapture.<br />
Désensibilisation des récepteurs β1. Réduction<br />
d’expression de la protéine G sα . Renforcement<br />
de l’eff<strong>et</strong> β2, en particulier<br />
passant par G i (inotrope-, dromotrope-)<br />
Figure 1 • Eff<strong>et</strong>s de l’hypoxie chronique sur l’expression synaptique des récepteurs β1, β2<br />
<strong>et</strong> α2 adrénergiques. L’hypoxie augmente la libération de noradrénaline, qui va induire<br />
une modification du niveau d’expression de certains récepteurs adrénergiques.<br />
stimulée par l’hypoxie (21), au contraire<br />
du sous-type α 1b qui est réprimé dans<br />
c<strong>et</strong>te condition, mais de manière différente<br />
en fonction des tissus (22).<br />
Vasoconstriction du réseau<br />
pulmonaire<br />
L’hypoxie d’altitude induit une vasoconstriction,<br />
qui semble ne pas être<br />
compensée par les habituels systèmes<br />
vasodilatateurs, dans plusieurs<br />
territoires vasculaires, dont le<br />
plus connu est le réseau pulmonaire.<br />
Le monoxyde d’azote (NO) est produit<br />
à partir de la L-arginine par une<br />
enzyme endothéliale, la NO synthase<br />
(NOS), avant de diffuser au travers<br />
de la lame basale <strong>et</strong> d’exercer ses<br />
eff<strong>et</strong>s relaxant sur les cellules musculaires<br />
lisses de la paroi artérielles,<br />
par activation de la guanylate cyclase<br />
<strong>et</strong> production de GMPc. L’hypoxie,<br />
loin de réprimer l’expression de la<br />
NOS, provoque une surexpression de<br />
c<strong>et</strong>te enzyme qui peut aller jusqu’à<br />
environ 4 fois (23), du fait de la présence,<br />
dans le promoteur du gène de<br />
la NOS, d’une zone stimulée par l’hypoxie<br />
(24). Cependant, l’activité de<br />
c<strong>et</strong>te enzyme semble être, au moins<br />
en partie, réprimée par l’altitude,<br />
puisque l’administration de L-arginine<br />
chez des suj<strong>et</strong>s placés 36 heures<br />
à 4 350 m aboutit à une moindre production<br />
de GMPc <strong>et</strong> de L-citrulline<br />
(formée à partir de la L-arginine par<br />
la NOS) (25). C<strong>et</strong>te moindre activité<br />
pourrait passer par une inhibition<br />
directe de l’enzyme, mais pourrait<br />
aussi provenir d’une moins bonne<br />
disponibilité locale de la L-arginine.<br />
En tout cas, les protéines situées en<br />
aval de la NOS répondent de<br />
manière normale en hypoxie,<br />
puisque l’inhalation de NO contribue<br />
à limiter la vasoconstriction<br />
artérielle pulmonaire due à l’altitude<br />
(26). Dans ce cadre, il est donc probable<br />
que des médicaments “donneurs<br />
de NO” soient actifs en<br />
altitude.<br />
L’activité de ces produits ne pourrait<br />
donc être limitée que par les capacités<br />
de l’organisme à les dénitrater.<br />
L’hypoxie aiguë majore clairement la<br />
production de NO, provenant à la<br />
fois de la nitroglycérine (trinitrine) <strong>et</strong><br />
du mononitrate d’isosorbide (27).<br />
C<strong>et</strong>te augmentation d’efficacité<br />
apparaît maintenue si l’hypoxie se<br />
prolonge, comme cela avait déjà été<br />
décrit chez des malades insuffisants<br />
cardiaques. Certaines différences<br />
entre les produits doivent cependant<br />
être envisagées, puisqu’il semblerait<br />
que le dinitrate d’isosorbide inhibe<br />
la NOSi <strong>et</strong> la NOSe, au contraire de la<br />
trinitrine qui serait sans eff<strong>et</strong> (28).<br />
> Interactions<br />
fonctionnelles<br />
Fréquence cardiaque<br />
Il a été clairement décrit dans l’article<br />
précédent de ce dossier que la majorité<br />
de l’adaptation aiguë à l’altitude<br />
passe par la tachycardie, le débit<br />
cardiaque augmentant de manière<br />
dossier<br />
>>><br />
17 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
dossier<br />
DOSSIER<br />
>>><br />
proportionnelle à celle de la fréquence<br />
cardiaque. Dans ces conditions,<br />
tous les produits qui peuvent<br />
modifier la fréquence cardiaque vont<br />
interférer avec l’adaptation à l’altitude.<br />
Nous avons cité plus haut le cas<br />
des β-bloquants, qui vont clairement<br />
limiter la nécessaire tachycardie due<br />
à l’activation nerveuse sympathique,<br />
mais les inhibiteurs des canaux calciques<br />
vont aussi pouvoir affecter la<br />
fréquence cardiaque. Ainsi, les<br />
dépresseurs du nœud sinusal, comme<br />
le diltiazem, mais surtout le vérapamil,<br />
vont réduire la tachycardie, alors<br />
que les produits à eff<strong>et</strong> vasculaire prédominant,<br />
parmi lesquels on trouve<br />
surtout les dihydropyridines (nifédipine),<br />
auraient plutôt tendance à<br />
l’amplifier. Bien entendu, pour ces<br />
dernières, le risque n’existe que si elles<br />
provoquent une chute de pression<br />
artérielle rapide <strong>et</strong> importante, l’utilisation<br />
de formes à libération prolongée<br />
annulant c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> réflexe. Notons<br />
enfin que les inhibiteurs calciques risquent<br />
de contribuer à majorer les<br />
œdèmes périphériques d’altitude,<br />
mais que la néfédipine s’est montrée<br />
active en prévention de l’œdème pulmonaire.<br />
Electrophysiologie cardiaque<br />
L’altitude peut provoquer des modifications<br />
électrocardiographiques<br />
extrêmement complexes, liées en<br />
partie à l’hypertension artérielle pulmonaire.<br />
Dans ces conditions, il<br />
apparaît difficile de prédire l’eff<strong>et</strong> des<br />
antiarythmiques. En particulier, nous<br />
voudrions pouvoir répondre à la<br />
question de leur potentiel risque<br />
arythmogène en altitude. L’absence<br />
de données cliniques nous contraint<br />
à ne pas discuter ce point extrêmement<br />
complexe du fait des interactions<br />
entre les modifications<br />
électrolytiques, l’hypoxie tissulaire, le<br />
mode d’action pharmacologique du<br />
produit <strong>et</strong> la cardiopathie qui a<br />
conduit à leur prescription.<br />
Le problème de la pharmacologie en altitude est complexe<br />
Pression artérielle<br />
Chez l’homme, les eff<strong>et</strong>s de l’altitude<br />
sur la pression artérielle sont très<br />
controversés. Néanmoins, il semblerait<br />
que l’altitude ait plutôt tendance<br />
à augmenter la pression artérielle<br />
des suj<strong>et</strong>s non acclimatés. L’efficacité<br />
des antihypertenseurs pourrait<br />
donc être réduite par l’altitude. Il est<br />
cependant établi que les bloqueurs<br />
du système rénine-angiotensine<br />
aldostérone gardent une bonne activité<br />
thérapeutique dans ces conditions<br />
(29). De plus, plusieurs travaux<br />
ont maintenant établi qu’une réduction<br />
constitutive de l’activité de<br />
l’enzyme de conversion de l’angiotensine<br />
facilite l’adaptation à l’hypoxie<br />
(30, 31).<br />
> En conclusion<br />
La prévision des eff<strong>et</strong>s des médicaments<br />
cardiovasculaires en montagne est<br />
un problème complexe. Elle nécessite<br />
de pouvoir disposer de l’ensemble<br />
des paramètres pharmacodynamiques,<br />
pharmacocinétiques <strong>et</strong><br />
fonctionnels en altitude, dont certains<br />
peuvent conduire à des actions<br />
complètement opposées. C<strong>et</strong>te<br />
courte revue ne pouvait aborder la<br />
totalité de la question <strong>et</strong> n’a pu qu’essayer<br />
d’envisager quelques éléments<br />
de la réflexion. Il est clair que, face à<br />
la demande croissante des malades<br />
<strong>et</strong> de leurs médecins, le salut ne<br />
pourra provenir que de l’élaboration<br />
de protocoles de recherche clinique<br />
centrés sur les eff<strong>et</strong>s de l’altitude sur<br />
les divers aspects de la pharmacologie<br />
des produits pris individuellement,<br />
mais aussi des interactions<br />
médicamenteuses. Nous en sommes<br />
encore au niveau de la mer, il n’y a<br />
plus que la montagne à gravir…❚<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
18
DOSSIER<br />
dossier<br />
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19 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
dossier<br />
DOSSIER<br />
>>><br />
<br />
Pathologies cardiaques<br />
en altitude : risques,<br />
traitements <strong>et</strong> prise en charge<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Hôpital civil, Strasbourg)<br />
Les voyagistes proposent des destinations<br />
qui, bien que lointaines,<br />
sont de plus en plus accessibles<br />
pour la majorité d’entre nous. Des milliers<br />
de personnes partent ainsi chaque<br />
année. Il s’agit pour plus d’un tiers<br />
d’entre elles de personnes âgées, donc à<br />
fort risque cardiovasculaire. Nos<br />
patients, porteurs de cardiopathies plus<br />
ou moins sévères ou cumulant simplement<br />
des facteurs de risque, veulent<br />
aussi participer à c<strong>et</strong>te mondialisation<br />
des voyages.<br />
Le transport <strong>et</strong> le stress qui l’accompagne,<br />
la fatigue, les modifications du<br />
rythme nycthéméral <strong>et</strong> de l’alimentation,<br />
ainsi que la destination choisie,<br />
sont autant de facteurs susceptibles<br />
d’interférer avec leur statut cardiovasculaire.<br />
Les patients, de mieux en<br />
mieux renseignés <strong>et</strong> parfois même<br />
poussés par les agences elles-mêmes,<br />
se tournent vers le corps médical pour<br />
obtenir leur passeport “sécurité”.<br />
Dans c<strong>et</strong> article, nous ne nous intéresserons<br />
qu’aux risques engendrés par<br />
l’altitude en cas de maladie cardiovasculaire<br />
<strong>et</strong> aux conseils qui en découlent.<br />
Les risques inhérents au voyage proprement<br />
dit ne sont pas nuls <strong>et</strong> les compagnies<br />
d’assurance montrent que 10 %<br />
des rapatriements sanitaires <strong>et</strong> 56 % des<br />
décès en avion sont d’origine cardiovasculaire.<br />
Ces aspects, bien évidemment<br />
indissociables du voyage, ne<br />
seront pas abordés ici. Des revues, complètes<br />
sur le suj<strong>et</strong>, sont disponibles dans<br />
la littérature (1, 2).<br />
Peu d’études existent sur l’adaptation à<br />
l’hypoxie d’altitude des patients porteurs<br />
de cardiopathie. La modélisation<br />
des eff<strong>et</strong>s de l’hypoxie reste difficile, car<br />
aucun patient ne se ressemble <strong>et</strong> l’interaction<br />
avec leur traitement est complexe,<br />
mais indissociable de leur<br />
pathologie (cf. l’article de L. Monassier).<br />
En plus, l’hypoxie n’est pas le seul facteur<br />
qui intervient. Il ne faut pas oublier<br />
non plus le froid, le vent, les problèmes<br />
d’alimentation <strong>et</strong> l’activité physique,<br />
souvent inhabituelle, qui est pratiquée<br />
pendant c<strong>et</strong>te période.<br />
Les eff<strong>et</strong>s attendus ou prouvés de l’altitude<br />
vont donc être développés dans<br />
chaque grand chapitre de la pathologie<br />
cardiovasculaire.<br />
> Hypertension artérielle<br />
L’hypertension artérielle (HTA) est bien<br />
sûr la pathologie la plus fréquente<br />
parmi les voyageurs de tous âges !<br />
Chez l’homme, la pression artérielle<br />
semble peu varier en altitude, même<br />
pour des séjours prolongés. En période<br />
d’acclimatation, donc en début de<br />
séjour, des poussées hypertensives ont<br />
été rapportées.<br />
Toutefois, l’eff<strong>et</strong> des médicaments<br />
diminuerait avec l’altitude (cf l’article<br />
de L. Monassier). Certaines classes thérapeutiques<br />
peuvent même poser des<br />
problèmes. Les ß-bloqueurs, en inhibant<br />
la réponse chronotrope induite<br />
par l’hypoxie aiguë, pourraient avoir un<br />
eff<strong>et</strong> néfaste <strong>et</strong> peut-être r<strong>et</strong>ardateur de<br />
l’état d’acclimatement. C’est surtout le<br />
cas pour les séjours à une altitude élevée,<br />
où l’augmentation de la fréquence<br />
