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VITRINE SUR LES ARTS ET LA CULTURE<br />
BAZZART.QC.CA<br />
MÉTIERS D'ART<br />
ART TEXTILE<br />
TRICOTER NOTRE MÉMOIRE<br />
TRANSMETTRE NOTRE SAVOIR-FAIRE<br />
+<br />
POPULARITÉ DU"FAIT MAIN"<br />
DÉCOUVRIR LA PASSION DU TRICOT<br />
ABORDEZ LA FIBRE TEXTILE AVEC<br />
YVETTE MICHELIN, FLÉCHERANDE<br />
LE COLLECTIF COLIFICHET, QUATRE "FOLLES" DU TRICOT<br />
ESTELLE ET LUCILLE : TOUT COMMENCE PAR UN "TRIP"<br />
GRATUIT dans la région de Québec<br />
Volume 8 • Numéro 4 • CAN$5,00 taxes incluses<br />
PP 41400048 - Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada :<br />
Productions OPTIK etc. 114-65, rue Saint-Vallier Est, Québec ( Québec ) G1K 3N6<br />
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2 |<br />
www.lithochic.com<br />
T 418 842 0869 | F 418 842 5550 | 866 842 4866<br />
2700 Jean-Perrin, bur. 104, Québec Qc G2C 1S9
Veritas<br />
Acrylique sur papier aquarelle,<br />
35 x 55 cm, 2010.<br />
Maison d’été<br />
Acrylique sur papier aquarelle,<br />
35 x 55 cm, 2011.<br />
Photo Mathieu JADAUD<br />
Félix GIRARD Jeune, mais néanmoins déjà un prolifique artiste, Félix Girard est l'un de ces créateurs qui<br />
nous entraine avec bonheur dans son univers d'histoires oniriques baignées d’ocre, aux personnages doux et<br />
étranges. Plusieurs expositions et salons à Québec et à Montréal, quelques livres en route, le carnet de projets<br />
de l'illustrateur est bien rempli. Son atelier est installé à Limoilou et le quartier représente une grande source<br />
d'inspiration. Son souffle créatif indéniable, son renouveau urbain en plus de la galerie d'humains hauts en couleur<br />
que nous pouvons y observer l'inspire directement. Félix Girard a plusieurs idées en tête pour illustrer à sa manière ce quartier plein<br />
de vie. Nous attendons impatiemment sa première BD sur « la meute» de Limoilou »! (A. V.)<br />
FELIXGIRARD.COM<br />
Expo<br />
| 3
BAZZART est une publication indépendante conçue et réalisée par l’organisme à but non<br />
lucratif Productions OptiK etc. Elle vise à accroître la reconnaissance des pratiques artistiques<br />
actuelles et à renforcer le rayonnement des arts. Sa mission se définit comme suit : rendre<br />
accessibles au plus grand nombre de personnes des notions d’art et de culture; contribuer à la<br />
diffusion et à la compréhension des œuvres; participer activement au développement des arts<br />
contemporains ainsi qu’à la reconnaissance de la relève artistique.<br />
BAZZART est distribué gratuitement grâce à l’accueil chaleureux de plus de 300 partenaires.<br />
ÉDITEUR<br />
PRODUCTIONS OPTIK ETC.<br />
Adresse administrative<br />
114-65, rue Saint-Vallier Est<br />
Québec ( Québec ) G1K 3N6<br />
Téléphone : 418 558-7897<br />
Courriel : info@bazzart.qc.ca<br />
DIRECTION<br />
Directrice générale | Claire GOUTIER<br />
Directrice graphique | Kim DAMBOISE<br />
Adjointe à la production | Annie-Claude LACHANCE<br />
Responsable des communications | Audrey DJADEL<br />
Réviseures linguistiques | Anne GIRARD, Audrey DJADEL, Corinne DALLAIN<br />
COMITÉS<br />
CRÉDITS<br />
Comité de promotion et de financement<br />
Claire GOUTIER · Annie-Claude LACHANCE · Simon RENAUD · Alexandra BLOUIN ·<br />
Audrey DJADEL · Dany TREVERSY<br />
Comité de rédaction<br />
Claire GOUTIER · Jade THIBODEAU · Annie-Claude LACHANCE · Dany TRAVERSY · Marie-<br />
Eve G. CASTONGUAY · Benoit BORDAGE · Geneviève VAILLANCOURT · Gabrielle MASSÉ ·<br />
Steven CHAMBERLAIN VALLÉE<br />
Comité graphique<br />
Claire GOUTIER · Kim DAMBOISE · Jean-François GRAVEL · Anne-Marie ROY ·<br />
Jade THIBODEAU · Annie GAUTHIER B. · Allex BEL<br />
GABRIELLE MASSÉ<br />
RESPONSABLE DU DOSSIER ART TEXTILE<br />
COMPLICE<br />
La petite Gabrielle rêvait d’être<br />
archéologue. Mais comme elle est curieuse<br />
de tout et qu’elle a toujours mille projets en<br />
tête, les conseillers en orientation ne savent<br />
pas trop quoi faire d’elle. Avec toutes ces<br />
idées de création et l’envie de partager ses découvertes,<br />
elle arrive à se tisser une carrière d’enseignante au<br />
préscolaire. Depuis, elle montre aux tout-petits comment<br />
utiliser ciseaux, crayons et leur imagination.<br />
Parce qu’elle aime les matières vraies, les techniques<br />
ancestrales, le savoir qui se transmet souvent dans<br />
l’intimité des cuisines, c’est son amour pour l’étoffe<br />
du pays et sa passion pour l’histoire du Québec qui<br />
l’ont menée, de fil en aiguille, à pratiquer l’authentique<br />
fléché québécois. Mais elle fait de la couture, du<br />
crochet et du feutre aussi. De la broderie? Peut-être,<br />
une fois qu’elle aura terminé de tricoter de loin son<br />
plus beau projet jusqu’à aujourd’hui; une petite fille de<br />
janvier qui sera chaudement emmitouflée d’amour et<br />
de doux cotons. (G. V.)<br />
RÉDACTEURS<br />
Marie-Eve G. CASTONGUAY · Claire GOUTIER · Caroline HOUDE · Jean-Baptiste LEVÊQUE ·<br />
Gabrielle MASSÉ · Jade THIBODEAU · Geneviève MESSIER · Marion MERCIER ·<br />
Audrey LABARRE · Geneviève VAILLANCOURT · Élisa GAGNON · Yolaine · Agathe VERGNE ·<br />
Allex BEL · Steven C. VALLÉE<br />
PHOTOGRAPHES<br />
Jean-François GRAVEL · Mathieu JADAUD · Pascal HUOT · Catherine GALLICHAND ·<br />
Camille BRETON SKAGEN · David-Maxime SAMSON<br />
BAZZART est possible grâce à la participation bénévole de ses<br />
précieux collaborateurs. Nous les remercions pour leur générosité,<br />
leur implication et leur fidélité envers les arts et la culture. Leur travail<br />
est exceptionnel et ils contribuent au rayonnement de nos artistes,<br />
à la diffusion d’œuvres importantes ainsi qu’à la reconnaissance des<br />
travailleurs et des organismes culturels. MERCI!<br />
Le magazine BAZZART est distribué gratuitement dans la ville de Québec.<br />
Pour vous abonner, venez visiter notre site Internet :<br />
BAZZART.QC.CA<br />
Copyright Magazine BAZZART © Pour tous les auteurs. Toute reproduction de textes, d’illustrations ou de<br />
photographies du magazine est interdite.<br />
Les opinions émises dans ce magazine sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles<br />
de la direction.<br />
ISSN : 1911-415X<br />
Dépôt légal — Quatrième trimestre <strong>2014</strong><br />
Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque nationale et Archives Canada.<br />
SUR LA COUVERTURE<br />
Photos de Jean-François GRAVEL, montage de Kim DAMBOISE<br />
Sur la photo : Sylvie LAMOTHE et Marion MERCIER à<br />
l'Établi (265 Rue Saint-Vallier Est, Québec)<br />
Avec la collaboration de Gabrielle MASSÉ et Claire GOUTIER<br />
RESTONS EN CONTACT<br />
Abonnement à l'infolettre de BAZZART :<br />
EEPURL.COM/ZDXPH<br />
Magazine <strong>Bazzart</strong><br />
@<strong>Bazzart</strong>Magazine<br />
4 |<br />
Collaborateurs
INTRO<br />
06 Édito<br />
Tissé serré<br />
par Claire GOUTIER<br />
Correspondance<br />
Quoi de neuf...<br />
en Abitibi-Témiscamingue?<br />
par Frédérique CORNELLIER<br />
ACTUALITÉS<br />
07 Point de vue<br />
Tout sauf la solitude<br />
par Jacques LEBLANC<br />
15 En bref<br />
Keith Kouna et le Loup bleu<br />
Théâtre d'occasion<br />
Rodéo FX<br />
37 Carnet de voyage<br />
Chine : Quand les traditions<br />
rencontrent la technologie<br />
par Élisa GAGNON<br />
ŒUVRES<br />
03 Expo<br />
Veritas et Maison d'été<br />
de Félix GIRARD<br />
38 Création<br />
Pourquoi les petites filles<br />
tombent-elles du ciel? (inédit)<br />
de Sophie-Anne LANDRY<br />
PAROLE AUX ARTISTES<br />
08 Catherine SHEEDY<br />
Christine ORAIN<br />
Julien LEBARGY<br />
09 Marc-André ROUSSEAU<br />
Loriane THIBODEAU<br />
Ophélie CUILLERIER<br />
CHRONIQUES<br />
10 École de danse Christiane<br />
Bélanger - Ballet de Québec<br />
Le ballet rayonne<br />
par Claire GOUTIER<br />
11 MNBAQ<br />
Le Nigog : Première revue de la<br />
modernité artistique au Québec<br />
par Caroline HOUDE<br />
12 Festival de cinéma de<br />
la Ville de Québec<br />
L'année Québec<br />
par Jean-Baptiste LEVÊQUE<br />
13 Télé-Québec<br />
La Fabrique culturelle :<br />
usine à inspirations<br />
par Allex Bel<br />
PARTENAIRES CULTURELS<br />
16 Centre de valorisation du<br />
patrimoine vivant<br />
Cultiver les racines<br />
par Yolaine, conteuse<br />
18 Maison des métiers d'art<br />
de Québec<br />
Le devoir de transmettre<br />
par Marie-Eve G. CASTONGUAY<br />
30 Biennale internationale du lin<br />
de Portneuf<br />
Les arts contemporains à l'honneur<br />
par Claire GOUTIER<br />
31 Centre MATERIA<br />
Ambassadeur des métiers d'art<br />
par Marion MERCIER<br />
DOSSIER<br />
20 État des lieux<br />
Transmettre la fibre<br />
par Gabrielle MASSÉ<br />
22 Reportage<br />
De filles en aiguilles<br />
par Geneviève VAILLANCOURT<br />
25 Les loisirs créatifs<br />
Le plaisir de faire soi-même<br />
par Marie-Eve G. CASTONGUAY<br />
26 Collectif Colifichet<br />
Quatre folles du tricot<br />
par Jade THIBODEAU<br />
27 Madame Yvette Michelin<br />
Flécherande porteuse de traditions<br />
par Geneviève MERCIER<br />
28 Musées de la civilisation<br />
Réfléchir le savoir-faire<br />
par Jade THIBODEAU<br />
PARTENAIRE PME<br />
33 Softi<br />
Une maille à la fois<br />
par Agathe VERGNE<br />
ESPACE ARTISTES<br />
34 SteampunkALIEN<br />
Reasons to Smile / SMile<br />
35 Putré-Fashion<br />
Emmanuelle BRETON<br />
36 Bang-Bang-Suzy.com<br />
NOS PARTENAIRES<br />
02 LithoChic<br />
Festival international du film sur<br />
l'art (FIFA)<br />
14 Babillard<br />
- Marché de Noël allemand<br />
- Salons des artisans et des métiers<br />
d'art de Québec<br />
- Babylone Café<br />
- La Rotonde<br />
Commanditaires<br />
- Duchesse d'Aiguillon<br />
- Lady Kookie biscuiterie<br />
- La Boîte à pain<br />
32 Pishier<br />
Théâtre Périscope<br />
La Fabrique culturelle<br />
École de danse Christiane Bélanger<br />
36 San Rococo<br />
Festival de cinéma de la Ville<br />
de Québec<br />
39 CKRL 89,1 FM<br />
Musée national des beaux-arts<br />
du Québec<br />
Broderies Raoul Vennat<br />
40 Microbrasserie La Barberie<br />
SOMMAIRE<br />
Photo Jean-François GRAVEL<br />
Sommaire | 5
Photo Camille BRETON SKAGEN<br />
ÉDITO<br />
TISSÉ SERRÉ<br />
/ par Claire GOUTIER<br />
Photo Geneviève LAGROIS<br />
CORRESPONDANCE<br />
QUOI DE NEUF...<br />
EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE?<br />
/ par Frédérique CORNELLIER<br />
Le ciel nuageux et l’air humide nous collent à la peau; les<br />
couleurs automnales ont cédé leur place aux températures<br />
hivernales. C’est à ce moment propice au cocooning que<br />
nous rêvons de nous emmitoufler dans l’éternel tricot de<br />
fabrication familiale.<br />
Voilà d’où nous viennent les prémices d’un numéro qui se<br />
consacre à l’art textile. Notre désir était d’ouvrir le dialogue<br />
entre cette discipline plusieurs fois centenaire et notre<br />
époque où le « made in China » remplace trop souvent le<br />
« fait main ».<br />
Nous sommes d’avis que nous avons besoin de chaleur.<br />
Nous avons besoin d’étoffes colorées, chaudes ou légères,<br />
pour nous habiller, nous protéger et nous identifier les uns<br />
aux autres. Nous avons besoin de ce lien, de ces contacts<br />
humains pour nous stimuler, nous enflammer, faire vibrer<br />
notre fibre intérieure, unique, qui nous anime tous.<br />
L’art textile émerge aujourd’hui de la tradition, d’une<br />
transmission d’un savoir-faire ancestral et d’une vision<br />
profondément contemporaine, lucide et sobre. Il puise<br />
maintenant son inspiration entre deux mondes, peut-être<br />
pour en créer un nouveau dans lequel l’objet utilitaire de<br />
jadis est remplacé par des objets d’art. Chose certaine, la<br />
réflexion et la rencontre sont au cœur de l’exercice.<br />
Même Gandhi disait que la meilleure des méditations est<br />
le tissage. Alors, filles et garçons, à vos aiguilles et à vos<br />
laines! Souhaitons-nous un hiver au chaud… et zen.<br />
Il me fait tant plaisir que tu t’intéresses à l’univers du textile,<br />
riche en diversité et en textures, comme l’est l’Abitibi-<br />
Témiscamingue. Sur ce vaste territoire, bien des projets<br />
se déploient sous différentes coutures. Spontanément me<br />
viennent en tête les magnifiques sacs en cuir créés par<br />
Noc Design, les boules de fourrure popularisées par Édith<br />
Brisebois et les chaudes bottes de fourrure fabriquées<br />
par Fourrures Grenier. En fouillant un peu, on s’aperçoit<br />
que certains travaillent la laine et le feutrage, d’autres se<br />
concentrent sur les tissus, alors que la broderie en séduit<br />
quelques-uns.<br />
Les peuples autochtones, avec qui nous partageons le<br />
territoire, ont un artisanat où se côtoient cuir, bois, perles,<br />
fourrure et broderie. Sous les mains de ces artisans naissent<br />
des tambours, des mocassins, des mitaines, des capteurs de<br />
rêves, et j’en passe.<br />
Sans oublier ces femmes des cercles de fermières pour qui<br />
les fils de laine et de coton n’ont plus de secrets. Elles sont<br />
présentes sur tout le territoire.<br />
Pour ma part, je suis une passionnée de laine et de tricot.<br />
À ma façon, je transmets ma passion du textile en donnant<br />
des cours de tricot en soirée et en organisant des journées<br />
créatives. Lors de ces moments, le partage des savoirs est<br />
mis à contribution, pour le plus grand bonheur de tous.<br />
Viens voir ce qui se cache derrière nos épinettes! Tu<br />
constateras que les métiers d’art de la région sont<br />
dynamiques et vivants.<br />
Bonne route!<br />
6 | Edito / Correspondance
POINT DE VUE<br />
Jacques LEBLANC, directeur artistique du<br />
Théâtre de la Bordée<br />
Photo Mathieu JADAUD<br />
TOUT SAUF LA SOLITUDE<br />
/ par Jacques LEBLANC,<br />
directeur artistique du Théâtre de la Bordée<br />
Bonjour à tous. Mon nom est Jacques Leblanc, je suis comédien, issu du Conservatoire<br />
d’art dramatique de Québec en 1981, donc depuis 33 ans, je me promène, à Québec<br />
principalement, de théâtre en théâtre, d’auteur en auteur, de rôle en rôle, de metteur en<br />
scène en metteur en scène, de doute en certitude, de bonheur en déception, de flamme<br />
en flamme.<br />
Après m’être regardé le nombril pendant<br />
quelques années, me disant que j’étais si<br />
bon et que je deviendrais quelqu’un de<br />
très célèbre, j’ai rencontré l’autre. Celui<br />
qui partage la même passion que moi.<br />
Celui qui est sur scène avec moi. Celui<br />
qui doute aussi devant l’ampleur du<br />
personnage, la difficulté de la langue, la<br />
finesse du sous-texte, la profondeur de<br />
l’émotion. Celui qui, comme moi, travaille<br />
sans relâche pour arriver fin prêt devant<br />
le public. Celui qui est accablé devant<br />
une critique éreintante, celui qui jubile<br />
pendant les applaudissements, celui qui<br />
fête après une première. Ensemble, nous<br />
pouvons beaucoup. Ensemble.<br />
Car c’est bien le cœur de notre métier.<br />
La rencontre. J’ai rencontré tellement<br />
de gens qui m’ont fait évoluer. Des<br />
professeurs, des metteurs en scènes,<br />
des comédiens, des scénographes, des<br />
