L'Europe propose un « Erasmus pour tous » - Agence Europe ...
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2 Événement<br />
mercredi<br />
30 novembre 2011<br />
REPÈRES<br />
Des programmes élargis<br />
En <strong>Europe</strong><br />
PPSous le label « <strong>Erasmus</strong><br />
<strong>pour</strong> <strong>tous</strong> », le programme<br />
« Éducation et formation tout<br />
au long de la vie » est le plus<br />
important – en nombre de<br />
bénéficiaires et en budget. Il<br />
comprend quatre volets, qui, à<br />
eux seuls, constituent l’essentiel<br />
des systèmes d’échanges<br />
en vue de la formation de<br />
l’Union européenne.<br />
– Lancé en 1987, <strong>Erasmus</strong>,<br />
le plus célèbre, est devenu <strong>un</strong><br />
marqueur de génération qui a<br />
profité à 2,3 millions d’étudiants.<br />
Il permet à ceux-ci d’effectuer <strong>un</strong><br />
ou deux semestres de leur cursus<br />
– ou, moins souvent, de stage en<br />
entreprise – dans l’<strong>un</strong> des 33 pays<br />
conventionnés (les 27 de l’UE,<br />
ainsi que la Norvège, l’Islande,<br />
la Croatie, le Liechtenstein,<br />
la Suisse et la Turquie). Les<br />
enseignants font aussi partie du<br />
public visé (<strong>pour</strong> des missions<br />
de six semaines maximum).<br />
L’Espagne, la France et<br />
le Royaume-Uni sont les<br />
premières destinations.<br />
Les Espagnols, Français,<br />
Allemands et Italiens<br />
représentent plus de la<br />
moitié des bénéficiaires.<br />
Le budget annuel moyen<br />
dépasse 450 millions d’euros<br />
<strong>pour</strong> la période 2007-2013.<br />
– Autre volet, Comenius, qui<br />
vise à multiplier les échanges<br />
entre <strong>tous</strong> les acteurs de<br />
l’école – élèves, enseignants,<br />
associations de parents –, de<br />
la maternelle au lycée, d’<strong>un</strong><br />
pays à l’autre de l’Union. Par<br />
exemple, entre deux écoles<br />
professionnelles, roumaine et<br />
française, spécialisées dans<br />
l’enseignement aux enfants<br />
souffrant de handicaps de<br />
l’ouïe et de la parole.<br />
– Lancé en 1995, Leonardo<br />
da Vinci s’adresse aux élèves<br />
de lycées professionnels et<br />
aux apprentis. Il leur permet<br />
d’améliorer leurs compétences<br />
en effectuant <strong>un</strong> séjour pratique<br />
dans <strong>un</strong> centre professionnel<br />
d’<strong>un</strong> État membre.<br />
– Destiné aux adultes, Gr<strong>un</strong>dtvig<br />
<strong>propose</strong> notamment des<br />
« volontariats seniors » – <strong>pour</strong><br />
les plus de 50 ans – ou des<br />
cours de cinq à dix jours dans<br />
d’autres pays européens.<br />
Avec le reste du monde<br />
PPPlus nombreux, mais<br />
ré<strong>un</strong>issant nettement moins<br />
de bénéficiaires, six autres<br />
programmes tombent dans<br />
l’escarcelle d’« <strong>Erasmus</strong> <strong>pour</strong><br />
<strong>tous</strong> ». Il s’agit de Je<strong>un</strong>esse en<br />
action, <strong>Erasmus</strong> M<strong>un</strong>dus (<strong>pour</strong><br />
la coopération <strong>un</strong>iversitaire<br />
entre l’UE et le reste du monde),<br />
Tempus (Balkans, <strong>Europe</strong> de<br />
l’Est, Afrique du Nord, Asie<br />
centrale, Moyen-Orient), Alfa<br />
(coopération avec l’Amérique<br />
latine), Edulink (destiné aux<br />
pays de la zone Asie, Caraïbes,<br />
Pacifique) et le programme<br />
de coopération bilatérale avec<br />
les pays industrialisés.<br />
L’<strong>Europe</strong> <strong>propose</strong><br />
<strong>un</strong> « <strong>Erasmus</strong> <strong>pour</strong> <strong>tous</strong> »<br />
ddLe nouveau programme<br />
prévoit de fondre dans <strong>un</strong> seul<br />
dispositif les sept programmes<br />
de mobilité actuels.<br />
ddLe budget sera<br />
quasiment doublé.<br />