cardiaque est la principale variable<br />
d’ajustement du débit cardiaque. Certains<br />
inhibiteurs calciques peuvent<br />
aussi avoir c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> chronotrope négatif.<br />
Les diurétiques ne sont pas recommandés,<br />
surtout pour des séjours<br />
prolongés, car il existe toujours en altitude<br />
une tendance à l’hypovolémie<br />
(exercice physique, air sec).<br />
Si l’HTA isolée <strong>et</strong> contrôlée sous traitement<br />
ne contre-indique donc pas un<br />
séjour en altitude, une éventuelle modification<br />
thérapeutique peut se discuter<br />
quand elle est faite suffisamment tôt,<br />
que le traitement est bien toléré <strong>et</strong> les<br />
chiffres de pressions artérielles bien<br />
contrôlés.<br />
> Maladies coronaires<br />
Vasodilatation coronaire<br />
L’hypoxie d’altitude induit normalement,<br />
chez le suj<strong>et</strong> sain, une vasodilatation<br />
coronaire, seul moyen d’augmenter<br />
le débit coronaire puisque l’extraction<br />
myocardique en oxygène est déjà maximale<br />
au repos. La réponse peut-être<br />
diminuée, voire inversée, chez les coronariens.<br />
Dans tous les cas, l’hypoxie<br />
diminue les apports en oxygène <strong>et</strong> les<br />
besoins myocardiques augmentent<br />
(tachycardie, activité physique), créant<br />
donc une situation de déséquilibre<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
20
DOSSIER<br />
délétère en cas de maladie coronaire ou<br />
de dysfonction ventriculaire gauche.<br />
C’est bien l’augmentation du travail<br />
myocardique qui est en cause puisque,<br />
chez des coronariens, les signes ischémiques<br />
en altitude apparaissent pour le<br />
même double produit (FC x PA Systolique),<br />
mais bien sûr pour une charge<br />
moindre.<br />
Une étude récente (3) a d’ailleurs montré<br />
que chez des coronariens, la réserve<br />
coronaire à l’effort est diminuée (-18 %)<br />
pour une altitude de 2 500 m, alors<br />
qu’elle augmente chez des suj<strong>et</strong>s sains<br />
pourtant exposés à une altitude supérieure<br />
(4 500 m). La réponse du réseau<br />
coronaire est donc anormale, dès lors<br />
que des lésions coronaires ont été<br />
détectées, mais aussi, probablement,<br />
dès qu’il existe une dysfonction endothéliale<br />
coronaire, même sans atteinte<br />
coronarographique décelable.<br />
Période à risque<br />
Plusieurs études, faites essentiellement<br />
dans le Colorado (4), confirment que<br />
l’altitude diminue le seuil ischémique<br />
mais que, pour des altitudes inférieures<br />
à 3 000-3 200 m, les accidents étaient<br />
finalement exceptionnels chez des<br />
coronariens connus, traités <strong>et</strong> stables.<br />
La période à risque est celle de l’acclimatation,<br />
donc pendant les 2-3 premiers<br />
jours à une altitude donnée, du<br />
fait de l’augmentation de la consommation<br />
myocardique en oxygène. Par<br />
ailleurs, l’incidence du mal aigu des<br />
montagnes n’est pas supérieure chez<br />
les coronariens.<br />
Dans tous les cas, l’interférence avec les<br />
traitements anti-angineux doit être<br />
envisagée : si les ß-bloquants, dans<br />
c<strong>et</strong>te indication, ne semblent pas devoir<br />
être remis en cause, l’emploi de certains<br />
dérivés nitrés en particulier est discutable<br />
(cf l’article de L. Monassier).<br />
Aucune règle ne peut donc être établie<br />
<strong>et</strong> les conseils devront être individualisés<br />
en fonction du degré d’atteinte<br />
coronaire, de l’existence d’une ischémie<br />
résiduelle, de la fonction ventriculaire<br />
gauche, d’éventuels troubles du rythme<br />
associés <strong>et</strong> des traitements pris. Une<br />
évaluation complète est donc indispensable.<br />
Chez un coronarien stable, une altitude<br />
de 3 000 m n’est pas déraisonnable,<br />
sous réserve d’une acclimatation bien<br />
sûr correcte. Pour des trekkings de<br />
haute altitude (au-delà de 5 000 m),<br />
aucune donnée n’est disponible, mais<br />
des cas de coronariens pontés, ayant<br />
effectués des marches dans l’Himalaya,<br />
ont été rapportés (4).<br />
En post-angioplastie, il faut attendre<br />
quelques semaines avant d’autoriser la<br />
montée en altitude, d’autant plus que<br />
le risque thrombotique est accru dans<br />
ces conditions.<br />
> Insuffisance cardiaque<br />
Les risques de l’altitude<br />
La prévalence de l’insuffisance cardiaque<br />
ne cesse d’augmenter du fait de<br />
la prise en charge optimisée des accidents<br />
coronariens, des progrès thérapeutiques<br />
<strong>et</strong> du vieillissement de la<br />
population. Beaucoup d’insuffisants cardiaques<br />
modérés, stables sous traitement<br />
médical optimal, reprennent une<br />
activité professionnelle <strong>et</strong> une vie quotidienne<br />
proches de la normale. Logiquement,<br />
ces patients sont désireux à la fois<br />
de voyager <strong>et</strong> même, pour certains<br />
d’entre eux, de prendre de l’altitude.<br />
L’élévation des catécholamines circulantes,<br />
les modifications de la perméabilité<br />
capillaire pulmonaire, les<br />
altérations du métabolisme aérobie<br />
musculaire <strong>et</strong> une éventuelle ischémie<br />
myocardique ne sont pas des facteurs<br />
qui, au premier abord, nous incitent à<br />
les autoriser à monter en altitude.<br />
Cependant, très peu d’études se sont<br />
intéressées à l’adaptation <strong>et</strong>, surtout,<br />
aux risques que comporte la montée en<br />
altitude chez les insuffisants cardiaques.<br />
Protocole d’étude<br />
Une seule étude s’est intéressée aux<br />
eff<strong>et</strong>s, sur les performances à l’exercice,<br />
de différentes altitudes simulées en<br />
laboratoire (niveau de la mer, 1 000,<br />
1 500, 2 000 <strong>et</strong> 3 000 mètres) (5). Une<br />
population de 38 insuffisants cardiaques<br />
stables (FE moyenne = 34 ± 7 % ;<br />
diamètre VG > 65 mm), habitués à la<br />
pratique des épreuves d’effort sur bicycl<strong>et</strong>te<br />
ergométrique avec enregistrement<br />
des échanges gazeux, a été<br />
comparée à 14 suj<strong>et</strong>s sains appariés. La<br />
population d’insuffisants cardiaques<br />
était répartie en trois groupes, en fonction<br />
de leur pic deVO 2 : > 20, entre 15 <strong>et</strong><br />
20 <strong>et</strong> < 15 ml.min -1 .kg -1 . Les patients de<br />
c<strong>et</strong>te étude prenaient tous un traitement<br />
par IEC, digitaliques <strong>et</strong> diurétiques.<br />
Quatre d’entre eux prenaient un<br />
inhibiteur des antagonistes aux récepteurs<br />
de l’angiotensine II <strong>et</strong> seulement<br />
un prenait des ß-bloquants.<br />
Altitude <strong>et</strong> capacité d’effort<br />
Les eff<strong>et</strong>s de l’altitude sur les capacités<br />
d’effort sont d’autant plus marqués que<br />
l’insuffisance cardiaque est grave : la<br />
pente de réduction de la puissance<br />
maximale développée est surtout significativement<br />
diminuée (-10 ± 3 % par<br />
1 000 m d’altitude) chez les insuffisants<br />
cardiaques, avec un pic de<br />
VO 2 < 15 ml.min -1 .kg -1 comparativement<br />
aux suj<strong>et</strong>s sains (-2 ± 1 %/1 000 m)<br />
ou aux insuffisants cardiaques moins<br />
sévères (-4 ± 2 %/1 000 m). De la même<br />
façon, on observe une diminution de la<br />
consommation d’oxygène similaire<br />
chez tous les insuffisants cardiaques<br />
par rapport aux suj<strong>et</strong>s contrôles, mais<br />
uniquement pour des altitudes supérieures<br />
à 2 000 m.<br />
Adaptation ventilatoire<br />
L’adaptation ventilatoire à l’exercice<br />
chez l’insuffisant cardiaque n’est pas<br />
modifiée <strong>et</strong> contrairement aux suj<strong>et</strong>s<br />
contrôles, il n’y a pas d’augmentation<br />
du débit ventilatoire de fin d’effort.<br />
C<strong>et</strong>te absence d’hyperventilation,<br />
bénéfique sur le plan énergétique car<br />
n’augmentant pas le travail ventilatoire,<br />
dossier<br />
>>><br />
21 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
DOSSIER<br />
>>><br />
dossier<br />
est toutefois, peut-être, un facteur péjoratif<br />
sur le plan de l’acclimatation.<br />
Enfin, élément important, les auteurs<br />
ne signalent aucun trouble du rythme<br />
ou aucun signe électrique d’ischémie<br />
myocardique, quelle que soit l’altitude.<br />
Finalement, l’hypoxie aiguë d’altitude<br />
ne semble pas plus risquée sur un myocarde<br />
altéré. Les eff<strong>et</strong>s d’une hypoxie<br />
chronique ne sont pas connus, mais ne<br />
devraient pas s’accompagner d’une<br />
majoration du risque. L’insuffisant cardiaque<br />
stable, sous traitement médical<br />
optimal, va voir sa capacité d’exercice<br />
diminuée <strong>et</strong> ce, d’autant plus qu’elle<br />
était initialement altérée. C’est donc le<br />
problème essentiel : monter, oui, mais<br />
pour faire quoi ?<br />
On peut donc probablement autoriser un<br />
insuffisant cardiaque stable, sans hypertension<br />
artérielle pulmonaire, à monter<br />
jusqu’à une altitude de 3 000 m. Un programme<br />
de réentraînement, avant son<br />
séjour, ne pourra lui être que bénéfique.<br />
Aucune étude n’est disponible pour des<br />
altitudes supérieures, mais nous<br />
connaissons tous, parmi nos patients,<br />
des insuffisants cardiaques (évidemment<br />
modérés), ayant effectué des<br />
séjours à des altitudes bien supérieures<br />
<strong>et</strong> étant revenus enchantés <strong>et</strong> heureux !<br />
> Troubles du rythme<br />
Les troubles du rythme, compliquant<br />
une cardiopathie ou une hypertension<br />
artérielle, peuvent s’aggraver, du fait de<br />
l’activation du système adrénergique en<br />
altitude. Ceci, d’autant plus que l’eff<strong>et</strong><br />
de la plupart des médicaments antiarythmiques<br />
(sauf l’amiodarone) est<br />
diminué. C’est donc un facteur supplémentaire<br />
à prendre en compte avant<br />
d’autoriser un séjour en altitude.<br />
Pour les troubles du rythme survenant<br />
sur cœur “sain”, l’influence de l’hypoxie<br />
n’est pas connue mais ne semble pas<br />
délétère. On décrit parfois des extrasystoles<br />
ventriculaires ou auriculaires en<br />
début de séjour, à un moment où<br />
la désaturation du sang artériel en<br />
L’hypertension artérielle est la pathologie<br />
la plus fréquente parmi les voyageurs.<br />
oxygène est la plus importante <strong>et</strong> toujours<br />
à des altitudes importantes. Dans<br />
tous les cas, l’exercice peut être, comme<br />
au niveau de la mer, un facteur déclenchant.<br />
Des troubles du rythme paroxystiques,<br />
sur cœur sain, surtout s’ils ne<br />
nécessitent pas de traitement antiarythmique,<br />
ne contre-indiquent pas le<br />
séjour en altitude.<br />
Une mention spéciale pour la fibrillation<br />
auriculaire. L’exposition à une hypoxie<br />
aiguë ou chronique entraîne, sur une<br />
étude échographique, une augmentation<br />
de la participation auriculaire au débit<br />
cardiaque (6). L’adaptation à l’hypoxie,<br />
lorsque la systole auriculaire mécanique<br />
a disparu, est probablement moins<br />
bonne, mais cela n’a jamais été montré.<br />
Si un traitement est nécessaire, son efficacité<br />
ou sa toxicité seront probablement<br />
affectées par l’altitude, mais une modélisation<br />
reste difficile. Les patients doivent<br />
en être avertis avant de partir.<br />
> Patients porteurs<br />
de stimulateurs<br />
Les suj<strong>et</strong>s porteurs d’un stimulateur cardiaque<br />
sont généralement aussi porteurs<br />
d’une cardiopathie. Dans ce cas, c’est<br />
bien sûr elle qui détermine l’autorisation<br />
ou non au séjour en altitude. Toutefois,<br />
plusieurs règles <strong>et</strong> recommandations,<br />
découlant de l’adaptation “normale” à<br />
l’altitude, peuvent être énumérées. Les<br />
seuils de détection <strong>et</strong> de stimulation des<br />