auteurs, des directeurs de théâtre. Toutes<br />
ces expériences réunies me donnent le<br />
vertige. Toutes ces vies qui s’entremêlent,<br />
toutes ces énergies qui se confondent,<br />
tous ces rires en salle de répétition,<br />
toutes ces soirées à refaire le monde,<br />
le métier. Tous ces projets réalisés ou<br />
avortés, toutes ces espérances. Mais<br />
aussi, toutes ces déceptions, ces revers,<br />
tout ça, pour moi c’est la vie.<br />
Tout sauf la solitude. J’aurais pu<br />
aujourd’hui parler de Québec, de<br />
Montréal, des régions, je n’en ai pas<br />
envie parce qu’au bout du compte, ça<br />
ne m’intéresse pas ce cloisonnement.<br />
Nous parlons bien de théâtre ici et non<br />
pas de vedettariat. Bien sûr chacun veut<br />
plus. C’est normal et légitime, mais ce<br />
n’est certainement pas en essayant d’en<br />
avoir plus sur le dos de l’autre que nous<br />
règlerons la question. Si le théâtre se<br />
porte bien dans la métropole, la capitale<br />
ou les régions, ça ne peut être que<br />
bénéfique pour tous. Nous avons besoin<br />
de rendre notre métier accessible à tous,<br />
notre art vivant, notre passion utile. Et<br />
si chacun d’entre nous peut apporter<br />
à l’autre un petit quelque chose, tant<br />
mieux. C’est ensemble que nous ferons<br />
avancer notre métier. Ensemble, tout sauf<br />
la solitude.<br />
Je suis directeur du Théâtre de la<br />
Bordée depuis dix ans. Cette nouvelle<br />
expérience m’a appris encore davantage<br />
sur le métier. Tout à coup, une vue<br />
d’ensemble m’est apparue. Celle d’une<br />
ville, d’une province, d’un pays. Une vue<br />
plus spécifique d’individus, d’interprètes,<br />
de metteurs en scène, d’auteurs, de<br />
concepteurs qui évoluent et continueront<br />
à le faire si nous leur donnons les<br />
moyens. Il faut travailler ensemble à<br />
donner les outils nécessaires à tous ces<br />
artistes pour grandir, fleurir. Il faut que le<br />
public qui fréquente nos salles de théâtre<br />
ressorte des spectacles avec quelque<br />
chose de plus, de nouveau et aussi avec<br />
la fierté d’avoir été de cette rencontre<br />
unique, belle, émouvante.<br />
Tout, sauf la solitude.<br />
Point de vue<br />
| 7
DÉVOILER SES INFLUENCES<br />
Photo Sylvie BEAULIEU<br />
Photo Catherine GALLICHAND<br />
Photo Camille BRETON SKAGEN<br />
Catherine SHEEDY<br />
Créatrice en bijou contemporain<br />
Christine ORAIN<br />
Artisane textile<br />
Julien LEBARGY<br />
Sculpteur<br />
Ce qui m’incite à faire de l’art, c’est<br />
à la fois le besoin de m’exprimer et<br />
une soif de découvertes. Pour m’aider<br />
dans ce cheminement, à des moments<br />
charnières, j’ai eu la chance d’être<br />
guidée par des mentors tels que<br />
Chantal Gilbert, Andrea Wagner et Noël<br />
Guyomarc’h.<br />
Combiné à une formation technique<br />
et universitaire, l’apprentissage auprès<br />
de maîtres est une nécessité. Ces<br />
perfectionnements m’amènent à explorer<br />
des méthodes de création déstabilisantes<br />
et à utiliser divers matériaux qui me<br />
poussent à revisiter mes savoir-faire en<br />
joaillerie. En ce moment, c’est le travail<br />
du verre qui me fascine et me confronte.<br />
À l’instar des sculptures installatives<br />
que j’ai créées et qui s’adaptaient aux<br />
lieux, les sculptures portables que je<br />
conçois sont appelées à interagir avec le<br />
corps qui devient le support de l’œuvre.<br />
Ce rapport à l’humain m’amène à me<br />
questionner sur mon interrelation avec<br />
l’environnement naturel et construit dans<br />
lequel j’évolue.<br />
8 | Parole aux artistes<br />
Comme ma langue maternelle, ma mère<br />
m’a transmis le langage textile.<br />
Ce savoir, qui était utilisé par celle-ci<br />
à des fins de survie économique, est<br />
devenu pour moi une passion. Des<br />
années d’imprégnation inconsciente<br />
m’apparaissent aujourd’hui comme un<br />
héritage précieux qui m’a été légué! Tout<br />
comme la langue, le savoir-faire évolue.<br />
Je dirais même : doit évoluer!<br />
Dans un contexte de globalisation, le<br />
savoir-faire s’enrichit au contact des<br />
autres cultures; se nourrir des savoirs<br />
ancestraux afin d’apprendre, digérer et<br />
restituer le tout de façon très personnelle.<br />
Cette curiosité devient progressivement<br />
mon principal moteur de création.<br />
Après une période de production<br />
intensive, je redécouvre le plaisir de la<br />
lenteur, le goût des projets longs, un<br />
point à la fois, à l’image de certains<br />
artisans dans des pays moins soumis aux<br />
contraintes de productivité.<br />
Devenue à mon tour un maillon dans<br />
la chaîne de transmission, j’assiste avec<br />
bonheur au miracle de chaque personne<br />
se découvrant des talents d’artisan.<br />
Peintres, écrivains, sculpteurs,<br />
scientifiques, personne lambda, peu<br />
importe la discipline, leur statut ou leur<br />
rôle, je trouve chez eux des influences<br />
qui deviennent mes propres outils.<br />
J’ai appris de plusieurs « maîtres »,<br />
parfois en relation exclusive, parfois par<br />
le biais d’ouvrages.<br />
Outre le transfert, il me semble que le<br />
défi réside en la synthèse de l’ensemble<br />
de nos influences.<br />
Je vois dans la passation du savoir et<br />
du savoir-faire une marque d’humilité<br />
de notre société technologique à<br />
l’égard de l’expérience, du passé et<br />
de l’histoire. Aussi positif que cela<br />
puisse être, j’y perçois la possibilité de<br />
m’inscrire dans une continuité sociale<br />
en laissant au travers de l’objet sculpté,<br />
une réflexion teintée de ma propre<br />
expérience : une piste que peut-être<br />
d’autres pourraient suivre à leur tour.
PAROLE AUX ARTISTES<br />
Photo Jean-François GRAVEL<br />
Photo Catherine GALLICHAND<br />
Photo Catherine GALLICHAND<br />
Marc-André ROUSSEAU<br />
Luthier<br />
Loriane THIBODEAU<br />
Céramiste<br />
Ophélie CUILLERIER<br />
Artiste en construction textile<br />
La lutherie est un art qui doit avant<br />
tout servir la musique et le musicien. Il<br />
s’agit d’une alliance entre des aspects<br />
techniques de précision et une recherche<br />
artistique raffinée et personnalisée.<br />
L’instrument, qu’il soit acoustique ou<br />
électrique, doit avoir une sonorité riche,<br />
un confort de jeu parfait et des qualités<br />
esthétiques qui le rendent unique. Mon<br />
désir est que l’instrument que je conçois<br />
ait une “âme”.<br />
Je m’inspire des guitares qui sont<br />
devenues des classiques à travers les<br />
années et bien sûr des musiciens qui les<br />
ont jouées. Chaque instrument qui passe<br />
entre mes mains pour une réparation<br />
peut devenir une inspiration. Les pièces<br />
de bois me guident aussi souvent dans<br />
ma création, et des essences indigènes et<br />
exotiques sont utilisées pour différentes<br />
qualités esthétiques et sonores. Je crée de<br />
façon assez intuitive et je laisse le projet<br />
évoluer de manière spontanée.<br />
C’est avec la lutherie que j’ai trouvé<br />
ma voie. C’est un art qui me ressemble<br />
puisque j’y trouve un équilibre entre la<br />
créativité, le travail d’artisan et la musique.<br />
Depuis maintenant 10 ans, je découvre<br />
l’argile. J’ai appris de plusieurs et il y a<br />
un peu d’eux à travers chacune de mes<br />
recherches. Plusieurs professeurs, quelques<br />
précieux mentors, beaucoup de collègues,<br />
tout plein d’élèves… Autant de visions de<br />
la même action, celle de « faire ».<br />
Apprendre par les mains d’un professionnel,<br />
c’est magnifique. Montrer, très humblement,<br />
comment répéter certains gestes millénaires<br />
à un élève, c’est vraiment un honneur.<br />
Partager avec une potière, peu importe<br />
son pays d’origine, qu’il y a décidément<br />
quelque chose (je ne sais pas encore tout<br />
à fait quoi) de très singulier à fabriquer<br />
une architecture autour du vide, c’est être<br />
comprise profondément.<br />
Expliquer à un passant que de mettre<br />
autant d’efforts à travailler à l’aveugle,<br />
c’est malgré tout gratifiant. La cuisson<br />
dictera le résultat. Tout comme la pièce<br />
en elle-même : nous subirons.<br />
Parler des métiers d’art, des savoir-faire,<br />
c’est essentiel pour les garder en vie.<br />
Mais, plus que tout, « faire » est la seule<br />
véritable réponse. Je retourne donc de<br />
ce pas à l’atelier.<br />
J’ai toujours été fascinée par la nature;<br />
l’observation de celle-ci me pousse à des<br />
questionnements et à des réflexions sur<br />
l’existence qui se manifestent dans mon<br />
travail. Mon admiration et la conscience<br />
de notre dépendance à celle-ci<br />
influencent mes choix dans les matériaux<br />
et les procédés que j’utilise. Le respect<br />
de l’environnement et des êtres vivants<br />
est important dans ma démarche.<br />
J’affectionne particulièrement les<br />
fibres naturelles d’origine animale ou<br />
végétale. J’utilise aussi des textiles<br />
recyclés pour compléter certaines<br />
pièces. La teinture fait partie intégrante<br />
de mon travail; c’est ce qui caractérise<br />
mes créations. Leur aspect tribal est<br />
inspiré de techniques indonésiennes et<br />
asiatiques de teinture par réserve. Je<br />
crée mes propres couleurs de manière à<br />
les agencer avec la teinte naturelle de la<br />
matière. Ainsi, j’obtiens une profondeur,<br />
une richesse de texture, mais c’est le<br />
tissage et le tricot qui donnent tout<br />
son sens à la fibre teinte. Des motifs<br />
apparaissent sous mes yeux, comme des<br />
traits de pinceaux sur un canevas. C’est<br />
l’étape cruciale, c’est ma récompense!<br />
Parole aux artistes<br />
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CHRONIQUE<br />
Photo Christiane BÉLANGER<br />
Christiane BÉLANGER, directrice du Ballet de Québec<br />
et de l’école de danse qui porte son nom.<br />
ÉCOLE DE DANSE CHRISTIANE BÉLANGER<br />
BALLET DE QUÉBEC<br />
LE BALLET RAYONNE<br />
/ par Claire GOUTIER<br />
Québec est une ville classique. Son architecture et son histoire lui rappellent<br />
continuellement ses origines européennes. Cela dit, il y a une discipline qui,<br />
plus que d’autres dans cette belle ville, passe inaperçue et ne jouit pas de la<br />
reconnaissance que nous accordons à l’opéra et à la musique symphonique.<br />
Le ballet, ses étoiles et sa relève<br />
demeurent une rumeur dans la Capitale-<br />
Nationale. C’est ce que nous signale<br />
Christiane Bélanger, directrice du Ballet<br />
de Québec et de l’école de danse qui<br />
porte son nom, laquelle accueille pas<br />
moins de 650 élèves qui y étudient<br />
exclusiment le ballet.<br />
« L’orignie du ballet remonte au XV e<br />
siècle. La technique a connu un essor<br />
important pendant la période de Louis<br />
XIV, en France, ce qui explique qu’il y<br />
ait beaucoup de vocabulaire propre au<br />
ballet en français », explique Christiane<br />
Bélanger. « Après, il y a eu la technique<br />
russe et l’aspect plus sportif de la<br />
discipline est apparu, impliquant le souci<br />
de performance et imposant la volonté<br />
d’atteindre la perfection. »<br />
En effet, le ballet a connu plusieurs<br />
phases de développement. La discipline<br />
a beaucoup voyagé et a pris pied sur<br />
tous les continents. Avec le temps, il<br />
s’est codifié. Aujourd’hui, un danseur de<br />
ballet mature est un maître incontesté<br />
10 | Chronique<br />
de la danse. « Le ballet, c’est un peu<br />
comme un doctorat. Il faut commencer<br />
très jeune, vers l’âge de quatre ans,<br />
et les exercices façonnent le corps,<br />
l’allongent », mentionne madame<br />
Bélanger. « Le ballet va étirer le muscle<br />
et rapprocher le danseur de l’agilité du<br />
chat; c’est très fluide. Et c’est très long<br />
avant de maîtriser certains mouvements,<br />
notamment le fouetté. » Ne devient pas<br />
ballerine qui veut.<br />
Cela dit, un spectacle de ballet,<br />
aujourd’hui, prend plusieurs formes. Il<br />
peut puiser dans le répertoire classique,<br />
comme l’incontestable Casse-Noisette,<br />
tout comme il peut s’agir d’une création<br />
originale, et, dans les deux cas, être<br />
actuel dans la forme. « J'ai composé<br />
des ballets contemporains à partir<br />
de vieux contes classiques comme<br />
Blanche-Neige et La Belle au bois<br />
dormant, qui ont fait salle comble au<br />
Grand Théâtre de Québec. Aucune<br />
compagnie locale ne l'avait fait depuis<br />
20 ans », raconte madame Bélanger. À<br />
ce propos, BAZZART vous invite à visiter<br />
le site Internet du Ballet de Québec, où<br />
plusieurs vidéos des productions passées<br />
et en cours sont disponibles.<br />
« Partout au Canada, le ballet rayonne;<br />
il s'adapte et change avec les années. Il<br />
est en mouvance, » soutient la directrice,<br />
qui donnait une conférence en octobre<br />
dernier sur le Ballet de Québec et la place<br />
du ballet au Canada, lors de son passage<br />
au festival de danse contemporaine<br />
Danxica à Cancun (Mexique). Elle y a<br />
également présenté Vortex, sa dernière<br />
création, qui aborde l’environnement et<br />
qui intègre des projections au travers des<br />
chorégraphies originales.<br />
Pouvons-nous voir un spectacle de ballet<br />
à Québec? Madame Bélanger y travaille;<br />
le développement du ballet dans la<br />
capitale lui tient particulièrement à cœur.<br />
Ce sera d’ailleurs le sujet de la suite de<br />
cette chronique, qui paraitra dans notre<br />
prochain numéro.<br />
CHRISTIANEBELANGER-DANSE.COM<br />
LEBALLETDEQUEBEC.COM
Charles DE BELLE, Le Baiser, avant 1926.<br />
Huile sur bois, 91 x 84,3 cm.<br />
Musée national des beaux-arts du Québec 1934.570.<br />
CHRONIQUE<br />
Photo Idra LABRIE<br />
MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC<br />
LE NIGOG : PREMIÈRE REVUE DE LA<br />
MODERNITÉ ARTISTIQUE AU QUÉBEC<br />
/ par Caroline HOUDE<br />
C’est en 1918 que naît Le Nigog, première revue de la modernité artistique<br />
au Québec. Nommée ainsi en référence au nigog, un instrument de pêche<br />
amérindien servant à harponner le poisson, le périodique usera de ce symbole<br />
fort afin d’éveiller la curiosité et d’inciter son lectorat à fréquenter les arts.<br />
Le Nigog est fondé à Montréal par<br />
l'architecte et chroniqueur Fernand<br />
Préfontaine, l'écrivain et journaliste<br />
Robert de Roquebrune, ainsi que le<br />
musicien et professeur Léo-Pol Morin.<br />
Les trois sont issus du milieu intellectuel<br />
et universitaire. Cette revue mensuelle,<br />
commentant l’actualité artistique, fera<br />
participer une trentaine de collaborateurs<br />
francophones et anglophones.<br />
Multidisciplinaire, la revue vise à cerner<br />
les enjeux de l’art de son temps. Elle se<br />
veut un forum et un espace de diffusion<br />
ouvert, consacré à la promotion de<br />
l’art et aux débats que suscitent les<br />
productions artistiques, traitant de<br />
littérature, de musique, d’architecture et<br />
des arts visuels.<br />
Cherchant à faire valoir la primauté<br />
de la forme sur le sujet dans l’art, les<br />
