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affaires relevant du système formel et juger<br />
les affaires les moins complexes. Ils apportent<br />
également une aide précieuse, sous la<br />
forme d’éléments d’établissement de la vérité<br />
et de réconciliation qui sont des composantes<br />
essentielles de la justice réparatrice. Ces<br />
systèmes peuvent toutefois avoir des effets<br />
mitigés pour les femmes. D’une part, la participation<br />
à l’établissement de la vérité peut<br />
permettre aux femmes d’assumer de nouveaux<br />
rôles publics ainsi que d’exiger des<br />
réparations pour les atrocités sexospécifiques<br />
commises en temps de guerre 36 . D’autre part,<br />
en l’absence de dispositions particulières<br />
systématiques pour protéger les survivantes<br />
(et les témoins) et pour recruter des femmes<br />
parmi les magistrats, il est peu probable que<br />
les femmes voudront tirer parti de ces possibilités.<br />
Par exemple, le processus et les<br />
principes mêmes de systèmes de justice informelle,<br />
à savoir la confrontation publique<br />
et la réconciliation entre la victime et le<br />
transgresseur, sont incompatibles avec les<br />
principes essentiels pour la sécurité et la dignité<br />
des survivantes de la violence sexuelle.<br />
L’encadré 5B expose en détail ces problèmes<br />
dans ceux de ces mécanismes de justice informelle<br />
de transition qui sont peut-être les plus<br />
connus, les tribunaux gacaca au Rwanda.<br />
Garder les gardiens : jeu<br />
de la redevabilité dans le<br />
système de justice<br />
Lorsque l’appareil judiciaire national ne remédie<br />
pas à leurs griefs, les femmes s’adressent<br />
ENCADRÉ<br />
5B<br />
Les tribunaux gacaca et la justice transitionnelle au Rwanda<br />
Les tribunaux gacaca, système traditionnel de résolution des confl its à base communautaire du Rwanda, connaissaient de longue date<br />
des crimes contre la propriété et des différends civils au niveau local. À la suite du génocide de 1994, le Gouvernement rwandais a révisé<br />
ce mécanisme autochtone et lui a attribué des compétences concernant certains crimes de génocide. Les tribunaux gacaca sont controversés<br />
du fait qu’ils ne se conforment pas aux normes juridiques internationales, en particulier pour ce qui a trait aux droits des accusés,<br />
mais ils sont considérés par beaucoup comme un instrument imparfait mais nécessaire pour relever les défi s de la justice transitionnelle<br />
post-génocide. Les tribunaux siègent en plein air et tiennent audience une fois par semaine dans plus de 10 000 juridictions locales; ils<br />
traitent des milliers d’affaires que le système judiciaire formel ne pourrait pas traiter. L’accent étant mis sur la découverte de la vérité, les<br />
tribunaux, le processus des gacaca est conçu pour établir la redevabilité individuelle et promouvoir la réconciliation.<br />
Les femmes, qui constituent la majorité des survivants et des témoins, jouent un rôle important dans le système des gacaca. Alors que<br />
dans le passé, elles n’étaient pas autorisées à faire offi ce de juges, le Gouvernement rwandais a exigé qu’au moins 30 % des juges soient<br />
des femmes. Selon une juriste, « la base communautaire des gacaca permet aux femmes de participer au processus à différents niveaux,<br />
reconnaît leur rôle dans la réconciliation et leur confère une identité autre que celle de victimes i ».<br />
Les activistes locaux et internationaux ont également su attirer l’attention sur l’emploi généralisé de la violence sexuelle en tant qu’instrument<br />
de génocide. Bien que les chiffres exacts ne seront sans doute jamais connus, on a estimé que « dans leur quasi-totalité », les<br />
fi lles et les femmes ayant survécu au génocide avaient été « soit des victimes de viol ou d’autres agressions sexuelles, soit profondément<br />
affectées par des actes ii ». Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Rwanda a constaté que pendant le génocide, « le viol était<br />
la règle et son absence l’exception iii ».<br />
Reconnaissant la brutalité, la fréquence et l’intention génocide de ces crimes, le gouvernement a classé la violence sexuelle parmi les<br />
crimes de catégorie 1 dans la législation gacaca, avec les autres violations les plus graves, notamment la planifi cation du génocide. On<br />
a pu se demander si cette classifi cation du viol et de la violence sexuelle avait amélioré la redevabilité envers les femmes. Bien que les<br />
témoignages et les preuves initiales soient recueillis lors d’audiences communautaires Gacaca, ce sont les tribunaux formels qui ont compétence<br />
pour les crimes de catégorie 1; ils prononcent des jugements offi ciels et peuvent infl iger des peines plus lourdes que les tribunaux<br />
gacaca, mais leurs procédures sont plus lentes et ils sont plus diffi ciles d’accès pour les victimes, du fait des distances et des dépenses.<br />
En confi ant les crimes de cette catégorie aux instances formelles, on reconnaît leur gravité, mais on élimine aussi les communautés locales<br />
des délibérations sur la violence sexuelle, la responsabilité de protéger et la redevabilité.<br />
Les groupes de survivants et de défense des droits fondamentaux ont documenté des cas d’intimidation de témoins dans tout le pays<br />
et l’on a signalé des meurtres de témoins en représailles iv . Les normes sociales et culturelles, ainsi que la crainte, continuent d’empêcher<br />
les femmes de témoigner dans les cas de viol et donc d’accéder à la justice. Il n’y a pas eu au Rwanda, comme il y en a eu durant les<br />
travaux de la Commission de vérité et réconciliation en Afrique du Sud, d’auditions spéciales réservées aux femmes et consacrées à la<br />
violence sexospécifi que. S’il devait y en avoir avant la fi n du processus de justice transitionnelle, de telles auditions pourraient être utiles<br />
pour mettre en évidence les défi s de la redevabilité.<br />
84 LE PROGRÈS DES FEMMES À TRAVERS LE MONDE 2008/2009