sondes, aussi bien ventriculaires<br />
qu’auriculaires, ne sont pas modifiés en<br />
situation d’altitude aiguë (pendant<br />
30 minutes), simulée (hypoxie hypobare)<br />
entre 500 <strong>et</strong> 4 000 m (7). Aucune<br />
étude ne s’est intéressée aux eff<strong>et</strong>s de<br />
l’hypoxie chronique, donc aux séjours<br />
prolongés, mais aucun accident n’a<br />
jamais été rapporté.<br />
Compte tenu de l’importance de l’adaptation<br />
de la fréquence cardiaque en début<br />
de séjour, il convient de la rendre possible,<br />
en l’absence de contre-indication : augmentation<br />
de la fréquence cardiaque de<br />
base pour les patients dépendants <strong>et</strong>/ou<br />
augmentation de la sensibilité des capteurs<br />
d’asservissement.<br />
La fréquence cardiaque maximale n’a<br />
pas besoin d’être supérieure, mais il<br />
faut s’assurer par épreuve d’effort<br />
qu’elle sera suffisante pour l’exercice à<br />
réaliser en altitude.❚<br />
Bibliographie<br />
1. Possick SE, Barry M. Air travel and<br />
cardiovascular disease. J Travel Med<br />
2004 ; 11 (4) : 243-8.<br />
2. Touze JE, Fourcade L, Heno P <strong>et</strong> al.<br />
[<strong>Cardio</strong>vascular risk for the traveler].<br />
Med Trop 1997 ; 57 (4 Bis) : 461-4.<br />
3. Wyss CA, Koepfli P, Fr<strong>et</strong>z G <strong>et</strong> al.<br />
Influence of altitude exposure on coronary<br />
flow reserve. Circulation 2003 ;<br />
108 (10) : 1202-7.<br />
4. Alexander JK. Coronary heart<br />
disease at altitude. Tex Heart Inst J<br />
1994 ; 21 (4) : 261-6.<br />
5. Agostoni P, Cattadori G, Guazzi M <strong>et</strong><br />
al. Effects of simulated altitude-induced<br />
hypoxia on exercise capacity in<br />
patients with chronic heart failure. Am<br />
J Med 2000 ; 109 (6) : 450-5.<br />
6. Boussuges A, Molenat F, Burn<strong>et</strong> H <strong>et</strong><br />
al. Operation Everest III (Comex ‘97) :<br />
modifications of cardiac function<br />
secondary to altitude-induced hypoxia.<br />
An echocardiographic and Doppler<br />
study. Am J Respir Crit Care Med 2000 ;<br />
161 (1) : 264-70.<br />
7. Weilenmann D, Duru F, Schonbeck M<br />
<strong>et</strong> al. Influence of acute exposure to<br />
high altitude and hypoxemia on ventricular<br />
stimulation thresholds in<br />
pacemaker patients. PACE 2000 ; 23 (4<br />
Pt 1) : 512-5.<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
22
DOSSIER<br />
<strong>Sport</strong> en altitude :<br />
que faire avant<br />
un trekking ?<br />
dossier<br />
Dr Stéphane Doutreleau (Hôpital civil, Strasbourg)<br />
<br />
De plus en plus de patients, désireux<br />
de partir en altitude, viennent<br />
nous demander conseil.<br />
> Les processus<br />
d’adaptation<br />
Comme nous l’avons vu, les études<br />
sont peu nombreuses, mais la<br />
connaissance des processus d’adaptation<br />
à l’hypoxie aiguë <strong>et</strong> chronique<br />
perm<strong>et</strong> de donner quelques règles :<br />
- il existe une activation du système<br />
adrénergique à l’origine d’une augmentation<br />
de la consommation en oxygène<br />
du myocarde <strong>et</strong>, éventuellement,<br />
de l’aggravation de troubles du rythme;<br />
- pour un travail équivalent, la<br />
consommation en oxygène du myocarde<br />
est augmentée ;<br />
- la pression artérielle pulmonaire<br />
augmente en altitude <strong>et</strong> est susceptible<br />
d’aggraver ou de décompenser<br />
une cardiopathie ;<br />
- l’altération des capacités d’exercice sera<br />
d’autant plus importante en altitude<br />
qu’elles sont limitées au niveau de la mer ;<br />
- la réserve coronaire d’exercice est<br />
diminuée chez les coronariens, mais<br />
aussi, probablement, chez tous les<br />
patients cumulant des facteurs de<br />
risque cardiovasculaire.<br />
> Les contre-indications<br />
De là, découlent bien sûr des contreindications<br />
aux séjours en haute altitude<br />
(supérieure à 2 500 m) :<br />
Pour chaque suj<strong>et</strong> se rendant en altitude, des renseignements précis doivent être<br />
obtenus avant de se prononcer.<br />
- cardiopathies instables ou décompensées<br />
;<br />
- troubles du rythme grave ;<br />
- cardiopathie cyanogène ;<br />
- hypertension artérielle pulmonaire<br />
importante.<br />
> Les renseignements utiles<br />
Pour chaque suj<strong>et</strong> se rendant en alti-<br />
tude, des renseignements précis doivent<br />
être obtenus avant de se prononcer.<br />
Renseignements concernant<br />
le patient<br />
Il est bien sûr indispensable de faire<br />
le point sur la cardiopathie pour<br />
connaître la symptomatologie<br />
actuelle <strong>et</strong> le traitement pris. Des<br />
>>><br />
23 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
DOSSIER<br />
>>><br />
dossier<br />
examens complémentaires sont<br />
nécessaires :<br />
- ECG de repos ;<br />
- épreuve d’effort (éventuellement<br />
avec mesure des échanges gazeux),<br />
pour connaître le seuil ischémique <strong>et</strong><br />
l’existence de troubles du rythme<br />
induits par l’exercice ;<br />
- échographie cardiaque : fonction<br />
systolique ventriculaire gauche, pression<br />
artérielle pulmonaire ;<br />
- holter ECG, éventuellement à l’effort,<br />
selon le contexte.<br />
Renseignements concernant<br />
le séjour<br />
Il faut absolument connaître l’eff<strong>et</strong><br />
d’un éventuel séjour antérieur en altitude<br />
<strong>et</strong> connaître les caractéristiques<br />
du séjour prévu : altitude d’arrivée,<br />
altitude maximale envisagée, profil<br />
d’ascension, dénivelé quotidien, port<br />
de charge, nature du terrain <strong>et</strong> possibilité<br />
d’une assistance ou non !<br />
suj<strong>et</strong>s ne prenant pas de médicaments<br />
chronotropes négatifs.<br />
> En conclusion<br />
Un séjour en altitude ne doit pas être<br />
systématiquement interdit aux<br />
patients atteints de pathologies cardiovasculaires.<br />
Aucune règle ne peut<br />
être établie faute d’étude sur le suj<strong>et</strong>.<br />
La décision doit donc faire appel à nos<br />
connaissances <strong>et</strong> au bon sens.<br />
Les hypertendus, les porteurs de stimulateurs<br />
cardiaques (sans autres<br />
anomalies importantes) <strong>et</strong> les patients<br />
ayant des troubles du rythme idiopathiques<br />
peuvent, a priori, être autorisés<br />
à séjourner en altitude, moyennant<br />
parfois des aménagements thérapeutiques.<br />
Les coronariens stables, sans dysfonction<br />
ventriculaire gauche importante<br />
(< 40 %), peuvent être autorisés à<br />
séjourner en altitude. Les accidents en<br />
dessous de 3 500 m sont rares. Audelà,<br />
le risque est peut-être plus élevé<br />
<strong>et</strong> à discuter au cas par cas.<br />
Les insuffisants cardiaques seront<br />
limités à l’exercice, d’autant plus que<br />
leur capacité d’effort est réduite au<br />
niveau de la mer. Il ne semble pas y<br />
avoir de sur-risque rythmique ou<br />
ischémique pour des altitudes inférieures<br />
à 3 000 m. Tout est conditionné<br />
par le but du séjour : un<br />
trekking avec sac à dos sera probablement<br />
difficile, mais contempler un<br />
panorama grandiose après une montée<br />
en téléphérique ne doit pas leur<br />
être interdit.<br />
La montagne est une passion. Les<br />
passionnés prennent des risques. ❚<br />
> Conseils <strong>et</strong> tests<br />
Dans tous les cas, la décision <strong>et</strong> les<br />
conseils seront individualisés. Il faut<br />
donc aussi pouvoir discuter des éventuelles<br />
complications possibles.<br />
Les risques liés à l’altitude, à l’activité<br />
physique <strong>et</strong>, éventuellement, à un isolement<br />
géographique (pas de secours<br />
possible) sont expliqués au suj<strong>et</strong>, pour<br />
qu’il puisse prendre une décision.<br />
A côté des explorations purement cardiologiques,<br />
l’intérêt d’un test en<br />
hypoxie peut se discuter. Il s’agit de<br />
tester l’adaptation aiguë, c’est-à-dire<br />
la sensibilité des chémorécepteurs à<br />
l’hypoxémie, au repos <strong>et</strong> à l’exercice<br />
sous maximal.<br />
Il ne s’agit en aucun cas d’un test d’aptitude<br />
en cas de cardiopathie, mais<br />
l’apparition de signes ischémiques sur<br />
l’ECG n’est pas de très bon augure !<br />
De plus l’interprétation des résultats,<br />
qui se base entre autres sur la fréquence<br />
cardiaque, est faite pour des<br />
Un séjour en altitude ne doit pas être systématiquement interdit aux patients<br />
atteints de pathologies cardiovasculaires.<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
24
Pathologie vasculaire<br />
<strong>et</strong> sport : revue pour<br />
une démarche clinique<br />
mise au point<br />
La pathologie vasculaire est encore mal connue chez le sportif. Le symptôme<br />
dominant en est la douleur. On se propose donc de partir des symptômes douloureux<br />
<strong>et</strong> de leur localisation pour envisager la pathologie vasculaire dans c<strong>et</strong>te<br />
population. L’angor <strong>et</strong> l’infarctus du myocarde qui, du point de vue du médecin<br />
vasculaire, ne sont “que” des complications cardiaques de lésions artérielles<br />
parmi d’autres, ne seront pas abordés dans c<strong>et</strong>te revue, qui se limite aux vaisseaux<br />
“extra-cardiaques”.<br />
Dr Pierre Abraham (Service Explorations Fonctionnelles, CHU Angers)<br />
MOTS CLÉS<br />
Pathologie vasculaire, sport,<br />
douleur aiguë, douleur<br />
chronique, écho-Doppler,<br />
céphalée d’altitude,<br />
dissection aortique,<br />
syndrome des loges,<br />
scanner, IRM<br />
Le réseau vasculaire est bien plus<br />
qu’un simple système de<br />
conduction de l’oxygène du<br />
poumon vers la périphérie <strong>et</strong> r<strong>et</strong>our,<br />
grâce à la pompe cardiaque. Longtemps<br />
considérée comme un simple<br />
“tuyau” passif, l’artère est un organe<br />
“plastique” susceptible de remodelage ;<br />
l’endothélium vasculaire, un ensemble<br />
de cellules sécrétrices, interagissant<br />
fortement avec les cellules <strong>et</strong> les hormones<br />
circulantes ; la micro-circulation,<br />
un lieu d’échange essentiel entre<br />
le sang <strong>et</strong> les tissus <strong>et</strong> un régulateur<br />
puissant de la volémie <strong>et</strong> donc de la<br />
tension artérielle. Malgré cela, la<br />
pathologie vasculaire du sportif reste<br />
encore assez mal connue, à la fois par<br />
les difficultés diagnostiques persistantes<br />
dans le cadre de c<strong>et</strong>te pathologie<br />
<strong>et</strong> par le fait que l’athérome,<br />
principale cause de pathologie vasculaire,<br />
est le plus souvent observée chez<br />
le suj<strong>et</strong> âgé en raison de son évolution<br />
lente. C’est oublier un peu vite que,<br />
d’une part, les perturbations du flux<br />
augmentent avec le débit au sein d’un<br />
vaisseau considéré <strong>et</strong>, d’autre part,<br />
qu’il existe de nombreuses maladies<br />
vasculaires non athéromateuses.<br />
Ainsi, des lésions artérielles “mineures”,<br />
qui resteraient longtemps asymptomatiques<br />
chez des suj<strong>et</strong>s peu ou pas<br />
actifs peuvent, à la faveur de symptômes,<br />
se révéler chez des suj<strong>et</strong>s<br />
modérément sportifs (joggers “du<br />
dimanche”) ou chez des athlètes de<br />
bon - voire de haut - niveau.<br />
C<strong>et</strong>te revue n’est sans doute pas<br />
exhaustive, mais se voudrait didactique<br />
pour guider le cardiologue dans<br />
sa démarche clinique.<br />
> Douleur aiguë<br />
Par douleur “aiguë”, on entend une<br />
douleur d’installation le plus souvent<br />
brutale, d’intensité variable, mais qui,<br />
surtout, apparaît à l’effort, au décours<br />
de celui-ci ou lors de mouvements <strong>et</strong><br />
ne cède pas à la mise au repos.<br />
Tête <strong>et</strong> cou<br />