fondateurs et rédacteurs du Nigog<br />
se font rapidement des ennemis. Les<br />
détracteurs des membres de la revue leur<br />
reprochent un dédain perceptible pour la<br />
culture traditionnelle québécoise et une<br />
attitude mondaine, allant même jusqu’au<br />
snobisme. Aussi, la revendication du<br />
formalisme que prône Le Nigog horripile<br />
les régionalistes; ces derniers y voient un<br />
acte de destruction de la pensée d’une<br />
société conformiste, ce qui ne concorde<br />
pas avec leur volonté.<br />
L’aventure de la revue Le Nigog ne<br />
durera qu’une seule année, soit de janvier<br />
à décembre 1918. Toutefois, l’impact qui<br />
en découle constitue une avancée vers<br />
la modernité artistique au Québec. À<br />
l’époque, les historiographes considèrent<br />
la publication comme avant-gardiste.<br />
Cependant, la réalité montre que la<br />
revue avait des partis pris esthétiques<br />
liés au courant symboliste. En effet, les<br />
collaborateurs du Nigog défendaient des<br />
artistes symbolistes comme Ozias Leduc,<br />
Charles de Belle ou Charles Gill et ce,<br />
tout en rejetant radicalement le courant<br />
traditionaliste. L’influence du Nigog se<br />
fera notamment sentir dans l’orientation<br />
des acquisitions de la collection initiale<br />
du Musée du Québec, aujourd’hui le<br />
Musée national des beaux-arts du Québec.<br />
Quelques années après la disparition du<br />
Nigog, les frères Adrien et Henri Hébert,<br />
anciennement collaborateurs de la revue,<br />
seront les initiateurs d’une nouvelle<br />
tendance plus moderne, ce qui viendra<br />
perturber l’impact réel du Nigog sur les<br />
arts visuels au Québec.<br />
L’exposition Vers un renouveau artistique :<br />
La revue « Le Nigog » est présentée jusqu’au<br />
15 mars 2015 au Musée national des beauxarts<br />
du Québec. Une trentaine d’œuvres,<br />
dont des tableaux, des photographies et des<br />
sculptures, mais également des documents<br />
d’archives y sont regroupés.<br />
MNBAQ.ORG<br />
Chronique | 11
Le documentaire de Julie LAMBERT, sur le<br />
phénomène grandissant de la chasse au<br />
féminin, a remporté pas moins de trois prix<br />
en compétition, dont celui du public.<br />
CHRONIQUE<br />
FESTIVAL DE CINÉMA DE LA VILLE DE QUÉBEC<br />
L’ANNÉE QUÉBEC<br />
/ par Jean-Baptiste LEVÊQUE<br />
Le Festival de Cinéma de la ville de Québec (FCVQ) a connu une dernière édition des<br />
plus marquantes. Certes, le festival a permis aux spectateurs de Québec de voir des<br />
films attendus (Mommy de Xavier Dolan), mais il a surtout offert une place de choix<br />
aux œuvres provenant de la capitale. Oui, des films de Québec, et en grand nombre.<br />
« C’est exceptionnel! », lance Olivier<br />
Bilodeau, directeur de la programmation<br />
du FCVQ. « Sur cinquante longs-métrages<br />
sélectionnés, nous en avons programmé<br />
six de Québec. C’est une année faste<br />
pour le cinéma de la Capitale. » Parmi<br />
eux, soulignons deux fictions mettant en<br />
valeur des quartiers de la ville : 2 temps, 3<br />
mouvements (Christophe Cousin), tourné<br />
dans Vanier, et Limoilou – le film (Edgar<br />
Fritz), tourné à… nous vous laissons deviner.<br />
Les courts-métrages d’ici ont également<br />
eu une place de premier ordre puisque,<br />
la veille de la cérémonie d’ouverture,<br />
le FCVQ a choisi de leur consacrer une<br />
soirée entière. D’abord avec le lancement<br />
du projet collectif El Djazaïr mon amour,<br />
soit cinq films réalisés en Algérie par des<br />
cinéastes de la relève (Samuel Matteau,<br />
Elias Djemil, Yannick Nolin, Michaël<br />
Pineault et Guillaume Fournier). Puis avec<br />
une sélection de courts-métrages de la<br />
ville de Québec.<br />
Un autre moment fort était l’hommage<br />
rendu à Richard Lavoie, réalisateur<br />
prolifique d’une soixantaine de films, en<br />
majorité documentaires. Fils d’un pionnier<br />
du cinéma, Herménégilde Lavoie,<br />
monsieur Lavoie a réalisé son premier<br />
contrat pour un certain René Lévesque,<br />
en allant filmer des Inuits au Nord du<br />
Québec. De nombreux documentaires<br />
suivront, dont une douzaine étaient<br />
programmés au FCVQ.<br />
La place du documentaire a d’ailleurs<br />
pris de l’ampleur dans la programmation<br />
du festival. Olivier Bilodeau est fier de ce<br />
choix : « Le documentaire est un genre<br />
qui plait toujours au public de festivals.<br />
D’ailleurs, les prix du public vont souvent<br />
aux documentaires. » Les cinéastes de<br />
Québec en font quasiment une spécialité.<br />
Alors pas étonnant une fois de plus de<br />
trouver dans la section Espace Doc des<br />
films comme La vie selon Morgue de Jean<br />
Fontaine ou We are a one man band, coréalisé<br />
par Audrey Pernis.<br />
Enfin, comment ne pas souligner le vrai<br />
grand gagnant du festival, Un film de<br />
chasse de filles. Le documentaire de Julie<br />
Lambert, sur le phénomène grandissant<br />
de la chasse au féminin, a remporté pas<br />
moins de trois prix en compétition, dont<br />
celui du public. La réalisatrice n’a pas<br />
caché sa fierté d’avoir fait son film « à<br />
Québec ». Mais selon Olivier Bilodeau,<br />
cette reconnaissance va bien au-delà<br />
d’une distinction locale : « Nous avons<br />
eu un coup de cœur pour ce film, peu<br />
importe son origine. Un film de chasse<br />
de filles est un documentaire de calibre<br />
international. Je suis certain qu’il se<br />
démarquera ailleurs. »<br />
Le FCVQ est appelé à grandir. Le cinéma<br />
de Québec sera-t-il encore au rendez-vous?<br />
FCVQ.CA<br />
12 |
Marie-Claude PARADIS, nouvelle<br />
coordonnatrice du bureau de Télé-Québec<br />
à Québec<br />
CHRONIQUE<br />
Photo Jean-François GRAVEL<br />
TÉLÉ-QUÉBEC<br />
LA FABRIQUE CULTURELLE :<br />
USINE À INSPIRATIONS<br />
/ par Allex BEL<br />
Voilà comment provoquer la rencontre des différents univers artistiques d'un<br />
coin à l'autre de la province : par l’entremise d’une plateforme Web. C’est La<br />
Fabrique culturelle de Télé-Québec qui a réussi ce tour de force.<br />
« La culture a de moins en moins de<br />
place dans les médias traditionnels et<br />
c’est la même chose pour les contenus<br />
régionaux. En même temps, les appareils<br />
mobiles et les médias sociaux ont<br />
bouleversé notre façon de consommer<br />
des contenus audiovisuels. Télé-Québec<br />
a choisi de prendre d’assaut un créneau<br />
qu’aucun autre joueur n’avait occupé<br />
jusqu’à maintenant, en devenant<br />
la première plateforme culturelle<br />
panquébécoise », soutient Marie-Claude<br />
Paradis, nouvelle coordonnatrice du<br />
bureau de Télé-Québec à Québec.<br />
Télé-Québec lançait en mars dernier La<br />
Fabrique culturelle, la toute première<br />
plateforme de diffusion culturelle<br />
et artistique qui couvre l’ensemble<br />
du Québec. Le site propose depuis<br />
des capsules vidéo avec entrevues,<br />
des reportages, des performances,<br />
des courts-métrages et des portraits<br />
d’artistes. L’audace et l’innovation sont<br />
au rendez-vous; l’internaute trouvera<br />
profusion d'idées et d’inspirations.<br />
Par l’entremise de sujets parfois insolites<br />
mais toujours pertinents et judicieux,<br />
« La Fabrique permet de refléter la<br />
richesse culturelle de toutes les régions<br />
et de propulser les artistes, artisans et<br />
activités culturelles des quatre coins du<br />
Québec », affirme madame Paradis.<br />
En créant la Fabrique culturelle, nous<br />
comprenons que Télé-Québec veut<br />
réaffirmer son rôle de diffuseur dédié<br />
à la culture québécoise. Elle met<br />
à profit ses dix bureaux régionaux<br />
pour produire du contenu original au<br />
traitement esthétique singulier : l’idée<br />
est de mettre de l'avant des contenus<br />
inédits et exclusifs.<br />
La plateforme est fertile : les internautes<br />
y commentent, aiment et partagent avec<br />
enthousiasme ces portraits inusités de<br />
créateurs, des plus populaires à ceux de la<br />
bouillonnante relève. Après plus de six mois<br />
d'existence, les quelque 2 500 capsules<br />
vidéo originales diffusées sur la plateforme<br />
ont attiré plus de 500 000 visiteurs.<br />
La Fabrique culturelle a littéralement<br />
le vent dans les voiles. « D'ailleurs,<br />
50 partenaires culturels ont rejoint<br />
la Fabrique culturelle et l’alimentent<br />
régulièrement avec des contenus de<br />
qualité. C’est le cas, par exemple, du<br />
Musée de la civilisation et du Musée<br />
national des beaux-arts du Québec »,<br />
lance la coordonnatrice.<br />
Échantillon parfait de l'approche<br />
originale des vidéos de La Fabrique<br />
culturelle, de nombreux internautes<br />
restaient médusés en découvrant<br />
La Bible version Simon Bertrand, dans<br />
lequel est interviewé un artiste recopiant<br />
mot à mot le texte de la Bible sur une<br />
feuille de 4,8 mètres par 1,4 mètre. Avec<br />
à-propos, l'amusante entrevue réalisée<br />
par Marjorie Champagne se déroulait<br />
dans le Cyclorama de Jérusalem à<br />
Sainte-Anne-de-Beaupré.<br />
LAFABRIQUECULTURELLE.TV/CAPSULES/2228/<br />
LA-BIBLE-VERSION-SIMON-BERTRAND<br />
Grâce au travail chevronné et<br />
dynamique des équipes régionales de<br />
Télé-Québec, l'originalité, le génie,<br />
l'étonnement et le divertissement<br />
bouleversant croient sur la Fabrique<br />
culturelle. Désormais, quelques clics<br />
suffisent pour découvrir l'incomparable<br />
foisonnement culturel du Québec et en<br />
connaître les courageux créateurs.<br />
LAFABRIQUECULTURELLE.TV<br />
| 13
BABILLARD<br />
MARCHÉ DE NOËL ALLEMAND<br />
Laissez-vous séduire par l’ambiance magique et féérique!<br />
Du 28 nov. au 14 déc., de 11 h à 20 h;<br />
les dimanches de 11 h à 18 h / lundis et mardis fermés<br />
Place de l’Hôtel-de-Ville et les jardins de l’Hôtel-de-Ville (Vieux Québec)<br />
NOELALLEMANDQUEBEC.COM<br />
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MÉTIERS D’ART DE QUÉBEC<br />
Idées cadeaux surprenantes! L'événement regroupe sous<br />
un même toit œuvres d’art, objets artisanaux uniques et<br />
produits agroalimentaires du terroir québécois.<br />
Du 4 au 14 déc. <strong>2014</strong><br />
Centre de foires de Québec<br />
SALONDESARTISANS.COM<br />
LE BABYLONE À REDÉCOUVRIR<br />
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au Café Babylone. Au menu : filet de bœuf, confit de canard,<br />
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418-523-0700<br />
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DANSE / 2 DUOS HÉTÉROCLITES<br />
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Ruminant-Ruminant.<br />
Brice Noeser<br />
et Karina Iraola<br />
dérivent, cherchant<br />
des stratégies pour<br />
s’emmêler de propos<br />
labyrinthiques et de<br />
nœuds dansés.<br />
COMMANDITAIRES<br />
L'équipe de BAZZART remercie<br />
ses précieux commanditaires qui<br />
ont rendu possible la tenue du<br />
lancement de ce numéro.<br />
1, rue Saint-Jean<br />
418 914-8814<br />
289, rue Saint-Joseph Est<br />
418 647-3666<br />
469, rue Saint-Jean<br />
581 742-1242<br />
L'événement avait lieu à la maison<br />
historique Chevalier, en présence<br />
de nombreux artistes et organismes<br />
culturels et artistiques, ainsi que des<br />
collaborateurs qui ont participé à<br />
l'élaboration de ce dossier.<br />
14 | Babillard / Commanditaires
EN BREF<br />
Photo Courtoisie<br />
Photo François ANGERS<br />
Photo © HBO La ville de Meereen<br />
KEITH KOUNA ET LE LOUP BLEU EN<br />
VOYAGE D’HIVER<br />
Les fans de l’artiste alternatif de Québec<br />
le plus en vogue peuvent se réjouir : le<br />
deuxième album de Keith Kouna sera<br />
présenté sur les planches du Grand<br />
Théâtre de Québec cet hiver. Et qui dit<br />
projet musical ambitieux dit mise en<br />
scène audacieuse. Ce n’est nul autre<br />
que Loup bleu, fameuse marionnette à<br />
l’esprit déjanté et directeur artistique et<br />
philosophique du Théâtre du Sous-marin<br />
jaune, qui est en charge de la direction<br />
artistique de l’événement.<br />
Le dernier opus de Kouna, Le Voyage<br />
d’Hiver, est une réinterprétation<br />
toute personnelle de l’une des<br />
dernières œuvres pour piano et voix<br />
du compositeur Franz Schubert,<br />
Winterreise. L’univers très romanesque<br />
des 24 lieder du célèbre autrichien se<br />
révèle un écrin de choix pour les mots<br />
et la voix acidulée de l’interprète. Et une<br />
belle opportunité pour flirter avec le<br />
théâtre le temps d’un spectacle.<br />
Fort de sa tournée automnale en Europe,<br />
Keith Kouna réalise un retour sur la scène<br />
québécoise, en compagnie du Loup bleu,<br />
qui risque d’être un rendez-vous à ne<br />
pas manquer. Un véritable moment de<br />
beauté brute et de douce folie. (G. V.)<br />
KEITHKOUNA.COM<br />
THÉÂTRE D'OCCASION<br />
Nous venons à peine d'installer nos<br />
pneus d'hiver que le Nouveau théâtre<br />
de l’Ile d’Orléans a déjà la tête à l'été<br />
prochain. La pièce Voleurs d'occasion<br />
sera à l'affiche pendant la saison douce<br />
du 27 juin au 6 septembre prochain.<br />
Cette année, l'action passe donc de la cuisine<br />
au garage. Si elle n'en est pas à sa première<br />
version, le public en visite sur l'île aura droit<br />
à une toute nouvelle mouture du spectacle.<br />
Les codirecteurs du théâtre, Sébastien Dorval<br />
et Claude Montminy - qui est aussi l'auteur<br />
de la pièce - ont eu envie de se faire plaisir et<br />
de revisiter la comédie dont on célèbrera le<br />
dixième anniversaire en 2015.<br />
Nous suivons donc les tribulations de<br />
Denis, propriétaire d'un garage automobile<br />
qui, pour régler ses problèmes d'argent,<br />
mandate ses deux employés d'organiser<br />
un faux vol de voiture et espère ainsi<br />
gagner la mise des assurances. Imbroglio et<br />
quiproquo sont à prévoir.<br />
S'il reste encore quelques mois avant le<br />
printemps, c’est quand même chouette de<br />
planifier ses prochains fous rires... (G. V.)<br />
NOUVEAUTHEATREDELILE.COM<br />
FACEBOOK.COM/NOUVEAUTHEATREDELILE<br />
TECHNO QUÉBEC<br />
L’été dernier, Rodeo FX, une compagnie<br />
montréalaise spécialisée en effets visuels<br />
numériques, a ouvert un bureau au cœur<br />
du quartier Saint-Roch. En plus de la<br />
maison mère de Montréal, la compagnie<br />
a aussi un pied à terre à New York.<br />
À peine quelques semaines après son<br />
arrivée à Québec, Rodeo FX recevait<br />
un prestigieux Emmy Award, décerné<br />
par l'Academy of Television Arts and<br />
Sciences, pour son travail fait sur la série<br />
Game of Thrones.<br />
Si l’ouverture de cette division à Québec<br />
témoigne certainement de la vitalité<br />
du secteur multimédia au centre-ville,<br />
ainsi que de la compétence de sa main<br />
d’œuvre spécialisée sortant de ses écoles,<br />
c’est assurément une bonne nouvelle pour<br />
le milieu des arts technologiques d’avoir<br />
un tel joueur dans ses rangs.<br />
Rodeo FX a travaillé sur les effets visuels<br />
numériques de plusieurs grandes<br />