ddLe but est de créer <strong>un</strong> outil<br />
pertinent <strong>pour</strong> l’emploi<br />
des je<strong>un</strong>es et la compétitivité<br />
économique de l’Union.<br />
BRUXELLES<br />
De notre correspondante<br />
Le timing pouvait a priori surprendre.<br />
Quelques minutes avant la<br />
présentation mercredi dernier par<br />
le président de la Commission européenne,<br />
José Manuel Barroso, de<br />
nouvelles mesures de surveillance<br />
budgétaire <strong>pour</strong> affronter la crise de<br />
la zone euro, la commissaire européenne<br />
en charge de l’éducation et<br />
de la culture, Androulla Vassiliou, a<br />
dévoilé l’ampleur du budget proposé<br />
par Bruxelles <strong>pour</strong> le nouveau programme<br />
<strong>Erasmus</strong> <strong>pour</strong> l’éducation,<br />
la formation et la je<strong>un</strong>esse : 19 milliards<br />
d’euros <strong>pour</strong> la période 2014-<br />
2020. Soit <strong>un</strong>e hausse de 85 % par<br />
rapport aux sept programmes de<br />
mobilité actuels (lire les repères), qui<br />
« Chaque je<strong>un</strong>e devrait<br />
pouvoir “rencontrer<br />
l’<strong>Europe</strong>” au moins<br />
<strong>un</strong>e fois dans sa vie. »<br />
seront fondus dans <strong>un</strong> programme<br />
<strong>un</strong>ique intégré, baptisé « <strong>Erasmus</strong><br />
<strong>pour</strong> <strong>tous</strong> ».<br />
L’objectif ? Doter l’actuel programme<br />
d’échange <strong>un</strong>iversitaire<br />
européen d’<strong>un</strong>e véritable dimension<br />
économique, sans lui faire perdre<br />
son rôle d’intégrateur culturel. Les<br />
méthodes de coordination entre les<br />
États membres seront simplifiées,<br />
avec <strong>un</strong> seul point de contact, <strong>un</strong><br />
système d’inscription en ligne, et<br />
des compétences clarifiées <strong>pour</strong> les<br />
agences nationales responsables du<br />
suivi des projets. Le quasi-doublement<br />
des fonds alloués devrait permettre<br />
de décupler les possibilités<br />
d’apprentissage à l’étranger <strong>pour</strong> les<br />
particuliers, étudiants, apprentis<br />
mais aussi enseignants et formateurs<br />
socio-éducatifs.<br />
Deux éléments nouveaux viendraient<br />
également compléter ce<br />
dispositif : <strong>un</strong> mécanisme de caution<br />
de prêts, en partenariat avec le<br />
groupe de la Banque européenne<br />
d’investissement, <strong>pour</strong> aider les étudiants<br />
en master à financer leurs<br />
études à l’étranger et la création de<br />
« partenariats sectoriels stratégiques »<br />
d’envergure entre établissements<br />
d’enseignement supérieur et entreprises.<br />
« Investir dans l’éducation et la<br />
formation des je<strong>un</strong>es est le meilleur<br />
placement <strong>pour</strong> l’avenir de l’<strong>Europe</strong> »,<br />
a défendu Androulla Vassiliou devant<br />
la presse, précisant que le nouveau<br />
système <strong>pour</strong>rait permettre à<br />
cinq millions d’Européens, soit<br />
presque deux fois plus qu’actuellement,<br />
de bénéficier d’<strong>un</strong>e bourse<br />
<strong>pour</strong> étudier ou suivre <strong>un</strong>e formation<br />
à l’étranger.<br />
En réalité, l’idée de renforcer le<br />
système <strong>Erasmus</strong> et de l’élargir à la<br />
formation professionnelle n’est ni<br />
totalement neuve, ni sortie toute<br />
faite du chapeau de la Commission<br />
européenne. Il a simplement fallu<br />
qu’elle fasse son chemin. « Depuis<br />
deux ans, nous nous battions <strong>pour</strong><br />
que les programmes <strong>pour</strong> l’éducation<br />
et la mobilité des je<strong>un</strong>es soient regroupés<br />
sous <strong>un</strong> même label. Nous<br />
avions même constitué <strong>un</strong> groupe de<br />