C’est le plus souvent lors d’un effort en<br />
résistance (effort “en force”), d’une<br />
poussée tensionnelle d’effort ou d’un<br />
mouvement brutal de la tête ou d’un<br />
choc direct (sports de combat), qu’est<br />
notée l’apparition d’une douleur qui,<br />
dans le domaine vasculaire, doit faire<br />
penser à une dissection artérielle (1-6).<br />
Un contexte particulier est celui des<br />
manipulations “ostéopathiques” du<br />
rachis cervical, au cours desquelles<br />
sont (heureusement rarement) observés<br />
des accidents vasculaires (7-9).<br />
Dans ce contexte particulier, il est difficile<br />
d’incriminer formellement le<br />
geste de manipulation comme cause<br />
de la dissection, dans la mesure où la<br />
motivation initiale de la consultation<br />
est souvent une douleur pré-existante,<br />
rapportée à un effort sportif ou à un<br />
faux mouvement.<br />
La douleur, souvent unilatérale <strong>et</strong> latérocervicale,<br />
peut rester isolée ou s’accompagner<br />
de signes cérébraux (dissection<br />
carotidienne) ou vertébro-basilaires (dissection<br />
vertébrale) d’intensité variable<br />
<strong>et</strong> qu’il faut rechercher lorsqu’ils restent<br />
discr<strong>et</strong>s ou ont régressé. La présence<br />
d’un souffle à l’auscultation n’est absolument<br />
pas obligatoire en cas de dissection<br />
longue ou d’occlusion complète de<br />
l’axe vasculaire.<br />
L’examen de première intention est<br />
l’écho-Doppler suivi, le cas échéant,<br />
d’autres examens d’imagerie vasculaire<br />
si le diagnostic est confirmé ou<br />
>>><br />
25<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
mise au point<br />
>>><br />
suspecté <strong>et</strong>/ou à la recherche de dysplasies<br />
des autres troncs. Les diagnostics<br />
différentiels sont nombreux, allant<br />
du simple “torticolis” à la pathologie<br />
bucco-dentaire. Un examen clinique<br />
compl<strong>et</strong> de la tête <strong>et</strong> du cou <strong>et</strong> un bilan<br />
radiologique cervical perm<strong>et</strong>tent de<br />
faire, le plus souvent, la part des<br />
choses. La céphalée d’altitude dans les<br />
sports de haute montagne doit être<br />
citée dans c<strong>et</strong>te revue sur le sport.<br />
Signe avant-coureur du mal aigu des<br />
montagnes, elle est très spécifique <strong>et</strong><br />
bien connue des guides <strong>et</strong> accompagnateurs.<br />
Le traitement de la dissection est le<br />
plus souvent médical par anticoagulant,<br />
contrôle tensionnel, antalgiques<br />
<strong>et</strong> mise au repos. La reprise du sport<br />
dépend des séquelles éventuelles <strong>et</strong> du<br />
contexte d’apparition de la dissection<br />
(dysplasies artérielles…), mais la pratique<br />
des sports à risque de poussée<br />
tensionnelle (haltérophilie, sport de<br />
combat…) est a priori à déconseiller.<br />
Tronc<br />
Si la dissection aortique peut être le<br />
mode de révélation de l’athérosclérose<br />
chez des sportifs d’âge moyen,<br />
les maladies du tissu élastique ou<br />
conjonctif se compliquent volontiers<br />
d’anévrisme ou de dissection aortiques<br />
chez des athlètes plus jeunes<br />
(10-15). Il convient d’y penser chez<br />
les athlètes de grande taille (bask<strong>et</strong>,<br />
volley-ball…). Dans ces deux situations,<br />
la dissection peut survenir lors<br />
d’un effort sportif banal. Dans le<br />
contexte des sports de vitesse, les<br />
décélérations ou les chocs violents<br />
peuvent être en cause (16, 17).<br />
Dominé par la douleur violente<br />
migratrice postérieure, le tableau clinique<br />
est le plus souvent bruyant,<br />
voire dramatique, parfois associé à<br />
des complications périphériques<br />
(troubles neurologiques centraux en<br />
cas de dissection des troncs supraaortiques,<br />
ischémie digestive <strong>et</strong> des<br />
membres inférieurs en cas de dissection<br />
étendue aux branches artérielles…).<br />
Le scanner injecté, surtout,<br />
ou l’IRM en urgence, posent le diagnostic.<br />
Parmi les diagnostics différentiels,<br />
on peut citer : l’embolie<br />
pulmonaire, l’infarctus du myocarde<br />
<strong>et</strong> la perforation digestive.<br />
Le traitement relève d’une hospitalisation<br />
urgente en milieu spécialisé.<br />
L’avenir sportif est à priori très largement<br />
compromis, sauf, peut-être,<br />
pour les sports cérébraux ou la pêche<br />
au coup…<br />
Membre supérieur<br />
La thrombophlébite d’effort est l’apanage<br />
des sports sollicitant les bras (natation,<br />
kayak). Quelques rares observations<br />
ont été faites au cours de traumatismes<br />
La douleur est le maître symptôme des pathologies vasculaires chez le sportif.<br />
directs (18-20). L’épisode aigu est souvent,<br />
mais pas toujours, précédé d’un œdème<br />
d’effort récidivant du membre supérieur.<br />
L’œdème, la douleur <strong>et</strong> l’apparition<br />
brutale d’une circulation collatérale<br />
sous-cutanée doivent faire suspecter<br />
le diagnostic. L’écho-Doppler, voire la<br />
phlébographie, perm<strong>et</strong>tent d’affirmer<br />
le diagnostic <strong>et</strong> d’éliminer les diagnostics<br />
différentiels (syndrome de<br />
loge, contexte infectieux...). La fibrinolyse,<br />
en plus du traitement anticoagulant,<br />
est parfois proposée pour<br />
limiter les conséquences fonctionnelles<br />
à long terme, si l’athlète est vu<br />
précocement. A moyen terme, en cas<br />
de récupération ad-integrum de l’axe<br />
vasculaire, la levée chirurgicale du<br />
défilé thoraco-brachial, le plus souvent<br />
associé, est fréquemment proposée <strong>et</strong>,<br />
dans ce cas, la reprise du sport est en<br />
général obtenue sans problème (21).<br />
Membre inférieur<br />
• L’ischémie aiguë<br />
L’ischémie aiguë par décollement d’une<br />
plaque ou hémorragie sous-intimale,<br />
chez le sportif occasionnel d’âge moyen,<br />
n’est pas spécifique du sport. Par contre,<br />
la possibilité de complications vasculaires<br />
lors de traumatismes violents<br />
(cyclisme, sports de glisse...) ne doit<br />
pas être oubliée (22-24).<br />
• La pathologie veineuse<br />
La pathologie veineuse ne semble pas<br />
avoir de spécificité particulière, si ce<br />
n’est la possibilité de traumatismes<br />
directs des axes veineux lors des sports<br />
de combat, qui a été incriminée dans<br />
le développement ou la rupture de<br />
varices segmentaires.<br />
La déshydratation lors des pratiques<br />
d’exercice physique par forte chaleur,<br />
les transferts longs, la polyglobulie<br />
sévère, voire le dopage, pourraient être<br />
proposés comme facteurs aggravants<br />
de l’hyper-coagulabilité <strong>et</strong> augmenter<br />
le risque de thrombose, mais aucune<br />
étude ne semble conclure de façon for-<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4 26
melle à un risque thrombotique veineux<br />
accru chez le sportif (25, 26).<br />
Enfin, un syndrome de loge aigu,<br />
venant compliquer un syndrome de<br />
loge chronique, est une éventualité<br />
rare qui doit être connue.<br />
• L’occlusion<br />
Le diagnostic ne pose en général<br />
aucun problème en cas d’occlusion<br />
fémorale brutale, avec douleur de moll<strong>et</strong>,<br />
pâleur, froideur, disparition des<br />
pouls <strong>et</strong> déficit sensitivo-moteur (d’autant<br />
plus qu’il s’agit de suj<strong>et</strong>s jeunes,<br />
avec des artères plutôt en bon état).<br />
Par contre, plusieurs observations de<br />
douleurs atypiques (pseudo-sciatiques,<br />
douleurs lombo-fessières), liées à l’occlusion<br />
aiguë de troncs proximaux<br />
(iliaque primitive, voire interne) <strong>et</strong> non<br />
diagnostiquées ont été rapportées.<br />
Dans le syndrome de loge aigu, la normalité<br />
des pouls distaux est la règle <strong>et</strong><br />
ne doit en aucun cas être utilisée<br />
comme un argument d’élimination.<br />
La mesure des pressions artérielles<br />
<strong>et</strong>/ou de loge <strong>et</strong> le Doppler vasculaire<br />
font le diagnostic.<br />
• Le spasme vasculaire<br />
Les diagnostics différentiels non vasculaires<br />
sont facilement éliminés. A<br />
l’inverse, un “spasme vasculaire”, qui<br />
peut survenir après des traumatismes<br />
même mineurs, peut parfois<br />
donner le change avec une ischémie<br />
sub-aiguë. De nature <strong>et</strong> de définition<br />
vagues, de durée parfois prolongée,<br />
ce “spasme” cède au réchauffement<br />
du membre <strong>et</strong>/ou aux vasodilatateurs.<br />
Le choix entre traitement médical,<br />
angioplastie ou chirurgie est guidé par<br />
le contexte clinique <strong>et</strong> la sévérité du<br />
tableau. L’avenir sportif est fonction<br />
des lésions associées, de la restitution<br />
ou non d’un axe vasculaire parfait <strong>et</strong><br />
des séquelles post-ischémiques cutanées<br />
musculaires ou neurologiques<br />
éventuelles.<br />
> Douleur chronique<br />
Par douleur “chronique”, on entend une<br />
douleur d’intensité variable liée à l’exercice.<br />
Elle apparaît à l’effort ou au cours<br />
de celui-ci <strong>et</strong> disparaît à sa diminution<br />
ou à son arrêt, pour réapparaître, le plus<br />
souvent, pour une intensité comparable<br />
si l’effort est repris.<br />
Tête <strong>et</strong> cou<br />
La céphalée réapparaissant à chaque<br />
effort chez le sportif relève du même<br />
bilan étiologique que chez les suj<strong>et</strong>s non<br />
sportifs, à la recherche principalement<br />
d’une hypertension artérielle primitive<br />
ou secondaire (coarctation aortique<br />
méconnue, dysplasie des artères<br />
rénales…). Dans les sports susceptibles<br />
de donner lieu à des traumatismes cérébraux,<br />
la recherche d’une fistule posttraumatique<br />
(par exemple temporodurale)<br />
ne doit pas être oubliée.<br />
L’examen clinique <strong>et</strong> l’interrogatoire à<br />
la recherche de signes focaux, de<br />
troubles visuels, <strong>et</strong>c., peuvent orienter<br />
le diagnostic. Les examens complémentaires,<br />
guidés par l’examen initial,<br />
aident au diagnostic étiologique. Le<br />
Doppler vasculaire <strong>et</strong> une surveillance<br />
tensionnelle (mesure ambulatoire de<br />
la pression artérielle, épreuve d’effort…)<br />
sont souvent utiles. Les autres<br />
examens (échocardiographie, étude<br />
de la fonction rénale…) sont dictés par<br />
l’analyse du r<strong>et</strong>entissement fonctionnel<br />
de l’hypertension artérielle. Les diagnostics<br />
différentiels, très nombreux<br />
(migraine, pathologies dentaire ou<br />
ophtalmique…), ne seront pas<br />
détaillés ici. Historiquement, les<br />
céphalées observées la nuit lors des<br />
polyglobulies majeures, ne sont plus<br />
courantes du fait des contrôles d’hématocrite<br />
régulièrement pratiqués.<br />
Un traitement symptomatique n’est<br />
pas satisfaisant tant qu’une cause<br />
organique n’a pas été formellement<br />
éliminée. En cas d’hypertension artérielle<br />
primitive, contrôlée sous traitement,<br />
les sports de “musculation” ou<br />
de “résistance” ne sont pas recommandés.<br />
L’activité physique en endurance,<br />
au contraire, ne pose pas de<br />
problème.<br />
Tronc<br />
● Les douleurs d’effort<br />
Les douleurs thoraciques d’effort relèvent<br />
principalement, dans le domaine<br />
vasculaire, de l’angor d’effort. Le<br />
contexte sportif, les signes cliniques,<br />
les diagnostics différentiels <strong>et</strong> les traitements<br />
de l’angine de poitrine ne<br />
seront pas détaillés ici. Il faut se rappeler<br />
que l’on se doit de reproduire<br />
les symptômes <strong>et</strong> donc, que chez un<br />
suj<strong>et</strong> entraîné, il faut disposer d’un<br />
ergomètre perm<strong>et</strong>tant d’atteindre des<br />
puissances correspondant au niveau<br />