productions américaines, dont Lucy<br />
de Luc Besson, qui prenait l’affiche<br />
l’été dernier, et Birdman de Alejandro<br />
González Iñárritu (Babel), le film<br />
d'ouverture de la prochaine Biennale de<br />
Venise en 2015, considéré comme un<br />
sérieux aspirant aux Oscars. (C. G.)<br />
RODEOFX.COM<br />
| 15
Personnages du sculpteur<br />
Gilles C. CARON, retraité de chez<br />
IBM, maintenant établi à Batiscan.<br />
Son hobby l’occupe à temps plein.<br />
Photo ???????????<br />
La culture porte bien son nom : c’est quelque chose que nous semons, que nous<br />
aidons à faire s’épanouir et qui nous nourrit. Pourquoi travailler à préserver ces<br />
arts et traditions d’un autre temps? Les plus grands artistes sont souvent ceux<br />
qui innovent. La connaissance de ce qui nous a précédé est quasi inhérente à<br />
créer de la nouveauté. L’oubli nous condamnerait à nous répéter.<br />
Photo Archives CVPV<br />
CENTRE DE VALORISATION DU PATRIMOINE VIVANT<br />
CULTIVER LES RACINES<br />
/ par Yolaine, conteuse<br />
Le patrimoine vivant? Qualifié aussi<br />
d’immatériel? Comment présenter une<br />
telle chose? Entre autres par l’illustration<br />
de ses manifestations concrètes :<br />
la musique, la chanson, la danse, le<br />
conte et la légende, les arts et métiers<br />
traditionnels, les fêtes calendaires et les<br />
pratiques culinaires!<br />
Rien de mieux qu’une petite anecdote<br />
pour mettre en contexte.<br />
« Une fois, Ti-Jean a fait un pacte avec<br />
le diable pour qu’il l’aide à labourer<br />
son champ. Quand est venu le temps<br />
de semer, Ti-Jean a dit au diable qu’il<br />
pouvait se débrouiller. Mais avant qu’il<br />
parte, Ti-Jean voulait savoir quelle moitié<br />
de la récolte le diable voulait avoir : celle<br />
qui pousse au-dessus de la terre ou celle<br />
d’en-dessous? Le diable a dit : “ Celle<br />
du dessus ”. Alors, Ti-Jean a semé des<br />
patates. L’année d’après, Ti-Jean a passé<br />
un pacte semblable avec le diable et, au<br />
moment de semer, lui a demandé quelle<br />
16 | Partenaire culturel<br />
moitié de la récolte il voulait. Le diable a<br />
réfléchi et demandé celle qui pousse en<br />
dessous. Et Ti-Jean a semé du blé. »<br />
La naïveté du diable et de l’extrait cidessus<br />
peut paraître étonnante, mais elle<br />
permet de nous demander à quel point<br />
nous avons de la vision, quand vient le<br />
moment de semer, faire s’épanouir et<br />
nous nourrir grâce à la culture.<br />
Une culture en plein essor a de bonnes<br />
et puissantes racines. Celles-ci vivent<br />
en même temps que les feuilles et<br />
toutes deux nourrissent la plante. Jean-<br />
Pierre Chénard, directeur du Centre<br />
de valorisation du patrimoine vivant<br />
(CVPV), dit : « Le patrimoine vivant, c’est<br />
une notion qui n’est pas facile à cerner.<br />
Pour la plupart des gens, c’est quelque<br />
chose qui nous vient du passé, alors<br />
qu’au CVPV, nous considérons que c’est<br />
quelque chose d’actuel. »<br />
En effet, le patrimoine immatériel est<br />
considéré comme étant « en vie » parce<br />
qu’il est véhiculé par les gens. Ainsi, il<br />
fait comme eux : il n’est pas fixé dans le<br />
temps et évolue. Ses éléments changent<br />
au fil des transmissions, puisqu’il n’est<br />
pas figé par l’écrit ou l’enregistrement<br />
sonore ou vidéo.<br />
Selon la définition du CVPV, « […] une<br />
tradition demeure vivante tant qu'elle<br />
continue à jouer un rôle social, culturel<br />
ou économique. Dans le cas contraire,<br />
elle disparait. » Encore faut-il favoriser la<br />
préservation et le renouvellement d’une<br />
tradition en la valorisant.<br />
Au CVPV, le plus important, c’est de<br />
savoir comment une tradition reste<br />
vivante. Les Rendez-vous ès TRAD,<br />
festival organisé par le CVPV, se termine<br />
sur les Rencontres informelles de la<br />
musique, où s’échangent, à travers un<br />
jam, des pièces et des airs traditionnels.<br />
C’est d’ailleurs souvent ainsi que se<br />
fait la transmission, de nos jours : dans<br />
les rencontres et par Internet. Ce n’est
plus limité au milieu familial, c’est un<br />
réseautage.<br />
Le CVPV se donne donc pour<br />
mission de « travailler activement au<br />
développement, à la compréhension et à<br />
la conservation de la culture traditionnelle<br />
en la rendant visible et accessible<br />
dans tous les milieux de la société<br />
contemporaine. » L’un des rôles du CVPV<br />
est d’ailleurs de rassembler amateurs<br />
et praticiens autour de manifestations<br />
culturelles et artistiques liées au<br />
patrimoine vivant. Il est le seul organisme<br />
de Québec (et un des seuls au Québec)<br />
à toucher tous les secteurs du patrimoine<br />
vivant. Lors de la saison 2013-<strong>2014</strong>, le<br />
CVPV a organisé, accueilli et soutenu 258<br />
activités différentes qui ont touché près<br />
de 40 000 personnes.<br />
Gabrielle Bouthillier, musicienne<br />
et chanteuse aux multiples styles,<br />
très active dans le milieu culturel<br />
de Québec et présente sur la scène<br />
internationale, entre autres avec<br />
L’Orchestre d’Hommes-Orchestres,<br />
écrivait ceci à propos du CVPV : « Il<br />
est un pôle de cohésion pour le milieu<br />
du patrimoine vivant lui-même, un<br />
facilitateur d’initiatives de transmission<br />
de tout ordre, un centre de<br />
documentation, un agent de diffusion,<br />
ainsi qu’un ambassadeur des cultures<br />
traditionnelles et un porte-parole des<br />
enjeux qui entourent leur préservation<br />
auprès du grand public, des médias<br />
et des décideurs. Plus encore, cet<br />
organisme poursuit de façon à la fois<br />
enracinée et innovante une réflexion<br />
sur l’évolution du patrimoine vivant et<br />
des possibilités de renouvellement de<br />
ses pratiques, dans une optique de<br />
développement durable, ce qui en fait<br />
un partenaire exceptionnel pour les<br />
praticiens d’un milieu qui se réinvente<br />
sans cesse. »<br />
CVPV.NET<br />
Le Patrimoine vivant<br />
au goût du jour<br />
BOBELO<br />
Musique tradicale<br />
Duo Elmaleh-Bouthillier<br />
Musique chaude<br />
Chauffeurs à pieds<br />
Folk et traditionnel<br />
et plusieurs autres activités<br />
La musique traditionnelle comme<br />
vous ne l'avez jamais entendue!<br />
Photo D-Max SAMSON<br />
Illustration Denis CHIASSON<br />
Gabrielle BOUTHILLIER donnant un<br />
atelier sur le chant traditionnel aux<br />
Voûtes de la maison Chevalier.<br />
Photo Archives CVPV<br />
Le groupe Les Poules à Colin, lors du pré-lancement de leur<br />
album Ste-Waves le 9 octobre dernier, dans le cadre des<br />
Rendez-vous ès TRAD <strong>2014</strong>, le festival d’arts traditionnels<br />
de Québec.<br />
23, 24 et 25 janvier 2015<br />
Musées de la civilisation<br />
Programme disponible dès le<br />
2 décembre<br />
CVPV.NET<br />
Merci à l'Entente de développement culturel<br />
de la Ville de Québec et du ministère de la<br />
Culture et Communication du Québec et aux<br />
Musées de la Partenaire civilisation. culturel | 17
Le tricot machine permet aux<br />
designers de la maille d’effectuer<br />
des étoffes calibrées, de produire un<br />
accessoire vestimentaire rapidement<br />
et sans contraintes de créativité<br />
grâce au logiciel de dessin de motif<br />
Designa Knit.<br />
Photo Terry BOUTON<br />
Les différentes techniques de construction textile ont longtemps été transmises<br />
de mère en fille, au fil des générations. Au Québec, l'apprentissage de ces<br />
techniques en institution scolaire est encore assez récent. Dans la capitale,<br />
c'est à la Maison des métiers d'art de Québec (MMAQ) que l'on fait perdurer<br />
la tradition jusqu'aux mains des artisans-créateurs d'aujourd'hui. BAZZART a<br />
rencontré Sabine Voisard, couturière et enseignante au DEC en Techniques<br />
de métiers d'art du Cégep Limoilou, profil Construction textile, pour qui la<br />
transmission du savoir-faire est une obligation, voire un devoir de citoyenne.<br />
MAISON DES MÉTIERS D’ART DE QUÉBEC<br />
LE DEVOIR DE TRANSMETTRE<br />
ENTREVUE AVEC SABINE VOISARD<br />
/ par Marie-Eve G. CASTONGUAY<br />
Ayant d'abord été initiée à la couture<br />
par sa mère, Sabine Voisard a étudié<br />
l'art vestimentaire au Collège Marie-<br />
Victorin et obtenu son diplôme en<br />
1979. Après avoir épaulé de nombreux<br />
designers et avoir longtemps travaillé<br />
comme costumière au théâtre, elle se<br />
consacre maintenant quasi exclusivement<br />
à l'enseignement. Fascinée par le<br />
processus de transmission du savoir-faire<br />
traditionnel, elle s'inscrit dans l'histoire de<br />
son métier, une histoire qu'elle déplore<br />
comme étant méconnue. « À tous les<br />
jours, tout le monde a un rapport avec<br />
le textile. Mais 99 % des gens ignorent<br />
le travail que ça représente! C'est une<br />
mission, je me sens une responsabilité de<br />
transmettre le savoir. »<br />
Alors que le travail du textile allait de<br />
soi pour toutes les jeunes femmes<br />
18 | Partenaire culturel<br />
de l'époque de madame Voisard, il<br />
est maintenant devenu une voie que<br />
l'on choisit. La grande accessibilité au<br />
savoir-faire qu'offrent les Techniques<br />
de métiers d'art au niveau collégial<br />
est, selon elle, d'une importance<br />
primordiale. Bien que les cohortes<br />
soient relativement petites, c'est-à-dire<br />
moins d'une dizaine d'étudiants par<br />
année, la plupart de ceux qui finissent<br />
le programme continuent à travailler<br />
dans le domaine. Le petit groupe<br />
confère une proximité entre l'enseignant<br />
et ses étudiants, ce qui semble plaire<br />
beaucoup à madame Voisard. Elle<br />
profite de cet avantage en réalisant elle<br />
aussi tous les exercices qu'elle donne à<br />
ses apprentis, comme si elle était ellemême<br />
sur les bancs d'école. « Il s'installe<br />
un certain challenge entre nous. Non<br />
seulement nous avons quelque chose à<br />
nous prouver à nous-mêmes, mais nous<br />
voulons aussi que les autres trouvent<br />
beau ce que nous avons fait! »<br />
Au Québec, le textile est un des rares<br />
métiers d'art à être enseigné au niveau<br />
universitaire. Par contre, madame<br />
Voisard ne voit pas cette avenue<br />
comme une suite, mais plutôt comme<br />
un complément. Alors que l'université<br />
aiguise le sens analytique et théorise<br />
la pratique, les programmes collégiaux<br />
en Techniques de métiers d'art prônent<br />
l'apprentissage par la pratique ellemême.<br />
« Plus tu pratiques ton métier,<br />
plus tu deviens habile. On ne plafonne<br />
pas. » Madame Voisard demeurera<br />
toujours fascinée par la mémoire des<br />
mains, qui arrivent à travailler sans<br />
que nous ayons à penser à ce qu'elles
doivent faire. « La pratique d'un métier<br />
d'art est très proche de la pratique d'un<br />
instrument de musique. Nous parlons<br />
d'intelligence du geste. »<br />
Le profil Construction textile offre une<br />
grande liberté de création et encourage<br />
les étudiants à sortir de leur zone de<br />
confort. Outre le programme au niveau<br />
collégial, le département de textile de la<br />
MMAQ propose aussi des ateliers grand<br />
public, dont plusieurs sont dirigés par<br />
Sabine Voisard. La Technique de métiers<br />
d'art se distingue toutefois en couvrant<br />
une plus grande variété de techniques<br />
et en les approfondissant davantage.<br />
De plus, les enseignants travaillent<br />
en constante collaboration afin de<br />
permettre aux étudiants de réinvestir<br />
leur acquis d'un cours à l'autre. « Nous<br />
sommes capables d'aller très loin dans<br />
notre enseignement. Il y a une chimie<br />
qui se crée, l'air est bon à la Maison des<br />
métiers d'art de Québec! », nous confiet-elle,<br />
heureuse d'avoir joint l'équipe il<br />
y a quelques années déjà. Composée<br />
d'artisans qui viennent de partout et<br />
qui ont des pratiques variées, l'équipe<br />
d'enseignants est solide et stable.<br />
L'école-atelier permet de créer une<br />
petite famille tissée serré.<br />
En tant qu'enseignante en construction<br />
textile, il est difficile pour madame<br />
Voisard d'ignorer la montée en<br />
popularité du travail textile comme<br />
passe-temps. « Si les gens tricotaient<br />
plus, tout le monde serait plus<br />
heureux! », dit-elle en expliquant<br />
qu'elle voit cette vague comme étant<br />
positive. Bien qu'elle enseigne dans<br />
une institution reconnue, elle ne voit<br />
pas d'intérêt à tenter de séparer les<br />
artisans ayant reçu une formation des<br />
nombreux autodidactes. Pour elle, ce<br />
sont deux créneaux qui se complètent.<br />
« Les termes sont usurpés et nous nous<br />
éloignons du métier. Quand je couds,<br />
je pense à Fantine des Misérables, qui<br />
coud à la noirceur. C'est en son nom et<br />
au nom de toutes les couturières, de<br />
toutes les filles qui ont cousu dans leur<br />
garage non chauffé à Montréal, aux<br />
jeunes filles en Indes, que je clame avec<br />
fierté que je suis couturière. »<br />
MMAQ.COM<br />
MAÎTRISEZ<br />
LA FIBRE<br />
ET SES<br />
STRUCTURES<br />
Photo Terry BOUTON<br />
Le tissage jacquard<br />
rallie les fondements<br />
du tissage traditionnel<br />
et l’avènement de la<br />
technologie dans la<br />
création. Il permet à<br />
l’artisans de créer des<br />
compositions visuelles<br />
élaborées en tissage<br />
et d’y intégrer des<br />
motifs complexes, des<br />
dessins et des images<br />
numériques.<br />
DEC Techniques<br />
de métiers d’art<br />
du Cégep Limoilou<br />
Option Construction textile<br />
Téléphone : 418.524.7337<br />
Sans frais : 1.888.524.7768<br />
367, boulevard Charest Est<br />
Partenaire<br />
Québec (Québec)<br />
culturel<br />
G1K 3H3| 19<br />
mmaq.com<br />
cegeplimoilou.ca
« Filer et tisser sont les plus<br />
hautes formes de méditation. »<br />
Mahatma Gandhi<br />
20 |<br />
Photo Estelle & Lucille<br />
Photo Courtoisie
FOULARD CROISILLONS par Lorraine.<br />
Estelle & Lucille. Voir page 23.<br />
Photo Estelle & Lucille<br />
Photo Colifichet<br />
Érika SOUCY, duchesse du Vieux-<br />
Québec 2013 (Revengeance des<br />
duchesses), qui porte une couronne<br />
tricotée par le Collectif Colifichet.<br />
Voir page 26.<br />
TRANSMETTRE LA FIBRE<br />
/ par Gabrielle MASSÉ,<br />
notre complice responsable<br />
du dossier Art textile (voir page 4)<br />
Mais qu’est-ce qui s’empare de nous lorsque nous nous mettons à filer, à tisser, à<br />
tricoter, à broder, à faire passer entre nos doigts des kilomètres et des kilomètres<br />
de fils qui se transmuteront en étoffes ? Pourquoi tout ce travail, pourquoi se<br />
donner encore cette peine dans notre monde d’instantanéité ? Car le travail<br />
de la fibre en est un de longue haleine, qui n’est pas fait pour les impatients.<br />
Peut-être que c’est effectivement ce rejet<br />
de l’instantané, ce besoin de s’investir<br />
dans un art de la finesse et de la patience,<br />
où, littéralement, nous faisons une maille<br />
à la fois. Peut-être les artisans ont-ils pris<br />