travail informel entre parlementaires<br />
Ils ont tenté l’aventure<br />
Jonathan<br />
Fleurier-Tuloup<br />
22 ans, Français<br />
T« T En Allemagne,<br />
les employés sont<br />
plus autonomes »<br />
Il y a trois ans, Jonathan<br />
Fleurier-Tuloup, 22 ans, a passé <strong>un</strong> mois en Basse-<br />
Saxe, à L<strong>un</strong>ebourg, dans le cadre de l’actuel programme<br />
Leonardo. Préparant alors <strong>un</strong> bac professionnel en<br />
mécanique automobile en Seine-Maritime, où il vit<br />
toujours, il a travaillé dans <strong>un</strong>e usine de réassemblage<br />
de moteurs et découvert la version allemande des<br />
centres de formation et d’apprentissage. « Ils commencent<br />
plus tôt, vers 7 heures du matin, c’était assez<br />
dur au début, se souvient-il. Mais ce rythme est meilleur,<br />
car il laisse tout l’après-midi libre. »<br />
David<br />
Villaverde Polonio<br />
Espagnol<br />
T« T La partie académique,<br />
20 % de l’expérience »<br />
David Villaverde Polonio, la quarantaine,<br />
se souvient encore de<br />
son année <strong>Erasmus</strong> comme si<br />
c’était hier. Alors âgé de 22 ans, en<br />
troisième année de philologie anglaise,<br />
il décide de passer l’année<br />
scolaire 1993-1994 à l’<strong>un</strong>iversité<br />
d’Essex en Grande-Bretagne.<br />
« J’avais toujours voulu voyager.<br />
<strong>Erasmus</strong> constituait <strong>un</strong> programme<br />
assez nouveau <strong>pour</strong> les étudiants<br />
espagnols », se souvient-il.<br />
Les débuts furent difficiles. « Au<br />
début, avec les trois autres <strong>Erasmus</strong>,<br />
nous étions sur le point de retourner<br />
à Madrid, car la personne<br />
qui devait coordonner<br />
notre séjour<br />
n’avait rien préparé.<br />
Nous n’étions donc inscrits<br />
à auc<strong>un</strong> cours. Ce<br />
fut assez stressant. Nous<br />
avons dû passer de bureau<br />
en bureau <strong>pour</strong><br />
trouver les professeurs », raconte<br />
David.<br />
Mais ce qu’il retient surtout, c’est<br />
ce qu’il a appris durant <strong>un</strong>e année.<br />
« Pas tant la partie académique,<br />
qui finalement constitue 20 % de<br />
l’expérience, mais le fait de<br />
connaître <strong>un</strong> autre pays. La manière<br />
d’étudier était différente, nous<br />
avions des évaluations constantes,<br />
des classes plus participatives, des<br />
débats. Alors qu’en Espagne, tout<br />
était basé sur l’examen final. »<br />
Un mois ne suffit pas <strong>pour</strong> apprendre l’allemand,<br />
et Jonathan Fleurier-Tuloup ne le parle pas. Cela<br />
suffit en revanche <strong>pour</strong> constater que, outre-Rhin,<br />
« les rapports hiérarchiques sont moins tendus, les<br />
employés plus autonomes ». « On n’allait voir le<br />
chef qu’en cas de gros souci », indique le je<strong>un</strong>e<br />
homme, aujourd’hui étudiant en BTS afin de devenir<br />
chef après-vente dans l’automobile. Son<br />
séjour lui a aussi suffi <strong>pour</strong> nouer quelques amitiés<br />
qui lui permettent de retourner en Allemagne,<br />
<strong>pour</strong> les vacances.<br />
Trente jours à L<strong>un</strong>ebourg n’ont cependant pas<br />
détrôné son rêve de toujours : faire <strong>un</strong> échange aux<br />
États-Unis. « Ce serait <strong>un</strong>e grande expérience, dit-il.<br />
Pour voir comment ils vivent là-bas, <strong>pour</strong> voir les<br />
paysages aussi, il faut l’avouer. Et puis <strong>pour</strong> voir<br />
comment ils travaillent. On me dit qu’ils font plus<br />
d’heures, que c’est plus intensif. »<br />
DR<br />
Outre le fait de<br />
passer 24 heures<br />
sur 24 en langue<br />
étrangère, il estime<br />
que cette<br />
expérience « rend<br />
plus tolérant » et<br />
développe le sens<br />
d e l’ i n d é p e n -<br />