d’effort habituel.<br />
Les douleurs abdominales d’effort<br />
résulteraient, pour la plupart, d’une<br />
ischémie digestive qui serait liée à un<br />
vol vasculaire par les muscles actifs, au<br />
dépend des territoires splanchniques.<br />
Elle survient surtout au cours des sports<br />
de grande endurance, type marathon<br />
ou iron man en triathlon (27).<br />
La douleur abdominale peut s’accompagner<br />
de diarrhée <strong>et</strong> de vomissements.<br />
L’examen clinique au repos<br />
est en règle générale strictement normal.<br />
Un souffle dans la région épigastrique<br />
est souvent observé <strong>et</strong> rapporté<br />
à la présence d’une compression<br />
extrinsèque du tronc cœliaque par le<br />
ligament arqué du diaphragme.<br />
● Les lombalgies <strong>et</strong> fessalgies<br />
Chez le sportif d’âge mûr, les lombalgies<br />
ou fessalgies d’effort doivent faire<br />
rechercher une ou des lésions sur les<br />
axes iliaques primitifs ou internes. Si<br />
la pathologie athéromateuse n’a pas<br />
de spécificité sportive, la possibilité de<br />
douleurs proximales d’origine vasculaire<br />
reste encore mal connue <strong>et</strong> doit<br />
sans doute, à ce titre, être citée dans<br />
c<strong>et</strong>te revue (28). Les lésions hypogastriques<br />
peuvent être responsables de<br />
troubles sexuels.<br />
mise au point<br />
>>><br />
27 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
mise au point<br />
>>><br />
L’écho-Doppler peut confirmer la présence<br />
du ligament arqué ou d’une<br />
atteinte iliaque <strong>et</strong> élimine la possibilité<br />
d’une autre anomalie vasculaire ou<br />
non vasculaire.<br />
Les nombreux diagnostics différentiels<br />
de la pathologie digestive ne seront pas<br />
décrits ici. Dans le cadre des fessalgies<br />
<strong>et</strong> lombalgies d’effort, la pathologie<br />
rachidienne <strong>et</strong>, en particulier, la présence<br />
d’un canal lombaire étroit, sont<br />
souvent discutées.<br />
La prise en charge du ligament arqué<br />
a été presque abandonnée, sauf en cas<br />
d’amaigrissement sévère. Le traitement<br />
des douleurs abdominales d’effort<br />
est, en l’absence de cause<br />
objectivée, essentiellement symptomatique.<br />
Les lésions iliaques internes<br />
peuvent bénéficier d’une angioplastie<br />
souvent spectaculairement efficace.<br />
Membre supérieur<br />
● Les syndromes<br />
Dans les sports sollicitant les avantbras<br />
(motocross, planche à voile…), la<br />
présence de douleurs récidivantes aux<br />
membres supérieurs peut révéler un<br />
syndrome de loge (29). L’apparition<br />
d’un syndrome du défilé thoraco-brachial<br />
pourrait être favorisée par les<br />
sports sollicitant la ceinture scapulaire,<br />
comme l’halthérophilie, le canoëkayak,<br />
le lancer, la natation (30, 31).<br />
Des micro-angiopathies digitales peuvent<br />
survenir comme complication<br />
des chocs répétés sur la paume de la<br />
main (pelotari à main nue).<br />
● Les symptômes<br />
La douleur, dans les syndromes de<br />
loge, s’accompagne d’un durcissement<br />
<strong>et</strong> de faiblesse anormale des<br />
masses musculaires <strong>et</strong>, parfois, de<br />
fourmillement aux extrémités. La<br />
douleur peut être r<strong>et</strong>ardée ou prolongée<br />
(quelques minutes) par rapport<br />
à l’effort. En règle symétrique,<br />
elle n’apparaît qu’après une période<br />
d’effort répété. Dans les défilés thoracobrachiaux,<br />
le caractère positionnel est<br />
souvent difficile à affirmer à l’interrogatoire.<br />
L’examen physique de repos, à<br />
distance de l’effort, est en principe normal<br />
dans ces deux syndromes. L’existence<br />
d’un syndrome de Raynaud sévère<br />
ou atypique peut être un mode de révélation<br />
d’un syndrome du défilé thoracobrachial<br />
ou de ses complications, mais<br />
peut aussi révéler des micro-angiopathies<br />
digitales traumatiques.<br />
● Le diagnostic<br />
La mesure des pressions de loge au<br />
membre supérieur perm<strong>et</strong> le diagnostic<br />
de syndrome de loge, à condition de<br />
reproduire le geste sportif qui induit la<br />
douleur. Les manœuvres classiques de<br />
provocation <strong>et</strong> l’écho-Doppler aident<br />
au diagnostic de syndrome du défilé <strong>et</strong><br />
perm<strong>et</strong>tent de s’assurer de l’absence de<br />
complications vasculaires (anévrysme<br />
post-sténotique, embols vasculaires<br />
périphériques).<br />
L’existence d’une hypertrophie musculaire<br />
très prononcée ou d’une douleur<br />
au repos doit faire évoquer la possibilité<br />
d’un syndrome de loge secondaire.<br />
Le défilé thoraco-brachial peut donner<br />
le change, voire s’associer aux pathologies<br />
canalaires (cubital au coude, canal<br />
carpien…) ou aux pathologies tendineuses<br />
des membres supérieurs. L’existence<br />
d’une douleur de repos ou d’une<br />
douleur provoquée à la palpation doit<br />
faire rechercher une telle association.<br />
L’aponévrectomie (ou aponévrotomie)<br />
dans le syndrome de loge <strong>et</strong> la levée chirurgicale<br />
de la compression, en règle<br />
associée à une ablation de la première<br />
côte dans le syndrome du défilé perm<strong>et</strong>tent,<br />
en l’absence de complication,<br />
une reprise d’activité sportive à l’identique.<br />
Les atteintes vasculaires sévères,<br />
dans le cadre des micro-angiopathies<br />
traumatiques ou emboliques, peuvent<br />
nécessiter une sympathectomie. Dans<br />
ce cas, la reprise du sport s’accompagne<br />
parfois d’une difficulté, voire d’une<br />
baisse de performance, chez certains<br />
Le lancer favorise l’apparition<br />
du syndrome du défilé thoraco-brachial.<br />
sportifs, en raison de l’eff<strong>et</strong> chronotrope<br />
négatif des sympathectomies des<br />
membres supérieurs.<br />
Membre inférieur<br />
● Les syndromes<br />
Le syndrome de loge a souvent été décrit<br />
dans la loge antéro-externe chez le footballeur.<br />
Il est aussi rapporté comme très<br />
fréquent chez les patineurs <strong>et</strong> est souvent<br />
discuté chez les marcheurs <strong>et</strong> les<br />
coureurs à pied. Il peut toucher toutes<br />
les loges musculaires en jambe comme<br />
en cuisse (32, 33). L’endofibrose induite<br />
par l’exercice ne doit être évoquée que<br />
chez des sportifs de bon ou haut niveau<br />
d’entraînement, ayant un long passé<br />
sportif d’endurance. Si la majorité des<br />
observations concernent les cyclistes,<br />
toutes les disciplines d’endurance sont<br />
concernées (34, 35). Les autres pathologies,<br />
artériopathie athéromateuse ou<br />
non, artère poplité piégée, claudication<br />
veineuse, ne relèvent pas de contextes<br />
sportifs spécifiques.<br />
● Les symptômes<br />
Dans le syndrome de loge, la tension<br />
douloureuse musculaire apparaît pendant<br />
<strong>et</strong> persiste quelques minutes<br />
après l’effort. Elle peut s’accompagner<br />
de troubles neurologiques transitoires.<br />
La présence de p<strong>et</strong>ites hernies musculaires<br />
d’effort, parfois confondues<br />
avec des varices, est un bon argument<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
28
en faveur du diagnostic. Au repos, le<br />
muscle est habituellement non douloureux<br />
à la palpation. On doit rechercher<br />
une cause locale (masse tumorale<br />
ou lésion osseuse), susceptible de donner<br />
lieu à un syndrome de loge secondaire.<br />
L’examen clinique de repos<br />
d’une endofibrose est généralement<br />
strictement normal <strong>et</strong> la présence d’un<br />
souffle n’a pas de caractère pathologique.<br />
Les symptômes cliniques sont<br />
souvent décrits comme une sensation<br />
de “grosse cuisse” ou de “jambe molle”.<br />
Ils surviennent exclusivement lors des<br />
efforts maximaux ou supra-maximaux<br />
(sprints, échappées) <strong>et</strong> disparaissent<br />
très rapidement dès que l’athlète “lève<br />
le pied”. La douleur de moll<strong>et</strong> à la<br />
marche, paradoxalement parfois<br />
absente lors de la course, est classiquement<br />
décrite comme un argument<br />
en faveur d’un piège poplité. L’impossibilité<br />
de réaliser 50 extensions<br />
consécutives sur la pointe des pieds a<br />
été proposée comme un test diagnostique<br />
de dépistage. A l’exception de<br />
l’artère poplitée piégée, la notion de<br />
“trigger d’intensité” <strong>et</strong> de sédation<br />
rapide à l’arrêt de l’effort sont de bons<br />
arguments pour une origine vasculaire<br />
aux douleurs chroniques des<br />
membres inférieurs, même si le siège<br />
de la douleur est parfois atypique<br />
(claudication proximale). Un piège<br />
diagnostique est la possibilité de douleurs<br />
vasculaires atypiques dans leur<br />
localisation (proximale) ou leur description<br />
(sciatalgie, douleur de<br />
hanche), résultant de lésions iliaques<br />
internes (ou primitives), évoquant<br />
une pathologie neurologique (canal<br />
lombaire étroit, sciatique) ou rhumatologique<br />
(pseudo-arthrose de<br />
hanche). Le caractère de la symptomatologie<br />
liée à l’effort <strong>et</strong> disparaissant<br />
à son arrêt, ainsi que la présence<br />
de facteurs de risques vasculaires chez<br />
un suj<strong>et</strong> d’âge mûr, doivent inciter à<br />
exiger de l’échographiste une analyse<br />
spécifique des iliaques primitives <strong>et</strong><br />
internes.<br />
● Le diagnostic<br />
La mesure des pressions intra-tissulaires<br />
après l’effort est plus utilisée que la scintigraphie<br />
pour le diagnostic de syndrome<br />
de loge. Echographie <strong>et</strong><br />
scintigraphie musculaires perm<strong>et</strong>tent<br />
d’éliminer une cause inflammatoire<br />
locale. Une élévation des CPK à distance<br />
(> 72 h) de tout effort doit faire discuter<br />
la possibilité d’une myopathie sousjacente.<br />
L’écho-Doppler est l’examen<br />
de première intention dans le diagnostic<br />
de l’artère poplitée piégée <strong>et</strong> peut<br />
être utile au diagnostic d’endofibrose<br />
entre des mains exercées. Pour l’endofibrose<br />
comme pour les autres lésions<br />
artérielles (inflammatoires ou athéromateuses),<br />
la mesure des index de pression<br />
de cheville à l’arrêt d’un effort, dont<br />
l’intensité a permis de reproduire la<br />
douleur, apporte le plus souvent un<br />
argument décisif pour l’origine vasculaire<br />
des symptômes.<br />
Les diagnostics différentiels, avec des<br />
pathologies non vasculaires, en particulier<br />
tendineuses, musculaires ou<br />
ostéo-articulaires, sont innombrables.<br />
Les périostites <strong>et</strong> fractures<br />
de fatigue sont, dans notre expérience,<br />
très souvent objectivées lors<br />
des scintigraphies osseuses, réalisées<br />
chez les patients qui nous sont adressés<br />
pour suspicion de syndrome de<br />
loge. Ils ne rem<strong>et</strong>tent pas en cause la<br />
réalité d’un syndrome de loge secondaire<br />
éventuel, mais leur traitement<br />
en priorité semble préférable à une<br />
aponévrotomie de décharge. La présence<br />
d’une douleur exquise à la palpation<br />
<strong>et</strong> d’une douleur au choc par<br />
percussion de l’os dans son grand<br />
axe doit les faire rechercher. Le syndrome<br />
de Maigne est un diagnostic<br />
différentiel classique de l’endofibrose.<br />
Le concept de plicature iliaque<br />
développé par les auteurs hollandais<br />
ne doit sans doute pas être confondu<br />
avec une endofibrose (36).<br />
Actuellement, nous ne r<strong>et</strong>enons pas<br />
comme pathologique un simple<br />
allongement artériel.<br />
Le traitement chirurgical des syndromes<br />
de loge <strong>et</strong> de l’artère poplitée piégée perm<strong>et</strong><br />
en règle générale une reprise du<br />
sport sans séquelle. Pour l’endofibrose,<br />