goût à cet état second dans lequel nous<br />
sommes à la fois extrêmement concentrés<br />
et tout à fait dans la lune, à compter des<br />
mailles ou monter des fils. Peut-être cette<br />
monotonie de la tâche est-elle ce qui<br />
nous rapproche le plus de l’état de grâce<br />
du mystique d’autrefois. Qui sait? La<br />
fibre a ce caractère éternel et divin, cette<br />
odeur de grandiose.<br />
Mais il ne faut pas penser que l’art<br />
textile s’accorde au passé. Il n’est pas<br />
question de s’accrocher au patrimoine<br />
avec l’énergie du désespoir. Non. Il est<br />
question de savoir-faire, de transmission,<br />
d’innovation aussi. Car si dans la belle<br />
province existe encore l’art centenaire<br />
de la dentelle au fuseau, celui-ci côtoie<br />
volontiers la broderie électronique. De<br />
nos jours, le métier au tisser côtoie le<br />
tricot-machine, et tout ce petit monde<br />
s’entend à merveille. Les arts textiles<br />
bougent, évoluent, se transforment.<br />
Longtemps coincés dans le train-train<br />
quotidien des femmes québécoises,<br />
les arts textiles ont gradué, quelque<br />
part dans les années 70 et 80. Au<br />
contact d’une révolution tranquille<br />
ou au détour d’une redécouverte du<br />
terroir, le textile est entré dans le grand<br />
monde des études supérieures. La<br />
fondation de l’école-atelier de textile<br />
et de reliure de Québec en 1985 finit<br />
de cimenter cette transformation.<br />
Dans ce numéro, nous nous intéressons<br />
aux arts textiles sous le thème de la<br />
TRANSMISSION. Ce qui nous interpelle,<br />
Photo Estelle & Lucille<br />
c’est cette notion de « passer » le savoir<br />
d’un « maître » à un « apprenti », d’un<br />
individu qui représente le savoir-faire<br />
vers un autre qui le reçoit, et qui reçoit<br />
en même temps la mission de le faire<br />
perdurer, le devoir de l’adapter aux temps<br />
qui changent, lui conférant ainsi son<br />
caractère « immortel ».<br />
Ainsi, je dédis ce numéro à la mémoire<br />
de ma grand-mère, Marie-Anne Massé, à<br />
qui je pense à chaque maille. Nul doute<br />
que chaque artisan qui prend la parole<br />
dans ce numéro peut en faire autant, car<br />
derrière chaque passion se cache souvent<br />
un passeur.<br />
MITAINE<br />
ALVÉOLE<br />
par Liette.<br />
Estelle &<br />
Lucille.<br />
Voir page 23.<br />
Dossier | 21
Photos Monique B. POULIOT<br />
Notre pays est de laine, né dans le froid et la neige, qui se réveille au printemps,<br />
sourit à l’été, mais qui aime bien se garder l’orteil au chaud le temps d’un hiver.<br />
S’il n’y a pas si longtemps, il fallait nécessairement être habile de ses dix doigts<br />
pour se tricoter de quoi survivre aux tempêtes les plus rudes, rien n’est plus<br />
facile que de s’acheter une tuque faite par on ne sait quel Chinois au centre<br />
d’achat le plus proche.<br />
Pourtant, à une époque où les relations se<br />
tissent et se défont sur une toile souvent<br />
virtuelle, il reste encore des humains qui<br />
participent à faire vivre des traditions,<br />
un savoir-faire qui se transmettait de<br />
génération en génération, par les mains<br />
et par les yeux. Des connaissances issues<br />
de l’expérience, enseignées par le maître<br />
à l’apprenti, par une mère à sa fille, qui<br />
l’adapte au goût du jour, à ses besoins,<br />
à sa fibre et qui le fait vivre encore un<br />
peu plus longtemps, le temps d’une vie.<br />
Portraits de femmes qui ont le cœur à<br />
la maille.<br />
Des fermières en ville : Le Cercle<br />
des fermières de Sainte-Odile<br />
Quand nous parlons d’artisanat de chez<br />
nous, impossible de ne pas penser à elles,<br />
ces femmes « gardiennes du patrimoine<br />
culinaire et artisanal » 1 depuis 100 ans. Et<br />
parce que les fermières, ça ne pousse pas<br />
seulement en campagne, il a germé une<br />
succursale de la fédération de tricoteuses<br />
TRANSMISSION<br />
DE FILLES EN AIGUILLES<br />
/ par Geneviève VAILLANCOURT<br />
la plus connue au Québec au nord de<br />
Limoilou, à Sainte-Odile.<br />
Monique Pouliot le fréquente depuis la<br />
fin des années 80. Celle qui est devenue<br />
au fil du temps la présidente du conseil<br />
d’administration du Cercle de son<br />
quartier est une digne représentante de<br />
son clan, une véritable force tranquille.<br />
« Ici, au Cercle de Sainte-Odile, nous<br />
sommes habiles! » Ses doux yeux gris<br />
cachent une femme fière de son talent<br />
et de celui de ses partenaires fermières.<br />
Gagnante de nombreux trophées<br />
régionaux, la présidente a même<br />
remporté la deuxième place dans la<br />
catégorie Fantaisie l’année dernière. Ici,<br />
le travail du textile, c’est un plaisir qu’on<br />
prend au sérieux!<br />
1. CFQ.QC.CA/A-PROPOS/LES-CERCLES-DE-FERMIERES<br />
22 | Dossier
La valorisation de la pratique de<br />
techniques textiles méconnues par<br />
ses membres – ou moins au goût du<br />
jour – guide l’organisation lorsque<br />
vient le temps de déterminer les<br />
projets de chacune des catégories<br />
(tricot, tissage, couture et fantaisie)<br />
du concours annuel. Pour ce faire,<br />
un manuel d’instructions concernant<br />
chacun des projets de compétition est<br />
conçu et distribué aux membres lors du<br />
passage de la formatrice mandatée par<br />
la fédération pendant l’été. Dentelle à<br />
la fourche, broderie roumaine… Même<br />
les traditions venues d’ailleurs s’invitent<br />
à la table de compétition.<br />
Les fermières de Sainte-Odile sont aussi<br />
impliquées dans le projet Artisanat<br />
jeunesse, qui vise les jeunes âgés de 8 à<br />
14 ans, garçons comme filles. L’objectif<br />
est simple : les initier à l’artisanat par<br />
la réalisation d’un projet textile et<br />
la participation à un concours en fin<br />
d’année parmi tous les jeunes. Cette<br />
année, la couture était à l’honneur avec la<br />
conception d’un sac d’Halloween.<br />
Si l’âge minimum pour faire partie d’un<br />
Cercle est de 14 ans, peu de femmes de<br />
moins de 50 ans en sont membres. De<br />
futures mamans, surtout intéressées par<br />
le tricot, se greffent au groupe le temps<br />
d’une grossesse, mais une fois avec bébé,<br />
leur absence se fait sentir, ce qui attriste<br />
malgré tout Monique Pouliot. « Nous<br />
aurions besoin des jeunes! »<br />
Il est certain qu’avec des rencontres<br />
prévues surtout en journée, il est difficile<br />
de recruter de nouveaux membres. Les<br />
plus jeunes femmes sont souvent encore<br />
sur le marché du travail, un horaire chargé<br />
ou encore avec de jeunes enfants à la<br />
maison, ce qui rend l’horaire peu flexible<br />
aux rencontres hebdomadaires. « Mais si<br />
nous avons une demande pour des cours<br />
en soirée, nous pouvons en donner! »<br />
Se souvenir des belles choses :<br />
Estelle & Lucille<br />
C’est vraiment par hasard, dans un « trip<br />
Escompte Lecompte » il y a deux ans<br />
que l’intérêt pour le tricot s’est tissé<br />
dans l’esprit de Marianne Charbonneau,<br />
cofondatrice de Estelle & Lucille. Après<br />
avoir tricoté ses premières mailles en<br />
autodidacte, elle était en voiture avec<br />
son amoureux lorsqu’elle s’est dit, en<br />
regardant son travail de débutante :<br />
« J’aimerais ça qu’une grand-mère me<br />
montre comment faire! »<br />
Avec sa collaboratrice et meilleure<br />
amie de toujours, Sophie Michaud-<br />
Bélanger, la jeune femme construit<br />
depuis ce qui est devenu cette année<br />
une petite entreprise à but non lucratif,<br />
qui souhaite unir le savoir des tricoteuses<br />
expérimentées et la soif d’apprendre,<br />
l’amour du fait main et des fibres nobles<br />
et durables. La petite valeur ajoutée :<br />
25 % des profits de la vente sont remis<br />
à la Société Alzheimer de Québec, une<br />
maladie qui a touché les grands-mamans<br />
paternelles de Sophie et Marianne.<br />
Nous ne parlons pas ici d’un gagne-pain<br />
principal pour les partenaires d’affaires.<br />
L’une est architecte, l’autre est styliste et<br />
étudiante en communication. Le reste<br />
des sommes amassées peut donc être<br />
réinvesti dans l’achat de matériel et le<br />
développement des projets pour les<br />
saisons à venir, comme l’organisation<br />
d’ateliers intergénérationnels. En<br />
décembre prochain, jeunes et moins<br />
jeunes tricoteuses seront invitées à<br />
papoter autour d’une tasse de café,<br />
une balle de laine sur les genoux afin<br />
d’échanger leurs bons et moins bons<br />
coups de fil.<br />
« L’idée de départ du projet, c’était<br />
vraiment le transfert du savoir. » Ici,<br />
pas question d’exploiter qui que ce<br />
Photo David CANNON<br />
soit. Chaque femme est rencontrée au<br />
moment qui leur convient. Le rythme et<br />
l’horaire de chacune des participantes<br />
sont respectés. Ça peut prendre quelques<br />
jours ou parfois des mois pour terminer<br />
un projet, peu importe.<br />
Même chose concernant le talent de<br />
chacune des tricoteuses. Une maille<br />
oubliée, un petit accroc, ça arrive<br />
même aux plus expérimentées. Les<br />
filles prennent le « défaut » en photo,<br />
question que ce soit bien évident pour<br />
l’acheteur, mais pas question de le<br />
vendre à moins bon prix. C’est aussi<br />
pourquoi les commandes spéciales ne<br />
sont pas acceptées. Elles ne veulent<br />
pas se retrouver avec des retours pour<br />
des raisons de mauvaise exécution du<br />
produit. Les imperfections font à leurs<br />
yeux partie de la beauté de l’objet, son<br />
petit côté fait maison qui le distingue des<br />
autres vendus dans les grands magasins,<br />
par exemple.<br />
Dossier | 23
Se tricoter un diplôme : la Maison<br />
des métiers d’art de Québec<br />
Véritable fleuron de l’enseignement<br />
des arts traditionnels dans la région de<br />
Québec, la présentation de la Maison des<br />
métiers d’art de Québec (MMAQ) semble<br />
presque superflue. Si nous connaissons sa<br />
filiation scolaire avec le Cégep Limoilou,<br />
peu d’entre nous se rappellent que<br />
l’organisme existait bien avant la formation<br />
technique collégiale en métiers d’art.<br />
Micheline Chartré, elle, s’en souvient.<br />
Elle enseigne à la MMAQ depuis 1988<br />
qui était encore l’École atelier de textile<br />
et reliure de Québec. Alors qu’elle<br />
était représentante et formatrice pour<br />
la compagnie Brother spécialisée<br />
en appareils de couture, l’un de ses<br />
acheteurs était membre du conseil<br />
d’administration de l’École. Sur sa<br />
suggestion, elle a proposé ses services<br />
comme professeur de machine à tricoter<br />
(tricot-machine).<br />
Ce qui était d’abord un passe-temps est<br />
vite devenu un métier pour la femme au<br />
foyer qu’elle était, alors que ses enfants<br />
étaient encore jeunes. « La première<br />
année où j’ai commencé à faire du tricot,<br />
il aurait pu neiger jusqu’en juillet, ça ne<br />
m’aurait pas dérangé! »<br />
Si la tisserande a fait ses débuts à<br />
l’aiguille, elle est vite passée au tricotmachine,<br />
ce qui occupe maintenant ses<br />
jours et parfois même ses nuits. « Je ne<br />
serais pas capable d’arrêter. C’est une<br />
obsession. Parfois, je me réveille la nuit<br />
en pensant à un détail, une façon de<br />
résoudre un problème... »<br />
Même si elle adore la production, la<br />
conception de nouvelles créations que<br />
lui permet sa propre entreprise de<br />
24 | Dossier<br />
tricot Frizou – qu’elle codirige avec sa<br />
fille depuis 2007 –, elle est loin l’idée<br />
de cesser l’enseignement dans le cas<br />
où le temps viendrait à lui manquer.<br />
« Ça me ferait de la peine. J’aime le<br />
contact avec les étudiants. Quand<br />
tu enseignes, tu apprends tout le<br />
temps! » Les étudiants lui permettent<br />
beaucoup de développer des nouvelles<br />
façons de faire, des trucs auxquels elle<br />
n’aurait pas pensé autrement.<br />
Rien ne se perd, tout se transforme<br />
Si chacune de ces femmes évoluent dans<br />
des univers différents, toutes font preuve<br />
d’optimisme quant à la conservation de<br />
tout ce savoir qui se construit de fil en<br />
aiguille. Si le regain d’intérêt pour les arts<br />
créatifs est palpable depuis quelques<br />
années et bien qu’il puisse s’agir d’un<br />
effet de mode, c’est un intérêt qui va<br />
perdurer malgré tout, selon Micheline<br />
Chartré, surtout grâce à l’existence<br />
d’écoles de métiers d’art et l’accès à des<br />
formations en textile.<br />
Selon l’enseignante, le savoir-faire en<br />
matière de tricot tout particulièrement<br />
n’est pas en danger, contrairement à la<br />
couture. Les machines à coudre se font<br />
de plus en plus rares dans les maisons,<br />
les cours d’art ménager au secondaire<br />
n’existent plus… « Si nous continuons à<br />
donner des cours, les jeunes vont l’avoir<br />
vu (les bases de la couture), l’intérêt va se<br />
nourrir autrement. »<br />
D’ailleurs, la philosophie de la MMAQ<br />
est absolument cohérente avec sa vision<br />
de l’accompagnement à l’apprentissage<br />
des arts textiles. Séminaires, cours du soir,<br />
programme d’accompagnement pour les<br />
jeunes diplômés… « Croire qu’on peut<br />
faire le tour des techniques en trois ans,<br />
c’est une utopie! Quatre cours de tricot,<br />
ce n’est pas assez. Nous ne pouvons pas<br />
tout transmettre en si peu de temps. »<br />
Selon la fermière Monique Pouliot,<br />
la sensibilité grandissante pour la<br />
sauvegarde de l’environnement participe<br />
au maintien de la pratique des arts<br />
textiles. Avec l’accès facile à des friperies,<br />
il devient pratique de connaître le b.a.-ba<br />
de la couture, de la broderie ou encore<br />
du tricot pour ajuster une jupe, réparer un<br />
bord de chemise... « Coudre, tricoter…<br />
Ça permet de conserver ses vêtements<br />
plus longtemps. » De plus, nous pouvons<br />
tisser avec tellement de matières<br />
différentes, et parfois très économiques<br />
et écologiques. Même les bandes<br />
magnétiques des vieilles cassettes vidéo<br />
se transforment facilement en fil pour la<br />
conception de sacs-cabas tissés<br />
pour durer.<br />
« Les détails, les façons de faire, de<br />
faire vite… Il ne faut pas perdre ces<br />
connaissances-là, que les personnes<br />
plus âgées sont seules à avoir. Le projet<br />
Estelle & Lucille, c’est une façon de<br />
collaborer, de faire perdurer ce savoir.<br />
Il y a beaucoup d’expérience dans ces<br />
patrons-là! »<br />
Selon Marianne Charbonneau, ce qui<br />
a changé, c’est notre rapport avec<br />
le temps. « Aujourd’hui, nous nous<br />
fatiguons plus vite. Pour tricoter, il faut<br />
de la patience. Prends le temps qu’un<br />
ado passe sur Facebook, il va en faire<br />
des foulards! » Pour elle, le sentiment<br />
de fierté au moment d’avoir terminé une<br />
pièce d’ouvrage est grand.<br />
Réaliser que nous pouvons nous-même<br />
changer quelque chose pour le mieux<br />
avec ses dix doigts, l’améliorer, c’est<br />
un peu se construire un petit morceau<br />
d’immortalité.