dance et de la responsabilité : « Un<br />
futur employeur sait que tu sais<br />
résoudre les problèmes quotidiens.<br />
» Il regrette néanmoins<br />
l’évolution d’<strong>Erasmus</strong> : « J’ai l’impression<br />
que cela s’est converti en<br />
<strong>un</strong> programme massif, où les étudiants<br />
vont s’amuser. Cela devrait<br />
être réservé à des élèves qui le méritent,<br />
comme <strong>un</strong> prix d’excellence.<br />
Et cela devrait durer <strong>un</strong> an. Trois<br />
mois c’est trop court. »<br />
DR<br />
Marianne Me<strong>un</strong>ier<br />
Valérie Demon (à Madrid)<br />
<strong>pour</strong> faire avancer les propositions<br />
concrètes en ce sens », explique Damien<br />
Abad, député européen, président<br />
de cet « intergroupe informel<br />
<strong>pour</strong> la je<strong>un</strong>esse » au sein du Parlement<br />
européen.<br />
La proposition de la Commission<br />
doit encore être examinée par le<br />
Conseil des ministres et le Parlement<br />
européen, qui prendra la décision<br />
finale sur les montants alloués. « Il<br />
y aura certainement des ajustements,<br />
confie Damien Abad, mais ce projet<br />
est très largement soutenu par les<br />
parlementaires et nous le défendrons<br />
avec force. » Il réclame notamment<br />
que le projet tienne compte de critères<br />
sociaux <strong>pour</strong> l’attribution de<br />
bourses et prévoie aussi la possible<br />
participation des je<strong>un</strong>es handicapés.<br />
Se félicitant que l’<strong>Europe</strong> prenne<br />
« ses responsabilités <strong>pour</strong> les futures<br />
générations », il souligne que<br />
« chaque je<strong>un</strong>e devrait pouvoir “rencontrer<br />
l’<strong>Europe</strong>” au moins <strong>un</strong>e fois<br />
dans sa vie ». Alors que l’Union vit<br />
<strong>un</strong>e grave crise de confiance, il en<br />
est convaincu : « Cette mobilité est<br />
capitale <strong>pour</strong> recréer du lien entre les<br />
citoyens et le processus de construction<br />
européenne. »<br />
Erik<br />
Nyberg<br />
18 ans,<br />
lycéen,<br />
Suédois<br />
Raphaëlle d’Yvoire<br />
T« T Je<br />
découvre <strong>un</strong>e autre façon<br />
d’apprendre »<br />
Entre Göteborg, sur la côte ouest de<br />
la Suède, et Biella, dans le Piémont italien,<br />
il n’y a pas seulement 1 800 km de<br />
distance. « Je découvre <strong>un</strong>e autre façon<br />
d’apprendre », raconte Erik Nyberg,<br />
18 ans. Dans le cadre de l’actuel programme<br />
Comenius, il a quitté sa Suède<br />
natale, son frère et ses parents en septembre<br />
<strong>pour</strong> passer trois mois au Liceo<br />
Scientifico Avogadro, à Biella, petite ville<br />
du contrefort des Alpes. Il vit dans la<br />
famille d’Alessandro, 18 ans lui aussi,<br />
qu’il accueillera à Göteborg au deuxième<br />
trimestre. « Un bon ami », dit Erik Nyberg,<br />
avant de relever les différences<br />
entre son pays et l’Italie.<br />
Les cours, d’abord. « À l’école italienne,<br />
les méthodes sont si anciennes. Le professeur<br />
est le seul à parler pendant tout le<br />
cours. En Suède, il parle moins et s’occupe<br />
plus des élèves individuellement. » Le<br />
foyer, aussi. « À la maison, la mère fait<br />
presque tout, le ménage, la lessive, la cuisine.<br />
Chez moi, en Suède, on divise les<br />
tâches. Quand Alessandro viendra, il devra<br />
nettoyer sa chambre », prévient-il.<br />
De son séjour, qui s’achève dans moins<br />
de trois semaines, il retiendra <strong>un</strong>e découverte<br />
de l’Italie – Rome, Turin, Milan<br />
et peut-être bientôt du ski dans les<br />
Alpes –, des amitiés, <strong>un</strong>e maîtrise restée<br />
« très approximative » de l’italien, reconnaît-il,<br />
et la confirmation d’<strong>un</strong>e envie<br />
jusqu’alors seulement pressentie : celle<br />