comme pour les autres lésions artérielles<br />
pariétales, le traitement est la chirurgie<br />
ou… l’abstention. Les gestes d’angioplasties<br />
ne sont pas recommandés dans<br />
le cadre de l’endofibrose. Les patients<br />
opérés courent le risque de récidive ou<br />
de sténose anastomotique. Dans la<br />
majorité des cas, la reprise du sport perm<strong>et</strong><br />
d’atteindre des performances<br />
identiques, voire supérieures, aux performances<br />
pré-opératoires. Si les<br />
lésions artérielles résultent d’un athérome<br />
débutant, la prise en charge<br />
médicale des facteurs de risque est<br />
essentielle.<br />
> En conclusion<br />
La douleur reste le maître symptôme des<br />
pathologies vasculaires chez le sportif.<br />
Elle ne doit cependant pas masquer la<br />
possibilité d’autres signes cliniques, parfois<br />
isolés <strong>et</strong> révélateurs de troubles vasculaires,<br />
comme une hypertension<br />
artérielle (coarcation, dysplasies), une<br />
dyspnée (hypertension artérielle pulmonaire),<br />
une fatigabilité (claudication<br />
proximale), un œdème (obstacle veineux),<br />
voire des pathologies n<strong>et</strong>tement<br />
plus exceptionnelles telles que le<br />
pseudo-purpura rhumatoïde embolique<br />
(defilé thoraco-brachial) ou une dysphagie<br />
(lusoria), <strong>et</strong>c.<br />
Au total, quand faut-il penser à une<br />
pathologie vasculaire ? Toujours ! Dès lors<br />
qu’un symptôme lié à l’exercice reste inexpliqué,<br />
pour éviter un diagnostic r<strong>et</strong>ardé.<br />
Ainsi, le r<strong>et</strong>ard diagnostique moyen des<br />
maladies vasculaires du suj<strong>et</strong> jeune est de<br />
plus de deux ans. Que faire si on suspecte<br />
une pathologie vasculaire ? Adresser le<br />
patient à un correspondant expérimenté<br />
en pathologie vasculaire chez le sportif,<br />
car les problèmes de diagnostic restent<br />
encore souvent nombreux, même en cas<br />
de forte suspicion clinique. ❚<br />
mise au point<br />
>>><br />
29 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
mise au point<br />
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<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
30
Dépistage cardiovasculaire<br />
Consensus européen<br />
pour les jeunes sportifs<br />
analyse d’article<br />
Corrado D, Pellicia A, Bjornstad HH <strong>et</strong> al. <strong>Cardio</strong>vascular pre-participation screening of young comp<strong>et</strong>itive athl<strong>et</strong>es for prevention of sudden death :<br />
proposal for a common European protocol. Eur Heart J 2005 ; 26 : 516-24.<br />
Sur les terrains de sport, l’accident cardiovasculaire a souvent une issue <strong>et</strong> des<br />
conséquences dramatiques. Les groupes européens de <strong>Cardio</strong>logie du <strong>Sport</strong> <strong>et</strong><br />
des Maladies du Myocarde <strong>et</strong> du Péricarde de la Société Européenne de<br />
<strong>Cardio</strong>logie viennent de proposer un consensus sur les modalités d’un dépistage<br />
cardiovasculaire chez les jeunes sportifs (< 35 ans), suivant un entraînement<br />
régulier <strong>et</strong>/ou participant à des compétitions.<br />
Pr François Carré (CHU Pontchaillou, >>> Rennes)<br />
MOTS CLÉS<br />
Accident cardiovasculaire,<br />
mort subite, activité sportive,<br />
jeune sportif, dépistage,<br />
consensus européen,<br />
bilan cardiovasculaire, ECG<br />
Bien que relativement rare,<br />
l’accident cardiovasculaire<br />
touche surtout les hommes<br />
<strong>et</strong> concerne, dans l’immense majorité<br />
des cas, un cardiaque ignoré,<br />
chez qui le risque de mort subite lors<br />
de la pratique d’une activité sportive<br />
intense est n<strong>et</strong>tement majoré (x 2,5).<br />
Il est donc logique de réfléchir aux<br />
possibilités d’amélioration du dépistage<br />
de ces suj<strong>et</strong>s à risque. C’est dans<br />
c<strong>et</strong>te optique que les groupes européens<br />
de <strong>Cardio</strong>logie du <strong>Sport</strong> <strong>et</strong> des<br />
Maladies du Myocarde <strong>et</strong> du Péricarde<br />
de la Société Européenne de<br />
<strong>Cardio</strong>logie viennent de proposer un<br />
consensus sur les modalités d’un<br />
dépistage cardiovasculaire chez les<br />
jeunes sportifs.<br />
En France, toute personne désireuse de participer à une compétition doit être en possession d’un certific<br />
non contre-indication, daté de moins d’un an <strong>et</strong> établi par un médecin.<br />
> L’hétérogénéité<br />
des modalités<br />
En eff<strong>et</strong>, une grande hétérogénéité<br />
règne actuellement, selon les pays,<br />
dans ce domaine. Rappelons qu’en<br />
France, toute personne désireuse de<br />
participer à une compétition doit être<br />
en possession d’un certificat de non<br />
contre-indication, daté de moins d’un<br />
an <strong>et</strong> établi par un médecin. Aucun<br />
protocole précis du bilan n’est imposé<br />
dans ce cadre. Un arrêté du ministère<br />
de la Jeunesse <strong>et</strong> des <strong>Sport</strong>s, publié au<br />
Journal Officiel en février 2004, définit<br />
le contenu obligatoire du bilan minimal<br />
dont doivent bénéficier les sportifs<br />
avant leur inscription sur les listes<br />
de haut niveau ou espoir. Ces listes<br />
sont établies par la fédération dont<br />
dépend le sportif <strong>et</strong> cela concerne<br />
entre 13 <strong>et</strong> 14 000 suj<strong>et</strong>s. Dans le<br />
>>><br />
31 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
analyse d’article<br />
>>><br />
domaine cardiovasculaire, ce bilan doit<br />
comprendre un examen clinique biannuel,<br />
un électrocardiogramme de<br />
repos annuel, un échocardiogramme<br />
transthoracique de repos une fois dans<br />
la carrière (deux si le premier examen<br />
a été fait avant 15 ans), une épreuve<br />
d’effort au moins tous les 4 ans. Cela<br />
ne concerne pas les ligues professionnelles<br />
(football, rugby, cyclisme, tennis,<br />
golf…), qui ne dépendent pas du<br />
ministère des <strong>Sport</strong>s <strong>et</strong> qui ont leur<br />
propre règlement médical.<br />
Tableau 2 • Signes à rechercher à l’examen physique.<br />
● Signes musculosquel<strong>et</strong>tiques <strong>et</strong>/ou oculaires évocateurs d’un syndrome<br />
de Marfan<br />
● Asymétrie des pouls radiaux <strong>et</strong> fémoraux<br />
● Clicks méso ou télésystoliques<br />
● Souffles cardiaques marqués (systolique ou diastolique > 2/6)<br />
● Arythmie cardiaque<br />
● Pression artérielle > 140/90 mmHg au moins à 2 mesures<br />
cine du sport, chez tout suj<strong>et</strong> désirant<br />
prendre une licence sportive.<br />
Différentes études ont montré l’efficacité<br />
supérieure du bilan médical<br />
imposé en Italie au simple interrogatoire<br />
<strong>et</strong> examen physique proposé en<br />
Amérique du nord. Ainsi, la cardiomyopathie<br />
hypertrophique (CMH),<br />
dont l’incidence dans la mort subite<br />
des suj<strong>et</strong>s jeunes non sportifs est voisine<br />
en Italie <strong>et</strong> en Amérique du nord,<br />
Tableau 1 • Antécédents <strong>et</strong> signes fonctionnels à rechercher à l’interrogatoire.<br />
Interrogatoire dirigé<br />
Antécédents familiaux<br />
Famille proche<br />
Mort subite ou accident cardiaque précoce<br />
(< 55 ans hommes <strong>et</strong> < 65 ans femmes)<br />
<strong>Cardio</strong>myopathie<br />
Syndrome de Marfan<br />
Syndrome de QT long<br />
Syndrome de Brugada<br />
Arythmies sévères<br />
Maladie coronaire<br />
Autre maladie cardiovasculaire sévère<br />
Antécédents personnels <strong>et</strong> signes fonctionnels<br />
<strong>Cardio</strong>pathie<br />
Syncope ou malaise<br />
Palpitations ou irrégularités cardiaques<br />
Douleur ou gêne thoracique à l’effort<br />
Dyspnée inappropriée à l’effort<br />
Fatigue inappropriée à l’effort<br />
> Le modèle italien<br />
Le consensus proposé dans l’European<br />
Heart Journal s’est largement<br />
inspiré de l’expérience italienne dans<br />
ce domaine. En eff<strong>et</strong>, depuis 25 ans,<br />
la loi italienne impose le contenu du<br />
bilan médical, qui doit être réalisé par<br />
des praticiens spécialisés en médeest<br />
exceptionnellement en cause chez<br />
les jeunes sportifs italiens, à l’inverse<br />
de leurs homologues américains. Bien<br />
que le maître examen diagnostique de<br />
la CMH soit l’échocardiographie transthoracique,<br />
sa réalisation systématique<br />
sur de grandes populations ne paraît<br />
pas actuellement raisonnable, vu son<br />
coût. L’expérience italienne, basée sur<br />
l’ECG de repos 12 dérivations, a montré<br />
chez les jeunes sportifs (0,07 %) une<br />
prévalence de la CMH proche de celle<br />
de l’échographie (0,1 %) utilisée en<br />
Amérique du nord chez des jeunes<br />
suj<strong>et</strong>s de race blanche. Ainsi, par rapport<br />
aux seuls interrogatoire <strong>et</strong> examen<br />
physique, l’association systématique<br />
d’un ECG de repos chez les jeunes<br />
sportifs améliore de 77 % l’efficacité<br />
de la détection de la CMH.<br />
> L’intérêt de l’ECG<br />
L’intérêt de l’ECG à visée diagnostique<br />
est aussi bien reconnue dans d’autres<br />
pathologies potentiellement létales<br />
chez le jeune sportif, comme les syndromes<br />
du QT long, du QT court, de<br />
Brugada, de Wolf-Parkinson-White, la<br />
maladie de Lenégre <strong>et</strong>, à un moindre<br />
niveau, la maladie arythmogène du<br />
ventricule droit <strong>et</strong> la cardiomyopathie<br />
dilatée. Avec la CMH, les pathologies<br />
citées constituent près de 60 % des<br />
causes de mort subite chez le jeune<br />
sportif <strong>et</strong> la meilleure connaissance<br />
des signes électrocardiographiques de<br />
certaines d’entre elles récemment<br />
décrites devrait perm<strong>et</strong>tre d’améliorer<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
32
leur détection chez les jeunes sportifs.<br />
L’ECG de repos est moins performant<br />
pour détecter la maladie coronaire <strong>et</strong><br />
l’anomalie de naissance des artères<br />
coronaires.<br />
> Le protocole<br />
de dépistage<br />
Ainsi, le protocole de dépistage des<br />
maladies cardiovasculaires proposé ici<br />
comprend un interrogatoire dirigé, qui<br />
précisera les antécédents familiaux <strong>et</strong><br />
personnels, ainsi que les signes fonctionnels<br />
(Tab. 1), un examen physique<br />
qui conserve sa place irremplaçable<br />
avec mesure de la pression artérielle<br />
(Tab. 2) <strong>et</strong> un ECG 12 dérivations de<br />
repos.<br />
Connaissant les dates d’apparition,<br />
mais aussi la possible évolution dans<br />
le temps des signes électrocardiographiques<br />
de ces pathologies, il est proposé<br />
que l’ECG de repos 12 dérivations<br />
soit réalisé systématiquement à partir<br />
de 12-14 ans <strong>et</strong> répété tous les 2 ans.<br />
Avant c<strong>et</strong> âge, dans les intervalles <strong>et</strong><br />
en l’absence de signes évocateurs,<br />
l’examen clinique (Tab. 1 <strong>et</strong> 2) devra<br />
bien sûr être réalisé avant la délivrance<br />
d’une licence sportive.<br />
Une attitude appropriée aux données<br />
du bilan médical <strong>et</strong> de l’ECG 12 dérivations<br />
est proposée sur la figure 1.<br />
Comme le soulignent les auteurs, une<br />
bonne connaissance du praticien de<br />
la médecine du sport, mais aussi des<br />
signes cliniques <strong>et</strong> électrocardiographiques<br />
évocateurs des pathologies<br />
cardiovasculaires cités, ne pourra<br />
qu’améliorer l’efficacité de ce dépistage.<br />
analyse d’article<br />
Figure 1 • Diagramme illustrant le protocole de dépistage des pathologies<br />
cardiovasculaires chez les jeunes sportifs proposé par Corrado <strong>et</strong> al.<br />