Photo Courtoisie<br />
Les sites et les blogues de « DIY» («Do it yourself», ou «Fais-le toi-même») sont de<br />
plus en plus populaires. Pinterest regorge d’idées géniales permettant de créer<br />
ses propres articles déco, vêtements et accessoires mode. Quelle satisfaction que<br />
de fabriquer quelque chose soi-même! Tenir entre ses mains un objet qu’on a fait<br />
plutôt qu’acheté, c’est une dose de bonheur à l’état pur.<br />
LES LOISIRS CRÉATIFS<br />
LE PLAISIR DE FAIRE SOI-MÊME<br />
/ par Marie-Eve G. CASTONGUAY<br />
Nous avons peut-être l’impression que ce<br />
regain d’intérêt pour le fait soi-même est<br />
une mode passagère, mais nous devons<br />
plutôt cette idéologie aux groupes punks<br />
du début des années 70, pour qui le « Do It<br />
Yourself » était une valeur repère. Refusant<br />
de se plier aux contraintes de l’industrie,<br />
les Punks de l’époque ont choisi de<br />
démocratiser la production et la diffusion<br />
musicale et de tout faire eux-mêmes. Ancré<br />
dans la contre-culture, le mouvement DIY<br />
s’est étendu non seulement à la production<br />
musicale, mais aussi à la production<br />
d’objets et ainsi marqué les époques, des<br />
hippies aux hipsters.<br />
L’aspect social des loisirs créatifs est<br />
d’une grande importance. C’est ainsi que<br />
se sont formés des cercles de tricoteuses,<br />
de brodeuses, ce que nous pouvons<br />
considérer comme une réappropriation<br />
du modèle des Cercles de fermières.<br />
L’analyse sociologique en est intéressante<br />
puisque nous parlons non seulement<br />
de savoir-faire populaire, mais aussi de<br />
pratiques dites féminines. Historiquement,<br />
l’homme ayant longtemps eu sa place<br />
dans la sphère publique alors que la<br />
femme érigeait son fort dans la zone<br />
domestique, les cercles de femmes<br />
s’adonnant à l’art textile étaient l’occasion<br />
pour elles de discuter et d’entretenir<br />
des relations avec leurs semblables. Ce<br />
phénomène existe toujours, même chez<br />
les jeunes!<br />
« Le travail dans la joie », qui fut la ligne<br />
directrice du mouvement britannique<br />
Arts and Crafts au 19 e siècle, concerne<br />
non seulement le plaisir de faire soimême,<br />
mais aussi le plaisir de faire<br />
ensemble. Seulement à Québec, nous<br />
avons une foule de possibilités de cours<br />
et d’activités de groupe pour laisser libre<br />
cours à notre talent manuel. Les écolesatelier<br />
telles que l’École de Joaillerie<br />
de Québec, l’Institut québécois en<br />
Ébénisterie et la Maison des métiers<br />
d’art de Québec offrent une panoplie de<br />
cours de toutes sortes. Dans le quartier<br />
Limoilou, l’atelier-boutique Softi offre<br />
aussi une programmation alléchante<br />
composée de cours de tricot, de teinture<br />
et de feutrage. Nous pouvons même aller<br />
y tricoter et papoter aux rencontres de<br />
tricot hebdomadaires! Et n’oublions pas<br />
le Crackpot Café et le Céramic Café, qui<br />
nous permettent de manger une bouchée<br />
tout en s’adonnant à la peinture sur<br />
céramique. Bref, nous ne manquons pas<br />
d’options pour mettre les mains à la pâte.<br />
Vous êtes curieux? Consultez ces articles :<br />
Les loisirs créatifs aident à se sentir vivant,<br />
par Marlène Duretz<br />
Le Monde, mis en ligne le 14.11.2013<br />
LEMONDE.FR/VOUS/ARTICLE/2013/11/14/<br />
LES-LOISIRS-CREATIFS-AIDENT-A-SE-<br />
SENTIR-VIVANT_3513295_3238.HTML<br />
Les Punks, pionniers du DIY,<br />
par Hélène Bienvenu<br />
Usbek & Rica, mis en ligne le 26.08.<strong>2014</strong><br />
USBEK-ET-RICA.FR/LES-PUNKS-PIONNIERS-<br />
DU-DIY<br />
École de Joaillerie de Québec<br />
ECOLEDEJOAILLERIE.CA<br />
Institut Québécois d’Ébénisterie<br />
IQE.EDU<br />
Céramic Café<br />
LECCS.COM<br />
Crackpot Café<br />
CRACKPOTCAFE.COM<br />
Dossier | 25
Photos Colifichet<br />
COLLECTIF COLIFICHET<br />
QUATRE FOLLES DU TRICOT<br />
/ par Jade THIBODEAU<br />
Elles sont quatre et font du tricot dans le Collectif Colifichet : Marie-Michèle B.<br />
Lemaire, Dominique Savoie, Marie-Eve Gagnon et Marie-France Tremblay. Le maire<br />
Régis Labeaume les a déjà traitées de folles devant public. De l’humour à vérifier…<br />
Dominique Savoie et Marie-Eve Gagnon,<br />
rencontrées toutes deux dans un café<br />
de Saint-Roch, représentent le type de<br />
filles qu’on aime d’emblée : sympas, sans<br />
prétention, articulées et quand même<br />
discrètes. Le genre à fabriquer depuis des<br />
années les couronnes de la Revengeance<br />
des duchesses plutôt qu’à les porter sur<br />
scène; vous voyez le portrait?<br />
Elles rient aussi beaucoup, pas trop<br />
toutefois. Juste assez pour nous donner le<br />
goût pendant un moment de tricoter en<br />
gang, bien souvent dans l’atelier de Marie-<br />
France, des objets alliant art et métiers<br />
d’art : « Nous sommes d’abord des amies.<br />
Dans une vie de plus en plus organisée, ça<br />
fait du bien de décrocher et de concrétiser<br />
des projets que nous ne créerions peutêtre<br />
pas individuellement », relate Marie-<br />
Eve Gagnon.<br />
À huit mains, Colifichet a donc réalisé<br />
depuis 2009 bons nombres de petites et<br />
de grandes créations à grands coups de<br />
26 | Dossier<br />
broches, de crochets et de machines à<br />
tricoter. Parmi les classiques du collectif,<br />
il y a le festin de Noël tricoté au Salon<br />
Nouveau Genre 6, comprenant dinde,<br />
nappe, assiettes, ustensiles, verres,<br />
chandelles et plats de laine. La volaille a<br />
notamment été exposée à la Vitrine de la<br />
Maison des métiers d’art de Québec<br />
en 2013.<br />
Le téléphone tricoté dans le Parc Saint-<br />
Roch lors de l’exposition Arbres d’avril<br />
2013 a fait aussi jaser. Copie intégrale<br />
d’un téléphone public, l’objet à l’angle<br />
des rues de la Couronne et Sainte-<br />
Hélène est passé au stade de la légende<br />
urbaine le jour où il a été volé sur son<br />
lieu d’exposition. Les filles de Colifichet<br />
espèrent toujours un signe du ravisseur.<br />
Dossier à suivre entre deux tricots.<br />
La palme d’or des aventures pour les<br />
créatrices, du moins celle dont l’écho<br />
a été entendu le plus loin, revient<br />
toutefois à la confection du sosie du<br />
maire de Québec Régis Labeaume, soit<br />
une sculpture tricotée grandeur nature.<br />
Dominique Savoie et Marie-Eve Gagnon<br />
se rappellent des heures non chiffrées<br />
et passées à tricoter l’habit bleu, du<br />
dévoilement dans le jardin Saint-Roch<br />
ou encore de cette drôle de rencontre<br />
médiatisée entre le maire et son sosie de<br />
laine : « Je félicite les filles qui ont fait ça,<br />
elles sont vraiment folles! ».<br />
Sachant qu’un colifichet est un petit<br />
objet de fantaisie, de peu de valeur<br />
et de mauvais goût, le nom choisi par<br />
le groupe peut, en effet, refléter une<br />
certaine bizarrerie de la part de ces<br />
tricoteuses détenant des formations<br />
et travaillant dans les domaines des<br />
arts textiles et des arts visuels. Mais,<br />
il rappelle surtout le fait de créer en<br />
harmonie sans se prendre trop la tête.<br />
« Pour nous, c’est le plaisir avant tout »,<br />
résume bien Dominique Savoie.<br />
COLIFICHETOBJETS.BLOGSPOT.CA
MADAME YVETTE MICHELIN<br />
FLÉCHERANDE PORTEUSE DE TRADITIONS<br />
Madame Yvette Michelin est flécherande, métier qui consiste à confectionner du<br />
fléché. Cet art du textile québécois provient de la deuxième moitié du XVIII e siècle.<br />
Nos ancêtres se sont basés sur la technique du chevron, une forme de tissage<br />
aux doigts. Le fléché se distingue par le motif en forme de flèche qu’il dessine à<br />
travers l’étoffe. Habituellement en laine, la ceinture fléchée servait à refermer les<br />
manteaux croisés de nos ancêtres pour les protéger du froid.<br />
/ par Geneviève MESSIER<br />
Madame Yvette Michelin est l’une des<br />
grandes porteuses de ce traditionnel<br />
tissage au doigt. Sa passion débute lors<br />
de son adolescence. Elle achète alors<br />
une ceinture au Carnaval de Québec et<br />
découvre que sa mère avait appris cette<br />
technique lors de ses études chez les<br />
ursulines. Cette dernière pousse donc<br />
son intérêt pour le fléché et a étudié la<br />
technique auprès de Marie-Anna Alain,<br />
une spécialiste en la matière.<br />
Depuis lors, elle a créé de nombreuses<br />
pièces de fléché et contribue grandement<br />
à la transmission de cet art. Elle enseigne<br />
aux apprentis flécherands à la maison<br />
Routhier située à Sainte-Foy. Elle fait des<br />
démonstrations publiques et participe<br />
chaque année au Carnaval de Québec.<br />
Madame Michelin a remporté en 2012<br />
le prix Innovation/tradition, ainsi que<br />
celui du patrimoine des régions de la<br />
Capitale-Nationale et de Chaudières-<br />
Appalaches dans la catégorie : « Porteurs<br />
de traditions» en 2013.<br />
Au fil du temps, la technique du fléché<br />
authentique s’est un peu perdue au<br />
Québec. Avec le métier à tisser, il était<br />
facile de créer des pièces avec un motif<br />
rappelant le fléché. Par contre, il ne<br />
s’agissait que de copies commerciales<br />
de cette technique. Le véritable<br />
fléché québécois est réalisé à la main<br />
et demande de nombreuses heures<br />
de travail. « Ça me prend 240 heures<br />
pour faire la ceinture de bonhomme<br />
[Carnaval] », affirme Madame Yvette<br />
Michelin. Heureusement, cette forme<br />
d’artisanat s’est tout de même rendue<br />
jusqu’à nous grâce à des passionnés qui<br />
l’ont fait perdurer.<br />
Pour madame Michelin, il est important<br />
que le fléché reste vivant et, pour y arriver,<br />
il faut qu’il demeure actuel. « Une des<br />
méthodes est de le porter en foulard. On<br />
peut aussi sortir des fibres et des couleurs<br />
traditionnelles », explique-t-elle. Nous<br />
retrouvons de nos jours toutes sortes<br />
d’objets en fléché. Il y a, par exemple,<br />
des chapeaux, des décorations murales<br />
et des signets. Cela permet d’avoir une<br />
pièce de fléché à une fraction du coût<br />
de celui d’une ceinture authentique, plus<br />
onéreuse. « Je rêve que chaque foyer<br />
québécois possède une pièce de fléché,<br />
peu importe laquelle », songe<br />
madame Michelin.<br />
Un autre désir très cher à madame<br />
Michelin est d’intéresser la jeunesse.<br />
Selon elle, les enfants du deuxième<br />
cycle du primaire sont à un âge idéal<br />
pour apprendre le fléché. Elle affirme<br />
que : « C’est dans la transmission qu’est<br />
la solution et c’est comme ça que [la<br />
tradition] va rester vivante. »<br />
Photos Pascal HUOT<br />
Dossier | 27
MUSÉES DE LA CIVILISATION<br />
RÉFLÉCHIR LE SAVOIR-FAIRE<br />
/ par Jade Thibodeau<br />
Les métiers d’art est un secteur en<br />
gestation aux Musées de la civilisation.<br />
Au fil du temps, les pièces d’arts<br />
textiles ou issues de tout autre savoirfaire<br />
se retrouvent de plus en plus<br />
nombreuses au sein des collections<br />
et des expositions. S’ensuit une<br />
réflexion qui marque en ce moment<br />
même les coulisses des Musées face<br />
à ces domaines.<br />
Comme quoi il se trame au Musée de la<br />
civilisation de Québec des projets liés à<br />
la reconnaissance des savoir-faire, il faut<br />
savoir qu’une exposition sur les métiers<br />
d’art est en cours de réalisation pour le<br />
printemps 2015. Après tout, c’est un volet<br />
que l’institution souhaite développer<br />
dans les prochaines années, mais surtout<br />
redéfinir afin que le secteur soit exploité<br />
à son meilleur.<br />
Helmer Joseph,<br />
Jean-Marie Giguère<br />
Une robe pour Sarah<br />
Robe, coiffe, tournure et collant<br />
Montréal, 2010<br />
Fibre synthétique, verre<br />
borosilicate, métal, plastique<br />
Musées de la civilisation, don de<br />
Jean-Marie Giguère et d’Helmer<br />
Joseph, 2011- 838<br />
Crédit photo : Jessy Bernier,<br />
Perspective<br />
Cette volonté de relire le champ des<br />
métiers d’art est bien perçue par les<br />
conservatrices Nicole Grenier et Valérie<br />
Laforge, respectivement spécialistes des<br />
collections de costumes et de textiles<br />
aux MCQ. « En fait, nous sommes en<br />
train de faire une nouvelle lecture de<br />
l’organisation de l’ensemble de nos<br />
collections. L’axe du contemporain est<br />
notamment une forte préoccupation<br />
et oriente les choix que l’on fait pour<br />
demain », précise madame Laforge.<br />
28 |
Photo luc-Antoine COUTURIER<br />
Pour bien situer la place des métiers<br />
artisanaux aux Musées, notamment les<br />
arts textiles, il faut donc tenir compte<br />
des cogitations en cours pour mieux<br />
les classifier et les mettre en valeur.<br />
Mais comme le souligne madame<br />
Grenier, « la filiation avec les métiers<br />
d’art qui témoignent de la tradition est<br />
naturelle. Ils se retrouvent partout, dans<br />
pratiquement toutes les collections,<br />
notamment dans la créativité de plusieurs<br />
artistes qui s’adonnent aux beaux-arts ».<br />
Lorsqu’il est question d’arts textiles<br />
à proprement parler, les deux<br />
conservatrices d’expérience citent<br />
plusieurs collections où se trouvent des<br />
objets marquants. Dans le domaine du<br />
costume, par exemple, elles pensent<br />
d’emblée à la collection de vêtements<br />
tissés d’Anne Poussart acquise dans les<br />
années 80 alors qu’elle fréquentait les<br />
salons des métiers d’art. Il y a aussi la<br />
collection de Germaine Galarneau, qui<br />
a enseigné au ministère de l’Agriculture<br />
à la tête des Cercles des fermières avant<br />
les années 70 et qui a fait l’acquisition<br />
de textiles de partout dans le monde.<br />
Musées de la civilisation, don de Michelle Arcand.<br />
1998-214<br />
Plus récemment, les Musées de la<br />
civilisation ont acquis pour l’exposition<br />
Chapeau! (2011-2012) des chapeaux de<br />
chapelières contemporaines qui utilisent<br />
des techniques anciennes. Parmi la<br />
kyrielle d’autres pièces qui peuvent être<br />
citées, notons l’impressionnante robe<br />
de verre du designer Helmer Joseph et<br />
de l’artiste verrier Jean-Marie Giguère<br />
que le MCQ compte parmi ses objets<br />
vedettes. « Cela démontre ici que les<br />
travaux de l’artiste et de l’artisan sont<br />
complémentaires. Les frontières sont<br />
tellement loin d’être étanches lorsqu’il<br />
est question de métiers d’art et d’arts<br />
visuels », rappelle la conservatrice<br />
Valérie Laforge.<br />
C’est d’ailleurs ce qui mène Nicole<br />
Grenier à préciser que lorsqu’elle exerce<br />
son travail, elle ne s’arrête pas au fait que<br />
l’objet réponde davantage aux critères<br />
des beaux-arts ou plutôt à ceux des<br />
métiers d’art. Elle réfléchit plutôt à la<br />
singularité et à l’importance du créateur<br />
ou encore à la rareté et à l’histoire de<br />
la pièce. Les critères à respecter sont<br />
nombreux au MCQ et madame Grenier<br />
se demande toujours en quoi et comment<br />
l’objet convoité complètera la collection<br />
de leur musée dont le mandat consiste<br />
à mettre en valeur la société québécoise<br />
tout ayant le souci de la situer dans<br />
le monde.<br />
Faire des choix judicieux, notamment<br />
pour les arts textiles, demeure pour les<br />
conservatrices un perpétuel défi. La<br />
distance à évaluer s’avère étroite quand<br />
vient le moment de jauger des objets<br />
issus de l’époque contemporaine. Il faut<br />
aussi établir des liens avec les créateurs<br />
et les gens du milieu afin de stimuler les<br />
dons. À noter que les MCQ ne possèdent<br />
pas à proprement parler de budget<br />