de « travailler à l’étranger ».<br />
ppp<br />
M. M.<br />
DR
mercredi 30 novembre 2011<br />
Événement<br />
3<br />
DUART DANIEL/SIPA / SIPA<br />
DR<br />
étudiante en <strong>Erasmus</strong>. Bruxelles <strong>propose</strong> de financer le nouveau programme à hauteur de 19 milliards d’euros <strong>pour</strong> 2014-2020 : <strong>un</strong>e hausse de 85 %.<br />
ppp Florence<br />
Benoît-Rohmer<br />
58 ans, professeur, française<br />
T« T Les étudiants repartent<br />
avec <strong>un</strong>e meilleure<br />
compréhension de l’autre »<br />
Déjà, les noms et les lieux parlent d’<strong>Europe</strong>.<br />
Ancienne présidente de l’<strong>un</strong>iversité<br />
Robert-Schuman – l’<strong>un</strong> des pères fondateurs<br />
de l’Union – à Strasbourg – l’<strong>un</strong>e de<br />
ses villes emblématiques –, Florence Benoît-<br />
Rohmer, 58 ans, a participé à la création,<br />
en 1997, du Centre inter<strong>un</strong>iversitaire européen<br />
<strong>pour</strong> les droits de l’homme et la<br />
démocratisation (EIUC), à Venise. Elle en<br />
est aujourd’hui la secrétaire générale.<br />
L’initiative est collective. Avec neuf collègues<br />
– de neuf nationalités européennes –,<br />
cette professeur de droit public partage <strong>un</strong><br />
constat : l’approche des droits de l’homme<br />
est trop « franco-française », pas assez européenne.<br />
Délivrant <strong>un</strong> master européen<br />
des droits de l’homme, l’EIUC est financé<br />
par l’Union européenne. Il accueille <strong>pour</strong><br />
Maria-Cristina Lecchi<br />
64 ans, retraitée, Italienne<br />
<strong>un</strong> premier semestre 90 étudiants, des<br />
« <strong>Erasmus</strong> » originaires de l’Union, mais<br />
aussi de Chine ou d’Argentine, et les envoie<br />
dans <strong>un</strong> second semestre dans 41 <strong>un</strong>iversités<br />
de l’Union.<br />
« À leur départ, ils sont différents », note<br />
Florence Benoît-Rohmer, qui partage son<br />
temps entre Strasbourg, où elle enseigne<br />
le droit public, et Venise, où elle donne <strong>un</strong><br />
cours sur les mécanismes européens des<br />
droits de l’homme. « Chac<strong>un</strong> arrive avec<br />
des concepts très nationaux en matière de<br />
droits de l’homme : les Belges ne comprennent<br />
pas l’hostilité des Français au port du<br />
foulard à l’école, l’euthanasie est aussi <strong>un</strong><br />
sujet qui divise. Ces différences créent des<br />
débats très intéressants. Les étudiants repartent<br />
avec <strong>un</strong>e meilleure compréhension<br />
de l’autre. »<br />
De ces discussions ne naît pas <strong>un</strong> sentiment<br />
européen, mais <strong>un</strong>e « façon comm<strong>un</strong>e<br />
de penser les droits de l’homme »,<br />
estime-t-elle. Plus <strong>un</strong>iverselle, moins nationaliste.<br />
La vocation première de l’<strong>un</strong>iversité.<br />
Marianne Me<strong>un</strong>ier<br />
T« T Le plaisir d’<strong>un</strong> échange intergénérationnel »<br />
Maria-Cristina Lecchi vit à Isola delle Femine (« l’île des femmes »).<br />
Le nom de cette petite ville qui jouxte Palerme ne le laisse pas présager,<br />
mais les femmes n’y sont pas à l’honneur. « En Italie, et surtout en Sicile,<br />
les hommes pensent souvent que les femmes doivent rester à la maison,<br />
dit cette grand-mère francophone de cinq petits-enfants. Mais je dois<br />
encore donner et recevoir ! »<br />
Autrefois consultante auprès des m<strong>un</strong>icipalités – spécialisée dans les questions<br />
européennes – et vivant de « travail au noir », Maria-Cristina Lecchi a passé cinq semaines<br />
à Marseille cet automne dans le cadre de l’actuel programme Gr<strong>un</strong>dtvig. Elle<br />
y a partagé son temps, bénévolement, entre « Pistes solidaires », <strong>un</strong>e association<br />