Compétiteurs entre 12 <strong>et</strong> 35 ans<br />
Bilan médical<br />
Antécédents familiaux <strong>et</strong> personnels (Tab. 1)<br />
Signes fonctionnels (Tab. 1)<br />
Examen physique (Tab. 2)<br />
ECG de repos 12 dérivations à répéter tous les 2 ans<br />
Le protocole de dépistage devrait perm<strong>et</strong>tre de détecter<br />
les pathologies cardiovasculaires chez le jeune sportif.<br />
En Europe, par rapport au seul examen<br />
médical, la majoration du coût du protocole<br />
proposé serait d’environ<br />
10 euros, ce qui reste modéré vu son<br />
apport.<br />
Normal<br />
Anormal<br />
Pas de contre- Cœur Examens<br />
indication “sain” complémentaires<br />
à la compétition<br />
ciblés<br />
Pathologie<br />
cardiovasculaire<br />
Attitude adaptée<br />
aux recommandations<br />
> En conclusion<br />
La mise en place progressive de ce<br />
protocole dans les pays de la communauté<br />
européenne devrait perm<strong>et</strong>tre de<br />
détecter des pathologies cardiovasculaires<br />
latentes <strong>et</strong> potentiellement graves<br />
chez le jeune sportif. Elle ne perm<strong>et</strong>tra<br />
cependant pas de prévenir tous les accidents<br />
potentiels. Ainsi, pour le groupe<br />
de consensus les recherches doivent se<br />
poursuivre en particulier par l’évaluation<br />
précise du rapport coût efficacité<br />
de l’échocardiogramme transthoracique<br />
<strong>et</strong> par la tenue d’un registre international<br />
des morts subites observées dans<br />
c<strong>et</strong>te population. ❚<br />
33 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
XV e Journées Européennes<br />
de la Société Française<br />
de <strong>Cardio</strong>logie, Paris 2005<br />
congrès<br />
Les points forts des deux sessions des dernières Journées Européennes de<br />
<strong>Cardio</strong>logie concernant les relations entre le système cardiovasculaire <strong>et</strong> l’activité<br />
physique vous sont résumées par deux des intervenants, Marc Ferrière de<br />
Montpellier <strong>et</strong> Hervé Douard de Bordeaux.<br />
Dr Marc Ferrière (Service de <strong>Cardio</strong>logie B, Montpellier)<br />
Pr Hervé Douard (Hôpital <strong>Cardio</strong>logique, Pessac)<br />
> Exercice physique<br />
sur ordonnance<br />
Alors que le précédent ministre de la<br />
Santé, Mr Douste-Blazy, venait<br />
d’aborder largement le thème de la<br />
prévention cardiovasculaire dans son<br />
discours d’inauguration, l’atelier de<br />
travail sur l’exercice physique sur<br />
ordonnance pour les patients cardiovasculaires<br />
s’est déroulé devant une<br />
audience fournie.<br />
De l’intérêt de l’ordonnance<br />
Le but de c<strong>et</strong>te session était de montrer<br />
l’apport complémentaire que l’ordonnance<br />
personnalisée peut<br />
apporter aux recommandations de<br />
pratique d’une activité physique. Ces<br />
recommandations sont bien diffusées,<br />
mais d’ordre général <strong>et</strong> global,<br />
elles sont, hélas, peu suivies par les<br />
patients dans leurs applications quantitatives,<br />
qualitatives <strong>et</strong>, surtout, dans<br />
la durée. L’ordonnance établit une<br />
prescription personnalisée d’une thérapeutique<br />
(ici non pharmacologique)<br />
dans le but d’obtenir un gain<br />
thérapeutique (justifié idéalement par<br />
la médecine basée sur les preuves),<br />
ou sur les symptômes. Elle prévoit<br />
une posologie, un mode d’administration<br />
<strong>et</strong> est renouvelé à intervalle<br />
régulier, jamais au-delà de 6 mois,<br />
perm<strong>et</strong>tant ainsi de juger de l’efficacité<br />
<strong>et</strong> de la compliance au traitement<br />
<strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tant un ajustement en fonction<br />
d’un objectif. L’ordonnance doit<br />
pouvoir aider à l’application <strong>et</strong> donc<br />
à l’efficacité des recommandations<br />
de bonne pratique d’une activité physique.<br />
Quatre thèmes majeurs ont été développés<br />
lors de c<strong>et</strong> atelier : l’hypertension<br />
artérielle, le diabète sucré à haut<br />
risque cardiovasculaire,<br />
l’insuffisance<br />
cardiaque <strong>et</strong> la prévention<br />
primaire des<br />
maladies cardiovasculaires.<br />
L’hypertension<br />
Dans le cadre de l’hypertension,<br />
le Pr<br />
Xavier Girerd (Pitiésalpêtrière,<br />
Paris) a<br />
présenté le programme, ONE – HTA,<br />
correspondant à une prescription<br />
informatisée <strong>et</strong> personnalisée de l’activité<br />
physique <strong>et</strong> de conseils nutritionnels<br />
chez l’hypertendu. Une<br />
méta-analyse de 53 études a montré<br />
qu’une activité physique régulière de<br />
type aérobie induisait, en moyenne,<br />
une baisse de 3-4 mmHg sur la PA<br />
systolique <strong>et</strong> de 2 à 3 mmHg sur la PA<br />
Le programme<br />
ONE-HTA<br />
correspond à<br />
une prescription<br />
informatisée <strong>et</strong><br />
personnalisée de<br />
l’activité physique<br />
chez l’hypertendu.<br />
MOTS CLÉS<br />
Exercice physique,<br />
ordonnance, hypertension<br />
artérielle, diabète,<br />
insuffisance cardiaque,<br />
prévention primaire,<br />
coronaropathies,<br />
recommandations,<br />
contre-indications, sport<br />
diastolique, optimisant ainsi les résultats<br />
du traitement antihypertenseur.<br />
Les meilleurs résultats sont obtenus<br />
pour une durée d’activité de 120 à<br />
150 minutes par semaine, dans le but<br />
de dépenser au moins 2 000 kcal par<br />
semaine en plus des activités habituelles.<br />
La bicycl<strong>et</strong>te<br />
semble plus efficace<br />
que la marche <strong>et</strong> le<br />
jogging. Si l’intensité<br />
de l’exercice influe peu<br />
sur les chiffres systoliques,<br />
une intensité<br />
modérée paraît plus<br />
efficace sur les chiffres<br />
diastoliques. Le programme<br />
ONE-HTA<br />
proposait au médecin,<br />
à partir de données médicales <strong>et</strong><br />
personnelles, recueillies par questionnaires<br />
<strong>et</strong> analysées par<br />
l’Institut Français de la Condition<br />
Physique <strong>et</strong> du Mode de Vie, une prescription<br />
personnalisée de conseils de<br />
nutrition <strong>et</strong> de pratique d’activité physique.<br />
Des 372 hypertendus recrutés<br />
(âge moyen 55 ans), 67 % étaient<br />
sédentaires <strong>et</strong> 32 % très sédentaires.<br />
>>><br />
35<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
congrès<br />
>>><br />
Un programme d’activité personnalisé<br />
présenté par le médecin traitant<br />
devrait perm<strong>et</strong>tre d’améliorer l’observance<br />
individuelle de l’hypertendu.<br />
La validation scientifique de l’efficacité<br />
de ce programme doit être étudiée<br />
prochainement.<br />
Le diabète à haut risque<br />
cardiovasculaire<br />
Richard Brion (hôpital Desgen<strong>et</strong>tes,<br />
Lyon) est à l’origine d’une consultation<br />
de prescription de l’exercice physique<br />
pour les patients à haut risque<br />
cardiovasculaire <strong>et</strong>, plus particulièrement,<br />
les diabétiques de type 2. Il est<br />
prouvé que ces suj<strong>et</strong>s, qui pratiquent<br />
moins d’activité physique que la<br />
population générale, présentent des<br />
altérations de la typologie musculaire<br />
<strong>et</strong> une capacité physique altérée. La<br />
prescription banale, non personnalisée,<br />
d’une activité physique est peu<br />
efficace. La consultation, mise en<br />
place à Lyon, repose sur une analyse<br />
des facteurs de risque <strong>et</strong> des handicaps,<br />
une identification des habitudes<br />
personnelles, de l’environnement<br />
familial, social <strong>et</strong> économique. Après<br />
synthèse de ces données, une ordonnance<br />
personnalisée d’activité physique<br />
est remise au patient <strong>et</strong> diffusée<br />
à tous les acteurs médicaux ou paramédicaux.<br />
Actuellement, sont observés<br />
100 % de motivation en fin de<br />
consultation, 100 % de compréhension<br />
du bénéfice de l’activité physique<br />
<strong>et</strong> 43,7 % de poursuite de l’activité<br />
physique à 16 mois. L’analyse des<br />
causes d’échec a révélé que 66,7 % des<br />
patients auraient souhaité reprendre<br />
avec un “entraîneur” <strong>et</strong> que l’anxiété<br />
<strong>et</strong> l’obésité sont associées à un plus<br />
fort taux d’arrêt.<br />
L’insuffisance cardiaque<br />
Le bénéfice de la pratique d’une activité<br />
physique adaptée chez l’insuffisant<br />
cardiaque a été précisé par<br />
Jean-François Aup<strong>et</strong>it (Saint-Joseph,<br />
Lyon). Deux aspects prédominent :<br />
d’une part, la notion de déconditionnement<br />
réversible <strong>et</strong>, d’autre part,<br />
la valeur pronostique sur la mortalité.<br />
Ainsi, le muscle de l’insuffisant<br />
cardiaque présente des anomalies<br />
énergétiques d’origine multifactorielle,<br />
qui sont réversibles avec un<br />
reconditionnement adapté à l’aptitude<br />
individuelle. Aujourd’hui, le<br />
“frein” à la prescription d’activité physique<br />
chez ces patients doit être levé.<br />
En eff<strong>et</strong>, après réadaptation cardiovasculaire<br />
chez le coronarien, la<br />
consommation maximale d’oxygène<br />
est augmentée de 13 % <strong>et</strong> la durée de<br />
l’exercice de 17 %.<br />
Dans le même temps,<br />
c<strong>et</strong> entraînement<br />
s’accompagne d’une<br />
baisse de la mortalité<br />
de 20 % <strong>et</strong> de la mort<br />
subite de 37 %. Chez<br />
l’insuffisant cardiaque,<br />
les premiers résultats<br />
montrent un risque<br />
relatif de mortalité<br />
abaissé de 35 % par<br />
le réentraînement.<br />
L’innocuité de c<strong>et</strong>te<br />
prescription a été confirmée <strong>et</strong> l’indication<br />
est reconnue pour les insuffisants<br />
cardiaques de classe NYHA II<br />
ou III. En l’absence, actuellement, de<br />
proposition consensuelle sur la posologie<br />
<strong>et</strong> le mode d’administration, il<br />
est recommandé une prescription<br />
personnalisée <strong>et</strong> non contraignante.<br />
La prévention primaire<br />
En prévention primaire également,<br />
l’activité physique modérée <strong>et</strong> régulière<br />
a fait ses preuves. Marc Ferrière<br />
(Montpellier) a rappelé les eff<strong>et</strong>s<br />
bénéfiques de c<strong>et</strong>te pratique, qui<br />
diminue le risque d’apparition de<br />
maladies cardiovasculaires. Ainsi, une<br />
baisse significative de l’apparition<br />
d’une HTA est r<strong>et</strong>rouvée chez la<br />
femme (-63 %), comme chez l’homme<br />
(-82 %). Une baisse du LDLc <strong>et</strong> une<br />
hausse significatives du HDLc, ainsi<br />
Un programme<br />
d’activité<br />
personnalisé,<br />
présenté par<br />
le médecin traitant,<br />
devrait perm<strong>et</strong>tre<br />
d’améliorer<br />
l’observance<br />
individuelle<br />
de l’hypertendu.<br />
qu’une diminution de la progression<br />
de l’index intima-média de 40 % sont<br />
rapportés. Plusieurs études, réalisées<br />
sur de grandes populations, ont montré<br />
une diminution de 50 % d’apparition<br />
de nouveaux cas de diabète<br />
(type 2) <strong>et</strong> de 60 % de syndrome<br />
métabolique. Enfin, une baisse de la<br />
CRP a aussi été récemment démontrée.<br />
Après 75 ans, la pratique d’une<br />
activité physique régulière augmente<br />
de 53% le nombre d’années en bonne<br />
santé. Une activité intense n’est pas<br />
plus efficace qu’une activité modérée.<br />
Trois heures de marche active<br />
par semaine, une<br />
activité d’endurance<br />
dépensant au moins<br />
4,5 METs, suffisent<br />
pour observer des<br />
eff<strong>et</strong>s positifs.<br />
Ainsi, l’ordonnance<br />
médicale a pour buts<br />
de personnaliser la<br />
prescription de l’activité<br />
physique, d’éviter<br />