d’acquisition. Leurs activités dans<br />
Musées de la civilisation, don du ministère de<br />
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,<br />
restauration effectuée par le Centre de conservation<br />
du Québec.<br />
ce domaine reposent par conséquent sur<br />
un réseau de donateurs qu’ils ont su tisser<br />
au fil des ans.<br />
En mentionnant de nouveau qu’au<br />
printemps 2015 une exposition portera<br />
sur l’ensemble des métiers d’art, les<br />
conservatrices rappellent que les<br />
arts et les artisanats qui utilisent des tissus<br />
de tout acabit font actuellement partie<br />
des sujets analysés et décortiqués. Après<br />
tout, c’est en situant clairement et en<br />
réfléchissant ces différents domaines que<br />
les Musées de la civilisation réussiront<br />
à mieux percevoir l’essentiel. C’est du<br />
moins le pari que font Nicole Grenier et<br />
Valérie Laforge, deux conservatrices qui<br />
auront passé leur vie à explorer le beau et<br />
les arts textiles.<br />
Les Musées de la civilisation sont :<br />
le Musée de la civilisation, le Musée<br />
de l’Amérique francophone, le<br />
Musée de la Place Royale, la Maison<br />
historique Chevalier et le Centre<br />
national de conservation et d’études<br />
des collections.<br />
Dossier | 29<br />
Photo luc-Antoine COUTURIER
Flax Field. 2011.<br />
Lyndal Osborne, avec la<br />
collaboration de John Freeman.<br />
2000 violettes de 5 x 5 pouces<br />
(vinyle) sur un terrain de 25 x<br />
100 pieds, à côté du presbytère<br />
de Deschambault.<br />
Photo David VACHON<br />
BIENNALE<br />
INTERNATIONALE<br />
DU LIN DE PORTNEUF<br />
LES ARTS CONTEMPORAINS<br />
À L’HONNEUR<br />
/ par Claire GOUTIER<br />
Que font des enseignants, des artistes et des gestionnaires lorsqu’ils se retrouvent<br />
autour d’un souper entre amis? Ils inventent des évènements artistiques! C’est ainsi<br />
qu’en 2003, la Biennale internationale du Lin de Portneuf (BILP) est née. La première<br />
série d’expositions a eu lieu en 2005. Et en 2015, ce sera déjà la 6 e édition.<br />
La BILP rassemble, le temps d’une saison<br />
estivale, plusieurs œuvres en quelques<br />
expositions importantes sous une même<br />
thématique. Jouant sur les frontières<br />
entre les disciplines, l’événement invite<br />
des créateurs de diverses provenances,<br />
associés à différents champs de pratique,<br />
à créer des œuvres inédites dans un<br />
contexte particulier. En effet, en plus<br />
de répondre au thème proposé par les<br />
commissaires, les artistes doivent tenir<br />
compte des lieux d’expositions non<br />
conventionnels dans lesquels les œuvres<br />
seront installées et… et élaborer des<br />
concepts liés au lin.<br />
L’âme de la BILP est effectivement le lien<br />
sensible qu'elle entretient avec le lin. « La<br />
culture du lin et sa transformation selon<br />
les méthodes traditionnelles sont inscrites<br />
dans l’histoire des villages de la vallée du<br />
Saint-Laurent, d’où la pertinence d’utiliser<br />
cette matière comme fil conducteur<br />
de l’événement ancré dans le territoire<br />
portneuvois », écrit Dominique Roy,<br />
directrice générale de l’organisme.<br />
30 | Partenaire culturel<br />
« Les membres fondateurs de la BILP se<br />
sont inspirés inspirés de pratiques ayant<br />
cours en Europe en ce qui a trait à la<br />
présentation d’expositions dans les lieux<br />
patrimoniaux. Toutes les infrastructures<br />
étaient déjà en place, par exemple le<br />
Moulin De La Chevrotière et le Vieux<br />
presbytère à Deschambault, et le Moulin<br />
Marcoux à Pont-Rouge », renchérit-elle. «<br />
Mais les lieux varient à chaque édition. En<br />
2015, les expositions auront lieu autour de<br />
deux pôles principaux, soit Deschambault-<br />
Grondines et Saint-Raymond-de-Portneuf.<br />
L’objectif est de dynamiser le milieu<br />
artistique et culturel portneuvois tout en<br />
mettant en valeur les lieux patrimoniaux<br />
de la région. » La BILP veille aussi à<br />
sensibiliser les gens et les amener à<br />
s’intéresser à l’art contemporain. À cet<br />
effet, elle a présenté au fil des ans des<br />
expositions et activités culturelles dans 11<br />
des 18 municipalités de la région.<br />
La BILP jouit d’un rayonnement enviable.<br />
Elle attire en moyenne près de 20 000<br />
personnes. Son public est composé<br />
majoritairement de résidents de la région<br />
de la Capitale-Nationale et de la région de<br />
Portneuf, en plus des visiteurs québécois<br />
qui empruntent la route Québec-Montréal.<br />
Depuis la première BILP, l'embauche<br />
de commissaires chevronnés a<br />
permis d'assurer la présentation de<br />
programmations de grande qualité. Lallie<br />
Douglas et Barbara Wisnoski assumeront<br />
conjointement le commissariat des<br />
expositions de la sixième biennale.<br />
Regroupées sous la thématique générale<br />
Métier et Mérite (Work and Worth), les<br />
deux expositions de « la sixième édition<br />
de la BILP invite les créateurs, aussi bien<br />
que les observateurs, à questionner, voire<br />
à reconsidérer la notion de travail, qu’il<br />
soit artistique ou autre, ainsi que la valeur<br />
qu’on lui accorde », peut-on lire dans<br />
un document fourni à BAZZART. Nous<br />
aurons d’ailleurs le plaisir de vous en<br />
reparler dans notre numéro d’été 2015.<br />
En attendant, vous pouvez rester informé<br />
en visitant leur blogue créé spécialement<br />
pour cette prochaine édition.<br />
Site Internet officiel : BIENNALEDULIN.CA<br />
Blogue de l’édition 2015 : BIENNALEDULIN.COM
Amélie MAROIS, directrice<br />
générale du Centre MATERIA<br />
Photo Geneviève ALLARD<br />
CENTRE MATERIA<br />
AMBASSADEUR DES MÉTIERS D'ART<br />
/ par Marion MERCIER<br />
En passant à l’angle de la rue de la Couronne et du boulevard Charest, avez-vous<br />
déjà jeté un œil à l’intérieur du Centre MATERIA? C’est un centre d’artistes et un<br />
lieu d’exposition axé sur la mise en valeur et la diffusion des métiers d’art.<br />
En réalité, c’est mieux que cela : il s’agit<br />
du seul centre d’artistes en métiers d’art<br />
d’expression au Canada. Comme son nom<br />
l’indique, un centre d’artistes est gouverné<br />
par des artistes. Ce sont eux qui décident<br />
de l’orientation de la programmation sous<br />
forme de comité de sélection, auquel<br />
s’ajoutent également des spécialistes.<br />
Au Centre MATERIA, nous parlons de<br />
pièces uniques de création. Pendant<br />
longtemps, les métiers d’arts étaient<br />
davantage considérés comme un savoirfaire<br />
qu’un discours artistique. Et, petit à<br />
petit, les artistes se sont tournés vers les<br />
savoir-faire pour créer des œuvres. N’ayant<br />
pas de lieu où présenter leur travail,<br />
l’idée de la création du Centre MATERIA<br />
est née. « Nous avons la chance d’être<br />
le seul dans notre créneau », déclare<br />
Amélie Marois, directrice générale. « Nous<br />
sélectionnons ce qui se démarque ou ce<br />
qui est ou va être à l’avant-garde. »<br />
La réputation d’excellence de MATERIA<br />
n'est plus à faire. Les artistes-artisans<br />
connaissent bien le Centre et apprécient<br />
montrer leur travail dans un lieu reconnu<br />
où leurs œuvres sont mises en valeur.<br />
« Les artistes viennent à nous, nous<br />
sélectionnons ce qui se passe en ce<br />
moment ». C'est très actuel.<br />
En plus de présenter des expositions de<br />
grande qualité, le Centre MATERIA s’est<br />
doté d’une boutique. « Nous avons cette<br />
porte d’entrée-là pour les personnes<br />
néophytes », ajoute la directrice.<br />
Dans cette caverne d’Ali Baba, nous<br />
retrouvons des œuvres d’artisans<br />
québécois en petites séries, c’est-àdire<br />
à échelle humaine. Tout comme<br />
dans l’espace d’exposition, les œuvres<br />
vendues sont sélectionnées à partir de<br />
la qualité de leur réalisation technique.<br />
« À partir de là, nous pouvons donc<br />
nous assurer que le public a accès à une<br />
œuvre de grande qualité, qui démontre<br />
un savoir-faire parfaitement maîtrisé »,<br />
affirme madame Marois.<br />
Mary-Pierre Belzile, qui est responsable<br />
de la boutique, choisit méticuleusement<br />
chacune des œuvres qui seront proposées.<br />
De plus, la personne à l’accueil, Anne-<br />
Gisèle Bossé April, est disponible pour<br />
répondre aux questions à propos des<br />
techniques et du processus de création de<br />
chacun des artistes.<br />
Le saviez-vous? 2015 est l’année des<br />
métiers d’art et le Centre MATERIA<br />
fêtera ses 15 ans. Évidemment, il nous a<br />
concocté une programmation magnifique.<br />
L’année débutera avec l’exposition d’une<br />
célèbre artiste de Colombie-Britannique,<br />
Lou Lynn, qui a une longue carrière<br />
d’innovation avec le verre et le bronze.<br />
Lou Lynn – Out of the Ordinary /<br />
Hors de l’ordinaire<br />
Du 28 novembre <strong>2014</strong> au 18 janvier 2015.<br />
Vernissage et lancement de la capsule vidéo<br />
le 28 novembre à partir de 17 h.<br />
CENTREMATERIA.COM<br />
Partenaire culturel | 31
Depuis 2013<br />
Programme Ballet-études à Québec<br />
Formation professionnelle collégiale<br />
Informations : Madame Christiane Bélanger<br />
418 688-8310, 1 866 525-5751<br />
ou 418 262-6902<br />
www.christianebelanger-danse.com<br />
Les finissants auront la possibilité d’être embauchés à la fin de leur formation dans le prestigieux<br />
Ballet de Québec, première compagnie de ballet classique de la Vieille-Capitale.<br />
www.cegepgarneau.ca<br />
En grande première à Québec!<br />
La Société de Ballet du Québec<br />
Présente<br />
Le Concours International PETIPA – Soirée de Gala<br />
Du graffiti à l’œuvre d’art<br />
Découvrez le street art de Québec<br />
avec Phelipe Soldevila<br />
Réalisé et cofondé par monsieur Jacques Marsa de l’Opéra de Paris<br />
et madame Christiane Bélanger de l’École Christiane Bélanger-danse et L’École du Ballet de Québec.<br />
À ne pas<br />
manquer!<br />
LaFabriqueculturelle.tv<br />
#LaFab<br />
UNE PRODUCTION DE<br />
www.quebecregion.com/fr/evenements-speciaux/concours-international-petipa/<br />
32 |<br />
FAB_BAZZART<br />
Format : 3,75 x 4,875 po. / CMYK / bleed
Sophie COTÉ, propriétaire de<br />
la boutique Softi.<br />
Photo Camille BRETON SKAGEN<br />
SOFTI<br />
UNE MAILLE À LA FOIS<br />
/ par Agathe VERGNE<br />
L’hiver est la saison préférée des amoureux de tuques, de foulards et autres<br />
réconfortantes mailles. La pétillante boutique Softi, située sur la 3 e avenue du<br />
quartier Limoilou, fait office de référence à Québec en matière de lainage.<br />
Nous y trouvons tout le nécessaire<br />
pour tricoter, crocheter et filer la laine,<br />
ainsi qu’une programmation complète<br />
de cours de tricot thématiques pour<br />
apprendre à confectionner ses premiers<br />
bas - ou tout simplement perfectionner<br />
sa technique. L’endroit est chaleureux,<br />
gai et plein de couleurs, à l’image de<br />
sa propriétaire Sophie Coté, qui a su<br />
conjuguer sa passion d’artiste et sa<br />
fibre entrepreneuriale.<br />
L’engouement pour le tricot connait<br />
un regain fabuleux depuis quelques<br />
années. En matière de création textile,<br />
l’authentique, la qualité de produits sont<br />
des critères de plus en plus recherchés.<br />
Le tricot est plus que jamais d’actualité et<br />
une nouvelle génération d’entrepreneurs<br />
ont complétement dépoussiéré le genre<br />
tout en maintenant et en transmettant<br />
les savoir-faire souvent hérités de leurs<br />
grands-mères. En y ajoutant une bonne<br />
dose de créativité débridée et pas mal de<br />
couleurs, Sophie Coté est véritablement<br />
précurseur dans le domaine à Québec.<br />
L’ouverture de cette boutique est presque<br />
un accident. Madame Côté est avant<br />
tout une artiste textile qui exprime sa<br />
créativité et sa technique dans des tapis.<br />
Au départ, elle désirait simplement<br />
ouvrir un atelier dans Limoilou ; il<br />
s’est finalement transformé en ce lieu<br />
magnifique. Afin de pouvoir vivre de son<br />
art, son œil d’artiste et sa connaissance<br />
des fibres lui permettent de sélectionner<br />
pour sa clientèle des laines introuvables<br />
ailleurs et autres fibres d’exception. Le<br />
succès est immédiatement au rendezvous.<br />
Très rapidement des cours de tricot<br />
s’organisent à la demande générale, pour<br />
le plus grand bonheur des tricoteuses de<br />
la région.<br />
La passion du textile et des objets<br />
tricotés, elle la tient de sa mère qui<br />
passait des heures derrière son tricot<br />
machine. Pour Sophie, le tricot, le filage<br />
et le feutrage, c’est avant tout une<br />
histoire de transmission. Le travail des<br />
fibres remonte à la nuit des temps, une<br />
pratique véritablement ancrée dans<br />
notre inconscient collectif. Bas de laines,<br />
couvertes, doudous, autant d’objets<br />
qui rappellent des souvenirs d’enfance,<br />
des grand-mères apprenant à monter<br />
les mailles et les longues soirées d’hiver<br />
autour du foyer.<br />
Pour Sophie Coté, la pratique du tricot<br />
aurait des vertus apaisantes et stimule<br />
l’imagination et la créativité. Tricoter<br />
en groupe permet sans nul doute de<br />
socialiser, de se faire des amis. Il faut<br />
dire que le cadre est invitant, l’accueil<br />
chaleureux et sans prétention. Chez<br />
Softi, nous nous sentons les bienvenus,<br />
tricoteurs néophytes ou chevronnés.<br />
Sophie Côté nous invite à libérer notre<br />
créativité, une maille à la fois.<br />
SOFTITAPIS.COM<br />
PME | 33
Photo Jean-François GRAVEL<br />
LES BIJOUX STEAMPUNKALIEN<br />
LES BIJOUX-MACHINES<br />
/ par Steven C. VALLÉE<br />
STEAMPUNKALIEN.WEEBLY.COM<br />
SteampunkALIEN est le fruit d’une dualité entre le passé et<br />
le futur. Le terme Steampunk (rétro futurisme) est un genre<br />
littéraire qui est né vers la fin du 19 e siècle, notamment<br />
par les écrits de Jules Verne. Le genre quitte rapidement<br />
la littérature pour marquer d’autres modes d’expression,<br />
comme la bijouterie. Depuis 2007, le style connaît une<br />
croissance de popularité immense. Mathieu Lachance<br />
travaille sur sa passion depuis deux ans.<br />
Le créateur nous permet une excursion dans ce monde de<br />
bronze et d’engrenages. Sa ligne directrice : garder son<br />
art en constante évolution. Déjà, il a intégré des dispositifs<br />
lumineux dans certains de ses colliers. La prochaine étape<br />
sera d’y introduire des mécanismes qui bougent pour faire<br />
saliver encore plus ses fans.<br />
L’artisan explique que cette passion pour le genre découle<br />
d’un amour de « l’ancien métier d’inventeur et d’horloger ».<br />
Dans la même envolée, selon lui, nous réinventons ce qui<br />
tend à disparaître. L’amour du détail et de la minutie s’est<br />
estompé avec le travail mécanisé. Monsieur Lachance se<br />
fait un point d’honneur de ramener, dans sa confection de<br />
bijoux, l’âme du perfectionniste d’autrefois, avec sa propre<br />
touche de modernité.<br />
Des articles de SteampunkALIEN sont disponibles chez<br />
l’Imaginaire, Malice aux merveilles ou sur le site Internet de<br />
Mathieu Lachance (ci-haut).<br />
Photo Reasons to Smile<br />
REASONS TO SMILE<br />
DOUBLEMENT PASSIONNÉE<br />
/ par Geneviève MESSIER<br />
FACEBOOK.COM/PAGES/REASONS-TO-SMILE-SMILLER<br />
LAMERAKI.COM<br />
Reasons to Smile est une collection de bijoux colorés en<br />
pâte polymère. Stéphanie Miller, la jeune entrepreneure,<br />
s’est inspirée de la technique de la céramique pour réaliser<br />
ses créations, texturant la matière de motifs, recouverts<br />