d’éducation populaire, et « Jardins partagés », qui <strong>propose</strong> des parcelles cultivables à<br />
des familles défavorisées.<br />
L’Union européenne lui a versé « 400 à 500 € d’argent de poche » et a pris en charge<br />
le voyage ainsi que le logement, dans <strong>un</strong> appartement du 15 e arrondissement de<br />
Marseille hébergeant deux autres volontaires italiens – <strong>un</strong> homme et <strong>un</strong>e femme.<br />
« Une expérience avec des surprises : le monsieur croyait que nous étions à son service !<br />
Il n’avait pas bien compris le partage des tâches. »<br />
De ses semaines marseillaises, Maria-Cristina Lecchi, qui n’a « pas les moyens de<br />
voyager », retient surtout « le plaisir d’<strong>un</strong> échange intergénérationnel ». « Nous avons<br />
travaillé d’égal à égal et de manière très professionnelle avec des je<strong>un</strong>es femmes de 30 ans,<br />
explique-t-elle. En Italie, nous en avons perdu l’habitude. » M. M.<br />
Vu de france<br />
Des étudiants de plus en plus ouverts<br />
sur le monde<br />
ddPlus de 30 000 Français<br />
bénéficient chaque année<br />
du programme <strong>Erasmus</strong>.<br />
ddDe plus en plus d’étudiants,<br />
notamment ceux des grandes<br />
écoles, effectuent des séjours<br />
ou des stages loin de l’<strong>Europe</strong>.<br />
Elle n’est pas championne<br />
d’<strong>Europe</strong> mais presque. La<br />
France est, après l’Espagne, le<br />
pays qui compte le plus de bénéficiaires<br />
du programme <strong>Erasmus</strong>.<br />
Elle a même franchi <strong>un</strong> cap<br />
au cours de l’année <strong>un</strong>iversitaire<br />
2009-2010, avec <strong>un</strong> peu plus de<br />
30 000 je<strong>un</strong>es partis étudier ou<br />
accomplir <strong>un</strong> stage dans <strong>un</strong> autre<br />
État membre de l’UE, contre à<br />
peine 13 000 dix ans auparavant.<br />
Faut-il y voir l’influence de<br />
L’Auberge espagnole, le film de<br />
Cédric Klapisch dépeignant la<br />
vie débridée de je<strong>un</strong>es Européens<br />
lors d’<strong>un</strong> séjour d’études<br />
à Barcelone ? L’Espagne, encore<br />
elle, demeure la première destination,<br />
plébiscitée par plus<br />
d’<strong>un</strong> participant français sur<br />
cinq (22 %) à ce programme de<br />
mobilité. Suivent la Grande-Bretagne<br />
(18 %) et l’Allemagne<br />
(12 %).<br />
Pour beaucoup d’étudiants,<br />
passer les frontières <strong>pour</strong> enrichir<br />
sa formation et découvrir<br />
<strong>un</strong> ailleurs est devenu quelque<br />
chose de naturel. On estime à<br />
16 % la part des je<strong>un</strong>es qui effectuent<br />
durant leur cursus <strong>un</strong><br />
séjour à l’étranger. Les occasions<br />
varient cependant assez fortement<br />
en fonction de la discipline<br />
(41 % des « <strong>Erasmus</strong> » français<br />
étaient inscrits dans la filière<br />
« Sciences sociales, commerce<br />
et droit », 20 % avaient opté <strong>pour</strong><br />
les sciences humaines ou les<br />
arts), du niveau du diplôme et<br />
du type d’établissement. Ainsi,<br />
45 % des élèves des grandes<br />
écoles ont-ils la possibilité, voire<br />
l’obligation d’aller étudier dans<br />
<strong>un</strong> autre pays.<br />
À l’École supérieure des<br />
sciences commerciales d’Angers<br />
(Essca), par exemple, chaque<br />
élève est tenu de passer au moins<br />
six mois à l’étranger. Un système<br />
de points a été institué. Les<br />
meilleurs peuvent choisir leur<br />
destination. Et ils n’ont que l’embarras<br />
du choix puisque leur<br />
école a signé des partenariats<br />
avec quelque 160 établissements<br />
répartis dans <strong>un</strong>e bonne quarantaine<br />
de pays, sur <strong>tous</strong> les<br />