les surdosages en<br />
fonction des facteurs<br />
de risque, d’améliorer<br />
la compliance, gages du succès de<br />
toute thérapeutique. Un bénéfice aussi<br />
important, prouvé scientifiquement,<br />
ne peut se satisfaire de simples recommandations<br />
appliquées par un p<strong>et</strong>it<br />
nombre de patients <strong>et</strong> pour un suivi<br />
de courte durée. Si des consultations<br />
d’activité physique, telle que celle<br />
ouverte par Richard Brion se développent,<br />
si des programmes d’accompagnement<br />
<strong>et</strong> de conseils des<br />
suj<strong>et</strong>s à risque cardiovasculaire, tels<br />
que celui proposé par Xavier Girerd,<br />
se m<strong>et</strong>tent en place <strong>et</strong> si, comme l’a<br />
indiqué Jean-François Aup<strong>et</strong>it, la<br />
rééducation des insuffisants cardiaques<br />
vient s’ajouter à celle des<br />
coronariens, enfin, si la prévention<br />
passe du stade des discours au stade<br />
de la pratique, gageons que l’ensemble<br />
de la communauté médicale, si rapide<br />
à prescrire les nouveaux traitements,<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4 36
prescrira réellement l’activité physique<br />
(dont les niveaux de preuve d’efficacité<br />
sont exceptionnels), avec la même<br />
réflexion <strong>et</strong> la même conviction, perm<strong>et</strong>tant<br />
une efficacité prolongée. C’est<br />
ce qui est ressorti de c<strong>et</strong> atelier “écologique”<br />
(pas de cohortes d’animaux<br />
de laboratoire sacrifiés) <strong>et</strong> économique<br />
(marcheurs, cyclistes <strong>et</strong> joggeurs<br />
peuvent combler le gouffre de<br />
la sécurité sociale avec un matériel<br />
n’ayant pas besoin d’AMM !).<br />
> <strong>Sport</strong><br />
<strong>et</strong> coronaropathies<br />
Si les bénéfices à moyen <strong>et</strong> long terme<br />
de l’exercice physique <strong>et</strong> sportif ne<br />
peuvent être remis en cause, il est<br />
aussi vrai que l’exercice physique<br />
intense constitue une “condition<br />
idéale” pour que le suj<strong>et</strong> à risque fasse<br />
un accident coronarien.<br />
Les facteurs de risque<br />
Les facteurs favorisant c<strong>et</strong> accident<br />
ont été rappelés par le Pr Machecourt<br />
(Grenoble) durant c<strong>et</strong>te session.<br />
L’augmentation de la consommation<br />
en oxygène du myocarde, reflétée par<br />
les majorations chronotrope <strong>et</strong> tensionnelle,<br />
peut générer une ischémie<br />
en cas de coronaropathie méconnue,<br />
avec risque d’arythmie ventriculaire<br />
maligne. Sur une plaque coronaire,<br />
lors de l’exercice intense, le risque de<br />
rupture est augmenté par la dilatation<br />
des volumes cavitaires, qui crée une<br />
excursion, une élongation <strong>et</strong> des plicatures<br />
des coronaires épicardiques.<br />
La pulsatilité accrue induit des mouvements<br />
en “accordéon” à type d’allongement-raccourcissement,<br />
des<br />
coudures liées aux contractions myocardiques,<br />
qui contraignent mécaniquement<br />
les plaques coronaires. Par<br />
ailleurs, la rupture de plaque est favorisée<br />
par une augmentation de la<br />
pression interne vasculaire <strong>et</strong> les altérations<br />
des conditions rhéologiques.<br />
Enfin, sur certaines sténoses ou<br />
plaques vulnérables, la dysfonction<br />
endothéliale peut générer des rétrécissements<br />
par vasoconstriction plus<br />
ou moins spastique, favorisant l’accident<br />
coronarien aigu. Les accidents<br />
coronariens se manifestent cliniquement<br />
souvent en post-effort immédiat,<br />
en raison de la diminution du<br />
r<strong>et</strong>our veineux <strong>et</strong> de la vasodilatation<br />
périphérique, responsables d’une<br />
hypotension <strong>et</strong> d’une hypoperfusion<br />
coronaire qui, associées à une imprégnation<br />
catécholergique majeure,<br />
sont susceptibles de déclencher une<br />
arythmie. Le Pr Machecourt a ainsi<br />
souligné l’importance des accidents<br />
coronariens survenus en montagne,<br />
notamment lors des descentes de la<br />
Vallée Blanche près de Chamonix,<br />
favorisés également par l’altitude,<br />
l’hypoxie <strong>et</strong> l’intensité de l’effort, souvent<br />
inhabituelles chez des suj<strong>et</strong>s peu<br />
ou mal entraînés.<br />
Les ultrasons intra-coronaires (IVUS)<br />
restent un outil diagnostique d’exception,<br />
mais qui offrent des enseignements<br />
extrêmement riches sur les<br />
mécanismes des syndromes coronariens<br />
aigus. L’expérience du Pr Fin<strong>et</strong><br />
(Lyon) en ce domaine est majeure.<br />
S’appuyant sur une présentation iconographique<br />
particulièrement spectaculaire,<br />
il nous l’a rapportée avec le<br />
brio oratoire qui le caractérise. L’importance<br />
du substrat thrombotique,<br />
par rapport au contenu athéromateux<br />
de la plaque rompue, apparaît ainsi<br />
très variable selon les situations cliniques,<br />
pouvant rem<strong>et</strong>tre en question<br />
l’opportunité de certaines approches<br />
thérapeutiques, telle que le direct stenting,<br />
qui peut agir comme un véritable<br />
“presse-purée” sur de telles lésions.<br />
Les recommandations<br />
de contre-indications<br />
La deuxième partie de c<strong>et</strong>te session<br />
était consacrée aux recommandations<br />
concernant les contre-indications à<br />
la pratique sportive en cas de coronaropathie.<br />
Le Dr Brion (Lyon) a rapporté<br />
un travail de thèse lyonnais,<br />
constitué de différentes observations<br />
analysées par plusieurs “spécialistes”<br />
français de cardiologie du sport <strong>et</strong> leur<br />
attitude face à une reprise de l’activité<br />
sportive après un accident coronarien<br />
aigu. Ce travail souligne les très<br />
nombreuses discordances qui existent<br />
en ce domaine. La prudence, en<br />
raison des implications médicolégales,<br />
sous-entend la plupart des<br />
attitudes. L’absence de recommandations<br />
officielles détaillées, en dehors<br />
des sports de compétition, est l’un des<br />
facteurs de discordance, ainsi que la<br />
méconnaissance actuelle de l’évolutivité<br />
des coronaropathies.<br />
Actuellement, des recommandations<br />
nord-américaines existent (conférences<br />
de B<strong>et</strong>hesda 1994 <strong>et</strong> 2004) <strong>et</strong><br />
viennent d’être remises à jour <strong>et</strong><br />
publiées dans le J Am Coll <strong>Cardio</strong>l du<br />
11 avril 2005. Elles sont basées sur<br />
l’évaluation du risque cardiovasculaire<br />
en deux groupes. Dans le groupe le<br />
moins à risque, seuls les sports de type<br />
IA ou IIA ne sont pourtant qu’autorisés.<br />
Ces références renvoient à la classification<br />
de Mitchell, établie selon le<br />
niveau faible, modéré ou élevé <strong>et</strong> le<br />
caractère dynamique (respectivement<br />
A, B, C) ou statique (respectivement I,<br />
II, III) de l’exercice physique. C<strong>et</strong>te<br />
classification, qui a le mérite d’exister,<br />
est cependant critiquable. En eff<strong>et</strong>, elle<br />
méconnaît de nombreux sports plus<br />
spécifiquement européens. Par<br />
ailleurs, elle ne tient pas compte des<br />
facteurs psychologiques, des conditions<br />
de réalisation extérieure (température,<br />
altitude, milieu aquatique…),<br />
ni du risque cardiovasculaire pendant<br />
les périodes d’entraînement, qui peut<br />
solliciter le système cardiovasculaire<br />
d’une manière différente. Enfin, l’intensité<br />
individuelle de réalisation <strong>et</strong> la<br />
durée de l’exercice sont des facteurs<br />
non pris en compte dans c<strong>et</strong>te classification.<br />
congrès<br />
>>><br />
37 <strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4
congrès<br />
>>><br />
Les recommandations européennes,<br />
présentées oralement à Munich, doivent<br />
être publiées bientôt dans l’European<br />
Heart Journal. L’originalité<br />
des recommandations européennes<br />
repose sur l’évaluation du risque cardiovasculaire,<br />
qui est établi après<br />
stratification clinique <strong>et</strong> fonctionnelle<br />
(par épreuve d’effort). Elles différencient<br />
les athlètes ayant une coronaropathie<br />
connue, des athlètes avec<br />
une très forte prévalence potentielle<br />
de coronaropathie (mais sans événement<br />
clinique coronarien avéré),<br />
qui se réfère au logiciel d’analyse probabilistique<br />
SCORE, également utilisé<br />
dans la stratification du risque<br />
cardiovasculaire. Enfin, différentes<br />
situations cliniques impliquant une<br />
ischémie myocardique sont évoquées<br />
(ponts myocardiques, maladie de<br />
Kawasaki, anomalies de naissance<br />
coronaire, transplantations cardiaques…).<br />
Une probabilité faible de<br />
survenue d’événements cliniques liés<br />
à l’exercice inclut les sportifs coronariens<br />
sans sténose coronarienne résiduelle<br />
significative, avec une fraction<br />
d’éjection supérieure à 50 %, sans<br />
ischémie ni arythmie maligne ventriculaire<br />
à l’effort <strong>et</strong> avec une capacité<br />
d’effort conservée par rapport à la<br />
théorique. Même dans ces groupes à<br />
faible risque, seuls les sports de type<br />
IA <strong>et</strong> IB sont autorisés en compétition.<br />
En cas de probabilité élevée, la<br />
compétition est formellement contreindiquée,<br />
même pour des sports tels<br />
que le golf, le billard, le bowling…<br />
Chez les suj<strong>et</strong>s indemnes d’accident<br />
coronarien, mais avec une prévalence<br />
significativement plus élevée<br />
que la normale, la plupart des sports<br />
restent autorisés en compétition, en<br />
excluant cependant les sports de type<br />
IIIA à IIIC. Tout test d’effort anormal<br />
(<strong>et</strong> malgré les nombreux faux positifs<br />
connus chez les sportifs de haut<br />
niveau) nécessite une évaluation non<br />
invasive complémentaire, voire coronarographique.<br />
Dans ces recommandations,<br />
il est également souligné<br />
l’absence d’intérêt des tests d’efforts<br />
de dépistage chez des athlètes entraînés<br />
asymptomatiques, sans facteur<br />
de risque <strong>et</strong> chez qui tous les sports<br />
de compétition sont autorisés. Rappelons<br />
qu’en France, dans le suivi des<br />
sportifs de haut niveau, listés par leur<br />
fédération respective, un test d’effort<br />
est cependant obligatoire tous les<br />
4 ans.<br />
Les recommandations actuelles ne<br />
concernent que la pratique du sport<br />
en compétition. Des recommandations<br />
spécifiques françaises, qui<br />
auront pour mission de ne pas se<br />
limiter aux sports réalisés en compétition<br />
mais étendues à toute activité<br />
sportive de loisir, sont en cours de<br />
finalisation. ❚<br />
agenda<br />
17 E CONGRÈS DU COLLÈGE NATIONAL<br />
DES CARDIOLOGUES FRANÇAIS (CNCF)<br />
6-8 octobre 2005<br />
Lyon<br />
- Déjeuner débat organisé par les laboratoires MENARINI<br />
le 7 octobre à 12h30<br />
Thème : La rapidité d’action : un atout pour l’efficacité<br />
- Symposium MENARINI le 8 octobre à 9h30<br />
Thème : Bêta-bloquants <strong>et</strong> qualité de vie<br />
● Inscription<br />
Agence CCC<br />
32 rue de Paradis - 75010 PARIS<br />
Tel. : 01 45 23 96 13 - Fax : 01 45 23 00 95<br />
JOURNÉES DES GROUPES DE TRAVAIL<br />
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE<br />
DE CARDIOLOGIE<br />
21 octobre 2005 <strong>et</strong> 16 décembre 2005<br />
Paris<br />
● Renseignements<br />
Mme Elizab<strong>et</strong>h Fidon<br />
SFC<br />
15 rue Cels<br />
75014 Paris<br />
Tél : 01 43 22 29 71 - Fax : 01 43 22 63 61<br />
E-mail : efidon@cardio-sfc.org<br />
Sites :<br />
http://www.sfcardio.fr/<br />
<strong>Cardio</strong>&<strong>Sport</strong> • n°4<br />
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