de résine. Depuis peu, de nouvelles techniques se sont<br />
ajoutées à son travail ; le crochet et le tricot lui permettent<br />
de confectionner foulards et accessoires, qui étendent son<br />
savoir-faire.<br />
Reasons to Smile est un jeu de mot que Stéphanie Miller a<br />
fait avec son nom. Cependant, il sera bientôt simplifier pour<br />
SMiller. Cette jeune femme native de Lévis est enseignante<br />
en art visuel. Enseigner et créer sont ses deux passions.<br />
« J’ai un besoin de créer depuis que je suis petite. C’est<br />
en moi, je dois faire quelque chose de mes mains. » C’est<br />
pourquoi il lui est impossible d’enseigner sans faire ses<br />
propres créations.<br />
Dans un avenir proche, elle souhaite lier ses deux passions<br />
en ouvrant un atelier-boutique à Trois-Rivières. Elle pourrait<br />
y vendre ses créations, mais aussi offrir des ateliers créatifs<br />
à ceux qui le désirent.<br />
Pour acquérir les créations de cette artiste, rendez-vous<br />
à Maillagogo à Montréal, la boutique Koia à Joliette et<br />
Uni-vert des Artisans à Shawinigan. Stéphanie Miller est<br />
aussi propriétaire de la boutique La Meraki, qui présente<br />
son travail et celui de plusieurs créateurs d’ici et d’ailleurs.<br />
Produits aussi offerts en ligne.<br />
34 | Espace artistes
Photo Sandra SUNSHINE<br />
PUTRÉ-FASHION<br />
ROMANTISME NOIR<br />
/ par Claire GOUTIER<br />
PUTREFASHION.NET<br />
MALICEAUXMERVEILLES.COM<br />
Putré-Fashion, vous l’aurez deviné, est un jeu de mot qui<br />
conjugue mode et décomposition. Cette plaisanterie appuie<br />
l’idée qu’il ne faut pas toujours se prendre au sérieux et qu’il<br />
est permis d’allier mode gothique et imprimé tape à l’œil.<br />
Putré-Fashion rejoint les femmes de tout âge, qui<br />
affectionnent les robes aux coupes avantageuses. Les<br />
créations d’Isabelle Drolet, la designer, sont personnalisées<br />
et adaptables : elles offrent l’avantage d’épouser tous<br />
types de corps, des plus minces aux dodues, avec une<br />
touche flatteuse.<br />
La ligne d’Isabelle Drolet prend racine dans un univers<br />
d’abord musical, où les codes sont très forts et établis : le<br />
gothique. Elle pige son inspiration dans plusieurs modes<br />
alternatives et sous-cultures : le punk, le rockabilly, le<br />
psychobilly (halloweenesque) et l’harajuku (mode de rue<br />
japonaise des années 2000).<br />
Toute jeune, la designer voyait sa mère coudre,<br />
notamment des costumes d’Halloween. La jeune fille<br />
était fascinée par les boutiques de tissus et l’univers des<br />
patrons, qui lui ouvraient des possibilités infinies. Dès son<br />
adolescence, Isabelle Drolet dessinait ses propres croquis<br />
de vêtements, faute de trouver ce qu’elle cherchait dans<br />
les boutiques commerciales.<br />
Pour ajouter du relief à votre garde-robe, rien de mieux<br />
qu’un détour par le Fanamanga et la boutique Malices aux<br />
merveilles où se trouve l’atelier de Putré-Fashion. Un monde<br />
fantastique se décline en une offre toute aussi étonnante.<br />
Photo Emmanuelle BRETON et<br />
Stéphanie CLOUTIER<br />
EMMANUELLE BRETON<br />
PORTER L’ART SUR SOI<br />
/ par Agathe VERGNE<br />
E-BRETON.COM<br />
Emmanuelle Breton est une artiste protéiforme qui navigue<br />
entre les arts visuels et les métiers d’art. Si l’estampe<br />
et la peinture sont ses médiums de prédilection, elle a<br />
développé avec un artisan un concept totalement original<br />
au Québec, qui consiste à transposer des photographies de<br />
ses toiles en bijoux et ainsi faire voyager de petites parcelles<br />
de son art sur les gens. Elle utilise des photos de détails de<br />
ses œuvres d’art pour créer des capuchons interchangeables<br />
qui se fixent sur des bagues ou des pendentifs aimantés.<br />
Elle a développé toute une collection sous la bannière<br />
« Emma » qu’elle présente dans des salons de métiers<br />
d’art et des galeries de la région, au Centre d’art le Moulin<br />
La Lorraine (Lac-Etchemin) et à la galerie Ni Vu Ni Cornu<br />
(Côte-de-Beaupré).<br />
Ses bijoux sont exclusivement réalisés à la main au Québec.<br />
Emmanuelle Breton attache une très grande importance<br />
à la production et au savoir-faire local. C’est justement<br />
son environnement immédiat qui est son principal moteur<br />
d’inspiration. L’immensité rurale du Québec, une source<br />
intarissable de motifs et de formes qui tracent les lignes<br />
de son travail, les grands arbres d’hiver nus, les formes<br />
végétales généreuses de l’été. Sur fond de noir et blanc se<br />
développent des rouges fougueux et des bleus profonds,<br />
couleurs du ciel changeant et des saisons qui passent.<br />
Sur la photo (de gauche à droite) : bijoux tirés des œuvres<br />
« 500 désirs », 2013, acrylique sur toile, 4 x 4 po; «Europa», 2013,<br />
acrylique sur toile, 4 x 4 po.<br />
Espace artistes | 35
Réparation de vêtements - Confection sur mesure - Nettoyage à sec<br />
32 St-Joseph Ouest, Québec, 418-990-0462<br />
Photo Courtoisie<br />
BANGBANGSUZY.COM<br />
L’ULTIME BIBELOT<br />
/ par Claire GOUTIER<br />
BANG-BANG-SUZY.COM<br />
BangBangSuzy.com est un projet qui occupe les soirs<br />
et les fins de semaine de deux filles qui ont « une job<br />
steady ». L’une en design, l’autre en intervention sociale,<br />
elles unissent leurs forces pour donner vie à cette « petite<br />
bibitte » que nous retrouvons entre autres au Salon<br />
Nouveau Genre.<br />
Elles offrent des taies d’oreiller aux couleurs flash et aux<br />
designs percutants. Ce bibelot utilitaire devient l’ultime<br />
détail qui colore votre espace intime et lui donne de la<br />
personnalité. C’est efficace et très abordable.<br />
Les deux créatrices affectionnent le côté brut, fluo et<br />
amusant des années 1990 à 2000. Elles s’inspirent de la<br />
culture Web, du rockabilly et elles endossent la philosophie<br />
du graffiti, qu’elles admirent pour la gratuité du geste.<br />
Le duo s’amuse sur ce projet depuis peu. Elles créent<br />
sans attache, à leur rythme, en fonction de leurs envies.<br />
Au cœur de leur association trônent des questions<br />
éthiques : fournisseurs locaux, recyclage industriel, encres<br />
écologiques… Leur objectif est d’aller le plus possible vers<br />
la fabrication artisanale 100% écolo.<br />
Le message qu’elles lancent aux gens de Québec, c’est qu’il<br />
est possible de se réaliser, de créer, même<br />
lorsque nous sommes engagés dans une<br />
routine boulot-dodo. L’idée, c’est de vouloir<br />
changer les choses, ne serait-ce que son<br />
quotidien. Elles vous disent : « Levez-vous et<br />
faites-le! »<br />
Une petite suggestion : commencez en<br />
mettant un peu de WOW! sur votre lit.<br />
36 | Espace artistes
CARNET DE VOYAGE<br />
Photo Sylvie POTVIN<br />
CHINE<br />
QUAND LES TRADITIONS<br />
RENCONTRENT LA TECHNOLOGIE<br />
/ par Élisa GAGNON<br />
Dans le cadre d’un stage d’immersion culturelle, Élisa Gagnon est partie au<br />
printemps dernier vers la Chine où une famille de Yueyang l’a accueillie. Un<br />
immense territoire attendait de lui livrer ses secrets. Toutes les précautions<br />
pré-départ ne pouvaient la préparer à ce qu’elle a vécu dans ce pays aux mille<br />
couleurs contrastantes.<br />
L’image de la Chine est remplie d’idées<br />
préconçues véhiculées par les médias :<br />
dragons, baguettes et bols de riz, arts<br />
martiaux et j’en passe. Mais cette société<br />
a évolué grandement depuis un siècle<br />
et elle est devenue beaucoup trop<br />
complexe pour être définie seulement<br />
par ces clichés. Je saisi l’opportunité<br />
de ce récit afin de vous faire voir d’une<br />
perspective nouvelle cette société en<br />
plein changement que traditions et<br />
technologies modernes animent.<br />
Dès mon arrivée, cérémonies<br />
d’ouverture, discours et poignées de<br />
main officielles étaient au rendez-vous, le<br />
tout accompagné de thé, bien entendu.<br />
On m’a souhaité la bienvenue comme<br />
si j’étais une déléguée de la plus haute<br />
importance. À Yueyang, « petite »<br />
ville de cinq millions d’habitants, j’ai<br />
été étonnée par la modernité de<br />
l’appartement de mes hôtes. Rien à voir<br />
avec le logis rudimentaire que je m’étais<br />
préparée à découvrir. C’est en visitant<br />
leurs grands-parents à la campagne, à<br />
quelques kilomètres de la ville, que j’ai<br />
constaté le contraste entre la vie rurale<br />
et urbaine : l’une suit les dernières<br />
tendances à la mode, et l'autre, très<br />
rudimentaire, semble sortir tout droit<br />
du siècle dernier. Les membres de la<br />
famille élargie vivent tous sur les terres<br />
parentales. Les flancs de colline abritent<br />
même les sépultures des ancêtres. J’ai<br />
remarqué le souci qu’ils ont de prendre<br />
soin l’un de l’autre et l’importance qu’a la<br />
famille à leurs yeux.<br />
Je m’étais promise de découvrir<br />
l’immensité de la Chine, et je l’ai fait.<br />
C’est lors de l’ascension inspirante du<br />
Huashan, montagne sacrée où vivaient<br />
jadis en ermite des moines taoïstes,<br />
que le meilleur était au rendez-vous. La<br />
satisfaction de gravir ce géant rocheux<br />
dans un décor quasi surréaliste m'a<br />
fait réaliser à quel point le monde<br />
est magnifique. Foulards rouges et<br />
cadenas ornent superstitieusement les<br />
rampes qui suivent les vieux escaliers<br />
abrupts de ce sanctuaire. Je suis allée au<br />
bout de mes limites dans cette montée<br />
spectaculaire, jusqu’à atteindre un des<br />
sentiers les plus dangereux au monde :<br />
le chemin de la mort.<br />
J’ai rencontré des personnes formidables,<br />
ouvertes sur le monde, qui se<br />
permettent étonnamment de critiquer la<br />
gouvernance de leur pays. J’ai côtoyé la<br />
pauvreté. Néanmoins, j’ai aussi constaté<br />
l’essor d’une classe moyenne éduquée<br />
et tournée vers une prospérité future.<br />
J’y retournerais dans dix ans et je ne<br />
reconnaitrais pas les paysages grandioses<br />
tant le développement est rapide.<br />
À mon retour au Québec, la ville de<br />
Fenghuang, ce trésor patrimonial qui<br />
m’a fait tomber en amour avec la Chine,<br />
a subi des inondations destructrices.<br />
J'ai une pensée toute spéciale pour les<br />
habitants, qui disposaient déjà de peu<br />
pour être heureux et qui réussissaient<br />
tout de même à afficher un sourire franc,<br />
éclatant et contagieux.<br />
Carnet de voyage | 37
Photo Efraimstochter Photo Adam LEVASSEUR<br />
Écriture, théâtre, cirque, Sophie-Anne Landry recherche dans ses intérêts<br />
un moyen d’extérioriser sa sensibilité, d’atteindre celle des autres, de<br />
communiquer. Amoureuse des mots, l’écriture est sans conteste sa forme<br />
d’expression privilégiée. Un retour aux études en création littéraire à<br />
l’Université Laval lui a permis de renouer avec sa véritable passion et d’y<br />
découvrir les formes brèves et la poésie.<br />
Elle a également publié l’échange épistolaire Poste Mortem dans le Crachoir de<br />
Flaubert et participe au Cercle d’auteurs de la relève de Première Ovation avec<br />
lequel elle présentera son œuvre poétique et picturale RED lors de l’exposition<br />
littéraire Fragments.<br />
Elle affectionne particulièrement la prose poétique. Pourquoi les petites filles tombentelles<br />
du ciel? est sa première nouvelle sous ce style littéraire.<br />
CRÉATION<br />
TEXTE INÉDIT, AOÛT <strong>2014</strong><br />
POURQUOI LES PETITES FILLES<br />
TOMBENT-ELLES DU CIEL?<br />
/ par Sophie-Anne LANDRY<br />
Il était sorti à l’heure bleue. L’heure où<br />
les corneilles prennent d’assaut les<br />
aubes encore endormies.<br />
Son écharpe à carreaux démodée battait<br />
la mesure au rythme de ses pas. Une<br />
promenade pour effacer la sueur d’une<br />
nuit agitée. Sous ses mocassins en cuir,<br />
la neige trop blanche des campagnes<br />
oubliées résonnait dans l’air. Il marchait<br />
toujours jusqu’au troisième rang, puis<br />
revenait. Huit kilomètres pour s’oublier<br />
dans le froid.<br />
Vivant seul depuis plusieurs années, il<br />
avait perdu, peu à peu, l’habitude de la<br />
parole. La cacophonie volatile lui plaisait.<br />
Elle comblait l’espace de son esprit<br />
gangrené d’images en noir et blanc - le<br />
silence un instant relégué au porche de<br />
sa demeure.<br />
Son esprit s’étiolait en pensées amères,<br />
lorsqu’il aperçut une tache. Au loin : un<br />
point minuscule. Dans le champ des<br />
Laverdière, entre le ravin et la lisière de<br />
bouleaux nus, une empreinte. Rouge.<br />
À petits pas entravés par la poudreuse, il<br />
s’est approché.<br />
Un ange, les bras repliés sur une poupée<br />
de chiffons, reposait sur le duvet blanc;<br />
une fillette anonyme que le chant<br />
des corneilles ne réveillerait plus. Son<br />
manteau rouge comme seule protection<br />
contre les froids cassants de janvier.<br />
Les oiseaux ne tombent pas du ciel; alors<br />
pourquoi les petites filles doivent-elles<br />
mourir sans ailes?<br />
Il voulut la réchauffer. Tenter de faire<br />
fondre les glaçons de ses yeux, cette<br />
froideur bleue diluée dans la blancheur<br />
de son visage. Il la prit dans ses bras.<br />
Pressa son corps fragile, friable comme<br />
ces statues de glace éphémères qui<br />
prennent forme et meurent entre les<br />
mains des sculpteurs. Sauf qu’elle n’était<br />
pas de glace, mais de vie égarée.<br />
Les marques de pas dans la neige<br />
étaient nettes, cristallisées par le froid<br />
avide des chairs inanimées. Une trainée<br />
de petits pieds suivis des stigmates<br />
d’une paire de Kodiak.<br />
L’ours et sa proie.<br />
Il se mit à sangloter. Sur la peau<br />
frigide, trois larmes gelées. Une pour<br />
les joies d’enfance ravalée en ce jour<br />
par le mutisme de l’hiver. La deuxième<br />
sur la virginité perdue de cette date<br />
qui resterait dans les mémoires. La<br />
dernière par pitié pour cette cruauté<br />
plaquée rouge.<br />
Les petites filles tombent du ciel pour<br />
qu’on n’oublie pas que les anges n’ont<br />
pas tous des ailes, mais que le diable<br />
aujourd’hui portait une paire de Kodiak.<br />
38 |<br />
Création
BroderieS<br />
R<br />
aoul<br />
V<br />
ennat<br />
Depuis 1912, la maison Raoul Vennat<br />
vous offre des nappes de toutes<br />
grandeurs, centres, chemins de table,<br />
tabliers, taies et draps.<br />
Vous trouverez des<br />
motifs pour la broderie<br />
blanche, de couleurs,<br />
pour le Richelieu, le<br />
Colbert et les points<br />
de croix.<br />
Les patrons Vennat montrent<br />
des fleurs, fruits, papillons,<br />
scènes de vie ainsi que<br />
des formes géométriques<br />
tous préparés sur des lins<br />
européens, du coton ou du<br />
coton/polyester.<br />
Raoul Vennat tient les fils<br />
DMC, Anchor, Kreinik,<br />
YLI, Caron, des rubans de<br />
soie YLI, ainsi que les tissus<br />
Grazziano, Zweigart pour<br />
la broderie Hardanger, le<br />
Lugana, le Cashel, le Aïda,<br />
etc…et les afghans.<br />
BroderieS raoul Vennat<br />
Commandes téléphoniques et postales acceptées.<br />
1031, rue Nogent, Boucherville (Québec), J4B 2R4<br />
Communiquez<br />
avec nos conseillères :<br />
Lise, Michelle ou Francine<br />
450-449-7575 514-924-3049<br />
Sans frais : 1-877-981-7575<br />
HeureS d’ouverture<br />
Du lundi au vendredi<br />
de 9h à 17h et sur rendez-vous<br />
602547586<br />
www.raoulvennat.com<br />
9 OCTOBRE <strong>2014</strong> -<br />
15 MARS 2015<br />
UNE EXPOSITION PRODUITE ET MISE EN<br />
CIRCULATION PAR LE MUSÉE NATIONAL<br />
DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC<br />
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