« La mobilité ne concerne<br />
pas suffisamment<br />
les étudiants de licence<br />
ou de BTS. »<br />
Paroles<br />
Philippe<br />
Cirier<br />
Président de In Up, cabinet<br />
de conseil en recrutement<br />
et en ressources humaines<br />
« Une ouverture<br />
d’esprit<br />
précieuse »<br />
« Même si elle n’est pas mise<br />
en application dans <strong>un</strong> premier<br />
poste occupé par <strong>un</strong> je<strong>un</strong>e, l’ouverture<br />
acquise par <strong>un</strong>e formation<br />
à l’étranger de type <strong>Erasmus</strong><br />
est essentielle. Tout d’abord, la<br />
maîtrise d’<strong>un</strong>e langue étrangère<br />
est désormais incontournable.<br />
Beaucoup de candidatures sont<br />
éliminées immédiatement si ce<br />
n’est pas le cas. Par ailleurs, <strong>un</strong><br />
séjour à l’étranger permet d’acquérir<br />
<strong>un</strong>e ouverture d’esprit et<br />
des capacités d’adaptation précieuses,<br />
ainsi que des méthodes<br />
de travail et <strong>un</strong> réseau personnel<br />
qui peuvent bénéficier à sa carrière<br />
professionnelle. Il faut<br />
simplement compléter l’ouverture<br />
<strong>Erasmus</strong> par la spécialisation<br />
réclamée par les entreprises<br />
françaises ».<br />
Recueilli par Vincent de Féligonde<br />
continents. L’Essca dispose<br />
même de ses propres campus à<br />
Budapest et à Shanghaï. Chaque<br />
année, elle envoie 40 à 50 élèves<br />
sur chac<strong>un</strong> de ces sites. « Grâce<br />
au jeu des partenariats, les séjours<br />
à l’étranger n’occasionnent<br />
pas de frais d’inscription supplémentaires<br />
», précise la direction<br />
de la comm<strong>un</strong>ication de l’école.<br />
La mobilité a tout de même<br />
<strong>un</strong> coût, quand bien même on<br />
peut solliciter des bourses. Et si<br />
de plus en plus de je<strong>un</strong>es Français<br />
en bénéficient, <strong>tous</strong> ne partent<br />
pas dans les mêmes pays.<br />
« Il y a vingt ans, la mobilité européenne<br />
bénéficiait beaucoup<br />
aux enfants des catégories socioprofessionnelles<br />
supérieures », se<br />
souvient Philippe Loup, président<br />
de la Fage, deuxième syndicat<br />
étudiant. « Aujourd’hui,<br />
beaucoup d’étudiants issus des<br />
classes moyennes partent en <strong>Europe</strong><br />
grâce à <strong>Erasmus</strong>. Ceux dont<br />
les parents appartiennent aux<br />
catégories sociales supérieures visent<br />
souvent des destinations plus<br />
lointaines, comme l’Amérique du<br />
Nord ou l’Asie du Sud-Est », notet-il.<br />
« La démocratisation de la<br />
mobilité reste insuffisante », estime<br />
<strong>pour</strong> sa part Jean-François<br />
Bernardin, qui vient de signer<br />
sur ce sujet <strong>un</strong> rapport du<br />
Conseil économique, social et<br />
environnemental. « Elle ne<br />
concerne pas suffisamment les<br />
étudiants de licence ou de<br />
BTS », déplore-t-il. Or,<br />
plaide le président honoraire<br />
de l’Assemblée des<br />
chambres de commerce,<br />
faire partir le plus grand<br />
nombre de je<strong>un</strong>es à<br />
l’étranger dans le cadre de stages<br />
ou de séjours d’études est <strong>un</strong>e<br />
façon de réduire les inégalités<br />
au moment de l’entrée sur le<br />
marché du travail. « Dans <strong>un</strong><br />
monde de plus en plus ouvert, il<br />
faut commencer très tôt à développer<br />
ses capacités d’adaptation<br />
à des <strong>un</strong>ivers différents », soutient-il.<br />
Certains lycéens français l’ont<br />
bien compris. Ils sont près de<br />
200 cette année à étudier – <strong>pour</strong><br />
u n e d u r é e m o y e n n e d e<br />
trois mois – chez nos voisins<br />
européens, dans le cadre du programme<br />
Comenius « mobilité<br />
individuelle des élèves ».<br />
DENIS PEIRON